Taisen, un petit joyau perdu au milieu du désert. Après ces quelques jours passée dans ce cuisant désert en compagnie de Kieran, nous avons enfin retrouvé la civilisation. La séparation ne fut pas sans mal à l'intérieur de moi, mais l'excitation de poursuivre de nouvelles aventures est comme un baume au coeur.

Marchand à travers les différentes rues de la ville, je cherche inévitablement une taverne où passer la nuit. Je dirai même plusieurs parce que sincèrement, je suis exténuée. Une fois refuge trouvé, je suis particulièrement sensible aux odeurs qui flottent à l'intérieur. Un mélange d'acidité et de chaleur, un air lourd mais l'ambiance semble plutôt détendue. Ma première nuit est d'un sommeil profond et réparateur, ma foi bien mérité et les repas chauds sont également appréciés. La cuisine est très différente de chez moi et les premières bouchées sont..... marquantes. J'ai déjà gouté quelques plats d'ailleurs quand j'étais à Melorn, mais c'était des plats de fêtes, très travaillés et richement accompagnés. Il me semble que dans les tavernes et auberges, les plats proposés restent des plats simples et abordables. Je suis donc en train de déguster ce genre de plat. Mais.... des patates cuites dans un bouillon, tous les jours, ca ne devient pas sans saveur finalement ? Je vais noter ça dans mon carnet : ragout de cochon et légume du potager.

Une fois la panse remplie, ne rien faire est totalement inenvisageable. Remontant dans ma chambre, je finis par astiquer mes cuirs encore salis par le sang des malfrats.... je.... je repense à ce moment horrible, celui où j'ai ôté la vie, de manière brutale.... c'était si....mais j'ai sauvé des vies.... j'ai sauvés des vies.... j'ai sauvés des vies et c'est le plus important. Je ne parviens pas à effacer toutes ces visions d'horreur jusqu'au moment où je repense à Kieran. La force tranquille, mon repère durant cette épreuve. Le destin ne mettra pas sur mon chemin toujours autant de chance.

Je décide alors de faire un tour dans les échoppes du coin à la recherche de graisse pour mes cuirs, de thé aux vertus apaisantes et d'un souvenir. Quel souvenir ? Aucune idée, je le saurai en le voyant. A l'extérieur, j'ai la sensation que c'est le brouhaha. Les rues sont peuplées et le plus surprenant, chose que je n'avais pas remarqué en arrivant, la mixité. Pour la première fois de ma vie, je me retrouve en infériorité numérique, j'ai la sensation d'être seule. Je ressens soudainement un vide à l'intérieur de moi, je ressens probablement ce qu'un étranger ressens quand il vient à Melorn. C'est déstabilisant. Pas assez pour me faire flancher, mais suffisamment pour me faire réfléchir. Je n'ai jamais rejeté les étrangers qui venaient dans ma ville parce qu'ils représentent beaucoup trop de chose à apprendre, mais je sais que la plupart de mon peuple est très fermé et parfois même intolérant. Les Elfes cherchent à se protéger parce qu'ils veulent retrouver leur gloire d'antan, mais les choses évolue et ce n'est pas toujours évidemment de l'accepter.

Je croise beaucoup d'Humains, ils sont de couleurs et de taille différentes, la plupart manque de grâce et leur langage me semble si agressif. Dans cette ville, il est obligatoire pour chaque mâle de faire son service militaire et pour certain, devenir le meilleur élément est important pour espérer devenir garde royal. Pour moi, protéger son royaume ce n'est pas uniquement protéger un couple royal, ça va bien au delà. D'ailleurs, au vu des exploits réalisés par Tensai Ryssen, je doute sincèrement qu'il ait besoin d'une garde. La flèche qui a touché la Reine, garde royale ou non, l'a touché. Conclusion, est ce que la garde royale est véritablement aussi utile qu'on le pense ? Pourquoi conserver les meilleurs éléments auprès de soi ? Ne serait ils pas plus utile ailleurs ?

Ah, tien donc, un herboriste ! C'est franchement plus intéressant ça ! Ni une ni deux, voila que je pénètre dans la boutique. Une forte odeur de fleur vient me chatouiller les narines à m'en faire éternuer. Discrètement. Toujours. Accroché au mur, des fleurs et plantes séchées décorent l'endroit, lui donnant un aspect presque hors du temps et de ce monde. Un large sourire sur mon visage, je suis interrompu dans ma rêverie par la voix de l'homme au comptoir.

" Bienvenue à vous. En quoi puis-je vous aider ? "

" Bonjour cher Monsieur. Votre échoppe est fantastique ! "

" Ah, vraiment ? Merci bien. Dites moi, qu'est ce qu'il vous faut ? "

" Je cherche une boisson pour apaiser l'esprit tourmenté et mieux dormir s'il vous plait. "

" Ah, des cauchemars.... ne bougez pas, j'ai ce qu'il vous faut. "

Voila qu'il disparait dans son arrière boutique en marmonnant je ne sais quoi. J'entends des fioles qui s'entrechoquent avant de le voir revenir, un chien à ses pieds.

" Voilà pour vous. Il suffit de faire infuser deux ou trois feuilles dans de l'eau chaude, pas plus de cinq minutes, juste avant d'aller au lit. Ces feuilles vont apaiser votre esprit. Mais n'oubliez pas qu'accepter et parfois plus efficace sur le long terme. "

Sa réflexion, aussi judicieuse soit-elle, me paraît déplacée. Pourtant, sur son visage marqué par le temps, j'y vois plus de bienveillance que de jugement. Je finis par simplement hocher la tête.

" Est ce que vous savez où je peux trouver un peu de travail contre un repas ? Je viens d'arriver en ville et je ne sais pas vers qui me tourner. Vous devez connaître du monde et j'ai quelques connaissance en matière de soin. "

" Hum.... tout va dépendre du type de travail que vous cherchez, mais je connais une petite Fae, Ahatsara. Elle s'occupe des animaux, vous la trouverez chez Gaston " il m'indique la route de la main, " sa monture est devenue folle. Ou alors il y a un hospice de l'autre côté de la ville, Joséphine vous trouvera surement de quoi faire. "

Joséphine, Ahatsara. Juste parce qu'elle est un Fae, je vais me tourner vers elle. Je n'y connais absolument rien aux équidés ou autres animaux mais c'est peut être l'occasion. Je remercie l'homme, règle ma note et sors de ce petit monde. Sans tarder, j'oublie ma graisse pour cuir, mon souvenir, que je me dirige vers ce cher Gaston. Il ne me faudra pas marcher bien longtemps avant que je ne tombe sur un éleveur de chevaux. Au bruit des hennissements de l'animal, je me doute que je suis au bon endroit et qu'il s'y passe quelque chose. A l'arrière de la maison, un enclos avec une petite Fae, à peine plus grande qu'un enfant elfe est en train de .... discuter avec l'animal. Don que je n'ai pas, mais je ne serai pas étonnée qu'ils aient beaucoup de chose à nous apprendre ceux là. J'attends qu'elle termine son travail avant de m'approcher d'elle.

" Ahatsara ? Bonjour, je me nomme Enkara. L'herboriste m'a conseillé de venir vers vous. Je cherche un travail contre un repas, peut être auriez vous besoin d'aide ? Je peux vous accompagner où vous assister. "

J'ai l'impression de passer un entretien, mon approche manque peut-être un peu de grâce cependant, elle reste directe, simple, honnête et franche. Si elle a besoin de quelqu'un pour la protéger, la soutenir, l'accompagner, je pense être largement en capacité de le faire. Je viens de traverser le désert, qu'est ce qui peut être plus dur que ça maintenant ?

"Alors, Enkara, dis-moi tout. Je veux connaître la raison pour laquelle une elfe comme toi se retrouve à chercher du travail dans une ville comme Taisen. Mais surtout, dis-moi si tu as le cœur assez solide pour ce que je m’apprête à te proposer..."

Nous sommes dans une taverne, différente de celle où je dors et avec des amuse bouche piquant sous le nez. Et tout ça, en quelques minutes. C'est comme ci j'avais été spectatrice de toute la scène sans pouvoir changer le scénario. Quelques minutes plus tôt, nous étions à l'extérieur en train de d'échanger, mais cette étrange créature est d'une vivacité si impressionnante que je n'ai même pas eu le temps de répondre à ses questions. Elle m'a simplement entrainé comme le ferait un enfant, derrière elle à travers la ville avant de se retrouver ici. Il semble qu'elle fasse une pause, réellement.

" C'est impressionnant de voir autant d'énergie dans un si petit corps. Tout à l'heure, vous aviez raison sur un point : je suis curieuse. Je quitte tout juste Melorn, les livres ne m’intéressaient plus et je voulais voir le vrai monde. J'ai traversé le désert, une aventure plus que surprenant, j'ai pu apprendre ce que les livres ne peuvent pas. Ce désert ne laisse guère de chance au moins courageux, c'est certain. "

Je fais une pause et goute un des amuses bouches de la maison. Je vais être honnête, le piquant, ce n'est pas ma saveur préférée et ....... oohh par tous les Dieux que ça me brûle brutalement la langue.

" Oh, c'est.... relevé..."

Je bois, espérant que cela m'apaise un peu. L'espoir, c'est toujours bon. La petite Fae devant moi ne semble pas le moins du monde perturbée par le goût piquant et paraît même satisfaite. Ses pupille marron me fixent, son sourire est large et franc et elle dégage une sorte d'aura solaire. La Fae sont comme nous autres, les Elfes, race ancienne, intelligente, de nature généreuse et plutôt bonne. C'est probablement la race avec laquelle nous pourrions vivre sans jamais se quereller et sans craindre quoi que ce soit.  Je poursuis mon récit afin de répondre la mieux à ses questions :

" Partir à l'aventure nécessite de trouver du travail pour survivre. Je ne souhaite pas vivre uniquement sur mes économies parce qu'en cas d'accident, je serai dans l'embarras. J'ai donc besoin de travailler pour cette raison. D'autant plus que travailler dans un domaine qui n'est pas le mien va forcément m'apprendre quelque chose. J'ai bien vu que vous aviez la capacité de communiquer avec les animaux, j'ai un profond respect pour la vie en générale et j'ai quelques talents de guérisseuse qui peut avoir son utilité. Je peux également utiliser la magie en offensive si cela s'avère nécessaire."

Un flash du dernier massacre ressurgit dans mon esprit, le sang, son odeur, les étouffements avant de mourir.... je les chasse rapidement ce n'est pas le moment de m'occuper de ça. C'était les esclaves ou eux, j'ai fait le meilleur choix, quand est ce que mon âme va le comprendre et l'accepter ?

" Si vous avez besoin d'aide, je peux m'adapter. Je l'ai fait dans le désert une fois, je peux donc le refaire. "

Ses yeux me semblent luisants, comme s'ils brillaient d'enthousiasme, de curiosité ou qu'ils cherchaient à me percer. Ahatsara, comme les êtres de sa race, est petite. Je ne connais pas l'étendue de sa magie, toutefois, elle aurait peut être besoin d'une personne pour la défendre ou la protéger le temps de. Ou bien une personne pour apporter des soins.

" A votre tour maintenant, qu'elle est donc cette idée si loufoque que nous devons accomplir ?

En m'incluant grâce au nous, j'affirme ma volonté de l'accompagner même si cela est dangereux et ardu. J'ai bien compris que l'extérieur de Melorn serait tout, sauf calme et sécuritaire. Je pourrais faire la plonge dans cette taverne, pourtant, mon âme est en demande d'autre chose.

Un lanconda, rien que ça.... Quelle mouche l'a piqué ? Les livres racontent en effet que ces créatures peuvent mesurer quelques mètres comme dix, quinze ou plus de vingt mètres de long ! Je fais à peine un mètre quatre vingt et elle un mètre vingt.... Personne ne décide de se confronter à cette bête sans raison. L'acide qu'il crache peut paralyser n'importe quel animal et sa force physique est aussi incroyable et redoutable que sa taille. Je m'emballe mais qui sait, peut être qu'elle souhaite juste un spécimen de 5 mètres, c'est bien aussi.

Elle semble sûre d'elle, elle connait le sujet et même temps, elle me semble insouciante. J'ai le sentiment que si je ne l'accompagne pas, il va lui arriver malheur. Pourtant, elle n'est pas une débutante.

" En effet c'est une idée loufoque et complétement suicidaire. Pourtant, je vais accepter de te suivre. Sache juste qu'une seule entourloupe de ta part et je te laisse lui servir de petit déjeuner. Ces animaux ne sont pas des chiens que l'on peut domestiquer, ils sont sauvages et méfiants. Ils survivent uniquement parce que c'est la loi du plus fort dehors, au moindre pépin, on fait demi tour. "

J'aime l'aventure, mais je ne suis pas venue ici pour mourir aussi lamentablement comme une bleue. J'espère que je ne suis pas la énième compagnon d'aventure qu'elle enrôle, sous entendu qu'aucun d'entre eux ne seraient revenus vivants.

" Dis moi pourquoi tu veux dompter cet créature ? Est ce une expérience ? Tu attends d'elle qu'elle te donne quelque chose ? Une expérience personnelle ? La comprendre ? Et une fois "dompter", que comptes tu faire ? "

Oui c'est vrai, j'accepte de la suivre, mais mon ton interrogateur laisse tout de même comprendre que si ses raisons ne sont pas correctement argumentées, je peux encore changer d'avis. Son regard est toujours posé sur moi, je sens qu'elle va chercher à me convaincre, pleine d'énergie qu'elle est. Je n'ai jamais vu de lanconda, en voir un pour de vrai serait une expérience incroyable et probablement mémorable, sauf si j'y reste. Mais au fond de moi, je sens que je dois vivre cette aventure pour avancer comme un rite de passage. Le passage du désert.

Je plaque mon dos contre la chaise, croise les bras devant moi, sur ma poitrine, attendant son argumentaire. J'ai hâte de savoir.

" Précise moi également où est ce que nous devons aller, à quelle heure nous partirions demain matin et de quel équipement nous avons besoin."

Oui parce que bon, enquiquiner du lanconda, c'est tout de même quelque chose qui se prépare, je ne compte pas partir en sifflotant à dos de vezkang au hasard dans ce désert mortel. Enfin je dis ça mais..... je crois bien que je dirai oui quand même, seule elle n'y arrivera pas. Et vaut mieux qu'elle soit avec moi plutôt qu'avec un fou.

" Bonjour Ahatsara, tout est prêt pour l'aventure la plus improbable à laquelle j'ai dit oui ? "

Même si ce que je dis est vrai, une pointe d'humour se fait sentir dans ma voix. Je suis totalement consciente que c'est suicidaire et que nous allons probablement mettre nos vies dix fois en danger, toutefois, comme je l'ai déjà dit, je dois participer à ça. Je pénètre un peu plus dans l'écurie, faisant face à une fae surexcitée et presque hors de contrôle. Même si la veille celle-ci m'a confirmé tout prévoir pour le voyage, je me suis permise de prendre ma besace et quelques bricoles, on ne sait jamais, sans oublier mon carnet de voyage et de quoi écrire.

" J'espère ne pas faire une folie regrettable en te faisant confiance petit être, où est mon cheval ? "

Je lève la tête et aperçois que.....euh.... qu'il n'y a pas de cheval. Alors le chameau oui, dans le désert ça me semble tout à fait approprié mais une tortue ! Mais attend voir, une tortue du désert ? Mon regard d'abord surpris, se transforme alors en curieux face à cette animal. Je n'en n'avais jamais vu en vrai ! Il n'y a pas de tortue du désert dans la nord glacial de chez moi, c'est incroyable. Cette créature est lente, incapable de fuir un ennemi aussi vif qu'un lanconda, mais sa carapace est solide et son tempérament calme. Absolument pas adaptée à notre mission. Et pourtant ...

" Tu as réussit à dompter une tortue du désert ? Comment s'appelle-t-elle ? "

Voila que je charge mes affaires dessus et caresse le dessus de sa tête. Je n'y connais vraiment rien sur ces créatures si ce n'est ce que raconte les livres. Mais étant accompagnée d'une spécialiste, autant lui demander directement. Pendant qu'elle me fournit les informations, je me permets également d'observer son scorpion, connu pour être agressif et redoutable. Je savais que cette aventure allait m'apprendre quelque chose, mais je ne pensais pas que ça serait si tôt.

La fae, le sourire aux lèvres et habitée par la joie, l'excitation ou alors la folie, semble rayonner en harmonie avec le ciel matinal. Elle ressemble à ces enfants qui racontent leur journée le soir en rentrant, qui revivent chaque moment vécu avec la même intensité. Plus je l'écoute, plus je me dis que j'ai bien fait d'accepter de l'accompagner et que cette race est véritablement un cadeau de la nature. Capable de manier la magie avec presque autant d'habileté que nous autres Elfes, elle saura user de ses pouvoirs en temps voulu et de manière efficace, j'en suis sûre. Une partie de son savoir deviendra le mien et à travers mes écrits, il sera transmit au fil des âges pour les générations futures, pour finir peut être parmi les ouvrages à connaître dans une bibliothèque d'école.

Comme je m'en doutais, la tortue est lente, mais cela me laisse le temps d'observer ce qui m'entoure.... j'entends alors par là, le sable, le sable et encore le sable. Je commence à douter de mon choix mais si Ahatsara m'a proposé cette option, c'est qu'elle estimait qu'il était judicieux et avisé. Après tout, sommes nous pressées ?

" Au fait, tu ne m'as pas dit Ahatsara, est ce que tu sais exactement où ou bien, comment trouver un lanconda ? A moins que ce soit lui qui nous trouve ? Il faut le piéger ? Suivre des traces ? La dernière fois, mon compagnon et moi avons croisé par accident un Terrarus et je peux t'assurer une chose, c'est surprenant. "

Alors autant je peux expliquer et résumer n'importe quel livre de ma bibliothèque, mais en chasse ou pistage, je n'ai aucune compétence ! Je serai incapable de chasser le sanglier dans une forêt et à peine pêcher un poisson sans utiliser ma magie. C'est déplorable. En revanche, quand il s'agit de courir pour fuir un vers géant, je sais faire. C'est presque une honte à ce niveau là non ?

Au fond de moi, deux parties se disputent. Celle qui souhaite rester raisonnable en trouvant un lanconda de seulement 3 mètres et puis il y a l'âme de l'aventurière qui préférerait tomber sur un de douze mètres..... c'est bien aussi non ? Je me dis que Ahatsara n'est pas folle, si elle est toujours en vie c'est qu'elle sait ce qu'elle fait et si elle fait confiance aux animaux qui nous accompagnent, c'est qu'il faut le faire. Un scorpion qui ressent les vibrations, une tortues fantôme dans le désert. En réalité, nous avons tout ce qu'il faut pour faire une attaque surprise de ce que je comprends. Approcher sans se faire remarquer ou presque. Je ne peux pas faire demi tour maintenant et puis sincèrement, je n'en ai pas envie, c'est maintenant que je me sens vivante. Je prends goût à l'imprévu et à l'aventure, j'ai passé suffisamment de temps enfermé dans ma ville de trésor et dans les bibliothèques. Une vague d'énergie positive m'inonde brusquement et un sourire s'étire sur mes lèvres.

Je suis distraite dans mon imagination lorsque la petite fae m'interroge sur ... une chose que je ne m'étais jamais demandée. C'est vrai ça, si je pouvais dompter un animal au choix, lequel choisirai je ? Il y en a tellement, mais a la fois si peu. A poils ? A plumes ? A écailles ? J'ai déjà apprivoisé Kieran, ca compte ? Je plaisante bien entendu, il ne s'agit pas là d'un animal.... bien que lorsqu'il se batte c'est à se demander. C'est juste qu'en pensant aux écailles, il m'est subitement revenu en tête. Je me demande ce qu'il fait et ce qu'il devient, j'espère juste qu'il va bien.

" C'est une bonne question Ahatsara. Je trouve les tokages agréable, ils maitrisent la magie et sont très affectueux. Dommage qu'ils soient principalement exploités. L'ombragon est remarquable, tout comme le kirin, cet équidé capable de contrôler la foudre. Il est un peu comme un protecteur de Shoumei. Je dirai que l'idéal serait un kitsune ou un dragon, deux êtres incomparables et uniques dans notre monde. Seulement, les dompter serait une forme de gâchis, je serai plus honorée que l'un d'eux me choisisse comme amie, plutôt que d'être forcé à m'obéir comme un maitre. Personne ne mérité d'être forcé selon moi, du coup, on peut dire que je ne souhaite pas vraiment dompter ou réduire à obéir, mais plutôt à apprivoiser. "

Je lui souris avant de rajouter :

" Comme toi par exemple ! "

C'est une personne pleine de vie qui n'a pas besoin d'énergie, mais une petite boutade avec le sourire, ca fait toujours plaisir. J'espère que ma réponse ne l'a pas froissée, elle qui est dompteuse d'animaux. Peut être que ses méthodes ne sont pas violentes, qu'elle est dans la communication et qu'elle pratique une forme de domptage bien à elle, mais en aucun cas je me permettrai de la juger, un avis est juste une façon de voir les choses et pour cela, nous sommes tous différents.

" Et toi, quel animal aimerais tu apprivoiser ? Et quel animal le plus improbable as tu apprivoisé ? "

Ah, ca serait drôle de connaitre certaines anecdotes ! Tout ne se passe jamais comme prévu elle doit bien avoir des loupés à son actif ! La chaleur insupportable du désert me faire à nouveau suer, dans les deux sens du terme. C'est vrai, quel calvaire cet endroit, heureusement qu'il regorge de secrets et de surprises sinon nous n'y succomberions pas mangés par des créatures, mais d'ennui.

Ahatsara me semble complétement décalée par rapport au reste du monde que j'ai pu observer jusque maintenant. Je ne pense pas parce qu'elle est amoureuse des animaux venimeux et dangereux non, mais bien parce qu'elle semble insouciante et même attachante. Je garde cependant en tête que si elle paraît de confiance, rien ne l'empêche de m'abandonner face à la difficulté si jamais le lanconda décide de nous dévorer. Ou plutôt quand il décidera de la faire. J'ai peu de doute mais sait on jamais. Si tous les faes pouvaient être comme elle..... Si tous les être vivants pouvaient être comme elle ou Kieran, on ne serait surement pas dans un monde aussi incertain.

Très vite, enfin c'est l'impression que j'ai, nous trouvons une oasis. C'est remarquable, de l'eau perdue au milieu de ce désert aride et sec jusqu'à la moelle. La nature est incroyable, cela permet aux animaux de pouvoir survivre ici, juste ce qu'il faut. La petite dresseuse se chamaille avec son animal de compagnie et vient même à le pousser pour qu'il prenne un bain. A quel moment un scorpion géant accepte de se laisse faire par ce petit bout ? C'en est presque attendrissant.

Roseline, je la laisse faire sa vie, je ne parle pas aux animaux et même si je le savais, j'imagine qu'elle est suffisamment grande pour s'occuper d'elle. En plus, je n'y connais rien en tortue. Pour ma part, un peu d'eau me fait le plus grand bien. Rafraichir mon visage, mes mains qui cuisent dans le cuir de mes gants, ma nuque enroulée dans une écharpe pour la protéger du soleil. Mais l'eau me paraît rapidement chaude, exposée ainsi en plein soleil étouffant. Même si quelques arbres poussent autour, ce n'est pas suffisant pour garder l'eau parfaitement fraiche. Ce n'est pas un problème. Je prends dans le creux de mes mains un peu et concentre ma magie pour la transformer en une petite boule de glace, pour le coup très rafraichissante.

" Attrape ! "

Je la lance par surprise à la petite Ahatsara.

" Passe ça sur ta nuque, ca va te faire du bien vu la chaleur écrasante du moment. "

Une petite boule pour moi et le plaisir est assuré. C'est au moins ça. Je me demande brusquement si cet endroit serait le genre de place idéale pour trouver n'importe quel être vivant dans le désert. Dans certaine région, les animaux ont comme une sorte de pacte qui les interdit de se chasser, comme un pacte de non agression parce qu'il s'agit du seul et unique endroit où trouver de l'eau ou n'importe qu'elle autre ressource. Comme s'ils pouvaient comprendre que c'est vital et que le fait d'abuser ou de profiter pouvait déséquilibrer leur écosystème. Alors que ces idiots d'humains entre autre, dès qu'ils peuvent provoquer un déséquilibre qui va dans leur intérêt, ils le font sans réfléchir aux conséquences. Je vous laisse tirer vos conclusions seuls.

" Tu penses que les lancondas viennent jusqu'ici pour boire eux aussi ? C'est une sorte de havre de paix ici pour tous les animaux non ? Notre présence ne perturbe pas trop j'espère. "

En jetant un coup d'oeil autour de nous, je n'aperçois aucune trace d'un autre être vivant, mais cela ne veut pas dire,  ils sont parfaitement adaptés à cet environnement.

Un rien l'intrigue, l'amuse, la stimule. Un peu comme moi devant un livre, face à un mystère, une nouvelle découverte. En plus, il semblerait que je vienne de la sauver d'une morte certaine avec un peine un effort. Je souris en coin face à son remarquable jeu de comédienne. Une chose sur laquelle je suis d'accord c'est qu'en effet, je fais les choses avec style, comme tous mes pairs. Faut dire que nous avons une certaine classe.

Quand soudain la petite fae se redresse, les sens en éveillent, avant de se rapprocher à nouveau du sable chaud comme si elle cherchait quelque chose je la mime sans trop savoir ce à quoi je dois m'attendre. Dois-je entendre ? Voir ? Sentir quelque chose ? Dans le doute je fais comme elle, on ne sait jamais si le lanconda venait à surgir brutalement, la gueule ouverte prête à nous engloutir, les crocs acérés, le venin prêt à sortir !

"Ah, ça… Un havre de paix, peut-être, mais pas seulement."

Très rassurant.

"Regarde ça. Une belle piste, fraîche en plus. Je parie que Sombra l’a déjà sentie, pas vrai ? Un Lanconda, très probablement. Je te parie mon dernier repas que ce serpent n’est pas loin. Sombra est un véritable expert pour détecter ce genre de choses."

Elle se redresse à nouveau, me fait sursauter avant d'enchainer.

"Et puis, Enkara, ne t’inquiète pas. On ne perturbe rien ici. Au contraire, on fait partie du grand bazar de la vie sauvage. Tu sais ce qu’on dit : les aventuriers, c’est comme les tempêtes de sable, ils passent et laissent une histoire derrière eux !"

Oui, certain laisse leur cadavre aussi, c'est tout de suite moins sympathique à imaginer. Les histoires, je préfère les raconter moi même le soir auprès d'un feu ou dans une taverne.

" Si tu m'affirmes qu'il s'agit d'une piste de lanconda, va falloir être prudent."

Mais déjà elle repart marcher dans le désert, un rire joyeux, un enthousiasme sans fin, une assurance sans faille. Cette petite est incroyable et je suis finalement persuadée qu'une partie d'elle est totalement insouciante. Ou inconsciente. Compte elle sur moi pour rester en vie durant cette aventure ? Si c'est le cas, je vais devoir faire mieux que ma dernière aventure avec Kieran, sans lui, nous étions cuits.

Le sable est toujours aussi chaud, il s'infiltre toujours partout dans mon armure, me gratte toujours autant et même si je savais dans quoi je m'embarquais, c'est éprouvant cet endroit. Je pourrai faire éclater une petite tempête de neige pour nous rafraichir... mais non, je dois conserver toutes mes forces.

Ahatsara me fait à nouveau sursauter lorsqu'elle se stoppe et se tourne vers moi, un sourire énigmatique sur les lèvres. Je crois qu'elle sait quelque chose, je crois que notre cible n'est plus très loin et la spécialiste animalière se sent parcouru par une excitation incontrôlable qui la ferait presque dérailler de l'intérieur. A moins qu'elle soit tout le temps comme ça et cela ne m'étonnerait pas non plus.

"Peut-être que notre ami le Lanconda est déjà en train de nous observer, qui sait ? " Ah ! je m'en doutais rien qu'en la regardant ! "Mais ne t’inquiète pas, il ne nous attaquera pas." Vraiment ? " Pas tout de suite, en tout cas." Ah oui, je me disais aussi... " On va jouer les discrètes. Enfin, aussi discrètes que deux aventurières sur un scorpion géant et une tortue du désert peuvent l’être !"

" S'il sait que nous sommes là et qu'il nous observe, pourquoi être discrète ? On doit jouer la comédie et faire semblant à la présumée attaque surprise ? "

Je réalise alors quelque chose d'assez primordiale... je ne connais rien au lanconda. Je ne sais même pas comment en "attraper" un, ou capturer. En réalité, c'est quoi le plan vraiment ?

"Au fait Ahatsara, tu ne m'as dit comment tu comptais t'y prendre et ce que je devais faire. Est ce que je dois savoir quelque chose avant que...."

Et si je vous disais que c'était trop tard ? Et si je vous disais que ce désert souhaite véritablement ma mort, encore plus que la première fois ? Il m'a raté avec Kieran du coup là, je crois qu'il y met le paquet.... Pourquoi j'ai dit oui déjà, rappelez moi ?

"Oh, Enkara, tu veux savoir ce que tu dois faire ? C’est simple : amuse-toi ! S’il y a bien une chose que j’ai apprise, c’est que les Lancondas aiment les gens qui savent s’amuser. Bon, ça, et les gens qui savent éviter leurs dents..."

Elle a le temps de me répondre; le temps que l'animal sorte de sa cachette. Comment veut-elle que je m'amuse ? Nous ne jouons pas aux cartes là !

"Ah, voilà le spectacle ! Regarde-moi ça ! Une merveille, un vrai bijou du désert ! Et en plus, il est jeune. Oh, Sombra, ne sois pas trop méchant avec lui, d’accord ?"

Ahatsara est en fait suicidaire, je ne vois pas d'autres explication logique à ce que je viens d'entendre ! Je suis sur le qui vive, j'ai bondit du dos de ma tortue pour éviter qu'elle ne se fasse prendre pour cible et avaler. J'imagine qu'elle ne passerait pas facilement mais dans le doute, je préfère être sur mes propres pieds.

" Fais attention Ahatsara, ne t'approche pas trop."

Elle frappe des mains..... Je ne rêve pas, elle frappe des mains, le sourire qui monte jusqu'aux oreilles et toujours cette aura enfantine. En fait, j'ai l'impression d'être partis avec une enfant faire les étals d'une échoppe à la recherche d'un animal de compagnie. Mais nous sommes bien dans le désert brulant et face à une bête sauvage, jeune certes, mais grande, forte, sauvage et imprévisible. Le lanconda est dressé, menaçant, il tente de nous intimider à l'aide de bruits et d'une attitude caractéristique de son espèce. Je dois faire confiance à la petite fae, elle est dompteuse, elle a l'habitude des animaux, elle doit savoir ce qu'i faut faire.

Mais à peine ma pensée finit, que l'animal balance sa queue comme un fouet dans le direction de ma compagne, la projetant plus loin. Son corps retombe dans un nuage de sable.

" Ahatsara !!!!!"

Je commence une course vers elle, pour la protéger mais...

"Ah, magnifique ! Quelle force, quelle majesté ! Je crois que je l’aime déjà ! Pas mal, petit serpent, pas mal du tout ! Tu es un vrai champion du désert !"

La fae rit aux éclats. Elle roule de rire par terre. Prend le temps de se redresser. L'animal balance une seconde fois sa queue, elle fouette l'air, je n'avais jamais vu ça. Je monte un mur de glace devant nous pour nous protéger, le mur le brise, mais personne n'est touché.

"Bon, je crois qu’on va bien s’entendre, toi et moi."

" Ce n'est peut être pas le meilleur moment pour plaisanter. Je peux nous protéger mais si la situation devient ingérable, je serai obligée de le blesser pour le faire fuir. "

Cela m'ennuie de le dire, mais c'est une réalité. Un animal qui se sent plus faible, ou blessé, aura plus de chance de prendre la fuite. Il est hors de question que l'une de nous y reste juste pour le plaisir de la demoiselle.