Cela remonte à plusieurs millénaires, alors que les elfes étaient une race parsemée, mais proliférante, se trouvant dans les confins et alentours du grand monde qu’est Sekai. Dans un lieu perdu de l’histoire et des esprits, le déchaînement violent d’un personnage créa une vague de panique, de terreur, d’horreur, et de de sang.

“Non ! Cours ! ne vas pas par là, laissez les à ces…”

Sans attendre, une, deux puis trois créatures se jetèrent sur lui. Parmi les victimes, notre protagoniste fut retrouvé gisant sur le sol, agonisant, son sang ne laissant couler qu’une mince ligne le long de son cou, de son bras, et de sa jambe. Une mort semblable à celle d’une proie sans défense, agressée par des prédateurs à la soif inextinguible. Mais cette vie allait en faire suivre d’autres. Ainsi s'acheva la vie d’un elfe, pour en commencer une nouvelle sur un ton plus valeureux, et dans le camp des gagnants.

Des cris de rage, de colère, d’agonie et d’effroi, notre héroïne n’était qu’une simple soldate, certes, mais une dévouée à la cause de son maître Vaal. Celui-ci voulait à tout prix prendre une revanche certaine contre son ancien peuple qui, l’ayant rejeté, niait en bloc la grande puissance du vampire. Dans un moment d’égarement, ce dernier allait subir un coup mortel, qu’aucun vampire, quelque soit sa résilience, pourrait supporter. Dans une intervention quasi-surnaturelle, mêlant à la fois le sens du devoir et d’abnégation, la protagoniste s’interposa, prenant de plein fouet le coup destiné à son maître.

“Pour… Maître Vaal… Longue vie… au Maître…”

Ce fut les derniers mots de celle-ci, se désagrégeant dans le néant, une larme flottant dans les airs. Une mort qu’elle ne regrettait point. Au contraire : mourir à ses côtés était ce que rêvais cette jeune femme au teint blâfard.

“Suivez-moi !”
“Mais… Jeune recrue, que vous arrive-t-il ?”
“Un mauvais pressentiment. Il faut rejoindre la reine !”

Sans attendre une seconde de plus, le jeune garde s’était mis en mouvement pour rejoindre celle qui était la raison de son métier, la raison pour laquelle il était prêt à protéger jusqu’au péril de sa vie, jusqu’à nier toute interdiction pour…
Il se fit tirer en arrière, avant qu’un autre groupe le devance, armes dégainées. Se relevant difficilement, il se remit en route, atteignant la destination. Tous ceux présents s’étaient soit voilés les yeux, soit s’étaient retournés de pudeur. Notre protagoniste n’en avait cure. Il sentait dans l’air quelque chose de vicié, de mauvais. Il ne pouvait pas mettre la main dessus, mais la sensation paraissait à la fois si étrangère, et si familière.

Enchaîné, maltraité, usé de toutes parts, les affres du temps et du corps avaient meurtri sa peau autrefois douce, belle et parfaite. Sa silhouette féminine n’était que distraction et plaisir à ceux qui venaient la rencontrer, pour y faire affaires. Un jour, il passa, venant lui demander si elle souhaitait échapper à cette triste vie, en rejoignant sa collection. Une offre qu’elle considéra, avant d’accepter.

Elle était dans son château, impatiente de pouvoir commencer à œuvrer pour son sauveur. Cependant, ce fut un coup net, bien placé, et un flot de sang s’échappa de l’entaille créée. Il s’avérait que celui qui l’avait amené s'était rendu compte d’une erreur, une erreur qu’il n’hésita pas à faire part : elle se confondait dans le décor, et donc, n’était pas inestimable. De cette simple raison, une larme coula, une unique et une seule, le long de sa joue, se mêlant au liquide rougeâtre, se teintant de plus en plus vers sa couleur sombre.

Shoumei n’avait qu’une parole : une ordalie annoncée et décidée, la famille devait s’y soustraire. Pour le père, survivre à l’orage qui allait frapper dans la montagne, muni d’un moyen pour attirer la foudre sur lui, il ne pouvait même pas encaisser le second coup, s’effondrant raide mort. Pour la mère, on testa sa résilience à une charge pleine, des sacs de minerais de fer, attachés autour de son cou par le biais de cordes en chanvre. Lorsqu’ils les poussèrent dans le vide, quelque chose se brisa, et suivit dans sa chute au fond du ravin. Et ce n’était pas les liens.

Quant au petit enfant, même si innocent qu’il soit, la punition divine devait s’appliquer à tout, à moindre mesure. Sur un petit sentier de verre pilé, il devait s'exécuter dans une marche sacrée. Ses pieds sanguinolents, des pleurs à ne pas cesser, ces derniers n’avaient pas espérer qu’une si simple tâche, se transforme en supplice, et en peine de mort pour le plus jeune d’entre eux. Victime d’une maladie sanguine, le sang coulait bien plus que la normale.

Dans cette douleur non ressenti, quelque chose d'inattendu arriva : un flot de souvenirs de plusieurs époques, de plusieurs lieux, de plusieurs âmes se réveillèrent. Le visage distordu n’était plus dû aux pleurs, mais à de la colère, de la frustration… De la haine. Non pas contre l’unique personne revenant sans cesse dans son esprit, mais dans ceux qui l’infligèrent l’ordalie en ce moment même. D’une réflexion mature digne d’un adulte ayant vécu plusieurs vies, un désir de vengeance contre le divinisme s’était mis à germer, et en une croissance fulgurante, avait pris forme dans l’esprit du jeune enfant, nommé Crocell.

Le paysage reikois était différent, surtout lorsque le climat shoumeien était plus clément envers son peuple. Là, tout était question de survie. La traversée du désert était un supplice, mais plus une épreuve pour le demi-oni qui, à chaque pas, même si ses cicatrices avaient légèrement guéris, l'approchait peu à peu de la fin, tant la déshydratation et la famine le guettait.

Dans sa convalescence, un famille de bédouins l’avait recueillie. À son réveil, un bol d’eau et de nourriture l’attendait, mais aussi des vêtements bien plus adaptés à la traversé du désert. Il n’était pas seul dans la pièce. La famille adoptive l’attendait, avec un objet en métal brûlant, un symbole draconique sur le bout chauffé à blanc. D’instinct, il essaye de bouger, mais des liens solides le retenait contre le sol. Puis la femme, la fille et enfin, le père de famille le maintinrent au sol, avant qu’une tierce personne apposèrent l’outil flamboyant sur le torse, cote gauche, non loin du cœur, pour le marquer à vie. Une marque qu’il allait devoir endosser, car à présent, il était d’un rang social bien plus bas qu’à sa naissance : il était devenu esclave de nomades du désert. Un événement qui ajoutait plus de hargne dans la suite de son histoire.

Comme l’obligeait le système, à ses 12 ans, le jeune Crocell fut engagé à servir son pays par le biais d’un service militaire, pour une durée de 5 ans. Sur la première année, son statut de moins que rien rendait la tâche difficile pour se faire respecter de ses pairs, et la seconde encore plus intense. Mais la troisième année, il eut un déclic : s’étant montré un certain talent dans la gestion de stratégies peu conventionnelles, et misant le tout sur peu de chances de gagner, il s’était forgé une réputation d’un demi impassible et inconscient, mais où tout moyen était bon pour assurer une victoire totale, tout en gardant l’honneur intact. S’étant passioné pour les jeux de logique, il se fit rapidement un nom dans son unité de formation, avant de se faire repérer par un officier royal, pour son dévouement et ses compétences. Voyant son rang d’esclave, il décida de l’affranchir à terme de son service militaire,, officialisant mieux sa nationalité reikoise, en le permettant d’aller voir un TOCR, gravant à même sur l’endroit de la cicatrice, le tatouage reikois si valeureux, et si honorifique.

C’est à ce moment-là que les machinations du jeune homme allaient pouvoir se créer, et s'exécuter. Premièrement, se venger de la famille qui, pensant être des sauveurs, n’a été que des tortionnaires. Retrouvant leurs traces par diverses informations, il attendit qu’aucun témoin ne pourrait le surprendre. À l’orée d’un point de ravitaillement, à la nuit, le demi-oni usa de ses nouvelles compétences fraîchement acquises grâce à l’entraînement, pour mettre fin à la vie de ses ex-détenteurs. Il n'hésite pas à laisser leurs cadavres au milieu du désert, à la merci des créatures carnivores et nécrophages.

Entre temps, il développa une fascination dans la magie psychique : il cacha  seulement ses capacités à ressentir par le biais d'un toucher, ou de communiquer avec des vestiges magiques pour en retrouver la vérité, en scrutant le passé. Le reste, à savoir bouger les objets par la pensée, n'était pas trop mis sous couvert aux yeux de tous. De plus, il développa une affinité pour la feu. Un entraînement qui, malgré ce qu’on disait sur le côté oni magique, le côté humain permettait sa facilité d’apprentissage en un temps plus que correct.

Au cours des années suivantes, Crocell se forgea un nom : une personne dévoué à sa nation, prêt à tout pour mater les récalcitrants. Enfin, cela fut vrai, jusqu’au moment où Tensai envahit le Reike. Tous tentèrent d’arrêter l’envahisseur. Tous sauf le mage. Là où certains se battaient, le demi, lui, offrait généreusement des informations clés au chef ennemi. Ce fut même la raison même de la chute de Kyouji. Il n’avait pas honte, car comme il le disait toujours :

“Je suis toujours du côté des vainqueurs. Plus jamais je connaîtrai la sensation d’être faible et perdant. Plus jamais.”

Malgré tout, il jouait un double jeu, car ce qu’il savait, il le partageait avec ceux qui le méritait, ami ou ennemi, par simple profit, pour que d’une certaine manière, une redevance naissait entre les deux partis. Si l’autre côté manquait à son devoir ou tentait de faire choir Crocell, il s’assurait qu’une disparition due à une rencontre tragique intervienne par pur hasard.

Un beau jour, il rencontra un elfe, présentant une prestance et un calme olympien? Était-ce du à une expérience du domaine ? Ou simplement son caractère naturel ? Mais au plus profond, le reikois voyait en lui différentes émotions : dégoût, admiration, haine, dévouement. Ces sentiments, refirent surgir d’anciens souvenirs de ses réincarnations passées. Cet elfe était de près ou de loin lié au jeune demi-oni.
De ce fait, gardant son poste de Kyouji, il apprit bien après qu’il allait devoir servir cette personne-même : Vaal Yesfaren. Le courant passait extrêmement bien entre les deux, étant des esprits à la vision simple et fixé vers un objectif quasi-commun.

Ensemble, ils allaient pouvoir faire de Kyouji, une ville dans laquelle le Reike serait fier de la posséder.

Que pouvait-on vraiment prévoir ? Jusqu'à quel moment, on se devait de dire au Destin, auquel le sort s'acharnait de manière à la fois directe et indirecte au conseiller, d'aller se faire voir ?

L'année de son service avec son seigneur vampire n'avait pas compté de jours très stables : entre les événements de Shoumei, l'assassinant de la reine Ayshara, l'assaut mystérieux au temple du Soleil et de la Lune, ce dernier n'avait pas trouvé un instant de repos. De plus, il dut gérer un tas d'affaires sous-jacentes, l’enfonçant de plus en plus dans des intrigues politiques, qui le dépassait complètement, et qui mettait vite en péril son poste, qu'il avait mis un temps précieux à sécuriser.

Puis, un holmgang : Rengoku contre Vaal, qui se solda par la victoire de la lumina. La ville de Kyouji perdit son dirigeant, des relations, des traités, tout partit à l'eau lors de sa mort. Une nouvelle fois, il fut séparé de lui, et cela, pour toujours. Et au même instant, ce fut l'éveil de titans, où le couple royal déclara ouvertement leur conviction de réprimer, une bonne fois pour toutes, la menace divine qu'ils représentaient.

De son côté, Crocell maintenait au mieux la situation dans la ville. Entre les approvisionnements à donner, les entraînements à superviser pour fournir une élite pour les combats, et l'afflux de réfugiés shoumeiens, les rouages incessants du temps ne semblaient que s'accentuer. Savoir que ces gens se déversaient en sa ville, son territoire, le rendait malade, aussi bien qu'un jour, on l'aurait vu balancer un bureau à travers sa pièce, direction le balcon. C'en était assez. Il décida de laisser la ville à celui comme étant "son bras droit", pour aller se défouler un peu. En premier lieu, il utilisa son charisme pour motiver les troupes, et galvaniser les prouesses lors de certains conflits. Il prenait même part à des assauts, malgré la maladie qui l'affligeait. Il était devenu arrogant, frôlant presque entre des actes emplis d'un courage inébranlable, et ceux d'une folie suicidaire. Puis, au bout de quelques semaines, une vague de lassitude lui pris au corps.

Il retourna sur le territoire reikois, vagabond, restant le plus discret possible. Il perdit même la maîtrise de son feu. Ce n'était qu'en revisitant des lieux significatifs, mémoires d'outre-tombes de ses vies passées, qu'il retrouva en lui, comme une flamme d'ambition. De ce voyage presque spirituel, il changea du tout au tout. Du moins, plus physiquement que mentalement, car il avait retrouvé la même hargne, la même volonté de réussir là où il siégeait. Mais en tant que conseiller, il ne pourrait rien accomplir. Il se rappelait des paroles sages du Seigneur Yesfaren : de voir plus grand.

Ainsi, dès lors que la guerre fut terminée, et après trouvé une nouvelle affinité élémentaire, Crocell revint à Kyouji, et réclama le trône de Seigneur de Kyouji. Pour cela, il usa de ses relations passées pour accéder au poste. Cela prit plusieurs mois, mais grâce à certains de ses actes de bienveillance, et un soutien plutôt inattendu de certains, il obtint le droit de devenir le nouveau seigneur de Kyouji. En l'honneur de son défunt mentor, maître, et ami, il choisit comme nom de famille Yesfaren, pour juste officialiser son statut de noble. Cependant, il préférait qu'on use de son prénom.

À présent, malgré tous les changements de lois, comme l’esclavagisme, le demi-oni était prêt à diriger d'une main implacable les projets que lui et Vaal avaient décidé plusieurs années de cela. Son maître avait, malgré tout, plusieurs secrets, et c'était bien l'instant propice pour fouiller les mystères qu'il avait ensevelis lors de sa mort. Dans le palais, aucun esclave n'est présent : tous affranchis, ils sont restés, car l'homme de pouvoir a su se faire entendre, lorsqu'il leur proposait bien de rentrer chez eux, si on venait à les attendre quelque part. En échange de quoi, il s'assurait de leur protection, et une éducation digne pour montrer les progrès que lui, et le peuple de Kyouji, pouvait porter à Sekai.

Pour les réfugiés, shoumeiens et autres, il fit ce que devait faire tout bon dirigeant : leur disposer un quartier propre à eux, ainsi qu'un respect vis-à-vis de leur culture. Mais, de cette manière, il cherchait aussi à les convertir, en chargeant certains prêcheurs du Shierak de venir leur inculquer certaines notions de leur religion. De plus, il faisait en sorte que leur déplacement était limité, pour éviter une révolte, un soulèvement dans sa cité. En effet, ce n'était pas des citoyens reikois pour le départ, mais une fois leur tatouage, il était à appliquer le libre passage à ces derniers.