Mô est poilu. Mô a un long pelage gris et doux. Mô est mignon. Mô juge tout le monde avec ses yeux verts. Normal, vous me direz : c’est un chat. Mô est grand. Mô est un peu gras aussi, visiblement. Mô est silencieux et vous surprend souvent par sa présence. S’il miaule, c’est qu’il a quelque chose à vous demander, comme « T’es à ma place, dégage » ; ou « Elle est où ma croquette surprise ? Tu m’en avais donné hier non ? ». Mô se balade librement sur son immense territoire qu’est l’Université Magic. Tout le monde le connaît, et tout le monde est informé de son rôle ici-bas : espionner les étudiants pour le compte de la Perfectionniste. Il surveille en réalité presque tout le monde – sauf peut-être la Dame qui lui fiche la frousse.

Mô est dévoué à une seule et unique personne : sa Maîtresse, la seule, l’unique, celle qui lui cuisine du poisson et des restes de poulet récupérés au restaurant de l’école. Mô se contre-fiche du reste de la population. Vous pouvez toujours l’amadouer avec des friandises ou des gratouilles, celui-ci acceptera d’un air dédaigneux, et vous laissera, à la rigueur, le caresser ; mais il continuera de scruter vos orteils une fois la nuit tombée. Parce que Mô a un petit problème. Une légère obsession. Il adore les pieds, surtout ceux qui dépassent des draps. Surtout ceux qui puent. Vous ne savez pas trop pourquoi il croque ces appendices humanoïdes. Vengeance ? Convoitise ? Perfidie ? Vous savez en tout cas qu’il s’agit d’un fripon et qu’il sait pertinemment ce qu’il fait. Alors, gare à vous, élèves désobéissants, professeurs prétentieux, ou voyageurs crasseux, car vous découvrirez bien vite que Mô vous imposera ses propres lois.

Dans le Parc de la Mandragore, sans exactement comprendre comment il était arrivé sur les premiers promontoires escarpés du Pinacle d’Argent, la Pléiade trouva le chaton blessé recouvert de boue et à moitié mort de faim. L’ange ne pouvait même pas concevoir d’ignorer la bête tremblante ; elle le ramena donc dans son bureau et prit soin de lui. La politique de l’Université n’étant pas contre la garde d’animaux domestiques, il lui fallait néanmoins subvenir à ses besoins – ce que la Perfectionniste, en pleine crise existentielle après le retour des Titans, s’empressa de faire pour combler son mal-être.

Elle découvrit très vite que le chat était intelligent. Son expérience traumatique de famine et d’abandon favorisait le dressage fondé sur un système de récompenses. Elle passa donc quelques mois à lui apprendre des tours simples grâce à un langage de la voix et de la main spécifique. Il a pu rapidement répondre à des ordres comme « viens près de moi », « saute », « miaule quand quelqu’un arrive ». Tandis qu’il grandissait, le chat devenait en outre un explorateur de plus en plus audacieux et la Pléiade se rendit compte qu’elle pouvait utiliser ses longues flâneries dans l’Université pour surveiller ses élèves et ses collègues.

Elle lui acheta un collier d’observation connecté à une petite boule de cristal – pour un prix qui a dû ravir son marchand d’objets magiques. Elle la gardait souvent près d’elle pour y jeter un coup d’œil de temps en temps. Par chance, Mô possédait un naturel curieux et, fidèle aux caractéristiques de son espèce, celui-ci était également très territorial, ce qui le poussait à faire de longues patrouilles quotidiennes dans l’Institut. L’Université, de par son isolement géographique, ne lui permettait cependant pas de découvrir d’autres endroits à explorer ; il était donc cantonné à espionner l'immense château du Parc de la Mandragore.