Echoppe, roulotte ou auberge ambulante !


  Roulotte tractée par Gribou, elle est petite, modulable et toujours remplie à bloc. Lors des rares occasions où elle tourne à vide la caravane peut servir de lieu de couchage mais en pratique ce sont les marchandises et le matériel qui prennent la place de Gaston et Podric qui, eux, plantent leurs tentes en extérieur. Lors des haltes, des auvents en toile sont tendus pour délimiter un espace en dessous duquel une grande table et des tabourets de voyage peuvent être dépliés. Depuis quelques années, une simple charrette tirée par une mule a été ajoutée à l'ensemble afin d'augmenter la capacité de transport.

« Gaston est grand, beau et jeune. Enfin... Tout est une question de point de vue !
Grand parmi les gobelins, beau parmi les orcs et jeune parmi les elfes. »
   Il est en réalité un demi-nain assez peu remarquable, pas très haut, assez trapu et la chevelure blanche. Gaston a l’œil souriant, les sourcils épais et le nez rond. Il arbore une pilosité faciale bien fournie qui fait sa fierté et que, bien qu’il ne soit pas coquet, il entretient avec soin et attention. Ainsi sa barbe, lorsqu'elle n'est pas laissée libre, est parfois nouée, tressée ou ornée de quelques bijoux. Sa peau est d’un teint clair discrètement bronzé et aux rides florissantes tannées par les années et le soleil.

   Sans pour autant s’habiller avec une élégance particulière, Gaston se soucie de son accoutrement qu’il considère comme une des principales interfaces entre la personnalité intérieure et les individus extérieurs. Son style vestimentaire est un hybride entre voyageur et marchand. Il est généralement vêtu de longues tuniques dans des tons bleus ou oranges ternis par le temps et l’usage. A la taille il porte une bande de tissu colorée nouée sur le côté ainsi qu’une ceinture de cuir à laquelle sont suspendues quelques poches et sacoches. Par ailleurs, il n'est pas rare de l’apercevoir coiffé d’un turban ou d’un large chapeau. Selon le contexte il peut aussi quelquefois porter un plastron de cuir souple sous ou par-dessus la tunique et, en cas de froid, un manteau ainsi qu'une écharpe de fourrure. Enfin, lorsqu'il cuisine ou sert des clients, il peut parfois enlever sa tunique et enfiler un tablier d'aubergiste par-dessus une simple chemise en lin, torchon à l'épaule et manches retroussées.

   Pour finir il serait dommage de ne pas mentionner l’origine de « CourtePlume » qui, au fil du temps, a supplanté le réel patronyme de Gaston. Depuis son enfance Gaston a toujours pris plaisir à s’affubler d’une plume d’oiseau, qu’elle soit plantée dans sa coiffe, glissée à sa ceinture ou nouée à son sac. Avec les années il s’est constitué une petite collection de plumes dignes d’intérêt qu’il sort à certaines occasions particulières mais, le reste du temps, il se contente de plumes trouvées sur son chemin qu’il change périodiquement.

« Certains collectionnent l'or, certains les gloires, d'autres encore le pouvoir.
Moi ? Je collectionne les rencontres et les souvenirs. »
   Gaston est avant tout un bonhomme bienveillant et bon vivant. Certes, il n'est pas le plus délicat et la subtilité n'est pas toujours sa spécialité mais c'est un compagnon de qualité : Joyeux, intéressé, bavard et d'une grande ouverture d'esprit.

   Sans pour autant être téméraire, l'aventure ne l'effraie pas et le danger ne le paralyse pas. Cela étant dit, il est conscient de ses piètres capacités de combat et préférera toujours au mieux le dialogue et au pire la dissuasion.

   Sa curiosité est peut-être une de ses plus grandes caractéristiques, connaître le monde et découvrir ceux qui l'occupent, comprendre le « Qui ? », le « Pourquoi ? » et le « Comment ? ». Il n'est pas un érudit ou un sage, n'ayant ni la connaissance de l'un ni l'expérience de l'autre, mais sa soif d'informations et son habitude de lire et troquer des livres au cours de ses voyages ont fait de lui quelqu'un de bien informé et plutôt instruit.

   Au fond, cette curiosité parfois excessive pourrait bien être un mécanisme de défense inconscient. Bien enfoui sous les aventures et la boisson se trouve un trouble comme une nappe de brume au fond de son âme. L'incertitude de la vie, de la mort et de sa place à lui, Gaston, dans tout ça. Masquée sous le bruit incessant de cette course à la découverte effrénée se trouve une peur simple et presque enfantine de sa propre mortalité et de la fragilité de tout ce qui l'entoure. Mais enfin, cette digression un peu morose ne doit pas nous éloigner de l'image débonnaire d'un Nain intéressé et intéressant qui se dessinait jusque-là !

Ma vie ? J'ai 75 ans mon ami, j'espère donc que votre choppe est pleine et votre appétit rassasié !
« De minerai, de cristaux et de pierres précieuses.
Voilà, mon fils, de quoi se nourrit cette famille. »
   Tout a commencé dans les montagnes du nord de la République, à l'Ouest de Courage. Je suis né dans un village minier en altitude, exploitant les nombreux minerais et pierres précieuses tant dans les mines artificielles que dans les nombreuses cavités naturelles qui abondent dans la région. Mon père était d'ailleurs un de ces Nains qui exploraient les crevasses parfois labyrinthiques pour en tirer quelques rares pierres lui assurant une vie non pas fastueuse, mais au moins stable. Ma mère, Humaine, était quant à elle cuisinière dans une compagnie caravanière qui exploitait la route commerciale entre Courage et Liberty. La rencontre fut facile, leurs chemins se croisant lors d'une négociation entre des mineurs du village et les marchands du convoi. Ma mère, désireuse d'en finir avec la route, se saisit donc rapidement l'opportunité.

   Une fois installée dans le village, ma mère avait travaillé dans l'auberge locale avant d'en prendre la direction quelques années plus tard. J'ai ainsi passé mon enfance et mon adolescence à participer aux ventes de pierres de mon paternel et au fonctionnement de l'auberge maternelle. J'appris donc à lire et à écrire sur le tas mais, plus important encore, je vis défiler voyageurs et marchands venant de tous les horizons, infinité de chemins s'entremêlant autour de moi. Je pense que c'est de là qu'est née l'envie de prendre mon envol, un désir rêveur qui sera finalement devenu un besoin ardent. Pas d'histoire tragique alors. Une fois jeune adulte mes parents contribuèrent à mon départ avec une partie de leurs économies pour m'acheter une jeune mule et quelques affaires de voyage rudimentaires. Mes parents n'étant pas de grands émotionnels, les adieux furent sobres, quoique avec l'âge et le temps je les ai quelquefois regardés comme insuffisants mais ce n'est pas là le sujet d'aujourd'hui. Je pris donc mon départ avec ma mule et mon sac, vers ces horizons inconnus que j'avais vus mille fois dans les yeux de ces voyageurs de mon enfance.


« La nature est l'ordre et le chaos.
L'équilibre dans l'infini des possibles. »
   Deux possibilités s'offrirent à moi : prendre l'ouest et quitter la République vers les ruines maudites ou alors partir par le Sud et traverser la nation. Le choix fut donc une évidence et je pris la route vers Liberty. Ce fut difficile. À peine adulte, sans expérience, les premiers mois furent une désillusion. Mais enfin, avec le temps j'appris à me débrouiller, à supporter les jours de carence, à oublier la fatigue des jours de marche. Je survivais donc en accomplissant des travaux ponctuels dans des fermes, aux côtés de caravaniers ou réalisant les ingrates besognes des villages sur mon chemin. C'est après seulement un an d'itinérance que je traversai la frontière entre Liberty et Kyouji, entre la République et le Reike. Je suis grandement attaché aux valeurs de ma nation, mais je dois avouer que la culture Reike est vibrante et insaisissable, je décidai donc de continuer ma route à l'Ouest. Ce fut là que ma vie prit son deuxième tournant.

   Dans un village rural, aux abords de Kyouji, j'eus vent d'un vieillard qui cherchait de la main d'œuvre pour remettre en état sa maigre demeure contre quelques pièces et quelques repas. Cet ancien était Öden dit « de la Forêt », on disait de lui que c'était un "gentil fou", habitant dans les bois à quelques lieues du village la rumeur était qu'il parlait plus aux animaux qu'aux humains. Cela étant, il en fallait plus pour m'éloigner d'une opportunité de travail et je partis donc à sa rencontre.

   Öden était vieux, parlait aux animaux et fuyait les hommes mais Öden n'était pas fou. Initialement là pour réparer sa maison qui prenait l'eau et menaçait de s'effondrer, je me pris finalement d'une affection presque filiale pour le vieil Homme. Les réparations temrinées ce dernier me proposa de séjourner chez lui, acceptant de nourrir deux bouches avec son petit potager de clairère, ses pièges à rongeurs et les quelques rations que déposaient parfois des villageois soucieux du vieillard. Je m'installais donc chez lui avec ma mule et c'est ainsi qu'il commença à me transmettre son savoir, car Öden était bien ce que certains appelleraient un sorcier. Lui en revanche ne se considérait que comme un « enfant des bois ». Je m'occupais de lui qui devenait progressivement plus dépendant de mon aide quotidienne. En retour, pendant cinq belles années j'appris de lui, lisant les livres de sa bibliothèque, découvrant les plantes et herbes, écoutant ses récits de voyages, et apprenant trois de ses dons : la magie d'illusion, la communication avec les animaux, la métamorphose en Champa et la guérison.


« Libre et sans attache.
Seul et sans but. »
   C'est un soir d'été qu'Öden mourut, après une vie de bonté et deux semaines de maladie. Le choc ne fut pas effroyable mais la douleur se distilla au fil des jours jusqu'à devenir insupportable. J'entrepris donc de faire un tri dans la petite demeure dont j'avais hérité, gardant quelques livres, quelques souvenirs et le vieux et noueux bâton de marche d'Öden, revendant le reste ainsi que la maison elle-même. Je repartis donc avec ma mule chargée de quelques livres et d'un sac de pièces d'or. Ce n'était pas de quoi être riche, mais c'était une somme trop risquée à transporter pour un humble voyageur. N'ayant pas de projet de vie je pris donc la décision d'enterrer mon petit trésor personnel dans ces bois que je connaissais dorénavant si bien, ne gardant que quelques pièces pour entamer ma route.

   Ne sachant ni où aller ni que faire je me résolus à reprendre ma vie de vagabond dans le Reike, cette fois mes capacités nouvellement acquises et mon savoir moins rudimentaire me permettaient d'obtenir du travail de meilleure qualité plus facilement. Assez fréquemment, je participais aux caravanes marchandes, servant d'homme à tout faire mais également d'éclaireur grâce à la métamorphose et la communication animale. Je fis également plusieurs séjours dans des auberges en tant qu'aide puis chef cuisinier, apprenant les subtilités des arts culinaires pour lesquels je me prendrai de passion avec les années. Plusieurs décennies passèrent ainsi, alternant voyage, commerce, hôtellerie et lecture.

   C'est à ce moment de ma vie qu'intervint ce que plus tard, je nommerai « Le Silence », une période de cinq années dont aucun souvenir ne m'est resté. Je n'ai idée ni de son commencement ni de son issue et encore moins de son déroulement. Ce que je sais, c'est que mes souvenirs reprennent un matin dans une auberge de Kaizoku avec pour seules affaires le bâton du vieux Öden, un sac à dos avec des vêtements, une bourse de quelques pièces de cuivre et d'argent et enfin un livre manuscrit indéchiffrable. Des jours et semaines qui ont suivi, j'en ai un souvenir brumeux comme dans un état de dissociation rêveuse. C'est à bord du bâteau à destination de Courage, entreprenant de rentrer à la République, que je repris enfin pleinement conscience.

   De retour sur ma chère terre natale, n'ayant que peu d'argent et aucun contact, je n'eus d'autres choix que de retrouver le mode de vie itinérant. C'est à cette période que je fis une rencontre déterminante en lisière des forêts qui bordent Liberty un soir où je m'étais aventuré un peu plus profondément. Entendant des bruissements et des couinements inhabituels, je décidais d'investiguer. Je découvris ainsi un griffon strigien juvénile battant de l'aile gauche tandis que l'aile droite restait impuissamment immobile. Son doux hululement avait résonné d'une tonalité particulière et jamais ma communication animale n'avait été aussi naturelle. Après lui avoir parlé puis apporté eau et nourriture l'évidence fut là, j'allais le recueillir. Je tentais de l'amener chez un éleveur de griffons à Liberty pour voir si quelque chose pouvait être fait au sujet de son aile, mais ce fut sans succès. Ainsi, j'avais gagné un compagnon, peut être même un ami. Pour la première fois je n'étais plus réellement seul, Gribou suivait ma route.


« Vous êtes arrivé, cher voyageur.
Bienvenue...  Au "Bout du Monde" ! »
   Trois années passèrent pendant lesquelles je constatais l'impressionnante croissance de Gribou. Je pus enfin lui mettre une selle et voyager sur son dos, bien que le vol lui fut impossible il restait cependant une monture de qualité. C'est en constatant la taille et la puissance du griffon que me vint un jour l'idée. La solution qui me rendrait libre. Enfin ! Après toutes ces années je trouvai mon projet, celui qui donnerait du sens à mes voyages. J'entrepris alors de marcher presque jour et nuit en direction de la région de Kyouji, plus précisément la forêt du vieux Öden. Là-bas, après une après-midi de recherche, je retrouvais mon sac de pièces là où je l'avais laissé plus de trente années plus tôt. Alourdi de ce qui était pour moi une petite fortune je rendis visite à un maître charon réputé de Kyouji et fis construire une roulotte, une charrette, une caravane appelez cela comme vous voulez moi je l'appelle « Le Bout du Monde ». Basique et modulable, j'avais pour projet d'en faire une échoppe ambulante.

   Débit de boissons, cuisine et repas copieux, achat-vente de divers produits, déploiement de tentes relativement confortables à distance des villes, guérison d'afflictions et maladies, les services que j'offrais étaient nombreux et flexibles. La demande était forte et le commerce marchait bien, commençant à être connu dans certains villages étapes. Je m'arrêtais à l'entrée des bourgades ou au bord des route fréquentée, déployant table et auvents, et les clients affluaient d'eux mêmes. D'autres fois, je m'arrêtais à la demande, croisant des voyageurs sur la route et leur proposant de reprendre des forces ou d'acheter des provisions. Au fil des années je pus ainsi améliorer la roulotte et finalement acheter une mule et une petite charrette complémentaire pour augmenter la capacité de transport de denrées et matériel.

   La déflagration de l'invasion des Titans et de la chute de Shoumeï parvint cependant jusqu'à moi. Je pris bien garde de rester à l'abri de la République, mon commerce cessa de prospérer pendant deux ans mais je parvins à stabiliser mes finances malgré tout. C'est dans ce contexte que je fis la rencontre de Podric'. Il y a un an et demi, soit environ neuf ans après le début de mon aventure avec le Bout du Monde, l'adolescent de 14 ans essayait de voler des denrées pendant une rude soirée d'hiver. Nous nous retrouvâmes à discuter autour d'un repas chaud, le gamin de rue manquait d'éducation mais n'était pas idiot et avait un bon fond. Ainsi, j'entrepris de le prendre sous mon aile et de lui apprendre le travail honnête et lui révéler la beauté de la vie cachée sous les terribles évènements qui secouaient le monde.


« Et vous, mon ami,
Quels sont vos horizons ? »
   Nous y voilà. Mon récit s'achève avec bien des détails manquants, mais si nous voulions nous lancer dans ma biographie précise je crains que nous ayons besoin de plus de temps et de boisson que je ne peux vous en offrir. Ainsi me voilà aujourd'hui accompagné de Gribou, ma chère roulotte, mon apprenti et une petite mule avec son chariot. Après la miraculeuse victoire contre les Titans mon échoppe prospère de nouveau et ce malgré l'instabilité du monde laissée dans le sillage de cette guerre. Je peux maintenant déployer deux tentes d'un confort raisonnable pour les voyageurs, une grande table avec des planches de bois à assembler, plusieurs auvents, un arsenal de cuisine et bien d'autres petites surprises.

   A présent que mon projet de vie se réalise, je me découvre un intérêt nouveau pour mon passé. L'idée de rendre visite au village où je suis né me fait sourire. Le doute sur la période d'amnésie que j'appelle « le Silence » commence à me hanter. Il y a également l'envie croissante de faire des rencontres et de créer des liens durables. En bref de nombreuses choses m'attendent encore ! Mais enfin, gardons cela pour un autre jour car, ce soir, c'est avant tout votre histoire que je suis venu chercher. Et vous, mon ami, quels sont vos horizons ?