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    Verndrick Vindrœkir
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  • Mar 30 Juil - 22:59
    Verndrick faisait tournoyer du bout des doigts un anneau en argent. Il se trouvait dans une taverne sur la côte est, en bordure de la Réserve. Le faible éclairage à la table qu’il avait choisie ne lui permettait pas de clairement distinguer les marques qui en décoraient l’intérieur. Mais il n’en avait pas besoin, cela faisait une bonne semaine qu’il avait l’objet. Il avait eu le temps de l’analyser dans les moindres détails et de demander des avis d’experts. Les inscriptions n’étaient dans aucune langue connue, même si on notait clairement qu’elles avaient été gravées par un artiste talentueux. L’un des artisans qu’il avait consultés avait fini par lui dire qu’elles ne voulaient rien dire et ne servaient qu’à vendre une bonne histoire pour justifier le coût probablement élevé qu’il avait dû payer pour acquérir la bague.

    Il l’aurait cru volontiers s’il ne savait pas de quoi l’anneau était capable. Il permettait à quiconque l’enfilait d’exercer un contrôle mental sur une autre personne. Un mage ou une cible avertie pouvait facilement se protéger de ses effets, mais son ancien propriétaire avait réussi à habilement en abuser avant de se faire arrêter. C’était un modeste marchand qui s’était subitement découvert un excellent flair commercial avec de nouveaux partenariats dans des cercles qui lui étaient fermés jusqu’alors.

    Les rumeurs du succès fulgurant de ce dernier étaient rapidement parvenues aux oreilles du demi-elfe. Il était de retour à Liberty et profita de sa disponibilité pour mener l’enquête. Il avait d’abord cru que le succès du commerçant venait du soutien d’une famille noble ou d’un allié puissant dans la pègre locale. Les récents événements avaient fait de la ville un terrain d’opportunités pour toute personne assez ambitieuse et audacieuse pour les saisir.

    Il avait très vite découvert que les changements dans la vie du commerçant étaient dus à la bague et à l'habileté de son propriétaire dans le choix de ses cibles et l’utilisation des effets. Il fut discrètement arrêté et l’objet réquisitionné. S’il y avait un nouvel arrivage d’artefacts dangereux en ville, Verndrick préférait s’en occuper sans alerter le grand public. Après sa propre enquête, il contacta la division des opérations magiques des effraies pour l’aider à remonter la piste de l’anneau et en découvrir la provenance.

    Grâce à leur soutien, il découvrit que sa prochaine destination était les îles paradisiaques, l’origine de l’artefact. Il avait loué les services d’une frégate nommée le Bâtard, comme son capitaine, pour l’y mener. Ce dernier venait justement de franchir les portes de la taverne, entouré de quatre de ses hommes. Il sourit quand il reconnut l’aventurier et laissa ses hommes profiter du bar avant de le rejoindre seul à sa table.

    "C’est qui l’heureuse élue ?" demanda-t-il en s’asseyant et en indiquant la bague.

    "Je ne sais pas encore," répondit Verndrick en souriant. "Elle n’a pas franchement porté bonheur à son ancien propriétaire, il a fini sous les barreaux."

    "Oh, elle a de la valeur donc. Si tu n’as toujours pas de candidat, je suis preneur. Tu connais mon amour pour les babioles et la chance, c’est surfait de toute façon."

    Verndrick rit à la remarque avant de répondre.

    "Dit celui qui jette toujours une pièce à Dame Chance avant chaque grand voyage."

    "Oh, elle comprendra que je ne l’ai reniée que le temps de gagner un nouvel anneau. Je lui jetterai deux pièces pour la peine prochainement en excuse."

    En effet, les doigts du Bâtard étaient sertis d’anneaux en matériaux divers. Chacune d’elles avait une histoire qu’il se faisait le plaisir de raconter à quiconque posait la question. Et parce que c’étaient souvent des ramassis de mensonges et qu’il n’y était pas forcément attaché, il n’hésitait pas à régulièrement changer de bague. Il récupéra celle dans les mains de l’aventurier et se préparait à l’enfiler quand celui-ci l’avertit.

    "Elle est magique avec des effets plutôt intéressants."

    Le capitaine hésita, l’anneau suspendu au-dessus de son index droit. Après réflexion, il jugea plus sage de le retourner à l’aventurier.

    "J’allais pas me transformer en monstre ou quoi, hein ?"

    Verndrick rit à nouveau.

    "Non, pas ce genre de magie."

    Bâtard attendit quelques secondes qu’il développe avant de reprendre la parole quand il se rendit compte qu’aucune explication ne venait. Il n’avait aucun problème avec les secrets du moment où il était bien payé, et le noble payait bien assez.

    "Alors, qu’est-ce que ça a à voir avec notre vieil ami ?" demanda Bâtard, enjoué.

    "Hein ?"

    "Bah, tu m’as dit de te rejoindre dans la seule taverne de Bord-de-Marée. J’ai supposé qu’on allait revoir ce bon vieux Masqué."

    Il comprenait la méprise. C’était bien en passant par le tavernier qu’il avait l’habitude de contacter le corsaire, mais il était là pour une tout autre raison.

    "Ah non. J’étais à Liberty et c’était le port le plus proche."

    "Dommage, j’aurais bien aimé revoir sa tronche."

    "Son masque plutôt, mais le sentiment est partagé. Non, nous faisons cap sur les îles paradisiaques."

    Le sourire du capitaine se fit plus grand.

    "Des vacances payées, qu’est-ce qu’on attend !"

    Le voyage se passa sans incident, si ce n’étaient les plaintes constantes de Bâtard. Il ne comprenait pas pourquoi, de toutes leurs options, Verndrick avait choisi l’île de Dimalv. Il reprochait à l’endroit d’être chaud, humide et rempli de cul-terreux qui n’aimaient pas beaucoup les républicains. Une fois arrivé à quai, il laissa la charge de la frégate et de son équipage à son second et rejoignit l’aventurier sur la terre ferme.

    "Y’a vraiment plus accueillant dans le coin pour des vacances."

    Verndrick savait que ses lamentations ne venaient pas vraiment du cœur.

    "Alors, on est là pour combien de temps ?"

    "Aucune idée, ça dépend."

    Verndrick reçut rapidement auprès des autochtones les directions pour rejoindre le siège de l’Office en place. Ils avaient été déployés avec quelques effraies pour apporter la bonne nouvelle de la République et un peu de civilisation sur l’île. La division des opérations magiques l’avait informé que des objets portant les mêmes marques que l’anneau transitaient depuis l’île. Un trafic d’anciennes reliques inoffensives ne représentait pas une menace, mais si des artefacts magiques pouvaient se retrouver dans le lot, il fallait intervenir pour s’assurer qu’ils ne tombaient pas en de mauvaises mains.

    Il se présenta à la caserne, le Bâtard à ses côtés. Il interpella le premier officier qu’il trouva qui n’avait pas l’air occupé.

    "Salut,"

    Il attendit qu’on le remarque avant de poursuivre.

    "Je m’appelle Verndrick Vindrœkir, j’ai un message de la plus haute importance de Courage et je ne peux l’adresser qu’au responsable des lieux."

    Un mensonge, un qui n’allait probablement pas impressionner celui qui l’écoutait. Mais il fallait bien commencer quelque part. Il espérait juste que son message serait remonté même si l’officier ne croyait pas à la fausse urgence de sa mission.


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    Gunnar Bremer
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  • Jeu 8 Aoû - 23:15
    Le silence s’abat dans la caserne qui n’était pas bien bruyante jusque-là. La matinée est bien entamée et la majorité des Officiers Républicains sont en patrouille, du moins pour ceux de service. Ceux qui restent ont trouvé des combines pour rester tranquillement dans les bureaux et éviter la chaleur croissante de l’extérieur, même si l’intérieur de la caserne commençait déjà à faire étuve. L’Officier Républicain Krueger se redresse sur sa chaise inconfortable, jetant un regard inquiet à ces deux comparses aux bureaux voisins qui sont tout aussi décontenancés que lui. D’un geste de main discret, Bistouri lui indique de rester ferme. La sueur perle le front de Krueger et pour une fois, ce n’est pas la chaleur.

    Il déglutit.

    -Le… le responsable ?
    -Oui.
    -Vous êtes sûr que vous ne voulez pas voir… quelqu’un d’autre ? Genre, le capitaine. Ou bien Bistouri. Peut-être que vous avez un ensoleillement. Il sait y faire, hein.

    Rien n’y fait. Le nouveau venu est déterminé à confier sa mission à la plus haute autorité et dans d’autres circonstances, on pourrait lui donner raison. On pourrait croire que la garnison est tenue par son commissaire titulaire, le fantasque commissaire Patoche, mais ce dernier a délégué la responsabilité locale à son second. L’incorruptible et antipathique Lou.

    -On m’appelle ?

    Voilà justement qu’il arrive, ouvrant lentement la porte de son bureau privatif. Lou n’est pas bien grand, légèrement replet, il n'est n’est pas particulièrement laid, ni beau non plus. Insignifiant serait le bon terme, avec son crâne dégarni, son regard torve qui incarne parfaitement l’ennui, ses oreilles décollées qui jouent pour beaucoup dans son ouïe fine et bien évidemment son costume impeccable sans la moindre tâche de sueur malgré la chaleur. Lou n’est pas un officier républicain comme les autres. Peu aguerri du terrain, c’est un gestionnaire hors pair. L’apôtre de la bureaucratie, maître des formulaires et des petites lignes dans les règlements. Un être dénué de sentiments qui sont tout autant de freins à la bonne marche d’une administration efficace. C’est ce qui fait de pire en terme de supérieur, un être à la mémoire impitoyable qui vous rappellera la moindre de vos erreurs pour vous forcer à exécuter des basses besognes qu’il consignera soigneusement dans ses livres de comptes. Lou ne prend pas de repos. Il a essayé une fois. Il a fini par aller au travail au bout de deux heures. Tout le monde le craint.

    Ce qui en fait, du coup, un bon supérieur, quoi qu’on puisse en dire.

    -Si monsieur peut bien me rejoindre dans mon bureau.

    Dit-il de sa voix traînante qui vous ouvre les portes d’un monde d’ennui et d’emmerdements maximum. Traversant la distance les séparant, Vindrœkir s’engouffre dans le bureau et la porte se referme sur le visage impassible de Lou, adressant un regard vide aux trois officiers républicains. Il y a un silence, puis Surin murmure.

    -Ca sent les emmerdes, non ?

    Après une dizaine de minutes, la porte s’ouvre à nouveau, laissant place à Lou qui assène d’une voix sans émotion.

    -Allez me chercher le capitaine Bremer.

    Votre serviteur, à ce moment-là, il est en plein mission, dans les dortoirs de la caserne, en train de profiter d’un repos bien mérité. C’est que, non seulement on a fait du bon boulot avec Pancrace et les autres collègues, pensant encore à la tape dans le dos que nous a mis Patoche quand il est venu faire un tour d’inspection, entre deux réception officielle sur l’ile de Jardin, à boire des cocktails et à parfaire son bronzage sur un transat. Il nous a dit de continuer ainsi, nous refilant une mission par la même occasion. Il a fallu déployer un trésor d’ingéniosité pour se faire oublier et que le boulot soit refourgué à Pancrace qu’il l’avait bien mauvaise. Mais il y a là pas de quoi faire germer de la discorde dans notre duo. C’est le genre de petit coup de pute dans le dos qu’on a l’habitude de se faire. La camaraderie, c’est quelque chose, mais quand il s’agit d’en foutre le moins possible et surtout sans danger, on est les premiers à vouloir l’esquiver. Du coup, pendant que l’autre est partie je ne sais où pour une mission dont je me contrefous, je suis tranquillement à la caserne, on fait nos petites combines,la vie est belle et l’on profite avec le sourire du juste jusqu’aux oreilles. Qu’est ce qu’on peut demander de plus ?

    La porte claque.

    -Gunnar !

    Le sourire disparaît.
    Faut toujours que les emmerdes se pointent.

    Une fois un falzar enfilé et une chemise chiffonnée boutonnée dans le bon ordre, me v’là dans le bureau de Lou ; pas le premier endroit où je rêve d’aller, vous devinerez ; jetant un regard torve et oblique en direction de l’inconnu, jugeant du potentiel d’emmerdement rien qu’à sa tête. Si je suis encore un peu raide par le lever prématuré, j’offre un salut militaire de premier plan, surtout au regard de ce qui se fait chez les collègues de l’Office ; faut bien justifier d’être capitaine, hein.

    Derrière son bureau, assis et les moins jointes, Lou me lance un regard méprisant ; c’est le même que les autres, sauf qu’il a un léger pli à l’oeil gauche. C’est très discret, mais quand vous n’avez pas grand chose pour distinguer un sentiment de l’autre, vous essayez de vous baser sur le moindre détail, aussi improbable soit-il.

    -Que pensez vous de cette objet ?

    Il me tend l’anneau.

    -Bah, c’est une bague.

    Il pousserait un soupir d’exaspération s’il n’était pas si stoïque.

    -Soyez plus précis, Bremer. Je vous questionne sur sa provenance. Pensez-vous que cet objet trouve son origine sur cette ile ou non ?

    Je m’approche et j’examine l’objet. L’inconnu me dit de faire gaffe, comme quoi il aurait des effets magiques qui pourraient être gênants. Du coup, je fais gaffe, pas envie de me voir pousser une deuxième tête. Je l’examine une longue minute avant de faire mine de réfléchir. C’est pour lui donner le change. Je sais déjà à quoi ça me fait penser, mais c’est l’apanage des gens intelligents que de prendre le temps avant de parler comme s’il en connaissait un rayon. Et comme je ne connais pas l’autre type, pas envie de passer pour un couillon.

    -Ca ressemble un peu à la collection d'objets qu’on a récupéré l’autre semaine. Il y a des symboles qui ressemblent. Après, je vous cache pas que c’est plutôt de la belle œuvre. Ce qu’on a déniché, c’est plutôt de la quincaillerie réalisé par un type soit incompétent soit aveugle, potentiellement les deux. C’est moche et ça se casse facilement, genre poterie ou assiette en terre cuite. Là…

    Je tape l’objet contre la table.

    -... C’est plutôt du solide. J’imagine mal les arriérés du coin faire un truc pareil.
    -Vous avez des contacts qui pourraient aiguiller l’agent Vindrœkir ?

    Je tique un peu sur le titre, mais je relève pas. Évidemment, ce n'est pas le premier glandu venu qui peut emmerder Lou et sa garnison. Il y a forcément un truc officiel là-dessus, sinon, il l’aurait envoyé chier. Quand il s’agit de ne pas faire quelque chose, Lou est le meilleur d’entre nous, notamment parce qu’il s’appuie sur les règles, même celles qui ont deux cents ans dont personne ne connaît l’existence. Il a un truc pour ça.

    -Ouai. Il y a bien deux ou trois vieux qui bavent souvent sur l’histoire glorieuse de leur ile. Mais je vous plains pour les faire causer. Ils aiment autant les républicains que moi j’aime prendre vingt centimètres de métal dans le bide.
    -Bien, Capitaine Bremer. Vous lui servirez de guide alors.

    Je lui souris, l’air de ne pas comprendre.

    -Comment ça ?
    -Il n’y a pas grand chose de difficile Bremer. Vous aiderez l’agent Vindrœkir ici-présent jusqu’à ce qu’il n’ait plus besoin de vos services. Me suis-je bien fait comprendre ?

    Finalement, la mission refilée à Pancrace semble plus intéressante.
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    Verndrick Vindrœkir
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  • Mar 13 Aoû - 18:38
    La réaction de l’officier fit douter Verndrick. Il insista néanmoins pour rencontrer le responsable de la garnison. Peu importait le tempérament de ce dernier, il avait besoin du soutien du plus haut gradé pour mener à bien son enquête. Bâtard, que la situation amusait, ne put s’empêcher de demander :

    "Vern, tu es vraiment sûr ? Moi, j’irais bien voir ce Bistouri, les soigneurs ont souvent de quoi bien s’amuser en stock. Faut juste les convaincre qu’on en a besoin. Et le soleil me donne un de ces maux de crâne, je ne dirais pas non à une prescription du toubib pour soulager ça."

    Heureusement, une voix vint l’épargner du besoin de répondre au capitaine. Au silence que déclencha l’intervention, il supposa qu’il était en face de celui qui pourrait l’aider. Il abandonna donc son compagnon et rejoignit l’officier dans son bureau, qui se présenta après avoir refermé la porte.

    "Adjoint Lou, ravi de faire votre connaissance. Moi, c’est Verndrick Vindrœkir. J’ai été commissionné par le commandement des Effraies pour mener une enquête sur des objets magiques dont l’origine serait cette île."

    Il présenta ses références, une lettre portant la signature et les sceaux du commandant des Effraies et du Spécialiste en Magie. Elles lui donnaient la crédibilité nécessaire pour obtenir de l’aide sans divulguer son appartenance au SCAR. Il raconta brièvement les incidents liés à l’anneau et comment l’enquête l’avait mené à Dimalv.

    "Je vois. Ce serait fâcheux en effet de laisser tourner un trafic d’objets dangereux en provenance de l’île."

    Il lui rendit les papiers.

    "Tout me semble en ordre. Mais je reste surpris que les Effraies confient ce genre de tâche à un mercenaire, quelle que soit sa réputation, et non à l’un des leurs." Il se tapota le coin du menton. "Toutes les occurrences de personnes opérant avec votre niveau d’accréditation et sans supervision sont toujours liées à des... opérations spéciales."

    Au moins, il n’avait pas ouvertement évoqué le SCAR. Mais il n’était pas dupe et le faisait remarquer. Verndrick apprécia sa discrétion et hocha imperceptiblement la tête.

    "Vous auriez pu prendre les références d’un haut gradé de la GAR. Ils sont déjà mieux appréciés que les Effraies, qui ont plutôt une réputation de fouineurs, pas le genre à faciliter la coopération."

    Verndrick haussa les épaules.

    "Les crimes magiques sont plutôt de leur ressort. Et c’est eux qui m’ont mis sur la piste de l’île."

    "Je vois, agent Vindrœkir. Je ne vais pas nous faire perdre plus de temps."

    "Appelez-moi Verndrick, tout simplement."

    Mais l’officier ignora sa remarque et fit appeler un certain Bremer. L’aventurier laissa ce dernier examiner l’anneau, en l’avertissant néanmoins qu’il était magique. Il n’avait aucune raison de cacher la nature de l’objet au capitaine, mais depuis la réaction de Bâtard, cela l’amusait d’entretenir le mystère autour des propriétés de l’anneau aussi longtemps que possible. Il lui donnerait les détails bien assez tôt.

    Il accueillit la nouvelle affectation de Bremer avec le sourire et l’invita à sortir des bureaux de son supérieur. Bâtard les rejoignit et ils prirent ensemble la direction de la sortie.

    "Me voilà entouré de capitaines ! Bâtard, je te présente le capitaine Gunnar Bremer, il va nous aider sur la mission."

    Il se tourna vers le concerné.

    "Bremer, voici le capitaine Bâtard. Il dirige le navire qui m’a amené jusqu’ici et adore traîner dans mes pattes pour ne pas s’ennuyer."

    "Ah non, je te colle aux basques parce que tu me soudoyes pour," corrigea-t-il. "En plus, comment pourrais-je ajouter de nouveaux chapitres à ma fabuleuse légende si je m’enferme sur mon bateau."

    Verndrick tapa amicalement l’épaule de son compagnon et poursuivit les présentations.

    "Quant à moi, vous pouvez m’appeler Verndrick, ou Vern pour faire simple," il détestait les titres, et ce serait très inconfortable de se faire appeler agent à longueur de journée.

    "Eh, je pensais que Vern c’était que pour les intimes ! Je vais me sentir moins privilégié si tout le monde commence à t’appeler comme ça."

    "Je compatis profondément, mais je suis sûr que tu finiras par t’y faire."

    Si choisir le nom de son ami avait été sa responsabilité, il l’aurait nommé Jacteur.

    "Alors, capitaine Bremer, où allons-nous ?" demanda-t-il en le laissant prendre les devants. "Des idées sur comment délier la langue de nos futures... personnes ressources ?"

    Cela sonnait mieux qu’informateur, surtout qu’il avait été averti et fut témoin dès son arrivée de la sympathie des locaux pour les républicains.

    "Mon papa m’a toujours dit que rien ne vaut de la bibine pour faire parler le muet."

    "Tu ne l’as jamais connu, ton paternel, Bâtard !" fit remarquer Verndrick en riant.

    "Bah, je suis sûr que c’est ce qu’il m’aurait dit s’il n’était pas parti chercher du lait avant ma naissance... Ou alors, c’est une bière spéciale qu’il est parti chercher ? Elle devrait être sacrément précieuse et rare s’il n’est pas revenu depuis."

    Il se gratta le menton.

    "Je ne sais plus quelle version est la bonne. L’histoire change selon combien de verres maman s’est enfilés," ajouta-t-il tout sourire, très fier de sa blague.

    "Tu es toujours à la recherche d’une opportunité pour te bourrer la tronche, toi."

    "Et pour une fois, j’ai une bonne raison," il indiqua le soleil du doigt puis s’essuya le front du revers de la main.

    "Si le capitaine Bremer pense que ça peut aider, je n’ai rien contre le fait de nous faire des réserves de boissons, ou mieux, d’inviter directement ceux qu’on veut interroger s’ils sont proches d’une taverne."

    Verndrick n’avait jamais été à cheval sur les règles. Tant qu’il obtenait des résultats, cela ne le gênait pas de faire quelques entorses pour rendre une mission confortable. C’était pour cela qu’il avait toujours évité l’armée et sa rigidité. Ce n’était peut-être pas le cas de l’officier qui cheminait avec eux. Bâtard jetait déjà à Bremer un regard implorant.


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  • Dim 18 Aoû - 12:43
    -Boire en service, ce n’est pas toléré par le guide déontologique de l’Office Républicain.

    Que je fais d’une voix un peu forte pour qu’elle porte jusqu’à notre caserne dans l’espoir que Lou entende mes mots. Je ne sais pas si ça lui fera plaisir de recracher les discours qu’il nous fait régulièrement, mais ça aura peut-être le mérite de détourner toujours un peu plus son attention des véritables enjeux de notre travail sur l'île de Dimalv.

    -De plus, il n’y a pas d’alcool sur cette île. Les locaux n’ont pas vraiment cette culture. Et c’est bien dommage quand on n'est pas en service.

    Se faisant, je coule un regard circonspect envers les deux zigotos. C’est la version officielle que je présente, mais il existe une tout autre réalité. Dans une cabane discrète de l’île, Gégé, collègue émérite et distillateur amateur passionné, est à la tête d'un véritable réseau de production d’alcool de contrebande. Si l’objectif premier d’un tel réseau est de fournir en alcool les officiers républicains présents sur l'île pour éviter une mutinerie plutôt logique en l’absence d’alcool, il sert aussi à pervertir la jeunesse de Dimalv, la dévoyant de leurs anciennes coutumes obsolètes pour les diriger dans les bras aimants de la République. Et ça marche plutôt bien. Cependant, la perspective de mettre du beurre dans les épinards n’a échappé à personne et il est vrai que la production actuelle nécessite une demande accrue que la population locale ne peut clairement pas fournir. D’où le fait de vendre ailleurs.

    Mais, entre nous. Est-ce que vendre de l’alcool de contrebande produit par un Officier Républicain en service à des agents affiliées à je ne sais quelle organisation gouvernementale de la République est une bonne idée ? Mon instinct d’Officier Républicain me dit que non. Je sors une flasque de ma poche intérieure et je l’agite sous le nez des deux types.

    -Les réserves personnelles sont rares et précieuses, alors il n’y a pas de quoi faire bombance.

    Je replace le précieux sésame à sa place. Précieux dans les circonstances que je décris, mais dans la réalité, j’ai plusieurs autres bouteilles sous une latte du dortoir et on parle uniquement de ma réserve à moi. Le sol du dortoir repose davantage sur nos stocks que sur ses fondations. Heureusement, je ne suis pas là pour faire passer une bonne journée à Verndrick et à Bâtard malgré leur volonté de se mettre une caisse. Comme je l’ai déjà dit, c’est des agents républicains en mission et ils peuvent vous faire de grands sourires de primes abords, puis vous poignarder sans une once de remords une fois rentrée sur le continent. J’aime pas bosser avec d’autres types que les collègues. J’ai l’impression d’avoir des paires d’yeux qui épient le moindre de mes mouvements à la recherche du faux-pas qui va me pourrir la vie.

    Le boulot donc. Si j’ai bien quelques têtes qui pourraient nous aider, je me dirige d’abord vers une dépendance de la caserne où je sais que je pourrais trouver des auxiliaires Républicains. C’est des locaux qu’on désignait comme des intermédiaires entre les habitants et nous autres. Si on est plutôt détesté par les autochtones, les auxiliaires sont franchement haïs du fait qu’ils ont trahi leur peuple en s'acoquinant avec nous. Ils ne sont pas nombreux, mais c’était typiquement ceux qui n’avaient pas grand chose à perdre à rejoindre les rangs de la République qui sait rendre en retour. En principe. Arrivant sur place, on trouve nos trois auxiliaires avachis sur un banc, se reposant du soleil sous un auvent de paille. Ils se redressent aussitôt et saluent comme on leur a appris. C’est rigolo parce qu’ils n’ont pas encore captés qu’on ne salue pas beaucoup entre nous, mais faut bien qu’ils apprennent dans un premier temps à avoir le respect de la hiérarchie. On est passé par là quand on a fait nos classes.

    -Banania, j’ai besoin de toi.

    Le premier auxiliaire de Dimalv me renvoie le sourire éclatant de celui qui n’a qu’une seule envie : servir sa nouvelle patrie.

    -Qu’est ce que Banania peut faire pour vous ?
    -Tu saurais ce que c’est, ça ?

    Je pointe du doigt l’anneau que Verndrick garde. L’auxiliaire s’approche ; avec ma permission ; et j’examine un instant avant de secouer la tête, déçu.

    -Banania pas savoir.
    -C’est pas grave. Tu saurais qui pourrait nous renseigner ? Sans qu’il nous mette à la porte ?
    -Il y a bien le vieux Tacco. Il ne sait plus marcher et il est incontinent.
    -En effet, il ne devrait pas trop nous poser de problèmes. Merci Banania.
    -Pas de quoi.
    -Et arrêtez de glander. Gégé a besoin de bras pour le nouveau brassage de…

    Je me tue avec la sensation d’en avoir trop dit. Je me reprends.

    -... pour le nouveau brassard. Allez, faites vite.

    Les auxiliaires me regardent sans comprendre. C’est qu’ils sont assez peu aux faits du besoin de secret concernant la distillerie. J’échange un regard de poker menteur avec Verndrick qui n’est probablement pas dupe. Je fais la grimace. Je coupe court à la situation en éloignant le duo des auxiliaires de la République. Bâtard pose une question insidieuse.

    -Des brassards ? Pour quelle utilité.
    -Ah, c’est qu’on a besoin d’équipements adaptés pour explorer les jungles. Il fait chaud, c’est humide et les moustiques vous dévorent vivants. C’est un prototype pour protéger des moustiques et de la chaleur, tout en récupérant la sueur pour des gains d’eau. Bon, l’idée de boire une gourde de sueur, c’est un peu dégueulasse, j’en conviens, mais c’est mieux que de crever de soif. Puis, on reflechit à un moyen de la rendre moins dégueulasse. On est plutôt débrouillard à l’Office.
    -Intéressant. J’aimerais bien voir ça.
    -C’est un prototype. Secret de l’Office.

    Pas sûr que le flan monté à la va-vite tienne le coup, mais ça reste ma parole contre leur suspicion pour l’instant et je doute qu’ils aient l’occasion de fouiner de ce côté là. Surtout qu’il y a une véritable réflexion des collègues pour supporter la vie ici. L’uniforme de l’Office Républicain est pas mal pour le climat continental et urbain des villes, pas trop pour les villages en merdes séchées des îles paradisiaques. Pour l’instant, on se contente d’avoir l’air débraillé et de demander des pauses régulières.

    Tacco, quand on finit par le trouver, est à la place à laquelle je m’attendais à le voir : son lit. Le type continue de survivre aux crochets de ses enfants dans la plus pure tradition locale voulant que les jeunes générations prennent soin de leurs vieux, surtout quand ils sont devenus particulièrement chiants à brailler tout le temps. Tacco a l’air ravi de nous voir.

    -Dégagez de chez moi, chiens de Républicains !
    -On aurait une question pour toi, Tacco.
    -Plutôt crever que vous causer, bandes de colonisateurs !
    -Ces messieurs ont besoin de ton aide, Tacco.
    -Je leur pisserais dans les chausses si je pouvais me lever !
    -Montrez lui.
    -Je ne veux rien voir, surtout pas vos tronches, salopards de militaires !

    Tout comme pour Banania, Verndrick montre l’anneau. Si Tacco commence à partir dans une nouvelle insulte bien sentie, son regard capte tout de même l’objet et on le voit soudainement écarquiller les yeux, ses mots mourant dans sa bouche édentée. Il est pris d’un tremblement, blémissant à vue d'œil. Il finit par parler, d’une voix faible, presque chevrotante.

    -C’est un passé qui doit rester scellé. Ne vous en approchez pas !
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    Verndrick Vindrœkir
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  • Sam 24 Aoû - 0:17
    Interdiction de boire en service. Étant donné qu’un espion était littéralement tout le temps en service, cette règle appliquée aux agents du SCAR forcerait le genre de jeûne que Verndrick n’était pas prêt à supporter. Il ne se considérait pas comme un alcoolique. L’alcool, comme la nourriture et le style vestimentaire, étaient des indicateurs culturels. Que ce soit le vin merlornien, l’hydromel du Grand Nord, la pisse de vache qui était servie dans les bars malfamés de la plupart des ports ou le décapant que certaines tribus du désert prenaient pour oublier la malédiction d’être nées dans des terres aussi arides ; chaque boisson offrait une expérience unique. Chaque liqueur était une fenêtre sur un monde riche en histoire et en tradition. Et Verndrick avait l’âme d’un aventurier. Traîner avec des marins lui avait donné une bonne descente, même s’il préférait savourer ses boissons lentement. Des années de consommation faisaient aussi qu’il tenait l’alcool mieux que la plupart des personnes qu’il croisait.

    Hum, maintenant que j’y pense, je suis peut-être bien un alcoolique !

    Il rangea la pensée dans un coin de sa tête pour se pencher sur la remarque de l’officier. S’il y avait bien une pratique qu’on retrouvait chez toutes les communautés, quelle que soit la race, c’était l’art commun de se déchirer de temps en temps la gueule. La découverte de la fermentation était quelque chose d’aussi inévitable que la gravité. On pouvait la combattre mais pas s’y soustraire. Il a bien fallu les efforts coordonnés de plusieurs génies du mal pour priver toute une île d’une telle découverte. L’histoire des autochtones l’intéressait de plus en plus.

    Un regard en direction de Bâtard informa Verndrick que Bremer mentait probablement. Le marin était capable de flairer de la bibine n’importe où on pouvait en trouver. La précision de son sens frôlait la magie. Verndrick était convaincu que perdu dans le désert, Bâtard trouverait un moyen de tomber sur de l’alcool avant de trouver une source d’eau potable. Il n’aurait jamais parlé de picoler s’il ne pensait pas que les ressources pour le faire étaient disponibles.

    Une île sans alcool, tu imagines les opportunités, Bâtard ?

    “Ouais Vern, ça veut dire qu’aucune marque ne provient d’ici. Peut-être qu’on devrait monter notre business dans le coin. Produire notre breuvage, payer quelques gros bras pour maintenir notre monopole et décourager toute concurrence.

    Euh Bâtard, tu es en présence d’un officier, je te rappelle.

    Le capitaine offrit son plus large sourire.

    Bien sûr, tout ceci ne pourra marcher que si nous avons le soutien des autorités sur place. Un arrosage en règle s’impose.

    La tentative de corruption est aussi un crime. Mais j’aime l’idée. Il faudra trouver un emballage unique avec des slogans accrocheurs.

    Oui, vanter la rareté des ingrédients locaux utilisés et mettre l’accent sur les méthodes traditionnelles de production, transmises de génération en génération par les autochtones.

    On pourra vendre l’idée que la boisson n’est produite et consommée que sur l’île et que c’est la première fois qu’elle sera exportée. En contrôlant la production, on pourra créer une sensation de rareté, avec des mentions comme « édition limitée » ou « récolte spéciale ».

    T’as les ressources et moi j’ai déjà des contacts pour nous aider à écouler ça par bateaux. T’as qu’un mot à dire, boss, et on lance le projet.

    Verndrick ne put retenir son fou rire. Après plusieurs secondes passées à s’esclaffer, il se tourna vers l’officier en s’excusant.

    Désolé, ne nous prenez pas au sérieux. Nous allons essayer de boucler déjà notre enquête avant de penser à ouvrir une distillerie.

    Ouais, et de toute façon, ça demanderait trop de travail,” renchérit le capitaine. “Y’a une raison si je suis buveur et non producteur,” ajouta-t-il en souriant.

    Ce moment d’hilarité passé, ils suivirent en silence Bremer jusqu’à l’auxiliaire Banania. Ce dernier ne reconnut pas l’anneau que lui présenta l’aventurier, mais il les mit sur la piste d’un certain Tacco. Il dut se retenir pour ne pas rire à la mention du brassage, ou plutôt du brassard comme le capitaine de l’Office avait corrigé.

    Dommage que le prototype soit un secret. Il y a une fortune à se faire en vendant la technologie aux reikois.

    C’est que Dimalv offre plus d’opportunités commerciales qu’on pourrait le croire.

    Toutes les îles ont leur charme, il suffit de creuser un peu pour en révéler les richesses.

    Ils étaient là pour une enquête sur des artefacts magiques. Si éviter de mettre son nez dans les affaires de l’officier lui garantissait son soutien, il allait continuer à jouer le jeu.

    Le dénommé Tacco était un vrai plaisir pour les oreilles. Verndrick se demandait encore combien d’insultes colorées il avait en stock quand l’expression du vieillard changea à la vue de l’anneau. L’hostilité avait laissé place à la peur. Il énonça ses avertissements d’une voix tremblotante, le regard perdu dans le vide, comme si ces pensées le ramenaient à une époque qu’il préférerait oublier.

    Donc vous reconnaissez l’objet. Que pouvez-vous me dire sur elle ?

    “D’abord vous venez poser vos sales culs bleus sur nos terres sans permission, comme si l’île vous appartenait. Et maintenant vous apportez la mort chez moi !”

    Il y avait toujours de la peur dans sa voix, mais il avait aussi retrouvé de son fiel.

    “Hors de ma vue, bande de mangeurs de merde. Vous êtes sur une propriété privée et j’ai commis aucun crime. Si je pouvais encore me lever, j’allais vous faire goûter de l’hospitalité locale, moi.”

    Écoutez-moi, c’est très important...

    “Hors de chez moi, qu’j’ai dit ! Dégagez !”

    Le vieillard faisait son difficile. Verndrick réfléchissait à la meilleure façon de lui faire cracher le morceau quand une idée lui vint. C'était l’occasion de montrer aux deux capitaines les effets de l'artefact.

    D’accord, nous n’allons pas nous imposer davantage.

    Hein !” interjeta Bâtard, surpris en voyant l’aventurier prendre la direction de la porte.

    Verndrick s’arrêta avant de l’avoir franchie. Il fit semblant de ranger l’anneau, mais le glissa sur son index gauche avant de se retourner en cachant la main dans son dos. Il s’approcha du lit du vieillard et s’abaissa avant de poser sa main libre sur son bras. Le contact facilitait la magie et ses partenaires pouvaient voir les marques sur l’objet briller discrètement dans son dos.

    Tu sais combien de kilomètres j’ai parcouru pour venir jusqu’ici. J’ai été envoyé parce qu’un artefact en provenance de votre île a été utilisé pour commettre des crimes. Tu penses vraiment que la République laisserait tomber une affaire aussi grave parce qu’un vieillard refuse de parler. Je ne suis que le premier. Et quand j’aurai fait mon rapport que Dimalv abriterait des criminels potentiels, armés d’artefacts magiques et dangereux, ceux qui viendront après moi seront moins cordiaux. Crois-moi, ils auront très peu de sympathie pour des civils protégeant des terroristes.

    “Terroristes ?! De quoi vous parlez ? Je protège per...”

    Le silence et le manque de coopération sont des preuves accablantes. Ils devront aussi interroger les enfants et toute personne ayant échangé ne serait-ce qu’un mot avec toi. Cela risque d’être très déplaisant.

    Sous d’autres circonstances, Tacco aurait pu croire qu’il bluffait. Mais son ton était dur et la magie exacerbait les peurs du vieil homme. Ce dernier avait parlé de mort en voyant l’anneau. Quelles que soient les raisons de sa réticence, Verndrick voulait qu’il craigne plus les représailles républicaines s’il ne parlait pas.

    Nous ne voulons qu’aider."

    Son expression se radoucit pour être plus amicale et il se remit à le vouvoyer.

    Dites-nous ce que vous savez. Plus tôt cette affaire sera réglée, plus tôt nous disparaîtrons de votre vie.

    “Vous... vous ne comprenez pas...”

    À la lueur dans ses yeux, Verndrick comprenait qu’il venait néanmoins de gagner. Il laissa le vieillard lutter silencieusement encore quelques secondes.

    “Montrez-moi,” demanda-t-il finalement en tendant ses mains tremblantes.

    L’anneau avait déjà fait son office. Verndrick plongea la main qu’il cachait dans la sacoche à sa taille, donnant l’impression qu’il venait de récupérer l’objet. Le vieillard l’accueillit délicatement dans ses mains avec beaucoup de révérence. Il l’examina longuement avant de le retourner à l’aventurier.

    “Je connais pas les effets de la bague, mais je reconnais les inscriptions,” commença-t-il en se frottant vigoureusement les mains contre les draps du lit.

    “Y’a des siècles, vivait ici un clan de shamans. C’étaient des mages très respectés et ils produisaient des babioles magiques très utiles. Tout l’monde les aimait et les détestait. Quand y’avait conflit, les gagnants étaient toujours ceux qui avaient leurs faveurs. Ils faisaient prospérer ceux qu’ils soutenaient et détruisaient leurs ennemis.”

    Il regardait autour de lui comme s’ils étaient épiés. Sa voix devint un murmure et ils devaient se rapprocher pour saisir les mots qui s’échappaient de sa bouche.

    “L’histoire raconte que les villageois ont fini par être fatigués de dépendre d’un petit groupe d’individus qui partageaient pas leur secret. Ils se sont donc alliés et ont profité de l’avantage du nombre pour massacrer tous les shamans ou presque. Ils ont pillé tout ce qu’ils pouvaient. Ils pensaient pouvoir trouver des notes ou des instructions pour reproduire le travail des mages, ou au moins accaparer leurs trésors magiques.”

    Tacco secoua la tête.

    “Z’ont rien trouvé. Ni trésors, ni secrets. Pire, le peu d’objets magiques qu’ils avaient ont tous fini par arrêter de fonctionner après quelques temps. C’est que les shamans n’étaient pas bêtes, ils ne vendaient que des objets avec des effets temporaires. Seuls leurs propres outils avaient des enchantements permanents. Et c’est ce que les villageois espéraient voler après les batailles.

    La théorie, c’est qu’une partie des mages ont pris le soin de bien cacher leurs possessions avant la fin de la guerre. On a longtemps cherché sur l’île leur base secrète, mais personne ne l’a jamais trouvée.”

    Je suppose que les marques sur la bague sont des traces des enchantements. Mais si personne n’a trouvé leur base, comment avez-vous fait pour reconnaître les inscriptions ?

    “Il existe encore quelques rares objets avec des enchantements temporaires déjà épuisés. Les marques sont similaires, juste moins bien calligraphiées.”

    Tacco se racla la gorge avant de continuer.

    “Et y’a une trentaine d’années, un fermier a trouvé dans son champ une gourde qui régénérait son eau tous les jours chaque fois qu’on la vidait. Il avait fait la démonstration à l’époque. Il terminait le contenu de la gourde, l’enfermait dans une caisse et au petit matin elle était pleine à nouveau. C’était un tour intéressant mais rien de très impressionnant pour nous, c’était que de la flotte de toute façon, ça nous a très vite ennuyés.

    C’est quand on l’a retrouvé deux semaines plus tard empalé sur son propre râteau avec la gourde absente qu’on a commencé à avoir peur. Qui tuerait un gars pour de l’eau ? Un accident, qu’ils ont conclu. Difficile de se prendre un râteau en plein estomac par accident, j’avais pensé. On a bien vu que quelques anciens savaient ce qui se passait et voulaient étouffer l’histoire.

    C’est mon vieux qui a fini par m’expliquer avant de clamser. Apparemment, il existerait une organisation secrète des héritiers des shamans. Les Mithrori, qu’ils s’appellent, en souvenir au chef de leur clan de l’époque, un certain Mithror quelque chose. Ils interviennent chaque fois qu’un vrai artefact magique refait surface ou qu’on mentionne leur nom, et toujours de façon sanglante. Ils tiennent à leurs petits secrets et nous voient comme les descendants des meurtriers de leurs ancêtres.

    Du moment où on reste loin de leurs affaires, personne n’finit blessé. Y’a pas eu beaucoup de cas donc, c’est facile à cacher à la majorité. On n’a pas envie que des rumeurs d’une cabale se mettent à courir sur l’île, ils risquent de mal le prendre, ils n’aiment pas l’attention. Y’a juste quelques anciens qui se passent l’histoire pour pas oublier et couvrir au cas où un nouvel accident bizarre arrive. Et si les foutus mithrori me tuent pas, c’est eux qui le feront. Bordel, dans quoi vous m’avez mis !”

    Les effets de l’anneau se dissipaient mais le vieillard avait déjà assez craché, s’arrêter maintenant ne rimerait à rien.

    Tu sais où on peut trouver ces anciens ou quelqu’un qui pourrait nous en dire plus sur ces mithrori.

    “Y’a quoi dans ce que je viens de dire que vous captez pas ?! C’est censé être un secret. Ces cinglés foutent tellement la trouille qu’on les mentionne nulle part, même pas pour faire peur aux gamins. Ceux qui sont au courant le crient pas sur tous les toits. J’peux pas vous aider pour ça. Le pater m’a pas dit plus avant de mourir. C’est tout ce que je sais. Alors pardon, traînez votre objet maudit et vos sales godasses de colons hors de chez moi. J’veux plus jamais vous revoir, et je nierai sous la torture de vous avoir parlé. Continuez de poser des questions du genre et ils vous tomberont dessus en premier. J’veux pas qu’ils vous relient à moi ou à mes enfants. Ces gosses, c’est une bande d’ingrats, mais ça reste ma famille. J’veux pas les mettre en danger.”

    Comprenant qu’il ne tirerait plus rien d’utile de Tacco, Verndrick se retira avec ses nouveaux collègues. Une fois à bonne distance de la demeure du vieillard, Bâtard brisa le silence.

    Merde Vern, promets-moi de jamais trifouiller dans ma tête avec ce truc.

    “Ce que je viens de faire est complètement illégal. Alors ne t’inquiète pas, je ne compte pas réutiliser l’anneau. Je ne veux pas me mettre les Effraies à dos. Ils m’ont confié l’objet avec des consignes claires.”

    Il se tourna vers Bremer.

    J’ai pensé qu’une démonstration valait mille mots. Vous voyez maintenant à quoi nous avons affaire. Si d’autres artefacts dangereux se trouvent sur l’île, c’est notre devoir de les retrouver. Et l’idée de Tacco n’est pas si idiote. Si les mithrori existent vraiment, faire savoir que nous sommes en possession d’un de leur bien les forceraient peut-être à sortir de leur cachette.

    Toute proposition était bonne à prendre.

    Des idées pour la suite ? Y’a-t-il un registre des différents morts survenus sur l’île ?

    En cherchant du côté des accidents insolites et des personnes impliquées, ils pourraient peut-être découvrir une autre piste. L’anneau avait aussi dû passer par un canal clandestin pour atterrir à Liberty. Si l’officier avait des contacts dans le milieu, cela pourrait aider.


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    Gunnar Bremer
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  • Lun 2 Sep - 19:06
    -Un registre ?

    Je le regarde un instant en haussant les sourcils avant de regarder autour de moi, les incitant à faire de même. Est-ce que la question semble pertinente ? Un registre, ça demande un minimum de sens administratif et ce n’est pas donné à tout le monde. Déjà, nous à l’Office, c’est dur de tenir les dossiers à jour alors que c’est notre travail et qu’on a tout le matériel nécessaire à notre disposition. Alors sur une ile où le poumon économique se résume à pêcher des poissons puants, à cueillir des fruits et à raconter des histoires folkloriques sur un passé révolu, ce n'est pas vraiment le genre d’endroit où l’on s’attend à trouver des archives. Ils ne savent même pas forcément écrire et les histoires sont surtout héritées de la tradition orale que des livres historiques.

    Après, ça serait trop bête de les penser trop bêtes.

    Ce qui fait office de mairie, c’est des anciens du village plus là pour écouter les problèmes de voisinage et trancher au milieu plutôt que donner une véritable justice. Alors, on fait le tour des anciens qui évidemment n’aiment pas les Républicains et sont par conséquent passablement désagréable. Tacco, ça va encore, c’est juste un type. Quand vous enchaînez une demi-douzaine de vieilles carnes moins impotentes mais tout aussi bornées et imaginatives dans leurs insultes, ça commence à vous taper sur le système. Pour au final se rendre compte que c’est pas la piste à suivre. Leurs ancêtres savaient certainement mieux faire de leur dix doigts. C’est tout de même une leçon à tirer de l’Histoire. On peut être les plus intelligents de l'île, maîtriser la magie et être les véritables maîtres de l’île, on reste des gens capables de saigner et quand vous êtes attaqué par des cons armés, l’important, c’est pas le con, c’est l’armé.

    On fait clairement choux blanc et la journée est bien passée. On se retrouve à la buvette de l’ile pour boire un jus de fruit dans lequel je verse un peu de potion magique pour nous donner du courage. J’ai envoyé un collègue en pause me récupérer un peu de la réserve de Gégé, j’ai besoin de réfléchir. Normalement, à cette heure, c’est fin de service, mais comme je suis en mission spéciale, est-ce que je dois pratiquer l’abstinence jusqu’à ce que ce soit fini ? J’espère pas. Aucun Officier Républicain n’arriverait à mener à bout une mission dans de pareilles circonstances.

    -Et sinon, vous devez avoir des informations concernant les réseaux de contrebandes dans les parages, non ?

    Un moment, je regarde Bâtard en me demandant s’il veut parler de mes activités annexes de l’île. Puis je fais la connexion avec la mission.

    -Ca tombe plutôt mal, on en a démantelé un il y a quelques semaines. Ça tapait plutôt dans la faune et la flore locale. C’est fou ce que des rombières peuvent payer pour avoir des pigeons colorées dans leur salon, du genre à répéter ce qu’on peut leur baver. Ca, c’est plus les trucs exotiques. Il y a aussi les types qui cherchent de nouveaux poisons totalement inconnues pour innover dans le secteur de l’assassinat. Un secteur sans cesse en mouvement, paraît-il. Il y a aussi les babioles archéologiques dont on a causé dans le bureau de Lou, mais rien de magique. En tout, rien n’a été détecté par les experts. Mais si vous me dites que c’est des incapables, je serais pas étonné. On a bien le SCAR qu’est censé récupérer des informations et qui n’a jamais su qu’une attaque sur Kaizoku se préparait. C'est-à-dire le niveau des mecs.

    Verndrick a un drôle de regard que je n'arrive pas à interpréter. Surement qu’il a dû subir par le passé les conséquences de l’inutilité de ces pignoufs d’agents du SCAR.

    -Nan, je me dis que ça va être compliqué dans cette direction. J’en vois qu’une qui pourrait nous aider.
    -Et c’est quoi ?

    Je les dévisage un instant pour les jauger.

    -C’est quoi un peu votre limite en matière de sales coups ?
    -Oh moi, je suis un bon gros bâtard.
    -Je m’en doutais un peu… rapport au nom.
    -ça me donne finalement un petit côté honnête.
    -On peut dire ça. Et toi ?

    Je me souviens alors que le gus n'a pas hésité une seule seconde à utiliser un artefact magique pour forcer la conscience et le libre arbitre d’un vieux insulaire. Il a un sourire. Je comprends le message.

    -Alors ?
    -Si on part du principe que cette histoire de Mithrori, c’est pas du chiqué. On peut supposer qu’il doit en avoir des membres, quelque part sur cette île et qu’ils continueront leurs sales devoir de mémoire s’ils apprennent que l’une de leur babiole se retrouve chez un autochtone notoire.
    -Tacco.
    -Précisément. De là, suffit de se mettre en planque et d’attendre qu’ils viennent le cueillir.
    -Ca peut être long.
    -Ah oui, mais le boulot, souvent, ça ne se résout pas dans la journée. C’est ce qui est souvent difficile dans le boulot.

    Faut savoir prendre le temps pour ne pas le saloper. On en connaît des Officiers Républicains qui se précipitent et finissent par faire une grosse connerie. C’est souvent des petits jeunes qui veulent se faire les crocs. On les met en place bien rapidement quand la vie leur rappelle que tout n’est pas si simple. Ils deviennent alors de vrais Officiers Républicains, même si ça implique de subir les quolibets de ceux qui ne comprennent rien à nous accuser d’être des fumistes professionnels.

    Du coup, on attend. Évidemment, on fait répandre la rumeur que le vieux Tacco a mis la main sur un anneau ancien, distillant autant de rumeurs aussi débiles que les autres autour des pouvoirs de l’objet jusqu’à révéler son véritable pouvoir. Au milieu de toutes ces conneries, personne ne s’en apercevra, sauf ceux qui connaissent la vérité. Ceux qui voudront récupérer le bien de leurs ancêtres. Comme naturellement, ça crée de la curiosité, les gens veulent se ramener chez le vieux au risque de tout faire foirer. Alors, on instaure un cordon de sécurité, justifiant la présence d’Officiers, de jour, puisque la nuit, les gardes font les tir-au-flancs. Ca fait partie du plan, mais c’est plus vrai que nature, personne n’y voit la différence, preuve supplémentaire de notre capacité à savoir jouer la comédie. Entretemps, on a questionné le continent pour savoir si on pouvait tirer des informations supplémentaires sur les moyens utilisés pour sortir cet anneau des îles paradisiaques. Le problème, c’est que c’est un peu long à faire transiter et faut-il encore que les gars du continent aient le temps et l’envie de nous répondre. On peut s'asseoir sur le fait d’avoir une réponse rapide, c’est moi qui vous le dit. Je reste toutefois sur mon idée première : cet anneau n'est pas d’ici, mais les îles sont nombreuses et c’est très facile que la piste nous mène ailleurs. Faut-il encore que cette piste prennent vie.

    Et c’est au bout de trois jours de surveillance qu’on a fini par ferrer nos proies.
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    Verndrick Vindrœkir
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  • Mar 17 Sep - 0:21
    Le guide préconisait d’approcher une nouvelle culture, un nouveau peuple avec beaucoup de précautions. En général, il fallait éviter de faire des vagues quand on intégrait une nouvelle communauté. Le plus important était de ne pas s’isoler. Il fallait se faire voir sans s’imposer, approcher les coutumes et traditions de la communauté avec respect et chercher comment on pouvait aider. Avoir des talents de guérisseur ou être un ingénieur était un gros plus. Les gens avaient tendance à facilement accepter une personne capable de soigner leurs proches ou de trouver des solutions ingénieuses à des problèmes qu’ils traînaient depuis longtemps.

    L’information était et restera source de pouvoir. C’était pour cela que l’étranger devait ensuite s'imprégner des mythes et légendes de la communauté et les documenter. Noter leurs activités et fêtes ainsi que le symbolisme derrière. Participer, adopter les vêtements et comportements locaux. Apprendre les dialectes, offrir des services ou des compétences utiles afin de gagner le respect et la gratitude des habitants. Et avec le temps, finir par établir un registre plus ou moins détaillé de tous les membres de la communauté et leur rôle. Avec cette solide base, il devenait plus facile de connaître la communauté, d’anticiper ses comportements et subtilement la contrôler pour obtenir d’elle ce qu’on voulait. Dans un tel contexte, un registre des morts était aussi naturellement tenu.

    "N’est-ce pas ?"

    Visiblement non, à en croire la réaction de l’officier. Ce n’était que quand il remarqua que Bâtard partageait la même expression que Bremer qu’il comprit sa boutade.

    "Excusez-moi, j’oublie facilement que nous sommes loin de la civilisation."

    Et que le guide d’infiltration et d’intégration était un manuel propre au SCAR. Malheureusement, il n’y avait aucun espion en activité à Dimalv, l’île n’avait jamais présenté aucun intérêt pour les services cachés jusque-là.

    "Avons-nous au moins des sages ou notables à qui se référer ?"

    Naturellement, ils ne rencontrèrent que de la réticence et de longs chapelets d’insultes auprès des anciens. Bâtard fut le seul à apprécier les rencontres.

    "Encore quelques jours ici, et j’aurai sacrément étoffé mon vocabulaire !"

    Verndrick ne partageait pas son enthousiasme. Cela prendrait des mois, voire des années, s’il décidait qu’il était nécessaire d'infiltrer les locaux. Mais la mission ne méritait pas une telle allocation de ressources et de temps.

    Il réfléchissait à une nouvelle approche, un verre de jus, alcoolisé par le capitaine à la main, quand celui-ci fit mention du SCAR. Verndrick plissa les sourcils, fit le tour de la buvette des yeux, comme pour s’assurer que personne ne les écoutait, avant de dire tout bas :

    "Je parie qu’ils étaient de mèche avec les pirates. Je ne sais pas ce qu’ils y gagnent, mais nous savons tous qu’il n’y a pas pires criminels que les espions. Opérer en marge de la loi suffisamment longtemps, et le pouvoir vous monte à la tête."

    Il secoua la tête, dépité.

    "N’allez pas leur dire que j’ai dit ça. Il paraît qu’ils sont rancuniers."

    Il sourit à sa propre remarque avant de goûter sa boisson. Le mélange était fruité, un peu trop sucré à son goût. Ils allaient devoir commencer à puiser dans leurs réserves sur le bateau s’ils comptaient tenir sur l’île. Et connaissant la soif du Bâtard et de son équipage, ils arriveraient très vite à sec.

    "Rappelle-moi, Bâtard, qu’on discute plus tard de notre stock d’alcool. Je sens que nous allons passer du temps ici. Et je voudrais savoir si nous avons assez pour subvenir aux besoins particuliers de ton équipe de soiffards. Je n’avais pas prévu beaucoup de tonneaux parce que je pensais que nous pourrions nous réapprovisionner sur l’île."

    "Pas de problème, Boss."

    Bâtard se tourna vers l’officier.

    "Vous avez dû fâcher la mauvaise personne pour qu’on vous envoie sur une île avec ce climat et sans boisson décente pour se désaltérer. Si besoin, je vais envoyer certains de mes gars faire quelques courses sur les archipels voisins."

    Par la suite, ils écoutèrent les plans de Bremer. Verndrick sourit à la fourberie de l’officier. Très vite, les hommes de Bremer et de Bâtard se chargèrent de répandre les rumeurs sur Tacco et la bague. Sur les recommandations de l’aventurier, ils s’assurèrent d’inclure le folklore des habitants. Toutes les chansons ou anciennes légendes locales faisant mention d'anneaux ou de magie étaient utilisées pour étoffer les rumeurs. Bientôt, des centaines de versions différentes circulèrent sur l’île. L’anneau s’était vu affublé de multiples pouvoirs au fil des reprises et très vite l’attention de tout le village se porta sur le vieil handicapé.

    "Bande de bâtards," s’époumona Tacco quand il apprit les nouvelles.

    "Ha, ça, c’est moi ça !"

    "Je savais qu’il ne fallait jamais faire confiance à un faux cul bleu. Après tout ce que j’ai raconté, votre idée, c’est de m'utiliser comme appât. Parce que c’est bien votre plan, non, bandes d’attardés ?! Vous avez pensé à ma famille, hein ? Et s’ils s’en prenaient à eux ?"

    "Calmez-vous, nous nous assurons de ne mentionner spécifiquement que vous. Et votre famille est surveillée et a reçu l’ordre de ne pas vous contacter tant que la situation n’est pas tirée au clair."

    En vérité, tous les villageois avaient pour ordre d’éviter de contacter le vieil homme. Les rumeurs avaient attiré beaucoup d’opportunistes qui réclamaient l’artefact comme ayant appartenu à leur famille, ceux-là ne devaient pas être au courant pour les mithrori. Des charlatans s’étaient aussi proposés pour examiner et attester du caractère magique de la bague et en tester les effets. D’autres étaient juste curieux de voir l’objet.

    Un cordon de sécurité fut établi pour les empêcher de rejoindre la maison de Tacco. La version officielle était que l’Office était en train de mener une enquête sur le sujet. Cela apportait encore plus de crédibilité à l’histoire afin d’attirer l’attention des mithrori, si ces derniers existaient vraiment. Le cordon était volontairement assoupli la nuit pour donner l’impression que les officiers baissaient leur garde ou faisaient preuve de laxisme quand le soleil se couchait.

    "C’est bien ma veine, ça ! Vous avez mis une grosse cible rouge sur moi. Sales... Eh eh, vous allez où ?"

    "Nous allons nous planquer. Personne ne viendrait en sachant que nous sommes ici."

    "Vous comptez quand même pas me laisser tout seul ?! J’ai même plus mes jambes pour fuir ou me défendre. Je deviens une cible beaucoup trop facile."

    "Je dirai même plus, tu deviens la cible idéale," renchérit joyeusement Bâtard. "C’est tout le but de l’exercice."

    "Ne vous inquiétez pas, nous ne serons jamais bien loin."

    Ils avaient une conversation similaire chaque soir, le vieillard essayant de les convaincre chaque fois entre deux insultes d’abandonner leur plan. La troisième nuit, ils remarquèrent du mouvement du côté de la maison. Minuit était passé depuis deux bonnes heures et Verndrick s’ennuyait ferme sur la branche d’un arbre à plusieurs mètres de la maison. Il avait pensé à trouver un poste de guet plus près du domicile de Tacco, mais n’avait trouvé aucune position qui lui donnait une bonne vue sur la maison tout en le dissimulant. La discrétion, ce n’était pas vraiment son fort. Si Orifa était là, elle aurait fait un meilleur travail avec son invisibilité. À défaut de mieux, il avait ce perchoir et ses sens augmentés.

    La maison avait aussi connu un supplément d’éclairage pour lui permettre de voir approcher tout suspect. Et il en apercevait justement un. C’était un homme, et malgré la peinture noire qui lui couvrait le visage, Verndrick détermina qu’il devait avoir dans la fin de la trentaine. Il était habillé d’une culotte courte et d’une chemise sans manches grise. Il s’approcha discrètement de la bâtisse et pointa dans sa direction une petite bille en verre. Après plusieurs secondes, il retira la bille et la couvrit de la main. De sa position, Verndrick remarqua que l’artefact clignota une fois.

    "Oh, il la protège pour qu’on ne voie pas la lumière."

    Il répéta le même exercice une dizaine de fois avant de se décider à rentrer dans la maison. Verndrick soupçonnait que la bille en question permettait de détecter le nombre de personnes à proximité. Tacco était seul dans la maison. Et la portée devait être faible s’il avait attendu de se rapprocher autant avant d’utiliser l’objet. L’aventurier avait eu raison de rejeter le plan de Bâtard, qui consistait à se planquer sous le lit du vieillard pour sauter sur les potentiels assassins dès qu’ils se montraient. Il sauta de sa branche et atterrit à côté du corsaire qui dormait adossé contre le tronc de l’arbre. Verndrick lui tapa l’épaule pour le réveiller.

    Hein ! Du nouveau ?

    Oui, un type vient d’atteindre la maison.

    Tu penses qu’on y sera à temps avant que le vieux ne clamse ?

    Nous, non. Mais Bremer et son équipe, oui. Si je l’ai vu d’ici, c’est qu’ils l’ont déjà repéré.

    C’était l’officier qui était censé intercepter les suspects. Verndrick était en couverture avec quelques marins du corsaire, déployés pour circonscrire une large zone autour de la maison et prévenir toute fuite possible.

    Active tes hommes et dis-leur de rejoindre ceux de Bremer pour renforcer et resserrer le cordon de sécurité. Je ne sais pas si le mithrori est venu seul. Dis-leur de rester vigilants et de ne rien laisser passer.

    Après ces mots, il se mit à courir en direction du domicile de Tacco. Le capitaine aurait déjà appréhendé le suspect avant qu’il ne rejoigne la maison. Si tout se passait bien, il arriverait à temps pour participer à l’interrogatoire.


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    Gunnar Bremer
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  • Dim 20 Oct - 19:38
    Déjà repéré, oui. Depuis longtemps, certainement pas. C’était l’auxiliaire Banania qui s’occupait de la surveillance à ce moment-là et il hésita plusieurs minutes avant de faire quérir l’avis de responsable. C’est que la veille, il a donné l’alerte pour un type qui passait devant la bâtisse sans s’arrêter. Il a pris sa soufflante, surtout que ça m’a sorti de mon sommeil et que je peux être parfois grognon quand on me réveille pour que dalle. A nouveau réveillé, j’ai constaté rapidement que la réaction était légitime. Un peu en retard même, mais l’heure n’était plus aux ajustements.

    -Bien joué, Banania.
    -Mici Chef.
    -On intervient les gars. En position. Comme à l'entraînement.

    Entrainement que la moitié a séché pour diverses raisons, ce qui fait que la moitié qui n’y connait rien se contente de suivre les autres. Si je me déploie vers la baraque avec quelques collègues, d’autres officiers partent ratisser les environs. Il est tout à fait possible que la cible ne soit pas venue seule et qu’un complice l’attend non loin. Dans l’éventualité où l’interception tourne mal, on préfère chopper un client de secours. Et si ça tourne bien, avoir deux suspects, on ne crache pas dessus. A l’intérieur, Tacco pousse un cri soudain. C’est le signal. peu subtil, mais efficace. En une fraction de seconde, je me téléporte à l’intérieur, dans sa chambre, apparaissant soudainement face à un inconnu qui ne s’y attendait visiblement pas.

    -Qu’est-ce que…

    J’interviens immédiatement. Pas de sommation. Ca peut vous jouer des tours. Une fois, il y a quelques années, j’ai avoiné le fils du type qu’on surveillait qui était juste venu rendre visite à son papy alors que le gars n’avait aucune responsabilité dans le trafic d’être humain qu’on cherchait à lever ce jour-là. Difficile à faire passer la pommade quand le pauvre gars s’en tire avec une fracture. J’ai pris une soufflante, évidemment, et j’ai eu droit à des rattrapages du manuel d’intervention de l’Office à la page des sommations d’usage. Chiant, je vous cache pas et terriblement inutile dans le feu de l’action.

    Bref, je le projette contre le mur d’une frappe bien placée. Il s’écroule contre le mur, groggy. Je gueule aux collègues d’entrée rapidement et déjà, deux officiers républicains rentrent dans la pièce, fonçant vers Tacco pour l’évacuer. Pendant ce court laps de temps, j’avale la distance me séparant de l’inconnu et le chope par le col. Un bref éclat de métal m’alerte et je parviens à esquiver la lame qui m’était destinée. D’une frappe sur sa main, je la fais tomber par terre, brisant une articulation au passage. Il gémit de douleur. Deux autres collègues entrent et l’encerclent, le tenant par les bras. J’examine la dague, mais celle-ci n’a rien de particulier. Une lame faite pour tuer, bien aiguisé. On ne fait pas les choses à moitié. Un officier lui retire la capuche qu’il portrait, révélant les traits d’un homme quelconque si ce n’est la lueur dans ses yeux. De la peur, de la colère, de la haine et un soupçon de folie fanatique.

    -Alors, tu vas nous dire ce qu’on veut savoir.

    Il garde le silence. Normal. Du remue-ménage derrière attire mon attention, mais ce n’est que Verndrick et Bâtard, accompagné d’un officier républicain.

    -Ah, pile à l’heure.
    -On s’est pas pressé. On ne voulait pas gêner l’intervention des forces de l’ordre.
    -Naturellement. Officier ?
    -Tacco est en lieu sûr. Le suspect n’a pas eu le temps de lui dire grand chose. A part un “Tacco, tu es jugé coupable de…”.
    -Classique des occultistes.. Quand on vient exécuter quelqu’un, faut que ça soit un peu pompeux. Alors qu’il l’aurait poignardé dans son sommeil, on serait arrivé trop tard. Bref, entrez.

    On se regroupe tous dans la chambre où le suspect est toujours amorphe sous les prises des deux officiers républicains. Je me retourne vers mes deux comparses. Commence l’habituelle discussion sur la méthode d’interrogatoire. C’est que chacun à ses favorites et ses expériences sur leur efficacité. En discuter fait partie du processus pour parvenir à ses fins. Déjà, quand on commence à lister les innombrables possibilités pas forcément très éthique et alors que certaines sont même inconcevables pour un type lambda, il arrive parfois que la peur de souffrir fasse céder l'intéressé et on gagne pas mal de temps. Au milieu de la conversation, un autre officier républicain vient nous informer qu’ils n’ont trouvé personne dans les environs. Dommage. On est plus efficace à plusieurs.

    -Ouai, tapez jusqu’à ce qu’on ait ce qu’on veut, c’est une valeur sûre.

    Puis soudain, le pauvre gus s’anime. Je pense sur le coup qu’il passe à table, mais je me fous le doigt dans l'œil. Il prend tout de suite un ton prophétique.

    -Vous voulez jouer avec des forces qui vous dépassent. Je ne suis que le premier, mais le passé est toujours vivant, bien réel et il vous tuera si vous vous en approchez.

    On reste coi un instant et il profite du moment de flottement pour se libérer de la prise de l’un des officiers tandis que l’autre est déséquilibrée par le brusque changement dans la répartition des forces. Le gonze passe sa main dans sa veste et en sort une fiole qu’il dégoupille d’un doigt avant de l’ingurgité d’un trait.

    -Du poison !

    On accourt sur lui, tentant de le maîtriser. L’un essaie de lui faire ouvrir la bouche pour que j’y enfourche deux doigts, histoire de le faire vomir, mais il sert les dents comme sa vie dépendait. Alors que pas trop, non. Rapidement, la mousse vient à ses lèvres et son regard se perd dans le vide. On le lâche et il s’écroule comme un poisson sans arête, inerte sur le sol.

    -Merde !

    Que je fais. On a l’air bien con dans cette situation.

    -Vous auriez pu le fouiller ?
    -On n'a pas eu le temps, chef.

    Evidemment. On pensait avoir la situation bien en main. On le fouille, donc, mais on ne trouve rien d’important. C’est à la faveur de cette fouille un peu brusque que l’on finit par révéler un étrange tatouage sur le torse de l’individu, près du coeur, trop riches en significations sans que ça puisse être par hasard.

    -Qu’est ce que c’est ?
    -On dirait… J’en sais rien. Là, je vois un cercle brisé. Au centre, on dirait un masque. Là, vous voyez les deux yeux et une bouche ?
    -Ouai, on dirait bien. C’est très particulier.
    -Officier, interrogez les anciens sur ce motif. Je veux aussi savoir l’identité de ce type. Quelqu’un doit bien connaître son nom sur cette île. Il n’est pas apparu de nulle part, bordel. Remuez ciel et terre, je veux des infos. Exécution !

    Il s'exécute. Entendre par là qu’il s’en va pour éviter qu’on l’engueule davantage. Fais chier. A côté, Bâtard fait la moue, un petit sourire en coin.

    -J’ai l’impression que vous avez merdé.

    Merci batard. Je mets deux secondes à faire un sourire ressemblant surtout à une grimace.

    -Nan mais on va trouver quelque chose.

    Le lendemain, dans la matinée, les officiers républicains ont effectivement réveillé la moitié de l'île pour nous donner de quoi ne pas être ridicule. Plusieurs témoignages affirment avoir reconnu l’homme. Il serait arrivé sur l'île la veille, via un bateau local de passage. Il n’a interagit avec personne et a semblé vouloir resté très discret. C’est souvent les types qui ne veulent pas se faire repérer qui tapent dans l'œil de l’anonyme passant par là. Le mieux, souvent, c’est de rester soi-même. Mais là encore, on se fait repérer. L’art de rester invisible est difficilement réalisable quand on utilise pas la magie idoine, c’est malheureux. Côté tatouages, on a interrogé les vieux du village et l’on pensait faire chou blanc car çe ne disait rien à personne. Je pense personnellement que ceux qui pouvaient savoir quelque chose préféraient se taire, rapport au fait qu’on a envoyé celui qui a bavé dans un piège. Je les comprendrais à leur place. Le salut est venu d’un marchand, un peu par hasard.

    D’après lui, ce tatouage serait le symbole d’une tribu archaïque sur une ile non loin ayant un nom tout aussi imprononçable que celui de Dimalv, mais dont le diminutif serait Achkar. C’est une île à moitié sauvage avec deux ports accueillant des touristes à la recherche d’une expérience au sein de tribus supposées primitives, mais depuis longtemps corrompues par la civilisation du continent, faisant semblant de faire les sauvages pour le plaisir des touristes avides d’exotismes. Si la partie officiellement sauvage ne l’est pas tant, il est connu que l'île a un lourd passé historique avec la présence de vieux temples en ruine, visibles un peu partout sur l'île. Les locaux s’en servent de paysage de caractères pour leur mise en scènes touristiques. La tribu qui nous intéresse serait la seule à ne pas trop avoir succombé aux sirènes de la civilisation, restant isolée du reste des autochtones. En apparence, visiblement, puisque si notre cadavre est lié à cette tribu, ils sont non seulement très au courant de ce qui se passe ailleurs, mais on ne peut pas dire non plus que notre gars soit venu en pagne armée d’un caillou pointu. Son équipement est simple, mais de qualité et sa dague est clairement de facture républicaine.

    Il peut y avoir des tas de raisons pour expliquer ça. Dans tous les cas, notre piste nous amène ailleurs et c’est bien la seule à disposition.
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