Au sein des plaines désertiques du Royaume du Reike, nombreux étaient les dangers qui attendaient les voyageurs imprudents. Parmi ces dangers figurait le clan Velgaris, qui subsistait au climat abrasif de la région grâce au pillage et au mercenariat. Composé de drakyns et d’esclaves, le clan possédait une hiérarchie stricte basée sur la force de ses membres qui s’affrontaient régulièrement dans des duels réglementés où les vainqueurs gagnaient pouvoir et renommée. Les chefs de la tribu changeaient régulièrement jusqu’à la prise de pouvoir de Kharro Velgaris, dont la puissance ne savait être mise en défaut.

Lorsque Kharro eut finalement un fils, il était tout naturel que ce dernier fût immédiatement pressenti pour devenir un guerrier exceptionnel. Krahallo fit donc ses premiers pas dans ce monde entouré par les siens, guidé et encouragé par tous pour devenir le digne successeur du chef barbare. Naturellement, cette ambition imposée s’accompagnait d’une pression énorme dès son plus jeune âge. Instruit à la culture clanique et aux différentes pratiques religieuse Shierak, il reçut une éducation qui restait principalement centrée sur la guerre. Les Velgaris ne pouvaient compter que sur leur domination martiale pour survivre dans le désert. Un homme incapable de battre les mercenaires engagés par les voyageurs ne pouvait nourrir sa famille et ne méritait pas sa place dans le clan.

Les premières années de son éducation ravirent ses parents. Krahallo démontrait une grande maturité et un penchant prononcé pour l’érudition, maîtrisant rapidement les bases de la magie. Ces facilités s’accompagnèrent cependant bien vite par des lacunes dans d’autres domaines. Les capacités martiales du jeune garçon ne semblaient jamais satisfaire les ambitions de son père. Sa taille et sa force le plaçaient au-dessus de la moyenne des autres enfants de son âge, mais son intérêt pour la violence physique restait limité, préférant se réfugier dans les livres. Kharro continuait à le forcer quotidiennement à s’entrainer durant de longues heures, mais les résultats peinaient à se manifester.

Plus les années passaient, plus ses lacunes physiques se ressentaient et la déception de son père s’étendait au reste du clan. Les espoirs fondés sur lui disparurent peu à peu, les louanges se changeant en moqueries, puis en sévices. Son père se décida finalement à l’envoyer faire son service militaire, ce qui n’était pas très courant au sein du clan. Nombreux étaient les hommes du clan qui abandonnaient leur citoyenneté pour ne pas perdre des années pour un royaume qui les concernait peu. La justification officielle de Kharro fut l’éducation de son fils, prétextant lui souhaiter une éducation adaptée à ses prédispositions et ses lacunes pour en faire un digne héritier. La vérité était toute autre. Il était lassé de constater ses échecs au quotidien et il avait déjà reporté ses espoirs sur son second fils qui venait de naître.

Krahallo avait quitté les siens sans un regard en arrière, laissant le désert et ses responsabilités derrière lui. Il n’était pas dupe sur les raisons de son exil et malgré le harcèlement qu’il avait subi, sa fierté restait intacte. Il ignorait encore beaucoup du monde au-delà de ses terres natales et restait indécis sur ses projets futurs, mais une certitude s’était créée dans son cœur, il ne comptait pas revenir dans son clan avant de s’être accompli.

Mêlé à d’autres adolescents de toute race lors de son service militaire, il y découvrit des cultures différentes. Même au sein des forces armées du pays, il réalisa que sa valeur ne se réduisait pas à sa capacité à gagner des duels physiques. Le plus grand choc à ses yeux fut cependant la diversité religieuse au sein de ses nouveaux camarades. Habitué à une homogénéité totale des croyances spirituelles, il eut beaucoup de difficulté à accepter la différence d’opinions à ce sujet, et ce, bien que la religion Shierak restait bien majoritaire. Ses difficultés à se socialiser se développèrent également, son tempérament et sa fierté l’empêchant de nouer des relations intimes avec autrui.

Lorsque ses lacunes physiques le rattrapèrent également dans ce nouveau cadre, le poussant à s’entrainer toujours plus pour suivre le rythme du programme, les harcèlements revinrent. Il ne s’agissait plus cette fois d’enfants jaloux de l’attention qu’il recevait, mais le simple résultat de ces faiblesses face à des camarades n’ayant aucune sympathie à son égard. Sa très grande taille avait fini par n’impressionner plus personne, devenant sujet de moquerie pour celui qui n’arrivait pas à en tirer profit. Replongeant dans ses anciennes habitudes, il se réfugia dans les livres et la solitude. Heureusement pour lui, les difficultés qu’il éprouvait étaient largement compensées par une excellence dans d’autres domaines comme la stratégie militaire ou la magie. C’était d’ailleurs cela qui lui permit d’être invité à rejoindre l’Université Drakstrang au bout des cinq années de service à surprise de ses pairs, particulièrement frustrés par la nouvelle.

Cette invitation fut un véritable choc pour le jeune homme qui se voyait pour la première fois de sa vie valorisé pour ses propres compétences. Nourrissant sa fierté, cette nouvelle fit croître subitement le patriotisme du drakyn. Les dix années de service obligatoires accompagnant cette invitation devinrent alors à ses yeux un honneur. Incapable de se faire des amis, il espérait surtout y trouver une véritable place, un sentiment d’appartenance et d’utilité.

Rejoignant le cursus de stratégie militaire de l’université où il se retrouva enfin au milieu d’étudiants partageant les mêmes centres d’intérêts que lui. Toujours atypique par sa carrure et son tempérament, il n’était néanmoins plus ostracisé pour ses passions intellectuelles. Cela ne voulait cependant pas signifier qu’il n’éprouvait plus aucune difficulté dans ce nouveau cadre. Au sein de l’élite intellectuelle de la jeunesse du pays, ses facilités se retrouvèrent en compétition avec de véritables génies. Ses domaines de prédilections devinrent alors autant de sujets où il se retrouvait de nouveau dans la moyenne de ses pairs. Studieux et déterminé, Krahallo n’en perdit pas pour autant sa motivation à travailler. Plus les années passaient, plus son désir de servir le royaume grandissait et cela le poussait chaque jour à s’améliorer malgré les épreuves.

Son désir d’apprendre se retrouvait comblé au sein de l’université. Il rechercha ainsi tous les enseignements qu’il pouvait obtenir, n’hésitant pas à prolonger son éducation de plusieurs années en s’engageant dans différents cursus de spécialisations. Sa capacité à voler naturellement l’incita à creuser l’art de la stratégie aérienne tandis que sa maitrise de la magie le conduisait à suivre le programme de détection et d’analyse des magies.

Toutes ces années d’études développèrent chez lui de nouvelles passions et de nouvelles compétences, mais ce fut surtout le programme de commandement des troupes qui fit naître chez lui une véritable vocation. Jusqu’alors réservé, il se découvrit capable d’une autorité et d’un charisme particulier pour cet exercice. Il acquit une appétence pour la hiérarchie militaire où chacun disposait d’une place bien définie qu’il se devait de respect.

Lorsque son diplôme fut finalement obtenu, Krahallo fut immédiatement enrôlé dans l’armée du Reike au poste d’officier, devenant un Luteni. En charge de la surveillance aérienne aux alentours du mont Kazan, il commença sa carrière dans un cadre plutôt tranquille. Aucune guerre ne perturbait son quotidien, mais il se refusait à l’oisiveté dont faisaient preuve nombre de ses collègues. Loin d’être un officier apprécié par ses hommes, Krahallo imposa dès son arrivée une rigueur nouvelle au sein de ses troupes. Le manque de discipline chez ses subalternes fut immédiatement réprimandé, n’hésitant pas à sanctionner gravement la moindre insubordination.

Les premières années à son poste ne furent pas aisées, rencontrant de l’hostilité à chacune de ses décisions, mais la situation progressait petit à petit. Plus le temps passait, plus ses hommes furent contraints d’accepter les résultats obtenus par ces méthodes discutables. De plus, comme il s’imposait la même rigueur qu’à ces hommes, dirigeant par l’exemple, il inspira certains d’entre eux à embrasser la même discipline. Et avec le temps, les mécontents devinrent minoritaires et subissaient des brimades par leurs propres camarades. La cohorte qu’il dirigeait obtint alors une réputation particulière au sein de la légion à laquelle elle appartenait. Le Khashi de cette légion réprimandait publiquement les exactions commises par Krahallo et ses hommes, mais il ne pouvait que reconnaître son efficacité.

Toujours au même poste à la fin des dix années de service qu’il devait au Royaume, Krahallo ne comptait pas profiter de l’opportunité qu’il avait de quitter l’armée. Il ne vivait désormais plus que pour servir la couronne et diriger des hommes qui lui étaient dévoués. Il décida tout de même de demander une permission exceptionnelle en -2 lorsqu’il reçut une lettre de sa mère l’invitant à revenir au sein de son clan. S’il n’avait aucunement l’intention de quitter définitivement l’armée ou de retourner vivre auprès des Velgaris, cela faisait presque deux décennies qu’il n’avait pas revu les siens et les mots de sa mère inquiète par les événements en cours le poussaient à accepter sa demande. La lettre indiquait que des conflits avaient éclaté entre les différents clans barbares du désert et que le clan se préparait pour la guerre.

Quand Krahallo arriva finalement dans ses terres natales, il était déjà trop tard pour intervenir. Tensai Ryssen avait déjà réussi à soumettre la plupart des clans et les Velgaris ne firent pas exception. Kharro, son père, avait perdu pour la première fois un duel et sa mort avait sonné la fin du clan. Son petit frère avait alors choisi la soumission et leur indépendance clanique disparut à jamais.  D’abord inquiet pour l’avenir des siens, le jeune homme fit finalement la rencontre avec ce fameux chef de guerre ayant réussi ce tour de force. La vision du guerrier au milieu de ses troupes, dégageant naturellement une aura autoritaire qui forçait le respect à quiconque posant ses yeux sur lui, marqua profondément Krahallo. En cet homme, il vit toute l’essence de sa race, un véritable enfant de dragon prêt à conquérir la place qui était sienne, au sommet du monde.

Profitant de la durée de sa permission, le jeune homme se décida à suivre les troupes du Ryssen à travers le désert, triomphant et soumettant tous les clans restants les uns après les autres. Chacune de ces victoires le confortait un peu plus dans son sentiment qu’il assistait là à l’avènement du véritable souverain. Lorsque l’armée se décida finalement à sortir du désert pour conquérir le Royaume, Krahallo ne pensait même plus à sa permission, à son poste ou aux hommes qu’il avait laissé. Habité par une profonde certitude, il suivrait cet homme jusqu’à sa mort.

Evitant d’entrer personnellement dans les affrontements, Krahallo participa néanmoins grandement à l’effort de guerre. Exploitant son éducation en stratégie militaire et sa grande connaissance du fonctionnement de l’armée reikoise, il apporta son soutien à l’élaboration et la mise en place de tactiques efficaces à son échelle jusqu’à la victoire finale.

Croyant depuis sa naissance, ce ne fut qu’après le mariage entre Tensai et Ayshara que Krahallo développa significativement sa ferveur religieuse. Poussé par la nouvelle mouvance extrémiste du Culte des Enfants Célestes, il se radicalise rapidement en rejoignant de nouveau l’armée impériale. Toujours aussi discipliné et exigeant envers ses troupes, il devint de moins en moins tolérant envers ceux ne partageant pas ses convictions. Son extrémisme se fit surtout ressentir chez ses propres hommes qu’il poussait à la conversion. S’entourant rapidement d’éléments tout aussi radicaux que lui, sa nouvelle cohorte ne laissait aucune place à ceux pratiquant d’autres religions que le Shierak, poussant ceux-ci à changer d’affectation. Il réservait un sort bien moins enviable aux plus récalcitrants en se servant de la moindre erreur comme prétexte à des sévices corporelles ou moraux.

Cette nouvelle ligne de conduite n’en fut que renforcé lorsque les titans firent leur apparition. Après la guerre, l’adulation publique du couple impérial se renforça et le culte divin perdit de l’entrain. Alors que la mouvance stellaire gagnait de l’ampleur, l’idéologie de Krahallo n’en était que plus forte. Devenu un véritable fanatique religieux, l’officier avait bien l’intention d’éradiquer de ce monde tout hérétique contestant la divinité de ses souverains.