Qui a fait plouf ?

Le cheval reniflait l'eau sur le bord légèrement boueux du lac. Les oreilles tendues vers l'avant, il paraissait chercher quelque chose, les naseaux vrombissants pour capter une odeur. Hormis les parfums de la vase, du sable humide et de l'eau claire, il n'y avait rien d'autres. Cette fois, le quadrupède gratta le sol. Il poussa un léger hennissement vers le milieu de l'étendue lacustre. Le mors en bouche cliqueta en émettant son appel. Malgré la nuit un peu brumeuse, on arrivait à distinguer que l'équin était harnaché. Des rênes étaient enroulées dans une boucle qui perçait le pommeau de la selle, histoire que l'animal ne se prenne pas les sabots dedans. Une selle vide de tout occupant occupait une bonne partie de son dos vigoureux. Des besaces de voyages, bien renflées, étaient solidement fixés sur les côtés. Si un voyageur venait à passer par là, il pourrait se questionner quant à l'absence du cavalier. Mais justement, il n'y avait personne. Personne hormis un canasson sellé et bridé laissé à lui-même.

La monture huma une nouvelle fois l'eau, avant de redresser doucement sa tête. Il fixait toujours en direction du centre du lac. Lui et son maître avaient fait une halte, le temps de s'abreuver et de remplir une outre à demi-vide. Son bipède avait ensuite tiré hors de la selle un cadavre d'un homme adulte. Quand il avait eu à le porter, le cheval avait plié ses oreilles en arrière. Ce n'était pas le poids qui l'avait contrarié à ce moment-là, mais l'odeur du sang encore chaud... synonyme de mort. Mais heureusement, par les flatteries de son humain, le cheval avait accepté de faire un effort. Durant deux heures, entre le trot, un peu de galop, il avait accepté de porter ce poids mort - sans jeux de mots- là où voulait son cavalier. Hors des routes fréquentées, ils s'étaient écartés pour rejoindre ce bord.

Une fois au bord du Lac Rebirth, l'inconnu avait retiré le cadavre, devenu plus froid que quelques heures auparavant. Un sillage odorant et écœurant de sang coagulé et de chair morte avait agressé l'odorat de l'équin. Celui-ci avait piaffé quelques secondes, avant de se calmer et d'observer son cavalier tirer jusque dans l'eau, le corps de son congénère. Cherchant à l'enfoncer dans la vase, le vivant pestait contre le défunt. Puis, un bruit provenant de plus loin dans le lac l'interrompit dans ses insultes marmonnées entre ses dents.

Le cheval avait reculé d'un pas. Bien que domestiqué, il demeurait vigilant, écoutant son instinct. Il était prêt à décamper dès l'approche du moindre prédateur. L'humain avait pris son couteau hors de sa ceinture, jetant un regard farouche tout autour de lui. Passé une minute, il haussa des épaules. Ça devait sans doute être un poisson. Bon, et ce corps qui ne voulait pas couler ! Il allait devoir s'avancer un peu plus vers les profondeurs. Il était déjà trempé jusqu'à la ceinture. Tiens, qu'est ce que…

Il n'eut pas le temps de s'interroger plus longuement à ce qui venait de le frôler à hauteur de sa cuisse droite et il sombra d'un coup, tiré avec force par quelque chose qui se dissimulait sous la sombre surface. L'eau ondula sous cette réaction, avant de doucement revenir à son état tranquille de l'instant. Il y eut bien quelques bulles par la suite, suivi d'autres plus grosses, qui cassa un peu la quiétude de la surface... avant que tout cesse. Le cheval avait, devant cette scène, secoué la tête, les yeux écarquillés devant l'étrangeté de la scène, hésitant presque à partir au galop. Puis, quelques minutes plus tard, ce fut au tour du cadavre, d'être tiré vers les profondeurs obscures du lac.

C'est là qu'on retrouvait désormais l'animal, guettant le retour de son cavalier, qui ne lui reviendra jamais d'ailleurs. Soudain, une grande nageoire caudale fendit les eaux, à quelques mètres de lui. C'était de trop. Le cheval bondit sur ses sabots et détala le plus rapidement qu'il le put. Le son de ses foulées affolées s'étouffa petit à petit, avec la distance et la densité de la brume.

Une tête féminine fit surface. Ses cheveux nattés en arrière gouttaient d'eau. Un sourire amusé avait pris forme à ses lèvres. Effaroucher l'équin avait été son envie du moment, pour l'envoyer paître plus loin. Mais aussi, dans cette petite farce, de ne pas attirer l'attention d'autres terrestres. Un cheval abandonné et harnaché attirait toujours les trop curieux. Et là, elle avait assez à faire avec deux cadavres, un frais et un moins frais, dans le fond de la vase... D'ailleurs, pourquoi avait-elle fait cela ?

Elle se rapprocha du bord, pour "s'asseoir" non loin de la berge. Seule son buste féminin se trouvait hors de l'eau. Elle remettait en place quelques nattes qui s'étaient défaites pendant qu'elle coulait sa prise de tantôt. Et avec un sourire gourmand, elle se demandait quelle partie elle allait prélever sur sa proie. Il y avait un moment qu'elle n'avait pas eu à se délecter d'un morceau d'homme. Quelle aubaine s'était présentée quand l'assassin - quoi d'autres- avait cherché à faire disparaître son crime. Maintenant, lui aussi avait disparu... Elle se permit un petit rire à sa propre pensée.

Bien, encore une natte et elle aura fini....

weeeeeeeee

Il lui faisait plaisir de revoir le Lac Rebirth, grande étendue d'eau qui, sans être véritablement océan, faisait véritablement de son mieux pour en être un même au sein du Sekai. Bien sûr, c'était tout relatif : elle ne voyait pas le lac comme elle reverrait un vieil ami ou une connaissance. Parce que le lac n'était qu'un tas d'eau dénué de conscience. Mais il représentait la fin de son petit séjour au Reike, aussi désagréable maintenant qu'il y a... y a... bah, de longues années. Car elle en avait foulé le "sol" il y a très longtemps et l'expérience avait été si désagréable qu'elle s'en était partie sur Kaizoku pendant assez longtemps, aussi. Parce que c'était un coin isolé mais aussi parce que l'eau, même salée, était vision plus agréable que le sable, le sable et le sable à des kilomètres.

Pour compenser, elle s'était donc entourée d'eau, d'eau et d'eau à des kilomètres, flottant toute seule au milieu du lac, perchée sur un cube de glace qu'elle avait crée à partir de ses pouvoirs pour lui servir d'humble bateau. Cela lui permettrait de revenir plus rapidement en République, d'une, mais passer du temps sur l'eau lui était aussi agréable, pour une raison qu'elle ne pouvait pas toucher du doi... hrm, la raison, ça se touche pas du doigt de toute façon, non ? Ce n'est pas une chose concrète du monde, visible et tangible comme sa glace. Pourquoi dire que ça ne se touche pas du doigt quand l'on n'est pas sûr, quand même une raison dont on est sûr ne se touche pas du doigt de toute façon ? Elle était véritablement estomaquée par les tournures de phrases des plus-mortels.

Enfin, passons, elle s'était forgée un navire coquet à partir d'un cube de glace et flottait essentiellement dessus en route vers l'autre côté du lac. Ce qu'elle allait faire après ? Elle ne savait pas. La visite au Reike avait été productive quand Qaguia devait admettre qu'elle n'avait pas vraiment essayée de trouver un but précis à sa démarche, sinon trouver une grande ville pour voir le désert sous son angle le plus civilisé. Pourquoi ne pas faire pareil avec la République et passer dans une grande ville comme Liberty ou Courage ? Elle se pensait plus apte à comprendre le monde du Sekai, maintenant, et n'avait pas peur de voir sa matière cérébrale imploser devant l'effort de comprendre de nouvelles choses.

Lentement, sa quête du monde prenait faim. En moins d'un an, elle commençait à mieux comprendre les choses basiques. Du démon Rêve jusqu'à l'humain Gaston, en passant par la valkyrie Svind et la guérisseuse Cyradil, elle comprenait mieux les gens évoluant au sein du Sekai. Et bientôt, elle pourrait se pencher sur leurs rêves et des moyens de les réaliser. Moins d'un an. Fou, non ? Bon, il lui avait fallu un siècle pour rattraper l'essentiel mais... bah, un siècle de plus, ça serait quoi ? La pratique semblait aller plus vite, déjà. Il suffisait maintenant juste d'atterrir de retour en République. Seule, sans outils pour se diriger, sur un cube de glace géant, elle en était à la merci du courant.

Ce qui, à son désarroi, avait fait partir son humeur "joyeuse". Manifestement, ils avaient suivis des courants différents.

En fait, la sorcière tournoyait tranquillement sur son petit cube depuis un très long moment déjà, son "bateau" effectuant une rotation complète sur lui-même toutes les trois minutes, montre (de glace) en main. Droite comme un I depuis un long moment, les mains calées ensembles, l'impatience gagnait pourtant sur son psyché, fâché de se savoir aussi vulnérable devant les mouvements du vent. Quelconques souvenirs qu'elle voulait extirper de sa mémoire, il était dur de se faire avec le lac : il était trop calme. Il manquait en émotions pour lui rappeler une bataille navale épique ou une poursuite en bateau ou autre grande émotion maritime, unique à Kaizoku, trop grande même pour le plus grand des lacs de la région. Immensité azure et plate, bien différente du chaos aquatique autour de l'île des pirates, aux vagues si grandes que même les plus hardis des navires n'osaient pas quitter ses ports.

En regardant le bon côté de la chose, peut-être que pareil environnement aurait été mauvais pour elle, aussi.

Et pour faire empirer le tout, la nuit tombait. Qaguia pouvait entendre grillons chanter et oiseaux répondre sans voir ni l'un -bon, habituel encore pour les insectes- ni l'autre. Et sans voir bien plus loin que le bout de son nez en général : elle percevait au mieux du brouillard quand sa vision s'éloignait timidement du bout de son nez, grand malheur que c'était pour une femme déjà éborgnée. Seule la Lune en haut perçait au travers des ténèbres et de la fumée en haut mais sans pouvoir l'aider, encore que Qaguia ne décide de s'y agripper le temps de voir de quel rebord elle était le plus proche. En espérant, encore, que le vent ne l'avait pas emmenée de retour au Reike. Merde Elle ne savait pas ce que le mot voulait dire. Mais il exprimait du désarroi, selon son expérience. Parce qu'elle ne pouvait rien voir. Et geler le lac -ou une partie du lac- pourrait avoir des conséquences sur d'autres nageurs perdus ou des vies animales dans le lot.

Elle ne pouvait pas se décider à juste geler une section et marcher vers un rebord jusqu'à ce qu'elle soit sûre qu'il y en ait un tout près.

Et ce fut là que le destin vint lui sourire.

Renforcée par l'inutilité de sa vision, portée par l'eau mais surtout insufflé à ses oreilles par le destin coquin, elle entendit le hennissement d'un cheval. Ou d'un poney, aussi, mais elle avait pu identifier equus caballus comme la véritable identité de ses moult "poneys" croisés au cours de sa longue vie. Animal commun au Sekai, elle put entendre ce dernier pousser un hurlement effrayé avant de galoper, évidemment sans voix de propriétaire plus-mortel pour le guider. Diantre, que se passait t-il donc, là bas ? La curiosité de Qaguia l'en fit presque oublier un aspect encore plus important de sa découverte. Qui était que le cheval, en tant qu'animal terrestre, ne se trouvait pas particulièrement à marcher sur l'eau des lacs. Et ce dernier avait bien eu sol à fouler pour fuir.

Donc, il y avait de la terre.

Donc, il y avait un rebord tout près.

Atteignant le rebord de son cube maintenant redondant, Qaguia leva la jambe droite pour poser le pied sur l'azure légèrement perturbée, des petites vagues filants de son navire rectangulaire. Un peu de chaos devenant très rapidement paix : Lasse, la moins-mortelle avait transformée l'eau à ses pieds en petite banquise, s'étendant loin autour d'elle, pour atteindre la rive sans effort. Marchant d'un pas pressé, trahissant légèrement son impatience en dépit de son air détaché habituel, elle adopta une cadence un peu plus rapide, la glace derrière elle se désagrégeant pour redevenir bête eau. Ainsi, personne ne souffrirait longtemps de son arrivée.

Sa silhouette, reconnaissable à son chapeau et sa cape en fourrure, se détachait légèrement de la brume alors qu'elle arpentait son petit pays de glace. Elle ne courait pas, bonté divine, mais elle piétinait de l'avant avec une démarche de pingouin, faisant beaucoup de petits pas consécutifs d'un coup à la place de grandes enjambées. Son impatience se lisait mal sur un visage de marbre, taillé par les siècles pour être le moins expressif possible.

Personne sauf cette femme au bord du lac, le buste seul hors de l'eau, qui allait être surprise par un coup de froid si jamais elle n'avait pas pu voir venir une magie de glace aussi puissante et rapide. Que faisait t-elle là ? Qaguia ne le savait pas. Mais ça devait la gêner qu'elle soit là quand même. Aussi, la sorcière la dévisagea de son seul oeil, consciente que sa volonté seule la gardait emprisonnée dans un mur de glace. bonjour La glace autour de la femme se désagrégea aussi vite qu'elle était venue. Et Qaguia vint sur le rebord, détournant le regard, comme si elle n'existait plus.

Mais non, c'était rude de faire ça. Elle venait de la coincer dans sa glace. Et Qaguia ressentait un besoin en elle, plus qu'une pression sociétaire inutile, de chercher pardon. Ou au moins de s'excuser : Quand elle serait dans les grandes villes, il lui serait salutaire de connaître la politesse basique du Sekai. Pas par intérêt mais plus par souci de ne pas froisser ceux qu'elle voudrait mieux connaître. Bon, après, elle ne se débarrasserait pas de son honnêteté habituelle. C'était pratique pour "enfoncer" une discussion. Mais encore que ça ne s'enfonce pas car ça ne peut pas être tou... argh.

Pivotant à 180 degrés comme une toupie défectueuse, l'Ombra se tourna vers la plus-mortelle (?) dans l'eau, une main sur la hanche droite, l'autre bras ballant.

bonsoir en fait

je suis trompée ne fait pas jour

Silence. Il fallait dire plus que ça, non ?

comment va toi ?

Du bout de ses doigts graciles, elle termina sa dernière natte. Elle n'avait pas besoin de réfléchir à chaque mouvement, pour placer un brin de cheveux par-dessus l'autre, avant de répéter la même gestuelle avec les deux autres brins. Un a un, elle les déplaçait lentement et précisément pour former une belle et longue natte, au parfait cheminement blond entrelacé. Pendant qu'elle achevait cela, elle était toujours à réfléchir au met de choix qu'elle prélèverait prochainement à l'humain qu'elle avait noyé. L'eau terminait de le refroidir. Elle ne serait pas surprise de découvrir des bestioles des fonds lacustres prendre déjà leur part de butin. Dans le cycle de la vie aquatique, les carcasses qui rejoignaient la vase perdaient déjà leurs parties molles les plus accessibles, à coups de pinces, de dents ou de crochets en tout genre. Takhys ne s'inquiétait pas outre mesure de ces pertes-là. Elle visait des parties plus nobles, plus savoureux…

Elle noua savamment sa tresse pour qu'elle ne se défasse pas. Tout en passant une langue sur ses lèvres et scrutant le point de la surface où elle avait fait sombrer sa proie, elle hésitait encore sur plusieurs

morceaux. Le foie ? Hum... un homme de ce genre devait passer du temps dans les tavernes à boire de la bière à l'équivalence de la pisse d'âne ? Les reins ? Comme le foie, la saveur sera sans nul doute gâté par les boissons frelatées. Le cœur ? Peut-être. Elle n'avait pas eu le temps de bien l'étudier, mais il était dans la fleur de l'âge et vu comment il s'était débattu avant d'expirer son dernier souffle, l'organe ne devait pas être dégradé. Le pancréas alors ? Non, même chose avec les surdoses éthyliques, et comme il était plus petit. La sirène soupira un de déception. Bon, au mieux, elle pourra se contenter d'un petit morceau d'onglet très musculeux, bien ferme, bien dur, vu qu'il montait à cheval...

Elle repoussa vivement sa natte terminée et se préparait à quitter la surface pour rejoindre sa proie quand elle entendit de drôles de clapotis liquide ? Elle haussa des épaules. Le lac foisonnait de vie et certainement que l'odeur de la mort du terrestre s'était déjà suffisamment diluée dans l'eau pour attirer quelques poissons charognards. Peut-être était-ce un de ces gros poissons-chats, capable d'engloutir un tout frais caneton à peine éclos....

Continuant à s'appuyer sur ses bras pour quitter le peu de profondeur que lui offrait le bord, l'eau eut un étrange refroidissement. Elle n'eut pas le temps de s'interroger sur l'origine même de cette baisse presque soudaine de température que la surface de l'eau se figea pour devenir glace. Ses sourcils froncèrent. Qui s'amusait à lui faire cette farce ? Sa peau frissonnait face à cette variation de température. Ses yeux remarquèrent un mouvement dans la nuit... Une forme humaine se détachait dans la nuit, portant un très gros chapeau et une lourde cape... de fourrure, on dirait. Mais ce n'était pas ce qui marquait l'attention de Takhys. Elle avait vraiment un très gros chapeau, très au-delà de ce qu'elle avait déjà vu chez les bipèdes. Une extravagance peut-être ? Possible. Ce détail, bien qu'intriguant, fut relégué au second plan. Cet individu marchait sur l'eau en transformant sa surface en mini-banquise, en la prenant dedans par la même occasion.

Se préparant à invoquer sa propre magie pour se sortir de cette emprise gelée, l'eau retrouva son état liquide, aussi rapidement qu'elle était devenue solide. La sirène cligna plusieurs fois des yeux d'incrédulité en voyant l'individu qui s'était permis de l'emprisonner par le biais de la magie de l'eau. Ses paupières battirent plusieurs fois de d'étonnement et de frustration quand elle entendit un ''bonjour'' et que cette même personne, une jeune femme au vu du son de sa voix, s'était déjà détournée d'elle, poursuivant son chemin. Non, mais... quel toupet ! Un simple bonjour ? Seulement un bonjour ?

Takhys en avait perdu le sourire, se demandant comment le prendre. Soit cette inconnue se fichait de qui elle congelait dans sa manière de se déplacer à la surface du lac, soit elle ne le faisait pas exprès… Ah ! Elle se retournait. C'était donc cela, cette jeune terrestre devait être un peu étourdie...

Takhys ravala un peu sa fierté, acceptant cette seconde hypothèse la plus valable. Retournant le haut de son corps, elle fit face à la visiteuse nocturne. Elle essaya de détendre son visage pour paraître plus avenante.

''Bonsoir''dit-elle. Et malgré toute sa bonne volonté à être aimable, le ton était quelque peu... glacial.

''Bonsoir ou bonjour, après tout... ça veut dire la même chose, dans un sens. ''

Comment allait-elle ? La question était une belle invitation à se montrer garce…

'' Comment vais-je ? ''dit-elle avec un large sourire. ''Dire que j'ai été refroidie dans cette rencontre, ça compte ? ''

Elle émit un petit sourire cristallin.

''Je vais bien, malgré l'étrangeté de cette rencontre. Il n'est pas courant de croiser des visiteuses comme toi. Cherches-tu quelque chose ? Ou alors, es-tu simplement perdue ? ''

Elle se mordit la lèvre pour se retenir de lui demander la raison du port d'un si énorme chapeau

Cette plus-mortelle (?) ne semblait pas contente d'avoir été gelée, Qaguia pouvait bien le voir. Ses rencontres avec des plus-motels et des moins-mortels, voire des immortels, lui permettait de mieux identifier les fluctuations de tons et sonorités depuis le début. Ainsi, elle pouvait voir le mécontentement de son interlocutrice autant que sa décision de le dissimuler à l'oeil de Qaguia. Décevante décision, mais la mage savait que beaucoup de gens aiment danser autour de sujets épineux, au lieu de simplement les tacler. Qaguia préférait dire les choses, elle. Pas par rudesse, mais par désir d'éviter ces petites danses assassines qu'elle voyait assez souvent, histoire de pouvoir tailler plus vite au vif du sujet. Et éviter que des tensions ne restent entre interlocutrices. Elle était trop vieille pour être polie, de toute façon. Et déjà, elle vit quelque chose qui la fit "tiquer", comme ils disaient maintenant dans le vocabulaire mortel.

Comment ça, c'était la même chose ? Bah non. faux Elle interrompit, avant même que cette femme ne réponde à sa question avec un "comment vais-je", la pointant du doigt bleu d'un air presque autoritaire, une main sur la hanche. bonjour jour veut dire jour

bonsoir soir veut dire soir

soir pas different de jour pour toi ? pas pour moi

toi peut continuer

Elle se savait austère quelque part mais Qaguia en était presque fière de ça, pour des raisons citées plus haut. Austère mais pas rude. Rude, ça serait l'appeler une oie ou un autre juron. Rude, ça serait ne pas s'excuser d'avoir geler quelqu'un. Rude, ça serait... ah, doux jésus, aurait t-elle était rude ? C'était difficile de caler sa perception du mot avec celle de la société. Mais pour la sorcière, être stricte, ça aide la conversation en la poussant à une direction potable. Rude, ça voudrait dire y mettre très rapidement fin ou alors délibérément la rendre stérile. Et elle comptait justement faire quelque chose de cette conversation.

Plus le rythme allait, plus elle cette femme rendait son déplaisir clair. Et plus elle le dissimulait, pourtant, avec une question que Qaguia aurait pu trouver intéressante si elle n'était pas sortie dans un contexte aussi crispé. Que cherchait t-elle ? Était t-elle perdue ? Un peu de ci, un peu de ça, mais elle avait sa propre réponse à lui faire avant. toi enervee à cause de moi geler lac comprends tres bien

discussion inutile si toi enervee mais pas vouloir le dire

toi peut minsulter si toi vouloir moi peau dure

En fait non, sa peau était de constitution similaire à celle d'autres. Elle avait entendue le mot pour désigner une fortitude mentale certaine -absurdité, pourquoi serait-ce l'oeuvre de la peau quand c'est l'esprit qui encaisse les insultes ?- et l'utilisait, parce qu'elle savait qu'une métaphore passerait mieux en conversation et serait comprise plus vite, aussi.

Ce serait sa première vraie discussion avec quelqu'un qu'elle venait de déranger, l'occasion d'apprendre était considérable, non ? Il était bon de prendre chaque occasion possible pour apprendre. Et là, si son interlocutrice était réceptive, elle pourrait vite tirer des informations enrichissantes à partir de ce qui avait débuté comme stérile petite discussion de rivière. Posant ses mains sur son torse, et penchant la tête légèrement vers le côté, Qaguia s'avança un tout petit peu vers l'avant, son seul oeil bien ouvert, pour regarder l'oeuvre des mots. La chose la plus invisible qui puisse être, bleh.

mon nom être qaguia moi ombra

moi pas avoir de mere que toi peut moquer

mais moi pas avoir boulot donc toi peut moquer ça si toi vouloir

moi celibataire sans enfants et sans chien

toi utiliser infos maintenant

Elle haussa un sourcil, devant l'importance de la précision quant à ''bonjour'' ou ''bonsoir''. Sérieusement ? Elle ne pinaillait pas un peu là ? Et surtout avec le ton qu'elle employait à son égard... Elle débarquait sans prévenir, la gelait presque sur place et voilà qu'elle jouait presque les autoritaires. Étaient-ce des manières quand deux êtres intelligents se croisaient ? Elle pourrait prendre la mouche et perdre sa bonne humeur. Malgré cette petite glaciation subie en surface en un laps de temps très court, elle veillait à ne pas s'emporter. Si elle provoquait les hostilités, elle pourrait dire au revoir à son repas qui attendait toujours au fond de l'eau. Donc, elle se contenta de sourire à ce besoin enfantin que certaine terrestre avaient de demeurer fixés sur le sens des mots. Quand elle se retrouvait sous l'eau, peu importait la différence du salut, que ce soit de jour ou de nuit. À certaines profondeurs, l'obscurité était en présence perpétuelle, alors le salut en lui-même était simple comme il s'accordait à n'importe quel moment de la journée... Mais bon, les terrestres étaient des terrestres, on ne pouvait pas changer cela.

"Soit, si tu veux. Tant que pour moi et mes oreilles, la politesse soit présente, c'est ce qui m'importe le plus. ''fit-elle toujours en gardant son sourire amusé. Il n'avait rien de faux, elle n'avait pas besoin de forcer, car mine de rien, cette rencontre était presque cocasse.

''Je ne suis pas énervée, j'ai juste été quelque peu surprise de me retrouver pris au piège l'espace d'un instant dans la glace. Et puis, je l'avoue, j'ai été un peu agacée surtout. Voir quelqu'un arriver vers soi, et sans prévenir, employer sa magie sans raison justifiée, il n'y a pas de quoi être heureux. C'est plus dans le genre… déplaisant. Imagine si j'avais été à ta place, comment l'aurais-tu pris ? ''

Vu comment la terrestre s'exprimait, Takhys se demandait si celle-ci ne possédait pas une vision différente de la sienne, de comment les choses devaient se faire.

''Et t'insulter''dit-elle tout en tapotant sa lèvre inférieure de son index. ''C'est bon pour les roturiers cela... ''

Était-elle si endurcie que cela, cette terrestre au chapeau bien trop gros pour elle ? Avec son air un peu apathique, il n'y avait aucun doute. En tout cas, elle se retenait de rire, à nouveau. L'insulter… C'était bien terrestre, ça aussi. Le langage parlé possédait tellement de mots qu'on pouvait être bien plus subtile que d'employer de bêtes injures. Ah tiens, elle s'approchait du bord. Elle put mieux la détailler et découvrit qu'il manquait un œil à la visiteuse nocturne. Si elle venait à employer ce handicap physique comme d'une excuse pour ne pas l'avoir vue avant de la geler temporairement, là clairement, elle se moquerait d'elle. Ce serait infantile.

D'une oreille attentive, elle écouta ses paroles. Elle se présentait et elle était des Ombras ? La Sirène avait eu des doutes sur leur existence, vu qu'elle n'en avait jamais croisé. Elle serait bien la première, du moins, à se définir ouvertement comme telle. Voilà qui pourrait engager une conversation plus chaleureuse ! A moins que le glaçon à deux pattes décide de rester aussi fermée qu'une huître.

''Enchanté Qaguia. Je suis Takhys, sirène pour ma part. ''Elle illustra cela en laissant apparaître une grande partie de sa nageoire caudale, après l'avoir fait remonter à la surface.

''Je ne moquerai pas de ta situation. Voyons... Nous ne sommes pas des barbares que je sache... Si ? ''Elle sourit et lâcha un léger rire. ''Je plaisantais. Je n'ai plus de parents, je ne suis pas mariée non plus, donc pas de… enfants. Je travaille si j'en ai envie. Tu vois, il n'y a pas que toi qui vis une vie un peu atypique. ''

Vraiment si atypique que cela ? Takhys la dirait aventureuse pour la sienne, alors pour celle des autres... Qui sait ce que Qaguia accepterait de dévoiler sur son fil de vie.

''Et sinon, cherchais-tu quelque chose de précis ? Si tu as entendu un hennissement, et que tu es intéressée de récupérer l'équin, il est parti dans cette direction''Elle pointa son index vers l'intérieur des terres. ''Et pour le cavalier, il a coulé''

Qu'elle avait hâte d'en manger un peu.

''Tu peux faire ce que tu veux de ces informations.''dit-il non sans se retenir d'afficher un sourire gourmand à ses lèvres.

Takhys, donc. La politesse restreinte ne s'en était pas allée en dépit des indications de Qaguia, la blonde communiquant ses expressions de façon plus concise sans, pour autant, insulter Qaguia comme elle l'avait espérée. Soit, c'était une manoeuvre ratée alors : elle devrait énerver quelqu'un d'autre pour mieux tester. Mais quelque part, elle comprenait un peu, en effet. Une rencontre pareille était déstabilisante, pour une non-initiée. Et pour briser sa glace, il faudrait une puissance magique équivalente. L'avait t-elle ? Ou était t-elle dépendante de la pitié de Qaguia, sans moyen de se libérer de sa prison ? Ou alors avait t-elle des moyens plus subtils de s'évader, sans briser la glace mais plutôt en la contournant ? Hm, peut-être qu'elle n'aurait pas dû la faire sortir de là si vite. Parce que la conversation ne lui était honnêtement pas très intéressante. Aucun intérêt à communiquer avec quelqu'un qui se retenait.

Ou quelqu'un qui employait les mauvaises expressions ! Allons, Qaguia à la place de Takhys ? Elle ne se baignerait pas dans le lac si tard de nuit déjà, craintive que son corps ne soit accablé par la maladie. Donc, déjà, elle ne pouvait pas être dans cette situation. moi simplement utiliser ma puissante magie de glace

pour me liberer plutot simple Fit t-elle simplement, main sur la hanche droite. Encore une banalité mais là, Qaguia voulait un peu tenter de l'ennuyer, pour extraire véridique irritation de son esprit. Mais surtout, elle n'aimait pas des scénarios pas véridique. Comment se placer donc dans la peau de cette hypothétique Qaguia quand la situation lui était si impossible à visualiser ?! L'Ombra ne serait simplement pas sur l'eau. Et si elle était surprise, alors soit, mais ça ne serait pas dans le lac. Et que faisait t-elle là bas d'ailleurs ? Question devient rapidement complète, une sirène. Son mouvement de la queue le confirme : c'était bien là une Sirène d'eau douce, fréquentant le Lac Rebirth. Le scénario n'était pas implausible. Ce n'était pas comme si jamais elles mourraient en nageant loin des eaux salées.

D'ailleurs, ça n'intéressait pas plus l'Ombra que ça; Kaizoku avait eu bien de sirènes dans son petit village, encore qu'il était plus loin de la mer que d'autres. Il y avait simplement des avantages à pouvoir aller très facilement dans les profondeurs de l'océan ou quelque part de quand même plus profond que recommandé, pour chercher une babiole ou deux presque aussi vieille qu'elle ne l'était. Qaguia savait beaucoup de choses des Sirènes. Et elle ne s'attendait pas à ce que Takhys explique les raisons de sa présence en ces terres. Et, curieuse que l'Ombra était normalement, la politesse distante de la blonde l'irritait. "Je plaisantais". Quelle perte de temps ! Si Qaguia voulait qu'on lui fasse de l'humour, elle irait consulter un bouffon ! Mais elle parlait pour apprendre. Et elle n'était pas sûre d'en apprendre beaucoup sans qu'il y ait échange d'information. Ou "concession" de sa part pour amadouer Takhys.

Elle avait cru discuter avec quelqu'un qu'elle avait "dérangée" mais elle était beaucoup trop calme. L'habitude Républicaine, elle pensait. Qaguia serait partie, voyant porte de sortie dans les mots de Tahkys, et si elle n'avait pas été si... pressée de trouver une excuse, peut-être aurait t-elle ironiquement juste filée. Mais en cherchant justement un prétexte, en fouillant dans cette main tendue, elle se rendit compte d'une réalité plutôt sinistre. Celle d'un pone- d'un cheval enfui et d'un cavalier qui avait coulé. Si Qaguia se disait qu'un cheval serait monture forte utile, si nécessiteuse en ressources, le sort de son propriétaire lui fit soulever un seul et unique sourcil.

Parce qu'une vie pouvait être étouffée en ce moment même. Et Takhys pouvait être en train de commettre la pire chose possible pour Qaguia : le meurtre d'un rêve.

repeche le elle fit, le ton quasiment autoritaire, ajustant sa posture sans pour autant montrer des mains. Un geste inutile, la pensée seule lui suffirait pour que banquise se crée.

C'était geste de bonne volonté. Chaque seconde que Takhys passait libre de ses mouvements était un geste de bonne volonté. Car ce serait dur pour Qaguia simplement la geler et fouiller, aussi. Elle ne pouvait pas chercher dans l'eau la nuit ! Et même si elle savait le cavalier sans doute déjà mort, elle cherchait quelque part confirmation avant de bien faire son deuil.

sytplé

Ça, elle avait pu constater que Qaguia disposait d'une magie assez puissante pour marcher sur l'eau. Bien qu'elle n'avait pas prêté attention à l'emploi d'une quelconque gestuelle pour congeler la surface de l'eau, comme pour l'encerclement gelé, venant de la part de la terrestre, la nageuse nocturne ne négligeait pas les risques qu'elle encourait, si elle venait à la provoquer. N'étant pas une guerrière de base, elle veillerait à ne pas lancer les hostilités de toute façon. Et pour quelle raison elle viendrait à les déclencher ? Les circonstances de cette rencontre un peu refroidissantes n'étaient que le fruit du pur hasard. Et cette jeune femme à deux pieds n'avait rien, au premier abord, rien à se reprocher qui justifierait à la sirène de l'emporter dans le fond des eaux sombres du lac Rebirth... Elle ne put s'empêcher pourtant d'avoir un bref rictus de fierté personnelle. Quand elle était certaine de choper une proie et de la tuer sans trop y laisser d'écailles, là, elle pouvait. Comme le cavalier noyé qui traînait dans le fond vaseux du lac.

A moins que la porteuse de couvre-chef démesuré viendrait à en avoir assez de se taper la discussion avec la poiscaille du soir. Deux individus qui maîtrisaient la magie de l'eau, sous le firmament étoilée, aurait de quoi offrir un beau spectacle. Takhys privilégiera la protection des profondeurs. Mais des tournures actuelles, elle était confiante. Elle n'exprimait pas de violence orale, son interlocutrice non plus ou alors, elle était aussi frigide que sa magie et le cachait bien... Bah, on verra bien, songea la Sirène

Remuant tranquillement sa nageoire caudale, sentant sa voilure rigide danser dans l'air humide de la nuit, elle gardait toujours son regard posé sur Qaguia. La conversation n'était pas très riche - du moins pas encore-, du fait que la terrestre s'exprimait par courtes phrases. Takhys n'y trouvait rien à redire et gardait toujours son sourire aimable à ses lèvres.

''Tu dois bien maîtriser la magie de la glace pour marcher sans effort à la surface de l'eau. Je suis impressionnée. Mais si tu es aussi puissante, pourquoi ne pas avoir modelé une barque ? ''

N'ayant pas connaissance du point de départ de Qaguia, la sirénienne ne pouvait guère dire depuis combien de temps la terrestre marchait sur l'eau qu'elle avait gelé à chacun de ses pas. À l'évidence, cette Ombra était d'un niveau supérieur à elle. Elle nota mentalement cette hypothèse.

''Hum... tu as raison, à ma place, tu n'aurais même pas ressenti l'effet refroidi… ''

Il pouvait être difficile à certains pratiquant de magie de se mettre à la place d'être plus sensible qu'eux à certains éléments naturels. Takhys avait la connaissance de la magie de la glace, mais sentir sa petite morsure sur la peau, quand on s'y attendait pas, y avait de quoi réagir. Mais passons- pensa-t-elle. Ce désagrément était passé après tout. Observant toujours la porteuse au grand chapeau, elle attendait de la voir ouvrir à nouveau la bouche pour exprimer d'autres possibles informations. Mais ce ne fut pas la bouche qui se mût sur son visage.

Qaguia haussa son unique sourcil, à l'évocation du cavalier trépassé. Tiens donc…Son sourire s'étira presque à la limite de la provocation quand le ton autoritaire de la terrestre retentit à ses oreilles, après avoir ''rebondi'' sur la surface de l'eau paisible. Voilà qui était captivant comme réaction. Pourquoi s'intéressait-elle au cavalier ? Elle l'apprendra bien assez vite, si elle lui remontait le corps. Tant qu'elle venait pas à l'emporter dans son intégralité...

Elle libéra un léger petit rire cristallin et avec agilité, elle quitta sa petite profondeur de berge pour sombrer vivement sous l'eau, non sans avoir fait claquer sa nageoire à la surface.

La Sirène ne mit guère de temps pour remonter sa proie et de l'approcher du rebord, juste assez pour que Qaguia puisse s'en approcher en se mouillant jusqu'aux chevilles. Enfin, façon de parler, puisqu'elle usera de magie pour justement pas se tremper le bas des jambes.

''Et voilà le repêché. Un assassin qui a jeté un autre corps dans l'eau... tu veux que je te le remonte aussi ? ''fit-elle en riant encore un peu.

''Si tu veux l'emporter, je n'ai rien contre.... à condition que tu me laisses un morceau de mollet. ''

Au moins, était-elle directe sur la partie de cet humain qu'elle tenait à avoir pour ce soir.

Un petit rire et un départ soudain, ça ne voulait dire rien de bon. Autant pour ce cavalier que pour elle, parce que Qaguia eut l'idée saugrenue de la geler durant son petit séjour aquatique. Parce qu'elle la blâmait pour la mort du cavalier ? Non, Qaguia soupçonnait que quelque chose s'était passé mais ne voulait pas intervenir sur des coup de têtes, elle qui était décidément trop vieille pour aller laisser ses intuitions la guider comme une jeune de deux-cent-cinquante ans. Sa théorie sur ce qui s'était passé était que Takhys faisait une blague, et Qaguia trouvait ça désagréable parce qu'elle n'avait pas de patience envers ce genre de pitreries pour commencer. Ou elle avait véritablement quelque chose à se reprocher et était un peu trop hésitante à le rendre apparent, si elle n'était pas en train de partir ou d'ajuster sa position pour lancer une attaque éclair sur Qaguia. Elle étudiait chaque cas de figure sérieusement mais en pensant plus fort à certains.

Parce que certaines possibilités étaient plutôt graves. Le meurtre est quelque chose d'assez gênant à commettre dans la société Républicaine et la responsabilité de Qaguia serait de guider Takhys vers l'agent de justice le plus proche pour qu'elle confesse le crime et soit arrêtée pour être ensuite jugée. Scénario peu plausible, vu que Takhys avait peu de chances de collaborer et Qaguia n'avait pas connaissance de postes ou bases Républicaines dans le coin, la chance étant qu'elle avait atterrie dans l'un des coins les plus isolés. La chance.. ou alors le destin, qui ne voulait évidemment pas voir Takhys punie par la loi pour toute possible transgression ce soir. Sinon, pourquoi ne pas placer la rencontre quelque part de plus accessible pour une paire de bottes avec un badge ?

L'Ombra ne pensait pas que cette soirée se devait d'être résolue de façon aussi plate que ça, en allant consulter un "policier" pour le laisser gérer. Elle se défendrait si quelque chose se passait mais elle sentait que le destin voulait la guider ailleurs. Vers une résolution qui permettrait aux deux de continuer leurs chemins tranquillement. Mais bon, peut-être mettait t-elle les voiles avant le bateau : qu'est-ce qui pouvait bien lui faire penser que Takhys était une tueuse sanguinaire impliquée dans la chute du "cavalier", qui aurait très bien pu être victime de circonstances différentes n'impliquant pas la sirène ? Ou enfin, qu'est-ce qui pouvait faire penser la Qaguia d'avant, cinq secondes dans le passé, et non celle de maintenant, qui tenait un corps ensanglanté dans les mains avec un gloussement de petite fille.

Ah, misère.

C'était grave de tuer quelqu'un. On écrase son rêve. Et encore qu'il lui en manque, par stupidité ou manque d'ambition, voire soumission totale à la hiérarchie, il pouvait toujours (re)gagner la capacité de rêver. Tuer, ça voulait dire effacer ça en permanence : ne jamais lui donner l'occasion de se relever pour pourchasser ses désires ou ses envies, peu importe leur forme ou désire. C'était la fin de tout, comme du sel jeté sur du sol déjà poignardé de milles flammes. Et si un rêve était appelé à en surpasser un autre éventuellement, fauchant la vie de son manieur, Qaguia avait toujours une sensation désagréable qui lui venait en tête en voyant quelqu'un mourir. Comme une brûlure à la gorge, lave en fusion descendant pour irradier ses poumons et embraser son coeur avant de se solidifier en une bonne grosse boule à l'intérieur du ventre. Elle pouvait si précisément décrire cette sensation là parce que c'était ce qu'elle ressentait là, maintenant, en voyant le cadavre.

Il avait eu des envies, des rêves ou le potentiel d'en avoir et plus maintenant. Il n'était que bête cadavre, qui remplirait les gosiers de créatures inférieures et sera oublié des siens. Mais à quoi bon s'énerver ? Le rêve de Takhys avait été plus fort ou avait trouvé meilleure hôte. Qaguia ne pouvait pas s'énerver contre elle ni l'arrêter. Parce que elle, qui n'avait pas de rêve et n'était pas en danger immédiat, n'avait aucun droit de se mettre sur le chemin de quelqu'un qui avait ses ambitions, aussi déplacées qu'elles étaient. Sauf si Takhys était évidemment décevante en termes d'ambitions ou d'envies.

Là, ça serait différent.

moi essayer avant pas aimer

Ce n'était pas une blague mais elle refusa d'élaborer.

aime marcher Qaguia répliqua, répondant à une question posée il y a un tout petit moment. Elle pouvait faire une barque, elle en avait fait une techniquement, mais ce n'était pas très agréable. toi mal comprendre ça hm hahahahaha c'était de l'humour ! Hilarant ! La sorcière n'avait pas trop le sens de l'humour ni l'envie de s'en servir mais cela pourrait "abaisser" la garde de la sirène, d'une certaine façon. Ce qui fut expliqua pourquoi Qaguia décida de la tacler, lançant un regard dépité au cadavre avant de poser la question.

pourquoi toi laisser lui mourir ?

meurtre beaucoup plus que tuer chair chair debile

commune meme chair partout

esprit toujours unique sauf si reikois ou politique ça, ce n'était pas une blague non plus. toi tuer esprit

Qaguia joignit les mains, laissant le silence faire un salto plané avant de conclure. pourquoi

Elle avait donc testé un déplacement dans une barque de glace et n'avait pas apprécié... Deux hypothèses s'affrontaient dans l'esprit de la sirène. Soit, elle ne disposait pas assez de puissance pour maintenir un tel et gros objet avec la magie de glace, soit elle appréciait réellement marcher. Ainsi, la seconde était la plus logique, confirmant par là même un niveau de magie bien supérieur à la sienne. En même temps, pourquoi Takhys perdait son temps et de l'énergie pour cette futilité ? Elle n'en avait nul besoin. D'ailleurs, Qaguia en profita pour la chambrer. Hum, qu'elle ne pouvait pas profiter d'aligner un pied devant l'autre pour se mouvoir sur une surface dure et plane ? la sirénienne la fixer quelques secondes, battant les paupières, devant ce petit pic. Puis, elle éclata de rire, tout en profitant pour se reculer un peu de la berge, pour avoir plus d'aisance avec sa nageoire. Ne sait-on jamais.

''Tu ne manques pas d'air pour une terrestre.

Non, ce n'était pas vraiment un jeu de mots.

''Sûr que je ne perdrai pas mon temps à monter dans une barque pour traverser le lac. Mais n'omets pas que bon nombre de membres de mon espèce peuvent marcher sur terre… Et cela, sans appeler la magie. ''

Avait-elle besoin de rentrer dans les détails ou bien cette femelle terrestre ignorait une des capacités des Siréniens à développer des jambes pour fouler le sol comme les non-aquatiques ? Chose était que la conversation prenait un virage plus sérieux maintenant que le cadavre de sa proie traînait sur la berge.

Takhys l'écouta silencieusement, s'assurant d'avoir assez de fond pour prendre la fuite. Elle n'omettait pas que certains individus pouvaient aisément prendre la mouche pour la mort d'un membre de leur espèce. Normal dans un sens... Elle-même le prendrait mal si on venait à tuer un congénère. Ou pire, une personne qu'elle connaissait. Mais là, on parlait d'un humain qui avait tué un autre humain. Bien, il était temps d'éclairer un peu cette situation, pour répondre au pourquoi de sa mort.

''Peut-être parce qu'il a tué lui aussi un autre esprit ? ''

Quelques secondes de silence ; elle aussi pouvait s'accorder ce genre d'instant. Puis, elle opta pour la version courte des évènements récents

''Il est arrivé sur la berge avec son équin, avec un corps. Il s'en est débarrassé dans l'eau du lac. J'ai veillé à ce qu'il paie son acte. C'était un assassin. Le monde s'en portera que mieux sans lui. S'il était plus intègre, il aurait offert une sépulture à sa victime, au lieu de le jeter comme un vulgaire déchet. ''

Elle plissa légèrement son regard.

''Çela répond-il à ton ''pourquoi'' ? ''

Et pour son onglet de clair ? Peut-être qu'elle pouvait l'oublier…

La chair n'est qu'outil, un moyen de transporter l'esprit. Il serait bête de sous-estimer son importance dans l'ordre des choses, évidemment, mais si Qaguia devait placer une hiérarchie, c'est bien l'esprit qui différencie l'homme et la femme des bêtes ou des monstres. C'est l'esprit qui leur a permis de surmonter les différences physiques entre l'homme et l'animal pour se hisser au sommet du monde et c'est la capacité de croire et de penser pour soi qui sépare un humain du mouton dont il dévore les restes avec autant d'entrain. Sans esprit, le corps n'est que poupée d'une plus grande volonté au mieux, en errance écervelée au pire, guidée par une faim primitive. Oui, c'était l'esprit, le "soi", qui sépare vraiment les gens de la proie, et leur permet de se hisser au sommet du monde. Et peut-être que c'était très basique mais c'est pour ça que Qaguia voulait souligner le meurtre comme celui d'un esprit.

C'est une conscience qui meurt. Une âme unique, aux ambitions rien qu'à elle avec ses idéologies, son expérience et ses traits, qui est engloutie dans l'éther, sans rien laisser derrière elle. En tuant une âme, on l'empêchait à jamais de grandir vers son plein potentiel et d'assimiler plus de choses encore. Et on l'empêche à jamais de réaliser son rêve, enterré qu'il soit. Oui, certains esprits ont été lapidés par le fouet acéré de la tyrannie. Ou d'autres ont été conditionnés plus "poliment" pour ne pas les suivre. Et d'autres ont simplement vocation à écraser ceux des autres. L'Humanité n'était jamais vraiment autre chose que... diverse. Mais en chaque personne réside le potentiel de grandir, enterré quelque part. Il ne suffit que de le déterrer. Ou de de laisser changer aux gré de ses expériences.

Ce que tuer empêchait, comme venait de dire.

En soit, Qaguia n'avait pas vraiment de façon d'arrêter Takhys sans la tuer. Ou sans se retrouver à devoir tirer un glaçon au travers de la forêt, à la recherche d'agents des forces de l'ordre de la République. Mais elle comptait quand même la punir, si jamais son explication venait à lui être peu satisfaisante. Mais selon les termes de Qaguia, elle méritait de s'expliquer. Justice hâtive est mauvaise. Et Qaguia était une curieuse, après tout. Qui sait quelle révélation dramatique Takhys pourrait apporter ? Ou alors une perspective unique ? Une philosophie comme celle de l'Ombra, peut-être ?

Elle commença à parler et la magicienne vit qu'elle semblait adhérer à un code plutôt simple, en fait. "Un oeil pour un oeil". Dans le sens qu'elle n'échangeait pas d'organes oculaires avec les autres, mais réagissait à un crime ou une offense par méthode similaire. Comme le meurtre avec le meurtre dans ce cas là. Avec un raisonnement pareil, il est facile pour quelque chose de simple de dégénérer mais l'Ombra trouvait l'idée... intéressante dans son fonctionnement. C'était une idée très pure de la justice. Comme celle d'un enfant qui, voyant un meurtrier jugé, se demandait pourquoi il n'était tout simplement pas exécuté pour avoir tué.

Là, c'était un autre cas de figure, même si elle n'était pas sûre que Takhys lui dise la vérité. Lui qui passe sa vie à raccourcir celles des autres ne doit pas se plaindre si la sienne est interrompue aussi subitement : C'était un cas de figure où le meurtre, quoi que regrettable, était "permis" tant que Qaguia n'était pas celle qui devait porter le coup fatal. Un tueur avait rencontré une autre et avait perdu, sans plus. Ce n'était pas l'affaire de l'Ombra de un mais elle devait aussi respecter le triomphe de Takhys de deux. En gros, ce n'était pas son affaire et elle était plutôt d'accord avec l'idée de Takhys, de façon implicite.

Le tueur s'était lancé dans une vie de violence. Même si le potentiel avait été en lui, il s'était lancé dans sa vie en se préparant à être pourfendu lui aussi. Il n'y avait rien à défendre.

Par contre, il était amusant de la voir se plaindre du manque du respect de l'assassin pour le cadavre de la victime, alors qu'elle faisait véritable festin du corps de l'assassin en retour. "Il n'a pas fait ci donc je lui fais pas ça" ? Ou alors elle n'était que prédatrice ayant élaborée une histoire, ne sachant pas vraiment si l'homme avait commis quelconque crie ? Qaguia avait bien entendu un cheval, après tout, mais ça aurait très bien pu être celui d'un gentilhomme en promenade nocturne. Assumons, toutefois, qu'elle disait vrai. Avec un simple hochement de tête, Qaguia rabaissa les épaules, en signe de neutralité.

ou toi faim mais moi te croire

toi plus forte ou maline ton reve gagner sur lui

et moi pas tuer toi ni amener a autorites

Qaguia baissa le regard, son seul oeil se plissant en retour. Bien, deux questions, cette fois.

si toi remonter corps premiere victime moi te croire sur

mais toi avoir pensee amusante

si autre personne tuer toi car toi tuer assassin toi accepter ? elle fit, un peu intriguée. Le défaut d'une philosophie pareille, c'est que tout meurtre est considéré comme égal. Du coup, laisser l'assassin d'un assassin filer voudrait dire laisser un assassin partir, ce qui n'était pas "juste", n'est-ce pas ? Qaguia posa une main sur sa hanche. moi pas t aider si toi attaquee

sauf si moi attaquee aussi oui

mais pas tuer alors hm

La Sirène n'avait pas manqué de rajouter quelques dizaines de centimètres, pour allonger un peu la distance entre elle et Qaguia. Le fond s'étendait un peu plus en dessous d'elle, lui assurant une meilleure marge de manœuvre. Elle restait toujours dans l'optique que la conversation se transformerait en confrontation. Mais si la terrestre était capable d'invoquer de la glace, rien que la pensée… Allez, elle ne se focalisa pas totalement sur ce risque encouru. Pour l'instant, ce n'était que dialogue autour du cadavre qui était étalé sur la berge. À elle de veiller à ne pas glisser sur une mauvaise pente verbale et provoquer le courroux de l'Ombra.

Silencieusement, la sirénienne guettait la moindre réaction, le moindre signe qui orienterait la situation conversationnelle vers un stade conflictuel. Car, Qaguia était en pleine réflexion, cherchait peut-être la suite à donner quant à la mort de l'assassin. Si la malchance venait à être de la partie, Takhys encourait de possibles soucis. La justice humaine avait ses adeptes au sein des autres espèces. Bah, elle ne se mortifia pas dessus. Elle attendait de voir. Pourquoi se faire du mal à stresser pour des perspectives qui ne se produiront que dans le bon sens ? Et puis, au besoin, elle aurait de quoi se défendre…

Attendant toujours, elle surnageait à la surface, car ses mains écartées, sous l'eau, gardant son regard émeraude fixé sur la terrestre. À plusieurs reprises, elle luttait contre son désir de relever ses yeux sur l'immensité du chapeau qui trônait sur le crâne de son interlocutrice. Pourquoi portait-elle un atour aussi énorme par rapport à sa taille ? Hormis son œil perdu, avait-elle une calvitie qu'elle souhaitait dissimuler avec extravagance ? Elle se retint de glousser à cette image.

Qaguia finit par affaisser ses épaules. Takhys le prit comme une manière de détendre un peu l'atmosphère. C'était plutôt bon signe, non ?

''J'avais faim... juste pour un petit bout, je l'avoue. J'ai pêché par gourmandise. ''

Mais en veillant à s'en prendre à un assassin. Qui viendrait le pleurer concrètement ? Surtout si on ne retrouvait plus jamais son corps ?

''Mais j'ai plus d'appétit. Je ne sais pas quel était son rêve, mais le sien ne devait pas être bien étendu... Il ne devait pas avoir de grandes ambitions pour en être à se défaire mollement d'un cadavre. ''

Son rêve avait fait en sorte qu'elle avait gagné sur celui de l'humain qu'elle avait sciemment noyé ? La notion de rêve avait une approche étrange dans la bouche de la terrestre. Elle médita un peu dessus, avant de reprendre sur la suite de leur conversation.

''Trop aimable de ta part... ''

Elle avait retenu un ton acerbe. Elle estimait être dans son droit quant à l'acte qu'elle avait commis. Mais elle n'avait pas imposé l'amertume qu'elle eut en bouche après avoir entendu les actions qu'auraient pu mener Qaguia à son égard. Donc, elle devait montrer sa ''reconnaissance'' sans être trop piquante... hum, pas évident dans les faits. Bon, au moins, faisait-elle preuve d'une totale franchise.

''Je veux bien remonter l'autre corps si cela peut apporter un total crédit de vérité. Mais je vais répondre à ta question. Si un terrestre désire venger la mort de cet humain, qui traîne là... ''

Elle afficha un petit sourire.

''il faudra qu'il arrive à me tuer. S'il y arrive, je ne pourrai qu'accepter d'être tuée non ? Ce ne serait pas vraiment une forme d'acceptation. Je vis dans un monde où la vie, c'est tué ou être tuée dans le cadre de la survie sous-marine. Les Sirènes et les Tritons sont bien plus confrontés à la dangerosité de la nature et de ses prédateurs qu'à la surface… ''

La porteuse de grand chapeau arriverait-elle à saisir ce mode de pensées ?

''Tu n'as aucune obligation à intervenir pour m'aider si je venais à être attaquée. La vie est faite de risques après tout. Et d'ailleurs, qui voudrait d'attaquer, si tu n'es pas participante ? ''

Puis, elle la regarda avec plus de sérieux, n'étant pas totalement certaine de ce qu'elle avait entendu.

''Et si tu n'avais pas d'autres choix que de tuer ? Tu me diras, tu peux toujours estropier le corps et laisser l'être en vie...''

Qui, dans un sens, n'était pas tuer.

''Bien, je reviens, je vais te chercher l'autre corps. ''

Elle ne mit guère de temps pour le remonter à la surface. Elle veilla à le mettre assez proche du bord, sans pour autant le coller au cadavre de son assassin.

''Et voilà ! Comme tu pourras le voir, y a encore du sang séché sur ses habits, là où l'autre l'a achevé. ''

Bon, et cette histoire de rêve, si elle appuyait sur ce point qui la taraudait ?

''Dis-moi... tu as parlé de mon rêve qui a été plus fort que celui de mon noyé... qu'est-ce que tu entendais par là ? Car j'ai bien quelques rêves, mais qui n'est pas d'apporter la justice à toutes les victimes des meurtriers sans scrupules... D'ailleurs, le tien, c'est de faire connaître au monde l'immensité du chapeau que tu portes ? Je ne moque pas, je précise. Et parce que cela m'intrigue un peu. ''

Car sous l'eau, on ne pouvait guère porter un tel couvre-chef.

Ce qu'elle venait de dire n'avait rien de vraiment troublant pour une habitante de Kaizoku. Sans doute que la sirène venait bien d'un monde tout à fait différent du sien, avec des profondeurs aussi énigmatiques que dangereuses, mais son point de vue de la chose était compréhensible pour quelqu'un qui pensait avoir tant vu du Sekai. La mort était omniprésente et, pour ceux avec l'ambition de voyager ou de se faire un nom en s'élevant dans les rangs, la mort venait doublement plus fort, de la part des calamités aléatoires loin de chez soi ou de puissants pas très fans de rivaux. Et pour palier à tout ça, il fallait avoir la puissance et l'intelligence de surmonter ces dangers mortels : si l'on échouait, alors il fallait l'accepter, de préférence avant que la vie quitte son sein. Et à Kaizoku, "état" anarchique où le roi était beaucoup moins puissant qu'un Président ou Empereur, chaque pirate voguait en savant pertinemment qu'il pourrait devenir le futur domicile d'un poisson, au fond des océans.

Donc, la perspective de Takhys n'était pas gênante. Mieux, elle était agréable de par sa sincérité. Elle pouvait dénier que c'était simplement de l'acceptation mais elle se rendait beaucoup moins vulnérable à une mort bête comme ça. Clairement, l'assassin n'avait pas été aussi prudent. Ni sa victime, qui s'était aventurée près d'un lac en pleine nuit : qu'il y ait une chaîne de proie-prédateur pareille en était presque amusant, si elle avait encore un sens de l'humour. Et une certaine nonchalance avec la mort qu'elle n'avait pas. Car c'était la fin infinie et éternelle d'un esprit unique, comme dit plus haut. Et quoi que certains pouvaient être des idiots qui sous=estimaient les dangers autour d'eux, elle préférerait qu'ils puissent vivre pour réaliser leurs erreurs et en grandir.

Mais s'ils mouraient, inutile de les pleurer. Surtout quand les circonstances de la rencontre étaient post-mortem, pour ainsi dire. la mort est partout toujours elle fit, en réponse, baissant la tête un instant. L'abysse de l'océan devait avoir un sacré air si elle pensait la surface moins dangereuse. eux le découvrir non ? fit t-elle, doigt pointé vers le cadavre en bas. Peut-être que Takhys pourrait dire que PLUS de tritons et de sirènes mouraient comme ça au hasard mais Qaguia ne le saurait pas. Et ne risquait pas de le savoir de sitôt, même si ça lui ferait relativement plaisir de pouvoir le voir. Elle était curieuse, mine de rien : voilà un endroit où c'était sûr que les gens étaient libres. En danger mais libres.

Sauf s'ils avaient une organisation politique, bien sûr. Ce serait.. pas si surprenant, mine de rien; Les gens aiment l'ordre et l'équilibre. On ne peut pas vraiment enlever les chaînes de quelqu'un qui s'est arrangé pour se les nouer autour du cou et tout, non ? Si elle réussissait à abattre la Présidence -un acte que, cher lecteur, elle ne comptait pas lancer-, sans doute que les gens de la République en auraient élu un autre avant la fin d'une espérance de vie Hybride. Il faudrait lui demander : Qaguia était curieuse, mine de rien, même si Takhys semblait avoir quitté le bercail. Peut-être parce que les abysses étaient plus proches d'un Lumina'Ombra qu'une vraie terre de liberté comme elle se l'imaginait ? Bah, elle pourrait demander au lieu de simplement théoriser.

En parlant de ça, elle lui posa une question à elle ! Bon, question posée, réponse apportée. Une conversation polie ne pouvait pas de passer de ça.

ma glace me défend facilement

elle immobilise longtemps

et peut venir de partout Si elle avait apprise une autre magie, comme le feu, sans doute qu'elle aurait un peu pataugée sur cette partie. Mais le Destin en avait voulu autrement en lui offrant un style de magie parfait pour se défendre et immobiliser sans gros efforts. Il fallait seulement faire... attention. Car le corps humain gère mal les changements trop soudain de température. Et elle avait dû s'en rendre compte de façon très malheureuse si jamais elle en était si consciente. C'était bien pour ça qu'elle avait été si rapide à dégeler Takhys, quoi que c'était aussi dangereux à faire en somme.

Mais bon, elle n'avait encore tué personne.

Récemment.

j'ai donc toujours l'option de les coincer

Voilà. Et après, elle vint chercher l'autre corps. Diantre, elle était plutôt aigre à démontrer sa relative innocence. Mais ce qui intéressa l'Ombra le plus, ce fut sa question, sur les rêves. La magicienne pencha la tête en arrière pour observer Takhys de son oeil intact avant de parler, pesant ses mots. Son rêve... elle s'en souvenait, un peu, oui. Il lui venait plus, maintenant qu'elle avait fait ses rencontres et parlé à des gens. Mais pas tout à fait encore. Il n'était que simple pensée quand il devait être but ultime. Mais bon, comment pouvait t-elle ? Il manquait une partie essentielle. C'était comme aller sur la Lune en comptant rester sur Terre. Absurde.

Mais bon, une à la fois. La question de Takhys était très intéressante en soi. Même que Qaguia, une fois son petit regard fini, vint se racler la gorge un peu, histoire de parler sans sa gênance habituelle.

Je veux mourir.

Et ton exemple... Non. Un rêve pareil est débile. Le monde ne changera pas. Et en voulant améliorer des vies, l'on en oublie la sienne. Irréalisable et stupide. Non. Un rêve est égoïste. Il est centré sur soi et ce que l'on veut faire pour soi. Pour pouvoir mourir satisfait. Pour mener une existence heureuse. Tu n'as qu'une vie. Poussière tu fus, poussière tu seras, peu importe ton espérance de vie. Après la mort, tout le monde laisse que des os : les héritages se perdent, les progrès régressent, les légendes deviennent mystères, les fortunes se délient. Le temps détruit tout.

De mon existence, j'ai connu des noms et des titres capables de faire ployer des forteresses par simple mention de leur nom, dans le soupir de leurs victimes effarées. Tous ont disparus dans les ténèbres. Que tu n'en reconnaîtrais aucun si je les mentionnais. Cette vieille sera oubliée. Le roi du Reike aussi. Toi. Moi. Disparus et oubliés. Ils ont recherchés la gloire éternelle posthume et n'en absolument rien eu de ça. Un rêve, c'est une odyssée personnelle vers la satisfaction et le bonheur. Le monde et ses habitants peuvent être damnés si ton rêve le réclame : Il faut savoir se divertir. Avant de revenir simple poussière. Voilà.

non. je ne veux pas que le monde connaisse l'énormité

de mon chapeau c'est nul

Takhys, toujours toute sourire, fixa le dernier cadavre quand Qaguia vint à le pointer de son doigt. Un corps sans vie pouvait plus que difficilement apporter un élément de réponse quant à la découverte, à la découverte de la mort et d'en rapporter les sensations que cela apportait une fois qu'elle vous prenait dans ses bras. Pour la victime de l'assassin, Takhys ne pouvait pas savoir ce qu'il avait pu ressentir. Pour sa proie, chose certaine était qu'elle avait senti la mort le prendre. Après pour le reste.

''Oui, tu as parfaitement raison, la mort est partout. Mais, n'est-ce pas ce qui fait que la vie existe ? Sans vie, pas de mort et inversement. La vie et la mort sont liées.

La Sirène avait pris son milieu naturel comme exemple pour parler de la dangerosité et les risques de périr entre lui et la surface. Elle n'oubliait pas que le monde aérien avait aussi son lot de danger et ne venant pas des prédateurs naturels qui foulaient ces terres émergées avec des pattes griffues, ou encore en y rampant. Il y avait des prédateurs plus dangereux, lancés par la faim du pouvoir et de l'argent. Ces mêmes prédateurs qui réagissaient à des pulsions égoïstes et qui finissaient par périr par plus fort qu'eux, comme l'assassin que Takhys avait précipité dans les abîmes lacustres.

''Je pense que ma petite victime a découvert qu'elle allait périr. Mais après, je ne peux affirmer si elle l'a découverte de par elle-même. Vu que j'ai eu un peu contribué à réduire son espérance de vie en quelques minutes. ''

Techniquement, une fois que l'on est mort, on est bel et bien mort. Apporter son retour d'expérience sur comment on découvre la mort pourrait être une réponse éternellement sans réponse. Sauf peut-être si l'on venait à croiser une âme réincarnée... à condition que l'âme en question se rappelle sa vie passée. Ça, ce n'était pas gagné. Les chances de tomber sur ce genre d'être étaient plus que rarissimes. Ou alors n'était-ce que des mythes pour ne pas être trop effrayé de ce qu'il y avait après la mort même ? Là aussi, le sujet pourrait apporter un débat intéressant. Mais là, en cette soirée au bord du lac, ce n'était pas vraiment le bon lieu et encore moins le bon moment.

Elle ne put que hocher de la tête devant l'évidence même des capacités qu'offrait la magie de la glace. La sirénienne elle-même maîtrisait un peu cette magie. Cela ne l'avait pas empêché d'être prise par surprise à l'arrivée de Qaguia. Qu'aurait-elle pu faire, vu que son interlocutrice avait bien plus d'expérience dans cet élément qu'elle ? Hormis peut-être briser les entraves gelées le temps nécessaire pour retourner dans les profondeurs du lac ? Elle ne pourra jamais réellement le savoir. Elle ne s'amusera pas à provoquer la terrestre avec son énorme chapeau.

''Tant qu'il y a de l'humidité dans l'air, c'est cela ? Si tu arrives à la maintenir longtemps, cela doit être pratique pour faire des fruits frais en été ou de conserver de la nourriture en hiver. Mais, c'est vrai, je n'ai pas songé à l'immobilisation des ennemis. ''

Qui devaient finir par bien se les geler si Qaguia maintenait un champ d'entrave glaçant. Cela avait le mérite de refroidir les ardeurs.. Haha, ce jeu de mots typique humain qu'elle venait d'avoir en tête !

Elle tendit l'oreille quand la chapeautée se racla la gorge. Elle se préparait à répondre à la question de la Sirène. Takhys ne s'était pas attendue concrètement à avoir une réponse à la question portée sur ses rêves à elle. Voilà qui se montrait des plus intéressants ! Elle l'écouta attentivement et affichait un sourire bien étrange. Rien de provocateur, rien de fallacieux, rien de séduisant. Un sourire qui était tout autre chose et qu'elle ne pourrait définir. Peut-être parce que c'était la première fois qu'elle entendait une deux-jambes s'exprimer de la sorte ? Chose certaine était que son esprit était en ébullition.

''C'est intriguant ce que tu dévoiles. D'un côté, tu dis que les rêves sont égoïstes et je vois ce que tu veux dire par là. Mais, de l'autre, le tien est de souhaiter que la mort vienne t'enlacer de ses bras. On ne peut pas parler d'égoïsme dans ton cas ? C'est quelque chose… hum... je ne possède pas ton expérience de vie, vis-à-vis de ce que tu as narré, mais ton cas est unique, non ? Ce que tu aspires à atteindre, peu ne le souhaite, sauf les gens à l'agonie, qui savent qu'ils vont mourir et qui veulent abréger leurs souffrances. Mais, toi... tu es encore physiquement et mentale apte à demeurer dans ce monde de longues années encore, sans soucis, sans véritables angoisses. Je ne vais pas te demander les raisons qui t'ont poussé à avoir ce rêve, ce désir, car c'est personnel. ''

Certains souhaits étaient toujours personnels, ou alors, on préférait les garder secrets, de peur de pas être compris d'autrui.

''Je ne peux que te confirmer que quoi que l'on fasse, on sera oublié. Peu importe les actes, les victoires, les déceptions. La vie en elle-même poursuit son chemin, nullement importunée par les fourmis qui vivote sur la terre, dans les eaux ou dans les cieux. Personnellement, je me fiche de laisser mon empreinte. Qui s'en soucie de toute façon. Personne et tu le confirmes par tes mots. Je vis ma vie, je fais en sorte d'en profiter, d'être heureuse. De me divertir... Après, je sais qu'un jour, je rejoindrai le cycle de la vie. Ma chair, mes os, mon corps entier servira à la vie, à la nature, pour engendrer un nouveau cycle. Je laisserai une trace à ma façon, dans un sens, en acceptant totalement que je fais partie d'un tout et que je ne peux pas m'en détacher. Je serai intégrée au monde. Celles et ceux qui pensent pouvoir faire bande à part et marquer le monde de leur empreinte font tellement fausse route. Au pire, ce sera quoi… Une ligne ou deux dans des grimoires qui finiront par être dévorés par le temps. "

Elle ne manqua pas de rire après pour l'affaire du chapeau.

''Il serait difficile pour le monde de ne pas porter attention sur ce beau et GRAND chapeau, alors que tu te balades à travers le monde extérieur. Comment ne pas le louper ? Après, si nous revenons sur tes propos de tantôt, alors oui, le monde ne se souviendra pas de ton chapeau. D'ailleurs, j'en profite pour rebondir avec une question pourquoi. Pourquoi CE chapeau justement ? "

Elle se put à faire sortir un peu sa nageoire caudale, qui était bien grande pour une sirène.

''Même ma queue n'attirerait pas autant le regard. ''

Puis, elle lorgna les deux cadavres.

''Je pourrai en disposer, ou souhaites-tu en faire quelque chose de ces deux là ? ''