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Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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Phèdre le regarde si fixement qu’il dirait presque qu’il est un extraterrestre. Pourtant, étonnamment, ça n’empêche pas Zachary de continuer sa tirade, de dire ce qu’il pense, de se permettre une familiarité qu’il n’a jamais osé franchir jusqu’à maintenant. D’abord, il la tutoie, ensuite, il retire même quelques flocons des cheveux de l’ange. L’eut-il fait des mois plus tôt que la belle aurait peut-être ordonné son expulsion du temple, voire pire, mais ici, elle se laisse faire. L’intendant étant un homme, il ne se doute pas de la tempête qui éclate alors dans le cœur de sa compagne. Sur ce point, il n’est pas différent de ses pairs : il pense qu’il a simplement fait du mieux qu’il pouvait pour répondre à ses questions et il ne songe pas que cela la torture intérieurement. Il s’en rendra compte, mais seulement plus tard. Pour l’heure, tout ce qu’il a fait, c’est l’agacer, car elle lui répond en grommelant, et sa voix trahit son irritation. Mais il a beau chercher, Zach ne sait pas ce qu’il a dit de particulièrement grotesque. Alors il s’arrête et commence à se retourner tout en prenant la parole.
- Et qu’est-ce qui…
Un bruissement d’aile l’interrompt et l’espace de quelques secondes, il voit la jeune femme avec ses deux ailes déployées. Son plumage, naturellement, est magnifique : si Zach doit concéder une chose à Aurya, c’est que sa fille est véritablement sublime. Mais il n’a pas le temps de terminer sa phrase que celle-ci s’envole avec force, alors que ses derniers mots sortent machinalement de sa bouche :
- … sonne faux dans ce que j’ai dit ?
Phèdre n’est déjà plus là, et Zachary lève instinctivement la tête pour suivre sa silhouette. Elle rentrera par le fauconnier, il le sait déjà, mais en attendant, il aurait préféré rentrer avec elle. Même si ce n’était que quelques minutes supplémentaires en sa compagnie.
- Décidément, marmonne-t-il, dès que j’ai l’impression qu’on fait un pas en avant, on fait trois pas en arrière…
- Ohé, Zach !
Instinctivement, l’homme s’arrête pour croiser le regard d’un des villageois qui lui fait des grands signes.
- Benjamin, le salue-t-il. Qu’est-ce que tu fais là ?
L’intendant comprend aussitôt qu’il a dit quelque chose de bizarre.
- Bah, comme tout le monde, je viens prier les dieux.
Le ricanement de l’intéressé veut tout dire. Il vient parce qu’il faut venir, pas parce qu’il a un amour démesuré pour les Titans. Et son compagnon ne peut l’en blâmer.
- Avec qui tu étais ? demande d’un ton curieux son interlocuteur. Une œillade lui est jetée en coin, mais puisque la réponse est évidente, Zachary ne répond pas et c’est le paysan qui poursuit à sa place. C’est l’ange du temple non ? Il ne se formalise pas quand l’intendant lui répond par une monosyllabe. Cela lui permet au moins d’avoir un semblant de conversation pendant que le blondinet réfléchit d’un air songeur. Je vous ai vus ensemble, depuis l’endroit où j’étais. Dis-moi : tu ne la couvais pas des yeux, par hasard ?
Le principal intéressé s’arrête aussitôt, alors que la question le surprend autant qu’il ne réagit de manière spontanée.
- Qu’est-ce que tu me poses comme ques…
- Tu ne l’as pas lâchée du regard jusqu’à ce qu’elle disparaisse dans les cieux…
Le ton est désormais taquin, mais Zach finit par hausser les épaules.
- Tu te prends trop la tête, je l’ai mise en colère.
- Mais tu ne nies donc pas qu’elle t’intéresse.
- Et en quoi c’est un problème ? rétorque le beau brun avec un sourire aux lèvres. D’ailleurs, c’est à son tour de s’amuser du regard de Benjamin, qui ne s’attendait manifestement pas à un tel aveu.
- Attends, attends, attends. L’espion a repris sa route et l’individu doit faire quelques enjambées pour le rattraper. Tu vas avoir deux problèmes. Non, en fait, tu vas avoir trois problèmes.
- Je les verrai au cas par cas, marmonne distraitement Zachary, alors qu’il regarde quelques briques mal imbriquées. Il lui faudra régler ceci l’année prochaine. S’il est toujours là.
- D’abord la fille est attachée au temple.
- Aucun temple n’est éternel. Et il suffit de partir. D’ailleurs, dans l’absolu, ca aiderait sa mission d’origine. La fille d’Aurya absente, le lieux de culte perdrait déjà une part de son attrait. Même si ces cinglés pourraient lui trouver une remplaçante.
- Peut-être qu’elle ne voudra pas s’en aller.
- Je la convaincrai.
- Huuuuuuum. Le ton est plus que dubitatif. Ensuite, il y a le problème de la soeur.
- Pour le moment, elle n’est plus là.
- Ouais ben tu devrais vite faire ta besogne alors, parce que je t’assure que c’est pas normal et que ça va pas arriver deux fois dans ton existence.
- En attendant, elle est vraiment absente et ça m’arrange. J’ai même eu sa bénédiction pour veiller sur sa cadette.
- Ah, tu as eu sa bé… sa quoi ?
- Tu achèves ou bien tu comptes me faire la causette jusqu’au soir ?
- Il y a l’autre, là, qui vient parfois les voir.
- L’autre ? demande l’homme à tout faire. Il doit chercher un peu avant de comprendre à qui il se réfère. Malazach ?
- Chuuuuut. Imagine qu’il t’entende.
- Dans ce cas-là, je présume qu’on sera bientôt mort, claironne d’une voix railleuse Zachary. Et voyant le regard subitement déconfit de son interlocuteur, il ajoute : T’inquiète, le temps d’un humain est ridiculement court face à la vie d’un ange. Si ça tombe, il attendra le jour de ta mort pour venir te chercher. Son regard est ouvertement moqueur, ce qui finit par faire bougonner l’autre paysan.
- C’est pas drôle.
- Toujours est-il qu’il passe une fois toutes les lunes, au mieux. Sa présence est inconstante. Il n’est pas ce que je qualifie de problèmes. L’influence que le mage noir pourrait avoir sur Phèdre l’était par contre davantage, mais… L’intendant n’en était pas encore là.
- Reste le souci de la Mère.
- Inconnue au bataillon. J’ai jamais connu de mère plus attentionnée qu’elle, ricane Zachary.
- Et il y a le souci de la grossesse.
- Elle n’est pas enceinte.
- Mais son destin est de l’être. Le regard du bretteur devient subitement mauvais, et le pauvre bougre se reprend vite : Te fâche pas, vieux, je dis ça parce que c’est vrai.
- Ce n’est vrai que parce que tu le considères avec fatalisme.
- Et alors ?
- Alors je briserai ces chaines inutiles.
- Si tu le dis… Mais cela dit, ça va être dur de la convaincre de sortir de son cocon et d’affronter l’extérieur…
Zachary esquisse un geste comme pour bayer son argument, puis il déclare :
- Tu ne sais pas compter, Benja. Tu m’as dit qu’il y avait trois problèmes, pas cinquante problèmes.
- C’est toi qui te mets dans cette galère !
- Sur une autre note, tu retournes au village ?
- Oui…
- Dans ce cas, tu pourrais transmettre un message pour moi ?
Son compagnon accepte, et Zach en profitera pour grignoter quelques mots sur un papier d’un manuscrit usé, où il note généralement les différentes tâches qu’il faut effectuer dans le temple. Son message est syllabique, mais clair : son implication pour ceux qui l’ont envoyé espionner le temple diminuera drastiquement bientôt, le tout pour qu’il puisse pleinement se concentrer sur l’ange de façon tranquille. Loin d’être converti, l’homme préfère cependant se détacher de toutes ces activités rebelles le temps de se concentrer sur cette femme qui le captive de plus en plus. Benjamin ne sachant pas lire, il est certain qu’il ne saura pas cafter là-dessus, et c’est après quelques minutes de discussion qu’il prend congé de son camarade. Il est grand temps d’accorder du temps à tous ceux qui veulent le voir. Aller voir Joseph pour vérifier que tous ses stocks de graines et de litière soient corrects pour ses oiseaux. Consulter les ouvriers qui font des travaux de réparation pour entendre leurs rapports et leurs avancées. Veiller à ce que la nourriture et les vêtements nécessaires aux religieux du coin soit bien acheminés. Jeter de temps en temps un œil aux visiteurs. Aller voir le prêtre avant les cérémonies pour être certain qu’il ne réclame rien de particulier. Tout cela fait que la journée est vite passée, et que Zachary n’a même pas eu beaucoup de temps pour aller voir sa dulcinée. Peut-être est-ce une bonne chose, cela dit, vu qu’elle a été grognon en le quittant un peu plus tôt… A moins qu’elle ne l’ait attendu tout l’après-midi ? Quand il y pense, l’homme n'arrive toujours pas à prédire précisément les attentes de la jeune femme. Il est une énigme pour elle, mais elle est aussi une énigme pour lui.
Cela dit, le silence morne de la mage noire et son attitude presque dépressive les jours suivants a le don d’interpeler Zachary plus que de coutume. Forcément, l’éphèbe ne peut apprécier de la voir ainsi, et Martha lui avait même démandé pourquoi il lançait des regards aussi furibonds envers les statues des dieux. « Pas la peine de les regarder ainsi, ils n’y sont pour rien si ta journée ne se passe pas comme prévu », lui avait dit la vieille sotte, sans comprendre la raison de son humeur plus sombre. Au moins, l’homme avait eu le doigté de se faire discret face au tempérament plus… priant de l'ange. Elle pourrait reconnaître facilement sa marque via ses repas, ses thés, et autres délicatesses du même genre, mais il n’eut pas l’outrecuidance de s’imposer outre mesure alors que la fille d'Aurya semblait désirer de la solitude.
L’intendant est donc que d’autant plus surpris quand on le secoue au plein milieu de nuit. Endormi depuis déjà quelques heures, déjà, l’espion a du mal à émerger, et il croit légitimement rêver quand ses yeux se posent sur la silhouette de Phèdre. Qu’est-ce qu’elle ferait dans sa chambre, d’abord ? Et puis… Qu’est-ce qu’elle lui dit exactement ? Ses yeux se plissent dans l’obscurité de la chambre et il baragouine quelques mots, toujours emprisonné par les brumes du sommeil.
- … Quoi ? Qu’est-ce que tu me racontes… ?
L’homme n’a clairement pas compris l’ampleur de la situation et il faudra donc que la belle répète encore ses propos. Pourquoi elle lui plait… ? Un silence d’une seconde, et puis, il marmonne d’une voix toujours profondément endormie :
- … Parce que tu es tellement lumineuse quand tu joues dans la neige…
Oui, l’homme est totalement à côté de la plaque, mais eh, il est à moitié dans les vapes, il ne peut décemment bien réfléchir ou faire un long discours.
Impossible pour lui d’analyser comment réagit Phèdre. Même le fait d’avoir parlé deux fois ne l’a pas complètement réveillé. Instinctivement, son corps veut se rendormir, et l’homme se retourne donc en direction de la jeune femme pour pouvoir plus facilement retourner dans le pays des songes. Mais au lieu d’agripper sa couverture, il agrippe la main de la visiteuse, et il marmonne un propos indistinct.
- Reste un peu avec moi…
La mine peut-être surprise de Phèdre serait presque comique, sauf que l’homme a déjà refermé les yeux pendant que sa respiration s’apaise et devient plus régulière. Jusqu’ici, c’est Zachary qui a souvent vu sa protégée au lit : ici, les rôles s’inversent, et la magicienne pourra inspecter de long en large l’espion, alors qu’il est de facto dans une position bien plus vulnérable et innocente. Inconscient de l’embarras dans laquelle il peut la mettre, il ne bouge plus, il respire juste. Que la demoiselle arrive à se dégager de son étreinte ou non, qu’elle se glisse tout contre lui, pour ne pas mourir de froid en dehors des couvertures (ou simplement parce qu’elle en a envie), plusieurs heures passeront avant que le bellâtre ne finisse par émerger de son sommeil. Si elle est partie après sa réponse, il lui semblera percevoir un parfum, en plus d’avoir la sensation d’avoir manqué quelque chose durant la nuit. Cela le travaillera jusqu’à ce qu’il la rejoigne comme à l’accoutumée et qu’il ne finisse par lui demander s’il s’est passé quelque chose durant la nuit, d’un ton pensif et intrigué.
Si, en revanche, Phèdre est restée, il ne sera pas compliqué pour lui de voir qu’il y a une silhouette auprès de lui à son réveil. Mais il faudra un instant pour que l’information remonte au cerveau, un autre encore pour qu’il prenne la parole et ne tique sur ce qu’il se passe réellement.
La personne qu’il a devant lui, c’est…
- Phèdre… ?
Son ton est si surpris qu’il n’a même pas de geste de recul. Mais une fois qu’il se rend compte qu’il est bien réveillé, il ne peut s’empêcher de se redresser via l’un de ses coudes :
- Qu’est-ce que tu fais i… ? Ses yeux se plissent. C’est moi ou tu es frigorifiée ?
[HRP : je te laisse choisir ce que tu préfères, huhu, j’ai hésité à stopper mon post au moment où il lui prend la main, mais j’avais peur de ne pas te laisser assez de jeu alors j’ai essayé d’investiguer les deux réactions (possibles) de Phèdre :p Evidemment, on peut s’affûter sur discord !]
Citoyen du monde
Phèdre
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Elle aurait pu le tuer. Juste comme ça. Et il n’en aurait jamais rien su. Ses doigts s’étaient entrelacés aux siens sans l’ombre d’une hésitation puis il s’était rendormis, sans méfiance, confiant, comme si rien au monde et surtout pas elle ne pouvait lui faire le moindre mal. Les humains, pourtant, les craignaient. Phèdre, Siame, Malazach, ou les Autres, ceux qui parfois étaient de passage. Tout autant qu’ils étaient, inspiraient soit un profond sentiment d’admiration, soit de peur, bien souvent un étrange mélange des deux. Phèdre n’avait jamais vraiment compris et ne cherchait pas à comprendre. Quel ange se serait abaissé à comprendre les mortels après tout ? Elle était venue au monde pour servir les dieux et les mortels avaient été créés pour la seconder, à la manière du bétail dans une ferme. Une ferme dont, finalement, elle était devenue la poulinière racée. Durant de longs siècles, elle n’y avait vu là qu’un devoir de plus. Désagréable, certes, mais c’était sa tâche et elle s’en acquittait. Siame y veillait. Mais aujourd’hui, elle n’était plus là. Elle ne l’avait pas vu se glisser dans la chambre de Zachary, pas plus qu’elle n’avait remarqué cette sortie incongrue dans la neige presque un trois semaines auparavant. Oh non, elle n’avait pas vu et leur Mère n’en avait pas dit un mot. Auquel cas Siame n’aurait sans doute rien laissé de tout cela se produire. Peut-être que c’eut mieux valu. Et comme personne n’était là pour le lui interdire, Phèdre se glissa lentement sous les couvertures.
Le lit était infiniment plus étroit que celui qu’elle partageait avec sa jumelle et le matelas était bien plus dur. La faire dormir à même les lattes de bois n’eut pas été moins confortable. Mais elle resta, ses ailes pendant maladroitement derrière elle tandis qu’elle faisait face à un Zachary toujours endormi. Un rayon de lune éclairait faiblement son profil, soulignait le ligne fournis de ses cils noirs et dessinait sous un angle jamais vu la courbure de ses lèvres. Phèdre l’observait en silence d’abord puis la curiosité la piqua et elle fit timidement courir son index sur la ligne droite de son nez, remonta sur ses sourcils puis dévia sur sa tempe. Il ne se réveilla pas. Les Hommes avaient-ils le sommeil aussi lourd ? Bientôt son doigt dévala sa joue glabre pour terminer sur son menton.
— Tu es curieux pour un mortel. Murmura-t-elle. Puis elle laissa retomber sa tête sur le coussin et sans même s’en rendre compte, s’endormit.
Phèdre ne se souvenait pas à quand remontait la dernière fois qu’elle avait dormi du sommeil du juste, sans être arraché à ses songes par un cauchemar, un sursaut ou la douleur fulgurante de la solitude. Dernièrement, trouver le sommeil était une épreuve en soi. Cette nuit, elle avait dormit si profondément que même les rayons du soleil matinal qui avaient filtrés par la fenêtre ne l'avaient pas réveillée, ni le froid saisissant de la pièce en l’absence d’un bon feu. Ses ailes traînaient toujours derrière elle, détendues. Elle aurait pu dormir une vie ainsi, berçait par l’odeur des pins frais, la respiration lente mais rythmée qui accompagnait les mouvements d’une poitrine qui faisait soulever légèrement la couverture. C’était presque comme dormir avec Siame, mais c’était à la fois complètement différent.
Ses yeux papillonnèrent, ses sourcils se froncèrent lorsque la voix masculine lui parvint. Il lui fallut quelques secondes pour se rappeler l’endroit où elle se trouvait.
— C’est toi. Grommela-t-elle alors que dans son dos ses ailes s’étiraient à la manière d’un chat. D’un mouvement lent, presque pâteux, Phèdre remonta la couette jusqu’à son nez. — Je suis bien ici, laisse moi dormir. Si sa voix était encore rauque de sommeil, elle ne souffrait aucune protestation et au cas ou Zachary ne l’aurait pas entendu de cette oreille, elle se lova un peu plus contre lui. — Tu diras que tu étais malade. Martha n’y verra que du feu. Elle marmonna avant de sombrer de nouveau.
Qu'une heure soit passé, ou deux ou cinq, Phèdre était bien incapable de dire combien de temps il s’était écoulé depuis qu’elle avait refermé les yeux, mais ce dont elle était certaine c’est qu’elle devait se lever, maintenant. Ni une, ni deux, elle s’arracha à ses draps et d’un coup d’aile mal contrôlé à cause de l’étroitesse de la pièce elle se propulsa à son extrémité au moment même où la porte s’ouvrait avec perte et fracas. L’ange replia jusqu’à la plus petite de ses plumes contre elle et se fondit dans l’ombre de la porte, se faisant aussi petite qu’une souris. Du moins, elle essayait.
— Zachary ! Elle n’est pas dans son lit, pas dans la chapelle, pas à la fauconnerie ! S’étrangla Martha en entrant en trombe. — Vous n’êtes pas aller la lever ? Pourquoi ? L'avez-vous vu aller se coucher la nuit dernière ? Je l’avais laissé en train de prier hier, elle ne fait que ça en ce moment ! Je pensais qu’elle irait dormir ensuite mais elle n’est pas retourné dans son lit ! Il n’est même pas défait ! Les joues rouges, elle garda ses petits yeux porcins rivés sur le jeune homme. — J’espérais que vous l’auriez emmené se promenez ou que sais-je mais si elle n’est pas avec vous ! Oh les titans me protègent, si nous l’avons perdu Dame Siame ne saurait nous le pardonner !
Épongeant son front à l’aide de son tablier, elle recula tout en continuant de parler puis tourna les talons sans imaginer un seul instant que la personne qu’elle cherchait se trouvait presque à un souffle d’elle.
— Sortez de ce maudit lit ! Ce n’est pas votre jour de repos et venez donc nous aider à la chercher. Vite.
Puis elle claqua la porte avec force. Derrière elle, Phèdre avait l’air complètement ahuris et ses lèvres pincées ne tardèrent pas à se fendre en un sourire qui se mua en rire silencieux. Sa main se porta à son ventre tandis qu’elle peinait à retenir ses éclats. Il lui fallut cinq bonnes minutes pour recouvrer son sérieux.
— Si j’avais su que cela la mettrait dans un tel état… Se détachant de l’ombre, elle franchit la distance qui la séparait de Zachary et son regard rencontra le sien. — Je vais m’en aller, sinon ni toi, ni moi n’aurons le moindre répit. Elle sembla détailler son visage, comme si elle y cherchait des réponses à des questions qu’elle ne pouvait pas poser. Enfin, elle se détourna, rejoignit la porte et l’ouvrit. — Ce soir, une hésitation, — dors avec moi. Puis elle fila sans lui laisser le loisir de rebondir.
Le lit était infiniment plus étroit que celui qu’elle partageait avec sa jumelle et le matelas était bien plus dur. La faire dormir à même les lattes de bois n’eut pas été moins confortable. Mais elle resta, ses ailes pendant maladroitement derrière elle tandis qu’elle faisait face à un Zachary toujours endormi. Un rayon de lune éclairait faiblement son profil, soulignait le ligne fournis de ses cils noirs et dessinait sous un angle jamais vu la courbure de ses lèvres. Phèdre l’observait en silence d’abord puis la curiosité la piqua et elle fit timidement courir son index sur la ligne droite de son nez, remonta sur ses sourcils puis dévia sur sa tempe. Il ne se réveilla pas. Les Hommes avaient-ils le sommeil aussi lourd ? Bientôt son doigt dévala sa joue glabre pour terminer sur son menton.
— Tu es curieux pour un mortel. Murmura-t-elle. Puis elle laissa retomber sa tête sur le coussin et sans même s’en rendre compte, s’endormit.
Phèdre ne se souvenait pas à quand remontait la dernière fois qu’elle avait dormi du sommeil du juste, sans être arraché à ses songes par un cauchemar, un sursaut ou la douleur fulgurante de la solitude. Dernièrement, trouver le sommeil était une épreuve en soi. Cette nuit, elle avait dormit si profondément que même les rayons du soleil matinal qui avaient filtrés par la fenêtre ne l'avaient pas réveillée, ni le froid saisissant de la pièce en l’absence d’un bon feu. Ses ailes traînaient toujours derrière elle, détendues. Elle aurait pu dormir une vie ainsi, berçait par l’odeur des pins frais, la respiration lente mais rythmée qui accompagnait les mouvements d’une poitrine qui faisait soulever légèrement la couverture. C’était presque comme dormir avec Siame, mais c’était à la fois complètement différent.
Ses yeux papillonnèrent, ses sourcils se froncèrent lorsque la voix masculine lui parvint. Il lui fallut quelques secondes pour se rappeler l’endroit où elle se trouvait.
— C’est toi. Grommela-t-elle alors que dans son dos ses ailes s’étiraient à la manière d’un chat. D’un mouvement lent, presque pâteux, Phèdre remonta la couette jusqu’à son nez. — Je suis bien ici, laisse moi dormir. Si sa voix était encore rauque de sommeil, elle ne souffrait aucune protestation et au cas ou Zachary ne l’aurait pas entendu de cette oreille, elle se lova un peu plus contre lui. — Tu diras que tu étais malade. Martha n’y verra que du feu. Elle marmonna avant de sombrer de nouveau.
Qu'une heure soit passé, ou deux ou cinq, Phèdre était bien incapable de dire combien de temps il s’était écoulé depuis qu’elle avait refermé les yeux, mais ce dont elle était certaine c’est qu’elle devait se lever, maintenant. Ni une, ni deux, elle s’arracha à ses draps et d’un coup d’aile mal contrôlé à cause de l’étroitesse de la pièce elle se propulsa à son extrémité au moment même où la porte s’ouvrait avec perte et fracas. L’ange replia jusqu’à la plus petite de ses plumes contre elle et se fondit dans l’ombre de la porte, se faisant aussi petite qu’une souris. Du moins, elle essayait.
— Zachary ! Elle n’est pas dans son lit, pas dans la chapelle, pas à la fauconnerie ! S’étrangla Martha en entrant en trombe. — Vous n’êtes pas aller la lever ? Pourquoi ? L'avez-vous vu aller se coucher la nuit dernière ? Je l’avais laissé en train de prier hier, elle ne fait que ça en ce moment ! Je pensais qu’elle irait dormir ensuite mais elle n’est pas retourné dans son lit ! Il n’est même pas défait ! Les joues rouges, elle garda ses petits yeux porcins rivés sur le jeune homme. — J’espérais que vous l’auriez emmené se promenez ou que sais-je mais si elle n’est pas avec vous ! Oh les titans me protègent, si nous l’avons perdu Dame Siame ne saurait nous le pardonner !
Épongeant son front à l’aide de son tablier, elle recula tout en continuant de parler puis tourna les talons sans imaginer un seul instant que la personne qu’elle cherchait se trouvait presque à un souffle d’elle.
— Sortez de ce maudit lit ! Ce n’est pas votre jour de repos et venez donc nous aider à la chercher. Vite.
Puis elle claqua la porte avec force. Derrière elle, Phèdre avait l’air complètement ahuris et ses lèvres pincées ne tardèrent pas à se fendre en un sourire qui se mua en rire silencieux. Sa main se porta à son ventre tandis qu’elle peinait à retenir ses éclats. Il lui fallut cinq bonnes minutes pour recouvrer son sérieux.
— Si j’avais su que cela la mettrait dans un tel état… Se détachant de l’ombre, elle franchit la distance qui la séparait de Zachary et son regard rencontra le sien. — Je vais m’en aller, sinon ni toi, ni moi n’aurons le moindre répit. Elle sembla détailler son visage, comme si elle y cherchait des réponses à des questions qu’elle ne pouvait pas poser. Enfin, elle se détourna, rejoignit la porte et l’ouvrit. — Ce soir, une hésitation, — dors avec moi. Puis elle fila sans lui laisser le loisir de rebondir.
Noble du Reike
Zéphyr Zoldyck
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Il ne l’avait pas entendue se glisser dans ses couvertures. Et pour cause, Zachary s’était endormi si profondément qu’il n’avait pas remarqué à quel point la situation était rocambolesque, du moins, de son point de vue. Dans quel monde aurait-il pu imaginer que l’ange la plus précieuse du temple s’aventurerait dans sa chambre ? Son dortoir et ses quartiers représentaient deux mondes différents : d’une part, il y avait les serviteurs, d’autre part, il y avait les maîtres. Et jamais au cours de ses dernières années l’espion n’avait vu la fille d’Aurya jouer les curieuses au point de fréquenter les domestiques qui les aidaient, Siame et elle. Jusque-là, ça ne l’avait pas dérangé, il aurait même presque pu trouver ça normal. Mais quand il s’éveilla à l'aurore, et par là-même le chant du coq, il eut réellement du mal à croire ce qu’il voyait. Il y avait donc Phèdre… Dans son lit ?
Bien entendu, l'homme aurait pu ne pas bouger, rester coi, et juste la regarder dormir. Mais l’être humain était ainsi fait pour réagir au quart de tour dans certaines situations : or, Zachary ne pensa pour une fois pas à garder son calme et finit par écarquiller les yeux tout en prononcer son nom. Comme si cela lui prouvait qu’il ne rêvait pas – et d’ailleurs, il en était certain maintenant, la demoiselle était vraiment bien son lit. C’était… quelque chose qu’il aurait du mal prendre, forcément, mais qui en vérité, le laissait pour une fois étrangement démuni – et cela était plutôt nouveau pour cet homme qui aimait bien contrôler la situation autour de lui. Paradoxalement, s’il était surpris, il ne pensa pas non plus à la faire sortir de sa chambre pour qu’elle s’en allât au plus vite ; de toute façon, tout ce que put penser Zachary pendant qu’elle se réveillait, c’est que le lit était bien trop petit pour eux deux et qu’il aurait dû être impossible qu’elle dorme à poing fermé dans cette position si étroite.
… Mais en fait si. Car sous ses yeux médusés, la belle se réveilla, grommela quelques mots, affirma qu’elle était très bien ici, et se rendormit presque aussitôt. Mais qu’est-ce que… Autant elle lui avait fait subir des vertes et des pas mûres, elle lui avait même – littéralement – brisé les couilles à un moment donné, mais ça, ça,, CA, il ne s’y attendait pas Et il était inutile de contrargumenter. Désormais, l’intendant la connaissait suffisamment pour savoir quand c’était peine perdue de dialoguer avec Phèdre. De toute façon, la princesse se rendormait déjà.
Ce fut peut-être une aubaine pour Zachary, qui eut au moins tout le temps du monde de se reprendre – son regard éperdu devenant petit à petit plus calme alors que les minutes passaient. Comme Phèdre avant lui, il se permit d’observer la diviniste de tout son soul, alors que son souffle devenait régulier, et qu’elle se laissait aller tout contre lui. Qu’est-ce qu’elle était… à la fois égoïste… et en même temps si innocente. Comment en était-elle-même arrivée à se blottir dans son lit ? Pourquoi ? Elle n’arrivait pas à dormir ? Non, comment même en étaient-ils arrivés à se faire si confiance ?
« Le cœur a ses raisons que la raison ignore », lui souffla un instant sa conscience, et Zach finit par envoyer balader ses pensées tortueuses. De toute façon, c’était fait. Elle était là. Ca ne servait à rien de se tordre l’esprit, n’est-ce pas ? Même, le guerrier se permit l’outrecuidance de repousser très légèrement une de ses mèches noires qui tombaient déraisonnablement sa joue. Elle était belle, il le savait, il l’avait toujours su, et sa propre main vint encore soulever la couverture que tenait mollement Phèdre pour la ramener jusqu’au dessus de ses épaules.
- Qu’est-ce que je vais faire de toi, finit-il par murmurer. « Tu es trop tendre, tu es trop naïve, tu es trop ouverte, tu es trop toi, » aurait-il bien voulu ajouter.
Et lui, comme un idiot, il était tombé sous son charme.
Mais ce n’était pas grave.
Au fond, cela lui plaisait bien, de l’avoir tout contre lui, à quelques centimètres de son visage, tout comme cela lui plaisait de la regarder dormir, d’avoir un peu cette bulle hors du temps. Il y avait certes les domestiques, mais quand on y pensait, une fois qu’ils sortaient de leurs chambres, le quartier des serviteurs était vide, et donc, il était aussi effroyablement calme. Peut-être fut-ce pour cela que l’entrée de Martha fut aussi remarquée par les deux tourtereaux. Parce que son pas pesant, ses marmonnements qui étaient plus des lamentations à voix haute auraient même fait relever les morts. Contre toute-attente, Zach n’eut pas besoin d’ouvrir la bouche pour avertir sa dulcinée. Ses beaux yeux saphirs s’ouvrir aussitôt, comme alertée d’un danger imminent, et jamais le guerrier ne la vit sortir aussi vite de son lit pour aller se cacher derrière contre le mur de sa chambre. Pour peu, il en aurait bien ri et l’aurait bien taquinée à ce sujet, sauf que la sacristine entra comme une tornade dans la pièce en lui faisant entendre que Phèdre avait disparu – un drame absolu pour tout le temple, vraiment, Siame elle-même ne s’en remettrait pas.
Martha, heureusement, aimait s’entendre parler. Et heureusement, elle n’attendit pas une réponse du bellâtre, qui n’eut même pas à prétendre qu’il était malade. A peine eut-elle fini son discours qu’elle le houspillât pour qu’il sorte de son lit – oui, oui, regarde le lit et pas la porte – avant de repartir presqu’aussitôt. Zachary et Phèdre eurent le temps de s’échanger un long regard pendant que la dame s’éloignait, retenant peut-être leur souffle pour ne pas se trahir, puis, la jeune femme fut la première à sourire et à avoir un rire silencieux.
- Ce n’est pas drôle, commença-t-il pour la forme, avant que le sourire de l’ange ne le contamine définitivement. Mais on pourrait recommencer des coups comme ça de temps en temps, admit-il avec une expression amusée.
Juste parce que c’était jouissif de la voir se torturer l’esprit… pour rien, à vrai dire. Mais quoi qu’il en fût, Phèdre avait raison, elle ne pouvait rester.
- Pourtant, j’ai apprécié te voir dormir, remarqua Zachary sans réfléchir, avec une spontanéité rafraichissante, qui confirmerait d’ailleurs à la jeune femme qu’il n’avait pas mal pris son incursion nocturne. D’un même geste, il s’assit sur sa couchette, pendant que la demoiselle semblait le détailler de haut en bas. Il fut à deux doigts de lui demander s’il avait quelque chose sur le visage, quand la belle se retourna vers la porte et l’ouvrit. Puis parla encore. Et partit.
Les derniers mots de Phèdre semblèrent flotter un instant dans l’air, alors que la maîtresse du temple regagnait ses appartements. Un instant, il fallut bien l’admettre, l’homme crut qu’il avait halluciné, qu’il avait dû se tromper, que jamais elle n’avait dû prononcer ses mots, mais il n’était pas non plus sot : il s’était passé quelque chose cette nuit de totalement imprévisible pour eux deux et… e il devait bouger, parce que Martha revenait encore à la charge.
La suite consista en un jeu entre Phèdre et lui. C’eut été trop facile de rediriger la vieille chipie directement dans les appartements de la mage noire. Pendant qu’il attrapait de quoi se vêtir, Zachary l’envoya dans les coins les plus improbables du temple – y compris la fameuse dépendance des bûcherons, où ils avaient fait leur bonhomme de neige, juste pour lui faire perdre du temps. Puis, quand elle revint encore plus furieuse, il l’envoya encore à droite à gauche, avant d’enfin trouver la réponse : la jeune femme avait voulu prier au plus près de ses maîtres, en allant sur le toit du temple et en contemplant le ciel étoilé du Sekai. N’était-ce pas beau une telle dévotion de la fille d’Aurya ? Peut-être avait-elle même eu une révélation pour une fois ? Se moquant ouvertement de Martha, la femme n’y vit pourtant que du feu, puisque Zach avait vite fait passer le mot à sa complice par l’intermédiaire d’une servante. Nul doute qu’elle comprendrait le message, et de toute façon, qui pourrait lui faire le moindre reproche ?
Restait cela dit à se « préparer » pour ce soir. Enfin, se préparer. C’était quand même un grand mot. Zachary avait pris le temps d’y réfléchir, avant de somme toute abandonner et d’improviser sur le tas, comme la plupart des hommes de la gente masculine le ferait à sa place. Pourtant, l’homme ne voulait pas y aller non plus les mains vides, et s’il avait dû travailler d’arrache-pied pour combler le retard de sa « grasse matinée » (hum hum), il sut, contre toute attente, finir ses obligations plus tôt. Il n’en fallut pas plus pour qu’il avertisse un de ses compagnons qu’il descendait une heure au village, sans dire ses intentions ni le motif de son voyage. Quand il revint enfin au temple, le jour déclinait, le personnel du temple commençait déjà à prendre congé, et c’était exactement ce que l’espion voulait.
Difficile, cependant, de prédire quelle serait l’ambiance ce soir. On laissait Phèdre tranquille durant la nuit – même Martha savait qu’il n’y avait pas des limites à dépasser avec la soeur de Siame. De son côté, lui aussi ne la dérangeait généralement pas en soirée : c’était surtout en matinée que sa présence était requise, ainsi qu’en cours de journée. Il n’avait pas l’habitude de s’aventurer dans ces couloirs si sombres, alors qu’il n’y avait pas d’âmes aux alentours. Mais qu’importe.
Comme une ombre, l’espion s’aventura dans les appartements qu’il avait pris l’habitude de côtoyer, et quand il vit enfin la silhouette de Phèdre – debout, heureusement, c’aurait compliqué sa tâche, sinon – l’homme se plut à franchir la distance qui les séparait pour venir lui cacher la vue posant doucement ses deux mains sur son visage.
- Ferme les yeux, lui demanda-t-il simplement alors qu’il parlait d’une voix calme pour que la miss ne s’effrayât pas.
Il ne fallait pas s’illusionner, Zachary était fondamentalement un homme du peuple, qui n’avait aucune richesse particulière. Mais la jeune femme put sentir que le bretteur glissait quelque chose autour de son cou, et l’individu attrapa un petit miroir sur l'une des armoires de la chambre pour que Phèdre puisse se regarder à travers elle.
- C’est une écharpe telle qu’on s’en fait beaucoup à cette période de l’hiver. Je ne t’ai jamais vu en porter. Un léger haussement d’épaules. Elle est en noir et blanc, comme tes cheveux, souligna-t-elle presqu’inutilement. Un sourire alors que Phèdre pouvait les apercevoir tous les deux dans le miroir. Elle te plait ?
Beaucoup de monde cherchaient des faveurs de Phèdre ; et pourtant, le sourire attendri de Zach montrait qu’il était simplement content de lui faire ce cadeau, sans rien obtenir en échange. Il était un fier de sa trouvaille même si ce n’était pas grand-chose : en fait, c’était même sans doute un accessoire d’une qualité médiocre par rapport à ce qu’elle avait dans sa garde-robe.
- Si ça ne te plait pas, nous pourrons aller nous-mêmes au marché pour échanger l’écharpe pour un autre. Je connais le vendeur.
Attendant sa réaction, Zachary finit par regarder la pièce, ainsi que les éventuelles préparations que Phèdre avait pu faire. Il put d’ailleurs regarder qu’on lui avait apporté un repas – dont elle n’avait quasiment pas touché – et l’homme esquissa un sourire mi-figue mi-raisin. Est-ce que la miss était stressée ? Ou au contraire était-elle blasée faute d’avoir eu tant de rencontres d’un soir, à cause de son prétendu devoir ? Son but n’était pas de la mettre mal à l’aise, mais il ne voulait pas non plus qu’une atmosphère étrange naisse entre eux.
- Si tu veux dormir avec moi, montre-moi où tu veux que je me mette. Un instant de silence, pendant qu’il lui laisse l’initiative. Puis, une hésitation, comme s’il hésitait à mettre les pieds dans le tapis. Pourquoi es-tu venu dans ma chambre, en plein milieu de la nuit ? Tu aurais pu me réveiller… dit naïvement le coupable, qui s’est aussitôt rendormi. Et ton lit est bien plus confortable que le mien, au demeurant…
Bien entendu, l'homme aurait pu ne pas bouger, rester coi, et juste la regarder dormir. Mais l’être humain était ainsi fait pour réagir au quart de tour dans certaines situations : or, Zachary ne pensa pour une fois pas à garder son calme et finit par écarquiller les yeux tout en prononcer son nom. Comme si cela lui prouvait qu’il ne rêvait pas – et d’ailleurs, il en était certain maintenant, la demoiselle était vraiment bien son lit. C’était… quelque chose qu’il aurait du mal prendre, forcément, mais qui en vérité, le laissait pour une fois étrangement démuni – et cela était plutôt nouveau pour cet homme qui aimait bien contrôler la situation autour de lui. Paradoxalement, s’il était surpris, il ne pensa pas non plus à la faire sortir de sa chambre pour qu’elle s’en allât au plus vite ; de toute façon, tout ce que put penser Zachary pendant qu’elle se réveillait, c’est que le lit était bien trop petit pour eux deux et qu’il aurait dû être impossible qu’elle dorme à poing fermé dans cette position si étroite.
… Mais en fait si. Car sous ses yeux médusés, la belle se réveilla, grommela quelques mots, affirma qu’elle était très bien ici, et se rendormit presque aussitôt. Mais qu’est-ce que… Autant elle lui avait fait subir des vertes et des pas mûres, elle lui avait même – littéralement – brisé les couilles à un moment donné, mais ça, ça,, CA, il ne s’y attendait pas Et il était inutile de contrargumenter. Désormais, l’intendant la connaissait suffisamment pour savoir quand c’était peine perdue de dialoguer avec Phèdre. De toute façon, la princesse se rendormait déjà.
Ce fut peut-être une aubaine pour Zachary, qui eut au moins tout le temps du monde de se reprendre – son regard éperdu devenant petit à petit plus calme alors que les minutes passaient. Comme Phèdre avant lui, il se permit d’observer la diviniste de tout son soul, alors que son souffle devenait régulier, et qu’elle se laissait aller tout contre lui. Qu’est-ce qu’elle était… à la fois égoïste… et en même temps si innocente. Comment en était-elle-même arrivée à se blottir dans son lit ? Pourquoi ? Elle n’arrivait pas à dormir ? Non, comment même en étaient-ils arrivés à se faire si confiance ?
« Le cœur a ses raisons que la raison ignore », lui souffla un instant sa conscience, et Zach finit par envoyer balader ses pensées tortueuses. De toute façon, c’était fait. Elle était là. Ca ne servait à rien de se tordre l’esprit, n’est-ce pas ? Même, le guerrier se permit l’outrecuidance de repousser très légèrement une de ses mèches noires qui tombaient déraisonnablement sa joue. Elle était belle, il le savait, il l’avait toujours su, et sa propre main vint encore soulever la couverture que tenait mollement Phèdre pour la ramener jusqu’au dessus de ses épaules.
- Qu’est-ce que je vais faire de toi, finit-il par murmurer. « Tu es trop tendre, tu es trop naïve, tu es trop ouverte, tu es trop toi, » aurait-il bien voulu ajouter.
Et lui, comme un idiot, il était tombé sous son charme.
Mais ce n’était pas grave.
Au fond, cela lui plaisait bien, de l’avoir tout contre lui, à quelques centimètres de son visage, tout comme cela lui plaisait de la regarder dormir, d’avoir un peu cette bulle hors du temps. Il y avait certes les domestiques, mais quand on y pensait, une fois qu’ils sortaient de leurs chambres, le quartier des serviteurs était vide, et donc, il était aussi effroyablement calme. Peut-être fut-ce pour cela que l’entrée de Martha fut aussi remarquée par les deux tourtereaux. Parce que son pas pesant, ses marmonnements qui étaient plus des lamentations à voix haute auraient même fait relever les morts. Contre toute-attente, Zach n’eut pas besoin d’ouvrir la bouche pour avertir sa dulcinée. Ses beaux yeux saphirs s’ouvrir aussitôt, comme alertée d’un danger imminent, et jamais le guerrier ne la vit sortir aussi vite de son lit pour aller se cacher derrière contre le mur de sa chambre. Pour peu, il en aurait bien ri et l’aurait bien taquinée à ce sujet, sauf que la sacristine entra comme une tornade dans la pièce en lui faisant entendre que Phèdre avait disparu – un drame absolu pour tout le temple, vraiment, Siame elle-même ne s’en remettrait pas.
Martha, heureusement, aimait s’entendre parler. Et heureusement, elle n’attendit pas une réponse du bellâtre, qui n’eut même pas à prétendre qu’il était malade. A peine eut-elle fini son discours qu’elle le houspillât pour qu’il sorte de son lit – oui, oui, regarde le lit et pas la porte – avant de repartir presqu’aussitôt. Zachary et Phèdre eurent le temps de s’échanger un long regard pendant que la dame s’éloignait, retenant peut-être leur souffle pour ne pas se trahir, puis, la jeune femme fut la première à sourire et à avoir un rire silencieux.
- Ce n’est pas drôle, commença-t-il pour la forme, avant que le sourire de l’ange ne le contamine définitivement. Mais on pourrait recommencer des coups comme ça de temps en temps, admit-il avec une expression amusée.
Juste parce que c’était jouissif de la voir se torturer l’esprit… pour rien, à vrai dire. Mais quoi qu’il en fût, Phèdre avait raison, elle ne pouvait rester.
- Pourtant, j’ai apprécié te voir dormir, remarqua Zachary sans réfléchir, avec une spontanéité rafraichissante, qui confirmerait d’ailleurs à la jeune femme qu’il n’avait pas mal pris son incursion nocturne. D’un même geste, il s’assit sur sa couchette, pendant que la demoiselle semblait le détailler de haut en bas. Il fut à deux doigts de lui demander s’il avait quelque chose sur le visage, quand la belle se retourna vers la porte et l’ouvrit. Puis parla encore. Et partit.
Les derniers mots de Phèdre semblèrent flotter un instant dans l’air, alors que la maîtresse du temple regagnait ses appartements. Un instant, il fallut bien l’admettre, l’homme crut qu’il avait halluciné, qu’il avait dû se tromper, que jamais elle n’avait dû prononcer ses mots, mais il n’était pas non plus sot : il s’était passé quelque chose cette nuit de totalement imprévisible pour eux deux et… e il devait bouger, parce que Martha revenait encore à la charge.
La suite consista en un jeu entre Phèdre et lui. C’eut été trop facile de rediriger la vieille chipie directement dans les appartements de la mage noire. Pendant qu’il attrapait de quoi se vêtir, Zachary l’envoya dans les coins les plus improbables du temple – y compris la fameuse dépendance des bûcherons, où ils avaient fait leur bonhomme de neige, juste pour lui faire perdre du temps. Puis, quand elle revint encore plus furieuse, il l’envoya encore à droite à gauche, avant d’enfin trouver la réponse : la jeune femme avait voulu prier au plus près de ses maîtres, en allant sur le toit du temple et en contemplant le ciel étoilé du Sekai. N’était-ce pas beau une telle dévotion de la fille d’Aurya ? Peut-être avait-elle même eu une révélation pour une fois ? Se moquant ouvertement de Martha, la femme n’y vit pourtant que du feu, puisque Zach avait vite fait passer le mot à sa complice par l’intermédiaire d’une servante. Nul doute qu’elle comprendrait le message, et de toute façon, qui pourrait lui faire le moindre reproche ?
Restait cela dit à se « préparer » pour ce soir. Enfin, se préparer. C’était quand même un grand mot. Zachary avait pris le temps d’y réfléchir, avant de somme toute abandonner et d’improviser sur le tas, comme la plupart des hommes de la gente masculine le ferait à sa place. Pourtant, l’homme ne voulait pas y aller non plus les mains vides, et s’il avait dû travailler d’arrache-pied pour combler le retard de sa « grasse matinée » (hum hum), il sut, contre toute attente, finir ses obligations plus tôt. Il n’en fallut pas plus pour qu’il avertisse un de ses compagnons qu’il descendait une heure au village, sans dire ses intentions ni le motif de son voyage. Quand il revint enfin au temple, le jour déclinait, le personnel du temple commençait déjà à prendre congé, et c’était exactement ce que l’espion voulait.
Difficile, cependant, de prédire quelle serait l’ambiance ce soir. On laissait Phèdre tranquille durant la nuit – même Martha savait qu’il n’y avait pas des limites à dépasser avec la soeur de Siame. De son côté, lui aussi ne la dérangeait généralement pas en soirée : c’était surtout en matinée que sa présence était requise, ainsi qu’en cours de journée. Il n’avait pas l’habitude de s’aventurer dans ces couloirs si sombres, alors qu’il n’y avait pas d’âmes aux alentours. Mais qu’importe.
Comme une ombre, l’espion s’aventura dans les appartements qu’il avait pris l’habitude de côtoyer, et quand il vit enfin la silhouette de Phèdre – debout, heureusement, c’aurait compliqué sa tâche, sinon – l’homme se plut à franchir la distance qui les séparait pour venir lui cacher la vue posant doucement ses deux mains sur son visage.
- Ferme les yeux, lui demanda-t-il simplement alors qu’il parlait d’une voix calme pour que la miss ne s’effrayât pas.
Il ne fallait pas s’illusionner, Zachary était fondamentalement un homme du peuple, qui n’avait aucune richesse particulière. Mais la jeune femme put sentir que le bretteur glissait quelque chose autour de son cou, et l’individu attrapa un petit miroir sur l'une des armoires de la chambre pour que Phèdre puisse se regarder à travers elle.
- C’est une écharpe telle qu’on s’en fait beaucoup à cette période de l’hiver. Je ne t’ai jamais vu en porter. Un léger haussement d’épaules. Elle est en noir et blanc, comme tes cheveux, souligna-t-elle presqu’inutilement. Un sourire alors que Phèdre pouvait les apercevoir tous les deux dans le miroir. Elle te plait ?
Beaucoup de monde cherchaient des faveurs de Phèdre ; et pourtant, le sourire attendri de Zach montrait qu’il était simplement content de lui faire ce cadeau, sans rien obtenir en échange. Il était un fier de sa trouvaille même si ce n’était pas grand-chose : en fait, c’était même sans doute un accessoire d’une qualité médiocre par rapport à ce qu’elle avait dans sa garde-robe.
- Si ça ne te plait pas, nous pourrons aller nous-mêmes au marché pour échanger l’écharpe pour un autre. Je connais le vendeur.
Attendant sa réaction, Zachary finit par regarder la pièce, ainsi que les éventuelles préparations que Phèdre avait pu faire. Il put d’ailleurs regarder qu’on lui avait apporté un repas – dont elle n’avait quasiment pas touché – et l’homme esquissa un sourire mi-figue mi-raisin. Est-ce que la miss était stressée ? Ou au contraire était-elle blasée faute d’avoir eu tant de rencontres d’un soir, à cause de son prétendu devoir ? Son but n’était pas de la mettre mal à l’aise, mais il ne voulait pas non plus qu’une atmosphère étrange naisse entre eux.
- Si tu veux dormir avec moi, montre-moi où tu veux que je me mette. Un instant de silence, pendant qu’il lui laisse l’initiative. Puis, une hésitation, comme s’il hésitait à mettre les pieds dans le tapis. Pourquoi es-tu venu dans ma chambre, en plein milieu de la nuit ? Tu aurais pu me réveiller… dit naïvement le coupable, qui s’est aussitôt rendormi. Et ton lit est bien plus confortable que le mien, au demeurant…
Citoyen du monde
Phèdre
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Phèdre gloussait en dévalant sur la pointe des pieds les marches froides des quartiers des domestiques. La chaleur de Zachary s’attardait encore sur elle, semblant vouloir la retenir dans la chambrée mais elle ne pouvait se le permettre. Martha finirait tôt ou tard par s'apercevoir de l’absence prolongée du jeune homme et si elle venait à faire le lien entre eux, alors elle pouvait être certaine qu’il lui serait bien moins aisé de le fréquenter. Non, il valait mieux faire profil bas et dissimuler au mieux leur petit secret. Et puis cela l’amusait. Ce n’était pas quelque chose qu’elle avait pour habitude de faire ; s’amuser. Siame n’était guère d’une nature enfantine, même si elle eut déjà cédé aux caprices de sa cadette, aussi ils restaient assez rares. Trop pour que Phèdre se prive de l’un d’eux. Sans parler de la solitude constante dans laquelle elle baignait depuis le départ de sa sœur. Les offices étaient ennuyeux. Seuls les livres arrivaient à occuper son esprit mais même eux atteignaient rapidement leurs limites, en plusieurs centaines d’années l’ange avait largement eut le plaisir de les lire et les relire encore et encore jusqu’à en connaître la plupart sur le bout des doigts. Elle avait beaucoup appris d’eux, tout ce qu’elle savait sur la magie en vérité et ils avaient également su l’occuper avec leurs contes, leurs légendes. Les batailles épiques sous les bannières criardes de monde qu’elle ne connaîtrait jamais, les épopées fantastiques de personnages qui n’avaient jamais foulés son monde mais pour lesquels elle éprouvait de l’affection. Les livres avaient presque toujours été des amis plus fidèles que les vivants et elle les aimait pour cela. Mais ils étaient incapable de lui offrir ce qu’elle recharchait tant, cette pareille qu’un autre être humain pouvait lui renvoyer. Celle que Zachary, lui renvoyait.
Phèdre gloussa lorsqu’elle entendit la voix de Martha raisonner à l’angle d’un couloir, un peu en amont de celui qu’elle empruntait et bifurqua sur la droite avant de se glisser par une fenêtre et de se laisser tomber dans le vide. Elle tomba en silence et sur le blanc du matin et de la neige, personne ne vit ses ailes de plumes blanches se déployer pour planer en silence.
Au dessous d’elle, dans la cour intérieure, elle percevait aisément l’agitation des domestiques. Martha était en train de mettre une belle pagaille. Phèdre aurait pu culpabiliser si seulement elle n’avait pas si peu d’empathie pour ceux qui la servaient. Alors elle resta à la lisière des nuages, donnant plusieurs coups d’aile pour aller s’y réfugier. D’aussi haut, il lui était compliqué d’apercevoir qui que ce soit, distinguer les visages était impossible mais lorsqu’elle vit une silhouette avancer péniblement dans la poudreuse en direction de la dépendance, elle sut que Zachary avait continué de jouer au jeu qu’ils avaient lancés. Et Phèdre rit, encore et encore. Jusqu’à ce qu’une larme glaciale dévale sa joue et que le froid eut suffisamment fait rougir son nez pour qu’elle consente à regagner ses appartements par l’une des fenêtres identiques à celle par laquelle elle était passée pour s’enfuir.
Le bon côté de ce petit jeu fut que son après-midi se passa sous le signe de la paix et de la tranquillité. Le mauvais était qu’il n’y eut personne pour lui préparer un bain ou des vêtements puisque personne ne savait qu’elle se trouvait là. Phèdre en profita pour se rouler dans ses draps et laisser son esprit divaguer. Elle songea à cette nuit aussi insolite que douce. Mais aussi à ce que Zachary avait dit. “Pourtant, j’ai apprécié te voir dormir” avait-il dit. Sans trop en comprendre la raison, elle se mit à sourire alors qu’elle avait l’impression que sa poitrine se remplissait de chaleur. Quelle bizarrerie était-ce encore là ? Hélas, sa réflexion ne put aller plus loin puisqu’on vint taper à la porte. L’ange resta immobile et silencieuse jusqu’à ce qu’une petite voix murmure à travers la porte :
— Ma dame ? Ma dame, je sais que vous êtes ici. Enfin, j’espère. Je viens de la part de Zach.
Là, Phèdre releva la tête.
—Il a dit… Il a dit… Bafouilla la jeune servante en cherchant à se souvenir des mots exacts.
La porte s’ouvrit à la volée, une main pâle s’en extirpa, la saisit par le col et la fit entrer de force. La pauvre laissa un hoquet de stupeur lui échapper.
— Qu’a-t-il dit ? interrogea Phèdre, le regard pétillant.
La jeune servante hésita encore un instant avant de lui dire tout ce que Zachary lui avait dit. Les toits donc, en voilà un endroit bien étrange pour prier. Mais au moins Martha serait occupée pour encore un bout de temps.
— Mais vous n’irez pas, n’est-ce pas ? Demanda la jeune femme du bout des lèvres.
Phèdre la toisa, c’était sans doute la première fois qu’elle échangeait avec l’un des membres du temple qui ne soit ni la vieille femme, ni Zachary. Puis elle se fendit d’un sourire, léger mais présent qui sembla détendre la servante.
— Non, et je vous serais gré de garder le secret aussi longtemps que possible. Mais alors qu’elle était sur le point de la congédier avec politesse -un effort suffisamment rare pour être souligné- elle demanda : — Pourriez-vous me préparer un bain, discrètement ? La servante lui offrit un sourire de connivence, hocha la tête et disparut.
***
— Est-il normal pour les mortels de dormir avec un autre ? Demanda Phèdre alors que la même servante que Zachary lui avait envoyé s’échinait à brosser ses cheveux.
— Euh… Pas vraiment. Enfin, si.
L’ange se renfrogna.
— Oui ou non ?
— Oui, mais généralement c’est après le mariage. Pour le, euh… Les enfants.
— Pour procréer tu veux dire ?
Elle hocha la tête.
— Comment t’appelles-tu ?
— Nora, ma dame.
— Donc, Nora, tu dis que vous mortels, ne dormez ensemble que pour vous reproduire ?
— Oui, enfin, non !
Phèdre lui lança un regard par dessus son épaule qui fit déglutir la pauvre fille.
— C’est une généralité. On considère qu’un homme et une femme dorment ensemble pour… Eh bien vous savez.
— Je sais quoi ? S’agaça-t-elle.
— Faire l’amour.
— Faire l’amour ?
- Oui.
— Donc procréer.
Cette fois ce fut à Nora de lui lancer un regard noir qui fit plisser les yeux de Phèdre.
— Non, ça n’a pas toujours vocation à voir naître un enfant. Murmura-t-elle du bout des lèvres, gênée.
— Il est vrai que parfois, l’infertilité peut être un fléau ou une mauvaise période ou…
— Je parle de plaisir, ma dame ! S’exclama Nora, les joues en feu.
— De… Plaisir ?
Phèdre se mura dans le silence et son esprit ressassa chacune des cérémonies depuis la première. Elle se souvint de toutes les mains qui avaient enserrées ses hanches jusqu’à y imprimer leur forme, qui avaient suivit le vallon de ses courbes, des souffles hiératiques qui avaient raisonnés à ses oreilles, du poids des corps sur le sien, de la manière impudique dont on se l’était approprié, de la violence de certains, de la lubricité d’autres et jamais, au grand jamais, elle n’y trouva du plaisir. Seulement la satisfaction d’être utile aux desseins d’Aurya et servile auprès de cette sœur qu’elle aimait tant voir satisfaite. S’il y avait quelconque plaisir à tirer de tels échanges, elle le lui aurait dit. N’est-ce pas ?
— Tu peux y aller.
Nora ne se fit pas prier, termina la natte qu’elle avait savamment tressée puis fila en direction de la porte. Au moment où elle la franchit, il lui sembla entendre les esquisses d’un “merci”.
Phèdre, livrée à elle-même se tenait devant la fenêtre qui surplombait le temple. Perdue dans ses pensées, elle n’entendit pas que quelqu’un pénétrait dans sa chambre. En revanche, elle reconnut les mains qui lui couvrirent les yeux avant même qu’elles n’aient terminé de lui ôter entièrement la vue. Zachary avait cette odeur caractéristique qu’elle reconnaissait aisément. Sans qu’elle puisse s’en empêcher, elle sourit et obtempéra. L'étoffe qu’il déposa autour de son cou était si douce qu’elle eut l’impression que ses propres plumes avaient servi à sa confection.
— Elle est très belle, affirma-t-elle en passant ses doigts dessus lorsqu’il fut clair qu’elle pouvait la contempler. Blanche comme ses cheveux, elle s’y fondait avec une perfection troublante. — Je ne compte pas l’échanger. Même si elle ne me plaisait pas. Parce qu’il l’avait choisie pour elle et c’était cela qui avait de la valeur.
Zachary se détourna finalement d’elle pour observer la chambre. Il n’y avait rien de plus, ni de moins que d’habitude. L’endroit était toujours impeccablement entretenu, de l'encens y brûlait, trahit par une volute de fumée. En son centre, un lit gigantesque prenait une belle partie de l’espace. Il était si grand qu’il était capable d’accueillir les deux anges et leurs ailes sans qu’elles ne soient à l’étroit. La décoration était sobre, sans excès, similaire à Siame d’une certaine manière mais pas complètement étrangère à Phèdre bien que cette dernière n’eut jamais véritablement prit le temps de la décorer. Cela ne l’intéressait pas et elle soupçonnait qu’il en soit de même pour sa sœur. Il y avait près de la table de chevet un repas désormais froid qu’elle n’avait qu’à peine picoré et quelques livres qu’elle avait demandé à Nora de lui ramener. Elle avait également chargé la jeune femme de tenir Martha éloigné de ses appartements autant que possible et de ceux de Zachary par la même occasion. La servante lui avait lancé un regard suspicieux puis un demi-sourire avait illuminé ses traits et elle avait consenti à l’aider.
— Ce n’est qu’une chambre. Dit-elle simplement tandis qu’il observait les lieux. Lui qui les connaissait pourtant assez bien. Au lieu de lui répondre, il se contenta d’une question qui la laissa interdite. Pourquoi était-elle allée le retrouver la nuitée précédente. Oui, pourquoi ? Légèrement en retrait, Phèdre ne fit rien pour se rapprocher du jeune homme. Ses sourcils bruns se froncèrent tandis qu’elle cherchait une réponse à lui offrir. — J’avais une question à te poser. Ce n’était pas vraiment un mensonge. Ce n’était pas la vérité non plus. Personne de normalement constitué n’entrerait en pleine nuit dans la chambre d’une autre pour une question aussi bête que celle qu’elle lui avait posée. Même si les mœurs de mortels lui étaient étrangères, elle savait cela.
— Et tu y as répondu. Même si… Je n’ai pas compris la réponse.
L’ombre d’un sourire désolé passa sur son visage puis elle contourna Zachary pour s’approcher de son lit.
— Et tu ne sembles pas t’en souvenir.
A moins qu’il ne veuille le lui faire croire. Elle repoussa cette hypothèse avec une certaine véhémence.
— Met toi où tu le souhaites, le lit est bien assez grand pour nous deux.
Phèdre attendit que Zachary se soit glissé entre les draps pour l’imiter. Contrairement à la chambre de l’homme, la sienne était chaude, réchauffée par un feu de cheminée régulièrement entretenu et le matelas était de bonne facture, fait sur mesure et changé dès qu’il imprimait un peu trop la marque des corps de ses propriétaires. Phèdre roula sur le côté, tira la couette jusqu’à elle et posa son regard azur sur lui.
— Et toi, pourquoi es-tu venu ce soir ? Parce que je te l’ai demandé ? Ou parce que tu en avais envie ?
Elle se tut, hésitante puis avoua :
— J’ai dormi pour la première fois depuis des semaines, hier soir.
Sa main se leva au-dessus des couvertures, se rétracta un instant puis vint finalement se poser avec prudence sur l’une des longues mèches de cheveux qui serpentait contre la peau du cou de Zachary.
Phèdre gloussa lorsqu’elle entendit la voix de Martha raisonner à l’angle d’un couloir, un peu en amont de celui qu’elle empruntait et bifurqua sur la droite avant de se glisser par une fenêtre et de se laisser tomber dans le vide. Elle tomba en silence et sur le blanc du matin et de la neige, personne ne vit ses ailes de plumes blanches se déployer pour planer en silence.
Au dessous d’elle, dans la cour intérieure, elle percevait aisément l’agitation des domestiques. Martha était en train de mettre une belle pagaille. Phèdre aurait pu culpabiliser si seulement elle n’avait pas si peu d’empathie pour ceux qui la servaient. Alors elle resta à la lisière des nuages, donnant plusieurs coups d’aile pour aller s’y réfugier. D’aussi haut, il lui était compliqué d’apercevoir qui que ce soit, distinguer les visages était impossible mais lorsqu’elle vit une silhouette avancer péniblement dans la poudreuse en direction de la dépendance, elle sut que Zachary avait continué de jouer au jeu qu’ils avaient lancés. Et Phèdre rit, encore et encore. Jusqu’à ce qu’une larme glaciale dévale sa joue et que le froid eut suffisamment fait rougir son nez pour qu’elle consente à regagner ses appartements par l’une des fenêtres identiques à celle par laquelle elle était passée pour s’enfuir.
Le bon côté de ce petit jeu fut que son après-midi se passa sous le signe de la paix et de la tranquillité. Le mauvais était qu’il n’y eut personne pour lui préparer un bain ou des vêtements puisque personne ne savait qu’elle se trouvait là. Phèdre en profita pour se rouler dans ses draps et laisser son esprit divaguer. Elle songea à cette nuit aussi insolite que douce. Mais aussi à ce que Zachary avait dit. “Pourtant, j’ai apprécié te voir dormir” avait-il dit. Sans trop en comprendre la raison, elle se mit à sourire alors qu’elle avait l’impression que sa poitrine se remplissait de chaleur. Quelle bizarrerie était-ce encore là ? Hélas, sa réflexion ne put aller plus loin puisqu’on vint taper à la porte. L’ange resta immobile et silencieuse jusqu’à ce qu’une petite voix murmure à travers la porte :
— Ma dame ? Ma dame, je sais que vous êtes ici. Enfin, j’espère. Je viens de la part de Zach.
Là, Phèdre releva la tête.
—Il a dit… Il a dit… Bafouilla la jeune servante en cherchant à se souvenir des mots exacts.
La porte s’ouvrit à la volée, une main pâle s’en extirpa, la saisit par le col et la fit entrer de force. La pauvre laissa un hoquet de stupeur lui échapper.
— Qu’a-t-il dit ? interrogea Phèdre, le regard pétillant.
La jeune servante hésita encore un instant avant de lui dire tout ce que Zachary lui avait dit. Les toits donc, en voilà un endroit bien étrange pour prier. Mais au moins Martha serait occupée pour encore un bout de temps.
— Mais vous n’irez pas, n’est-ce pas ? Demanda la jeune femme du bout des lèvres.
Phèdre la toisa, c’était sans doute la première fois qu’elle échangeait avec l’un des membres du temple qui ne soit ni la vieille femme, ni Zachary. Puis elle se fendit d’un sourire, léger mais présent qui sembla détendre la servante.
— Non, et je vous serais gré de garder le secret aussi longtemps que possible. Mais alors qu’elle était sur le point de la congédier avec politesse -un effort suffisamment rare pour être souligné- elle demanda : — Pourriez-vous me préparer un bain, discrètement ? La servante lui offrit un sourire de connivence, hocha la tête et disparut.
***
— Est-il normal pour les mortels de dormir avec un autre ? Demanda Phèdre alors que la même servante que Zachary lui avait envoyé s’échinait à brosser ses cheveux.
— Euh… Pas vraiment. Enfin, si.
L’ange se renfrogna.
— Oui ou non ?
— Oui, mais généralement c’est après le mariage. Pour le, euh… Les enfants.
— Pour procréer tu veux dire ?
Elle hocha la tête.
— Comment t’appelles-tu ?
— Nora, ma dame.
— Donc, Nora, tu dis que vous mortels, ne dormez ensemble que pour vous reproduire ?
— Oui, enfin, non !
Phèdre lui lança un regard par dessus son épaule qui fit déglutir la pauvre fille.
— C’est une généralité. On considère qu’un homme et une femme dorment ensemble pour… Eh bien vous savez.
— Je sais quoi ? S’agaça-t-elle.
— Faire l’amour.
— Faire l’amour ?
- Oui.
— Donc procréer.
Cette fois ce fut à Nora de lui lancer un regard noir qui fit plisser les yeux de Phèdre.
— Non, ça n’a pas toujours vocation à voir naître un enfant. Murmura-t-elle du bout des lèvres, gênée.
— Il est vrai que parfois, l’infertilité peut être un fléau ou une mauvaise période ou…
— Je parle de plaisir, ma dame ! S’exclama Nora, les joues en feu.
— De… Plaisir ?
Phèdre se mura dans le silence et son esprit ressassa chacune des cérémonies depuis la première. Elle se souvint de toutes les mains qui avaient enserrées ses hanches jusqu’à y imprimer leur forme, qui avaient suivit le vallon de ses courbes, des souffles hiératiques qui avaient raisonnés à ses oreilles, du poids des corps sur le sien, de la manière impudique dont on se l’était approprié, de la violence de certains, de la lubricité d’autres et jamais, au grand jamais, elle n’y trouva du plaisir. Seulement la satisfaction d’être utile aux desseins d’Aurya et servile auprès de cette sœur qu’elle aimait tant voir satisfaite. S’il y avait quelconque plaisir à tirer de tels échanges, elle le lui aurait dit. N’est-ce pas ?
— Tu peux y aller.
Nora ne se fit pas prier, termina la natte qu’elle avait savamment tressée puis fila en direction de la porte. Au moment où elle la franchit, il lui sembla entendre les esquisses d’un “merci”.
Phèdre, livrée à elle-même se tenait devant la fenêtre qui surplombait le temple. Perdue dans ses pensées, elle n’entendit pas que quelqu’un pénétrait dans sa chambre. En revanche, elle reconnut les mains qui lui couvrirent les yeux avant même qu’elles n’aient terminé de lui ôter entièrement la vue. Zachary avait cette odeur caractéristique qu’elle reconnaissait aisément. Sans qu’elle puisse s’en empêcher, elle sourit et obtempéra. L'étoffe qu’il déposa autour de son cou était si douce qu’elle eut l’impression que ses propres plumes avaient servi à sa confection.
— Elle est très belle, affirma-t-elle en passant ses doigts dessus lorsqu’il fut clair qu’elle pouvait la contempler. Blanche comme ses cheveux, elle s’y fondait avec une perfection troublante. — Je ne compte pas l’échanger. Même si elle ne me plaisait pas. Parce qu’il l’avait choisie pour elle et c’était cela qui avait de la valeur.
Zachary se détourna finalement d’elle pour observer la chambre. Il n’y avait rien de plus, ni de moins que d’habitude. L’endroit était toujours impeccablement entretenu, de l'encens y brûlait, trahit par une volute de fumée. En son centre, un lit gigantesque prenait une belle partie de l’espace. Il était si grand qu’il était capable d’accueillir les deux anges et leurs ailes sans qu’elles ne soient à l’étroit. La décoration était sobre, sans excès, similaire à Siame d’une certaine manière mais pas complètement étrangère à Phèdre bien que cette dernière n’eut jamais véritablement prit le temps de la décorer. Cela ne l’intéressait pas et elle soupçonnait qu’il en soit de même pour sa sœur. Il y avait près de la table de chevet un repas désormais froid qu’elle n’avait qu’à peine picoré et quelques livres qu’elle avait demandé à Nora de lui ramener. Elle avait également chargé la jeune femme de tenir Martha éloigné de ses appartements autant que possible et de ceux de Zachary par la même occasion. La servante lui avait lancé un regard suspicieux puis un demi-sourire avait illuminé ses traits et elle avait consenti à l’aider.
— Ce n’est qu’une chambre. Dit-elle simplement tandis qu’il observait les lieux. Lui qui les connaissait pourtant assez bien. Au lieu de lui répondre, il se contenta d’une question qui la laissa interdite. Pourquoi était-elle allée le retrouver la nuitée précédente. Oui, pourquoi ? Légèrement en retrait, Phèdre ne fit rien pour se rapprocher du jeune homme. Ses sourcils bruns se froncèrent tandis qu’elle cherchait une réponse à lui offrir. — J’avais une question à te poser. Ce n’était pas vraiment un mensonge. Ce n’était pas la vérité non plus. Personne de normalement constitué n’entrerait en pleine nuit dans la chambre d’une autre pour une question aussi bête que celle qu’elle lui avait posée. Même si les mœurs de mortels lui étaient étrangères, elle savait cela.
— Et tu y as répondu. Même si… Je n’ai pas compris la réponse.
L’ombre d’un sourire désolé passa sur son visage puis elle contourna Zachary pour s’approcher de son lit.
— Et tu ne sembles pas t’en souvenir.
A moins qu’il ne veuille le lui faire croire. Elle repoussa cette hypothèse avec une certaine véhémence.
— Met toi où tu le souhaites, le lit est bien assez grand pour nous deux.
Phèdre attendit que Zachary se soit glissé entre les draps pour l’imiter. Contrairement à la chambre de l’homme, la sienne était chaude, réchauffée par un feu de cheminée régulièrement entretenu et le matelas était de bonne facture, fait sur mesure et changé dès qu’il imprimait un peu trop la marque des corps de ses propriétaires. Phèdre roula sur le côté, tira la couette jusqu’à elle et posa son regard azur sur lui.
— Et toi, pourquoi es-tu venu ce soir ? Parce que je te l’ai demandé ? Ou parce que tu en avais envie ?
Elle se tut, hésitante puis avoua :
— J’ai dormi pour la première fois depuis des semaines, hier soir.
Sa main se leva au-dessus des couvertures, se rétracta un instant puis vint finalement se poser avec prudence sur l’une des longues mèches de cheveux qui serpentait contre la peau du cou de Zachary.
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