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Salle du Conseil de la Défense.
21 Février, An 5
”Ah, Contre-Amiral Fallensword!”
Un sourire remonta tout doucement la lèvre supérieure atrophiée de Falconi Genova en apercevant le militaire émerger de la cage d’escalier en travaux à l’autre bout du couloir. Le bâtiment de la Maison Bleue avait subit des dégâts conséquents pendant l’assaut mené par l’Assemblée sur la capitale, notamment à cause de la concentration de plusieurs Sorcières sur les lieux mais surtout dû à l’effondrement final du toit suite à l’apparition de l’avatar de Kaiyo. L’Aile Ouest plus particulièrement avait fait les frais du début des affrontements tandis qu’une des plus puissantes de ces satanées magiciennes avait transformé l’endroit en vivarium à bactéries, et que des combats féroces avaient éclatés dans le troisième étage. Le Conseil de la Défense ainsi que l’État Major de la République avaient rencontré alors un funeste destin et reconstruire les forces armées du pays avait figuré parmi les priorités de la nation bleue pour éviter de se retrouver en situation de faiblesse. Le nouveau ancien Président de la République, celui qui dirigeait maintenant la Grande Famille millénaire des Genova depuis près de trente ans, avait naturellement convoqué l’État Major pour une réunion de point et planifier les prochaines opérations et lignes directrices de la GAR. S’il vient tout juste de tourner au coin du couloir pour se diriger vers la salle du Conseil, Falconi aperçoit la silhouette en uniforme blanc du neveu de Sigfried Fallensword de l’autre côté du bâtiment. Les deux hommes se rejoignent vers le milieu du couloir où le Président effectue un salut militaire au Contre-Amiral avant de lui tendre la main, une formalité militaire puis civile pour ceux qui se connaissaient déjà depuis bien avant cette collaboration soudaine.
Vandaos avait dans la quarantaine, et son statut de membre d’une des Six Grandes avait valu à Falconi d’en faire la connaissance il y a longtemps au cours de divers diners mondains, réceptions et célébrations. À l’époque il n’avait pas porté d’attention plus considérable que ça à ce qui semblait être un autre futur employé du Conglomérat FS, mais la tournure des évènements et la carrière prometteuse du jeune homme en temps que marin en avaient fait un élément clé du rétablissement de l’armée républicaine. Falconi adresse un sourire au Contre-Amiral et lui secoue vigoureusement la main:
”Hâte de travailler avec vous, j’ai eu vent de quelques uns de vos projets et nous avons beaucoup à discuter aujourd’hui.”
Tournant son regard hétérochrome en direction de la porte à côté d’eux, le Président jette un oeil -le noir- en direction du marbre craquelé qui surplombe le cadre de la porte soutenu par des chevrons de bois et des étais de construction. Le Conseil de la Défense tient à peine debout, mais il représente ainsi justement un symbole encore plus frappant de la résilience républicaine. Lâchant donc la main du Contre-Amiral pour venir poser la sienne sur la poignée de la porte, le Genova pousse doucement la clanche afin d’entrer avec précaution, craignant tout de même que le tout ne s’effondre subitement sur son passage.
L’intérieur de la salle du Conseil est passablement sobre en comparaison des souvenirs qu’en avait l’ancien Président, la plupart des fioritures, des décorations et des meubles superflus ont été retirés le temps des rénovations et il ne reste plus que l’essentiel, c’est à dire la table du Conseil, les chaises de chaque côté, une autre table portant un buffet de mignardises et de viennoiseries qui avait visiblement déjà été mis à profit et quelques étagères de documents et de chemises.
”Mesdames bonjour à toutes.” annonce Genova, avant de venir à la rencontre de la Général de Noirvitrail fraîchement nommée.
Il avait personnellement procédé à la cérémonie de promotion de la jeune femme, si elle manquait peut-être de passé militaire plus poussé elle représentait cependant un énorme atout pour la République, il le lui avait alors dit de vive voix en lui remettant ses nouveaux galons ainsi qu’une médaille de haut fait il y a à peine une semaine, Votre jeunesse et votre génie cristallisent l’essence même de notre pays Lieutenant, vous êtes à la fois le rempart de notre nation, la flamme de son rayonnement culturel et son espoir personnifié. Une ingénieure qui avait illustré par deux fois ses talents de commandement, ses prouesses magiques et ses aptitudes martiales dans les heures les plus sombres de la République moderne, une femme qui avait révolutionné son domaine et repoussé toujours plus loin les limites de son savoir-faire techno-magique -parfois trop loin si on croit certains rapports sur des affaires récentes d’expérimentations douteuses- mais surtout, un remplacement qui n’aurait rien à envier à son prédécesseur, le Général Fieracier. Les yeux jade et noir orangés du Président dévient légèrement de la jeune femme au teint caramel pour saluer silencieusement les deux autres “soeurs” de la Général, il y avait eu un peu de chahut perceptible avant qu’il n’ouvre la porte du Conseil et il se doutait qu’il venait d’interrompre une grande conversation entre la Façonneuse, la Façonneuse, la Façonneuse et la dernière personne présente dans la pièce.
Il se dirigea immédiatement à sa rencontre pour justement venir lui dire bonjour avec une bise bien plus chaleureuse que les saluts militaires sobres et formels, mais il s’abstint cependant d’ajouter quoi que ce soit d’autre qu’un simple:
”Bonjour Dorylis.”
Il se devait de présenter une image stricte et ferme devant les plus récents éléments de son État Major tout neuf, et les effusions de familiarités n’ont pas leur place dans la façade qu’il souhaite renvoyer aux deux militaires, s’asseyant sans plus attendre sur son siège pour débuter la séance, il débute immédiatement:
”Bien, merci à vous deux de votre présence ici, je suis au regret de vous informer que nous accuserons de deux absences à ce Conseil, l’autre Général et le Vice-Amiral sont retenus ailleurs dans des opérations de fortification mais l’important c’est que vous deux soyez présents.” Il tasse les documents en face de lui et reprend avec une certaine aisance, ”Je connais les trois autres membres de cet État-Major, c’était surtout avec vous que je souhaitais m’entretenir. Tout d’abord je tiens à vous souhaiter personnellement la bienvenue au Conseil de la Défense, j’espère que notre collaboration sera fructueuse parce que la République n’en a jamais eu plus besoin qu’aujourd’hui. Quant à l’Amiral, il me semble qu’elle devrait être là…” un soupir gêné s’échappe du Président alors qu’il tousse pour masquer son malaise, c’est la première fois que Vandaos et Athénaïs siègent à un Conseil d’État Major, Mirelda ne l’avait tout simplement pas convoqué malgré la crise importante dernièrement, l’élémentaire d’eau retors aurait tout de même pu faire un effort. ”... on verra bien.”
Le Genova étale son dossier sur la table, faisant passer des copies des bilans du Grand Argentier Hestia Wessex aux deux nouveaux membres du Conseil ainsi qu’une fiche récapitulative de la direction de la GAR établie par la réunion ministérielle d’il y a deux jours.
”Le premier point le plus important sera la reconstitution de nos forces armées, notre effectif a trop souffert de la perte de Kaizoku et de la bataille du mois dernier dont les violences étaient inouïes, tant l’armée de terre que la marine, il est d’une priorité capitale de devoir reforger notre nombre et renforcer euh… nous renforcer. Est-ce qu’il y a déjà des idées que vous aimeriez soumettre, quoi que ce soit pour commencer?”
Toujours au top de son éloquence, Falconi se retrouvait légèrement pris au dépourvu par l’étrangeté d’un État-Major avec deux sièges vides, un troisième dont la présence était encore en suspens et les deux autres remplis par du sang frais. Il doit avouer que l’absence notamment de l’Amiral le déstabilisait un peu, elle occupait son post depuis plus longtemps que lui n’avait présidé le pays et même avec son caractère revêche elle apportait toujours une contribution importante aux réunions stratégiques, bien que rares du temps des deux premiers mandats du Patriarche.
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Assises autour de la grande table, les dames de Noirvitrail observèrent avec intérêt les sièges vides. L’absence de son homologue du Premier Corps d’Armée pouvait être le signe d’un désaveu de sa part. Après tout, la Huitième, sous son commandement, avait massacré la Troisième, et le Général du Premier Corps d’Armée portait la marque de la défection de l’une de ses légions. La simple honte de n’avoir pas pu déceler les germes de la trahison, ainsi que la mort de Fieracier avaient peut-être suffi à jeter l’opprobre sur les capacités du Premier Général à assurer ses fonctions. Peut-être ne pouvait-il accepter que la personne ayant donné l’ordre d’en finir avec la Troisième soit présente dans la même pièce que lui … En un sens, son absence était peut-être pour le mieux car les Républicains adoraient les drames. Nul doute que la conversation aurait vite tourné au vinaigre et que les débats se seraient tournés sur ses échecs.
L’absence de la Vice-Amirale et de l’Amirale était plus intrigante … mais les sœurs de Noirvitrail durent bien vite cesser leur conciliabule télépathique pour se concentrer sur les personnes présentes. Un sourire fut adressé à la Sénatrice Dorylis de Rockraven. La Sénatrice restait un soutien indéflectible pour sa famille depuis des années et Athénaïs sentait la fierté poindre en elle en se présentant à elle non pas en tant que Façonneuse, mais en tant que Générale. Un long chemin avait été parcouru depuis les bancs de l’université … Sa simple présence en ses lieux était le signe que la descendante d’une petite famille bourgeoise de Justice pouvait s’élever au-dessus de sa condition et se voir courronnée des lauriers dus aux grandes figures de la République. Athénaïs savait cependant que cet accomplissement s’accompagnait de nouvelles responsabilités, des responsabilités bien plus grandes que celles qu’elle avait eu à supporter jusqu’à présent. Elle héritait d’une charge cruciale pour la défense des idéaux républicains et seul le temps pourrait dire si elle s’était montrée à la hauteur de cette charge, ou si elle rejoindrait les poubelles de l’Histoire.
Il était intéressant de constater que dans cette pièce, seule Athénaïs provenait d’une famille mineure de la République. La personne assise en face d’elle provenait elle-aussi des grandes familles patriciennes de la République. Vandaos Fallensword était le Contre-Amiral de la Marine et bien qu’Athénaïs ne l’ai jamais rencontré en personne avant ce jour, sa réputation était suffisamment faite pour que la jeune femme s’en méfie instinctivement. Les grandes familles de la République n’étaient pas arrivées à leur position dominante grâce à de belles valeurs après tout …
D’un panier de crabes à un autre …
Entourées de tous ces « Grands », les dames de Noirvitrail se sentaient quelque peu mal à l’aise. Leur simple présence en ces lieux était un test discret fait par les grandes familles pour voir si les Noirvitrail pouvaient devenir une famille de premier plan au sein de la République, ou si elle était destinée à n’être qu’un jouet de forces bien plus rapaces et vives qu’elle. Sa promotion au rang de Générale était à la fois une récompense et un baptême du feu. Si elle se montrait à la hauteur, sa famille se hisserait au-dessus de la mêlée. Si elle échouait ou se montrait incompétente, les Noirvitrail retourneraient à l’anonymat. Athénaïs et ses sœurs savaient cependant qu’elles n’étaient pas seules dans cette épreuve. Le reste de sa famille, et notamment ses parents, étaient des individus bien plus retors et politiquement habiles qu’elle. Nul doute que pendant que leur fille jouait à la Générale, les parents travaillaient à s’assurer que la famille fût indélogeable de sa position chèrement acquise.
Quelque peu tendues par la situation, les dames de Noirvitrail avalèrent dans une synchronicité parfaite un morceau de leurs croissants, tandis que le Président Genova distribuaient les rapports et les ordres du jour. Elles prirent le temps de prendre connaissance des différents éléments et écoutèrent attentivement l’exposé de Falconi Genova. Celui-ci s’avéra cohérent avec la situation actuelle au sein de la Grande Armée Républicaine. Avec la perte d’une légion entière, sans compter les pertes de navires et les légions blessées lors des divers affrontements contre l’Assemblée, les forces de la République étaient bien moins nombreuses qu’à leur apogée. Ceci dit … elles avaient largement gagné en expérience. Les combats successifs auxquels la Huitième Légion avait pris part, ainsi que les forces de défense de Kaizoku avaient permis de forger des cohortes de soldats ayant vécu l’épreuve du feu … la vraie … pas celle des manuels. Ce n’était qu’un maigre lot de consolation au vu des pertes, mais il ne fallait pas minorer ce gain, qui pouvait s’avérer décisif dans les années à venir.
« Monsieur. La reconstitution de nos forces armées est en effet une priorité absolue. A ce jour, nos effectifs accusent de trop nombreuses pertes pour que nos légions puissent fonctionner de manière optimale. Si le recrutement ordinaire permettra de reformer les effectifs perdus dans les différentes légions, nous devons absolument reformer la Troisième Légion avec un nouveau lieutenant à sa tête. Il s’agit pour nous, de la priorité absolue : consolider nos effectifs.
- J’ajouterai,déclara Eulalie, que la consolidation de nos effectifs devra passer par une refonte de la formation. Nous disposons de nombreux officiers qualifiés qui ont vécu récemment leur baptême du feu. Utilisons ces soldats en tant que formateurs pour renforcer la formation de nos recrues.
- Cependant … cela ne sera pas suffisant au vu de nos besoins. La République a durant longtemps fait confiance à la Grande Armée Républicaine pour garder ses frontières, mais les récents évènements montrent bien que nous ne sommes pas assez nombreux. L’augmentation de la puissance militaire de l’Empire du Reike et la menace qu’a fait peser l’Assemblée sur notre sécurité intérieure sont la preuve qu’en l’état actuel de nos forces, nous serons en difficulté si une nouvelle menace survenait. Pour que la Grande Armée Républicaine puisse remplir efficacement ses missions et se confronter aux nouvelles menaces, nous estimons qu’il faudra plus que simplement regarnir nos effectifs : il faut les augmenter par la création de nouvelles légions. Il se trouve que nous avons justement les candidats potentiels … Les réfugiés shoumeïens … »
Le mot était lâché … Faire appel aux réfugiés shoumeïens. Les grands oubliés de la politique républicaine de ces dernières années. La République les avait accueillis, mais n’en avait rien fait de spécial, les laissant s’entasser dans des ghettos et vivre une vie chiche qui rappelait à Athénaïs l’Orée de Justice. Or, ces réfugiés étaient autrefois des soldats, des artisans, des commerçants, des notables. Tous pouvaient apporter leur pierre à l’édifice de la République pour peu qu’on leur tende la main. Athénaïs en avait eu l’exemple avec Léonora. Ces expatriés venaient de trouver une terre d’accueil et étaient prêts à la défendre au prix de leur vie. Il fallait absolument que la République utilise ces volontés pour renforcer ses rangs.
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Race: Triton / humain
Vocation: Mage noir
Alignement: Loyal neutre
Rang: B
Oui, le premier Conseil de Défense du Contre-Amiral serait certainement celui qui définirait sa marche de manœuvre durant les 8 années à venir. Et Vandaos Fallenswords ne comptait faire de la figuration autour de la table en présentant au Président Génova un plan d’action pour le retour au premier plan de la République au sein du Sekaï. Mais est ce que l’homme, aussi charismatique soit-il, aurait-il l’audace de le suivre ? Serait-il prêt à lui faire confiance malgré son peu d’expérience dans la Marine ? C’était à lui et à lui seul de le convaincre... Surtout qu’il risquait de trouver de l’hostilité au sein même des forces armées s’il n’arrivait pas à ménager toutes les susceptibilités. La politique faisait partie du “package” du poste et ce serait aujourd’hui son baptême du feu.
Lorsque le carrosse s’arrêta devant la Maison Bleue, des valets se précipitèrent pour ouvrir la porte. Tiré de sa rêverie par la secousse de l’arrêt de la voiture, Vandaos sorti le premier du véhicule, fit quelques pas pour laisser la place à ses suivants de sortir puis s’arrêta pour observer le bâtiment dédié à la présidence. Il put constater alors les sérieux dégâts provoqués par les derniers évènements de Liberty : la République avait été frappé durement et il eût un pincement au cœur en se remémorant cet édifice autrefois symbole de puissance pour la Nation Bleue.
Nous y voilà. Entrons et nous verrons bien à quelle sauce allons-nous être mangés !
Tinder n’était venue que par pur fidélité envers le Fallenswords, sa fonction de Second Lieutenant n’était pas vraiment requise mais son soutien, juste par sa présence, était précieuse pour son libérateur. L’Enseigne Carter était là lui en tant que secrétaire particulier de l’Officier Général et s’occuperait de la rédaction du débriefing une fois la réunion terminée. Les Lieutenants accompagnèrent leur supérieur jusqu’au grand hall, firent un salut militaire avec des regards qui appuyaient leur soutien. Après leur avoir effectué le salut, Vandaos prit l’escalier qui le mènerait à l’étage où se trouvait la salle du Conseil. Arrivé en haut, il remarqua immédiatement Falconi Génova qui semblait lui aussi se rendre en direction du lieu de rendez-vous.
L'homme fier qu’il avait connu dans son enfance avait laissé place à un vieux politicien durement marqué par les années de pouvoir et encore plus par celles passées à se cacher des assassins de Mirelda Goldheart. Ces derniers avaient vraisemblablement infligé cette horrible cicatrice. Au sein des Grandes Familles de la République, le sort réservé par Mirelda à son prédécesseur était un secret de polichinelle et comme il avait arrangé bien du monde, notamment Sigfried qui avait savouré la chute de celui qui lui avait soufflé la Présidence avec tant d’aisance. Cela dit, ça n’avait pas porté chance à la carrière politique de son oncle qui s’était ensuite fait priver le leadership du courant Réformateur par Zelevas Fraternitas.
Le jeu des chaises musicales de la politique avait fait son œuvre et pourtant Falconi Genova, tel un phénix, se tenait désormais là devant lui à lui faire un salut militaire. L’Officier Général répondit par un salut plein de respect à l’homme providentiel qui avait su sortir du bois à temps pour rassurer les Républicains dans cette période troublée. La poignée de main fût chaleureuse et visiblement le vieux roublard de la politique semblait s’intéresser à ses affaires ce qui flatta l’égo du Nécromancien.
C’est réciproque, Monsieur.
Puis le Contre-Amiral suivit le Président dans la salle du Conseil de Défense, salua sobrement les membres déjà présents et alla s’assoir à la place qu’on lui avait assignée. Tout de suite, il fût très surpris que seuls les deux nouveaux venus à l’Etat-Major soit les seuls représentants de leur corps d’Armée et encore plus quand il remarqua la présence de Dorilys De Rockraven, l’ancienne Grande Mécène et actuelle Porte-Parole du Gouvernement. Un petit rictus de désapprobation apparu sur le visage du Fallenswords en pensant que cela faisait évidemment une personne de plus qui pourrait contrarier ses plans.
*Une humaniste au Conseil de Défense... Qu’est-ce vous manigancez Falconi ?*
Assis sagement à sa place, l’Officier Générale de la Marine écouta religieusement les paroles du Président Génova. Visiblement, seule l’Amiral manquait à l’appel. Pas étonnant, la bougresse n’était pas du genre à respecter quoique ce soit et visiblement ce ne s’était pas amélioré avec les années. Vandaos tiqua également sur ses difficultés d’élocution, faisant remonter d’anciens souvenirs où lorsqu’il était encore dans la force de l’âge, il traînait déjà les mêmes défauts. Son père, Duncan et aussi Sigfried se moquaient derrière son dos de ce défaut mais ne l’avait pas empêché de faire une bien plus belle carrière.
*Quelle ironie*
L’accent fût donc mis sur le renforcement des forces armées. C’était déjà une bonne chose que les humanistes au gouvernement n’aient pas réussi à couper les vivre des militaires. Bien sûr c’était impératif de reconstruire ce qui avait été perdu durant les deux derniers gros évènements où les forces de sécurité avaient payé un lourd tribut. Tout de suite, les Sœurs Noirvtrail enchaînèrent sur les besoins de la GAR et Vandaos ne put qu’acquiescer aux requêtes de la Général nouvellement promue. L’Armée dans l’état actuel ne pourrait résister à une attaque massive du voisin reikois... Dieu merci leur esprit était occupé ailleurs, sur une menace encore bien plus dangereuse qui n’avait pas encore été évoqué. Pourtant c’était la clé de voute pour déclencher les budgets nécessaires à son plan d’action.
Tout d’abord félicitation pour votre élection Monsieur le Président. Effectivement nous vivons une époque bien sombre et nous avons la chance de pouvoir compter sur quelqu’un de compétent et d’expérimenté pour nous faire remonter la pente. Tous les rapports qui me parviennent de ma flotte concordent dans un seul sens : les activités de piraterie ne cessent de s’amplifier, les îles paradisiaques sont de moins en moins sûrs. Bien sûr la nouvelle escadre, qui devrait sortir des chantiers navals au mois d’avril, devrait permettre de limiter la casse mais il nous manque encore une escadre pour revenir aux effectifs de ma flotte avant la perte de Kaizoku. Puisque le gouvernement nouvellement élu a décidé de renforcer nos effectifs, je vous fais la demande de bâtir une nouvelle escadre soit 3 Frégates et 21 Corvettes afin de revenir à notre effectif complet.
En s’écoutant exposer ses besoins, Vandaos se rappela qu’il n’avait toujours pas eu l’accord de la Vice-Présidence pour la rallonge budgétaire concernant son Navire Amiral. Il était tout de même un peu gêné de réclamer devant le Président mais si quelqu’un pouvait débloquer la situation, c’était bien lui. Il se râcla la gorge puis enchaîna.
Monsieur, j’ai également fait une demande au Ministère pour une amélioration sur le futur Navire Amiral qui a dû être égaré par vos prédécesseurs... J’ai inclus dans ce tout nouveau Vaisseau une innovation technologique qui nous permettra une supériorité dans les combats navals sans précédents. La coque du Navire sera renforcée par un acier particulier, le Mithril, connu aussi bien pour sa légèreté que pour sa robustesse : néanmoins Wessex Maritime me demande une bonne rallonge, justifiée, pour réaliser ce qui deviendra le plus grand Vaisseau jamais sorti des chantiers navals de la République. Un symbole de “Renouveau” auquel notre flotte a désespérément besoin de se raccrocher depuis ces moments d’errement.
Après ce monologue exposant les besoins inhérents à la reformation de sa flotte, Vandaos afficha une mine plus sombre avant d’évoquer ce qui était sa plus grosse inquiétude.
Mais c’est à minima ce qu’il faut faire ce qu’il faut faire pour reprendre notre statut de Grande Puissance du Sekaï. Est-ce que ce sera suffisant pour contrer la menace venue du Shoumeï ? Car les rapports du SCAR sont formels, les reikois dans leur façon de faire barbare, ont poussé une grande partie de ses habitants dans les bras d’adorateurs du chaos connus sous le nom d’adeptes de la Volonté des Titans. Ils se seraient regroupés à Benedictus. La corruption de l'Arbre-Monde serait telle qu'il est impossible de s'approcher de la ville sans perdre l'esprit... Et aurait un impact sur le Sekaï entier, d'où la recrudescence de criminalité que j'ai pu constaté sur mon secteur.
Monsieur le Président, nous ne pouvons pas laisser ces barbares de reikois pousser le Sekaï dans le chaos et la destruction, notre Nation n’y survivrait pas. Il existe une autre voie, notre voie, celle de la République. Nous devons arrêter de penser que notre voisin règle seul les problèmes du monde, nous devons arrêter de nous cacher derrière nos murailles... Il nous faut un grand plan d’action permettant d’éviter que le conflit se propage sur nos terres. Ce n’est qu’à ce prix que la République retrouvera son commerce fleurissant et sa gloire d’antan. Et justement j’ai planché sans relâche pour élaborer les contours d’une campagne militaire, en plusieurs étapes, permettant à la République de maîtriser son destin. Si vous le permettez, je souhaiterais vous l’exposer Monsieur le Président, et à l’ensemble des membres du Conseil de Défense.
Les dés étaient jetés, le Contre-Amiral avait brandi la grande menace qui pesait actuellement sur la République. A chaque crise ses opportunités et Vandaos Fallenswords ne comptait pas laisser échapper l’occasion de rentrer dans l’histoire.
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L’État-Major n’a pas perdu de temps avant d’aborder les problèmes de fond et les sujets les plus épineux, le Président Falconi écoute attentivement ses deux officiers lui exposer leurs avis sur les besoins et les nécessités des forces armées actuelles et de leur discours, un point commun alarmant ressort d’entre la GAR et la Marine républicaine, le moment de vulnérabilité que traverse la République actuellement dû à un manque d’effectifs. Les soeurs Noirvitrail exposent tour à tour leurs opinions ainsi qu’une idée de restructuration de la formation de la GAR, tandis que le Contre-Amiral Fallensword dévoile des idées… ambitieuses. Trop ambitieuses. Falconi ne commet cependant pas l’erreur de montrer immédiatement une réaction, ce n’est ni une liberté qu’il peut s’accorder puisqu’il doit donner le ton de la dynamique entre lui et l’État-Major pour l’octennat, ni dans son caractère habituel. Réfléchi, l’homme qui avait connu la pression de la rivalité Goldheart presque toute sa vie était désormais dans son élément lorsqu’on lui plaçait le couteau sous la gorge, et dans ce bras de fer avec ses officiers, il allait devoir se montrer habile s’il ne voulait pas que les institutions républicaines ne reflète une image complètement différente de la présidence. Les mains croisées et ramenées devant sa bouche, coudes sur la table, il réfléchit calmement à ce qu’il souhaite dire et aux différentes options qui se présentent à lui. Lorsqu’il a une idée claire de sa réponse, il se penche légèrement en avant et prend enfin la parole après un silence un peu trop long:
”Commençons… par la question principale qu’est le nombre.” Le problème est de taille, parce que d’un côté il est facile de croire que la GAR et la Marine sont en sous-nombre face aux menaces qui planent sur la nation, et que leur suffisance jusqu’alors reposait uniquement sur les besoins peu exigeants de quatre mille ans de paix presque ininterrompus. De l’autre côté, les finances du pays sont déjà sur sollicitées entre la reconstruction de Liberty, la perte de Kaizoku, la diminution du commerce et les différentes répercussions des attaques de l’Assemblée, la République va déjà avoir du mal à subvenir pleinement aux besoins de son armée, il paraît fou pour le chef de l’état de proposer un développement dans de telles circonstances. ”La principale priorité est effectivement de reconstituer les effectifs perdus. Général de Noirvitrail une partie des fonds alloués à la GAR passera dans la refonte du système de formation en intégrant les vétérans des dernières batailles aux corps des instructeurs, et à leur donner du grain à moudre en remontant les effectifs. Je pense qu’il est temps de rendre la soldatesque plus attractif pour reconstruire les rangs perdus. La troisième Légion sera sous votre responsabilité, et nous allons vous donner un coup de main avec les recrutements et tout ça passera par notre communication avec le peuple et la mise en avant de notre institution militaire. Pareillement pour la demande d’escadrille du Contre-Amiral Fallensword, son coût de production figure dans les clous des chiffres proposés par la Grand Argentier Wessex, on va parler de cette campagne militaire juste après mais d’abord...”
Il marque une pause pour pivoter légèrement sur sa chaise, s’orientant vers la Général pour faire directement face à la Noirvitrail du milieu, celle qu’il croit être la vraie:
”...pour ce qui est de la proposition de fonder une Légion exclusivement étrangère, je dois émettre une certaine réserve devant une telle idée. Non parce que… enfin je veux dire, la situation est déjà relativement exacerbée, si j’en crois les chiffres qui m’ont été présentés et les rapports de l’ancien Garde des Sceaux, entre la hausse de la criminalité dans les quartiers excentrés et le climat social général qu’on a vu se manifester aux dernières élections, il y a bien une tension croissante entre les Républicains et les Shoumeïens. Forger une nouvelle légion en piochant dans cette population, sans parler de risque parce que je n’insinue pas que les Shoumeïens sont dangere- enfin, qu’ils soient… intrinsèquement néfastes, mais que les circonstances d’une oppression sociale pourrait les mener à l’être… à juste titre? Bref vous voyez où je veux en venir, donc outre ces risques là, favoriser les Shoumeïens en leur réservant des places de la soldatesque, même si on recrute également une ou plusieurs autres Légions mixtes, c’est continuer d’appuyer sur la disparité, en plus de diminuer leur mérite. Il faut au contraire les encourager à intégrer les troupes régulières et valoriser ceux qui réussissent je pense, d’autant qu’il y a un autre gros problème en vue, c’est qu’une partie du maintient de la paix pourrait, en envisageant le pire scénario possible, impliquer des opérations civiles si les tensions s’escaladeraient en violence, et je préfère ne pas avoir d’escouades non-mixtes dans ce genre de situation.”
Il ne voulait pas nécessairement le formuler à voix haute, mais il avait surtout une crainte sur l’allégeance éventuelle d’une Légion Shoumeïenne, si jamais une sécession venait à éclater ou que des répressions devaient être effectuées d’un côté ou de l’autre, une Légion non-mixte serait potentiellement envenimeuse sur l’échiquier et pourrait être antagonisée par les deux parties de la population.
”Je n’écarte cependant pas l’idée, je pense qu’à terme une Légion étrangère serait dans l’alignement des valeurs républicaines, mais je crois qu’il y a des premières étapes à franchir avant que les citoyens lambda ne soient prêts à voir une telle chose se concrétiser. D’abord réparer les relations entre les deux peuples, et ensuite seulement peut-être si l’avenir y est favorable, forger cette Légion. Nous avons déjà soulevé le fait de mettre à profit les réfugiés sur les chantiers de la reconstruction de Liberty, pourquoi pas les faire collaborer avec le Génie Militaire? Ça permettrait déjà un premier rapprochement? À dire vrai il faudrait que vous m’exposiez un peu plus les détails de votre idée pour qu’on puisse établir un chemin qui y aboutirait, mais je ne crois pas qu’y procéder directement soit la meilleure façon de faire.”
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Info personnage
Race: Elémentaire (sable)
Vocation: Mage soutien
Alignement: Loyal Neutre
Rang: B
La Porte Parole du gouvernement avait tenu à assister à la réunion d'Etat Major afin de connaître les choix des élites militaires par elle-même plutôt que d'en obtenir un résumé, son nouveau travail nécessitant qu'elle soit au centre des informations nationales. Et comme elle prenait son travail à coeur, la seule chose qui importait à ses yeux, elle se donnait à deux cent pourcents.
Elle était entrée dans la salle en saluant les présents et en rejoignant un siège alors que les gourmandes Noirvitrail faisaient déjà honneur aux mignardises proposées. Installée dans un des lourds fauteuils elle prenait de notes et écoutait.
Finalement elle se décida à prendre la parole après qu'un premier tour de table soit terminé.
- Je vais me permettre d'intervenir quand bien même je sais par avance que vous vous méfiez de l'avis d'une... Humaniste.
Elle était désireuse de rendre la vie meilleure au plus grand nombre mais elle ne supportait pas l'assistanat à outrance. Chacun pouvait et devait apporter sa pierre à l'édifice de la Nation et s'en trouvait rétribué par un salaire et un toit, c'était un juste retour des choses selon elle. Elle avait soutenu les idées de Soren concernant l'importance d'une bonne santé globale surtout au vu des épidémies qui apparaissaient partout depuis un moment, depuis le début de la Peste obscure.
- Je considère de mon côté que la défense n'est pas en soi le premier besoin de notre Nation mais je ne suis pas ici pour parler de cela. Je sais qu'en ce lieu et en ce jour vous abordez les aspects relevant de la défense nationale aussi me permettrais-je de donner mon avis à ce sujet uniquement, l'argent alloué ou pas à vos besoins et budgetisations diverses relevant du cabinet de la Grande Argentière avec l'accord du gouvernement.
Elle se tut de nouveau un instant, pesant ses mots pour ne pas alourdir son allocution, elle voulait être brève et efficace tout simplement, il n'était pas l'heure des débats interminables des années passées, le temps jouait contre la Santé de la Nation dans tous les domaines. Elle avait son avis sur les réfugiés Shoumeiens et le besoin de les intégrer dans leur Nation.
Elle avait écouté aussi les requêtes d'armement et de financement techniques pour l'armada du Contre Amiral Falleswords.
Elle aurait pu rire de la requête concernant une demande perdue, elle avait été écartée sans autre forme de procès assurément et sans prévenir le principal intéressé sans nul doute, la politique menée par feu Mirelda avait eu bien des écueils et ce non souhait d'améliorer la flotte n'était il pas à l'image de la traitrise sous jacente dans l'ancien gouvernement au profit de l'Assemblée? Elle avait souri cependant, encore les Wessex, c'était là malgré tout le souci de leur nation, les grandes familles faisaient le jour et la pluie dans leur pays pourtant régi par de nombreuses lois et codes... Elle se disait parfois que les Populare avaient raison d'en vouloir aux nantis, tout restait toujours entre leurs mains, mais... n'était-ce pas pour le bien commun que cela se passait ainsi? Elle remettrait éventuellement en cause ses idéaux politiques plus tard.
Elle avait laissé ensuite son ami Falconi prendre la parole, bien entendu que le cas des réfugiés de Shoumei que ce soit d'un point de vue religieux ou militaire reste complexe mais ils sont un atout à ses yeux .
- Gardons quoi qu'il arrive en tête que pour l'armée, la reconstruction, demain, la façon dont nous accueitet intégrons les réfugiés de Shoumei sera décisif. Ils ont tout perdu pour la plupart, ils sont déracinés et ont besoin de pouvoir envisager demain. Cette nouvelle Légion devrait être dirigée patun réfugié qui deviendrait figure de proue, il faut bien le choisir, si possible un non diviniste voire un simple non pratiquant, sa cultutcompte mais il ne faut pas un zélote. Ensuite l'armée... Envisageons un programme spécifique. Programme accessible aux volontaires qui devront servir quelques semaines, mois à la reconstruction de Liberty. Une fois ce labeur réalisé cela leur ouvre le droit de postuler à la GAR sous condition. Une année de service dans des légions variées, mélangés avec des républicains et cette année écoulée l'accès à la perle de vote a la nationalité par exemple et ensuite seulement ils pourront postuler dans une légion spécifique qui pourrait avoir des techniques de combat spécifiques ? Je ne suis pas militaire ni tacticien ne même si le battre fait parti de mon sang et la nature élémentaire. Ce sont des idées sans chiffres et dates réelles par contre, des graines semées.
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« Contre-Amiral Fallensword, je comprends parfaitement que la piraterie ne cesse de s’amplifier, mais j’ai l’impression désagréable que vous ne mettez pas le poids du corps au bon endroit,commenta Eulalie dans un sourire. Je conçois que le gros de vos efforts doivent être concentrés sur la consolidation de votre flotte et la formation de vos effectifs pour détruire définitivement la menace pirate dans les environs des îles paradisiaques. Cela, j’y souscris amplement. En revanche, en quoi un navire bardé de mithril est-il un besoin impérieux mis à part créer un symbole que la piraterie s’efforcera de couler ou de capturer dans le mois qui suit ? Notre mithril sera plus utile à des projets moins clinquants et plus modestes. S’il disparait dans les profondeurs, nous serons la risée du Sekai et l’ensemble de la classe politique vous enverra par le fond avec non pas du mithril aux pieds, mais du plomb. »
Théodora de Noirvitrail, qui feignait d’être concentrée sur ses notes, releva la tête et son regard froid transperça les dorures du costume du contre-amiral.
« Une campagne militaire ? Excusez-moi, contre-amiral Fallensword, mais j’ai du mal comprendre. J’ai cru un instant que vous aviez été promu amiral de la flotte, mais peut-être mon ouïe me fait-elle défaut … »
Sa sœur l’arrêta d’une main sur son avant-bras. Il fallait laisser le contre-amiral se découvrir avant toutes choses.
« Contre-amiral, je suis curieuse d’entendre ce que vous avez à dire. Mais d’abord, permettez-moi de répondre aux remarques formulées par madame la sénatrice et monsieur le président. »
La générale fit semblant de trier ses papiers et s’éclaircit la voix. Les propos de Dorylis venaient de lui donner du grain à moudre et elle allait pouvoir tirer son épingle du jeu à partir de ça.
« Il est intéressant de constater que les positions des Humanistes ne sont pas nécessairement plus républicaines que celles des Optimates quand il s’agit d’intégration au sein de notre pays. Madame la sénatrice, vous connaissez suffisamment notre parcours pour savoir que nous avons obtenu notre citoyenneté après des générations au sein de la République et l’absence totale de politique d’intégration. Les Reikois installés en République ont joué le jeu des institutions républicaines et sont adaptés aux règles en vigueur, mettant de côté certaines de leurs coutumes, en adoptant d’autres. Aujourd’hui, aucun Républicain digne de ce nom n’oserait contester notre citoyenneté, acquise selon les mêmes critères que les natifs. Madame la sénatrice, je me dois de me ranger à l’avis du président de la République. Si une légion shoumeïenne ne saurait retenir vos faveurs, l’intégration dans diverses légions déjà en place se révèlerait une solution plus adéquate … »
Elle prit le temps d’une respiration et continua sur sa lancée.
« En revanche, madame de Rockraven, j’émets un avis défavorable à traiter les déracinés du Shoumeï au travers de programmes spécifiques qui créeraient à terme une citoyenneté à deux niveaux. L’enfer est pavé des meilleures intentions et je ne peux malheureusement pas souscrire à l’idée de créer un « programme spécifique » qui leur accorderait des droits différenciés, ou mettrait sous des conditions différentes l’accès à la citoyenneté ou à la Grande Armée. La fierté de la République est de prodiguer un égal accès à la citoyenneté pour tous ceux qui en font la demande, pas de créer des citoyennetés à plusieurs niveaux et des filtres selon les origines. Les conséquences sociales seraient désastreuses, notamment auprès des Reikois s’étant installés dans la République, mais aussi les Shoumeïens, qui seraient immédiatement vus comme des gens de peu de confiance. Les conditions d’accès à la GAR doivent rester les mêmes et tout le monde doit participer à l’effort de reconstruction de Liberty, pas uniquement les Shoumeïens. Ces derniers ne veulent pas de notre pitié, ils veulent être traités de la même manière que nous traitons chaque être humain. »
Ni Falconi Genova ni de Rockraven ne pouvaient comprendre l’injustice qu’il y avait à être traités comme des citoyens de seconde zone. Les Shoumeïens méritaient de faire leurs preuves sur la même base que tout postulant à la Grande Armée. Les cantonner à des postes subalternes, ou les faire trimer dans les chantiers de reconstruction était la meilleure manière de créer une rancœur chez eux. Fuyant l’enfer, les voici exploités sur leur terre d’exil, obligés de donner le double de gages quand un natif pouvait obtenir de hauts postes aisément … Cette idée était insupportable à madame de Noirvitrail. Le recrutement devait se faire sur la même base. Pas de traitement de faveurs, pas de programmes spécifiques, … Les Shoumeïens qui souhaiteraient postuler dans l’armée trimeraient de la même manière que les autres.
« Procédons à la conscription des Shoumeïens qui veulent rejoindre les rangs de la Grande Armée pour défendre la terre qui les accueille. Nous ne leur promettrons rien de plus que ce que nous offrons déjà : du travail et une solde. Pour ceux qui ont tout perdu, vous n’imaginez pas la valeur d’une telle offre. Aucun traitement de faveur, aucune mise au rebus. Les effectifs recrutés rejoindrons les légions qui manquent de personnel. Concernant désormais la Troisième légion … Eulalie ? »
La Noirvitrail au ruban rouge ouvrit le sceau qui protégeait une épaisse liasse de feuilles préparées depuis plusieurs jours par l’administration militaire. La jeune femme les fit passer au président Falconi et en expliqua la teneur :
« Monsieur le président, vous trouverez ici toutes les promotions internes qui ont été réalisées depuis la fin de l’attaque de la capitale par l’Assemblée. Si la plupart des promotions tombent sous notre juridiction et ne requièrent pas votre approbation, nous attirons votre attention sur celle qui la nécessite, à savoir le remplacement du commandement de la Troisième Légion. Cette dernière tombant désormais sous notre responsabilité, nous vous proposons une nomination, qui, nous l’espérons, fera consensus aussi bien chez madame de Rockraven que vous. Il s’agit de dame Léonora de Hengebach. Noble shoumeïenne, celle-ci s’est illustrée lors de la défense du rempart sud pour ses qualités de commandement et son sang froid à toute épreuve, nous évitant de nombreuses pertes. Elle correspond au profil que vous recherchez tous les deux : une Shoumeïenne méritante et une personne capable d’être une figure de proue, tout en étant parfaitement loyale à nos valeurs. Nous souhaitons l’affecter au poste de lieutenante de la Troisième Légion. »
La proposition avait tout pour séduire. Les sœurs Noirvitrail parvenaient ainsi à concilier les désirs de la sénatrice humaniste, qui souhaitait un commandant shoumeïen à utiliser comme figure de proue, tout en concédant à Falconi le fait de répartir les effectifs shoumeïens dans chaque légion de manière standard pour le recrutement, évitant ainsi de créer une légion uniquement shoumeïenne. Mais en contrepartie, elle damait le pion à Dorylis et à son idée de créer une citoyenneté à deux vitesses où les Shoumeïens devraient prouver deux fois plus leur attachement à la République en s’occupant des tâches subalternes.
« Une telle proposition recueillerait-elle votre assentiment ? Une campagne visant à recruter de nouveaux éléments dont des Shoumeïens, promotion de Léonora de Hengebach comme figure de proue de cet engagement pour les valeurs de la République et reconstitution des effectifs ? Le coût d’une telle opération sera probablement bien moindre qu’un navire-amiral en bardé de mithril. »
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Falconi est surpris de l’intervention de la Porte-Parole dans la conversation, le rôle de de Rockraven à la réunion est supposé être principalement une qualité d’observation mais l’élémentaire de sable au vénérable âge plus vieux encore que toutes les personnes réunies dans la pièce invite le Président à respecter sa participation. L’oeil gauche atrophié du Genova furete discrètement en direction de Dorylis en écoutant ses propos, et si l’absence de paupière lui permet d’éviter d’écarquiller l’oeil à l’entente de sa première phrase, son oeil bien valide trahit son étonnement l’espace d’un instant. La Défense? Pas une priorité? Falconi a presque envie de se lever de sa chaise pour écarter les rideaux de la fenêtre et pointer du doigt le paysage endommagé de la capitale qui s’étalerait sous leurs yeux, mais il continue simplement d’écouter la Ministre. Une des grosses nuances de la réunion de l’État-Major en comparaison du Conseil des Ministres est la nature de l’objectif que le Président cherche à atteindre, les hauts-gradés de l’armée sont ses conseillers stratégiques, les experts dans leur domaine qui connaissent non seulement la réalité du terrain mais aussi celle de la logistique, et qui ont une vue d’ensemble plus détaillée que celle du politicien en ce qui concerne les opérations futures. Ici, le but de Falconi n’est pas de prendre des décisions, puisque de toute façon le budget militaire a déjà été estimé par la Grand Argentier, mais bien de travailler à la concrétisation de la vision gouvernementale. La GAR et la Marine sont là pour exécuter, et non pour diriger.
Il écoute enfin la réponse de la Général de Noirvitrail alors que les soeurs façonneuses se cèdent la parole les unes aux autres. Le Patriarche n’est pas le moins du monde amusé par les piques lancées à l’encontre du Contre-Amiral, c’est à l’état qu’il incombe de juger des intérêts que représentent ses projets et non aux collègues. Sachant en plus que tous sont là pour supposément oeuvrer dans le même but sous un nouveau dirigeant dans un contexte de crise, il n’y avait plus de place pour les enfantillages des rivalités militaires de bas étage. Le Président lève une main pour prévenir l’arrivée des surenchères, sentant bien que Vandaos rentrerait dans le jeu d’Athénaïs et les précipiterait dans une boucle dont non seulement ils n’en finiraient pas, mais en plus risquerait de détériorer outre-mesure les relations entre les deux nouveaux membres de l’État-Major:
”Je vous remercie Général.” Il pose sa main sur le dossier que lui tend la soeur Noirvitrail, et continue de parler avant d’en regarder le contenu, ”Votre opinion compte grandement dans les prises de décision du pays touchant à sa sécurité nationale, mais je vous sommes de le faire dans le respect et la considération non seulement de vos aînés, mais surtout de vos collègues. Le Gouvernement actuel s’efforce de faire fonctionner la cohabitation, je vous invite à en faire de même.” Il glisse ensuite la pochette que lui a remis Eulalie jusqu’à lui et l’ouvre enfin pour en lire le contenu. ”Après avoir entendu ce que vous aviez tous à dire et en considérant également les direction gouvernementales établies lors du dernier Conseil, la République ne poussera pas immédiatement à l’établissement d’une Légion shoumeïenne. Elle ne poussera pas non plus au recrutement discriminatoire, elle ne l’a jamais fait, et il n’y a aucune raison que le changement vienne de là. Le but de notre politique est de réduire le clivage entre les peuples, pas d’en favoriser un, les Shoumeïens ne seront ni traités avantageusement par l’armée dans les opportunités dont ils bénéficient, ni mis à l’écart ou restreint d’accès.”
Falconi se tourne ensuite vers la Directrice de l’Hebdo-Républicain.
”En revanche notre communication mettra l’accent sur ces Shoumeïens qui ont réussi. Les Légions resteront mixtes mais il y aura une meilleure mise en valeur des bons éléments.” Les yeux dépareillés de Falconi parcourent la liste des noms, des grades et annotations de nomination. En regardant le palmarès de la fameuse Léonora, son regard se détourne vers Dorylis en crispant la bouche et en haussant les sourcils pour indiquer son admiration. Il tend le dossier à la Porte-Parole pour qu’elle puisse le consulter également. ”Un bon choix, regardes, qu’est-ce que tu en penses? Général Noirvitrail, la reconstitution des effectifs sera sous votre responsabilité, vous devrez coopérer avec la rédaction en chef de l’Hebdo Républicain afin d’adopter la politique de mise en avant, mais vous veillerez au respect égalitaire des ethnies sous vos ordres.” Falconi s’interrompt pour tousser et desserrer légèrement le col de sa chemise. ”Pour ce qui est de la reconstruction, les Shoumeïens ne seront pas les seuls mis à profit, nous prendront seulement l’opportunité pour effectuer un recrutement de masse chez les travailleurs civils motivés qui souhaitent servir le pays. Qu’ils soient citoyens ou étrangers, en mettant avant toute chose la lumière sur ceux qui oeuvrent pour le redressement de la République. Je pense également que…”
Falconi se tourne en direction de Vandaos et lui adresse un regard prudent, les idées et les ambitions que le Contre-Amiral a affiché tantôt lui paressent démesurément dangereuses, mais peut-être que si ce zèle apparent peut être canalisé, alors il pourrait à l’inverse devenir bénéfique pour le pays. S’il est hors de question de mener une campagne militaire complète, le triple Président de la République voit dans les deux gradés et leurs voeux, une opportunité de réunir les intérêts sous une même bannière.
”... nous pourrions trouver un terrain d’entente qui contente tout le monde. Pour l’instant, tablons sur une opération extérieure à Shoumeï, menée par la Lieutenant de Hengebach si tel est le cas, dans le but officiel d’approvisionner des aides là bas et de délester un peu de la pression qui pèse sur les survivants des Terres. Officieusement, l’opération sera à but expérimental pour voir si nous pouvons récolter des ressources et étudier d’un peu plus près la situation à Bénédictus. Reconnaissance, prospection et récolte uniquement. Il s’agit surtout de voir si nous avons quelque chose à y gagner directement, mais il est hors de question d’investir autant de ressources aussi loin de notre nation sans une garantie certaine de-”
Le Président se fait interrompre par l’ouverture soudaine de la porte qui claque violemment contre le mur. Il redresse subitement ses yeux hétérochrome pour regarder la grande silhouette massive dans le cadre de la porte, ou plutôt, avachi contre la porte.
”Oh…”
Une élémentaire d’eau aux épaules suffisamment large pour excéder deux des Noirvitrail pose une main surprise sur le haut de la porte avant de la refermer. Ses grands yeux vitreux d’une teinte laiteuse et son sourire carnassier trônent au milieu d’une peau d’un bleu intense, ses dents pointues lui donnent une allure de squale renforcée par ses traits anguleux et sa voix rauque, éraillée par les années passées à vociférer des ordres sur un bateau et par l’exposition prolongée à l’air salin de l’océan. Des cheveux blancs en bataille tombent d’en dessous d’un tricorne de la marine républicaine tandis que plus bas, ses manches retroussées et son manteau d’officier déboutonné dévoilent un peu plus de cette teinte de peau si particulière. Des muscles abdominaux saillants se dévoilent entre les deux pans de la veste, surplombés par une poitrine crispée dont la partie exposée du sein gauche montre la naissance d’une cicatrice cachée par le reste du vêtement.
”VANDY!”
Le regard de l’Amiral Littorina se fait malicieux alors qu’elle fait un salut de la main à son subordonné en gigotant les doigts comme pour ironiser le geste. Il faut dire que malgré ses sept décennies de service sous la bannière républicaine dont trois à la tête de la Marine, Littorina possède un caractère bien trempé et son éternel irrespect des formalités lui donne un malin plaisir à se foutre en permanence de la bienséance. Difficile pour elle d’oublier, du haut de ses six cent ans et des poussières, l’éducation forgée par les siècles passés sous le pavillon noir, alors jouer aux aristocrates avec les membres des Grandes Familles c’est trop lui demander. Elle pointe un doigt sur le Contre-Amiral qu’elle avait elle-même sélectionné il y a des mois dans la liste de candidats qu’on lui avait passé, et dit à l’attention des autres personnes présentes dans la salle.
”Lui j’l’adore, il a une de ces têtes morbleu, il caboche bien j’vous jure.” Littorina ne prend pas pour autant la peine d’aller serrer la main à son confrère malgré le compliment à la sincérité douteuse. Elle écarquille cependant les yeux en apercevant les soeurs Noirvitrail. ”MAIS C’EST MES CHAMPIONNES!” Littorina contourne le bureau avant de se pencher entre deux des soeurs pour les affubler d’une étreinte inconfortable, chacune étouffées par un de ses gros bras, avant de passer ses doigts dans les cheveux bouclés de la troisième d’une manière infantilisante. Son sourire déjà grand s’élargit un peu plus en dévoilant des gencives d’un rose contrastant avec sa peau bleue. ”Oh je vous adore vous aussi, je vou-za-dore!” Se tournant enfin pour faire face aux deux politiciens de la pièce, l’Amiral calme un peu son expression joviale déplacée pour prendre une mine non moins facétieuse, mais plus sérieuse. ”M’dame Rockmachin, M’sieur l’Président.”
”Amiral Littorina ravi de voir que vous êtes toujours aussi… enjouée par vos responsabilités après toutes ces années.”
L’élémentaire revient du côté Marine de la table pour se diriger vers la chaise à côté de celle de Vandaos, normalement destinée au Vice-Amiral absent, elle claque des doigts avant même d’être arrivée et la chaise s’anime toute seule pour que son dossier vienne se ficher dans la paume de sa main. Avec une nonchalance et une impolitesse extrême, Littorina s’affale sur l’assise d’un seul coup, joignant les mains derrière sa tête après avoir déposé son tricorne sur le dossier, tandis qu’elle se balance sur les pieds arrières de la chaise pour mettre ses bottes militaires sur la table.
”J’vous préviens M’sieur Genova j’ai été gâtée sous Mirelda, j’ai même eu l’droit d’annexer Kaizoku et d’me battre cont’ le Reike, alors maintenant j’ai des exigences-”
”Commençons par mon exigence de votre ponctualité. Montrez l’exemple Amiral.”
La goguenardise ne quitte pas le visage de l’ex-pirate tandis qu’elle ignore la remarque pour poser une question impertinente:
”D’accord mais on a déjà commencé à parler des trucs de Vandy? Y’a tout plein d’bonnes idées, j’sais pas s’il en a d’jà cité mais moi j’suis pour.” Elle voulait certainement parler de la lutte contre la piraterie, étant donné qu'elle haïssait suffisamment les flibustiers pour avoir décidé de retourner sa veste il y a moins de cent ans.
”Eh bien justement à ce propos…” Falconi pivote sur sa chaise pour maintenant se placer du côté de Vandaos. ”Concernant la reconstruction de la flotte et caetera, vous disposez de la part de budget qui vous est alloué. Vous souhaitez obtenir la construction d’une nouvelle escadre alors ainsi soit-il mais comprenez que le relancement des chantiers navaux de Courage empiètera immanquablement sur le budget expéditionnaire. Pour le reste, avant d’être subitement interrompu par l’Amiral…” Falconi adresse un regard littéralement noir à Littorina, il a beau connaître la femme pour avoir passé ses deux premiers octennats à l’avoir dans son État-Major, il est tout de même passablement agacé de son retard à un moment aussi crucial, en sachant qu’il y a justement de nouveaux membres au conseil. ”... je disais donc que la mission à Shoumeï permettra la triple fonction de pouvoir mettre en avant la Lieutenant de Hengebach et la troisième Légion, de valoriser et d’intégrer les Shoumeïens aux rangs républicains, et de permettre à notre Marine d’effectuer une mission extérieure. Ça nous permettra à la fois de mener une première approche du problème bénédictain, mais aussi de pouvoir mieux estimer les coûts d’une opération militaire sur les terres inhospitalières.”
Faisant fi de l’Amiral qui accorde un signe d’approbation au Fallensword, Falconi continue:
”Pour ce qui est du vaisseau amiral en construction, c’est Wessex Maritime qui assure de toute façon la construction du navire, les réserves de Mithril dont il est question sont privées, et non nationales. Pour ce qui est du coût euh, et bien je vais vous faire la même réponse que l’expédition extérieure, vous avez le droit de puiser dans le budget alloué pour compenser les coûts de production de ce navire. Cependant vous devez comprendre également, et je le dis en connaissance de cause hein j’ai vu les plans du navire et les croquis finaux, que ce bateau sera plus qu’un outil de maintien de l’ordre naval. Ce sera un symbole de force et de rayonnement de la République. Un tel bâtiment est un outil de moral, de dissuasion, de propagande et d’influence, avant même d’être un navire de combat.”
Le Président se cale dans le dossier de sa chaise et écarte les mains le long du bord de la table, glissant ses doigts le long des échancrements.
”Ai-je été clair? Est-ce qu’il y a la moindre question que… euh… que je puisse éclaircir?”
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Info personnage
Race: Triton / humain
Vocation: Mage noir
Alignement: Loyal neutre
Rang: B
Pourtant le Contre-Amiral avait sa place autour de cette table au même titre que les autres et il était de son devoir d’être force de proposition ainsi que d’alerter le chef d’état-major des priorités stratégiques et des opportunités qui s’offraient à eux. Et l’Officier Général de la Marine ne comptait pas se taire car lorsque tout serait dit, il aurait à la fois sa conscience pour lui ainsi que des munitions “politiques” pour les années à venir, quel que soit les choix du Président.
Néanmoins ses demandes “matérielles” semblaient rentrer dans les clous. Un miracle ? Ou allait-il se retrouver sans aucune marge de manœuvre sur ses opérations extérieures ? Mystère car Falconi Génova donna la priorité à la GAR et au “cas” des shoumeïens.
Contre toute attente, c’est Dorylis qui prit la parole. *Mais elle n’était pas venue qu’en tant que spectatrice celle-là ? Mazette, il allait falloir subir l’idéologie humaniste en plein conseil de défense, la blague... * Le Contre-Amiral Fallenswords décrocha à la deuxième phrase lorsqu’il entendit que la défense n’était pas la priorité de la Nation. Plutôt que d’enrager, il décida d’aller piocher dans sa sacoche, de relire discrètement ses notes tout en écoutant la conversation d’une oreille distraite. Le Nécromancien avait déjà son idée sur la question des shoumeïens après tout...
Alors que l’Officier Général s’attendait à ce que la Général Noirvitrail défende sa propre vision du “cas” des Shoumeïens, quelle ne fut pas sa surprise quand il constata que la tirade des trois Sœurs commençât part une sape en bonne et due forme de “ses” propositions.
*Mais de quoi je me mêle la “parvenue” ? Qu’est-ce que t’y connait en stratégie navale ?*
Seule la bienséance et son éducation aristocratique – un grand merci à la gouvernante qui a eu fort à faire à l’époque – l'empêcha de répliquer quelques remarques acides sur la “non-compétence” de la jeune femme concernant sa critique sur son Navire Amiral. C’était son seul vrai accomplissement depuis qu’il était en poste et elle le débinait ? Mais qui était cette jeune femme pour se croire tout permis en présence du Président ? Vandaos Fallenswords fulminait, serrant les dents pour ne pas s’emporter et cracher tout son venin. Il ferma son poing de sa main qui traînait sur la grande table de réunion et qui tapotait des doigts quelques secondes auparavant.
Lorsqu'une des Soeurs Noirvitrail enchaîna sur une grosse pique concernant son grade et sa suggestion de campagne militaire, le quadragénaire ferma les yeux pour ne pas exploser et tenter de retrouver son calme intérieur. Difficile, TRES difficile avec toutes les insanités que son cerveau reptilien lui demandait de hurler ! Mais lorsqu’enfin elle décida de lui lâcher la grappe pour revenir à sa fonction et traiter la question que le Président avait mis sur la table, Vandaos réussi à retrouver un peu de contenance même s’il n’avait pas changé d’un iota concernant son idée qu’il se faisait de la Générale Noirvitrail.
*Quelle peste ! Elle n’a même pas compris pourquoi elle est là et elle se permet de se foutre de moi... La vengeance est un plat qui se mange froid, Noirvitrail et je compte bien ne pas laisser passer ma chance lorsque le temps sera venu de te faire chuter. Mais pitié, en attendant, faîtes quelque chose Président Génova : ce conseil de défense est une farce !*
Surtout que le carquois à carreaux de la Générale nouvellement promue était bien rempli, il y en avait même pour Madame la Porte-Parole du gouvernement ! Noirvitrail était en roue-libre.
*Pitié Président...*
Même si sur le fond il ne pouvait être que d’accord concernant sa façon d’aborder le cas des recrues shoumeïenes, comparé l’Humaniste aux Optimates, c’était poussé loin le bouchon. Elle n’eût droit qu’à des regards noirs de Vandaos Fallenswords qui s’accentuèrent lorsqu’elle revint à la charge en toute fin de discours en étrillant une nouvelle fois sa petite “merveille toute de Mithril vêtue”.
Ah, enfin l’intervention du Patriarche des Génova... Dieu bénisse ! Qui commence bien évidemment par une remise en place de la Générale : un peu mollassonne la remise en place mais Vandaos connaissait le vieil homme surtout à travers les commentaires de son père et s’il était consensuel devant tout le monde, il soupçonnait que ça ne devait pas être le quart de sa façon de penser qui se traduisait dans ses mots.
C’est donc un peu plus apaisé que l’Officier Général de la Marine écouta la résolution de l’affaire des shoumeïens. Pas de discriminations, beaucoup de pommade : un choix avisé selon le quadragénaire. La reconnaissance est une récompense à coût zéro et pourrait largement suffire aux réfugiés. Affaire classée.
Lorsque le Président se tourna vers lui, c’est pour évoquer une opération extérieure au Shoumeï. Le Nécromancien n’avait que peu de temps pour analyser cette demande qui semblait être faite pour le contenter... Pourtant, il n’avait pas vu la résolution du “problème” sous cet angle et avait une stratégie bien plus globale à proposer, bien plus profitable pour la République selon lui. Mais quand le Président fesait un pas vers vous, difficile de le rembarrer... De plus il semblait vouloir régler la question au plus vite, or lui avait planché un sacré paquet d’heures sur son plan pour qu’il soit remplacé d’un revers de main par une action minimaliste. D’ailleurs, on ne décidait pas de la stratégie militaire de la République en une demi-heure quand même ?
L’arrivé de l’Amiral fût la bienvenue, sa légèreté légendaire lui permit de lui donner du temps pour mettre en ordre ses idées tant la proposition soudaine du Président l'avait perturbé. Cette vielle chouette était toujours la même que quand il l’avait connu à l’école navale : la ponctualité et les manières, ce n’était vraiment pas son truc. Il salua sa supérieure avec un petit sourire amusé : sa fraîcheur et son insubordination notoire, c’était un divertissement bienvenu pour faire retomber un peu la pression qui commençait à s’accumuler sur ses épaules. Bien évidemment, le Président la remet à sa place ce qui ne perturba pas le moins du monde Littorina. Si Vandaos était outré par ses manières, il n’en montra rien car d’un il était au parfum depuis bien longtemps...De deux, lorsqu’il était encore qu'un jeune étudiant, il l'avait payé cher lorsqu’il s’en était plein à l’intéressée. Chat échaudé craint l’eau froide. Et de trois, il n’avait personne pour le soutenir à cette table et si cette dernière pouvait appuyer son plan, ça ne serait pas de refus...
Une fois la comédie terminée, Falconi reprit son petit discours, n’omettant pas de préciser qu’il allait serrer la visse budgétaires à cause des extravagances du Parangon de Justice. Pour ensuite lui donner une mission bien plus grande que celle à laquelle il était destiné, ça devrait mériter une petite rallonge non ? En tout cas l’idée du Contre-Amiral avait tapé dans l’œil du Président qui s’était donné la peine de regarder personnellement les plans alors qu’il venait tout juste d’être élu : bien sûr, en tant que vieux roublard de la politique, il avait cerné tout ce qu’impliquait un tel Navire.
C’est très clair pour ma part, Monsieur le Président. Je vous remercie pour l’attention que vous avez porté à mon futur Navire Amiral et sachez que je mesure complètement la portée d’un tel symbole et saurait m’en montrer digne. Par contre, j’aimerais revenir sur l’Opération extérieure que vous souhaitez mettre en place.
Fouillant dans sa sacoche, Fallenswords s’arrêta net de parler. Il sortit quatre parchemins qu’il posa devant lui, se leva et en déplia un au milieu de la table. C’était une carte des mers du Sud avec quelques annotations.
C’est la première étape du plan que je souhaitais vous exposer Monsieur le Président. Je pense qu’il est essentiel de voir les choses dans sa globalité.
Vandaos pointa son doigt sur l’île de Kaizoku.
Depuis la perte de Kaizoku, nos flottes n’ont plus de point d’ancrage logistique dans le Sud, ce qui entraîne mécaniquement une baisse du temps opérationnelle de nos patrouilles. Moins de patrouilles, plus d’attaques et donc moins de commerce. On peut dire ce qu’on voudra de la politique expansionniste de feu la Présidente Goldheart, elle a tout de même chassé les Pirates de l’île. Actuellement, selon les derniers rapports du SCAR, l’île n’est peuplé que de quelques malheureux villages de pêcheurs.
Le quadragénaire regarda alors le Président droit dans les yeux, quoiqu’un peu gêné par son regard bizarre.
Le contrôle des mers du Sud passe par Kaizoku. C’est un miracle que les Pirates ne l’aient pas encore ré-investi. Je vous en prie, ne faîtes pas comme l’administration précédente et ne laissez pas passer notre chance de reprendre l’île après tous les sacrifices passés. Nous sommes à la croisée des chemins et il est encore temps d’agir. C’est un débarquement facile qui nous attend puisque nous connaissons parfaitement les lieux et il n’y aura qu’une piètre résistance si résistance il y a. Par contre dans quelques mois, lorsque nos ennemis auront décidé de reprendre l’île, ce sera retour au point de départ : nous aurons des chantiers navals à la solde des pirates qui produiront assez de bateaux pour décimer ce qui reste de nos voix maritimes.
Il se redresse et s’adresse cette fois-ci à l’ensemble de la tablée.
En sécurisant les mers du Sud, nous empêcherons les Pirates de faire la navette entre nos iles paradisiaques et le Shoumeï où je soupçonne qu’ils se terrent actuellement. L’ancien royaume diviniste grouillant de monstres, je suppose qu’ils doivent avoir des problèmes logistiques majeurs et tôt ou tard, leur attention se portera sur l’île où ils étaient autrefois les maîtres incontestés. Cependant, si nous reprenons Kaizoku, nous offrirons la possibilité à nos flottes et à notre Grande Armée d’avoir un point de relais essentiel à notre opération au Shoumeï. Car si l’on envoie une légion là-bas sans avoir sécurisé la zone auparavant, c’est prendre le risque de se faire attaquer pendant le débarquement par les Pirates avec des troupes qui ont trois semaines de voyages dans les pattes. On prend également le risque de laisser le Lieutenant de Hengebach piégé au Dorei sans pouvoir la ravitailler ou sans pouvoir évacuer les blessés. Un fiasco fort probable mais évitable.
Un regard à la carte puis le Contre-Amiral se pencha à nouveau dessus et passa son doigt sur la mer qui sépare Kaizoku du continent.
Et il faut penser dès maintenant à l’après. Pensez aux richesses contenues dans cette mer, les cargaisons des bateaux coulés qui n’ont jamais été récupéré depuis combien de temps ? Pensez à l’île, une fois qu’elle sera rebâtie, la manne commerciale qu’elle va générer avec le continent. Et c’est notre porte d’entrée au Shoumeï, la possibilité d’avoir du ravitaillement et des troupes fraîches à quelques jours de la zone de combat.
Puis le doigt de l’Officier Général prit la direction des mers de l’ouest, dépassa la carte et remonta.
Ensuite ce sera également notre étape clé pour reconquérir la route maritime qui remonte jusqu’à Sancta et bien sûr, Aquaria.
Le quadragénaire à l’uniforme blanc impeccable se releva et s’adressa au Président.
Monsieur le Président, puis-je vous exposer le plan d’action que j’ai à vous proposer ?
crédits : 1852
Adossé contre son siège avec une moue circonspecte, le Président de la République écoute l’entrain avec lequel le Fallensword défend son bout de gras, enfin un bout de gras, un bout de terre calcinée sur laquelle poussent avec difficulté une végétation chancelante si on en croit les rapports d’obeservations dressés par les Goldheart depuis le fiasco de Kaizoku. Les lèvres de Falconi, déjà fines lorsque son visage est au repos, deviennent carrément invisible quand il se les pince sous un léger effort de concentration. Son oeil droit plissé en écoutant le Contre-Amiral et son oeil gauche sans paupière faisant de son mieux pour en faire de même manifestent la réserve que le Conservateur émet à l’égard de de ce plan, alors qu’en réalité il aime plutôt bien ce qu’il entend. Il en est même friand. L’officier supérieur de la Marine a raison quand il parle de Kaizoku comme d’un point stratégique, l’île l’a toujours été mais la politique de non-ingérence de Falconi à l’époque où le Shoumeï existait encore et que l’équilibre des trois nations était le status quo à maintenir faisait qu’aucune des trois grandes puissances mondiales n’avaient osé s’attaquer au centre d’activité pirate. La peur de se retrouver en déséquilibre diplomatique avait jusqu’alors tenu en laisse chacun des pays mais avec le Shoumeï hors de l’échiquier les cartes étaient battues et redistribuées. Si Kaizoku redoublait d’intérêt stratégique, le Patriarche des Genova est cependant plus méfiant des tournures de phrases de son Contre-Amiral, le représentant de la République vient tout juste de rembarrer une proposition de campagne et il voit très bien se dessiner sous les propositions constructives de Vandaos, une ébauche de ce qu’il croit pouvoir obtenir de lui.
Falconi balade son regard dépareillé sur le visage noble du cousin de Sigfried, son expression asymétrique rend difficile de déchiffrer les émotions du Président et donne à son regard un air lugubre à cause des reflets noirs et orangés de sa sclère atrophiée, il ne peut s’empêcher de remarquer que tout au long de l’exposition des plans du Contre-Amiral, Littorina n’a de cesse d’adresser des sourires carnassiers où s’alignent ses blanches dents pointues à chaque propositions de son subalterne. Si Falconi acquiesce avec prudence, il est évident que l’élémentaire n’a quand a elle aucune retenue.
”Vous avez le feu vert pour réinvestir Kaizoku.”
Le Genova se penche un peu en avant sur son siège en décollant ses lombaires du dossier et réajuste sa chemise et son veston plaqués contre son dos, il désigne ensuite la carte d’une main ouverte avant de continuer:
”En soutien à la Troisième. Cependant j’aimerai rappeler à l’ordre les contraintes dans lesquelles vous évoluez Officiers. La République n’est pas juste en crise, elle ne traverse pas simplement une période de mauvaise récolte, il s’agit là d’une récession nationale. Nos citoyens ont été attaqués à plusieurs reprises sur leur terre natale, notre première priorité est de les défendre. Notre première priorité.” Il appuie ces mots d’un index tendu tout droit entre ses yeux et ceux du Fallensword. ”N’oubliez pas que c’est la GAR et la Marine qui servent la République, pas l’inverse. Kaizoku est une bonne étape nécessaire à la réalisation de cette opération en Shoumeï, mais non seulement les coûts doivent être limités au minimum possible, mais en plus de ça le SCAR n’est pas non plus prêt à agir en extérieur. Vous vous coordonnerez avec le Vice-Président le moment venu, mais l’organisation est en pleine restructuration après ses… cuisants échecs depuis sa création.”
”Franchement pour Kaizoku ils avaient assuré.”
Falconi redresse la tête en écarquillant son deuxième oeil, dévisageant l’Amiral avec un regard interdit devant ce qui ne pouvait qu’être une mauvaise blague, mais l’expression sincère sur le visage de Littorina est troublante.
”Y’a quatre ans.” Elle se rattrape subitement en comprenant la mésentente, avant de ricaner mesquinement. ”Y’a quatre ans haha, parce que ouais, après ça c’était pas jojo.” L’Amiral tente de détourner l’attention en attirant un croissant par mouvements d’air depuis le buffet situé derrière les soeurs Noirvitrail, mais la viennoiserie se fait intercepter sur le trajet.
Pendant que Falconi se reconcentre sur Vandaos et laisse l’Amiral se chamailler silencieusement avec une des Générals, il reprend:
”L’opération devra donc attendre que le SCAR soit opérationnel pour prendre en charge une opex, hors de question d’envoyer qui que ce soit au casse-pipe en dehors de nos terres natales, la République a déjà assez donné récemment. La Troisième ira à Shoumeï avec toute la préparation qui leur est due ou n’ira pas, et actuellement l’état n’est pas en mesure d’avoir confiance en leurs capacités. Par contre Kaizoku peut déjà être récupérée et aménagée le temps que nous restructurions l’institution d’espionnage. Ensuite seulement nous considérerons le débarquement de la Troisième et l’acheminement d’aides et de ressources.”
Il s’adresse ensuite à l’ensemble des membres présents dans la pièce.
”Général, j’aimerai que vous cogitiez déjà sur la stratégie d’approche de Shoumeï et sur les actions de la Troisième là bas, il vous faudra également maintenir une ligne de communication active et une coopération avec la presse sur place, vous travaillerez étoitement -étRoitement- avec l’Hebdo.” Il désigne de Rockraven à ses côtés. ”Contre-Amiral, puisque c’est votre plan et vos idées, vous serez chargé de la reconquête de Kaizoku et de l’établissement de notre présence maritime dans les mers du Sud. Je veux une voie la plus directe qui soit avec Courage. Amiral Littorina…” L’ancienne pirate lui adresse un coucou sarcastique de la main en entendant son nom. ”Sécurisez nos mers côtières et évincez moi cette piraterie de là, ils n’ont plus Kaizoku pour pouvoir s’y réfugier, ils sont vulnérable, c’est le moment où jamais de mettre un clou dans leur cercueil.”
Avant de conclure, il s’arrête pour autant en voyant que la Général a également amené ses propres documents à la réunion, il comprend à la vue de quelques uns de ses papiers qu’il s’agit de paperasse sans doute complémentaires au fameux plan d’action que le Fallensword souhaitait présenter.
”Il me semble que la Général souhaite également présenter ses propres maquettes stratégiques, je vous en prie. L’un après l’autre par contre, je suis curieux de voir ce que vous avez à proposer.”
crédits : 1803
Info personnage
Race: Triton / humain
Vocation: Mage noir
Alignement: Loyal neutre
Rang: B
Les partisans de Beros devaient avoir des repaires un peu partout sur les côtes, voir dans les îles paradisiaques. Mais la cité-état était leur fief depuis des lustres, ils allaient l’avoir très mauvaise quand ils comprendraient que désormais, plus jamais ils ne refouleraient leur cher île. Et s’ils tentaient de la reprendre, leur ancien havre de paix deviendrait leur tombeau.
Après le petit silence qui s’installa après la fin de la présentation du Fallenswords, tous avaient les yeux rivés sur le chef d’état-major, suspendu à sa décision. Et quelle décision ! L’Officier Général de la Marine Républicaine n’en revenait pas : il avait réussi à convaincre Falconi de la nécessité de prendre Kaizoku. Tandis que le Président exposait les conditions de l’opération, le Nécromancien jeta un petit regard à sa supérieur et lui glissa un petit sourire entendu. Ils avaient le feu vert : le saint graal de tout officier général qui se respecte !
Certes il y aurait des contraintes économiques, certes il faudrait faire sans le SCAR... Mais putain on venait d’avoir le feu vert de la Présidence ! Génova était vraiment un filou, surfant sur les opportunités bien plus subtilement qu’il n’aurait été capable de le faire lui-même : il avait eu l’intelligence de remettre en question son projet premier pour se reporter sur celui bien plus ambitieux –et plus facile- du Fallenswords. Vandaos devait en prendre de la graine, il ne pouvait qu’admirer le vieux briscard de la politique : Falconi était "l’exemple" à suivre sans aucun doute s’il voulait ensuite se lancer dans une carrière politique.
En tout cas, le Contre-Amiral avait officiellement le commandement de la reprise de Kaizoku et maintenant que le Président demandait la suite de leurs plans, Vandaos jeta un œil aux sœurs Norivitrail pour savoir qui des deux allaient reprendre la parole. Visiblement la Générale préféra lui faire signe afin de le laisser terminer son exposé.
Bien. Tout d’abord je souhaiterais vous remercier pour votre confiance Monsieur Le Président et sachez je ferai tout ce qui est en notre pouvoir pour m'en montrer digne.
Le quadragénaire à l’uniforme blanc impeccable se leva de son fauteuil, se saisit d’un nouveau parchemin se trouvant dans sa sacoche et le déplia par-dessus la précédente. C’était une nouvelle carte présentant la deuxième étape de son plan permettant d’avoir un accès à l’Arbre-Monde corrompu.
Bien sûr lorsque j’avais griffonné ce plan, je n’avais pas pris en compte que le SCAR n’était pas opérationnel... Mais concentrons-nous sur les priorités de Kaizoku. Je pense que l’urgence, une fois l’île reprise, sera de dégager le port des nombreuses épaves et de rapidement fortifier une position stratégique. Car ne nous voilons pas la face, les Pirates disposent d’une force considérable si elle est regroupée et nous ne sommes pas à l’abri d’une attaque massive dans les mois suivant notre débarquement. Pour se prémunir de cela, je propose de fortifier une position hors de portée des balistes ennemis qui nous permettra de tenir l’île même si nous perdons la suprématie maritime... Il jeta un regard à l’ensemble des membres de l’Etat-Major. Nous pourrions être amenés à diminuer la présence de nos flottes autour de l’île pour des raisons diverses et c’est pourquoi je pense qu’il nous faut une présence à terre assez forte pour tenir un petit siège avec une garnison minimum. Ce n’est pas la spécialité des flibustiers de se battre dans les terres et s’ils font l’erreur de s’aventurer sur l’île, ils s’y casseront les dents. Mais à priori avec une légion surplace, je ne vois pas comment on pourrait perdre Kaizoku.
Vandaos médita quelques secondes en regardant la carte puis reprit.
Il faudra également vite reconstruire le port de la ville et y construire une base navale. Le port pour permettre d’acheminer les hommes et les matériaux de constructions nécessaires aux différents projets ainsi qu’une base navale pour que nos flottes n’aient pas forcément besoin de rentrer à Courage pour réparation. Le Contre-Amiral regarda Falconi Génova. Je suis conscient Monsieur le Président que nous n’avons pas des fonds illimités pour cette opération mais sans ces infrastructures, notre plan tombe à l’eau. Si je peux me permettre une suggestion concernant son financement, c’est de faire appel à des fonds privés. Le gouvernement pourrait garantir une exclusivité d’accès au port de la ville pour les entreprises ayant mis la main au pot... Une concession 5, 10, 15 ans, à voir avec le Grand Argentier. Et bien sûr la nomination d’un Gouverneur à poigne avec les pleins pouvoirs pour garantir la coopération de la population locale et les délais de constructions des infrastructures. Le commandant de la Légion en garnison à Kaizoku me semble tout indiqué pour ce poste voué à disparaître lorsque la démocratie aura repris ses droits.
Pour le Fallenswords, les statuts de Kaizoku étaient flous et surement que le gouvernement aurait besoin de temps pour en créer de nouveau si ceux en place n’étaient pas adéquats. Puis le doigt du quadragénaire finit par se reporter sur Le Doreï.
Je pense néanmoins qu’envoyer une escouade d’éclaireurs expérimentés dans cette zone ne serait pas déraisonnable une fois que nous aurons repris Kaizoku. Même sans faire appel au SCAR, nous devons bien disposer d’agents capable de se déplacer en milieu hostile au sein de nos différents services ? Avoir une réelle idée de ce qui se passe au Doreï et trouver ces “Veilleurs” pour leur proposer de les aider à reprendre la ville et ses environs, avec notre aide, me semble essentiel pour la suite des opérations. Une petite expédition sera surement bien plus efficace, tout en présentant beaucoup moins de risques aussi bien militaires que politiques, qu’en arrivant avec une légion entière.
Puis le Contre-Amiral déplia deux autres cartes qui constituaient la suite de son plan.
Bon je ne vais pas épiloguer sur la suite de mon plan étant donné qu’il est en grande partie sujet à modification lorsque nous aurons reçu les rapports des éclaireurs. Et surtout qu’il n’est pas validé. Mais voilà brièvement comment je vois les choses.
Son doigt glisse sur la troisième carte proposée par Vandaos.
Evidemment si nous reprenons Le Doreï, il faudra faire un peu comme à Kaizoku. S’assurer que les fortifications de la ville soient opérationnelles, mais si seuls des monstres occupent la ville, les dégâts ne doivent pas être si considérable que dans l’ancienne Cité-Etat. Envoyer une légion pour nettoyer la ville plus les environs des créatures qui ont envahi les lieux me paraît judicieux vu l’ampleur de la tâche. Bien sûr j’espère que nous pourrons compter sur la faction shoumeïenne pour nous aider et prendre le relais. D’ailleurs il faudra surement leur fournir de l’armement et former les réfugiés qui se trouvent sur notre territoire et qui voudront rejoindre leurs rangs. La négociation sera entre les mains de nos diplomates – le Nécromancien porta alors son regard sur la chef de la diplomatie républicaine - et j’espère que vous garderez bien à l’esprit à ce moment-là que sans notre aide, ils ne pourront arriver à rien. C’est pourquoi il est important d’être ferme sur la nécessité d’obtenir à minima un accord militaire permettant le passage de notre troupe par la ville ainsi que des accords avantageux pour nos entreprises et les matières premières auxquelles nous aurons désormais accès. Un accord avec Magic pour étudier la zone corrompue me paraît également impératif.
Puis l’Officier Général reporta son attention sur la dernière carte, l’étape 4 :
Et pour finir, l’accès à Bénédictus. Pour le moment nous ne savons pas si nos chercheurs trouveront une solution pour nous approcher de la ville de l’Arbre-Monde donc là on est vraiment au bout du bout du projet. Mais si c’est le cas, il faudra envisager l’envoi de renforts –puis son doigt passe au-dessus de Maël - et éventuellement un accord avec le Reike pour un assaut commun. Après tout, nous ne sommes pas les seuls concernés par cette histoire, autant mutualisé les coûts... et les risques.
Le discours était maintenant terminé, le Contre-Amiral reprit sa place dans sa chaise à côté de sa supérieure.
C’est tout pour moi, Monsieur le Président.
Place désormais aux suggestions de la Générale Noirvitrail et aux critiques éventuelles sur son projet.
crédits : 1403
« Contre-Amiral, je vous remercie pour cette présentation de votre … plan de campagne … en quatre étapes. Reprenons depuis le début si vous le voulez bien, car je souhaiterai m’attacher en premier lieu à la cohérence générale de votre plan et à son objectif affiché. »
Instantanément, de petites figurines de plomb et de bois représentant les forces armées et opérationnelles de la République vinrent se placer sur les cartes dressées par Vandaos Fallenswords, ajoutant un peu de relief à son plan de campagne pour que tous aient une vision claire de sa proposition. Les observateurs attentifs purent remarquer les flottes de la République, les huit légions, ainsi que des figurines représentant les lieux d’intérêt. Satisfaite, la magicienne poursuivit :
« Toute campagne doit suivre un objectif affiché. Vous l’avez dit vous-même, Contre-Amiral, votre projet est de redonner à la République son statut de Grande Puissance du Sekaï. Bien que nous pourrions débattre sur le fait d’avoir perdu ou non ce statut, c’est un débat que je souhaiterai laisser à nos sénateurs et je prendrai donc pour hypothèse que c’est un statut que vous souhaitez que nous regagnions. C’est un projet auquel mes sœurs et moi souscrivons. »
La figurine représentant l’Arbre-Monde de Bénédictus se déplaça à l’endroit indiqué sur la carte. Figurine dorée, elle prit immédiatement un sombre éclat quand Athénaïs usa d’une illusion pour en représenter la corruption. Plusieurs figurines représentant les adorateurs des Titans se placèrent autour, formant un cordon menaçant autour du vénérable arbre.
« Pour rendre à la République son statut de Grande Puissance, vous proposez que la République règle d’elle-même le problème de la corruption de l’Arbre-Monde de Bénédictus et tranche la tête des adorateurs des Titans. Vous estimez, peut-être à juste titre, qu’une fois ce problème réglé, nos champs se couvriront que fleurs et que nos cités prospèreront. C’est une pensée louable et je vous souhaite de tout cœur de réussir à voir un jour une telle entreprise couronnée de succès. »
Elle déplaça alors d’un geste les figurines vers Kaizoku. Les belles miniatures de la flotte républicaine arrivèrent vers l’est, s’approchant des côtes de l’île des pirates. Non loin, une flotte peinte en noir veillait.
« Analysons désormais les quatre étapes de votre plan si vous le voulez bien. Votre première étape est de reprendre l’île de Kaizoku, de débarquer en force et de sécuriser le périmètre. Vous estimez, sans doute assez justement, que si nous ne nous réinstallons pas immédiatement dans le secteur, les pirates en feront de même et nous couperons l’herbe sous le pied. C’est une possibilité, en effet, mais il reste une grande inconnue à votre projet : les forces pirates rescapées. L’attaque de l’Assemblée nous a prouvé que les pirates n’utilisaient pas Kaizoku pour se réapprovisionner et construire leurs navires. Nos rapports indiquent que ceux-ci continuent de bâtir des navires – à un rythme certes moindre étant donné que leurs forces sont anémiques depuis notre accrochage à Kaizoku. Contre-Amiral, sécuriser un périmètre et débarquer à Kaizoku ne sera pas suffisant pour prévenir d’une nouvelle attaque. Toute opération de débarquement à Kaizoku doit nécessaire se doubler d’une recherche active de la base des pirates encore active et sa destruction. Nul doute que vos hommes seront à la hauteur de la tâche, mais ne croyez pas que le débarquement au milieu des ruines de l’île suffira à les tenir à distance. Ils connaissent cette île mieux que quiconque la dernière attaque nous l’a prouvé. Ceci étant dit, votre proposition de reprendre possession de l’archipel est tout à fait sensée et nous approuvons sans réserve ce plan.»
Les figurines se déplacèrent à nouveau vers l’île. La flotte pirate restait toujours à distance de l’île, mais de nouveaux navires républicains ainsi qu’une légion et une miniature représentant des citoyens républicains venait s’ajouter à celle d’une forteresse reconstruite sur l’île. Athénaïs reprit la parole.
« Une fois le périmètre sécurisé, vous envisagez de reconstruire l’île et d’en faire notre tête-de-pont dans la région du sud. C’est tout à fait à propos et nous aurons très largement besoin des installations portuaires pour des débarquements futurs, ou tout simplement pour maîtriser le commerce régional. Cependant … n’oubliez pas que Kaizoku est tombée suite à plusieurs facteurs qu’il convient de prendre en compte pour ne pas à nouveau répéter la tragédie d’il y a quelques mois. Tout d’abord, n’oubliez pas que la cité est en ruine, et qu’un large effort de reconstruction devra y être déployé si nous voulons la rendre viable. Malheureusement, la présence du volcan à côté et les coulées de lave qui en ont résulté montrent que reconstruire une ville à cet endroit précis serait une grosse erreur, car la prochaine fois que le volcan s’éveillera, la ville brûlera à nouveau. Si vous voulez que l’effort de colonisation soit couronné de succès, je ne saurai trop vous suggérer de rebâtir sur le versant du volcan où la lave n’a pas coulé. La terre calcinée par le volcan, quant à elle, sera prochainement suffisamment fertile pour que nous puissions y faire vivre des plantations qui nourriront nos troupes et nos citoyens. De plus, l’ancienne Kaizoku était un terrain connu pour les pirates. Si nous reconstruisons à neuf sur l’autre versant de l’île, nous pourrons facilement maîtriser la structuration de nos défenses et ainsi éviter les entourloupes pirates auxquelles nous avons fait face. En revanche … votre idée de faire venir des sans-abris de Liberty à Kaizoku est totalement hors de propos. Les sans-abris de Liberty, bien qu’étant des criminels au regard de l’article 11 de notre Code Civil, sont des citoyens de Liberty et aspirent à y rester. Nous avons d’ailleurs besoin des sinistrés pour rebâtir la capitale. Si vous voulez trouver des colons, allez chercher des volontaires dans les autres villes.
Les figurines représentant les agents du SCAR – ou du moins les éclaireurs que l’on enverrait au Shoumeï – se déplacèrent vers le Doreï.
« Vous envisagez par la suite d’envoyer des éclaireurs au Doreï afin d’organiser une résistance active face à Bénédictus avec eux puis de fortifier une position au Doreï. Outre le fait que nous ne savons pas si ces Veilleurs de l’Aube peuvent constituer des alliés adéquats, je vous rappelle que la simple présence de la corruption dans les terres de Shoumeï nous empêchera de mettre en place la moindre tête-de-pont fiable et pérenne. Si l’envoi d’éclaireurs est tout à fait possible, je ne sacrifierai pas une légion entière pour marcher sur Bénédictus, sans bénéficier de l’assurance que nous ne subirons pas les effets de la corruption. De plus, vous envisagez former un accord militaire avec des individus dont nous ne savons que peu de choses mis à part qu’ils souhaitent vraisemblablement stopper la corruption et reprendre Bénédictus. Je vous le dis clairement, votre plan comporte trop de variables hasardeuses. Il n’est pas dit que ces Veilleurs nous soient sympathiques, ni même qu’ils nous laisseront conserver Bénédictus à la fin de la campagne, ni même qu’ils ne se retourneront pas contre nous une fois que vous leur aurez donné des armes pour se défendre. Selon toutes probabilités, nous serons boutés du Shoumeï une fois la campagne terminée et nous aurons fait tout ça pour des prunes, tout en nous offrant un nouveau rival. De plus, vous envisagez que nous nous allions avec le Reike pour reprendre Bénédictus, ce qui ajoute encore plus de chances de nous retrouver pris entre deux feux. Qu’allez-vous faire de cette victoire Contre-Amiral ? Comptez-vous tenir Bénédictus, au risque de déclencher une guerre contre les Veilleurs et les Reikois ? Comptez-vous donner Bénédictus aux Veilleurs et anéantir l’objectif de la campagne ? Comptez-vous livrer Bénédictus au Reike et ainsi le renforcer ? A supposer qu’il en reste quelque chose une fois que nous serons passés … »
Nouveaux mouvements de figurines, retour à l’étape numéro 2 …
« Contre-Amiral, vous avez peut être des idées pour mener une campagne, mais vous ne savez visiblement pas quoi faire de votre potentielle victoire et vous négligez de nombreuses opportunités. Si nous suivons votre plan, nous arriverons aux conséquences suivantes : nous légitimerons les prétentions d’un futur rival, qui se retournera contre nous une fois sa ville récupérée ; nous perdrons une légion déjà affaiblie par les combats et nous nous retrouverons à la case départ, sur notre caillou de Kaizoku, mais cette fois-ci, avec les Veilleurs en embuscade, qui irons chercher des soutiens au Reike. Vous nous aurez débarrassé d’un ennemi, mais vous nous en aurez créé deux. Est-ce ainsi que vous envisagez notre retour au rang de Grande Puissance ? »
La Générale regarda d’un air doux le Contre-Amiral. Son plan comportait tellement de variables hasardeuses … Athénaïs comprenait cette volonté de servir son pays, mais il semblait espérer se servir lui-même dans l’équation. Il y avait dans ses paroles, l’ambition … pas pour son pays, mais pour lui-même. Or, en matière de stratégie militaire, les ambitieux étaient ceux qui couvraient leur chemin du sang de leurs hommes. En l’état, suivre le plan de Fallenswords était la pire des options possibles. Si la première étape restait dans ses cordes … étant donné qu’il était Contre-Amiral – ce qui n’était pas rien – les étapes suivantes de son projet montrait qu’il n’avait pas véritablement la capacité d’appréhender les choses sur le long terme. C’était probablement un marin hors pair et un capitaine d’exception, mais pour ce qui était de la planification sur le temps long, il restait prisonnier de son ambition. Athénaïs de Noirvitrail ne pouvait pas se contenter de principes aussi hasardeux que des « on verra comment faire après ». La vie de ses hommes en dépendait et si elle ne pouvait pas leur promettre de retourner sains et saufs chez eux, elle se devait de ne pas les jeter dans la gueule du loup. Il en allait de sa responsabilité, aussi l’imprécision de Fallenswords jetait le discrédit sur les capacités de prévision de l’Etat-major républicain.
Tu sais vaincre, Fallenswords ; tu ne sais pas profiter de la victoire.
« Eulalie, si tu veux bien … »
La dame au ruban rouge sortit de son étui une unique carte qu’elle étala sur la grande table de l’Etat-major. Sur cette carte, de grands traits montraient le développement d’une pensée qui s’étalait sur plusieurs années.
« Permettez-moi, si vous le voulez bien, de présenter un projet qui nous évitera de nous lancer dans des aventures militaires hasardeuses et nous permettra de préparer l’après. Ce plan part d’un constat simple : nous ne disposons pas actuellement des éléments nécessaires pour nous approcher de l’Arbre-Monde et même pour nous implanter au Shoumeï. Tant que nous n’aurons pas levé cet obstacle, toute entreprise visant à sécuriser le moindre lopin de terre nous expose à des déconvenues graves et risquerait de froisser notre ennemi : le Reike. Car ne nous y trompons pas. Si les cultistes de Bénédictus sont un souci, ce n’est qu’une menace temporaire face à l’Empire du Reike. Nous trouverons toujours à nous unir face à la menace représentée par les Titans, mais une fois la poussière retombée, il nous faut comprendre que nos alliés d’hier vont tenter de nous planter une dague dans le dos. Contre-Amiral Fallenswords, nous vous avons dit tantôt que nous souscrivons à votre idée de redonner à notre nation son statut de Grande Puissance, mais nous avons un plan moins risqué, plus prudent et plus profitable sur le long terme. Un plan qui englobe la première étape de votre campagne.
Les miniatures se déplacèrent à nouveau sur la grande table, mais cette fois-ci, elles occupèrent l’ensemble de la carte et non le simple secteur du Shoumeï méridional.
« Le projet que nous proposons vise à retrouver notre statut de Grande Puissance en misant sur nos principaux atouts et sur l’exploitation de potentiels inexplorés jusqu’alors. Je pense principalement à la diplomatie et à la mobilité de nos troupes via notre marine, mais aussi à notre avantage technologique. Notre premier axe de travail consistera donc à sécuriser nos frontières à renforcer les positions existantes. Cela passe bien évidemment par reconstruction de Liberty, mais aussi de la consolidation des bastions républicains à Courage et à Justice. Nous devons mettre la priorité sur la restauration et l’amélioration de nos forteresses afin que la tragédie de l’attaque de l’Assemblée ne se reproduise plus. Dans un second temps, nous devons reconquérir nos marches et à ce titre, la reconquête de Kaizoku est tout à fait raisonnable. »
La première partie du plan consistait à s’emparer de ce qui était immédiatement à portée et de reconstruire ce qui pouvait l’être. Pour que les frontières soient sécurisées, les forteresses frontalières devaient être réinvesties et les bastions au cœur des villes achevés. C’était un préalable nécessaire à la suite du plan d’Athénaïs de Noirvitrail. Plus la République paraîtrait prospère et sécurisée et plus elle aurait de poids au-delà de ses frontières.
« Une fois ces objectifs sécurisés, nous procéderons à la seconde étape du plan, à savoir l’élargissement de notre rayon d’action. Nous allons profiter de l’occasion pour réaliser la création de deux colonies : une première dans les ruines maudites au nord de la République et une seconde sur la partie lumineuse de Lumina Ombra. Ces deux colonies serviront de bases avancées pour nos opérations et pour mener des recherches sur plusieurs fronts. Tout d’abord, nous souhaitons explorer ces ruines et cette île, afin de trouver des ressources, des connaissances ou un quelconque avantage qui pourrait être utilisé. Ensuite, ces colonies nous permettrons d’étendre notre rayon d’action sans nous retrouver aux prises avec le Reike. Nous nous contenterons d’investir les marges où l’Empire n’a aucune prise et utiliserons le savoir-faire de Magic et de nos explorateurs pour en découvrir les richesses qui y sommeillent. Le cas échéant, des colonies nous servirons à récupérer de nouvelles ressources dans les environs. »
Eulalie déplaça alors plusieurs figurines à plusieurs endroits stratégiques de la carte avant de continuer.
« Une fois ces colonies sécurisées et les opérations de fouilles débutées, nous pourrons entamer la troisième partie de ce plan, à savoir utiliser notre principal atout : la diplomatie. Le Reike a beau avoir une force brute indéniable, ses capacités diplomatiques sont basées sur la vassalisation et la violence. C’est là que le bât blesse : les populations sous son joug goûteraient bien à la liberté. Quant à celles qui ne sont pas alignées, elles peuvent être des alliés potentiels, ou à défaut des partenaires commerciaux utiles. Une fois nos colonies établies, nous prendrons contact avec les nains des Kazan, la cité elfique de Melorn, les peuples du Grand Nord, les résistants du Shoumeï à Maël – dont vos précieux Veilleurs – et les responsables d’Aquaria. L’idée est simple : nous pouvons nouer des relations et des partenariats avec eux et nous assurer qu’ils puissent être des alliés mineurs, mais décisifs pour restaurer notre puissance. En utilisant notre influence politique et économique auprès de ceux qui ont été laissés de côté par le Reike ou cherchent juste à restaurer leur indépendance, nous nous assurerons de couper le Reike d’alliés potentiels dans les années à venir, tout en nous assurant des routes commerciales prospères. Le Contre-Amiral parlait des navires chargés d’or dans les fonds marins et il a raison … ces richesses, Aquaria pourrait nous les offrir. Et que dire des richesses de Melorn, ou de celles des forgerons des Kazan. Quant à Maël, nombreux sont ceux qui ne goûtent guère de l’influence du Reike dans la région et souhaiteraient s’en émanciper. Le Reike a après tout pillé Maël … Ce genre de chose ne s’oublie pas. Les nouvelles routes commerciales tracées viendront consolider notre économie et nous pourrons en profiter pour fouiner du côté de l’île intemporelle. »
Théodora prit enfin la parole.
« Ces actions nous permettront d’assurer la suite des opérations. Si nous menons ce plan à bien, nous pourrons aisément couper l’herbe sous le pied du Reike quand le sujet de l’Arbre-Monde sera réglé. Nous sortirons de cette crise avec de nouveaux alliés, des frontières consolidées et une capacité de projection étendue … sans avoir eu besoin de nous confronter au Reike. De plus, nous sommes persuadées que la lutte contre la corruption passera par l’exploration des mystères de ce monde. En plusieurs millénaires d’existence, notre civilisation a peut-être développé un moyen oublié de se prémunir de la corruption. Nous devons mener des recherches sur cela avant d’envoyer nos légions sur Bénédictus. Vous conviendrez que ce plan est prudent, mais il nous évitera de foncer tête baissée dans la gueule du loup. Mais surtout, pendant que tous les regards sont tournés vers l’Arbre-Monde, profitons de l’occasion pour aller là où on ne nous attend pas. Quand le Reike se jettera à l’assaut de Bénédictus et que nos armées seront victorieuses, le Reike verra qu’il est désormais entouré par notre propre réseau d’alliances. »
CENDRES
crédits : 822
Info personnage
Race: Elémentaire (sable)
Vocation: Mage soutien
Alignement: Loyal Neutre
Rang: B
La Porte Parole avait écouté les sœurs Noirvitrail en souriant devant l'impertinence de ces jeunes filles, enfin jeunes filles... Elles étaient toutes liées malgré tout à une seule psyché de ce qu'elle avait compris mais elles n'en demeuraient pas moins des femmes avec des personnalités totalement dissemblables.
Elle avait repris une des sœurs lorsqu'elle l'avait appelée Sénatrice, rappelant qu'elle avait renoncé à son poste pour embrasser le rôle de Porte Parole (t'as eu largement le temps de corriger ;p) et qu'une simple Sénatrice n'aurait rien eu à faire en ce lieu. Que les jeunes jouent les bravaches soit mais parfois il est bon aussi de les rappeler à l'ordre dans le calme ce qu'elle fit avant de poursuivre par contre un autre point la fit blêmir.
- Général Noirvitrail, je vous prierai de faire attention à vos propos. Que votre arme de prédilection soit une langue acérée je peux l'entendre mais ne vous avisez pas de m'insulter en me traitant d'optimate, je n'ai rien à voir en aucune manière avec le parti que représentait la... défunte Vice Présidente. Je vais considérer ce sujet clos mais ne vous avisez pas de vous aventurer sur ce genre de terrain, vous pourriez découvrir un autre aspect de ma personnalité.
La colère en elle était profonde, elle grondait et en général elle explosait, une tempête de sable balayant tout sur son passage sauf qu'en ce lieu elle allait se contenir et poursuivre les échanges, si la Générale ne pouvait comprendre qu'on accueillerait le shoumeiens en masse en imposant des règles pour que tout se passe le plus simplement pour tous, elle n'allait pas argumenter. La réunion du gouvernement avait déjà statué sur les tenants et aboutissants de tout cela et un projet de loi serait prochainement mis en place mais ce jour là, la Porte Parole était ici pour connaître les stratégies choisies par l'Etat Major pour les mois à venir, la politique à conduire car leurs choix impacteraient aussi la politique étrangère dont elle allait devoir gérer la ligne de conduite. Néanmoins elle rebondit à la fin de son allocution sur un point.
- Je pensais effectivement à Dame de Hengebach pour la troisième Légion quand je parlais car elle possède tous les traits que j'avançais et de surcroit j'ai pu moi aussi combattre au front à ses côtés et je reconnais sa valeur face à l'adversaire. Elle a d'ores et déjà fait ses preuves oui. Sa promotion serait parfaitement justifiée.
Dans tous les cas, le Président statua et exposa son choix, pas de légion purement shoumeienne pour l'heure ce qui coupait court aux discussions dans tous les cas et permettait de passer à la suite. Elle acquiesça aux paroles de son vieil ami.
- Je prends note pour les prochaines publications pour l'Hebdo, nous mettrons en valeur ceux qui ont réussi et qui pourront servir de modèle à leur compatriotes, montrer leur réussite, leur intégration, parfait pour moi. Et je travaillerai avec la Générale sans souci.
Si elle s'emportait vite, qu'elle était têtue aussi, elle savait faire retomber sa colère et dans le fond, elle l'appréciait, enfin elle les appréciait les soeurs Noirvitrail. Elle écouta la proposition jusqu'au bout du Président d'envoyer un corps expéditionnaire en Shoumei pour jauger de la situation, voir ce qu'il en était réellement, c'était une bonne idée et la prochaine Lieutenant venait de Benedictus dans le fond et donc avait une connaissance du terrain dont peu de républicains de naissance pouvaient se vanter. Ce fut à ce moment là qu'entra l'émminente Amiral Littorina fit son entrée, digne d'une grande actrice en réalité, elle savait ménager ses effets.
- Amiral, un plaisir de vous croiser à nouveau.
Cela sonnait maintenant la présentation des différents plans et stratégies militaires. Ce n'était pas son domaine mais elle mémorisait les cartes pour bien comprendre ce que chacun proposait. Dans tous les cas elle partageait l'idée qu'il fallait se servir de Kaizoku, certes l'éruption en avait fait une terre en friche mais tout le monde savait que les berges d'une ile volcanique étaient riches de sédiments et donc... il fallait retourner sur Kaizoku, s'y réimplanté, assurer leurs positions, renvoyer des agriculteurs pour que les terres soient préparées et que des récoltes soient prévus pour les années à venir. Il fallait recoloniser selon elle l'île la plus proche et surtout un symbole.
En cela elle rejoignait les propositions premières du Contre Amiral Fallensword et elle le fit savoir sans plus de commentaire, juste montrer son soutien pour la première partie du plan. En toute logique le Président valida sans hésitation la reconquête de Kaizoku avant que les pirates n'en refassent un point de chute pour leurs navires. De nouveau il fut acté que l'Hebdo devrait en un sens s'immiscer partout, maitriser l'information, maitriser ce qui se dit, choisir ce qu'on fait passer comme message, c'était un labeur important et trop négligé ces dernières années. Elle travaillerait, elle et ses équipes avec le Contre Amiral et tous les officiers en charge des missions extérieures aussi.
Ce fut ensuite le tour de la Générale de prendre la parole et pour le coup elle ne partageait pas son point de vue.
- Je pense que nous devrions tous prendre en compte le souci de corruption de Bénédictus et donc de l'Arbre Monde, ce n'est pas quelque chose d'anodin. Depuis toujours cet arbre est le reflet de l'état du Sekaï d'aussi loin que notre histoire remonte nous devons prendre cet aspect en compte et ne pas rire du malheur de nos voisins et donc agir autant que faire se peut pour aider à sa restauration quand bien même je concède ne pas savoir comment faire à ce jour. Quand à faire brûler de nouveau le volcan, je doute qu'il se réveille de sitôt, les circonstances étaient particulières et c'est le fruit de l'action d'une élémentaire de lave qui se disait fille du dit volcan et voulait nettoyer l'ile par le vide. Concernant ces Veilleurs de l'Aurore, nous ne savons pas grand chose d'eux en effet si ce n'est qu'ils sont peu nombreux et qu'ils survivent de manière chiche. Ils défendent un renouveau sur les anciennes terres de Shoumeï et cela passerait par la restauration de l'Arbre Monde, le point qui nous concerne directement en un sens vu que cela impacte tout le Sekaï mais pour le reste. Leur faire confiance ou pas? Les ajouter à l'équation politique? Pour l'heure dur de parier sur un cheval dont on ne sait quasiment rien non? Mais les rencontrer, envoyer quelqu'un de confiance pour les approcher et juger de leurs intentions peut-être une bonne chose oui.
Le cas Rulka était réglé maintenant à priori donc nul besoin de s'en faire non? Pour le reste elle rejoignait la Générale, annexer ou envisager d'annexer le Doreï était utopique actuellement, tant au vu de leurs ressources qu'au vu de ce qu'il se disait de cette région depuis le début de la guerre contre les titans : inhabitable, invivable. Ce fut ensuite son tour de présenter ses idées. Elle acquiesça pour la reconstruction de Liberty et la consolidation de leurs deux grandes autres cités, c'était un bon début oui, stabilité, assurance, fierté facilement renforcée. Par contre elle n'était pas forcément d'accord avec le reste.
- Envisager des colonies tant dans les ruines maudites que sur l'ile Lumina Ombra me semble ambitieux non? Lancer des mission d'exploration me paraitrait plus pertinent éventuellement? C'est tellement loin de chez nous que nous ne pourrions soutenir des colonies là-bas. Et l'île intemporelle, pour le coup c'est folie que d'envisager y envoyer du monde à moins qu'on découvre le moyen d'y faire couler de nouveau le temps c'est trop dangereux pour risquer la vie de nos gens.
Partant de là, le reste lui paraissait compliqué mais peut-être ne savait-elle pas tout.
Message 2
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Le feu à l’âtre à l’intérieur du Salon du Conseil de la Défense laisse entrevoir une très fine buée sur les carreaux des fenêtres alors qu’à l’extérieur la température basse fait condenser l’air un peu humide, l’oeil atrophié de Falconi scrute avec une ouverture qui paraît toujours un peu trop intense ou insistante les différents plans étalés sur la table tandis que ses oreilles attentives écoutent les plans qui lui sont exposés d’un côté comme de l’autre. Le Président de la République et par conséquent Chef des Armées plisse son deuxième oeil avec une méfiance certaine devant la prévision et l’engouement de ses généraux aux ambitions… optimistes. Lumina’Ombra? L’île Intemporelle? Les pupilles dépareillées du Genova scrutent la jumelle Noirvitrail du milieu -parce qu’il a décrété que c’était sans doute elle la vraie- à la recherche d’un indice, d’une trahison de sa manoeuvre, essaie-t’elle de faire passer le reste de son plan comme plus raisonnable en y incluant d’autres opérations plus audacieuses à défaut de dire téméraire? Quoi qu’il en soit, le Président reporte son regard sur les plans en entendant l’intervention de Rockraven, il sait bien qu’à la fois la Ministre ainsi que la Général Noirvitrail, à l’époque Lieutenant de la Huitième Légion, s’étaient toutes deux battues à Kaizoku lors de l’attaque de l’Assemblée, ce qu’il sait moins en revanche, c’est à quel point les dégâts sur l’île étaient élevés. On a beau lire des mots dans un rapport, il est toujours difficile d’avoir une idée réaliste des choses sans y avoir mis soi-même les pieds. Les possibilités d’une reconquête de Kaizoku sont certainement non-négligeables, peut-être même sont-elles favorables, mais le Président n’a absolument aucun moyen d’en avoir le coeur net:
”Il y a… une différence majeure, mmh, entre des plans, et des faits. Je ne doute pas Général Noirvitrail que vous sachiez cela mieux que quiconque ici après avoir dirigé une section du génie militaire pendant des années, mais la logistique va devoir s’adapter aux imprévues de façon drastiques en l’absence de préparation sur le terrain ou de renseignement, et pour l’heure nous ne disposons ni de l’un, ni de l’autre. Les deux campagnes exposées promettent de nombreuses étapes et des ressources investies conséquentes, pour un retour sur investissement… incertain. Pour l’instant.” Il jette un coup d’oeil aux trois têtes gradées présentes afin de les rassurer, il n’est pas entrain de s’opposer à eux, mais de reformuler le contexte de leurs campagnes. ”Quel qu’en soient les choses et le futur de nos ambitions, il va tout d’abord falloir gagner la confiance de nos acteurs, l’armée n’est pas simplement impactée par notre État mais aussi par la santé d’investisseurs privés, par un marché de minerais, forges, manufactures et agronomie, par les conglomérats de la SSG et de la BdC, et ensuite plus simplement par l’opinion publique.” Il marque une petite pause pour tousser afin de clarifier sa diction, avant de reprendre. ”Avoir des plans long terme est une nécessité, l’Arbre-Monde est une menace potentielle pour Sekaï certes, je l’entend, mais la route pour y parvenir n’est pas un sentier droit et sans encombre, sachant que la distance avec la République va irrémédiablement dire que l’implication du peuple dans ces entreprises sera moindre. Nous avons besoin d’abord d’exemples concrets afin de donner le ton au peuple, pour justifier un envoi à l’extérieur des troupes républicaines.”
Posant un doigt sur un petit point d’un des plans au milieu de l’océan, Falconi poursuit avec une voix légèrement plus basse:
”Kaizoku, est un des points commun à vos deux campagnes. Quels qu’en soient les enjeux, le contrôle de l’île nous donnera un relai d’opération pour poursuivre vers l’ouest en direction de Bénédictus.” Cette phrase sonne extrêmement étrange dans la bouche de Falconi, le Genova parvient avec difficulté à croire qu’il est réellement entrain de prononcer ces mots. La dernière fois qu’il se tenait dans cette pièce avec ses Généraux il faut dire que Bénédictus était toujours la capitale d’une théocratie prospère et alliée de longue date avec la République. ”Première étape, dans les mains du Contre-Amiral. Ensuite je souhaite donner une autre démonstration à la République, quelque chose qui leur permette de soutenir les agissements de la GAR ainsi que de rassurer nos concitoyens sur nos capacités à faire face à la corruption, l’attaque sur Sable-d’Or l’année dernière a tout de même soulevé beaucoup d’interrogations parmis les nôtres donc il serait bon d’y répondre.” Écartant les documents de Noirvitrail de la table en les poussant de nouveau vers elle, le Président continue. ”La progression vers l’ouest peut attendre que nous récupérions déjà Kaizoku et que nous rétablissions un service de renseignement opérationnel, je veux déjà sécuriser notre vicinité immédiate, et j’aimerai que ça passe par vous Général.”
Falconi n’achète pas l’idée d’envoyer à l’extérieur un de ses deux seuls Généraux, encore moins en sachant l’insécurité encore toute récente dont ils viennent d’avoir la démonstration il y a à peine un mois et le fait que malgré ses faits de bataille récents, Noirvitrail reste encore inexpérimentée quant à la gestion de son corps. Suivant l’un des tracés indiqué par la soeur brune sur le document, Falconi appuie:
”Une destination qui se trouve littéralement à nos portes, les Ruines Maudites. Basez vos opérations à Courage, réutilisez les bâtiments et les infrastructures militaires datant de la vieille guerre et fouillez ces ruines. Je compte sur votre spécialisation en enchantements magiques et vos connaissances arcaniques pour trouver un moyen de rendre possible l’avancée de la GAR dans les ruines et mettre sur pieds un plan de purge de ces lieux, de nombreux gisements et des artéfacts de l’empire elfique y reposent et nous allons avoir besoin de ces ressources, sans parler que cette fois, la proximité avec notre pays permettra de grandement gonfler le regard du peuple envers nos opérations.”
Falconi regarde de nouveau ses deux officiers avant de regarder finalement l’Amiral Littorina, puis Dorylis. ”Long terme.” fait-il en désignant les plans de Noirvitrail, ”Court terme.” ajoute-t-il en montrant Kaizoku sur ceux de Vandaos. ”Sommes-nous d’accord?”
crédits : 1803
Info personnage
Race: Triton / humain
Vocation: Mage noir
Alignement: Loyal neutre
Rang: B
Il y a à peine dix ans, l’aventurier lui aurait sauté à la gorge ou au moins coupé le sifflet en stoppant l'argumentaire adverse et en exprimant toute l’étendue de sa colère devant cette surenchère de mauvaise foi. N’avait-il pas posé des “Si” lors de ses hypothèses ? Pourtant Athénaïs continuait de les ignorer dans un déluge d’arguments qui ne prenait en compte que la partie qui l’intéressait. Certes, c’était le jeu.
Alors que les pions se déplaçaient tout seul sur les cartes, le Contre-Amiral jeta un regard amusé à sa supérieure tranquillement installée avec les pieds sur la table.
*Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour faire la belle, j’te jure*
Ensuite on bascula tranquillement dans une politique-fiction au Shoumeï où forcément les plans prévus ne se passaient pas bien car on suivait comme des demeurés des objectifs établis sans connaissance du terrain. N’avait-il pas proposé d’envoyer des éclaireurs ? N’avait-il pas proposé des discussions au préalable d’un éventuel accord pour quoi que ce soit ? Toute cette partie on la met de côté, forcément, sinon les propos tenus ont tout de suite moins d’impacts... Certes, avec son plan, Vandaos Fallenswords avait exposé une vision optimiste permettant d’arriver à l’Arbre-Monde mais de là à tout débiner, il y avait un monde.
Au moment où la Générale propose son propre plan, le Contre-Amiral fulminait dans son coin mais garda son calme tant bien que mal, se répétant intérieurement que de répondre maintenant serait à la fois un manque de respect et d’une bêtise sans nom : la colère est bien mauvaise conseillère. D’ailleurs, il est vite récompensé de sa maîtrise de soi lorsqu’une des Sœurs Noirvitrail aborda toute une série d’opérations n’ayant aucune chance d’aboutir. Visiblement, il était loin d’avoir le monopole des plans n'ayant ni queux ni têtes. Néanmoins une partie du plan d’Athénaïs n’était pas dénué d’intérêts, notamment celui permettant d’investiguer un peu plus dans les Ruines Maudites. L’ancien aventurier avait eu plusieurs fois l’occasion de s’y rendre et en avait ramené ses plus précieux trésors : son rubis ainsi que son Phénix. Si l’Armée mettait les moyens et s’aventurait encore plus loin dans les Ruines, il aurait éventuellement l’occasion de mettre le grappin sur une autre merveille du passé qui sait ?
En tout cas cette passe d’armes à l’Etat-Major eut le mérite de lui faire gagner en expérience et il était clair qu’à la prochaine réunion, il se ferait un plaisir de laisser l’initiative à la Générale de la Grande Armée.
Ensuite c’est la Porte-Parole qui reprenait le flambeau. Certes une humaniste mais au moins une humaniste constructive. Elle avait l’air elle aussi préoccupé par l’Arbre-Monde néanmoins, elle était moins optimiste que lui concernant les soutiens qu’ils pourraient trouver surplace. Pourtant sans le soutien d’une partie des shoumeïens, toutes les missions prévues au Sekaï seraient voués à l’échec. Tout du moins c’était le point de vue du Fallenswords.
Et pour finir, le Président. Mesuré, ce dernier ne relèva pas les points nébuleux des plans exposés par ses généraux mais préfèra orienter la réunion sur une conclusion des plus efficaces : arrêter les plans sur la comète et se cantonner aux points essentiels où tout le monde s’accorde. Efficacité, c’est le mot qui qualifiait le mieux le Chef des Armées de la République à ce moment précis. Kaizoku était leur priorité à court-terme, Génova le confirma à la tête de l’opération, et ensuite les Ruines Maudites pour la Générale Noirvitrail.
Entendu Monsieur le Président. Je vais planifier un débarquement à Kaizoku et j'envisagerai une date d’action dès lors que l’ensemble de ma flotte sera opérationnel. Ça nous laissera le temps de bien nous préparer en attendant la mise à l’eau du Parangon de Justice et ses premières missions d’essai.
Ensuite il se tourne vers Athénaïs.
Je compte sur votre coopération et celle de votre nouveau Lieutenant pour participer aux réunions stratégiques concernant la prise de Kaizoku. Pour ce qui est de votre mission aux Ruines Maudites, je pourrais vous proposer mon expertise en tant qu’ancien explorateur de la zone si vous le souhaiter. Je pourrais également faire jouer de mes relations au sein de mon Conglomérat familial pour vous fournir les dernières cartographies des lieux déjà explorés ainsi que les guides qui connaissent le mieux cette région inhospitalière.
Après ces vifs échanges et maintenant que le Président avait tranché sur les priorités, il était temps de se rappeler qu'ils œuvraient tous pour le même camps. Même si le Contre-Amiral avait pris une sacrée douille lors de l'évocation de son plan, il repartait quand même avec le commandement d'une opération militaire majeure où il aurait l'occasion de s'illustrer, c'était déjà une belle victoire.
crédits : 1852
”Bien.” Les dés sont jetés, les plans sont tracés et dissertés. ”Je pense que cela va conclure cette première entrevue, je vous laisse donc disposer officiers. En vous souhaitant également une très bonne journée, et j’espère… eum…” Falconi a pourtant l’habitude de tenir ce genre de réunion, mais c’est la première fois dans ses trois mandats qu’un conseil de l’État-Major se révèle être aussi pro-actif. ”que… et bien que notre collaboration enfin, que vos… vos vos vos carrières soient aussi fructueuses qu’elles ne sont ambitieuses.”
Le Président de la République se lève de son siège et laisse venir à sa rencontre les différents gradés en se serrant la main, les yeux dépareillés du Genova expriment son sérieux et son humeur alerte, bien conscient que ce qui ressortira de cette entrevue qu’ils viennent de faire constituera une première depuis bien longtemps dans l’histoire républicaine. Le pays a toujours eu une politique militaire tournée vers l’intérieur et vers la protection de ses frontières, rarement s’est-il permi de lancer des opérations en extérieur et ce n’est qu’avec les changements massifs de l’échiquier géopolitique récent que ce comportement change aussi. Traditionaliste certes, mais ça ne signifie pas qu’il ne faut pas s’adapter. En dépit de ses valeurs profondément conservatrices, le rôle de Falconi en tant que patriarche de la Famille Genova mais aussi que défenseur de la République est de préserver l’identité de cette nation, l’inaction de Mirelda pendant la guerre contre le Shoumeï a déjà porté préjudice au pays et l’initiative SPECTRE n’était qu’une crotte de nez de la part de la Goldheart à un Empire déjà consumé par l’effort de guerre. Si la République ne versera jamais dans les mêmes penchants belliqueux de leur voisin, ces opérations extérieurs n’ont aucunement un but de conquête -sauf peut-être en ce qui concerne Kaizoku- et le Président espère bien que les relations diplomatique avec le Reike pourront s’améliorer. Tout dépend de la présentation, l’oeil méfiant de Genryusai pourrait bien voir une forme d’ingérance ou d’ambition mal placée de la part de la République sur des terres libres que l’Empire pense leur revenir de droit, tandis qu’une perspective plus modérée y verrai un passage à l’action de la nation bleue pour soutenir l’effort de la lutte contre les Titans et la Corruption du Sekaï.
En regardant les différents responsables d’armée quitter lentement la salle, Falconi n’a aucun doute sur une chose et une chose seulement: les prochains mois seront décisifs pour l’avenir de la République.
Ses doigts tapotent doucement le bord de la table d’un air songeur tandis qu’il réfléchit. Son oeil atrophié partiellement ouvert suit les mouvements subtiles de son autre oeil fermé sous sa paupière. Falconi regarde les reflets des bougies dans le bois verni, pensif: son État-Major est peut-être relativement inexpérimenté en comparaison de ses précédentes itérations mais il est à l’image de son Gouvernement, il prend un pari en l’envoyant sur des opérations externes inédites et… il n’aime pas ça. Toutes ces mesures sont nécessaires certes, mais il préfèrerait nettement avoir le luxe de recentrer la République autour d’elle-même à une époque où sa stabilité est menacée, mais le caractère extérieur des menaces qui lui pèsent dessus les force à agir. Peut-être que cette jeunesse pourra justement apporter une fraîcheur cruciale pour cette campagne militaire ou peut-être que l’âge d’un côté et l’expérience de l’autre se révèleront être des lacunes préjudiciables, à voir.
Falconi se renfonce à l’intérieur de sa chaise, plissant les yeux en regardant avec circonspection la buée sur les carreaux refroidis par l’hiver. La couche de condensation semble un peu trop nette pour réellement être à l’extérieur et la salle du Conseil de la Défense n’est pas particulièrement humide, soulevant un sourcil par interrogation, le Genova ouvre la bouche et exhale à plein poumons un air chaud. Relevant la vapeur qu’il génère avec son propre souffle malgré l’âtre de cheminée allumé dans la cheminée, il se met à légèrement sourire. Son rictus se transforme en fin ricanement et après quelques secousses d’épaules il finit par parler à voix haute dans la pièce vide:
”Chef des Armées Genova. Ça sonne étrangement sur ma langue…”
Il relève la tête et semble ausculter la salle du regard à la recherche de quelque chose.
”Qu’en penses-tu?”
Un fin suintement humide se fait entendre depuis le foyer et le Président tourne la tête vers les bûches dans les flammes. Le bois ne siffle pas parce qu’il est humide, mais parce que dessus, en dépit du brasier qui le consume, une fragile couche de givre se forme à même l’écorce pour recouvrir les braises, avant que la glace ne se propage subitement au reste du feu à l’âtre et ne l’étouffe d’un coup. Falconi sourit en se relevant, il rassemble les quelques documents encore éparpillés sur la table qu’il souhaiterait encore étudier dans ce qui reste de sa journée et caresse le bureau du bout des doigts.
”Je m’en doutais, mais je n’ai pas le choix...” Il se dirige vers la porte de sortie et s’arrête un instant devant la porte tandis qu’aux fenêtres, la buée commence à se retirer paradoxalement des vitres et que la pellicule de glace sur les bûches a déjà fondue. ”... Très chère.”
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