Tout chez Imelde, tout, absolument tout est fait pour passer inaperçu.

Sa carcasse est frappée d’une minceur affligeante, qui s’accroche à sa peau comme le lierre à l’écorce. Son corps est enfermé dans des tenues discrètes, mais, esthétiques, comme si elle souhaitait se dérober volontairement des regards. Ses jambes sont fines et fuselées, et sont pour la plupart prisonnières dans des tons assombris et trompeurs. Son buste est décharné de formes arrondies, les hanches sont étroites, surélevées par des côtes fragiles et plus saillantes que la norme, aiguisant sa chair.  Lui offrant un air misérable et affaibli qu’elle tente de dissimuler par des hauts plus amples.

Son visage, éclaboussé de constellations de taches de rousseurs, est encadré d’une chevelure nébuleuse tranchant avec son teint laiteux. Indisciplinée, sa chevelure serpente comme un sinistre courant boueux jusqu’à la chute de ses reins. Ses yeux, étirés en amande, ne reflètent aucune chaleur, si ce n’est que par quelques vagues insolentes non dissimulées.

De loin ; elle ne dégage absolument rien, comme une fleur sans parfum. Mais lorsque l’on s’approche d’un peu plus près, un charme discret, presque timide, semble s’élever telle une brume confuse lorsqu’on s’est habitué à une fille qu’on ne pensait pas jolie. Cela paraît surprenant, telle l’étreinte d’un serpent invisible autour du cou.
 
Et d’un peu plus près, ses yeux paraissent tout aussi saisissants : une flamme silencieuse avive ses prunelles ébène, comme l'éclat vivace de braises tapis sous le charbon. Le jais de ses yeux appelle vers des profondeurs vertigineuses et le silence d'un océan sombre, qu’aucune lumière ne perce au travers de la surface. Sous ses pieds, les ténèbres. Les stries de ses iris se tachent d'ombres frémissantes, bordées d'une lisière grise, qui se déverse tel un ruisseau de cendres sur la terre.

Et ce physique, n’est qu’un habile trompe-l'œil de l’intensité qui bouillonne dans ses veines. De l’orgueil déplacé, Imelde en est pétrie, la rendant éperdument têtue et enracinée dans des idées. Faite d’une intelligente provocatrice, presque mordante, et d’un humour sarcastique, cinglant qu’elle n’offre qu’aux plus proches.

Redoutable dans les moyens qu'elle sait mobiliser pour atteindre ses buts, redoutable dans cette intelligence malsaine qu'elle a découvert dans son approche de la Magie, détestable malgré ce sourire sans chaleur. Redoutable dans cette élégance discrète, dans cette influençabilité apparente, cette fragilité maquillée. Venant d'un monde d'apparence où il convient de régner en toutes circonstances. Qu'elle ne devienne jamais la viande que l'on jette en pâtures, où les loups se jettent sinistrement.

C’est une sanguine qui a rendu ses colères silencieuses et fait taire ses sursauts d’impulsivités, au profit d’un masque d’argile.

Une pluie drue, pourtant la chaleur est insoutenable.
Mon souffle est saccadé.
Dans ma main ; je maintiens et brandis une épée visqueuse.

Un déchaînement de traits d’acier soulèvent la poussière du sol ; mon bras vole et s’abat sur mes ennemis. La sueur dégringole entre mes sourcils, coulent sur mes yeux dans des traits déformés par la rage du combat. Où est-ce peut-être du sang ? Un cri de douleur enflamme ma gorge ; le choc d’un bouclier me propulse sur le parterre devenu boue.

Je veux me redresser, mais je m’enfonce dans le sol s’ouvrant sous mes pieds, mon souffle enragé emplit mon heaume. Je ne vois pas venir la lame qui me terrasse dans le dos. Un ouragan de douleurs éclate dans mon dos et distille des traits de feu dans chacun de mes nerfs.

Je vacille, mes doigts s’écartent et lâchent mon arme.
Mes yeux s'affaissent là où la lame me transperce et d’où le sang s’échappe en bouillons.

Le monde devint flou, l'horizon s'abîme, et le soleil se voile. La terre meuble accueille mon visage, la boue envahie mon palais, j'entends le martèlement des pas qui s'éloignent au galop de ma maudite carcasse fatiguée.

L'air pénètre mes poumons sifflants. Ma rage se déchire, emportée par la brise du ciel. Puis soudain ; je suis projeté dans une voûte sombre où s'esquissent des spectres bleutés que je ne distingue qu'à moitié. Derrière ce voile, cette illusion de mort ou de vie, il n'y a rien. Que du vide.

J’eus tout oublié.

Je me souviens d’un dernier et premier cri, le vestige écho d’une rancœur qui se transforme bientôt dans le cri insurgeant d’un bambin.

Ainsi, Imelde du clan Gonthéon est née.


[uc]

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