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  • Lun 1 Juil - 18:42
    Zéphyr m’avait fait une offre, intéressante qui plus est. En tout cas, en apparence. J’avais fait le choix d’accepter cette dernière, pour le moment, mais je devais à présent entendre la contrepartie car je me doutais en effet que la somme d’argent qui m’était proposée viendrait avec des conditions. Il ne me restait plus qu’à espérer que celles-ci ne soient pas trop lourdes. Dans un recoin de mon esprit, je me voyais déjà en petite tenue à faire la danse du ventre pour l’empereur…

    Attentive, méfiante, je mâchais longuement ma pièce de viande tout en écoutant la proposition de l’agent tout en le fixant intensément.

    Je me raidissais l’espace d’un instant lorsqu’il fut sujet de rejoindre les forces militaires reikoises. Mes poings se serrèrent un instant autour de mes couverts. Avec lui je découvrais certes une nouvelle facette de ce gouvernement, mais je préférais encore traverser le désert entièrement nue que de m’enrôler dans les Griffes. Toutefois, je me détendais rapidement en comprenant qu’il ne s’agissait là que d’un exemple et je pouvais reprendre mon repas. Sait-on jamais.

    Il s’attacha également à défendre ces petites fouines d’espions. Je ne doutais pas de leur utilité pour le pouvoir royal mais, comme d’autres citoyens du Reike, je n’appréciais pas leurs méthodes, leur façon de s’insinuer dans la vie d’autruis et leur réputation de délateurs éhontés. D’autant plus que je savais désormais que j’avais fait les frais de leurs services.

    “ M’ouais, eh bah ça ne m’empêchera pas de penser qu’ils foutent souvent leur sale nez dans des affaires qui ne les concernent pas. ”

    Ma réponse et mon regard étaient lourds de sens : Je n’aimais pas être épiée et encore moins utilisée à des fins qui n’étaient pas les miennes.

    Puis vint le moment pour Zéphyr de m’expliquer son rôle dans l’immense machinerie de l’Empire. J’étais en train de me désaltérer et en l’entendant énoncer son titre de manière nonchalante je faillis m’étouffer. Je recrachais la gorgée de lait que j’étais en train de m’enfiler, éclaboussant mon assiette en dessous de moi.

    “ Conseiller royal ?! ”

    Je m’essuyais le pourtour de la bouche d’un revers de la main fébrile.

    “ Et t’aurais pas pu me le dire plus tôt, non ?! ”

    En effet, heureusement que j’avais eu la présence d’esprit de ne rien tenter à l’encontre de son… intégrité physique. Il était fort probable que si j’avais ne serait-ce que posé un doigt sur lui, je serais sûrement, à l’heure actuelle, en train de pourrir en plein soleil avec les tripes à l’air. Cette découverte n’était pas pour me rassurer et je craignais de plus en plus la demande de ce dernier.

    Pour faire passer la toux, je décidais de prendre une seconde gorgée… qui connut le même destin que la précédente alors que j'apprenais qu’il avait lui-même participé à l’éradication de la secte qui me retenait prisonnière avec le reste des étudiants. Cette fois le coup fut un peu plus dur à encaisser et je crachotais mon lait pendant encore de longues secondes. La table et le napperon devant moi étaient désormais inondés de lait, sans parler de mon plat qui s’était transformé en île flottante.

    “ Voilà qui… *kof* explique bien des choses… *kof*

    Ses connaissances de l’affaire, sa relation avec les autres “résidents” de l'académie et son degré d’investissement… Tout prenait soudainement sens. Ce n’était pas “juste” un nobliau péteux et bien informé. Il était au centre même de cet ouragan qui ébranlait ma vie depuis mon adolescence.

    Tout cela laissait à réfléchir… Sa proposition, ses révélations… Je sentais intimement que je n’avais pas fini de l’avoir dans mes pattes. Pour le meilleur comme pour le pire.

    “ Libre hein… ”

    Était-ce vraiment possible à présent que j’avais des comptes à rendre à d’autres que moi-même. Car, il avait beau dire, mais me mettre au service de la reine m’avait déjà coûté beaucoup, d’un point de vue purement personnel et égoïste. Réaffirmer cette… “allégeance” ne serait pas sans conséquences. Cela aurait ses avantages, évidemment, comme le présentait mon interlocuteur, mais aussi ses inconvénients. Comme toute transaction en ce monde.

    “ Je vais… Je vais y réfléchir, tout compte fait. Ça fait encore beaucoup à avaler en une fois. ”

    Sa petite plaisanterie eut le mérite de me dérider le visage, mais ne parvint pas à soulager pour autant le doute qui persistait sur moi. La discussion rebondit toutefois sur un autre sujet, ce qui m’offrit l’occasion de penser à autre chose, de changer de préoccupation.

    “ Quant à mes projets… Disons qu’une toute nouvelle perspective s’ouvre à moi, désormais. Je vais sans doute vagabonder un peu, voir où cette vie peut me mener. ”

    Je haussais lâchement les épaules.

    “ En fin de compte, ça ne change pas tellement de mes projets, Ha ! ”

    Mon regard se perdait vers le mur derrière Zéphyr où étaient accrochés un certain nombre d’annonces et de prospectus.

    “ Je pourrais peut-être commencer par assister à ce truc là, le jour de la force. Ça me changera peut-être les idées… Ce n’est pas comme si ces enfoirés du FMR allaient disparaître du jour au lendemain ! ”

    Les habitudes ont la dent dure, comme on dit.

    “ Enfin j’veux dire… Bref. T’as compris. ”

    Sur ces mots j’enfournais ce qu’il me restait de viande humide et froide dans la bouche. Voilà qui m’empêcherait de dire plus de conneries, pour un temps du moins.
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  • Dim 7 Juil - 22:47
    Kassandra est méfiante, et Zéphyr ne peut décemment lui en vouloir. Comment le lui reprocher ? Ils ne se connaissent pas et apparemment, elle se renfrogne même quand il mentionne les armées de la Griffe. Mais qu’elle se rassure : ce n’est pas là que le Reikois compte l’envoyer. La manieuse de métal serait… un désastre pour la discipline de l’armée, et l’Oreille se doute qu’elle serait le désespoir de quelques braves officiers, vu son caractère bien trempé.

    Quand le duo en revient aux espions, et que la jeune femme marmonne qu’ils fourrent surtout leur nez dans des affaires qui ne les concernent pas, le guerrier hausse négligemment les épaules, comme pour dire : « C’est dommage, mais c’est ainsi ». De toute façon, ce n’était pas leur chef en personne qui allait changer les choses. Que du contraire. Et ce même si son interlocutrice lui envoie un regard particulièrement perçant, comme pour lui signifier qu’elle n’aime pas être surveillée. Plus drôle est sa réaction quand la demoiselle apprend la vérité à son encontre, ou du moins, une part de la vérité : elle s’étouffe à demi, recrache sa gorgée et répète ce qu’il vient de lui dire comme un perroquet.

    - Ohé, dis-le plus fort surtout, on ne t’a pas assez entendue.

    Sa remarque est un mélange de taquinerie et de sarcasme, mais il est vrai qu’on ne s’attend pas à voir un proche du couple royal dans les environs. Zéphyr lance un regard aux alentours, pour revenir finalement sur Kassandra, et quand cette dernière lui signale qu’il aurait pu le lui dire plus tôt, il pose son coude contre la table et dépose sa main fermée contre sa joue.

    - Si je te l’avais dit plus tôt, tu aurais eu envie de filer sans demander ton rester. L’Impératrice et puis moi… Non, tu aurais considéré que tu aurais eu ton quota pour la journée, et même les jours d’après, il se serait pu que tu aies cherché à m’esquiver, voire à quitter la capitale.

    Ce ne sont que des hypothèses sur lesquelles il peut se fourvoyer, puisqu’il ne la connaît pas, mais ces réactions lui sembleraient néanmoins logiques. En tous les cas, l’homme la laisse se reprendre et boire une gorgée de sa boisson. Inutile de reprendre la parole trop vite et de l’assommer d’informations : parfois, le silence fait du bien, et est bien plus utile que de vains bavardages qui sont plus forcés que naturels. Il l’informe juste de son rôle dans l'éradication des faux FMR… Et cela n’arrange rien, puisqu’elle s’étrangle de nouveau. Cette fois, Zéphyr hausse légèrement un sourcil. Décidément… Une part de lui a envie de dire que ce n’est pas si terrible qu’il ait participé à l’éradication de son ancienne école – puisque c’était des pourritures –, mais une autre part du maître-espion est consciente que ce n’est pas si anodin pour l’élémentaliste. C’était quand même tout son monde à une époque…  

    Avec tout ça, la demoiselle a quand même bien inondé la table, et quand un serveur vient se pointer pour s’enquérir de la guerrière, le ministre lui assure distraitement que tout va bien, afin qu’ils soient définitivement tranquilles. Au moins, cette intermède laisse le temps à Kass de reprendre ses esprits et elle commence semble-t-il à réfléchir à sa proposition.

    Qu’elle ne se décide pas immédiatement ne vexe pas l’Oreille, beaucoup réagissent de cette façon. Et puis, ils ne sont pas dans une situation de vie ou de mort, le bretteur peut donc être beaucoup plus malléable que s’ils étaient devant un ennemi féroce. Il acquiesce donc avec bonhomie, montrant que cela ne le dérange pas, et heureusement, la fougueuse Reikoise semble se détendre un peu quand il mentionne la selle pour monter sur un dragon.

    Reste à savoir ce que la guerrière va faire et Zéphyr le découvre rapidement. Vagabonder… Cela lui permet effectivement d’être libre comme l’air, et la première destination qu’elle propose est effectivement intéressante.

    - Le jour de la force à Taisen ? Oui, ce serait une bonne idée. C’est un événement qui regroupe toujours énormément de citadins… Et qui promet généralement des combats épiques par le maître d’arène. Tout le monde peut y assister, même des gens de l’étranger, et cela donne un mélange assez éclectique, mais plaisant. Parfait pour espionner, songe-t-il, mais il n’est pas sot pour le dire tout haut. - Si tu y vas, tu verras qu c’est animé, mais on se prend au jeu finalement. A  cette occasion, ça te permettra peut-être de faire de nouvelles rencontres.

    Quand elle bougonne, un sourire naît sur sonvisage, mais il ne renchérit pas. Au moins, sa tirade lui a laissé l’occasion de manger à nouveau, et il accorde d’ailleurs une œillade à son assiette :

    - C’était encore mangeable ?

    Une question comme une autre, qui leur permet, au moins pour un temps, d’avoir la conversation la plus naturelle du monde. Mais toute bonne chose a une fin et, quand ils ont manifestement fini leurs deux assiettes, c’est Zéphyr le premier qui se lève.

    - Je vais payer. Je vais aussi te louer une chambre pour une nuit. Anticipant une remarque bien typique de sa partenaire, il précise : Pas d’inquiétude, je ne prendrai pas la moins chère du lot. Avec ce qu’il passerait au gérant, sans nul doute qu’elle aurait au moins droit à un bain, à un lit relativement confortable, et au repas du lendemain matin. Ce n’est pas le quartier le plus chic, mais pas le quartier le plus misérable non plus. Pour ce soir, tu y seras bien. Quant à ce que je t’ai proposé… Un sourire assez simple apparaît sur ses traits. - Réfléchys-y tranquillement. On en parlera demain.

    Ainsi, il ne la presse pas, cela lui laisse tranquillement la possibilité de peser le pour et le contre, et Kassandra n’aura dès lors pas l’impression qu’on lui force la main. Quand la transaction est effectuée, l’Oreille revient vers sa compagne et lui donne la clé de sa chambre.

    - Ta chambre est au premier étage, au fond du couloir. On te fera livrer une bassine d’eau chaude dans une demi-heure, qu’il m’a dit. Un cadeau auquel elle ne s’attend pas, mais qui lui offre au moins l’opportunité parfaite pour se retirer. Je te laisse faire le nécessaire pour tes affaires. Je te retrouverai ici, même table, au matin. Cela te convient ?

    Le bellâtre attend sa potentielle réaction, puis il ajoute :

    - Dans ce cas, je vais me retirer. Un silence. Puis, une pensée traverse l’esprit du maître-espion, et avant de se mettre définitivement en marche, il se retourne vers la belle aux cheveux blonds. Juste au cas où, sens-toi libre de refuser ou d’accepter. Je ne prendrai pas mal que tu refuses mon offre, même si je pense que tu n’as rien à perdre, sourit-il.

    Ne reste plus qu’à quitter la taverne, ce qu’il ne tarde pas à faire.
    La nuit passera vite, de toute façon, et l’aube pointera rapidement le bout de son nez.
    Est-ce que la jeune femme allait être rapidement au rendez-vous, ou s’endormir et rester accrochée à son lit, c’était une autre question.
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  • Mar 23 Juil - 11:34
    Le repas était gâché. Pas la soirée en elle-même, juste la nourriture. Je regardais d’un air dépité le mélange de lait et de sauce dans lequel baignait ce qui restait de ma pièce de viande, devenue spongieuse. Je m’acharnais tout de même à finir mon plat, ne voulant pas gâcher cette bonne nourriture, payée avec l’argent du contribuable. Au moins, son arrière goût de gratuité rendait le tout un tantinet meilleur.

    Comme Zéphyr se plaignait que je parlais trop fort, je fronçais exagérément les sourcils en pointant du doigt mon visage, puis mon assiette, alternant de l’un à l’autre avec cette même expression ahurie. Comment pouvais-je prévoir à ce moment-là que je partageais mon repas avec probablement l’une des personnes les plus influentes de tout le royaume du Reike.

    “ Oh pardon vostre majesté ! Je tâcherai de rester de marbre la prochaine fois que vous m’annoncerez être la main droite de la couronne ! Ce sera quoi la prochaine fois ? Que tu es en réalité Tensai déguisé, au contact de la Plèbe ? ”

    Je prenais un air faussement renfrogné, croisant les bras contre mon torse.

    “ Cela dit tu n’as pas tort, je serais probablement partie il y a belle lurette si tu t’étais présenté comme tel… ‘Fin bref. ”

    Inutile de s'appesantir sur le sujet. Les faits étaient les faits et rien ne saurait changer ça… à moins d’un remaniement brutal du gouvernement. Toutefois, aucun dirigeant ne serait assez bête ou inconscient pour se lancer dans ce genre de manœuvre politique, n’est-ce pas ?

    Je restais malgré tout surprise de la manière dont ledit conseiller prenait les choses en main, je veux dire, mon “dossier”. Je peinais à croire qu’un haut fonctionnaire de l’Empire ne veuille s’investir au point de venir en personne me rencontrer, pour discuter et marchander. Je comprenais bien qu’il s’était occupé du cas de l’Académie personnellement, mais je voyais peu de nobles capables, dans tous les sens du terme, de se salir les mains à ce point. Et pour cause, ma dernière toilette remontait bien à au moins une semaine, si ce n’est plus ! Blague à part, j’étais réellement intriguée par le personnage atypique qui me faisait face.

    “ Mangeable, c’est le mot. ”

    Comme j’achevais ma dernière bouchée, non sans un certain soulagement, l’homme se leva en annonçant vouloir payer, comme convenu.

    “ C’est bon, t’en fais pas pour les détails, je plaisantais tout à l’heure. Une planche en bois et un drap me suffiraient, dans l'absolu. ”

    Je ne crachais toutefois pas sur l’occasion et je ne discutais pas non plus les bienfaits d’un sommeil réparateur dans un lit bien co,fortable. Attendant que Zéphyr ne finisse d'interagir avec le tenancier, je sirotais du bout des lèvres les quelques gouttes qui trainaient au fond de mon pichet. Il revint quelques minutes plus tard, me tendant une clef ornée d’un numéro.

    “ Bien compris, premier étage, tout au fond. Je devrais pouvoir me débrouiller, Ha ! ”

    Comme je lui prenais la clef des mains, mon visage s’illumina à la surprise qu’il était en train de m'annoncer.

    “ Un bain ?! C’est trop d’honneur, merci ! ”

    Si je n’avais pas été aussi sale, je l’aurais sûrement enlacé. Ne voulant pas salir un costume qui avait sans doute plus de valeur que l’auberge toute entière et ses résidents, je contenais cet élan de joie.

    “ En tout cas ça va me faire un bien fou ! D’autant que depuis quelques jours ça me gratte sous… à la jointure de… "

    ...

    " Enfin bref ! Merci à toi, à demain ! ”

    Oui, et bonne nuit. J’avais assez fait de m'embarrasser pour la journée.

    Je me retournais, empruntant le chemin des escaliers vers ma suite. Avant de gravir la première marche, j’adressais à Zéphyr un signe de la main par-dessus mon épaule, lui signifiant que je l’avais bien entendu.

    “ Demain matin, même table. ”

    Puis je disparaissais de son champ de vision lorsque les escaliers firent un angle. Une fois à l’étage, je trouvais ma chambre au fond du couloir, comme convenu et peu de temps après que je me sois installée, on me fit parvenir de l’eau chaude pour le bain, comme convenu également. Ce freluquet était un homme de parole, je ne pouvais lui enlever ça.

    Après m’être débarrassée de mon armure, je me glissais prestement dans la bassine remplie à ras bord. L’eau, tout juste bouillante et à peine parfumée, eut un effet immédiat sur mes muscles qui semblèrent fondre au contact du liquide. Mon corps comme mon esprit se délassèrent à l’unisson et, pour la première fois depuis des mois, je me sentais totalement apaisée, sereine.

    Je restais ainsi, immobile, les yeux fermés, durant de longues minutes. Jusqu’à ce que l’eau commence à refroidir en réalité. Un frisson courant le long de ma peau fut le signal qu’il était temps de sortir de ma “méditation”. J’avais eu amplement le temps de réfléchir aux récents événements qui avaient secoué mon existence et il était temps de passer… Au lavage ! Employant l’onguent qui m’avait été fourni, je me frictionnais tout le corps jusqu’à me débarrasser de la moindre tâche, la moindre peau morte. Une fois propre, je m’essuyais puis je me glissais dans le lit, aussi doux et moelleux qu’un nuage. Je n’eus pas à attendre longtemps avant que le sommeil ne m’emporte au pays des songes.

    Je ne me réveillais que le lendemain, en sursaut, certes, mais reposée comme jamais. Un filet de bave inondait la commissure de mes lèvres et un coin de mon oreiller. Les rayons de soleil chauffait agréablement la couette et je serais bien restée à lézarder toute la journée si je n’avais pas ce quelque chose d’important à faire… Qu’est-ce que c’était déjà… ?

    “ MERDE ! ZEPHYR ! ”

    Je me levais d’un bond, envoyant valdinguer draps et couette d’une part et d’autre du lit. J’enfilais en grande hâte mon armure et mes bottes, puis je me ruais en grande trombe dans le couloir, dévalant les escaliers dans un tonnerre d’acier. Une fois en bas, je parcourais du regard la pièce en direction de la tablée de la veille, constatant que le noble m’y attendait déjà, stoïque, impassible comme à son habitude.

    Je m’échinais vainement à remettre de l’ordre dans ma tignasse hirsute, constatant rapidement que toute tentative serait futile. Tant pis. D’un pas leste et pressé, je me dépêchais de le rejoindre, tirant la chaise face à lui pour m’y asseoir, essoufflée, mal coiffée et un tantinet dans les vapes.

    “ B-bonjour Zéphyr… bien… bien dormi ? Je… je ne t’ai pas trop fait attendre ? ”

    Probablement que si, hélas. Il m’avait tout à fait l’air du genre à se rendre à un rendez-vous au moins une heure à l’avance, juste au cas où, pour parer à toute éventualité.

    “ Petit déjeuner ? ”
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  • Sam 27 Juil - 15:18

    Un rictus s’échappe des lèvres de Zéphyr quand la belle envisage qu’il soit Tensai déguisé. Aucun risque, l’Empereur ne sait pas mentir et faire preuve de faux-semblants. Sauf peut-être lors de stratégies militaires où il n’a aucun état d’âme à piéger des guerriers et à créer des carnages. Mais bref. Le rôle d’infiltration convient beaucoup mieux à l’Oreille, et ce dernier continue donc à écouter son interlocutrice. Puis, c’est à lui de prendre les devants et d’aller payer leur repas, ainsi qu’une chambre pour la demoiselle. Une largesse que l’éphèbe peut bien se permettre puisqu’il ne fait pas ça tous les jours. Quand il revient et que l’assassin indique que la belle aura droit à un bain, il ne peut cacher son amusement lorsque le visage de Kassandra s’illumine. Amusement qui devient un brin ironique lorsque la jeune femme ajoute quelques détails inutiles, mais l’air de Zéphyr reste bon enfant quand même. Ca faisait partie du « charme » de la Reikoise, on allait dire.

    Cette dernière n’a cependant pas tort d’écourter leur conversation et de le saluer. Elle lui confirme d'ailleurs qu’elle a bien retenu tout ce qu’il fallait – l’emplacement de sa chambre, le bain, leur rendez-vous à la même table le lendemain. Et l’élementaliste s’en va. Zéphyr non plus, à dire vrai, ne s’attarde pas sur les lieux. D’abord parce qu’il dort ailleurs, et puis, parce qu’il doit rencontrer tous ses clones dans sa demeure pour se synchroniser avec eux et les faire disparaître. L’afflux d’informations s’est toujours fait de manière plus ou moins harmonieuse avec l’original, comme si on lui ajoutait des brides de souvenirs à sa mémoire, mais il préfère toujours se ménager du temps si jamais l’un de ses jumeaux a traité une problématique urgente ou que certains autres soucis sont restés en suspens. Dans l’immédiat, ça ne l’empêche pas de bien dormir et de se repointer à la même auberge le lendemain. Que la miss ne soit pas présente, il n’en est pas particulièrement surpris, le maître-espion est venu quelques minutes à l’avance alors que la matinée pointait le bout de son nez sur la ville du désert.

    Mais quand même…
    S’attendait-il à attendre autant ?
    Non, pas particulièrement. Oh, l’envie lui traversa bien de monter à l’étage, de traverser le couloir et d’entrer dans sa chambre, de gré ou de force. Mais quelque chose lui soufflait que Kassandra aurait crié au crime, comme s’il avait pénétré dans son espace vital. Alors le conseiller royal s’était abstenu. L’aubergiste était venu, une première fois, puis une deuxième, encore une troisième fois. Mais à chacune de ses vutes, Zéphyr lui avait indiqué qu’il attendait quelqu’un. D’abord avec bonhomie, puis, avec un peu ennui, enfin avec un regard totalement blasé.

    « Je n’aurais pas dû lui offrir un bain la veille », grogna-t-il en son fort intérieur.

    Mais tout vient à point qui sait attendre, n’est-ce pas ? Le soleil avait eu le temps de se lever quand la Reikoise eut la décence de sortir ENFIN de sa chambre. Tout en grâce et en délicatesse (non), elle sortit en réalité en trombe de la pièce, et dos à l’escalier, Zéphyr eut tout le loisir de l’entendre dévaler les marches qui menait à l’étage. Pour la discrétion, on repasserait, maaaaais au moins, elle était arrivée entière jusqu’à la salle commune. C’était déjà un beau progrès, il fallait le reconnaître.

    Quand elle s’assied, tout crie à Zéphyr qu’elle vient à peine de sortir du lit, et que par conséquent, elle s’est préparée en hâte. Sa chevelure en bataille, son armure mise un peu négligemment, même son regard gêné indique qu’elle a bien conscience de sa bévue. Et peut-être voit-elle, d’ailleurs, que le jeune homme la regarde avec des yeux plissés un poil… accusateur. Mais ce dernier finit par soupirer – soupir qui vaut bien tous les aveux du monde sur le fait qu’il l’attend depuis longtemps – et puis, il fait un signe à l’aubergiste.
     
    - Vous pouvez apporter ce que vous nous avez préparé, déclare-t-il. Faut dire que le bougre aussi attend depuis longtemps. J’ai bien dormi, mais je présume que tu as encore mieux dormi que moi, réplique-t-il d’un air laconique. Enfin, admet-il d’un ton plus pragmatique, je ne vais pas te bouder pour ça, mes clones sont là pour parer à ce genre d’éventualités et ne pas me faire perdre du temps. Une légère pause. Et une légère précision. Ce qui ne veut pas dire que tu as la permission de me faire attendre jusque mdi si on devait se revoir, lâche-t-il d’un ton mi-méfiant, mi-amusé. Ce qui est sûr, c’est que l’homme s’adosse contre le dossier de son siège d’un air plus détendu et il ajoute : Détends-toi, en tout cas, je ne vais pas te manger. J’espère que tu aimes le pain brioché, c’est que l’aubergiste avait préparé pour aujourd’hui.

    D’ailleurs, ce dernier rapporte leurs victuailles du matin, et Zéphyr est presque curieux de voir avec quel appétit Kassandra va faire un sort à leur repas.

    - Je lui ai dit de ne pas lésiner sur les portions et… Tiens, est-ce que les yeux de la jeune femme ne trahissent pas qu’elle est déjà prête à passer à table ? Vas-y, lâche le maître-espion sans chercher à cacher son amusement, on discutera après. La chambre était confortable ?

    Ce n’est pas très dérangeant d’échanger des mondanités, ou même de répondre à des questions de la belle, par exemple, sur sa capacité à faire des clones. Ce qui ne l’empêche pas, après avoir pris lui-même quelques morceaux de pain et de les avoir avalés, de rebondir sur la question qui les concerne tous les deux :

    - Tu as réfléchi à ma proposition ? Qu’en penses-tu ? Tu as des conditions ?

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  • Mer 14 Aoû - 19:48
    C’est avec le souffle haletant et la tignasse hirsute, symptomatiques d’un réveil à la hâte, que je venais à la rencontre de Zéphyr. Le noble était de toute évidence d’humeur chafouine et le soupir dont il se libéra après que je me sois assise à sa table valait toutes les réponses du monde. Aie. Mes pataudes formules de politesses semblaient à peine faire effet et je craignais de n’avoir agacé le dragon endormi. Si toutefois il ne semblait pas du genre du conseiller de passer de la parole à l’acte, les premières minutes de la conversation me parurent infiniment longues, aux allures de tribunal, et j’avais bien du mal à trouver un endroit où poser le regard pour éviter de croiser celui de mon interlocuteur.

    Ce dernier alternait entre sévérité et ironie, tant et si bien je peinais à déterminer s’il était vraiment fâché ou bien s’il cherchait surtout à me faire tourner en bourrique. Si j’avais bien appris quelque chose ces dernières heures passées en sa compagnie, c’est que le bonhomme que j’avais en face de moi était surprenamment plein de ressources et qu’il savait jouer aussi bien avec les mots qu’avec la psyché.

    “ Désolée… ”

    Parvenais je seulement à débiter entre deux tirades douces-amères  jusqu’à ce que, à nouveau, Zéphyr ne désamorce la situation et ne laisse enfin entrer un peu de réconfort dans cette scène presque misérable, selon le point de vue. Et quel réconfort ! L’aubergiste arriva à point pour déposer sur la table un énorme plateau de brioches, pains et autres viennoiseries. De quoi largement me faire oublier mes récents soucis et surtout, de quoi ouvrir très positivement la table des négociations… car je n’oubliais pas la raison de cette seconde entrevue.

    Je trouvais d’ailleurs particulièrement suspecte cette tentative de corruption à coups de brioche. C’était presque comme s’il savait pour mon penchant à peine contrôlable pour les petites douceurs du palais… Empoignant un pain brioché moelleux et parfaitement cuit, je laissais glisser vers le jeune magistrat un regard suspicieux. Qui sait ce qu’il aurait pu injecter ded… Oh bon sang, que ça sent bon !

    Un grognement provenant du fin fond de mes entrailles se fit entendre et comme Zéphyr me donnait la permission d’attaquer, je ne me faisais finalement pas prier, emportant en une seule et immense bouchée une bonne moitié du pain que je tenais entre mes doigts. Lorsqu’enfin un peu d’air put de nouveau passer à travers mon œsophage, je postillonnais quelques mots étouffés et à peine compréhensibles.

    “ Bvoui mcha fa ! Merpfi bfour le bfain au pfait, pfest très bfouette de tfa bart ”

    Une bonne gorgée de lait frais aida à faire passer tout le reste et mes joues retrouvèrent un aspect un peu moins… “hamsterèsque”. Je fixais un instant l’homme assis en face de moi. Bien que son visage ne laissait transparaître aucune émotion, je ne doutais pas que d’insoupçonnables machinations prenaient place dans son esprit tordu de bureaucrate.

    “ Il y a des fois où j’aimerais bien savoir lire dans les songes des gens…” Susurrais je à moi-même.

    Puis, comme je le redoutais, vint enfin la question fatidique à laquelle je me devais désormais de répondre. J’avais en effet largement eu le temps de réfléchir durant la soirée. Une bonne nuit de sommeil m’avait permis d’assimiler toutes les informations accumulées lors de la journée précédente et j’avais désormais les idées un peu plus claires. Mais tout d’abord, je devais m’assurer de quelque chose. Sans crier garde, je tendais le bras jusqu’à l’épaule de Zéphyr avant de… vigoureusement lui pincer le bras.

    “ Comment je fais pour vérifier que tu es bien l’original ? Je refuse de discuter de telles choses en présence d’une simple illusion ! ”

    Car non, je n’avais pas omis cette information parmi toutes celles données par mon interlocuteur et, comme je venais de le dire, je refuser de me prêter au jeu si je n’avais pas affaire au vrai. Lorsque la situation fut mise au clair, je m’enfonçais à nouveau contre le dossier de ma chaise en grognant, pas tout à fait convaincue. Enfin…

    “ Quant à ta proposition… J’ai finalement décidé de refuser. ”

    Je me laissais quelques instants pour savourer l’effet de surprise avant de finalement clarifier les choses, levant un doigt pour signifier que j’avais encore à dire.

    “ Pour dire ça autrement, je vais faire les choses à ma manières. ”

    Je prenais une autre viennoiserie dont je gobais une bonne moitié avant de poursuivre mes explications.

    “ J’suis d’accord avec toute ton histoire de renseignement. Ça me dérange pas de balancer des gros enfoirés au gouvernement. En revanche, je veux personne dans mes pattes, puis plus de surveillance non plus. Je ne suis PLUS un cobaye. ”

    Je prenais un air faussement songeur, tout mon discours ayant déjà été plus ou moins préparé la veille.

    “ J’veux plus de ton argent, en fin de compte. Je ne saurais pas quoi en faire et je ne pourrais plus dormir sur mes deux oreilles avec la bourse trop remplie. En revanche, en échange de mes “services”,  je voudrais te demander une chose en échange, une seule. ”

    Une ombre obscurcit subitement les traits de mon visage.

    “ Il me faut des informations. ”

    Comme Zéphyr n’accepterait sans doute pas sans plus de détails, j’étoffais ma demande.

    “ Je cherche… Je cherche ma mère. Les raisons de regardent que moi, mais j’ai besoin d’une piste car seule je n’y arriverai pas. Je me fiche de quand et où, mais j’ai sincèrement besoin de ces informations. ”

    Je soupirais longuement, ignorant encore si il y avait de toute façon quoi que ce soit à tirer des services de renseignement reikois au sujet de ma génitrice.

    “ Si tu peux faire ça pour moi, je te serais éternellement reconnaissante. ”

    Un silence prit place quelques instants, le temps que le bonhomme ne me donne ma réponse… silence qui n’eut pas l’occasion de s'installer bien longtemps puisque je retournais ma pleine attention vers mon encas, m'empiffrant goulument avec tout ce qui avait le malheur de tomber sous ma main. ”

    “ Et pfui chi tfu troufes rien… bfah tant pfis, ch’est pfa la mfin du mvonde ! ”

    Car après tout, tout vient à point à qui sait attendre.
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  • Mer 28 Aoû - 19:44
    Clairement, Kassandra ne menait pas large. Et il y avait de quoi, puisqu’elle l’avait joliment fait attendre une bonne partie de la matinée. C’était peut-être un peu la faute de l’espion - il n’avait qu’à ne pas à se pointer trop tôt dans la matinée - mais d’autre part, il n’y avait pas non plus mort d’homme. Bon, certes, Zéphyr était bougon. Mais aucun citoyen du Sekai n’était parfait n’est-ce pas ? Il fallait bien râler un peu de temps en temps, surtout quand c’était justifié et qu’on avait faim, accessoirement. La mimique de l’Oreille était donc tout un poème d’ironie, bien qu’il entendît le “désolé” sincère de la jeune femme. Il hésita un instant à persévérer dans cet état d’esprit, ce qu’il fit peut-être quelques secondes avec un regard accusateur, du style : “Tu m’as oubliée, espèce de traîtresse”. Mais l’estomac aidant, et son comportement naturel étant assez souple au quotidien, le bretteur décida finalement d’apporter leurs victuailles à table. De la brioche, cela devrait satisfaire cette dame. Et à dire vrai, le conseiller fut un peu amusé de la voir se jeter sur ce repas si providentiel. Qu’elle ne fît preuve d’aucune manière ne le dérangeait pas beaucoup : il préférait un comportement naturel que les bondieuseries des nobles et des aristocrates. Ceux-là, il les voyait d’ailleurs suffisamment au palais. Kassandra, avec son franc-parler et son caractère assez transparent, avait quelque chose de plaisant pour le guerrier, bien qu’il ne l’avouerait certainement jamais devant elle. Elle lui arracha quand même un sourire, qu’elle vit peut-être, et face à son regard éventuellement suspicieux, Zéphyr prit la parole :

    - Ca me fait plaisir de voir que tu as tant d’appétit.

    Comment fais-tu dans la vie de tous les jours ? a-t-il envie de rajouter, mais il s’abstient en dernière minute.

    - Je pense que si on faisait un concours de nourriture, tu m’enterrerais sans hésiter. Moi et d’autres malabars du Reike, sans doute.

    De son côté, le Reikois est plus lent, pour ainsi dire, il mange de manière la plus normale qui soit, ce qui offre un contraste assez comique entre les deux protagonistes. Mais naturellement, ils ne sont pas non plus là pour parler de tout et de rien, comme des amis de longue date ; alors, Zéphyr entre lui-même dans le vif du sujet et demande à la manieuse de métal ce qu’elle pense de sa proposition. Une assistance contre des informations recueillies au gré de ses voyages, le tout en gardant sa liberté, lui semble quelque peu intéressant, mais l’éphèbe sait bien qu’il a là son filtre d’espion, que la demoiselle peut ne pas penser de la même manière, et d’ailleurs, il hausse un sourcil quand elle lui demande si elle a bien affaire au vrai ministre impérial.

    - Les clones ne sont pas des simples illusions, ils ont un réel impact autour d’eux, observe Zéphyr d’un ton à la fois affable, et à la fois pédagogue, comme s’il voulait rectifier l’erreur de jugement de son interlocutrice. En plus, dans mon cas, ils ont la particularité d’être de « vrais » doubles. Chez certains utilisateurs du clonage, leurs jumeaux ont des personnalités différentes. Ce n’est pas mon cas, donc quand bien même j’aurais envoyé une de mes copies, elle aurait agi de la même façon que je ne le fais présentement avec toi. Mais rassure-toi, je suis l’original. Pour ce qui est de le prouver, par contre… Je n’ai que ma parole pour te satisfaire, fait-il en haussant les épaules. Lui présenter son sceau aurait été possible, mais avec l’invocation d’objet, tous ses clones pouvaient se le procurer facilement, quand on y pensait. Globalement, je laisse un double au palais pendant que je vadrouille en ville. Ca me laisse plus de liberté quand je suis dehors.

    Mais trêve de bavardages, ce n’est pas à lui de parler. L’Oreille laisse donc la protégée de l’Impératrice réagir à ses propos, puis il l’écoute encore refuser son offre. A ces mots, l’intéressé ne peut s’empêcher d’avoir un regard un peu surpris, mais ses pupilles curieuses montrent qu’il n’en prend pas ombrage : il est plutôt intrigué, en réalité.

    - Et pourquoi donc ? demande le bretteur après que Kassandra ait ménagé un petit instant de surprise.

    Machinalement, il va lui aussi prendre un bout de brioche, mais son intérêt est plutôt porté sur la réponse de la jeune femme. Contre toute attente, ses dires font apparaître une étincelle d’approbation dans son regard. La jolie rousse est un feu follet, certes. Mais c’est un feu follet qui chérit sa liberté et qui a l’audace de se faire entendre, d’exprimer ses conditions. Au fin fond de lui, il ne peut qu’approuver une telle chose. Et mine de rien, cela le pousse à respecter la demoiselle sans vraiment s’en cacher : elle n’est pas une victime de son passé, mais une guerrière qui cherche à reprendre son destin en main. Alors elle veut ne plus être observée et ne pas être surveillée ?

    - Très bien. Zéphyr n’a pas vraiment de mal à lui concéder cette condition, et peut-être que cela la surprendra, alors il précise : Je peux comprendre tes arguments et je ne vois pas d’inconvénients à ce que tu vives ta vie comme tu l’entends. Tu as déjà bien trop été cloîtrée comme ça. Et puis, fit-il en terminant sa viennoiserie, je ne suis ni ton père, ni ton grand frère, et tu es suffisamment mâture pour agir par toi-même.

    Evidemment, c’est une manieuse de métal. « Un tel don ne doit pas être gaspillé », diraient certains, mais du point de vue de l’Oreille, il faut surtout la laisser trouver sa voie par elle-même. La cadenasser ne fera que retarder l’inévitable, en la faisant potentiellement se retourner contre l’Empire. Autant être là quand il le faut où il faut. Et ne pas s’imposer au-delà du nécessaire. D’ailleurs, la jeune femme refuse aussi la bourse qu’il lui avait proposée, signe qu’elle veut clairement son indépendance. Mais ce n’est pas non plus comme si la Reikoise ne souhaite aucune récompense et le maître-espion l’écoute attentivement. Elle cherche sa mère ? C’est… surprenant et en même temps logique. C’est son seul lien avant qu’elle ne soit mise dans cette école après tout… Un instant silencieux, le temps qu’il soupèse sa demande, le ministre se tait, réfléchit aux personnes qu’ils pourrait mettre sur cette affaire, puis redresse la tête, s’apprête à parler…

    … Et reçoit des postillons parce que Madame recommence à parler en mangeant.

    Un léger soupir s’échappe de ses lèvres – il n’est pas contre l’absence des bonnes manières, encore une fois, juste, bon, voilà. Alors, à défaut de faire autre chose, le bellâtre se laisse aller contre le fond de son siège, croise légèrement les bras et dit :

    - C’est possible. Je pense.

    Pour ne pas dire « J’en suis sûr », tellement il a confiance en son service de renseignement.

    - Mais, tu t’en doutes, j’aurais besoin de quelques informations. Comment elle s’appelle. Quelle est son apparence. Son lieu de vie. Ses contacts si tu en connais – si elle faisait des voyages à certains moments de l’année pour aller voir des connaissances par exemple. Si tu connais également ses compétences, ce serait appréciable. Histoire que je sois préparé si elle aussi manie du métal, ajoute-t-il avec un léger sourire. Je ne te demanderai bien sûr pas tes raisons, mais, si on retrouve sa trace, tu souhaites que nous restions en retrait et qu’on te prévienne juste ? Ou tu préférerais qu’on mette la main sur elle si, par exemple, tu la considères comme dangereuse ?

    Un léger silence, pour permettre à son vis-à-vis de répondre.

    - Je te propose que, si je découvre quelque chose, on te le transmette par le biais de l’Oreille et de ses espions. De sorte que, quand tu les avertiras de quelque chose suite à tes voyages, on te donne des nouvelles sur cette femme en retour. Je t’aurais bien proposé, ajoute-il avec un sourire qui a pour but de détendre l’atmosphère, de nous revoir ici tous les six mois, mais ça risque de faire long et ça te circonscrirait surtout trop à rester près de la capitale. C’est donc difficilement envisageable… Maintenant, rien ne les empêchait non plus d’agir ainsi, en supposant que Kass fasse faux bond si elle ne savait pas revenir au Joyau du Désert. Mais soit. Pour la bourse, il en sera fait comme tu veux. Cela dit… Son ton est plus songeur, alors qu’il observe distraitement leur table désormais vide de toute victuailles. J’insiste sur le fait que, si tu as besoin d’aide pour n’importe quelle raison, tu peux en appeler au réseau du maître-espion. Si je ne doute pas que tu sois débrouillarde et volontaire, on ne peut pas tout faire non plus de ses propres forces. Ne pèche pas par orgueil. Il n’y a aucun mal à se faire aider de temps en temps.

    Bien sûr, l’aspect de la « rétribution » pouvait refroidir les âmes les plus optimistes, mais ses subordonnés ne demandaient jamais la lune aux citoyen du Reike. Il y avait bien l’aspect « un service pour un service », mais ce n’était jamais démesuré, sinon son réseau perdrait en crédibilité.

    - Sinon, si tu veux éviter de passer par eux, écris-moi directement. J’ai le bras long.

    D’accord, ça c’était un peu petit. Mais passer directement outre la hiérarchie pour s’adresser à l’Oreille, ça pouvait avoir quelques avantages quand même. D’autant que l’homme aux yeux dorés savait être particulièrement généreux quand il reconnaissait la valeur de ses pairs. En tout cas, le conseiller royal savait être un bon soutien, et bien qu’il ne l’affichât pas ouvertement, il aimait rester attentif à la populace, pour éventuellement aider ceux qui en avaient le plus besoin.
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  • Jeu 5 Sep - 20:45
    Zéphyr ne fut pas tellement difficile à convaincre et il assimila mes conditions avec une aisance presque décevante. Toutefois, je n’en attendait pas moins de mon interlocuteur qui m’avait dores et déjà fait montre de ses capacités à toujours retomber sur ses pattes, peu importe la situation. Aussi, je ne m’attendais pas nécessairement à avoir l’ascendant lors de cette petite joute verbale puisque ce dernier semblait toujours avoir un coup d’avance sur ce que je pourrais lui proposer. Je ne pouvais d’ailleurs que souligner son ouverture d’esprit et sa magnanimité, là où la plupart de ses confrères administrés et nobles n’accordaient que du dédain au peuple qu’ils gouvernaient.

    Son explication au sujet de ses doubles me laissa en revanche un petit peu perplexe, non pas parce que je ne lui faisais pas confiance mais tout simplement parce que mon esprit étriqué et encore à demi-endormi ne parvenait pas à saisir toutes les subtilités entre ces histoires de vrais et faux doubles. Aussi, je me contentais d’un simple “Mouais” pour signifier que la discussion à ce sujet était close.

    Pour en revenir aux choses sérieuses, je fus tout de même soulagée de voir mes demandes trouver satisfaction bien qu’encore une fois, je savais notre bonhomme plutôt bonne pâte pour peu que l’on ait quelque chose à offrir en échange. En revanche, pour ce qui était des informations que je pouvais lui offrir…

    “ À ce sujet là… ”

    Je regardais la brioche que je tenais entre mes doigts et elle me parut soudainement bien fade et peu appétissante.

    “ Calliopê. ”

    Un nom vomit de ma bouche comme s’il s’agissait d’une injure aux dieux eux-mêmes. Même les molards que je répandais sur le sol avaient droit à plus de considération de ma part.

    “ Ambrosia Calliopê, c’est son nom. MON nom… ”

    Cette vérité inaltérable me brûlait la gorge. J’aurais encore préféré avaler un chardon ardent plutôt que d’admettre tout lien de parenté avec cette… créature. Hélas, il est des choses en ce monde dont on n’est jamais maître et qui ne changeront jamais. Notre ascendance en fait partie.

    “ Malheureusement, il y a peu de choses que je pourrais te dire à son sujet que tu ne saurais déjà. J’ai perdu toute preuve de son existence lorsque je me suis enfuie de l’Académie. Je la pensais morte jusqu’à ce qu’un de ses laquais ne de donne la preuve du contraire avant que je ne le… enfin tu sais. ”

    Je reposais ma pitance, dégoûtée par le sujet que nous devions inévitablement aborder.

    “ Pour le reste, je n’ai rien d’autre que des murmures, et des suppositions. Quant aux raisons… ”

    Un éclair de colère traversa mon regard sans que cela n’altère en quoi que ce soit mes paroles ou mon attitude.

    “ Disons que ça ne regarde que moi… ”

    Cela dit, même le premier benêt venu pourrait supposer de la tournure de nos éventuelles retrouvailles. Toutefois, le ton que j’adoptais était suffisamment clair : Je ne voulais personne dans mes pattes à cette occasion.

    “ En revanche, je doute que tu aies à craindre quoi que ce soit d’elle. C’est une menteuse, perfide et manipulatrice, mais certainement pas une grande mage. En tout cas, ce n'est plus le cas désormais. Je suis celle qui a le plus à s’en faire. J’ignore quelle emprise elle pourrait encore avoir sur moi. ”

    Je hochais les épaules, comme si cela n’avait finalement aucune forme d’importance. Tout ce qui comptait pour moi désormais, c’était de lui mettre le grappin dessus. Comme Zéphyr me proposait de passer par le réseau de (fouines) d’espions au service de l’Oreille pour échanger nos informations, j'acquiesçais d’un hochement de tête.

    “ Ça me convient. Ce sera en effet plus pratique que de se donner rendez-vous dans un lieu en particulier. Je n’ai pas le loisir de me payer des trajets à travers tout le Reike, ni la chance de pouvoir sortir des doubles de mon cul ! ”

    Un ricanement gras ponctua ma dernière boutade avant que je ne renfrogne un peu. J’oubliais parfois à qui j’étais en train de m’adresser. Je me raclais la gorge avant de continuer, dissimulant ma dernière bavure derrière un autre sujet.

    “ De toute façon, je ne doute pas que tu sauras facilement me retrouver, si tu le désires. ”

    Un sourire sarcastique et lourd de sens se dessinait sur mon visage. Encore une fois, je n’étais pas la plus difficile à repérer dans le paysage et je doutais pouvoir me libérer aussi simplement de l’ombre des espions, plus maintenant que j’étais immergée jusqu’au cou dans les affaires de la couronne.

    “ Bien. Je suppose que nous avons un marché ? ”

    Comme pour sceller notre accord, je lui tendais une main ouverte, qu’il était libre de saisir ou non.

    “ À moins que tu n’aies peur que je te brise les doigts, hehe… ”

    Evidemment, cela n’arriverait pas.
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  • Sam 14 Sep - 16:49
    Kassandra ne semblait pas très emballée pour parler des capacités de clonage, vu sa réponse dubitative et quelque peu désintéressée. Enfin, ce n’était pas comme si Zéphyr allait lui en porter ombrage : le guerrier savait bien qu’il s’agissait d’une capacité assez rare, qui pouvait de surcroît être utilisée de différentes façons si un clone était laissé longtemps à lui-même. Le fait que la demoiselle n’y porta pas d’intérêt n’était pas bien grave : lui aurait fait la même tête si elle avait commencé à lui parler de long en large de sa magie du métal.

    Quoi qu’il en soit, il était certain que le conseiller royal était avenant – trop, peut-être ? - et qu’il accédait assez facilement aux demandes de la jeune femme. Est-ce qu’il faisait bien, est-ce qu’il faisait mal, il ne pouvait le savoir, puisqu’il ne savait pas prédire comment ils allaient évoluer dans le futur. Comme le maître-espion l’avait cependant promis, il ne la surveillerait pas constamment ni ne lui donnerait une assistance pécuniaire, mais dût-elle mal se comporter avec les bourreaux de son académie, sans respecter son accord avec Ayshara, qu’il en entendrait parler tôt ou tard. Enfin, ils n’en étaient pas là. Actuellement, ce qu’il lui fallait, c’était plus d’informations sur la mère de sa nouvelle camarade.

    Et l’élémentaliste lui en donna.
    Calliopê. Un nom chantant.
    Ambrosia. Telle la liqueur qui vous enivre et vous fait perdre pied avec la réalité.
    Ambrosia Calliopê, donc... Cette vipère n’avait pas l’air d’être appréciée par sa progéniture. Rien que prononcer son nom semblait rendre Kassandra malade. Rien que le cracher semblait être un venin qui remontait à la surface. Et en même temps... Cette femme avait abandonné sa fille unique, soi-disant pour la “rendre plus forte”.
    Non, c’était surtout pour ses propres intérêts qu’elle avait fait cela.

    - Les vermines ne meurent pas facilement, il en va toujours ainsi, fait remarquer pensivement Zéphyr. Et pire que tout, elles sont douées pour se dissimuler. Mais tu la reverras sans doute si tu la cherches, que tu le veuilles ou non, avec mon aide ou non. Mais si tu as le moindre indice sur cette femme, si tu apprends sa localisation ou le moyen de la rencontrer, préviens-moi. Non seulement pour que je sois tenu au courant - et qu’il ne gaspille pas les efforts ses hommes inutilement - mais aussi pour que je t’aide éventuellement à la neutraliser, et de facto, pour qu’il protège ainsi la belle blonde. Loin de moi l’idée de vouloir jouer les entremetteurs, mais quelque chose me dit que tu risques de sortir de tes gonds si tu la retrouves non ? Or j’ai l’impression que la réduire en charpie n’est pas exactement ce que tu veux – ou en tout cas, ce serait un jugement bien clément et bien expéditif face à ce qu’elle a manigancé tout au long de sa vie…

    Bien sûr, la magicienne était déjà forte, mais dans son cas, les sentiments risquaient de prendre le dessus, là où les hommes de Zéphyr, voire l’Oreille lui-même, ne serait pas attachés émotionnellement à leur cible. Ca facilitait grandement les choses. Kassandra, elle, pourrait facilement être blessée ou se blesser elle-même... si sa rage, bien légitime, prenait le dessus.

    Cela dit, son interlocutrice mit directement les choses au clair : non, elle ne voulait personne dans ses pattes. L’éclair qui traversa ses pupilles était un avertissement silencieux, et le bretteur ne put s’empêcher de marmonner :

    - A vouloir jouer avec le feu, tu vas te brûler. Fais attention à ce que ta plus grande ennemie, ce ne soit toi-même, Kassandra. Je continue à penser que, vouloir tout gérer toi-même, si c’est compréhensible, n’est pas forcément une bonne idée…

    Que ses remarques lui plurent ou non, elles étaient dites. Et de toute façon, si personne ne les lui disait, qui le lui dirait? Zéphyr n’avait pas froid aux yeux quand il s’agissait d’admettre ou de dire des vérités bien dérangeantes. C’était malgré tout une bonne chose qu’Ambrosia ne fût plus puissante. C’était une cible plus facile. Une folle plus facilement mise en prison. Si elle ne passait pas par la peine capitale.

    - Essaie de trouver un moyen qui te libère de son emprise, en ce cas. Un objet qui te rappellera le but de ta quête, par exemple. Qui te permettra de faire plus de sang-froid… Le jeune homme réfléchit un instant, puis il ajoute : Un bracelet avec un symbole particulier, par exemple, une décoration sur ta lance, un tatouage qui te permette te rappeler d’où tu viens… Et qui te calmera d’office. Tu peux aussi trouver une phrase, que tu pourras répéter comme un mantra, et qui te permettra d'être davantage toi-même.

    Un ricanement apparut ensuite sur les lèvres de Zéphyr suite à la dernière boutade de Kassandra. Elle avait beau se renfrogner ensuite par peur de l’avoir offensé suite à son statut, elle se rendrait vite compte que le guerrier n’en avait que faire, et qu’il se moquait comme d’une guigne de ne pas être traité avec les égards dus à son rang. D’une part, c’était plus agréable ainsi et puis… Il y avait suffisamment de personnages bouchés, dans la haute société. Pas la peine qu'il se rajoute parmi eux.

    - Je ne vois absolument pas ce qu’il y a de désagréable à se promener dans le Reike, il me semble que c’est une promenade de santé, un plaisir pour l’âme et le corps, nous avons une brise printanière en toute saison, des prairies et des forêts à tout bout de champ, c’est véritablement le meilleur endroit du Sekai pour voyager sur le continent. Le sourire moqueur qui naît sur son visage montre qu’il rebondit juste sur ses dernières paroles de la dame, et c’est avec une expression un peu satisfaite qu’il acquiesce ensuite à sa dernière conclusion.  Nous avons un marché. Du coin de l’œil, il aperçoit l’élémentaliste lui tendre la main, puis lui envoyer une petite pique. Lui, avoir peur qu’elle lui écrase les doigts ? Ma foi, les chances ne sont pas nulles mais… Je prends le risque., déclare-t-il d’un ton joueur. D’un geste, leurs mains se serrent, et le guerrier se dit que, s’ils avaient passer un peu plus de temps ensemble, ils auraient été capable de devenir amis. Qui sait, peut-être que cela pourrait se produire à l’avenir.  

    C’est en tout cas l’Oreille qui se lèvera en première, non sans avoir mangé un dernier bout de brioche avant de se lever.

    - Sur ces bonnes paroles, je vais te laisser aller.,

    Ce n’était pas comme si son rôle lui permettait de s’ennuyer.

    - Evite de massacrer d’autres grilles en métal en te promenant, j’en ai une à remplacer, et rien que pour ça, je risque de me faire gronder.

    Encore une autre taquinerie, mais il y a quand même un peu de vrai dans ce qu’il dit.
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  • Lun 7 Oct - 11:54
    Les négociations allaient bon train, en fin de compte. Au détour de quelques remarques et conseils, nous parvenions finalement à nous entendre. De toute façon, tout le monde semblait avoir à y gagner et peu à perdre. Je conservais cette liberté dûment gagnée et si chère à mes yeux et j’obtiendrais des informations sur la femme qui hantait mes songes. Tout cela en échange de quelques rapports et missions que voudraient bien me proposer les services d’espionnage de la couronne.

    Je doutais pouvoir me débarrasser totalement du regard intrusif de leurs espions, mais je faisais confiance à Zéphyr pour qu’ils soient au moins un peu moins présents dans ma vie. De toute façon, je savais maintenant à qui tirer les oreilles si je venais à surprendre l’un d’entre eux en train de m’épier au moment de me torcher les fesses !

    De toute façon, mon esprit était occupé ailleurs désormais. Toutes mes pensées étaient pour ma mère car, maintenant plus que jamais, je touchais au but. Le moment viendrait où nous serions toutes deux réunies, et ce jour-là…

    Un reflet meurtrier traversa mon regard le temps d’un battement de paupières.

    “ Oh ça va, ça va ! Je veux retrouver ma mère, pas en avoir une deuxième ! ”

    L’aristocrate m’assommait de ses bon sentiments et conseils comme une maman poule couvant ses petits. Encore un peu et il aurait été capable de me mettre une couche et des chaussons. Cela dit, il avait raison, une fois encore. Et puis… cette soudaine attention bienveillante avait une petit quelque chose de réconfortant, je n’aurais pu le nier si on me l’avait demandé.

    J’avais beau jouer l’adolescente rebelle, je n’étais pas insensible à la chaleur rassurante qui se dégageait de mon interlocuteur, douce et enivrante. Plus que jamais, je me rendais compte à quel point ce genre d'interaction avait pu me manquer, durant les jeunes années de mon existence. Moi qui n’avais jamais connu que la colère, le rejet et la violence, je découvrais et redécouvrais les plaisirs d’une vie paisible. Entourée d’être aimés et aimant, je deviendrais sans doute une toute autre personne. Oui… ça ne serait pas si mal, tout compte fait.

    “ Ne t’en fais pas pour moi, va ! Je ne suis pas si faible. Il n’y a rien que cette vieille peau pourrait faire ou dire pour m’atteindre. Plus maintenant en tout cas. ”

    Un sourire narquois éclaira mon visage.

    “ Et puis je ne serai pas seule, puisque je voyage toujours accompagnée de mes deux fidèles acolytes… Babord et Tribord ! ”

    Je gonflais les bras comme une andouille bourrée de testostérone sortant tout juste de son entraînement. Je dressais fièrement dans sa direction mes biceps sculptés après des années de labeur et renommés juste pour l’occasion. C’était évidemment une boutade visant à détourner la conversation vers des horizons moins incertains. De toute façon, comme je venais de le souligner, je doutais fortement pouvoir me laisser atteindre par quoi que ce soit qui viendrait de sa part.

    “ Je ne sais pas encore précisément où je vais aller mais tu as raison, je trouverai bien un coin dans ce foutu tas de sable où reposer ma carcasse ! ”

    Un large sourire me fendit le visage, remplaçant l’air rebelle dont je faisais montre. Nos mains se serrèrent, pas trop évidemment, et notre accord fut scellé. Enfin.

    Je cherchais quelque chose à dire d’un peu mémorable pour marquer la rencontre, un peu à l’image de ces personnages dans les légendes qui trouvent toujours le bon mot au bon moment. Hélas, rien ne voulut sortir de ma bouche. Rien de productif en tout cas. Ce fut finalement Zéphyr qui se leva le premier, marquant ainsi la fin de notre échange. -Dommage- me dis-je. Il était encore tôt… Dans l'après-midi. Puis que je n’avais rien de plus à ajouter, je l’imitais.

    “ Oui, il est temps que je te rende à tes obligations, haha ! ”

    Je l’escortais jusqu’à la porte de la taverne, le laissant sortir avant de m’appuyer contre l’encadrure.

    “ Je tâcherai de faire attention, la prochaine fois que l’on veut me replonger dans de douloureux souvenirs. HA ! ”

    J’allais lui proposer de venir lui donner un coup de main avant de finalement renfrogner.
    Qu’il nettoie un peu les conséquences de ses initiatives, ça lui fera les pieds !

    Lorsqu’il fut suffisamment loin pour se fondre dans la foule, je tournais les talons et retournais à l’intérieur, s'asseyant de nouveau à la table où nous nous trouvions quelques minutes auparavant.

    “ Allez tavernier, la suite ! N’espère pas te débarrasser de moi aussi facilement ! ”
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