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  • Dim 26 Mai - 19:29
    Un memento mori, voilà ce que proposait en réalité Malazach en nommant la cité vaticane comme nouveau foyer pour les vrais croyants. La proposition fit battre son cœur, irriguant sa chair mortifiée de cette vie qu’il ne pouvait s’autoriser d’aimer. L’un des nombreux défauts de sa foi, imparfaite et impure. La chair n’était pas divine. Seul son squelette, sur lequel ses muscles, ses organes et sa peau se greffaient comme des parasites, pouvait être considérée comme un don des dieux.

    Mais non, c’était son fardeau de s’interdire le don qu’il offrait aux croyants en les accompagnant dans leurs derniers voyages vers l’étreinte du Berger des morts. Froide et réconfortante, qui faisait disparaître toute sensation, toute douleur et permettait enfin à l’âme de s’exprimer dans le silence éternel de la tombe.

    Il haïssait la vie, avec la passion et la poésie dont seuls les chevaliers de la rose noire étaient capables. Mais il la chérissait tout autant, car sans elle, il n’aurait plus de charge. Mais à cause d’elle, il ne pouvait recevoir le plus beau cadeau du Premier-Mort aux mortels. Cette réflexion l’avait suivie toute sa vie, bien plus depuis le Passage de son fils et de son épouse, et même s’il sentait encore la morsure du phantacier dans les plaies qui labouraient son dos et qui griffaient ses os, il avait l’impression de n’avoir pas entièrement été lavé de son plus grave pêché. Qu’il répétait encore et encore, au rythme de sa respiration silencieuse et de son plastron qui se soulevait en écoutant les professions de foi de ceux qui n’avaient pas encore compris que de tout ses frères, seul Xo’Rath était encore parmi eux.

    En temps et en heure, ils accepteront la vérité. Mais pour l’instant, le feu de l’indignation, du sacrilège et le sang des martyrs était un terreau fertile pour le fanatisme. Et encore une fois, avec des yeux pleins d’admirations et d’amour filial, Launegisiles observait son sauveur rassembler les brebis égarées.

    Il observait un instant l’incarnation même du sacrilège des mortels, sans savoir ce qu’elle était ou avait pu être, il était hélas arrivé trop tard pour comprendre que face à lui se trouvait une fille véritable d’Aurya, qui a ses yeux n’était qu’une simple mortelle. Tout au plus avait-il compris que la Héraut de la Belle était une de Ses fidèles, l’inimité qu’il pouvait lire dans son regard à l’égard du Héraut du Corrupteur la trahissait assez pour qu’au moins, le chevalier de la rose noire puisse le déduire. Lui ne ressentait ni animosité, ni dégoût à son égard. Car des Huit, Puantrus était le plus proche de Xo'Rath, le premier semant les graines récoltées par le second. Ils étaient tout deux fermiers à travailler dans le même champ. L'un semait, l'autre récoltait.

    Les deux autres étaient étranges. Le premier était un homme dont il ignorait aussi bien l’allégeance que le nom. A la couleur de sa cape, il se dit l’espace d’un instant qu’il s’agissait d’un exilé de la république qui avait trouvé la foi dans une quelconque souffrance. Qui avait reçu l’illumination des titans dans un moment de faiblesse, car après tout, les républicains l’étaient bien, non ? Faibles et décadents. Mais à l’observer plus longtemps, il finit par reconnaître le tracé de l’acier qu’il portait, les décorations de son armure inspiraient le respect et même l’esprit aliéné de l’Implacable lui admis sans honte une certaine admiration naissante. Oui, il serait un prosélyte des plus compétents.

    La réaction de l’elfe, elle, pleine de rage et de fougue à sa vue ne l’avaient pas choqué. Oh non, Launegisiles était bien trop morne pour s’émouvoir de flammes d’argents ou craindre d’être consumé dans le feu de sa vengeance.

    - C’est le sang des martyrs que je porte sur l’acier noir de mon harnois, ma sœur. Dit-il, sa voix était aussi rauque que douce, aussi chaude que froide, étouffée par son heaume et amplifiée par la résonnance. Nous sommes tous unis dans le deuil de notre ville aimée.

    Avait-il eu vraiment besoin d’expliquer la symbolique de ses atours guerriers ? Probablement pas, mais l’heure n’était pas aux rivalités, à la crainte ou à la haine. Et celle qu’on nommait Valmyria ne lui était pas forcément inconnue. Hélas, il n’avait pas encore entendu son nom, mais ce dernier était autrefois populaire dans la cité-désormais-morte, et même lui en avait entendu parler. Mais l’heure était-elle vraiment aux présentations ?

    Non, car les mots de Malazach l’avaient à nouveau fait trébuché sur le sentier ronceux de sa dévotion en faisant battu son cœur de cette vie maudite. La parole de son maître était une épreuve de foi, tout autant qu’un appel aux armes. Un appel qui séparait enfin les vrais croyants des païens et des parjures.

    A partir d’aujourd’hui, il n’y’avait plus de modérés. Seuls ceux qui suivaient Leurs Volontés et ceux qu’ils devaient subjuguer.

    Chacun avait fait acte de foi. Et bien que sa dévotion n’était pas à prouver au vu de l’étrange affection que lui portait le futur Haut-Cardinal, il hésita un instant à tirer sa lame, planter la pointe sacrée de Son Étoile dans la terre désacralisée pour clamer à son tour ses vœux de guerres. Mais le Saint-Père avait raison, aussi, le casque rouge du paladin se leva vers la lune. Et il prononça seulement quatre mots. Rauques et lourds de sens.

    - Pas sous son regard.

    Avant de tourner la tête vers le Saint-Père, qui n’avais plus qu’à ordonner.


    L'Aube du Chaos [Divinistes] - Page 2 Launegisiles-signa
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  • Mer 29 Mai - 0:39
    Volonté—celle féroce et sans faille ; Promesse—celle d’obéir sans états d’âme ; Renaissance—la chance de purifier un Monde resté trop longtemps sourd et aveugle. Une faille devenue un nouveau combat. L’air était chaud, pulsait d’une fièvre noire. Célestia, laissé pour seul charnier d’un Ordre qui n’avait pas su aller au bout de ses idées, et qui, dans sa sottise, avait emporté la Ville Céleste, plus haute qu’aucune autre. Siame l’avait un jour nommé “maison”. Mais lorsqu’elle regardait autour d’elle désormais, elle était parfaitement incapable d’entendre la voix de sa sœur—cette voix qu’elle a entendu rire, badiner, réclamer. “Reste encore un peu steuplaît”. Cette voix qui l’avait poursuivi à sa libération, tout au long de son chemin, qui la suppliait de revenir—cette voix après laquelle elle a peut-être plus couru qu’après ses ailes, sans vouloir se l’avouer. Son visage est fermé, lorsque le regard de Malazach croise le sien. Elle lui avait rendu, sans ciller, avant de s’en détourner un peu farouchement, peu heureuse de reprendre le rôle de l’élève à ses côtés. “Sois patiente Siame, le temps est notre allié” ; “Observe avant d’agir, Siame” ; “Cherche à comprendre les Hommes avant de parler, Siame” ; “La lumière guide toujours ceux qui sont perdus, sois cette lumière”. En bref, l’ordre de rester sage. Elle n’aimait pas ça—n’aimait pas qu’il puisse penser qu’elle était suffisamment sotte pour sauter à la gorge de cette – aussi écœurante que révoltante – engeance, ici et maintenant. N’aimait pas plus qu’il la considère toujours de la sorte. Faire la guerre lui avait toujours été plus facile que le reste : c’était plus simple et Siame s’y cramponnait, de la même manière qu’elle continuait de se cramponner à ce terrible orgueil, sa dernière carapace—à laquelle elle s’accrochait comme à un filet de sauvetage. L’Ange s’était déjà imaginé les sales manières dont elle aurait accompli sa justice : le concept travesti—perverti par la parole apodictique de sa Maîtresse. La pensée lui est viscérale : rendrait dingue n’importe qui. Malazach pouvait-il réellement la blâmer, quand cette lumière qu’il lui avait un jour montrée, n’avait été qu’à la perspective d’une haine noire, abominable, à son image ? Une lumière qui n’avait jamais trouvé son foyer dans le cœur de la fille d’Aurya, mais toujours dans son ventre—cette chose affamée et poisseuse ; corruptrice et vandale. Cette chose qui couinait, d’être ainsi étranglée et renvoyée en son antre, quand on lui avait un jour appris à braver des tempêtes bien plus violentes encore.

    Il lui faudrait dégorger sa frustration plus tard, autre part, sur autre chose. À l'abri des regards. Elle s’était mordu l’intérieur de la joue, jusqu'à ce que le goût du sang supplante sa faim. Peut-être aurait-elle dû voir en la présence de l’ignoble créature un signe—celui d’un changement imposé, la représentation vivante de ce renouveau qui courait alors sur toutes les bouches présentes à ses côtés. De ce chaos vicié, vicieux, qu’ils se préparaient tous à représenter.

    Et qui commençait non pas en ces lieux, mais à Bénédictus.

    Ils avaient quitté les ruines de Célestia, abandonnant derrière eux ce qui ne servait plus. Cette nouvelle ère n’était pas celle des Cieux—n’étaient plus celles des Titans, mais celle de leurs Enfants. Les Divins avaient planté les graines du chaos sur ces Terres, la guerre avait été son engrais—celui d’une corruption qui trouvait racines dans la fange.


    Il était une fois, perdue entre les Rocheuses et les chuchotements de douleur, perdue dans des terres de désolation, Bénédictus. Bénédictus, cimetière d’espoirs oubliés—corrompue, rongée par les tourments de récents maux, placée au plus proche de l’Arbre Monde. Nid du chaos à venir—ici, les ombres murmuraient, comme pour éloigner toute lumière d’espoir et de paix…


    La Haute-Cathédrale s’élève devant eux, les écrasant de ses tours vertigineuses, délirantes de noirceur. Le lieu occultait tout souvenir de ce que la capitale avait un jour été—plongée dans une obscurité éternelle, comme si les rayons de soleil se trouvaient désormais incapables de percer les nuages. Jamais aucun autre endroit n’avait plus pulsé de noire perfidie. Ici, une magie sombre fleurait l’air, capricieuse : et chaque bouffée d’oxygène que l'on respirait était la perspective de noircir un peu plus son Âme. Siame resonge à son rêve, celui qui l’a mené jusqu’à Célestia. Ces visions-ci, elle ne les devait plus à Aurya. Non, cette transe-là lui avait été imposée par autre chose. Une présence monstrueuse qui semblait peser sur les épaules de chacun, ici plus qu’ailleurs, qui l'avait, en l'espace d'une nuit, ensorcelée, anesthésiant ses insomnies.

    Les icônes autrefois émouvantes de la Cathédrale avaient elles aussi, étaient décharnées de toute beauté. Une crasse sombre charbonnait le marbre autrefois blanc, caressait vicieusement leurs contours et suintait de leurs yeux fermés—comme si elles refusaient de voir ce que ce lieu de paix et d’abondance était alors devenu. On entendit un cri – épouvanté – à moins que cela ne fut le hululement d’une chouette. Ici, aucune vie, ni pureté ne survivait. Rien que des spectres, des créatures dépravés de toute forme d’humanité. Chaque pinacle pointé vers les nuages était à l’image d’un hurlement, puait le drame et le désespoir. Chaque taillis épineux, chaque plante malade qui persistait à vivre malgré tout, menaçait de vous empoisonner. L’architecture s’ouvrait, béante et dégueulante, à ceux qui osaient – par bravoure ou par folie – pénétrer les lieux. C’était un spectacle tout à fait fascinant qui s’élevait devant eux. Ce sol avait, un jour, été sacré. On y avait adoré les Titans, les Ombres, et aujourd’hui, on y adorerait le Chaos.

    Siame avait posé à son tour un premier pied à l’intérieur de la Cathédrale, avait considéré les lieux silencieusement—tout comme le nouveau chapitre qu’ils représentaient dans son histoire. Un froid sombre s’insinua dans ses os et une brise malsaine était venue se loger dans le creux de sa nuque. Déjà, elle perçut la chaleur terriblement enivrante de cette sorcellerie infuser ses veines—comme s’il y avait eu entre l’air et son corps un système de vases communicants. Oh, que l’ivresse du pouvoir, celui qui palpite alors dans sa poitrine, lui avait manqué. Dans son ventre, une ondulation et l’envie soudaine d’aller explorer tout ça un peu plus en profondeur...


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  • Mer 29 Mai - 7:03
    La neige, la cendre et le sang vicié cèdent place à un tout autre tableau. Appuyé sur son hachoir ébréché, Sublime observe depuis la hauteur d'une dune noircie ce qu'est devenue la cité sainte. Les ténèbres s'en sont emparés, transfigurant une ville autrefois resplendissante en l'enveloppant dans un manteau fait de la plus pure obscurité. Le paladin de Puantrus hume l'air, reniflant avec enthousiasme les parfums si divers et nouveaux dont recèlent ce lieu infernal. Ses lèvres décharnées s'écartent pour révéler un rictus malfaisant lorsqu'il ressent pleinement l'immense valeur, ainsi que le sens que cache cet endroit.

    Ses yeux injectés de substances corrosives se portent sur la silhouette aussi funeste qu'impérieuse de l'Arbre-Monde. Loin d'avoir été épargné par le sort sinistre des terres corrompues par les Titanides, le colosse végétal s'est mué en atroce allégorie de la colère des sculpteurs de mondes. Grisâtre, menaçant et strié d'éraflures dont suppurent une sève violacée, il domine l'entièreté des environs de par sa démentielle hauteur. Ses branches tordues, plus grandes encore que des forteresses, s'étirent sur des hauteurs vertigineuses, comme si elles souhaitaient agripper les cieux et ramener les nuages noirs au sol.

    Sublime, pourtant, se sent protégé par ce monolithe titanesque. Il pose un genou à terre, puis glisse ses mains sous une pousse roncière dont les épines effroyables manquent de lui ouvrir les paumes malgré la timidité du contact. Les plantes, la mousse et même les rares bêtes encore présentes constituent tous ensemble un témoignage du véritable pouvoir des huit. Tout ici est malade, vicié au delà de toute raison. La décrépitude y est si totale qu'elle arrache à celui qui vénère le Père des Maux un ricanement sardonique. Il est chez lui, plus qu'il ne l'a jamais été ailleurs. Il ramène son épée monstrueuse jusqu'au fourreau de cordages et de chaînes puis dévale la pente dans une glissage bruyante, ce avant de rejoindre l'escorte du Saint Cardinal. Se tournant vers Valmyria, qui découvre les lieux tout comme lui, il murmure entre deux quintes de toux :

    "Voyez, Prêtresse, comme les Huit accueillent leurs fidèles. La transformation de Bénédictus illustre si parfaitement l'étendue de leur courroux. Nous aurons notre vengeance, soyez en sûre..."

    Bondissant presque de joie, l'ignoble chevalier se rue jusqu'à rejoindre le taciturne Héraut de la Mort, auquel il adresse une risette putride tout en pointant de ses griffes la plus haute tour de la Cathédrale. Des rapaces métamorphosés y établissent un nid, prenant ainsi de faux airs de gargouilles sépulcrales. Peinant presque à trouver ses mots sous le poids de l'émotion, il se racle la gorge et articule difficilement :

    "Puantrus et X'O-Rath soient loués... C'est... merveilleux, n'est-ce pas ?"

    Ensemble, ils pénètrent au cœur de la ville. Sublime évolue avec aise, appréciant les angles rongés et les toiles décrépies qui décorent des murs dont la rocaille s'effrite. Dans l'effondrement de chaque chose, il voit le renouveau. Une fleur mutée, noircie par la corruption et la folie des Dieux, capte son attention et c'est avec une joie béate qu'il prélève cette dernière, l'inspectant avec minutie tandis qu'il continue à suivre de loin les autres membres de l'expédition. C'est merveilleux, se dit-il. Cet enthousiasme n'est peut être pas partagé avec l'entièreté de sa fratrie, mais il n'en a cure. Ils verront, en temps voulu.

    Vient enfin la fameuse Cathédrale, épicentre du pèlerinage béni. Se risquant à toucher des doigts les immenses murs de l'entrée de cette dernière, le pestiféré remercie les créateurs de lui avoir enfin accordé le droit de fouler de ses sabots biscornus un sol si sacré. Habitué à sommeiller à même la boue, avec le bétail et la fange en guise de couche, il voit dans cette horreur une aubaine, celle d'enfin pouvoir prouver sa valeur auprès de ceux qui n'ont pas eu le déshonneur de naître dans un sarcophage de viande blasphématoire. Lui aussi, enfin, est reconnu comme véritable messager des Titans.

    La magie saturée alourdit l'air et même si la progéniture d'Aurya et lui sont diamétralement opposés par nature, ils subissent ce poids avec la même violence. Le dos affaissé et le souffle court, Sublime s'adapte à ce nouvel écosystème et pressent, via des démangeaisons que le commun des mortels qualifierait d'insupportables, que les maux magiques qui l'assaillent répondent à cet incessant assaut de l'Arbre. Son organisme, bien que pourri jusqu'à la moelle, entre en symbiose avec cet endroit. Il n'y a guère de retour en arrière, et Sublime le sait. Serrant contre lui un médaillon d'ossements fait en honneur au Monstre, il marmonne dans sa barbe :

    "Enfin... Nous y sommes."
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  • Sam 1 Juin - 14:03
    Ils n’étaient pas les seuls croyants à s'être repliés en ces lieux sombres. D’autres, assaillis par le désespoir, moins résilients ou simplement sans guides, s’en étaient allés errer au sein de l’ancienne capitale, dans l’espoir de trouver en Bénédictus un indice, un signe, de la part de leur dieu.
    Tout au long de ses années de surveillance, Malazach les avait observés, de loin. Ces groupes d’aventuriers, de pèlerins ou de pillards, s’étant rassemblés si souvent aux portes de la cité huit fois bénies, déterminés à trouver quelque chose parmi les ruines, les cadavres et les monstres.
    Si peu s’en étaient extirpés. Et parmi ces quelques chanceux, combien avaient pu se targuer de conserver un semblant d’esprit humain?
    Méthodiquement, discrètement, sa garde noire avait rattrapé les fuyards frappés par la folie. Pour les réduire au silence et les amener à lui afin qu’il puisse mener quelques expériences sur leurs cadavres aux lobes frontaux infestés par les maléfices s’étant infiltrés dans la pierre de Bénédictus. Solidement harnachés sur ses tables d’opération, leurs lèvres gluantes de sang s’étaient tordues dans des grimaces atroces pour balbutier quelques paroles absconses que le nécromant avait eu tout le mal du monde à décrypter.
    L’arbre-monde saigne” lui avait un jour confié un dément “nous pensions qu’il pleurait, mais il saigne. Et son sang noiera un jour le monde.” Comme tous les autres, il avait récompensé ses confidences en lui offrant la paix du faucheur.
    Trouver un sens à de telles absurdités relevait du domaine de l’impossible, s’était alors amusé l’Ange Noir.
    Mais maintenant, il comprenait.
    Sa prudence naturelle l’avait toujours tenu éloigné des tréfonds de Bénédictus. Avant même que le cataclysme ne s’abatte, lorsque les conflits entre le Culte des Ombres et les Divinistes avaient transformé ses rues et ruelles en coupe-gorge, Malazach s’était déjà éclipsé vers les hauteurs jadis rassurantes de la défunte Célestia pour observer la folie de la capitale à l'abri, dans les airs. Aussi découvrit-il comme les autres les effets de la corruption, lorsque ses yeux se posèrent sur ce titan de pierre, d’acier et de verre que la haute cathédrale demeurerait -l’Ange l’espérait- jusqu’à la fin des temps.
    Ça n'avait rien d’insidieux. C’était violent. Brutal. Comme un hurlement de souffrance sans fin. Comme une fièvre grippale. La douleur d’un deuil. La panique d’une noyade. Un flot de détresse et de douleur abrutissants, qui s’évanouissait dès lors qu’on tentait d’identifier sa source. Une désarmante et ô combien désagréable expérience qui manqua de le faire régurgiter son maigre repas du soir. Il s’y était préparé, pourtant. Ses petites séances d’interrogatoires l’avait au moins informé sur ce point.
    Mais, dans son orgueil, l’Ange s’était cru capable de surpasser ces petits désagréments sans en ressentir le moindre vertige. Une bien stupide illusion.
    La gorge nouée par la nausée, il s’avança jusqu’aux doubles portes de la haute cathédrale pour les ouvrir à la volée dans un concert de grincements et de craquements sinistres. Deux gardes noirs porteurs d’hallebardes vinrent se placer contre les battants afin de les maintenir ouverts tandis qu’il pénétrait dans la bâtisse sacrée, les yeux écarquillés non pas par l’émerveillement mais…Par l’ambition.
    Puisque si l’opportuniste n’avait pas douté une seconde du fait de redevenir le cardinal d’une nouvelle génération de fidèles, son esprit retors ne parvenait que difficilement à imaginer les possibilités que la reprise de la haute cathédrale allait leur offrir. Toutes les âmes perdues, les fous revanchards, les fanatiques à la recherche d’une nouvelle raison de mourir en martyr allaient se précipiter à leurs pieds, trop heureux de pouvoir boire jusqu’à la lie les paroles des apôtres du jugement divin. Les plus résistants verraient leur forces affaiblies par le mal régnant sur place tandis que les autres s’écraseraient simplement dans une servilité docile.
    D’un pas rendu fébrile par le souvenir d’une douleur irréelle, Malazach s’enfonça dans les ténèbres de la haute-cathédrale. Du bout des doigts, il vint caresser le bois poussiéreux des bancs de prière abandonnés, n’adressant pas même un regard aux corps desséchés parfois recroquevillés dessus. Combien de temps, de siècles, depuis son dernier passage ici? Des générations et des générations de mortels s’étaient succédées en ces lieux avant de mourir par un caprice des dieux.
    Et en bon fils de son Père, Malazach allait s’efforcer de réanimer le cadavre du plus grand symbole religieux de Shoumeï pour le tordre, le déformer puis l’utiliser à sa guise.

    Arrivé face au Sanctuaire, l’Ange réprouva un sanglot en laissant ses yeux parcourir l’or terne des piliers encadrant l’estrade. Jadis, à l’époque ancestrale où il n’avait été qu’un simple évêque, Malazach avait observé et appris à mimer les comportements de ceux qui, dans leur folie, s’étaient un jour pris pour ses supérieurs. Maintenant, seul survivant des hautes instances divinistes, il allait occuper leurs places sans partage…Dans un premier temps.
    “-J’étais là, vous savez.” Révéla-t-il dans un souffle, tandis que les autres membres de l’exode pénétraient tour à tour dans sa nouvelle demeure. “J’étais là lorsqu’ils ont dressé ce sanctuaire. Lorsque ce plafond bercé par les ténèbres, au-dessus de nous, baignait encore dans la sainte lumière.” Il se détourna du sanctuaire pour scruter les innombrables allées de bancs posés face à lui. “J’ai vu chacun de ces sièges occupés, alors que les chœurs de nos moines résonnaient jusqu’à la place du Premier Saint. Si vous pensez cet endroit divin, imaginez donc ce qu’il était au paroxysme de Shoumeï, lorsque Satoshi marchait encore parmi nous.
    Les fidèles lui étaient acquis. Mais aussi retors pouvait-il être, Malazach se refusait à la facilité du despotisme. Régner sans partage revenait à offrir son dos aux poignards des envieux. Il allait maintenant lui falloir des alliés.
    Son beau regard se posa sur l’armure rougeâtre du paladin de son Père. Aussi dévoué Launesigiles et ses frères pouvaient être, la juste colère les animant les prédestinait à un rôle de destructeur, et non de penseur. Même chose pour Sublime. Lodvik était le protégé de Siame. Il sentait déjà les griffes de l’estropiée se refermer sur le courroux du guerrier saint pour le transformer en son exécuteur, à l’image de ce que l’Ange Noir avait fait avec Launesigiles mais aussi, jadis, avec le premier des Gardes Noirs. Restait Valmyria. Jadis trop douce pour être autre chose qu’une prêtresse prêchant avec une passion naïve, elle avait vu son coeur se noircir face au massacre du Nouvel Ordre. En faisant preuve d’assez de résilience pour survivre à ce traumatisme sans céder à la folie, alors…
    Peut-être pourrait-il lui faire miroiter la possibilité de sa propre succession. Promettre à une prêtresse d’accéder au rôle de Cardinal était souvent le moyen de s’attribuer son indéfectible soutien.
    Quand bien même l’immortalité de l’Ange ne risquait pas de lui permettre d’accéder à ladite succession avant la fin de l’éternité.
    Seulement, un autre problème se posait : Lodvik et Valmyria -il aurait fallu être aveugle pour ne pas s’en rendre compte- partageaient un lien fort. Suffisamment fort pour que Lodvik laisse les paroles de Siame parvenir jusqu’aux oreilles de Valmyria…Et potentiellement altérer son jugement comme sa fidélité si, par une malheureuse succession de circonstances, la fille d’Aurya se mettait à convoiter un rôle semblable au sien. Et si, pour l’heure, le haut cardinal accordait sa confiance à son ancienne élève…Malazach savait de source sûre à quel point l’éternité nourrissait l’ambition et déchirait les vieilles amitiés.
    Il allait falloir s’assurer de son soutien, d’une manière ou d’une autre.

    Les cent têtes casquées de la garde noire pénétrèrent à leur tour dans la sainte cathédrale. Certains rengainèrent leurs armes, d’autres s’agenouillèrent devant le sanctuaire brisé à l’imperceptible commande de leur seigneur, qui s’efforçait d’alimenter l’illusion d’une conscience animant encore ses suivants carbonisés.
    “-Prenez vos marques, mes enfants. Installez-vous. Reposez-vous.” Invita l’Ange en écartant les bras dans un signe de bienvenue. “Imprégnez-vous de la sainteté qui émane de chaque planche, chaque pierre soutenant cette bâtisse millénaire. Bientôt, elle brillera de nouveau !” Son regard se porta sur l’estropiée alors qu’un sourire avenant venait s’inscrire sur ses traits. “Je vous laisse préparer les lieux comme il se doit pour l’ordination. Ma priorité reste pour l'heure notre sécurité. Certains accès doivent être contrôlés et d’autres…barricadés.” Sa voix gagna en force et en autorité alors qu’il s’exclamait : “Launesigiles, j’ai à te parler !
    Celui qui aurait dû mourir vint, suivi par ses frères comme toujours. Malgré sa servilité excessive et son esprit à la portée à jamais réduite par un fanatisme désespéré, le porteur de l’étoile savait être de bonne compagnie pour Malazach. Il ne parlait que très peu, n’ouvrait souvent la bouche que pour partager des informations utiles et ne se perdait pas dans la vénération inutile. Un être concentré, profondément belliqueux, à l’image des bourreaux à qui il devait l’aspect cramoisi de son armure.
    “-Cette cathédrale n’est pas qu’un lieu de culte, mes fils.” Commença le Cardinal en pointant du menton l'extrémité gauche de la croisée du transept, donnant sur l’escalier en colimaçon menant lui-même aux étages supérieurs. “Je vais prendre la Garde Noire et inspecter les accès aux souterrains. Mais là-haut, il y a des chambres et des bibliothèques à inspecter. Si des pillards ou des monstres s’y sont installés, leurs dépouilles nous aideront à rendre à ce lieu béni sa gloire d’antan.”L’Implacable acquiesça, prêt à tuer. “Une dernière chose cependant : Si mes souvenirs sont exacts…”Ils l’étaient toujours, l'immortalité venait bien souvent de pair avec une mémoire eidétique. “Il y aura une pièce, au milieu du premier couloir que tu traverseras, dont l’accès sera verrouillé par une double porte. Le bois de ses battants devrait être orné de gravures représentant les huit. Ne la touche pas. C’était la chambre du révéré haut prêtre avant le cataclysme. Seul le porteur de sa clé pourra y pénétrer sans que les glyphes sur son sol et ses murs ne le carbonisent.” En imaginant, bien sûr, que la corruption ambiante n’avait pas complètement dénaturé la magie régnant sur place. Quel épouvantable gâchis cela serait alors, avec tout le mal qu’il s’était donné pour dérober la clé à Vaera avant que les chiens du Reike ne viennent tout brûler. D’un geste de la main plus apaisant qu’autoritaire, l’Ange Noir désigna les marches à son Paladin. “Va maintenant.

    L’Implacable obtempéra, comme toujours. Et les plumes immaculées des ailes de Malazach frémirent lorsqu’il tourna le dos à son paladin pour se diriger vers l’accès aux souterrains dissimulé derrière le Sanctuaire, une vingtaine de ses gardes derrière-lui.
    L’ordination prendrait du temps. De même que la réhabilitation entière de cette œuvre d’art architecturale. Peu importait. Le vrai trésor, pour le fils de X’or-ath, se trouvait en-dessous de ce piège à fanatique. Dans les tréfonds du réseau souterrain de Bénédictus, là où La Crypte Noire attendait, patiemment, l’arrivée de son maître.


    ✞✞✞ Malazach est Maudit ✞✞✞

    -Les pratiquants du Culte des Ombres et les adeptes du Divinisme le voient comme un ange resplendissant.
    -Les adeptes du Shierak et les athées, eux, le voient tel qu'il est véritablement ; une créature aussi famélique que sinistre.
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  • Mer 5 Juin - 17:59
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    Lodvik avançait aux côtés de Valmyria, leurs pas les rapprochaient de Benedictus. La route semblait longue, mais les contours de la Haute-Cathédrale se dessinaient enfin. Le héraut de la volonté des titans s’arrêta afin de contempler les vestiges de cette ville dévastée, celle où il avait prononcé ses vœux en devenant paladin de l’Ordre. Les temps avaient changé, le regard de l’homme également. Ses yeux balayaient les rues en ruines et les racines nécrosées de l’arbre. Benedictus semblait plongée dans un profond marasme, les pavés étaient brisés et noircis, une odeur humide et tenace prenait aux tripes, comme si les entrailles de l’ancienne cité recrachaient une bile nauséabonde. Les façades étaient décrépies, les pierres obscurcies par la crasse et la poussière. Une faible lueur peinait à transpercer les épais nuages gris et la brume environnante.

    - « Les Titans nous ont conduit ici, leur influence a évolué, nous montrant une nouvelle voie. Observe le cœur de sa transformation. » dit-il à l’attention de Valmyria, en pointant l’arbre-monde. « Embrassons pleinement cette nouvelle vérité et devenons les prophètes de cette réalité sanctifiée par les Dieux. »

    Le tronc imposant et noueux emplissait l’espace, les veines noires ressortaient et semblaient se délecter de leur propre corruption.
    Le paladin ressentait une étrange fascination devant ce spectacle de ruines et de désolation. Il avait fait le choix de suivre l’influence corruptrice de l’arbre-monde, de se fier à l’Entité Sombre et à ses préceptes. Cette nouvelle foi, beaucoup plus sinistre et vindicative avait dévoré son âme. Sa lumière intérieure s’était assombrie, devant plus vile et brûlante. La sève noirâtre de l’arbre se répandait et infusait lentement son esprit de son sinistre pouvoir. Le chevalier punitif percevait cette beauté dans la déchéance, elle résonnait en lui comme un dernier espoir, une promesse de renouveau et de lutte pour ses idéaux. Il sentait son existence liée à celle de l’arbre, là où il érigerait le bastion des véritables croyants.

    Face à la cathédrale, il se sentait satisfait, il avait tenu face au choc de la perte de Célestia. Il accueillait ce tragique évènement d’une manière plus réaliste à présent. Il savait au fond de lui qu’il allait accomplir de grandes choses, selon la volonté des Titans. Même si Benedictus avait été drastiquement changée, il lui resterait fidèle. Mieux, il subirait ce changement avec elle, accompagnant la cité sainte vers le renouveau. Le paladin avait trouvé sa place dans ce sanctuaire.

    - « Voici notre nouveau commencement, avec Benedictus comme héritage. Nous n’allons pas seulement restaurer ce qui a été perdu, mais forger une voie nouvelle mes frères. » lança-t-il à l’ensemble du groupe de divinistes avant d’entrer à l’intérieur de l’édifice. Sa conviction paraissait toute aussi intense que sombre. Il était convaincu que ce choix était le bon, que les Dieux dictaient sa conduite.

    L’âme nébuleuse de ce quartier déchu s’incarnait en cette imposante cathédrale. Les pierres sombres  fissurées ne ternissaient pas la nature majestueuse du monument sacré. Les bancs de prière n’étaient plus si bien alignés, la poussière remplissait les objets liturgiques. Tout dans ce lieu saint renvoyait à cette foi délaissée. Mais il comptait raviver la flamme, aux côtés de ses alliés religieux. L’intérieur de la cathédrale offrait toujours au paladin de l’Ordre une source d’apaisement, une impulsion qui guidait son cœur.

    Lodvik écouta les propos de Malazach, les paroles de ce dernier résonnaient dans la sombre cathédrale. Un sentiment de nostalgie gagna son coeur, qu’il s’empressa d’effacer. Il n’y avait pas de place pour le passé, il savait que le temps de la splendeur candide était révolu. Ils avaient beaucoup à accomplir en ces lieux, pour redonner un aspect sacré et renforcer l’édifice. L’air paraissait chargé d’une odeur persistante de métal rouillé.

    - « Je vais inspecter l’étage. » dit-il en s’approchant de Valmyria. « Je veux m’assurer de la sûreté de l’endroit avant de procéder à l’ordination. » Il lui laissa le choix de le suivre ou non.

    Sans attendre de réponse, il se dirigea vers l’escalier menant à l’étage, celui-ci était délabré. Les marches craquaient et semblaient prêtes à céder sous son poids. Les murs du couloir étaient sombres, les tapisseries défraîchies, il avança prudemment à travers les nombreux débris. Il ouvrit une porte, qui grinça de manière sordide. L’odeur de putréfaction emplissait la pièce, les meubles avaient été renversés et l’ouverture sur l’extérieur obstruée par des planches en bois grossièrement clouées. Il s’agissait d’une ancienne chambre de prêtre, au vu de la simplicité de l’endroit et du matériel liturgique entreposé. Le paladin souleva l’armoire de bois pour dégager le passage et s’avança. Il comprit d’où provenait l’odeur nauséabonde, un corps en décomposition était étendu là. L’individu n’était plus qu’un amas putride de chair à moitié décomposée, d’où des fluides noirâtres s’écoulaient. Par endroit, les os perçaient la peau en lambeaux, l’odeur aigre de la décomposition avancée prenait au nez, le corps pourrissait lentement, abandonné des Dieux. Sa bouche ouverte et son regard vide offraient une expression figée de lente agonie. Les larves avides avaient éclos, se repaissant de la chair putréfiée. La mort devait dater de deux ou trois jours et au vu des traces de lutte et de sang séché, il ne s’était pas éteint naturellement.

    - « Quelque chose a dû l’attaquer. » dit-il en se tournant vers l’elfe qui l’avait accompagné. « Et il est possible que ce qu’il a tué traîne encore dans les parages. Reste sur tes gardes. » conseilla-t-il.

    Dans la pièce suivante, la même odeur de pourriture emplissait l’air, accentuant cette ambiance mortifère. Dans un coin de la chambre, l’abomination se tenait debout. En terrible figure de corruption, sa peau d’une pâleur livide se tendait pitoyablement sur ses os décharnés. Ses membres paraissaient longs par leur finesse et déformés, mais redoutables. Son visage dépourvu d’œils n’offrait qu’une gueule béante aux crocs finement aiguisés.

    L'Aube du Chaos [Divinistes] - Page 2 314t

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  • Mer 5 Juin - 20:26

    Ses pas foulaient la boue dans un rythme lent. Parfaitement silencieuse, Valmyria marchait en fixant le sol devant elle. Ils avaient quitté Celestia, marché dans un paysage aussi désolé que morne pour se rendre vers le lieu saint qui les attendait. Et l'elfe, elle, s'était enfermée dans un mutisme profond. Son esprit, toujours aussi morcelé, tentait de se rassembler en une parodie de logique qui alimentait une nouvelle hystérie. Les anciennes voies avaient failli, par plusieurs fois. Ils avaient tout fait pour préserver ce monde et ses habitants. Pour sauver la moindre âme miséreuse. Mais... Ils n'avaient rien pu faire. Rien contre le massacre de l'ancienne cité éternelle. Dans son profond traumatisme, la prêtresse s'était convaincue qu'il s'agissait là d'un signe de renouveau. D'une nouvelle voie à suivre. Mais ses pensées ne parvenaient pas à se focaliser sur autre chose que sa soif de vengeance. Son envie de diriger les croyants dans une croisade sainte à l'encontre de tout ce qui reniait leur Volonté. De tout ce qui ne serait pas au service des Huit.

    Finalement, ils étaient arrivés aux frontières de Benedictus. L'ancienne capitale de Shoumei. L'ancien bastion de la véritable Foi. Faisant glisser ses yeux du sol jusqu'aux maisons en ruines et en piteux états, l'azur de l'ancienne prêtresse se vit agrémenté d'une eau salée et trouble qui commença à glisser longuement le long de ses joues abimées. Combien d'années. Combien de temps avait-elle passé à parcourir les rues autrefois emplies de monde ? Aujourd'hui vidées de tout ce qui ressemblait à une vie "normale". Les toits aux tuiles lumineuses s'étaient vus rongés par la pourriture du temps et de l'abandon. Et tout autour d'eux semblait flotter une aura étrange, captivante, envoutante. Valmyria pleurait, oui. Mais pas car elle était attristée du sort de l'ancienne capitale. Non. Elle pleurait de joie. Un léger sourire glissa sur ses lèvres noircies lorsque le bouquetin de Puantrus vint lui adresser la parole, visiblement aussi enchanté qu'elle.

    - Oui Sublime, leur oeuvre est aussi merveilleuse qu'elle n'est significative. Tous connaîtront un sort néfaste s'ils refusent de servir nos Dieux.

    Regardant ensuite l'hybride sautiller vers le reste des maisons endommagées, la prêtresse déchue ne put retenir un nouveau sourire tandis que ses larmes coulaient encore. Son cœur était aussi brisé que ses pensées et, pourtant, elle semblait complète ainsi entourée des autres fidèles et foulant à nouveau le sol consacré de la ville bénie. A ses côtés, Lodvik prit ensuite la parole, attirant son attention vers l'Arbre-Monde. Aussi majestueux que corrompu, ce dernier semblait se nourrir de toute l'énergie sombre qui glissait en lui comme de la sève consciente.

    - C'est merveilleux Lodvik. Jamais je n'aurais espéré pouvoir assister à un nouveau départ pour les véritables croyants. Jamais je n'aurais crut possible de m'élancer dans cette nouvelle quête avec toi. Elle sécha les larmes qui coulaient sur ses joues. Nous serons les porteurs de ce courroux. De la volonté de nos seigneurs. Oui, nous serons les prophètes de cette sanctification.

    Elle le fixa quelques instants, se perdant dans les reflets de son armure. Le paladin était son phare, un symbole à suivre dans l'adversité et les nombreuses épreuves qu'ils vivaient. Et elle se fit alors la promesse solennelle de l'assister jusqu'à sa fin dans leur œuvre commune. Une purge violente du monde. Il firent ensuite face à la Haute-Cathédrale, illuminant encore plus l'air fou présent sur le visage de l'elfe. Même dans sa déchéance, le bâtiment conservait toute sa gloire et sa beauté gothique. Une flèche splendide, suspendue au dessus de la capitale pour rappeler à tous la force de la Foi véritable. Captivée, l'ancienne prêtresse ne retourna à la réalité que lorsque le paladin à ses côtés prit la parole, galvanisant encore plus le feu intérieur de Valmyria. Elle était ravie, malgré tout le traumatisme qu'elle avait subit, de pouvoir pénétrer à l'intérieur d'un bâtiment aussi sacré. Elle qui n'avait jusqu'à lors visité que temples, chapelles et petites églises.

    Une fois à l'intérieur, l'azur du regard de la blonde glissa sur tout le mobilier poussiéreux et toutes les pierres noircies. Les vitraux endommagés, les scènes apocalyptiques retranscrites et qui faisaient, au final, pâle figure par rapport à la réalité des choses. Malazach, le saint, prit ensuite la parole pour témoigner de sa sagacité et de ce que fut autrefois le bâtiment. Il ordonna ensuite aux croyants de se mettre à l'aise. D'investir les lieux comme un nouveau refuge qui abriterait leur foi et leurs futures missions divines. Résolue à assister les siens, la prêtresse déchue écouta Lodvik qui lui déclara sa prochaine destination. Joignant les mains devant elle et affichant une mine sérieuse, elle hocha la tête.

    - Je te suis, il est primordial d'être certains qu'aucun perturbateur ne viendra gâcher ce moment sacré.

    Suivant donc le paladin jusqu'à l'étage, les yeux de Valmyria passèrent sur tous les reliefs, débris et autres signes de vétusté du bâtiment. Ils auraient fort à faire pour redonner à la sombre cathédrale un intérieur digne de ce nom. Cependant, l'elfe était confiante. Car les Dieux les guidaient. Et avec eux, rien ne pouvait mal tourner. Quand l'humain décida ensuite d'ouvrir une des portes, une forte odeur vint saisir la prêtresse qui grimaça. Ce n'était pas tant l'odeur de la mort qui la dérangeait - après tout ils côtoyaient Sublime - mais plutôt le fait que quelque chose dans ce lieu saint avait été violé. La mort faisait partie du panthéon mais... Lorsqu'ils découvrirent le corps, et comprirent qu'il ne s'agissait pas d'une fin naturelle, la prêtresse sentit de nouveau une haine profonde gagner son cœur. Peu importait ce qui avait causé cela, elle le purifierait avec son compagnon. Sur les indications de ce dernier, la blonde laissa une partie de son mana glisser dans son corps jusqu'à ses doigts. Peu importait sur quoi ils tomberaient, elle serait prête à réagir et faire face. Puis, dans la pièce suivante, ils découvrirent enfin l'horreur à l'origine de ce mal.

    Créature abjecte au corps déformé et dont le visage n'arborait aucun œil, la bête grognait et se tenait là, ses crocs effilées n'attendant qu'une erreur pour venir saisir de nouvelles proies. Si elle eut un moment d'hésitation en imaginant tout d'abord qu'il pouvait s'agir d'un envoyé du père de la mort, la prêtresse n'entama pas les hostilités. Seulement, l'abomination laissa échapper un long hurlement avant de se tordre dans des mouvements erratiques. Adoptant une posture à quatre pattes, dont ces dernières se plaçaient dans des angles anormaux, la créature se jeta sur un mur opposé avant de gémir de nouveau pour s'élancer contre le duo de croyant. Dans un mouvement réflexe, Valmyria dressa un épais mur de lumière contre lequel l'abjecte chose s'écrasa dans un nouveau cri strident. Ses crocs raclèrent la protection lumineuse avant qu'elle ne se jette en arrière dans des mouvements toujours plus aléatoires que vifs.

    - Ce n'est pas un serviteur de nos maîtres! Qu'il meurt!

    Mettant fin à son mur irridescent, l'elfe insuffla au bout de sa main droite une sphère de lumière tandis que dans l'autre main des pieux de givres venaient tournoyer autour de ses doigts. Compte tenu du bâtiment dans lequel ils se trouvaient, l'ancienne prêtresse refusait d'user de feu qui risquerait d'endommager encore plus cette bâtisse sacrée.

    - MEURS! MEURS! MEURS!

    Projetant ses projectiles magiques vers la bête immonde, Valmyria la força à ne faire qu'esquiver. Si son but était en réalité de simplement tuer cette abomination, la fidèle des Huit servait en vérité de parfaite distraction à son compagnon d'armes. Elle épuiserait la créature, la forcerait à bouger de manière défensive ce qui offrirait, très probablement, de nombreuses opportunités à son ami. A plusieurs reprises, la bête parvint tout de même à se jeter sur eux avant de devoir reculer, chassée par les gestes du paladin vertueux accompagnant la blonde. Comme il y a des années face aux loups, les mouvements du guerrier saint impressionnaient toujours l'elfe tant ils étaient amplis d'une vindicte juste et foudroyante. Puis, après une énième esquives, Valmyria fit tournoyer autour d'elle une nouvelle salve de projectiles luminescents. Cette fois, elle rabattrait définitivement la créature dans une zone où Lodvik pourrait la combattre au corps à corps. Ils terrasseraient la bête, et redonneraient à la sainte cathédrale tout son caractère consacré.

    Puis enfin, ils pourraient assister à l'ordination, et débuter une nouvelle ère pour les véritables croyants.




    L'Aube du Chaos [Divinistes] - Page 2 7IrXhsP

    " Que les flammes de leur volonté permettent aux cendres de ce monde de faire renaître les âmes impures. "
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  • Jeu 6 Juin - 23:06
    Les cheveux de Phèdre étaient emmêlés et cela malgré la tresse bien serrée qu’elle n’avait eu de cesse de refaire jour après jour. Son visage était sale, couvert d’une couche de crasse que même l’eau des rivières qu’elle croisait n'était plus en mesure de nettoyer et qui donnait à ses yeux bleus un éclat presque irréel. Ils dardaient d’ailleurs toute leur colère sur la silhouette de Célestia qui s’étendait au loin, aux pieds de la colline qu’elle avait escaladée non sans peine. De la sueur était en train de créer des sillons de peau clair le long de ses tempe jusque dans son cou entouré d’un épais tissus noir qui claquait dans le vent au même rythme que ses cheveux.

    “Elle n’est plus ici.” Son instinct lui soufflait, son être le sentait, quelque chose le lui murmurait. Trop tard, elle était arrivée trop tard. La colère se mit à ruer dans sa poitrine, à lui retourner l’estomac et machinalement, la demi-fae montra les dents. A qui ? A quoi ? Elle-même ne le savait. La seule chose dont elle était certaine c'était que sa soeur s’y était trouvé et que pour une quelconque raison elle n’y était plus. Mais Phèdre ne savait pas où chercher ni quelle direction prendre. D’un mouvement léger, elle tourna le dos à la cité qui n’avait maintenant plus d’intérêt sans sa Siame. Elle rebroussa chemin sans même se rappeler que c’était ici que la période la plus heureuse de son existence s’était déroulée. Ses souvenirs étaient encore épars et fragiles, elle ne se souvenait des choses que par vagues, par sensation ou lors de ses rêves qui avaient d’ailleurs la fâcheuse tendance à la tenir éveillée ces derniers temps. Ce qui n’était d’ailleurs pas un mal lorsqu’on était une femme voyageant seule.

    Phèdre prit la route de Benedictus le matin qui suivit. Elle n’avait nul part où aller. Elle y avait veillée au cas où Eris reprendrait le dessus comme cette fois en République lorsqu’elle avait ouvert la lettre de Zephyr et que son existence avait soudainement été réduite à peau de chagrin au profit de son Autre, bienveillante et dégoulinante d’empathie. Par les huit qu’elle aurait voulu lui tordre l’échine et la faire disparaître pour reprendre les rênes de cette âme qui était, après tout, la sienne. Mais les choses n’étaient jamais aussi simple qu’on le voulait et malgré toute sa volonté elle pouvait encore sentir la conscience d’Eris flirter dangereusement avec la sienne. Mais perdue ainsi, loin de chez elle et sans repères, elle ne semblait pas encline à refaire surface. A moins qu’elle ne craigne Siame plus qu’elle ne craignait Phèdre ? Après tout, Phèdre était impuissante face à elle mais ce n’était pas le cas de sa soeur. Pas complètement. Par précautions, elle avait cependant fait en sorte qu’Eris ne puisse rentrer au Reike sans conséquence ; une lettre avait été déposé à chacun de ses proches accusant les uns et les autres de son départ, évoquant chagrin, peur et colère, brouillant les pistes mais détruisant les liens qui les unissaient. Si Eris reprenait le dessus, si elle arrivait à la ramener à Ikusa même contre le gré de Phèdre sa vie ne serait rien de plus que des cendres. Un sourire satisfait incurva ses lèvres.

    Cela faisait longtemps déjà, qu’elle avait laissé derrière elle les dernières commodités,  Elle sentait la sueur, la poussière et même l’humidité. Il n’y avait  plus que ça de toute façon, sur ses vêtements, dans ses cheveux et même sous ses ongles. L’odeur était imprégnée sur ses muqueuses autant que sur le tissu. Elle avait l’impression que même la nourriture avait cet arrière goût avarié. Ses chaussures avaient déjà commencées à s’éventrer, son pantalon à s’élimer. Les tenues d’Eris n’étaient pas faites pour le voyage, elles n’étaient que richesses, bijoux, étoffes légères et d’apparats ; Phèdre les adoraient, elles avaient au moins cela en commun mais elles étaient faites pour la vie au Reike pas pour les forêts verdoyantes du Shoumeï, ni pour sa froideur humide qui lui glaçait le sang nuit après nuit.

    Ce fut au matin du dixième jour que les reliefs de Bénédictus se dressèrent dans une brume grisonnante si épaisse qu’elle donnait l’impression qu’un manteau de neige s’était déposé sur la cime des arbres durant la nuit. Hélas, la ville n’était plus que poussière et désolation. Ici tout semblait morne, sans vie, même les oiseaux ne semblaient pas avoir le coeur à chanter pourtant Phèdre sentait qu’elle était au bon endroit, comme si quelqu’un penché à son épaule lui murmurait au creux de l’oreille qu’elle était exactement là où elle aurait dû se trouver. Néanmoins, elle ne voyait rien de plus qu’un champ de ruine, un cimetière sans tombes, la déchéance du pays qui avait autrefois était le sien. En outre, elle était épuisée. Que ce soit dans cette vie ou dans la précédente, Phèdre n’avait jamais été une aventurière. Elle en était convaincue au plus profond d’elle-même. Si elle était ici, c’était uniquement grâce à la force de sa volonté et à cette prescience qui la forçait à continuer malgré ses pieds cloqués, ses hanches amaigris et son visage crasseux. La même qui l’avait obligé à perdre deux jours pour contourner Maël et qui l’avait forcé à ne pas s’attarder plus longtemps à Célestia car rien ne l’y attendait. Ce fut d’ailleurs, encore elle qui la poussa à dévaler la pente douce qui menait aux faubourgs délabrés de la cité.

    La cathédrale était gigantesque, ses vitraux aux reflets rougeoyants lui donnaient l’impression d’assister à un lever de soleil particulièrement sanglant. Ses arcs-boutants, hauts comme des titans, étaient jonchés de pinacles acérés qui paraissaient vouloir cribler le ciel de leurs pointes. Un rire lui échappa alors qu’elle se dévissait le cou pour admirer la rosace et au-dessus d’elle le clocher qui n’avait probablement plus fait entendre aucun son depuis des années.

    “C’est ici…” Songea-t-elle en observant le battant de la porte en bois qui baillait, preuve que quelqu’un était entré. Interdite, elle resta immobile de longues secondes, les yeux rivés sur les entrailles obscures du bâtiment qui semblaient sur le point de se pencher pour la regarder. Ses doigts serrèrent doucement la hanse de sa besace, elle déglutit péniblement puis entra en faisant grincer sur ses gonds la porte qui annonça ainsi son arrivée. Le silence à l’intérieur était plus lourd encore qu’une chape de plomb. C’était comme si elle avait interrompu quelque chose, même la cathédrale semblait retenir son souffle. Ses yeux papillonnèrent pour s’acclimater à l’obscurité des lieux et lorsqu’elle pu enfin discerner ce qui l’entourait, elle ne vit qu’une chose.  

    - Tu me dois une nouvelle paire de bottes…  Murmura Phèdre alors qu’un sourire s’épanouissait sur son visage. - Je suis rentrée, Siame.
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  • Dim 9 Juin - 22:18
    L'Aube du Chaos [Divinistes] - Page 2 6dXOeva

    - La ville entière n’est plus qu’un jardin de roses noires.

    C’était là la seule observation, le seul commentaire que s’était permis Launegisiles à l’encontre de Malazach alors qu’ils avaient franchis les portes éventrées de la ville-tombeau où les squelettes pétrifiés par le temps reposant des les rues se comptaient par milliers.

    Aussi brutal qu’avais pu être le sac de Celestia, Benedictus avait été victime d’un sort unique dans l’histoire de la Création. Ravagée par deux fois, d’abord par les titans venus apporter « l’Ultime Présent » de l’Un parmi les Sept puis par le feu du dragon et des déicides. Une ville-tombeau, où reposait le Forgeron Kazgoth qui fut le premier des dieux à goûter le présent de X’o-rath. Son regard gris se perdit un instant à contempler la beauté du Saint-Père, admirant sa ruse et son intellect. Oui, en prenant Benedictus il s’assurait non seulement la loyauté et le zèle des serviteurs des Sept tout en réaffirmant la supériorité de l’Un.

    Sans parler de toutes les merveilles dont il serait capable en dévorant la magie morte des os de Kazgoth. Mais cette observation resta muette, cette pensée de désunion ne serait que murmurée au creux d’un confessionnal et le péché de son ambition expié par la morsure du phantacier.

    Le chemin des pèlerins les menait sans faille jusqu’à la Grande Cathédrale. Il s’était arrêté un instant sur les marches, sa main reposée sur le joyaux noir et froid incrustée dans le pommeau de sa flamberge démesurée. L’édifice de pierre blanche épargné des ravages du temps trônait sur les hauteurs de la ville. Un honorable mémorial à la gloire du Grand Prêtre Satoshi, qui avait fondé cette ville vaticane des millénaires auparavant.

    Hélas, le paladin a l’âme morcelée, bien plus habituée à côtoyer les morts que les vivants, n’éprouva pas grand-chose face à la beauté du pèlerinage qu’ils avaient entamé tous ensemble. Ses yeux morts ne trouvant de réconfort qu’en se détournant de la foi écrasante de ses congénères pour se tourner vers la ville qui s’étendait au pieds du promontoire divin qui allait devenir leurs nouvelles maisons. Les racines de la mort s’étaient profondément ancrées dans la ville-tombeau, les archives du Fort de l’Ordre de la Rose Noire de Celestia la Ravagée contaient l’existence de nécropoles labyrinthiques dans les entrailles de la ville, où reposaient les créations les plus méritantes et les plus pieuses de leurs dieux. Des kilomètres, peut-être même des dizaines de kilomètres de galeries à travers lesquelles ses ancêtres et leurs ancêtres avant eux avaient monté la garde.

    Henryk était à ses côtés, tout comme Ignaces. Eux n’avaient pas prêté les mêmes serments que lui, n’avaient pas scarifié leurs âmes comme lui l’avais fait pour expier le péché de sa vie. Aussi, leurs émotions étaient plus fortes, plus primales, plus sincères et plus indisciplinées. Le premier hoqueta, s’autorisant un sanglot en contemplant ce temple à ciel ouvert qu’était devenu Benedictus, Ignace lui, plus polythéiste que le paladin à l’armure rouge, s’autorisa à tomber à genoux et à joindre ses mains pour prier.

    Launegisiles, lui, s’avança dans la cathédrale pour rejoindre Malazach. Passant entre les rangées de bancs interminables, sur lesquels reposaient les ultimes martyrs de la ville sainte. Le bruit de ses pas et le cliquètement de son armure résonnant dans la pièce quand le silence retombait entre deux murmures et quelques paroles échangées par ses camarades.

    Il restait silencieux, buvant les paroles de Malazach qui les guidait à la vénération, puis à la préparation. Jusqu’à ce qu’il ne lui demande de lui parler en privé.

    - Quiconque tentera d’en franchir le seuil recevra l’ultime présent, mon Père.

    S’était-il contenté de répondre à l’injonction soucieuse de son guide, personne ne franchirait les portes des quartiers réservés au Grand-Prêtre, qui revenaient de droit au Saint-Père.

    - Ainsi l’avez-vous ordonné, ainsi ce sera fait.

    Aussi, il grimpa les escaliers à la suite de Valmyria et de Lodvik qui prirent le chemin vers une autre aile de la cathédrale, laissant le paladin écarlate seul dans ces couloirs millénaires. Levant les yeux vers une torche abandonnée là contre le mur, Launegisiles saisit le briquet à amadou à sa taille, frappa le silex contre l’amorce qu’il plaqua contre le tissu pour l’allumer. Se saisissant de la source de lumière improvisée, il continua son chemin.

    Le bruit lointain du combat de Valmyria et ses hurlements rageurs lui parvinrent sans pour autant qu’il ne s’arrête ou n’opère un demi-tour. Elle et Lodvik n’auraient pas survécu si longtemps s’ils étaient des incapables, alors, à quoi bon s’inquiéter de ce qu’ils affrontaient ?  

    Lui se contentait de sécuriser les quartiers résidentiels de l’édifice, passant de chambre abandonnée en piaule désolée. Autels et effigies à la poussière et l’abandon, il ne trouvait aucune trace de vie. Comme si les créatures rôdant et souillant la ville-tombeau évitaient soigneusement de se rendre ici. Comme si quelque chose les tenait à distance… Cet endroit était calme, comme un tombeau et enfin, Laungesiles s’autorisa un soupir de soulagement, il était enfin rentré au bercail. La plupart des couches étaient occupés par les corps de ceux qui avaient eu le luxe de partir paisiblement, des corps desséchés et des os poussiéreux reposaient sous des édredons dont les plumes avaient été emportées par le passage inexorable du temps.

    Seule la porte des quartiers du Grand Prêtre étaient encore immaculées, irradiant d’une magie puissante qui faisait se dresser les poils sur sa nuque simplement en se tenant face à elle. La porte était une œuvre d’art à elle seule, faite d’or, de bois et d’argent. Immaculée comme au jour de la chute. Qui sait les merveilles qui se cachaient derrière elle ? Malazach, surement.

    Quelque chose tomba, dans une pièce plus loin. Attirant l’attention du paladin de X’o-rath qui traversa les longs couloirs pour arriver dans une pièce qui, d’apparence, ressemblait aux quartiers d’un érudit.

    Un autre bruit, il n’était pas seul.

    - Montre-toi.

    Qu’il lança, la main libre venant se poser sur le pommeau de l’étoile de X’o-rath, glissant sur la fusée pour s’en saisir, prêt à dégainer.


    L'Aube du Chaos [Divinistes] - Page 2 Launegisiles-signa
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  • Jeu 20 Juin - 21:59


    Siame s’était bien vite retrouvée seule au centre de la Haute Cathédrale, tandis que chacun vaquait à ses occupations. Malazach éclipsé avec son serviteur, Lodvik et Valmyria parti s’assurer de la sûreté des couloirs, et Sublime… certainement occupé à faire ce que les créatures dans son genre pouvaient bien faire : lécher les moucherons écrasés sur les vitres ou se curer le nez. C’était parfait, cela lui laisserait le temps de préparer le nécessaire pour l’ordination… Et de reprendre elle-même ses marques ici. Si elle avait plus souvent habité Célestia que Benedictus, à l’ère des Titans, le lieu ne lui était pas inconnu : elle avait vu un certain nombre de Grand-Prêtres se succéder, les étapes de l’Histoire s’écrire, avait assisté à l’unification du Divin et des Ombres. La chose lui avait toujours semblé naturelle : après tout, les Anges avaient été créés pour parler toutes les langues des Hommes. Derrière elle, elle entend les portes de la cathédrale se refermer dans un claquement sinistre. Elle s’enfonce dans un mutisme contemplatif. Le lieu a été abandonné et pourtant, il semblerait que tout a été laissé tel quel, comme si les prêtres, les nonnes, les fidèles s’étaient simplement dématérialisés à l’arrivée de la guerre. À l’arrivée de la Corruption qui sévissait sur les terres du Shoumei. La poussière qui scintillait à l’intérieur du lieu n’avait rien d’habituel. Pas plus que les rayons de lumière qui tentaient de percer à travers les vitraux colorés comme s’ils avaient été des nuages trop gris, trop épais. Un dernier coup d'œil lancé à la porte, et l’Ange pivota les talons, traversa la nef jusqu’au chœur et s'arrêta devant l’autel. Elle pose autour d’elle des yeux sombres et réfléchis. Devant elle, les représentations des Titans se multiplient : statues, fresques millénaires les dépeignant dans toute leur gloire destructrice. On y lisait les récits des déités divines, les horreurs indescriptibles qu’ils avaient commises et leurs secrets intimes, enfouis dans les images : alliances fragiles, trahisons sanglantes, rivalités immuables. Comprendre la véritable nature des Titans pour l’Homme était une quête complexe, mais il avait fallu être aveugle pour ne pas le voir—pour ne pas deviner que leur volonté avait toujours été à la perspective de ruine et de carnage : aussi beaux, fiers soient leur visage, ils invitaient au chaos. Il fallait détruire, car toute création sincère venait de l’acte de destruction. Il fallait le faire bien, il fallait le faire mal, mais il fallait surtout le faire. Sur les murs noircis de la Cathédrale étaient gravés des runes anciennes, traçant des prières et incantations presque oubliées. Siame laisse le bout de ses doigts courir sur le marbre sombre de l’autel, là où elle avait vu autrefois haut-prêtres et cardinaux psalmodier la prière, appelant les faveurs des Titans. Blanches avaient été leurs robes : supposées représenter la pureté et la lumière aveuglante de la vérité. Celle absolue, ultime de leurs Maîtres… Une délicieuse ironie, une affreuse hypocrisie qui n’avait servi qu’à mieux pousser les fidèles vers le doute et les questionnements – pire ennemi de la foi – lorsque les Titans s’étaient à nouveau montrés. Devant elle, sculpté dans le parterre de marbre se trouve un immense bassin, ses bords finement ciselés, d’une précision minutieuse. Le fond du bénitier est tapissé d’une couche d’or terni, que l’on perçoit à peine à travers l’eau croupie : d’abord sacrée, puis viciée par la Corruption. Car, après tout : il n’y avait que le sacré qui méritait d’être profané.

    Siame s'accroupit au bord des marches, et plonge lentement ses mains dans le puits sombre. Une chaleur s’empare de ses doigts et une odeur sauvage, lourde, enivrante – mêlée à la senteur lointaine du sang versé lors des rituels sacrés – l’enveloppe aussitôt. Cette magie sombre, qui semble appartenir à l’Arbre Monde fait pulser tous les éléments dans une drôle d’harmonie, à la suggestion des battements d’un cœur malade. Elle sent la peau de ses mains déjà meurtrie par le passé se mettre à brûler de plus belle, presque doucement, tandis que ce qui se trouve dans cette eau cherche à s’emparer de sa vitalité ; à corrompre ce qu’il reste à corrompre. Mais Siame s’en est toujours fichu—comme si elle n’avait été envoyée par sa maîtresse sur le Sekaï que dans cette unique perspective. Comme si le cœur du Monde réclamait les Âmes qui s'entêtaient à persister… Il lui faudrait du temps pour tout préparer, mais tout le nécessaire à l’ordination se trouvait en ces lieux. Elle s'asperge le front de l’eau corrompue et quelque chose se cloue à l’intérieur de son corps.

    C’est au même instant que les portes de la Haute Cathédrale s’ouvrent, et l’Ange se demande quel fou est venu jusqu’ici… La voix de sa sœur lui parvient, comme une flèche en plein cœur. Elle n’avait cessé de se demander quand est-ce que Phèdre la rejoindrait enfin : elle qui, pourtant, a toujours su se montrer patiente. Elle se relève et soudain, le Monde se recoud. La voilà, les yeux humides, affamée, épuisée, au beau milieu de la nef, avec ce sourire, mélange d’espièglerie et d’imprudence, qui lui ressemble tant. Phèdre n’est plus tout à fait celle qu’elle a été autrefois : sa chevelure se partage entre le même blanc lumineux que sa sœur, et un noir terne, tragiquement mortel.

    Pendant quelques instants, la Cathédrale est plongée dans un silence sinistre, fragile, hypnotisé. Son immobilité vole en éclats quand sa sœur se jette dans ses bras et quelque chose renaît en elle. C’est toujours “quelque chose”, car Siame abhorre l’idée même de poser des mots sur ses émotions. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle à envie d’étouffer sa sœur entre ses bras, de l’y enfermer et de ne plus jamais la laisser. Une vague de chaleur bouillonne en elle quand elle murmure ce nom – “Phèdre” – qui n’a plus été son nom depuis si longtemps. “Je ne suis pas Phèdre, je suis Eris”—son cœur s’était mis à pleurer, à hurler comme un chien fou. Sa sœur, sa sœur, sa sœur. “Tu te souviendras, un jour, bientôt, et quand tu te seras retrouvée, tu me rejoindras.” lui avait-elle murmuré, lorsqu’elles s’étaient revues, quelques mois plus tôt—entre le désert et ici, entre le néant et l’oubli. “Je suis rentrée, Siame”—et d’un coup, Siame redécouvre le Sekaï pour la première fois, la main de sa sœur dans la sienne. Elle se met à rire à la remarque impertinente de sa jumelle qui n’a jamais su se montrer sérieuse, ignore le regard stupéfait des Cieux devant une telle effronterie, dans un tel contexte. Un rire étranglé échappe ses lèvres et une catastrophe est probablement en train de se produire quelque part dans le Monde pour ré-équilibrer cosmiquement l’impétuosité de Phèdre. Ses bras se referment sur les épaules de sa sœur et elle entend son cœur battre contre le sien, s’accorder sur le même rythme. Elle chasse grossièrement – incapable de trouver la patience de le faire soigneusement – les mèches sales de son front et y colle ses lèvres. L’émotion l’emporte comme un torrent.

    Je savais que tu reviendrais, chuchote-t-elle, d’une voix aussi rauque que grêle. Le sermon ne tarde pas. Qu’est-ce qui t’a pris autant de temps, guenon fainéante… Sa voix se met à trembler et elle ferme les paupières et Siame ravale la promesse salée des larmes. Ou peut-être pas… L’une d’elle roule sur sa joue, quand elle murmure contre sa peau, comme une prière, comme un supplice—deux fois, trois fois, vingt fois, pour toutes les fois où elle ne lui a pas dit, pour toutes les fois où elle aurait voulu lui dire : Je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime… Je t’aime, je t’aime, je t’aime.

    Elles avaient tant à se dire, maintenant que Phèdre avait enfin retrouvée celle qu’elle était. Siame se détache légèrement d’elle et plante ses yeux – si gris – dans ceux – si bleus – de sa sœur, colle son front au sien. Des mèches noires viennent la chatouiller pour lui rappeler qu'Ange, elle ne l’est plus. Que la mort l’a un jour emportée et elle ne peut s’empêcher de s’en vouloir à en crever. Si seulement elle avait été là…

    Tu arrives au parfait moment… Elle lui raconte Célestia, la rencontre avec les fidèles de cette toute nouvelle Volonté, cette toute nouvelle impulsion, ce nouveau morceau d’histoire. Ta place est ici Phèdre, avec nous. Auprès de moi.

    Elle n’évoque pas Aurya. Phèdre peut-elle toujours éprouver le lien qui la lie à la titanide ? Ressent-elle la même hargne que sa sœur pour cette mère qui les a abandonnées ? Siame n’oublie pas ce qu’elle a à faire. Bientôt, elle prendrait du temps pour retrouver sa sœur, discuter avec elle, lui remémorer tous les souvenirs qu’elle a oubliés… tairait certains autres, à commencer par celui de sa trahison. Elle chasse sa honte immense pour ne pas s’effondrer contre le marbre, pour ne pas implorer le Monde et sa sœur : “pardonne-moi, pardonne-moi, je t’en supplie pardonne-moi” ; “je voulais seulement te protéger”, et ça aurait été un mensonge… Non, elle devait, à tout prix, pour toujours, garder le secret. Et elle passerait le reste de l’éternité à regretter de ne pas avoir su mieux aimer. Maintenant qu’elle l’a retrouvé, il est hors de question qu’elle la perde à nouveau. Maintenant qu’elle l’a retrouvé, elle comprend mieux le manque terrible que l’absence de Phèdre a laissé en son cœur. Jamais plus elle ne la quitterait.

    Tu devrais aller te changer, te préparer pour l’Ordination, pendant que je termine la consécration du lieu. La cérémonie aura lieu ce soir. Choisis notre chambre. Celle que tu veux : sois seulement prudente, les lieux sont infestés de vermines. Avant qu’elle ne la quitte, Siame l'interpelle : Phèdre. Sur ses lèvres, son sourire se fait à la fois tendre et hardi. Malazach est là aussi.

    Elle sent son cœur se gonfler dans sa poitrine, et se mord l’intérieur de la joue pour lui ordonner de retourner dans sa tanière. Comme si tout ça était trop beau pour être vrai. Comme si elle s’interdisait de s’en réjouir véritablement. Siame se sentait très conne, trop conne. Qu’espérait-elle ? Qu’ils vivent une longue et heureuse vie tous ensemble ? Tout ça n’avait rien de ce genre d’histoire. Ce n’était pas un conte pour enfant, ce n’était pas un “il était une fois”, ce n’était pas à la perspective d’une fin proprette et joyeuse. L’Ange a trop souvent espéré lors de ses jeunes années, à entendu trop de présages, trop de mythes et de légendes idiotes, à goûté à trop de promesses similaires au fil des âges pour y croire encore. Elle balaye ses pensées noires, retourne à sa tâche : à ce pourquoi elle est là dans ce Monde sombre.


    La Cathédrale est plongée dans le noir, et le chœur est seulement illuminé par les cierges allumés. Du charbon déposé dans des brûles-parfums embaume le lieu. Siame a revêtu une robe pourpre à l’image du sang qui a coulé, du sang de lequel l’ordre renaît. Une ode au sacrifice qu’ils s’apprêtaient tous à faire—un renouveau pour chasser toutes les anciennes croyances mortelles aussi hypocrites que superficielles. Sur l’Autel repose deux vêtements : une cape d’ébène pour le Prêtre de Lumière, une robe comme la sienne pour sa jumelle, qui rejoindrait aussi les rangs. Elle fait craquer une allumette et enflamme l’encensoir qu’elle tient en main. Siame fait le tour du bénitier – dans lequel viendront se bientôt se faire bénir les futurs Enfants de la Volonté – trois fois, dans le sens direct et récite quelques mots. Dans sa bouche, les langues se mélangent, perdues entre christianisme et paganisme : elles purifient et maudissent à la fois, glorifient les Divins dans leur intégralité. Sur l’Autel repose l’eau lustrale dans une grande coupe de cristal, exorcisée par des sels, du charbons et de l’encens. Elle y plonge les doigts—asperge les points cardinaux huit fois : pour Lothab, pour feu Kazgoth, pour X'o-rath, pour Aurya, pour Zeï, pour Puantrus, pour Exia, pour Kaiyo.

    Elle entend les pas des premiers arrivés résonner sur le marbre de la nef.

    Tout est prêt, annonce-t-elle, quand la lune, ronde dans le ciel, apparaît à travers les vitraux pour venir illuminer le bassin. Sa voix est peut-être un peu plus chaleureuse qu'auparavant. Juste un peu...


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  • Lun 19 Aoû - 18:48


    Tandis que les plus lumineux des fidèles se rassemblent, combattent férocement ou jouissent d'affectueuses retrouvailles, l'ombre de la déchéance s'enfonce quant à elle dans les galeries souterraines où elle seule peut trouver une place. De tentacules racines verrouillent son passage mais le paladin de Puantrus, dans son infinie ferveur accordée à la pourriture, ne s'offusque pas de se retrouver face à un si mince obstacle. Un sourire dément aux lèvres, l'hybride porte ses griffes velues jusqu'à l'enchevêtrement grisâtre et lorsqu'il y appose sa paume, le puissant battement qu'il ressent à l'intérieur de la structure échaude son âme.

    "Père, jamais votre influence ne m'a semblé si grande..."

    En proie à un inexplicable émoi, Sublime baisse la tête en signe de respect puis vient enserrer l'une des lianes nées de la plus pure corruption; ce avant de marmonner d'une voix grasse les formules ancienne que lui ont enseigné ses mentors. Psalmodiant ce chant impie avec la promptitude dont il est si naturellement doté, le croyant perçoit la profondeur du contact établi avec le divin et lorsque les sourdes vibrations perceptibles à l'intérieur même des racines se calquent parfaitement sur les battements de son propre cœur, il comprend que ce formidable pèlerinage n'est pas que symbolique et qu'il se trouve très précisément là où les Dieux veulent qu'il soit.

    Son rictus s'élargit encore alors que les excroissances malfaisantes se tordent. Il n'en est pas le maître, loin de là; il devient l'une d'entre elles. Comme un monticule d'algues agitées par les courants, les tendons tentaculaires s'écartent pour former un passage et embrassent chaleureusement le monstrueux paladin pour l'inviter à pénétrer le domaine de la plus grande perdition. Les paupières mi-closes, Sublime ne cesse de marmonner ses prières alors que les doigts de Puantrus le poussent, l'agitant comme un pantin pour finalement le déposer à l'intérieur.

    La première chose que perçoit le rejeton du Mal est l'écrasante chaleur qui enveloppe ce lieu. Ses yeux verdâtres s'habituent difficilement à l'obscurité du cloaque et quand il prend une profonde inspiration pour s'imprégner de l'abjecte puanteur de cette mystérieuse caverne, il est gratifié par une fragrance si immonde qu'elle semble issue d'un tout autre monde. Né dans la fange et pourri jusqu'à la moelle, Sublime lui-même n'a pas la capacité de retenir un hoquet face à cette horreur olfactive que lui impose son Père en guise de défi.

    Ses sabots tremblotent, la sueur s'écoulent de son corps hirsute et ses poumons le brûlent comme si mille fièvres l'avaient frappé. Il éructe, toussote et sent ses entrailles se démener suite à une poignante nausée qu'il ne peut réprimer qu'en vain. Le chevalier s'abandonne au cauchemar, croulant sous le poids des maux au point de tomber à genoux, prostré dans une indigne posture. Il pousse contre son gré un profond bêlement, bien vite mué en un gargouillement aux sinistres échos et enfin, il éructe et vomit une boue si noire qu'on l'eut dite capable d'engloutir la lumière du soleil.

    La flaque s'agrandit, s'écoulant en un flot ininterrompu et si anormalement puissant qu'on en viendrait à se demander comment un seul corps peut habiter tant d'immondices. Le liquide croit en taille et dans son expansion, il finit par lécher les pieds de mystérieux champignons qui, en dépit de toute vraisemblance, s'illuminent comme par magie lorsqu'ils sont nourris par cette béquée contre-nature que leur fournit le paladin. Des croassements se font entendre, des explosions intestines se mêlent à d'atroces flatulences et peu à peu, le caveau reprend vie. Les plantes corrompues s'illuminent, des marécages d'urine, de sang et d'étrons redeviennent les cascades qu'ils furent jadis.

    A bout de souffle, Sublime reprend conscience de sa situation en expulsant de son corps la dernière goutte de cette divine infection et si sa gorge lui fait souffrir le martyr, il n'en devient que plus fier et heureux. Comblé, c'est avec les larmes aux yeux qu'il redresse doucement la tête pour se faire témoin du bacchanale pourrissant dont il constitue l'épicentre et l'origine. Exalté, il se met à genoux pour observer la grandeur de l'œuvre de Puantrus et c'est à cet instant qu'un colossal insecte vient vrombir droit dans ses oreilles, se posant paisiblement sur son épaule comme pour le saluer.

    "De la pourriture renaît la foi véritable..."

    La curieuse bête volante, ornée de l'abdomen jusqu'au sommet de la carapace de motifs mystiques, porte sur son dos d'étranges courbures semblables à un visage humain. Ses gros yeux luisants se rivent sur ceux du héraut de la Peste qui, innocemment, la laisse procéder. D'autres bourdonnements se joignent au festival de bruissements sinistres et Sublime, en proie à la plus grande euphorie, ouvre ses bras pour accueillir la foule de minuscules vampires qui l'assaillent amoureusement.

    "Repaissez vous de ma chair, mes frères ! Je serai votre banquet, hurlons ensemble la gloire du Monstre !"

    La voracité des diaboliques moustiques atteint de nouveaux sommets, donnant l'impression qu'ils répondent sciemment à la voix du chevalier maudit. Il est bien vite englouti par les créatures qui enfoncent leurs trompes dans son cuir épais afin d'en extraire la vitale essence. Alors qu'il est dévoré de l'intérieur par les petits de son maître, Sublime jubile. Il se sent aimé, plus qu'il ne l'a jamais été.

    _

    A Phèdre, il n'accorde qu'un bestial reniflement.

    "La cérémonie est-elle prête ?"

    Recouvert des stigmates résultant de sa fantastique excursion, le Paladin est affaibli mais contenté au point de ressentir un profond apaisement. Cette ville faite Capitale de la volonté des Titans constitue un bastion si parfait. Vouté, Sublime accorde un regard plein d'admiration aux hauts plafonds de ce nouveau lieu de culte et prend place parmi les siens, s'installant aux premières loges pour se faire témoin de l'ascension de Malazach et de Siame.

    Qu'il est grisant de devenir soi-même un morceau d'Histoire.
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  • Ven 30 Aoû - 18:52
    Les ténèbres de la plus sacrée des cryptes avaient été souillées par un millier de charognards et de pillards. Certains de leurs cadavres étaient venus s'ajouter aux piles d’ossements lorsqu'une des choses qui avaient élu domicile ici s'était défendue. Crocs et lames avaient été croisées dans le domaine de son père pour défendre la vie de leurs possesseurs.
    Un blasphème de plus, que les dieux avaient permis en déclenchant le cataclysme à l'origine de la chute de Bénédictus, puisque jamais avant cela les gardiens des lieux n'auraient permis de tels sacrilèges.
    Peu importait, cependant. Ses troupes allaient corriger cela. Elles avaient déjà commencé, en nettoyant le grand hall à coups d'espadons et d’épées droites, sans prendre la peine de se protéger -comme le voulait la coutume- uniquement pour prélever la vie. Les charognards qui n’étaient pas tombés sous leurs assauts s’étaient enfuis en gémissant et pleurant dans les profondeurs, dans les abysses, là où aucune torche ne pouvaient espérer apporter la moindre lumière. Pressé par le temps, Malazach n’avait pas poussé d’avantage leur avancée. Seule comptait -pour l’heure- leur sécurité. La restauration des catacombes viendrait plus tard. Alors, en enjambant les corps exsangues des animaux et des goules primitives qui n’avaient pas su trouver en eux assez de jugeote pour fuir ses servants, l’Ange Noir avait insufflé un peu de sa magie dans les larges doubles portes menant aux tréfonds de la crypte. Les corps incrustés dans leur sein, fondus dans l'acier consacré et le bois béni, avaient répondu à cet appel dans un concert de gémissements avant de remplir -une fois encore- leur office. L'accès aux profondeurs s'étaient clos, lentement, sous les regards inexpressifs des membres de la garde noire. Et puis le regard de Malazach s'était dirigé vers le passage menant aux chambres d'embaumement, situé sous le jardin de la ville, pour y réitérer l'opération sur ces portes-ci.
    Dominées par la pierre tranchante de la faux tenue par une énième représentation de son père, la salle de prière cernée de dizaines de confessionnaux et de bénitiers asséchés avait été la prochaine. L'une de ses portes s’était vue partiellement cabossée, frappée à de multiples reprises par une masse portée par un dévot particulièrement opiniâtre, de l'intérieur. Sa carcasse aux os grotesquement surdéveloppées avait été broyée à la fermeture des battants, lui interdisant le droit de servir par-delà la mort pour avoir osé endommager la rathonite maculant la surface des portes mortes.
    Un à un, les dix neufs accès du souffle noir cotoyant le sous-sol de la cathédrale furent scellés -avec un empressement tout relatif- par celui-là même qui les avait -si souvent jadis- ouverts, lors d’une époque plus civilisée, où les mortels parvenaient encore à trouver en eux assez de décence pour craindre la colère divine.
    Combien d'antiques trésors reposaient ici, abandonnés à la vermine et aux pillards aux esprits trop faibles, brisés par l’influence de l’arbre-monde ? La bibliothèque interdite et ses innombrables ouvrages aux couvertures frappées du sceau de la honte. Les reliques abyssales, les ossements des premiers morts…tout reposait quelque part, dans ces lieux dévastés.
    Et Malazach doutait qu'une seule génération de mortels puisse suffire pour re-découvrir tout ce que leurs ancêtres avaient perdu, dans la cathédrale comme en-dessous de celle-ci.

    ***

    Les vivants l'appelaient.
    Il n’y avait aucune différence entre l’air extérieur et celui de la crypte. C’était -de loin- la chose la plus perturbante que Malazach avait noté en s’en extirpant. Pas une bourrasque fraîche, ni la moindre senteur agréable. Seulement un mélange de poussière, de moisissure…
    Et la corruption, partout, s’incrustant dans les bronches comme dans les esprits telle la plus révoltante des maladies. Peut-être même en était-ce une, d’ailleurs. Sublime et son Père Immonde devaient probablement déjà s’enorgueillir d’une telle interprétation.
    Se sachant entouré d’alliés, Malazach, avant de remonter, avait laissé la plupart des Gardes Noirs au sous-sol, postés devant les portes les plus délabrées. Seule une paire d’entre-eux l’accompagnèrent dans son ascension, la pointe de leurs hallebardes calcinées défiant le plafond de ténèbres de la haute cathédrale, les pas synchronisés par la non-mort qu’ils partageaient plus que par la discipline ayant marqué leurs vies. Condamnés au vide émotionnel, ils continuèrent d’avancer une fois arrivés en haut des marches, alors même que leur maître au front soudainement plissé s’était immobilisé, le temps de quelques battements de cœurs, pour contempler l’impossible.
    Puisque ses souvenirs semblaient s’êtres entendus pour venir le hanter.
    Phèdre était là. Une version bâtarde d’elle en tout cas, aussi privée d’ailes que Siame. Les deux sœurs étaient rassemblées, ce qui n’avait aucun sens.
    Et l’une d’elle -ce n’était pas difficile d’en témoigner- avait troqué son enveloppe parfaite pour se glisser dans une autre, plus passe-partout, aux cheveux sombres et au sang d’une banalité accablante.
    D’aussi loin qu’il se souvenait, Malazach s’était toujours imaginé fin stratège, capable de prévoir à l’avance les coups de ses rivaux comme ceux du destin. L’Ange Noir compensait son absence de don pour la voyance avec une capacité à l’anticipation chirurgicalement précise.
    Mais comment prévoir l’impossible? Comment deviner qu’une nouvelle vie succédait à la mort d’une même âme? Même pour un nécromant aussi vieux, le sacrilège paraissait impensable.
    La stupéfaction le retint pendant six longues secondes. Une septième s’avéra nécessaire pour que la surprise s’efface de ses traits et que la fausse sérénité venant toujours embellir ses sourires enjôleurs revienne prendre sa place. Ses yeux, une fois débarrassés de tout éclat d’urgence ou d’inquiétude, balayèrent subrepticement l’assemblée. Les retrouvailles viendraient plus tard. Phèdre -ou qu’importe ce qui se cachait dans cette presque-Phèdre - comprendrait le caractère sacré de la cérémonie.
    Les nouveaux croisés devaient être désignés. Une énième génération de chair consacrée, purifiée par la promesse de faire couler le sang des incroyants, infidèles et apostats. De quoi alimenter le feu de la Longue Guerre pour un siècle de plus, puisqu’il le fallait. C’était, hélas, une obligation bien plus importante que celle d’accueillir celle qui fut morte…oui, elle comprendrait. Et pourtant, une part trop faillible de lui se lamentait de ce fait.
    Respectueuse des coutumes malgré la destruction de leurs consciences, les dépouilles harnachées de la Garde Noire vinrent s’immobiliser face à la chaire en ruine de la cathédrale, bien que cette dernière demeurerait vide tout le long de la cérémonie.
    Puisque le haut-père se devait d’au moins être proche de ses fidèles, pour cette fois.
    Malazach n'avait plus présidé de cérémonie de ce type depuis des décennies. C'était un travail d'évèque, pas celui d'un cardinal, mais pour la renaissance de l'église, tout le monde devait consentir à quelques sacrifices.
    L'imposition des mains lui avait toujours paru déplacé, vulgaire. Comme si un titre et quelques doigts posés pouvaient à eux seuls conférer une quelconque forme de divinité. Secrètement, l'Ange Noir avait toujours envié ces naïves âmes qui se pensaient bénis par un contact éclair. Que la vie devait être simple-et courte!- pour ces pauvres ères.
    Fort heureusement, point n'était question de dévots aux genoux tremblants, en ce jour. Ceux qui se cachaient parmi les ténèbres et attendaient sa bénédiction n'avaient besoin que de confirmer par une action officielle qu'ils étaient des âmes valeureuses. Leur courage, leur dévotion…tout était déjà prouvé. Il n'y aurait pas besoin d'être hypocrite pour leur accorder un rang.

    “-En ces temps troublés, je remercie les Huit.” Commença-t-il en venant se placer face aux rayons de la lune, les ailes déployées, pour recouvrir de son ombre l'autel, empêcher les éclats d'argents impies de souiller l'eau bénie. Incapables de même s'imaginer une divinité, les barbares reikois s'étaient mis à vénérer ce qui dominait les étoiles et les nuages. Une infâme imposture censée concurrencer les seules vraies croyances de Sekaï.”Je les remercie de leur confiance, eux, qui nous ont permis de revenir ici, là où tout à commencé. Je les remercie pour nous avoir permis de nous rencontrer, tous, en nous incitant à oublier les vieilles rivalités au profit de nouvelles alliances.” Ses yeux se posèrent tour à tour sur Siame, puis Phèdre, et son sourire s'agrandit un peu plus.”Je les remercie pour avoir corrigé le chemin des croyants. Pour nous avoir désigné une nouvelle voie.
    Il s'interrompit, le temps de scruter les ténèbres à peine repoussées par les bougies et les âmes qui attendaient d'êtres élevées par ses soins. Après une profonde inspiration, le Porteur de Peine remarqua que même l'encens ne parvenait plus à chasser cette étrange crasse qui envahissait l'air, tout autour de l'arbre monde.
    “-Mais la joie que j'éprouve à me tenir parmi vous reste teintée par la tristesse d'un deuil qui demeurera longtemps -je le crains- insupportable. Pour ceux d'entre-vous qui avez côtoyé le Nouvel Ordre, vous savez que l’évèque Tsarmath présidait les Ordinations, à Célestia. Sa perte, comme celle de tous les autres membres de l'ancienne église, ne doit pas être oubliée.
    La lumière des bougies sembla soudainement se refléter sur la surface d'une unique larme, coulant le long de la joue de l'Ange Noir. Il baissa la tête le temps d'un soupir, puis repris.
    “-Tout comme elle ne doit pas nous accabler. La vie et la mort se côtoient sur le chemin des justes et des valeureux, nous le savons tous. Ils sont morts en Martyrs, pour inspirer une nouvelle génération de croyants. Alors, malgré la peine que j'éprouve…je remercie également les cieux, pour ce don, qui nous permettra sans nulle doute de garnir au plus vite nos rangs de nouvelles ouailles. Pour nos paladins, que je vais maintenant appeler, je n'ajouterai qu'une chose : Vous honorerez les dieux en vivant et en mourant par la lame. Ne refusez pas simplement de craindre le martyr, appelez-le de toutes vos forces ! Faites de votre vie un exemple pour les futurs croisés et de votre mort -si elle doit arriver- le catalyseur d'une Sainte Fureur ! Ainsi, vous ne tomberez jamais vraiment. Et par vos lames, vos fléaux et votre sang versé vous deviendrez le bras armé de la Volonté des Titans.”Alors, de la main droite, il désigna le porteur d'une armure sombre aux vœux pieux.“Approche, Lodvik.

    Il n'y eut aucun répit. Soucieux de ne point vexer une âme en privilégiant une autre en ce moment décisif, l'Ange Noir ne prit aucune pause, que ce soit pour boire ou se reposer. Il écouta patiemment, avec le même sourire bienveillant, en faisant preuve de la même humilité, chacun des vœux et engagement de ses nouveaux séides. La voix tremblante d'émotion, il présida chacune des prières, posa ses mains trop parfaites sur celles de ses si éphémères fidèles et nomma chacun d'entre-eux officiellement et devant les dieux :
    Lodvik, Prêtre des divins.
    Sublime, Héraut de la pestilence.
    Phèdre, Prêtresse d'Aurya.
    Siame, Prophétesse de la Volonté.
    Et Valmyria, Zélote des Huit.
    Launesigiles n'avait ni besoin d'être nommé, ni d'être entendu par celui qui l'avait déjà vu mourir puis vivre. Il demeura dans l'ombre, en sinistre observateur.
    L'affaire dura une nuit et un matin. Elle ne prit fin que lorsque le soleil timide des terres dévastées de Shoumeï atteignit son zénith.
    La conclusion d’une telle cérémonie était depuis toujours synonyme d’exaltation et de réjouissance pour les principaux concernés. L’esprit se voyait transporté, flatté par des heures de palabres et de rituels grandiloquents invitant à se prendre pour plus qu’un simple amas de chair périssable.
    Pour Malazach cependant, arriver au terme du sacre n’était guère plus que synonyme d’une bouche sèche et d’une lassitude accablante qu’il ne pouvait pas même partager avec ses anciennes proches dans l’heure, sous peine d’attirer regards et questionnements de la part des nouveaux croisés.
    A la place, il se retira dans les étages supérieurs…Pour enfin s’emparer de la chambre de l’ancien haut-prêtre.


    ✞✞✞ Malazach est Maudit ✞✞✞

    -Les pratiquants du Culte des Ombres et les adeptes du Divinisme le voient comme un ange resplendissant.
    -Les adeptes du Shierak et les athées, eux, le voient tel qu'il est véritablement ; une créature aussi famélique que sinistre.
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  • Ven 30 Aoû - 23:22
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    La créature fut repoussée grâce à la barrière magique de Valmyria, Lodvik avança l’épée au clair et se positionna afin d’attaquer l’immondice dès que son amie lèverait le mur. Elle redoublait d’efforts pour la distraire et permettre au guerrier des Dieux de lancer à son tour des offensives. Les mouvements de l’abomination étaient frénétiques et impossible pour Lodvik de l’approcher afin de la combattre au corps à corps. Alors qu’elle se recroquevillait derrière l’armoire en bois de la pièce pour mieux bondir, l’ancien paladin canalisa sa magie de lumière afin de brûler le meuble. Il parvint à la toucher de la pointe de l’épée, avant de la voir courir vers le plafond, ses membres décharnés et son corps se tordant dans d’absurdes positions. Elle poussa un cri d’horreur et le chevalier joua de nouveau de ses sorts afin d’invoquer plusieurs disques lumineux, qu’il fit évoluer dans ses mains et léviter dans la pièce. Il les lança de manière maîtrisée vers la créature, avant de profiter de l’aide de Valmyria pour canaliser une importante sphère de lumière et toucher l’abomination de plein fouet. Celle-ci chuta du plafond pour s’écraser lamentablement au sol, Lodvik en profita aussitôt pour attaquer au contact, l’Éternelle en main. Il toucha la créature avec force, avant que celle-ci ne reprît de la distance. L’elfe la maintenait au sol avec sa magie et rendait le combat de Lodvik plus fluide et pratique.  

    Lassé de ce jeu alors que l’ordination se préparait en dessous, le guerrier vint trancher l’abdomen de cet être impur. Les muscles cédèrent et la lame s’enfonça dans la paroi abdominale, tranchant les viscères et faisant s’écouler la sève putrescente. Le liquide poisseux éclaboussa et souilla le sol de la chambre de religieux. L’odeur pestilentielle emplit la pièce et se mêlait aux bruits des organes humides et brunâtres. Il remonta sa lame dans cette chair immonde, traçant un trait droit qui déchira et écarta les tissus. Les grognements et cris plus aigus de la créature résonnèrent alors qu’elle tentait de le griffer pour se raccrocher à cette existence maudite. En vain. Elle s’effondra enfin dans un dernier râle, l’abdomen tranché et les entrailles finissant de se déverser sur le bois usé.

    La pièce serait nettoyée après la cérémonie, le futur prêtre avait décidé d’en faire sa chambre le temps qu’il logerait dans le lieu saint. Il se retourna vers son amie dans le but de lui affirmer qu’ils pouvaient redescendre. Mais elle le coupa afin de lui faire remarquer l’aspect qu’il renvoyait. Il n’était plus tout à fait présentable pour l’ordination. Le respect des Dieux et de leur haut-cardinal exigeait d’au moins nettoyer les restes de chair souillée et les éclaboussures viciées sur son visage. Il ôta ses pièces d’armures et chose faite, ils purent rejoindre le groupe de divinistes. Chacun avait occupé son temps comme il l’entendait, du nettoyage à la préparation cérémoniale.
    Siame avait fait de son mieux pour redorer l’image sacrée de la cathédrale, l’encens emplissait l’air chargé de corruption et les cierges disposés offraient une lumière divine, propice à la piété. Il s’inclina pour la remercier, en enfilant la cape d’obsidienne qui lui était destinée, puis salua sobrement sa jumelle prête elle aussi pour l’ordination.

    Il se positionna ensuite face à l’autel, recueillant avec ferveur les paroles de l’ange. Ce dernier présidait la cérémonie, les ailes déployées symbole de sa nature céleste. La lueur de la lune perçait à travers les vitraux et offrait un tableau pur et spirituel. L’humilité gagna son cœur et il se sentit de nouveau serein et confiant malgré les épreuves. Sa croyance demeurait forte, sans failles, plus féroce et plus vindicative. Lorsqu’il fut appelé par le cardinal, il sentit sa Foi se répandre dans toute son âme. Il avança, fier et sûr vers le religieux et s’inclina devant lui.

    - « Par vos paroles pures et votre sagesse, je ne doute pas de mon choix. Votre Éminence, je m’engage à porter la divine lumière et la propager à travers toutes les nations avec ferveur. Elle sera un refuge pour les âmes égarées. La justice armera toujours mon bras pour combattre les impies qui s’opposent à la Volonté des Dieux. » Il marqua une légère pause. « Ma conviction sera implacable et mon épée vengeresse. En prédicateur fidèle, je m’engage à répandre la parole divine et convertir les ignorants. Notre vérité est sacrée et s’imposera avec force à chaque coin du monde. »

    Après l’imposition des mains de la part de Malazach, Lodvik reprit sa place et assista à chaque passage de ses frères et sœurs de culte. La cérémonie s’éternisa jusqu’au jour et le prêtre des Divins accueillit chaque prière et invitation au recueillement.

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  • Ven 30 Aoû - 23:22

    Déchainée. Enragée. Zélée. Valmyria bouillonnait de rage tandis qu'elle s'acharnait sur la créature. De ses doigts fins, une multitude de pieux givrés ainsi que des anneaux luminescents se projetaient vers la bête afin de l'éradiquer. Oh, l'ancienne prêtresse aurait sans aucun doute été bienveillante envers la créature si elle s'était avérée intelligente et au service de leurs maîtres mais... Dans les conditions actuelles, il fallait avouer qu'elle n'apparaissait aux yeux de l'elfe que comme un parfait moyen de passer ses nerfs dessus. Célestia... Le poids de la culpabilité et un esprit brisé... Trop de choses pesaient sur les frêles épaules de la blonde qui se mit à faire couler de nouvelles larmes alors qu'elle jetait une énième vague de projectiles arcaniques envers le monstre afin de permettre à Lodvik d'enfin venir la terrasser. Et quand ce dernier commença son œuvre, c'est haletante que Valmyria l'observa.

    D'un œil scrutateur, l'ancienne prêtresse errante s'étonna d'à quel point elle se délectait de ce qu'elle voyait. Dans les gestes et la magie du paladin, la fanatique voyait la matérialisation de la juste colère des Créateurs. Et alors même qu'un véritable bain de sang s'opérait devant elle, l'elfe se transposa dans une vision particulièrement onirique où les Dieux eux même bénissaient cet affrontement. Là, dans cette cathédrale légendaire. Dans ce lieu saint, entouré d'autres fidèles aussi dévoués qu'eux, ils combattaient une force primale. Bientôt, la pauvre créature dépourvue de raison prit la forme d'un officier de l'armée reikoise. Une punition plus féroce encore venant s'abattre sur lui. Et les larmes qui coulaient quelques instants plus tôt se stoppèrent, laissant place à un sourire empli de folie. Quand enfin tout s'acheva dans une énième giclée carmin, l'elfe épousseta sa robe et reprit soudainement un air beaucoup plus neutre. Regagnant sa posture et une expression presque hautaine, l'oreille pointue s'approcha doucement du corps à présent mort-mort de la bête qu'ils venaient de tuer. Ses yeux azur glissèrent sur la dépouille maltraitée par son compagnon et un léger sourire en coin se dessina sur les lèvres fines de Valmyria. Elle avait pris du plaisir à voir cette chose périr. Non pas car elle possédait une apparence abjecte ou bien qu'elle était teintée de corruption. Non. Elle avait aimé voir un être opposé à la Volonté tomber. Car ils étaient entrés dans cette nouvelle ère à présent. Une ère animée par le chaos des batailles et des pactes. D'une proposition faite à toutes les races pensantes. La soumission aux Titans. Ou la mort. Et elle ferait en sorte d'être le bras armé assistant son compagnon dans cette nouvelle mission.

    Déportant par la suite son regard vers son compagnon, l'elfe prit quelques longues secondes à observer le corps de ce dernier. Maculé de sang brun, de morceaux d'entrailles et de tripes, le paladin ne possédait plus rien de sacré. Il servait plutôt de témoin silencieux et menaçant envers quiconque oserait les défier. Si cette image vindicative ne déplaisait pas à l'elfe, il fallait avouer qu'il aurait été malvenu de se présenter ainsi à l'ordination. Après tout, ils avaient déjà Sublime pour les odeurs, inutile d'en rajouter. C'est alors que Lodvik commença à s'adresser à Valmyria pour lui dire de le suivre vers les étages inférieurs. Arrêtant son ami d'un geste de la main, l'ancienne prêtresse étira un léger sourire en pointant un morceau d'intestin qui glissait lentement sur la tassette du chevalier béni.

    - Je pense qu'il serait d'abord préférable de nettoyer tout ça Lodvik. Je ne suis pas certaine que réaliser l'ordination avec un visage souillé du sang d'un monstre soit bien reçu par nos seigneurs. Ni par Malazach ou les autres, à vrai dire. Viens, j'ai vu un seau, je vais utiliser ma magie de glace et de feu pour faire un peu d'eau.

    Attirant donc le paladin vers un coin de la pièce qu'ils venaient de purifier, l'elfe s'affaira à nettoyer avec son compagnon l'armure et le visage de ce dernier. Générant tout d'abord de la glace, la fanatique créa ensuite une petite flammèche qui fit rapidement fondre le tout en une eau particulièrement claire. Arrachant ensuite un morceau de rideau, l'ancienne prêtresse usa de ce dernier pour commencer à retirer l'hémoglobine présente sur l'acier en adamantine de Lodvik tandis que ce dernier se changeait.

    Une fois le nettoyage réalisé, le duo descendit finalement vers la salle qui accueillerait l'ordination. Là, Valmyria se détacha légèrement des côtés de son compagnon, consciente que les choses qui allaient se produire nécessitait qu'elle se place à part de celui qui aurait bientôt un rôle important au sein de leur organisation. Cependant, elle demeura tout de même proche, au cas où. D'un signe de tête, l'elfe salua ensuite silencieusement Sublime qu'elle aperçut. Puis son regard glissa vers Siame, et la femme l'accompagnant. Si elle ne savait pas vraiment qui était cette femme, l'elfe se doutait de son importance aux vues de sa proximité avec la prophétesse. Le temps défila alors ainsi relativement rapidement, l'assemblée attendant religieusement l'arrivée du Haut Cardinal. Quand ce dernier pénétra dans la pièce, l'atmosphère changea de nouveau, emplissant l'air d'une tension galvanisante. Silencieuse, Valmyria sentit son cœur accélérer et bondir frénétiquement dans sa poitrine. Des événements graves et affreux les avaient menés ici. Mais à présent, l'avenir s'ouvrait devant eux et elle comptait bien rendre ses maîtres aussi fiers que possible.

    Malazach déploya alors ses ailes, entamant son discours. Buvant ses paroles, Valmyria était aussi admirative qu'enchantée par les mots de celui qui les dirigeait à présent. Peut-être, comprenait-elle quand même, que ce fanatisme était un moyen de protection qu'elle dressait. Comme elle avait déjà vu faire par le passé chez des vétérans de la Grande Guerre. Mais... Pour l'heure, elle s'en moquait. Son esprit morcelé et instable s'était jeté dans les abysses infinies du zèle et il lui était à présent impossible de s'en défaire car, chaque fois que son esprit quittait la cérémonie pour se replonger dans ses souvenirs, elle ne ressentait plus que haine et dégout pour toutes les personnes n'acceptant pas de rejoindre leurs rangs. Les mots du Haut cardinal continuaient de résonner dans la pièce, galvanisant un peu plus l'esprit de la fanatique. Aussi, quand ce dernier commença à orienter son discours vers la vindicte et la Foi véritable. Qu'il mentionna le fait de vivre et mourir pour les Dieux, les yeux de Valmyria s'écarquillèrent presque d'admiration. Car elle savait de quoi la suite serait faite. Si elle n'allait plus officier pour la Volonté, l'elfe demeurait un puit de savoir en dogmes et autres rites à la faveur des Titans. Sa vie, orientée vers la croyance et l'étude des textes, l'avait forgée dans cet écrin ecclésiastique qui lui permettait de savoir quels psaumes et quels versets mèneraient à tels rites ou telles demandes. Ainsi, lorsque Malazach appela Lodvik à le rejoindre, elle ne put s'empêcher d'étirer un sourire sincère. Car pour elle, voir son ami ainsi s'élever demeurait un bonheur occultant grandement la peine qu'elle ressentait. Peut-être était-ce là un moment de légèreté éphémère mais.. peu importait. Seule l'ordination était importante.  Ainsi, les différents membres de leur culte défilèrent devant l'ange qui les menait. Quand ce fut au tour de l'ancienne prêtresse, cette dernière s'exécuta silencieusement et avec humilité. Ployant le genoux, elle accepta le titre qu'on lui donna et se senti investie d'une nouvelle mission divine. Fidèle à la Volonté. Zélote des Huit. Elle deviendrait assurément les flammes purificatrices que ses Maîtres souhaiteraient voir se déverser sur le monde.

    Une nouvelle aube se leva finalement alors qu'ils arrivaient à la fin de l'ordination. Les premières lueurs passées et le zénith approchant, tous pouvaient comprendre que l'avenir des divinistes se traçaient à présent droit devant eux.




    L'Aube du Chaos [Divinistes] - Page 2 7IrXhsP

    " Que les flammes de leur volonté permettent aux cendres de ce monde de faire renaître les âmes impures. "
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  • Sam 31 Aoû - 9:22
    C’était comme si l’horloge détraquée de sa vie cessait enfin de tourner à l’envers, que le monde se parait à nouveau de couleurs, que les chats cessaient d’aboyer et les chiens de miauler. Toutes les pièces du puzzle avaient retrouvés la place qui était la leur et le bonheur qui lui gonflait la poitrine n’était pas feint. Serrant sa sœur dans ses bras en retour, Phèdre se laissa enivrer par cette odeur si naturelle d’encens et de vieux parchemins qui lui rappelaient à la fois son ancienne vie mais aussi celle d’Eris. Cette dernière était d’ailleurs la seule chose dont qui n’était pas encore exactement à sa place. Mais elle était silencieuse. A tel point que Phèdre aurait presque pu la croire absente, disparue, n’ayant jamais existé. C’eut été une erreur évidemment car, que ce soit par crainte ou par générosité, Eris était toujours là, scindant son âme qui ne devait être qu’une, en deux.

    - Probablement le trajet interminable qui me séparait de toi ? Osa-t-elle d’un air sarcastique et si c’était à refaire, si elle avait su l’enfer que serait un tel voyage, peut-être y aurait-elle réfléchi à deux fois. Néanmoins, elle était arrivée à bon port, en vie. Sale, gelée, avec plusieurs ongles cassés, quelques paires de jolies coupures sur son corps parfait et le cœur d’Eris en miette mais elle était là désormais. A la place que jamais, elle n’aurait dû quitter. Elle l’a serra encore de longues secondes comme si, à nouveau, elle pouvait congédier le temps et profiter de ce moment pour l’éternité. Hélas, Siame fut la première à se dégager et elle l’imita. Elle écouta ensuite les récits de ses dernières aventures, un demi-sourire soulevant le coin de ses lèvres par moment. Oui, les choses étaient véritablement revenue à leur place. - Je ne suis pas venue pour repartir. Promit-elle.

    A choisir, Phèdre aurait repoussé toute forme d’ordination ou de cérémonies. C’était là, la dernière chose qui lui manquait de son ancienne vie. Trop de souvenirs brûlants étaient liés à ces célébrations mais elle n’était pas sans savoir qu’elles étaient nécessaires surtout maintenant alors que leur foi était malmenée et leurs fidèles peu nombreux.

    - Pourtant, ne suis-je pas à l’image de ce lieu ? Demanda la cadette. - Poussiéreuse. Avant que son visage ne s’illumine. Malazach était encore en vie et avec sa sœur. Fut un temps où elle avait bien connu l’ange mais cela remontait à il y avait fort bien longtemps. Le véritable plaisir fut de savoir que durant cette éternité, Siame n’avait pas été seule. - Je suis contente qu’il soit resté à tes côtés tout ce temps, lui dit-elle sans savoir la vie qu’avait mené sa sœur. - Je ne savais pas qu’il était aussi fidèle qu’un chien. Termina-t-elle d’un air mutin avant de reculer et de lever les yeux vers l’escalier qui montait vers les hauteurs de la cathédrale. - Bien, je vais trouver la plus charmante des chambres. Je ferai vite… Elle n’avait aucune envie de filer, pas même pour se laver alors qu’une croûte crasseuse recouvrait sa peau. Mais elle savait que Siame l’y enverrait à coup de pieds dans le séant en cas de besoin, alors elle se fit violence et la quitta d’un pas fatigué.

    ***


    Cette scène aurait aussi bien pu se dérouler cinq mille ans auparavant. Noyée dans le clair obscure du cœur de la cathédrale, Phèdre observait Malazach. Elle ne lui avait jamais connu d’air aussi surprit que celui qu’il avait arboré en la voyant, ce qui était déjà un grand pas lorsqu’on connaissait l’homme de sang froid qu’il était. Il ne l’avait pas totalement désavoué non plus, malgré l’enveloppe mortelle dans laquelle son âme s’était glissée. D’ailleurs, lorsque les ailes de Malazach s’épanouir autour de lui comme une corolle divine, Phèdre ne put s’empêcher de se pencher légèrement vers l’arrière, pour observer le dos nu de sa jumelle. Ses sourcils se froncèrent imperceptiblement. Où étaient passées celles de Siame ? Elle lui aurait volontiers posé la question mais l’instant ne s’y prêtait pas et quand bien même elle aurait osé chuchoter à son oreille, elle était presque sûre que Siame lui aurait intimé de se taire sur le champ. A la place, elle glissa les doigts contre sa paume avant de les intercaler entre les siens pour les serrer férocement. Maintenant elle était rentrée, maintenant les choses allaient reprendre leur juste place et maintenant elles allaient pouvoir se venger. De la chute vertigineuses qu’elles avaient subie, de l’affront de leur séparation, de toutes ces années de souffrances qui leur avaient été imposées.

    Phèdre était morte, elle le savait et l’avait toujours sut à partir du moment où l’infime lueur de sa conscience s’était éveillée dans le corps d’Eris. Mais elle ne se souvenait plus qui, quand et pourquoi. Tout comme elle ne se souvenait plus d’avoir un jour aimé quelqu’un d’autre que sa sœur mais comme le reste, ces réponses finiraient par lui revenir. D’une manière ou d’une autre et si ce n’était pas la vie qui se chargeait de les lui apporter, Phèdre irait les lui arracher avec les dents s’il le fallait. C’était une promesse. Une promesse qu’elle répéta une nuit et un matin comme une litanie, aux dieux, à sa sœur, au reste de sa congrégation. Qu’ils soient tous témoins de sa renaissance et de qu’elle allait en faire. Que sa mère et sa sœur soient fières d’elle. Il n’y avait guère plus important.

    C’était du moins ce qu’elle croyait.
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  • Mer 11 Sep - 20:04
    L'Aube du Chaos [Divinistes] - Page 2 6dXOeva

    Des doigts griffus remontaient le fil de phantacier de l’étoile mourante du Premier. Ils glissaient, le long de ce tranchant qui ne pouvait s’émousser, de ce tranchant qui fendit d’abord la peau, puis la chair et mordit enfin les os. Un glapissement pathétique, celui d’une bête terrorisée qui ne comprenait pas ce qu’on était entrain de lui ôter, pas seulement la vie, mais aussi l’âme. Toutes deux, bues goulument par l’acier des morts, manié par la figure du dernier chevalier de la Rose Noire.

    Dans un ultime battement d’ailes de cuir noir, la créature se tortilla, plia les jambes en plantant ses griffes dans le sol et que finalement, dans un râle guttural, son ultime malédiction ne soit levée. Et qu’avec elle, elle ne retourne dans le jardin du Père de son maître. Une motte de lumière, s’échappant d’entre ses lèvres, s’éleva sous le regard impassible de l’implacable et, virevoltant, elle ne finisse par s’évanouir dans l’éther. Comme saisie par la griffe invisible de son maître. Alors, seulement, refermant sa prise sur la fusée de sa grande-épée, il tire enfin l’acier de l’Étoile d’entre les côtes de la créature, la nettoie de son sang d’un geste vif du poignet et ne la rengaine à sa taille.

    Et sans porter plus d’attention à cette salle et aux autres occupants bien trop sages pour venir tenter de perturber la vigie du chevalier noir à la robe carmine, Launegisiles se détourna, fit un pas et quitta cette salle pour continuer sa patrouille dans les couloirs ouvragés de la cathédrale. Jusqu’à croiser Henryk, qui lui demanda simplement :

    - Monseigneur, nous avons entendu du bruit, qu’étais-ce ? Vous avez trouvé des intrus ? Vous les chassez ?

    Launegisiles, observa la figure de son fidèle, les joues creuses et ridées, le nez cassé en plusieurs endroits se tordait en un atroce S au milieu de sa face. Ses cheveux épars et blanchis lui rappelaient des forêts défrichées après le passage d’une tempête et, dans les orbites profondes de son crâne brûlaient deux petites sphères reflétant la lumière pâle de la lanterne qu’il levait pour mieux voir son interlocuteur, ou, plus exactement, le heaume rouge qu’il portait sans discontinuer. L’espace d’un instant, Launegisiles ne répondit pas, se contentant de pivoter lentement le visage puis les épaules pour jeter un regard vers le couloir qu’il venait d’emprunter. Avant de retourner l’acier qu’il dissimulait derrière son casque peint pour observer son plus fidèle et plus vieux écuyer.

    - Rien. Qu’il répondit. Rien de plus qu’une bête.

    Et il leva lentement la jambe pour ponctuer sa phrase, posa le talon sur la pierre lisse de la cathédrale et continua son chemin, sans s’intéresser outre mesure aux autres suivants qui rejoignaient Henryk qui s’empressa de leurs raconter ce qu’il s’était passé. Ou plus exactement, ce qu’il pensait s’être passé, décrivant un combat qui n’existais que dans l’abîme de désespoir qui se cachait derrière son regard fanatisé.

    Comme quoi, l’élève prenait exemple sur le maître.

    Mais les vivants l’appelaient, et bien que les deux sœurs bénies cent fois par Aurya la Resplendissante tentent encore et encore de s’approcher des quartiers destinés à l’enfant de la Mort, aucunes des deux ne put passer. Que ce soit à cause de la vigilance éternelle des sortilèges que seul Lui pouvait désenchanter, ou la vigilance sépulcrale du celui qui aurait dut mourir. Cette statue macabre d’acier peint en rouge, qui veillait au grain à ce que Sa Volonté soit faite, qu’elle lui parvienne de la voix de son Fils, ou dans les nuits sans rêves de l’implacable.

    Et éternellement silencieux, il continua sa vigie. Tapis dans l’ombre projetée par les ailes radieuses du Cardinal qui s’abaissait à faire l’ouvrage des évêques et des membres amoindris du culte. A l’entendre, professer sa foi que lui seul pouvait comprendre, à regarder les membres de cette nouvelle confrérie boire ses paroles comme des assoiffés après une traversée du désert. Jaugeant les mortels comme étant incapables de comprendre la complexité du culte X’o-rathien et les anges, comme les enfants dévoyés, éloignés de leurs véritable devoir par des parents jaloux de la sublime du Grand Fossoyeur. Il ne se serait jamais permis la moindre pensée critique envers ces deux sœurs qui étaient bien plus les filles de celui qu’il appelait « Père » avec la dévotion d’un fils, et bien que la valeur de ses comparses mortels ne fût plus à prouver, tout comme leur dévotion était sincère. Launegisiles était bien incapable de comprendre l’intérêt de cette cérémonie, de ce faste et de ce théâtre faussement modeste par lequel il leurs donnait des titres qui lui sonnaient bien creux, après… Demandez aux ascètes ce qu’ils pensent des titres et du faste. Leurs façons de voir la chose ne devrait pas être fort différente du chevalier de la Rose Noire qui observait toujours silencieusement ce manège.

    Il était resté immobile, une nuit et un jour durant, jusqu’à ce que l’aube ne pointe à travers les portes défoncées de la cathédrale qui seraient bien assez tôt de nouveau resplendissante, car la foi permet de surmonter bien des obstacles. Aussi, quand enfin Malazach se décida d’aller se faire maître de ses quartiers, Launegisiles bougea à peine, faisant craquer ses os et hurler de douleur ses muscles ankylosés qu’il n’écouta pas une seconde.

    - Ainsi commence votre nouvelle aube, Mon Père.

    Finit-il par dire une fois réfugiés dans les hauteurs de la cathédrale. Observant l’escalier qu’ils venaient de gravir pour tourner son attention vers l’Ange qui dissipa la magie qui bloquait la porte, avec autant d’aisance qu’il ne lui en fallait à lui pour préparer un cadavre. Avec la dévotion macabre qu’on lui connaissait, Launegisiles resta muré dans le silence. Ils n’avaient guère besoins de longs discours pour se comprendre, que ce soit pour donner un ordre pour l’un et obéir pour l’autre. Pas même un mouvement de tête. Aussi, quand la porte se referma sur les quartiers du nouveau Pape de cette nouvelle église qui venait de naître, Launegisiles posa ses mains jointes sur l’étoile du Grand-Père.

    Pour continuer sa vigie éternelle.


    L'Aube du Chaos [Divinistes] - Page 2 Launegisiles-signa
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