"Pourquoi installer la Guilde à Courage ? Parce qu'il ne vous restera plus que ça pour survivre au Trajet"
- Entendu lors d'un entretien de recrutement d'actionnaire


Courage, an -2

Encore une nuit fraiche à Courage ! Allongé sur la paille, à côté des étables abritant de nombreux chevaux, je regardais les étoiles éclairer le ciel noir. Quel magnifique spectacle  ! Pas comme cette allée sentant le foin et remplie de déjections de cheval. Pourquoi les petites allées n'étaient pas comme les rues principales, belles et grandioses, comme ces étoiles dans le ciel ?

"Bon sang ! Qu'est-ce que j'ai bien pu foirer pour me retrouver ici, à jouer au palefrenier ?"  

A croire que le destin se jouait de moi ! Refusé dans la Grande Armée, dans les commerces, dans les forges, ..., il y avait de quoi se demander si je n'étais pas né bon à rien ! Seul un maître d'écurie en manque de bras avait bien voulu me prendre. En même temps, passer le balai, nettoyer les box et nourrir les chevaux ne constituaient pas des tâches très compliquées.

"Tu verras, mon gars ! c'est des bonnes bêtes ! Fidèles et loyales ", qu'il me disait, le maitre d'écurie. Tu parles ! Pas fidèles, et pas particulièrement loyaux, ces canassons ! Un moment d’inattention, et ces bêtes essayaient de m'arracher les doigts en un coup de dents. En ajoutant ça à leurs nombreuses déjections, et on avait là tous les ingrédients d'une vie de rêve.

Alors que je continuais de m'apitoyer sur mon sort, le vent se mit à souffler dans l'allée, un courant d'air froid provenant le la rue principale, perpendiculaire au passage menant à l'écurie. La paille, bien que sèche, ne valait pas une bonne couverture, et rien ne me protégea donc de la vague de froid qui survint d'un coup, emportant un peu de foin dans son sillage et l'éparpillant sur le sol de la cour. Tout en lâchant un soupir à fendre l'âme, je me levais et m'emparait de mon balai afin de nettoyer, quand il détail attira mon attention.

Un morceau de papier venait de retomber au milieu des brins de paille, sans doute charrié par le courant d'air. Le parchemin ressemblait à une annonce qu'on placardait sur les murs. Une signe du destin, peut-être ? A défaut, cela me ferait au moins un peu de lecture. Après avoir passé le balais et remis de l'ordre dans la cour, je revins sur mon lit de paille afin de consulter le document, alors que les étoiles et la lune éclairaient la nuit.  

"On a eu connu pire"
- Devise des actionnaires de la Guilde de Transport Armé


Courage, An -2
Siège de la Guilde, bureau du Maitre de Caravane Qurdu Kan

"Mon bon monsieur, loin de moi l'idée de vous offenser, mais je ne suis pas sûr qu'un poste en tant que garde de caravane soit fait pour vous"

Je regardais mon interlocuteur en serrant les dents, tout en essuyant son apparent refus sans rien dire. Même une guilde de caravane allait se passer de mes services ? Tout en ravalant mon envie de lui jeter l'annonce, que j'avais ramassé la veille, dans la figure, je pris quelques seconde pour détailler la personne en face de moi.

Un petit homme au visage aplati me faisait face, son gros nez planté au dessus d'une bouche élargie et des joues bien rondes, me faisant penser à la face d'un crapaud. L'homme était chauve et glabre, et n'avait presque plus de sourcils. Comme signe distinctif, on pouvait observer une cicatrice couvrant sa tempe gauche. Un double menton venait compléter la face du membre de la Guilde, et un rapide coup d’œil suffisait à jauger la taille de son embonpoint. Et dire que je venais de me faire recadrer par un individu qui avait l'air encore moins en forme que moi ! A moins que ... Ah, il devait certainement être un mage.

L'homme qui répondait au nom de Qurdu Qan se remit alors  à parler :

"En effet, cher monsieur, la Guilde de Transport Armé se spécialise dans le transport à haut risque ! Acheminer un matériau rare à travers une région dangereuse, évacuer une personnalité en danger, livrer des ravitaillements en zone de guerre ..., voilà le genre de mission que l'on nous confie ! Nos gardes de caravanes, où devrais-je plutôt dire actionnaires, doivent donc répondre à certains critères, auxquels vous ne répondez malheureusement pas. J'ai bien peur que vous rendiez l'âme lors de votre premier Trajet avec nous."

Je serrais les poings sous la table, tout en essayant de paraître le plus indifférent possible. Ce salaud venait d'enfoncer le clou ! N'aurait-il pas pu se contenter de me dire tout simplement non ? Il fallait qu'il en rajoute, ce crap...

"Cependant !"

Tiens, ce n'était donc pas terminée ?

"Loin de moi l'idée de vous recevoir ici juste pour vous éconduire comme un vulgaire malandrin ! Il se trouve que l'un de nos conducteurs de caravane a connu une fin des plus tragiques. Ha ! vraiment, la fièvre noire, quelle sale affaire ! Nous sommes donc à la recherche d'un capitaine."

Mon interlocuteur se pencha alors vers moi, les mains jointes devant ses lèvres, ses yeux plissés alors qu'il me posait la question fatidique :

"Intéressé ?"

"Ces gens ont perdus la tête, et c'est pour ça qu'on les paie si cher"
- Client de la Guilde


Extrait du contrat d'employé du Capitaine, au sein de la Guilde de Transport Armé

Le présent document est un contrat d'embauche à durée indéterminé, noué entre les parties mentionnées ci-dessous :

- Dandros Murlik, nommé ci-après l'actionnaire

- La Guilde de Transport Armé, représentée par le Maitre de Caravane Qurdu Kan, nommé ci-après l'employeur

Il a été convenu ce qui suit entre les deux partie :

- L'actionnaire est engagé en tant que conducteur de caravane, également connu sous l'appellation "Capitaine", afin d'assurer l'itinéraire prévu par les diverses missions confiées à l'employeur.

- L'actionnaire détient une part, soit une somme d'argent investie, dans chaque mission à laquelle il participe. Il est à noter que l'investissement des actionnaires sert à acheter des provisions et équipements indispensables au bon déroulé de la mission.

- Une fois la mission terminée, l'actionnaire reçoit une récompense à la hauteur de sa participation financière. En cas de décès de l'actionnaire, le double de la récompense initialement prévue est reversé à la famille du défunt, procédé communément appelé "toucher la pointe".

Code de conduite de la Guilde de Transport Armé :

- Le client est roi

- La mission prime sur le reste et doit être menée à bien, peut importe les moyens utilisés

- L'échec n'est pas toléré

"Les chevaux qui tirent la caravanes ? Des foutus démons qui aiment la folie du Trajet !"
- Le Capitaine


Alentours des Ruines Maudites, An 3, 40ème Trajet du Capitaine

"DROIT DEVANT ! FAITES GAFFE !"

Mon cri d'avertissement fut entendu par deux des actionnaires de la caravane, qui firent feu avec leurs arbalètes lourdes sur la créature qui se ruait sur la caravane lancée à pleine vitesse. La goule, transpercée par les carreaux à pointes barbelées, s'effondra en glissant, avant d'être broyée sous les sabots des huit chevaux tirant l'énorme calèche. Le véhicule à 6 roues, bardé de fer et de matériau renforçant sa solidité, accueillait une dizaine de gardes, tous harnachés à l'aide de cordes et de filets, à divers endroits du moyen de transports, et tous armés d'arbalètes lourdes. A l'intérieur de la caravane, un artefact réclamé par un client éminent de Courage était solidement attaché, et gardé par le Maitre de Caravane, Qurdu Kan, qui hurlait des ordres à tout va tout en déchainant sa magie.

Alors que d'autres monstruosités se rapprochaient dangereusement de l'attelage, les gardes préparèrent une nouvelle volée de projectiles meurtriers tandis que je me tentais de me concentrer pour ne pas céder à la panique.

"On a connu pire ! On a connu pire ! On a connu pire !"

Même en me répétant ces mots, la vue d'un actionnaire se faisant arracher la gorge par l'une des créatures, ayant réussie à sauter sur la caravane, me fit pousser tous les jurons que je connaissais. Saisissant les rênes à une main, et pointant mon arbalète vers la tête du monstre, au milieu des cris et des hurlements, je hurlais de toute mes forces, tout en faisant feu :

"ON A CONNU PIRE !"