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    Hélénaïs de Casteille
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  • Sam 31 Aoû - 13:08
    Le temps était comme suspendu dans la pièce lorsque Abraham y fit son entrée. Elle entendit Emérée hoqueter autant de surprise de le voir réapparaître que d'indignation qu’il ose encore se montrer après ce qui avait été dit. Hélénaïs l’avait clairement congédier mais elle resta là, indécise comme si l’abandonner dans cette pièce revenait à la condamner. Finalement, elle entendit le bruit de ses pas sur le sol suivit par le grincement de la porte qu’elle refermait derrière elle. Là encore, ce fut un silence lourd qui s’installa. Elle avait l’impression de que l’aura sinistre de Vilarquebuse imprégnait encore la pièce, la mirant à la manière d’un rapace qui n’attendait qu’une respiration de travers pour fondre sur elle et découvrir tous les secrets qu’elle gardait jalousement à l’abris de la justice républicaine. En réponse à cette pensée, ses doigts se serrèrent fermement autour du verre d’alcool et après une énième exhalation, elle le porta à ses lèvres. A ce rythme, trois gorgées de plus et elle l’aurait vidé. Un geste moindre mais qui donna le signal à son amant de s’approcher d’elle, elle l’entendit avant de sentir les gouttes d’eau froide tomber le long de sa nuque, la faisant frissonner tandis que ses bras venaient se refermer autour de ses épaules. Froid, glacial, comme les corps qu’il avait laissé derrière lui. Hélénaïs fut incapable de s’empêcher de tressaillir à cette pensée, elle qui aimait tant qu’il l’enlace ainsi se trouva incapable de répondre par la moindre affection. Non pas qu’elle n’en eut plus à son égard, au contraire. Mais les paroles du Limier étaient encore trop ancrées dans sa mémoire.

    Quinze hommes, deux gardes républicain, une âme scindée en deux, des tortures qu’ils ne réservaient pas même à leur propres prisonniers, la trahison supposée de Zelevas. Toutes ces choses tournaient dans sa tête sans s’arrêter, semblable à une tornade dévastatrice, l’obligeant à se remémorer les conversations qu’elle avait eue avec chacun d’entre eux. A toutes ces fois où ils lui avaient menti, volontairement où par omission, où ils avaient enjolivé la vérité pour en faire quelque chose de plus doux, moins amer, moins acide, moins corrosif. Tout mort qu’il était, Hélénaïs en voulait à Zelevas mais elle en voulait plus encore à Abraham. Parce qu’il lui avait promis de ne pas l’infantiliser, de ne pas la traiter comme un objet fragile qui manquerait de se briser à la première fêlure. Et d’un autre côté, elle était incapable de le détester pour cela. C’était elle qui n’avait pas évoqué le sujet avec suffisamment de conviction, elle qui l’avait laissé faire sans lui apposer aucune limite. Parce que ce n’était pas ce qu’elle voulait pour lui. Elle le voulait libre de ses choix, dégagé du carcan où ils avaient tenté de le maîtriser. De plus, il ne s’était jamais caché de ce qu’il considérait comme sa mission et elle ne l’avait jamais forcé à s’arrêter. Parce que d’une certaine façon qui l'écœurait au plus haut point, elle pensait que ce qu’il faisait n’était pas vain et que dans son tort il y avait aussi de la vérité.

    Si la jeune femme laissa la main griffue sur son épaule, elle s’obstina à rester droite malgré la légère invitation qu’elle y ressentait. Celle à se laisser aller contre lui. Et c’était exactement ce à quoi elle aspirait. A se laisser tomber contre sa poitrine pour être bercée par son odeur et par le rythme régulier de son palpitant. Mais elle savait aussi que cela lui ferait perdre toute volonté, comme toujours, elle se loverait contre lui jusqu’à ce qu’il engloutisse tous leurs problèmes avec ses mots, avec sa bouche ou avec son corps. Et elle ne pouvait pas le laisser faire. Alors elle résista, restant muette pour écouter ce qu’il avait à dire mais lorsqu’elle sentit sa main dans ses cheveux et sa tête sur son épaule, ce fut son cœur à elle qui vacilla.

    - Je ne me serais jamais vanté de te connaître, commença-t-elle d’une voix débordante d’émotion, - Mais je pensais que tu étais plus qu’un inconnu et je me trompais. Ses épaules s’affaissèrent plus qu’elles ne le faisaient déjà et Hélénaïs passa une main tremblante sur son visage. - Je t’en veux. Je t’en veux atrocement. A son tour, elle se renversa en arrière pour laisser les matelassures accueillir son dos puis elle releva le visage en battant des paupières pour en chasser les larmes qui étaient en train de brouiller sa vision. - Ce soir-là, quand tu m’as dit que tu m’avais vu, j’étais si heureuse. Tu m’avais vu. Pas seulement la sénatrice mais tout ce qui faisait de moi ce que je voulais être et que personne ne voyait. Tu m’as promis que tu ne m’infantiliserais pas, que tu étais différent et je t’ai cru. Je t’ai bêtement cru. Elle se racla la gorge, ravalant un sanglot. - J’étais si intimement convaincu que tu avais foi en moi. Mais je me trompais, n’est-ce pas ?

    Oh oui, elle s'était affreusement fourvoyée et cette constatation la consternait plus qu’elle ne s’y attendait.

    - Je suis désolée, sincèrement désolée, de ne pas t’avoir donné assez confiance pour que tu puisses te confier. Elle avait pourtant fait de son mieux. - J’aurais dû insister pour mieux connaître celui que tu étais autrefois, mais je ne voulais pas te brusquer. Je m’étais dit que tu finirais par y venir de toi-même mais j’aurais dû me souvenir que du temps, nous n’en avons pas. Nous n’en avons jamais eu. Et sans doute, n’en auraient-ils jamais vraiment. Quelque chose soufflait à Hélénaïs que même si elle parvenait à faire amnistier Abraham, ça ne serait qu’un sursis.

    Finalement, la jeune femme se redressa en terminant son verre d’une traite et fixa un point droit devant elle, ses pâles iris largement rougies par les larmes qu’elle refusait de laisser couler.  

    - Est-ce que ce qu’il a dit sur Zelevas est vrai ? Est-ce que c’est lui qui t’as infligé… ça ? Demanda-t-elle alors que sa main se posait sur le métal d’un bras. Elle l’a retira la seconde suivante. - Tu avais l’occasion de me le dire tout à l’heure… Ne put-elle s’empêcher de relever avant de se souvenir que d’eux deux, elle était sans doute la plus égoïste. Une enfant immature qui exige des réponses au sujet de choses qui ne la concerne même pas et pour lesquelles elle n’a jamais vraiment posé les bonnes questions. Désormais il y en avait un millier qu’elle avait envie de poser. - J'ai besoin de savoir si l'homme que j'ai aimé comme un père était le monstre qu'il a décrit. Alors je t'en prie, ne m'épargne pas les détails.
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    Abraham de Sforza
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  • Sam 31 Aoû - 23:15
    La vérité, plus incisive et douloureuse que ne s'y était attendu Abraham; se profila par une plaie béante en dépit de l'épaisseur du cotonneux nuage qu'essayait tant bien que mal de tisser le surhomme. Les yeux rougeoyants dont les iris mécanisés tournaient par occasionnelles impulsions demeurèrent rivés sur le visage d'Hélénaïs durant tout son discours, déchiffrant chaque aspect de ses émois en s'attardant sur le moindre mouvement, du frémissement d'une paupière agacée par des larmes naissantes jusqu'aux tremblements irréguliers d'une lèvre s'apprêtant à se distordre involontairement en une grimace précédant les sanglots.

    Silencieux mais certainement pas indifférent, le soldat ressentit face à ce spectacle une tension telle que sa mâchoire en vint à se contracter d'elle-même. La gorge serrée et les lèvres pincées, il se laissa aller à cet afflux de colère qui se faisait si rare aujourd'hui qu'il en devenait presque délectable. Ces émotions, haïes et craintes jadis, étaient aujourd'hui des trésors changés de bien des manières en plaisirs coupables. L'acier avait la possibilité de museler l'Homme, Abraham se savait capable de se calmer de par sa simple volonté mais il fit le choix de ne pas le faire et s'engouffra pleinement dans son mal-être, jouissant vulgairement de ces ressentis bestiaux qui ne semblaient plus à sa hauteur.

    Les étoiles pourpres suivirent le verre de la demoiselle et lorsqu'elle engloutit ce qui lui restait de boisson pour tenter d'apaiser un chagrin toujours croissant, Abraham ne fit rien. Une mèche claire tomba sur son visage du fait de son empressement, sa bouche pulpeuse fut prise d'un spasme et le renégat se sentit aussi mal de lui infliger telle douleur qu'étrangement attiré par elle, si magnifique dans ce moment de faiblesse sincère. Par les Titans, qu'il pouvait aimer et admirer cette femme. Ce fut néanmoins avec une certaine correction qu'il parvint à contenir ses instincts charnels. Il ne la força pas à reposer sa tête contre son épaule, lui offrant cette sensation de distance qu'elle paraissait vouloir maintenir pour l'instant; puis il se contenta de répondre d'un ton bien monocorde :

    "Je ne t'infantilise pas, Hélénaïs. Il y a simplement, dans ce que j'accomplis, un nauséabond parfum dont je préfère usuellement me défaire avant de me jeter dans tes bras. Ma quête est noble mais elle n'a rien d'une chevaleresque comptine; tu n'est pas sans savoir que lorsque le peuple se fait justice, l'histoire est rarement aussi glorieuse que l'idée que l'on s'en fait.

    Je n'ai pas tué quinze personnes. J'ai détruit quinze tumeurs dissimulées au cœur des tréfonds de notre Nation. Une seule mort peut avoir un impact insoupçonné, il suffit souvent que j'offre les dépouilles des têtes pensantes en spectacle pour qu'un réseau tout entier s'écroule. Je me suis fait imprévisible, insaisissable et mortel pour que les vermines qui infestent nos rues comprennent que l'ère de la terreur est terminée et que les dignes républicains vont définitivement reprendre les droits que la complaisance et la fourberie leur ont retiré."


    Son regard s'intensifia et ses griffes se mirent à décrire de longues arabesques sur le bras dénudé de sa compagne. Il y avait dans son discours une indéniable ferveur, une émotion teintée d'une colère à peine audible et pourtant si poignante :

    "...Et non, je n'ai pas jugé bon de t'informer que j'avais réservé au parrain d'une horde de brigands le sort qu'il se réjouissait si souvent d'infliger à nos pairs. Il était coutumier pour lui de torturer puis de tuer ses opposants criminels, mais aussi parfois d'humbles marchands ainsi que d'innocents témoins de ses méfaits, je l'ai donc décapité comme un porc et pendu par les jambes, ce pour qu'il se vide de son sang sur son propre bureau. Ses hommes ne m'ont même pas entendu, personne n'a su donner l'alarme. Lorsqu'ils l'ont découvert, j'étais déjà loin."

    Abraham pivota, trop glacial pour être véritablement qualifié de rageur. D'une voix légèrement accusatrice, il siffla :

    "Est-ce cela que je dois te confier, Hélénaïs ? Veux tu que je t'annonce, lorsque je rentre aux aurores; que j'ai pris la vie d'un homme, que j'ai profané son corps pour terroriser ses compagnons et que je recommencerai au lendemain ? Nous manquons de temps, tu viens le dire. Dois-je le passer à ressasser des horreurs plutôt qu'à t'entendre rire ? Ne peut-on pas faire semblant, juste un peu, d'avoir la vie devant nous ?

    Il retourna se plaquer contre le dossier, visiblement en proie à un inconfort certain, ce qui le poussait à se trémousser pour trouver une posture convenable. Abruptement, il changea de timbre et s'il parut plus fâché que désolé, il avait au moins le mérite de retrouver un peu de chaleur humaine :

    "Je t'ai tout dit, dés le premier soir. Je t'ai révélé mes fautes et je t'ai confié mes projets, il n'a jamais été question d'inscrire ma légende autrement que dans le sang des ennemis de notre pays."

    Abraham se fit plus venimeux alors que ses serres, amoureusement, passaient du crâne d'Hélénaïs à ses joues pour finalement venir longer les contours de son cou. Il y avait un tel contraste entre la cruauté de son propos, l'apaisement soudain de sa voix et la délicatesse de ses gestes.

    "Moi aussi, j'apprécierais que mes choix soient entendus et respectés. J'ai entendu tellement de fois que j'ai été manipulé, torturé, utilisé comme un outil par de machiavéliques marionnettistes. On m'a systématiquement déshumanisé, on a fait de moins un chiot imbécile dont on peut si aisément profiter et abuser. La vérité, veux tu la connaître ?

    Zelevas ne m'a rien fait subir. JE me suis infligé cette torture moi-même. On m'a informé des risques, on ne m'a jamais menti sur la dureté de ma condition future. J'aurais pu y laisser la vie, je l'ai toujours su. C'est un choix, c'est une décision que j'ai pris seul et en pleine conscience du danger. Il n'y a eu ni trahison, ni poudre aux yeux. Il a toujours été question de se sacrifier pour la Nation et pour sa population, dés les premiers instants. Si je ne t'ai pas particulièrement parlé de la responsabilité du Sénateur dans ma métamorphose, c'est parce que j'estime qu'il n'en a aucune, d'accord ? Il n'a fait que m'offrir les moyens de parvenir à mes fins, ni plus ni moins.

    Je ne sais pas si Zelevas était un monstre, Hélénaïs. Ma seule conviction, c'est que mes souvenirs de lui ne seront pas entachés par les propos dénués de sens d'un quelconque Limier. Quelle audace a t-il d'ailleurs, celui-là; de se prétendre plus noble que moi alors qu'il chasse puis torture par passion et que Séraphin, l'aliéné notoire supposé gouverner cette meute de chiens, a bien manqué d'offrir son âme à Kaiyo dans un excès de folie furieuse ?"


    Du pur mépris, une attitude certes inadaptée aux tourments de sa belle mais qui avait le mérite de la sincérité. Il haussa le ton, en dépit de ce qu'il savait d'Hélénaïs. Elle avait besoin qu'il se montre honnête et il y consentirait, pour elle. Le monstre de métal grognait, lui intimant de maîtriser ses émotions pour que la situation finisse par retourner à la normale. Il avait besoin de ce terrier, après tout. L'homme en lui, trop passionné, refusa cet ordre et relança avec fougue :

    "C'est moi qui ai demandé cette opération, je l'ai même quémandée auprès de Zelevas. Quand cessera t-on de le rendre responsable de tout, quand deviendrai je autre chose que son pantin ? Tu veux tout savoir ? Bien. Sur la table d'opération du Docteur, je suis mort. Pas symboliquement, mon amour; j'ai littéralement perdu la vie. Cette vie, JE l'ai donnée. Personne ne me l'a volée.

    A ma résurrection, je suis devenu celui que tu connais aujourd'hui. Le SEUL Abraham que tu ais connu, la seule idée de lui qui compte. Alors d'où te vient cette maudite obsession pour l'humain faiblard et pathétique que tu n'as jamais côtoyé ? Tu me reproches d'être un inconnu alors que je suis pour toi un livre ouvert, tu es la seule à laquelle je dis tout; absolument tout ce qui me traverse l'esprit. Je le répète : je ne te dissimule rien, je suis le monstre qu'ils te décrivent avec effroi, je suis le fléau qu'Emérée craint tant...

    ...Et si je ne suis pas assez humain à ton goût, n'hésite pas à me le dire franchement. Soyons véritablement sincères, puisque ma malhonnêteté semble tant te blesser."


    Il marqua une pause, puis la colère se fit plus flamboyante encore :

    "Je t'aime, merde ! Dois-je jurer, promettre, supplier ou vas-tu me faire confiance ?"
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    Hélénaïs de Casteille
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  • Dim 1 Sep - 15:27
    Hélénaïs savait que la conversation ne serait pas des plus agréables, ce n’était pas très difficile à deviner au vu de son propre ton. Elle qui était pourtant si pondérée avait laissé les émotions qu’elle ne comprenait pas prendre l’ascendant. Ses mots étaient plus incisifs qu’elle ne l’aurait voulu, le timbre de sa voix plus dur, son avis tranché et une colère certaine flirtait à la lisière de sa conscience sans qu’elle ne soit bien certaine de son origine. Après qui était-elle en colère ? Contre beaucoup de gens, constata-t-elle amèrement. Après elle, après Abraham, après Zelevas, après le Docteur, après Vilarquebuse, après Emérée, après la république, après ses propres parents et peut-être même après la vie elle-même si tant est que ce fut possible. Jamais au cours de son existence, elle n’avait éprouvé autant de rancœur pour qui que ce soit. C’était un sentiment qu’elle avait toujours méprisé et aujourd’hui elle en était autant percluse que des bernacles sur la coque d’un navire. Mais ce qu’Hélénaïs aurait avant tout dû retenir, c’était qu’une vive réaction en entraînait généralement une autre.

    Ainsi, la jeune De Casteille se laissa conter les sordides aventures de son amant. Son estomac déjà fortement éprouvé rua de plus belle mais elle le tint en respect tant bien que mal. C’était elle qui lui avait demandé les détails, elle qui avait choisi d’aimer un homme qui avait pour acolyte la mort, détourner le regard de ce qu’il faisait et ce qu’il était ne les avaient pas aidé. Pourtant, ça n’avait rien d’évident à entendre, pas plus qu’à imaginer. De lui, elle ne connaissait que la face calme et douce, cajolante comme sensuelle, celle qui l’embrassait jusqu’à ce qu’elle en perde la raison. La même qui pouvait passer des heures à jouer avec ses cheveux tandis qu’elle griffonnait des informations sans importance sur un bout de papier. Désormais elle imaginait ses doigts dont elle aimait tant que la courbe épouse les siennes, en train de trancher vulgairement la nuque d’un homme. Elle imaginait Abraham, encapuchonné tel la mort parmi les ombres, suspendre un cadavre par les pieds avec la même force qu’il employait pour la serrer contre lui et puis elle le vit, couvert de sang se glisser jusqu’au domaine et enfin jusqu’à la salle de bain. Seul face à toute cette violence, obligé de compartimenter l’horreur de sa nuit pour laisser l’homme prendre le pas sur la machine et se glisser à ses côtés dans leur lit. La mâchoire d’Hélénaïs se contracta et elle ferma les yeux autant pour retenir la nausée que le chagrin. Mais plus que ces visions lugubres, ce furent ses mots qui furent douloureux et la colère qu’elle y décela. Une colère qu’elle supposa, dirigée contre elle, à juste titre.

    Bien droite, elle prit une grande respiration pour essayer de calmer les ardeurs de ses propres émotions qui faisaient échos à celles d’Abraham. Imperturbable, au moins d’apparence, elle l’écouta sans l’interrompre alors que ses mots étaient en train de creuser une plaie béante dans sa poitrine. Elle ne releva la tête, sortant de la torpeur destructrice dans laquelle elle était en train de plonger, qu’à la mention de Séraphin. Ils se connaissaient depuis leur plus tendre enfance et il était la première personne dont elle avait osé lire l’esprit. Une erreur qu’elle n’avait jamais reproduit après s’être retrouvée nez à nez avec des démons qui l’observaient d’un mauvais œil. Si entendre parler de Séraphin comme d’un aliéné n’était pas surprenant, l’imaginer offrir son âme à un titan… Hélénaïs réalisa avec peine qu’elle ne savait rien de rien. Cependant, elle ne posa aucune question et se contenta de s’enfermer à nouveau dans le mutisme.

    Elle avait tenu bon, avait résisté à l’envie de mettre un terme à cette conversation de bien des manières, de fondre en larme, de s’effondrer et de se laisser aller aux inquiétudes qui la rongeaient depuis qu’il était venu la trouver. Et elle aurait pu être fière si seulement tout n’avait pas été balayé par trois petits mots. “Je suis mort.” Pis encore, c’était le sort qu’il avait accepté de subir. Son choix. Et cela était encore plus terrifiant et douloureux que tout ce qu’elle avait pu imaginer car ça révélait de lui exactement ce que les autres prétendaient : qu’on avait pas fait de lui un monstre mais qu’il l’était. Tout simplement. La colère d'Abraham éclata et s’en fut fini des murailles savamment érigées par la De Casteille.

    Les premières larmes roulèrent sur ses joues alors qu’à tâtons, elle cherchait la desserte. Ses mains tremblantes lâchèrent malheureusement le verre avant de la trouver et il eclata bruyamment sur le sol, la faisant tressaillir.

    - Mais je te fais confiance ! Explosa-t-elle enfin. - Je te fais tellement confiance que je te laisse te glisser dans mon lit alors que tu as semé la mort sur ton passage toute la nuit et que ça va à contre-courant de tout ce pourquoi je me bat, parce que j’ai foi en toi malgré tout ! Je te fais tellement confiance que je remets chaque jour que tu passes ici, ma vie entre tes mains ! Un bougonnement caractériel lui échappa. - Je me suis excusée, bon sang !  Je suis désolée d’avoir douté de toi ! Dois-je le répéter jusqu’à ce que tu me pardonnes ? Soit. Je suis désolée d’avoir cru que tu voulais m’utiliser ! Je suis désolée de ne pas te comprendre aussi bien que tu le voudrais, ni que je le voudrais !  Je m'excuserai pour le restant de mes jours si cela peut te satisfaire, mais par pitié, fais au moins l’effort de croire que mes excuses sont aussi sincères que l’amour que je te porte.

    Sa respiration était en train de devenir laborieuse, pourtant elle poursuivit :

    - Et c’est parce que je t’aime que je m’intéresse tant à cet Abraham que je n’ai pas connu et qui te débecte. C’est son passé qui a fait de toi ce que tu es aujourd’hui. Un passé dont j’ignore tout ! Parce que peu importe si son cœur s’est arrêté, si tu considères qu’il est mort, n'est-ce pas lui qui est tombé amoureux de moi ? Lui et non cette chose obscure en toi qui compartimente aussi bien les émotions qu’il génère ? Son visage poupin se déforma sous la vague de chagrin qui l’a submergea lorsqu’elle dit : - Et c’est parce que je t’aime à ce point que je suis prête à apprendre à l’aimer elle. Même si cela voulait dire s’aventurer sur la pente glissante qu’était sa vie.

    De la pure souffrance, c’était tout ce qu’elle avait l’impression de ressentir. Son coeur semblait comme anesthésiée mais avant qu’il n’ait le temps de la toucher ou même d’argumenter, elle se leva comme un ressort, piétina les bouts de verre et s’éloigna vers la cheminée où le feu était en train de diminuer. Sa main se porta au manteau de la cheminée le temps qu’elle reprenne son souffle, son corset continuant inlassablement de l’étrangler aujourd’hui.

    - Tu l’as déçu… Murmura-t-elle. - Et c’est cela qui t’as poussé à aller au-delà de l’acceptable, tu me l’as dis toi-même. Aurais-tu jamais franchi cette limite si Zelevas ne t'avais pas ainsi torturé l’esprit avec la seule chose qui te tenait à cœur ? C’est de cela que je parle ! Ta transformation… Celle d’origine, tu sais ô combien je suis bien placée pour la comprendre. Tu le sais parce que c’est elle qui nous a liés malgré nous. Je t’ai toujours admiré pour le courage dont il a fallu faire preuve pour oser une telle entreprise et je n’ai pris la mesure de ce que tu as traversé que lorsque tu m’as laissé l’entrevoir. Je te comprends, dans ce besoin d’être plus que ce que tu es, de s’affranchir des limites de sa condition. Mais comment peux-tu sous-entendre que je ne respecte pas tes choix ? Je sais que je ne suis pas un modèle de vertu et que je fais parfois des erreurs mais j’essaye. Je fais de mon mieux.

    Hélénaïs renifla et essuya ses joues d’un geste rageur.

    - J’ai peur, Abraham. Reprit-elle d’une voix enrouée. - De mal faire, d’être comme ceux auprès de qui tu as vécu avant moi. Je sais que la nature de notre relation est complètement différente mais je te l’ai dit, je ne sais pas comment les choses sont censées fonctionner. Je ne sais pas quels sont les bons choix, ni si je fais des erreurs. Une part de moi à envie de te supplier d’arrêter cette tuerie, l’autre refuse de t’en empêcher parce que c’est ton choix. Elle marqua un silence, sembla réfléchir puis se retourna lentement vers le jeune homme. - Mais la vérité, c’est que j’ai avant tout peur qu’en portant ce fardeau seul, tu ne te fasse engloutir par un monde où je ne serais pas capable de te suivre et qu’un jour, l’amour que tu me portes ainsi que ta raison, ne se retrouvent ainsi scellées quelques part ou personne ne pourra les y trouver.
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    Abraham de Sforza
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  • Lun 2 Sep - 3:21
    Il l'avait voulu et il l'avait obtenu. Soupirant longuement pour ensuite diriger sa paume vers les éclats de verre, Abraham usa machinalement de télékinésie pour rassembler les copeaux cristallins dans un courant arcanique puis manipula ces derniers par la pensée; les regroupant ainsi en un tas sommaire sur la table basse. Chancelante, Hélénaïs s'était redressée puis éloignée de lui, ce dans un élan de détresse plus que lisible. Abraham, tout en la suivant des yeux, se dit alors qu'il n'était plus tout à fait aussi convaincu du bien-fondé de la subite tempête dont il s'était rendu auteur.

    "Hélénaïs, je t'en prie..."

    Il préférait qu'elle se taise, qu'elle cesse de le forcer à réfléchir à ce qui avait déjà été pensé, analysé et repensé. Debout, isolée de lui et pleurant à chaudes larmes; son amante lui offrit une vue suffisamment déchirante pour qu'il se sente contraint d'en détourner le regard tout en grinçant des dents. Posant un coude sur le rebord de l'assise pour ensuite apposer sa main contre le flanc de son crâne, il se mit à tapoter machinalement le cuir du canapé en affichant une expression maussade dans laquelle se lisait sans mal l'étendue de sa frustration. Leurs moments passés à deux se devaient d'être idéaux, loin des atrocités qu'il commettait au quotidien pour assurer que sa Nation meurtrie se soigne d'elle-même.

    Ce fut là, alors qu'elle évoquait avec toute la justesse du monde les efforts démentiels qu'elle faisait pour lui; qu'il comprit qu'il était allé trop loin et que le fil faisant par miracle tenir leur curieuse relation en place risquait de se briser à tout moment. Déjà à bout de nerfs, Hélénaïs feignait l'apaisement depuis bien trop longtemps pour ne point s'y détruire la santé et maintenant qu'Abraham la voyait dans cet état, tremblante et à deux doigts de rendre son repas en pleine diatribe; il sut d'où venait l'erreur et devina comment la corriger.

    Faisant mine de s'intéresser aux rouages ornant l'une de ses paumes, il se plongea dans un mutisme propice à la réflexion et laissa sa compagne l'entraîner dans un discours aussi tragique que cruellement réaliste. Non seulement les propos du Limier ne manquaient pas d'éveiller quelques doutes chez Abraham, mais ceux d'Hélénaïs avaient une portée indéniable. Loin de dénigrer les capacités d'Hélénaïs sur le plan politique et professionnel, il avait néanmoins des doutes immenses sur les probabilités de pouvoir revoir la lumière du jour sans être inquiété. Ce n'était toutefois pas en aggravant son cas par des meurtres plus horribles les uns que les autres qu'il risquait d'être accepté par la civilisation qui l'avait déjà renié une fois.

    Sans Hélénaïs, il n'aurait jamais ne serait-ce qu'envisagé de revoir son propre jugement. Le métal ne mentait jamais et son jugement, aussi froid qu'inaliénable, ne méritait jamais qu'on y réfléchisse à deux fois. Les iris enflammés pivotèrent, accordant une œillade d'abord furibonde à la jeune demoiselle postée non loin de la cheminée, voutée par un écrasant chagrin et secouée de hoquets. Abraham compta rester assis là l'espace d'une seconde puis, après un nouveau soupir las, il prit appui sur son genou et se redressa d'un bond. Ses enjambées furent véloces, traduisant son empressement ainsi que le chaos régnant dans ses pensées usuellement si mesurées et millimétrées. Le renégat se stoppa net aux côtés de sa moitié, la prit aux épaules et la contraignit à lui faire face avant de lancer presque sèchement :

    "Très bien, j'arrête."

    Un sépulcral silence s'installa, une pause marquée durant laquelle la tristesse céda place à la confusion. Le souffle coupé, Hélénaïs leva la tête et lorsqu'Abraham la vit se décomposer sur place, il parut quant à lui décontenancé. Pourquoi cette réaction ? Comment pouvait elle prendre si mal qu'il accepte ses doléances ? Cela le frappa d'un coup. Souriant narquoisement lorsqu'il identifia la nature du quiproquo, le Cerbère leva les yeux au ciel pour ensuite rectifier le tir:

    "Pas notre relation, mon cœur. J'arrête... ce que je fais. Tu as gagné. Je n'irai plus me charger personnellement de ces monstres en faisant fi des lois en vigueur."

    Il relâcha légèrement son étreinte sur les épaules de la demoiselle, laissant ses mains passer contre son dos. Les yeux mécaniques s'ajustèrent face au changement de luminosité accompagnant leur proximité avec le feu crépitant et, comme à leur habitude, ils se mirent à inspecter méthodiquement les traits d'Hélénaïs. Il vit son angoisse retomber prestement, il sentit le ralentissement léger de son rythme cardiaque. Son ton resta peu amène, à la limite de l'hostilité, mais ce fut toutefois avec un simulacre de bienveillance qu'il ajouta :

    "Tu m'es trop précieuse, alors je ne peux me permettre de faire peser sur toi un fardeau aussi démesurément lourd. Je continue à croire que ce que je fais est à la fois juste et parfaitement efficace et c'est donc en absolu dépit de mes convictions que j'y mets un terme. Pour toi, pour nous; pour notre avenir commun. C'est compris ?"

    Le dos de trois de ses serres vint lentement caresser une joue rougie et maculée de larmes puis Abraham, finalement; adopta un timbre aussi gentiment neutre qu'il en avait coutume et continua :

    "J'ai décidé de m'en remettre à ton idée. Je consens à y croire. Épargne moi la damnation et prouve moi que j'ai eu tort de douter de notre chère République, Hélénaïs."

    Jetant par réflexe un œil à la fenêtre trempée que parcouraient d'innombrables gouttelettes, il conclut :

    "As-tu seulement une piste ? Tu penses vraiment que c'est... possible ?"
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  • Mar 3 Sep - 19:31
    “Il arrête”.

    Hélénaïs eut l’impression que son monde venait de voler en éclat et son cœur avec lui. Pour la première fois de sa vie, elle ressentit la douleur dont elle avait si souvent entendu parler dans ses livres qu’elle aimait tant lire et dont elle fantasmait les aventures. Mais dans ces romans, l’héroïne ne perdait jamais l’amour de son aimé. Le souffle coupé, l’esprit sidéré tant par la douleur que l’incompréhension, elle resta là. Suspendue entre les mains de son amant qui, visiblement, ne l’était plus. L’espace d’un instant, elle envisagea de revenir en arrière que ce soit par les mots ou par une quelconque magie qu’elle trouverait bien le moyen de se dégoter. Puis la raison se rappela à elle, et repoussa ces idées. Si Abraham voulait mettre un terme à leur relation alors que pouvait-elle bien y faire ? Si ce n’était le prier de changer d’avis. Mais comment ? Devait-elle lui promettre d’oublier ce passé qui, d’après elle, le caractérisait encore ? Devait-elle l’encourager plus encore dans cette voie sordide qui lui faisait si peur ? Devait-elle le supplier ? Peut-être l’envisagea-t-elle, peut-être pas. Dans tous les cas aucun mot n’était capable de sortir de ses lèvres entrouvertes, sauf un sanglot qu’elle retint de justesse. Puis il se tut et son silence fut plus douloureux que tout le reste. Une pincée de colère saupoudra son désespoir lorsqu’elle se demanda s’il attendait de la voir s'effondrer une bonne fois pour toute.

    Une part d’elle pouvait comprendre et avait toujours su que cette relation ne serait jamais évidente, que les obstacles seraient plus rudes et plus intenses que les autres. Mais elle n’avait jamais voulu qu’ils abandonnent, pas après qu’elle se soit confessée pour la première fois de sa vie, pas après qu’elle ait connu le bonheur d’aimer et de l’être en retour. “Je ne peux pas te perdre” lui avait-elle dit. Elle en avait pensé chaque mot et maintenant que cette étrange douleur était en train de lui monter dans la poitrine, elle comprit que ce n’était pas des mots en l’air. Pourtant ils restaient là, dans un mutisme infernal qui lui donnait envie de crier et de le secouer, pour lui rappeler que même s’il s’en allait, elle ne l’aimerait pas moins mais que désormais, elle détesterait également son souvenir.  

    Du moins, c’était ce qu’elle pensait avant qu’il ne reprenne la parole. Cette fois, le chagrin laissa place à l’hébétude, rapidement suivi par un soulagement si intense qu’elle crut que ses jambes allaient se dérober sous elle. Il lui fallut plusieurs secondes, peut-être même une minute ou deux pour qu’elle ne réalise l’ampleur de ce qu’il venait de lui dire. Ses mots étaient aussi doux que du velours à ses oreilles et la chaleur qui réchauffa sa poitrine était étrangement différente de tout le panel d'émotions qu’elle avait découvert à ses côtés ces derniers temps. Ses lames, froides, glissèrent sur son visage et plutôt que d’en apprécier simplement la caresse, elle se jeta contre lui en enroulant ses bras autour de sa nuque, manquant de lui envoyer un coup de tête au menton dans l’entreprise.

    - Oh dieux! Un rire étranglé, à mi chemin entre les pleurs et l’hilarité s’échappa de sa gorge alors qu’elle le serrait contre lui de toutes ses forces. - Je ne pensais jamais t’entendre dire une chose pareille ! Merde Abraham… Jura-t-elle, non sans grimacer face à sa propre vulgarité. Les lèvres pincées, elle recula légèrement comme si elle pouvait le contempler puis elle glissa ses mains en coupe autour de son visage. - Je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime…

    Hélénaïs ne consentit à le libérer que lorsqu’elle eut embrassé chacune de ses joues au moins deux fois et qu’elle lui eut dérobé un baiser qui n’était qu’un reflet du bonheur qu’il venait de lui donner.

    - Je ne considère pas ça comme un jeu, elle avait libéré sa nuque mais ses mains reposaient encore sur ses épaules, enroulant une mèche de cheveux brun autour de ses doigts. - Je… Je ne voulais pas t’en parler tant que je n’étais pas sûre d’y parvenir. Et pour être honnête, je n’y ai pensé que très récemment, à peine quelques heures auparavant, - mais je crois que je pourrais t’obtenir une amnistie. Je ne sais pas combien de temps ça va me prendre et encore moins comment je vais pouvoir m’y prendre mais je suis sûre que je peux y arriver.

    Son euphorie retombée, elle vint l'enlacer.

    - Falconi était un ami proche de Zelevas, je ne sais pas si je pourrais tirer partie de l’affection qu’il lui portait mais j’y compte bien. L’idée de jouer avec les sentiments d’un autre être humain ne lui plaisait guère mais cela faisait aussi partie de son métier et si c’était pour Abraham, elle pouvait le faire. - Si j’ajoute à ça l’influence qu’il avait sur toi, l’ordre qui t’as été donné mais aussi la mission qu’on t’as confié… Elle sembla réfléchir, se perdre dans la rouage de son propre cerveau. - Je pense que je pourrais y arriver. Il faudra que je retourne à Liberty, le temps de récupérer des dossiers similaires au tiens afin d’identifier les différentes erreurs que je pourrais commettre. Je pourrais les étudier au Reike, personne ne viendra fouiller dans mes affaires là-bas.

    Machinalement, elle détacha ses bras de sa silhouette pour fouiller dans sa poche et en sortir un mouchoir avec lequel elle se tamponna les yeux.

    - Je suis désolée de m’être mise dans un tel état. Dit-elle d’un air ennuyé. - Ce n’était pas très… Digne. Elle lui offrit un sourire aussi pincé que désolé. - Mais je te promets que tes efforts ne seront pas vains, je sais… Je sais que tu ne crois pas à mes méthodes et encore moins à celle de la République mais tu m’as dit que tu voulais revoir la lumière, un jour...Doucement, elle posa une main sur son bras, ignorant les épines dont elle avait l’habitude de sentir la piqûre. - Mon amour, peu importe la méthode, je jure que tu y parviendras et si j’échoue, alors nous trouverons autre chose.
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  • Dim 8 Sep - 8:17
    L'effusion de bonheur, un soulagement si vif qu'il devait lui-même s'avérer douloureux du fait de son extraordinaire contraste avec l'angoisse suscitée à l'instant précédent. Couvert de baisers qu'il n'avait strictement rien fait pour mériter, Abraham sourit en plissant les paupières lorsque les lèvres de son aimée le bécotèrent à foison, non sans une charmante maladresse née de son empressement. Trop fier pour accorder à Hélénaïs une entière victoire, le cerbère estima tout de même qu'il était nécessaire d'apporter quelques précisions au sujet de cet engagement :

    "Note tout de même que..."

    Vaine tentative immédiatement interrompue d'amener un peu d'apaisement dans ce chaos, sa propre bouche ayant été rendue close par un énième baiser passionné auquel il répondit amoureusement tout en serrant sa moitié. Abraham se délectait néanmoins sans se priver de cette vaporeuse sensation qui l'envoutait lorsqu'il se faisait témoin des puissantes émotions que ressentaient Hélénaïs. Que puisse ou non l'admettre la bête mécanique, l'homme en lui voulait voir cette femme heureuse et s'il n'estimait pas qu'un tel but était à même de le mener à sa propre perte, il demeurait capable d'en prendre les risques associés.

    "Tu as déjà tant d'idées en si peu de temps ?"

    Avec un entrain devenu confus du fait de son euphorie, Hélénaïs exposa à son compagnon ses premières pistes tout en se plaquant contre lui. Accueillant cette accolade sans hésitation, le jeune homme vint tout naturellement apposer ses mains derrière la tête de sa dulcinée, massant instinctivement son cuir chevelu tout en pesant sans mot dire l'importance de ce qu'elle avançait. Falconi était un personnage fait d'oppositions, à la fois mystérieux et emblématique. C'était un politicien dont Abraham connaissait l'alignement général mais qu'il n'avait jamais eu l'occasion de fréquenter personnellement et, en l'absence d'une fine analyse, le cerbère ne pouvait établir la valeur d'une parole accordée par le Président.

    "Je n'ai pas agi sous influence, j'ai exécuté les ordres de ceux qui étaient théoriquement dépositaires de l'autorité en vigueur. Cela n'a pas empêché quiconque de me juger sans procès et de décréter qu'il valait mieux me traquer comme un chien ensauvagé. N'oublie pas qu'en m'aidant aussi ouvertement, tu vas t'exposer au danger."

    L'embrassant délicatement sur le front après qu'elle se soit mouchée et excusée pour son "indignité", Abraham reprit avec une froide neutralité, indéniablement usuelle et plus confortable pour lui que ne l'étaient la fougue et la colère. Alors qu'une paire de griffes plus affutées que des rasoirs glissaient sous les yeux empourprés d'Hélénaïs pour en chasser quelques larmes mal nettoyées, Abraham reprit :

    "...Et je ne t'empêcherai pas de prendre ce risque pour nous, mais j'aimerais te savoir pourvue de protections en cas d'imprévus. Peux-tu t'assurer de disposer de soutiens fiables dans une telle entreprise ? Il me serait insupportable de te découvrir déchue par ma faute."

    C'était une véritable inquiétude pour lui. Hélénaïs constituait sa seule ancre, son unique source de lueur dans une obscurité devenue si totale qu'il s'y perdait chaque jour un peu plus. Il était inadmissible pour Abraham d'envisager de savoir sa moitié écartée de la politique voir même ostracisée de ses sphères professionnelles du fait d'un lien contre-nature avec un être que tous percevaient comme une arme et non comme un Homme. S'il y avait du vrai dans un tel constat et qu'Abraham lui-même mettait un point d'honneur à se dissocier au mieux de l'humanité dont il n'était que l'égide, le renégat se refusait à condamner son aimée à un sort aussi peu enviable.

    Mais elle avait juré, et lui avait promis de lui faire confiance...

    "Tu n'as pas à t'excuser. Je n'aurais jamais pu négliger la dureté de ton combat mais j'imagine que je n'ai pas su convenablement traduire mon soutien. J'ai été trop... happé, par ma mission; ce à ton détriment. Il est temps pour moi de porter mon attention ailleurs et de trouver une façon de me rendre utile par d'autres moyens."

    Abraham l'embrassa, aussi longuement et tendrement qu'il en fut capable. Qu'il était ironique de pouvoir se décerner le beau rôle en vue de l'atrocité des actes qu'il venait tout juste d'admettre avoir commis.

    "Prend garde néanmoins. J'ai été piégé une fois, ne répète pas mon erreur."
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  • Mar 10 Sep - 22:55
    Les yeux clos, Hélénaïs appréciait la sensation des lèvres balafrées d’Abraham sur son front. Le poids sur sa poitrine était plus léger, même ses épaules avaient cessées de s’affaisser comme si elles étaient affligées d’un poids impossible à porter, mais la culpabilité n’avait pas cessé de la ronger pour autant, pas plus que l’inquiétude ; il allait cesser de tuer, au moins pour un temps, mais il l’avait fait. Il avait prit ces vies au mépris des lois en vigueur, au nez et à la barbe de la République qui continuait inlassablement de le traquer. Quoi qu’elle en dise, la jeune De Casteille avait trop bien conscience de l’hérésie de ce qu’elle faisait et de ce qu’elle tolérait. Une part d’elle en avait horriblement honte mais l’autre n’avait qu’un seul et unique but : lui offrir une chance de rédemption. Le soir où elle s’était abandonnée à lui par folie, par idiotie ou par désespoir, était également celui où elle avait compris ce que Zelevas avait essayé de lui dire : que comme bien d’autre elle n’était faites que de contradictions, que ses mots, ses actes et ses valeurs pouvaient parfois entrer en collision. Loin d’être la blanche colombe immaculée qu’elle avait cru être et dont on lui avait attribuée l’étiquette, elle avait dû admettre que rien n’était jamais gravé et que, finalement, son ramage était plus gris que blanc.

    Le contraste entre les mots d’Abraham et les intonations de sa voix était saisissant et déstabilisant. Hélénaïs s’y faisait tant bien que mal mais en l’absence de la vue, il lui était parfois difficile de déchiffrer les véritables intentions qui y résidaient. Pour autant, elle s’obstinait à lui faire confiance. Douter de lui n’avait fait que les desservir. Ainsi, lorsqu’il évoqua ses inquiétudes quant à ses projets, elle ne put qu'acquiescer, il avait raison. Se lancer tête baissée dans une telle entreprise serait risqué, trop, et sans elle, Abraham serait à nouveau forcé de fuir pour se terrer elle ne savait trop où dans le meilleur des cas. Dans le pire, elle serait celle qui le précipiterait dans sa chute et il en était tout bonnement hors de question. Hélas, la De Casteille n’avait guère eu le temps de fournir son carnet de contacts. Pas de personnes qui lui seraient utiles en tout cas, aucun qui ne manquerait pas de la trahir s’il découvrait qui partageait son lit. Entre la guerre et son exil au Reike, elle n’avait pas eu l’occasion de créer des liens solides et le déplorait sincèrement. Néanmoins, elle refusait d’admettre sa défaite. Si Abraham tenait à ce qu’elle ait des soutiens fiables, elle en trouverait et si elle n’en trouvait pas… Rien ne la forçait à l'en tenir informé.

    Hélénaïs répondit amoureusement au baiser qu’il lui donna, laissant ses mains s’égarer dans son cou puis remonter le long de sa nuque avant d’aller se perdre dans ses cheveux. Ces moments, ridiculement court, étaient des bulles d’air dans l’océan de complications où ils tentaient de nager. Des petits fragments d’infinité qu’elle arrivait à dérober et auxquels elle s’accrochait désespérément.

    — La soumission à l’autorité n’est-elle pas une forme d’influence ? Murmura-t-elle contre ses lèvres, hésitant l’espace d’un instant à taire leurs problèmes comme ils savaient si bien le faire. La chaleur qui se répandait dans son estomac la suppliait presque de noyer sa culpabilité et son inquiétude dans un autre baiser. Hélénaïs, cependant, ne put s’y résoudre et après avoir conclu sa réponse d’un simple bisous, elle recula. — Je ne remet pas en cause ton libre arbitre, reprit-elle, — Je veux dire par là que tu as exécuté les ordres des deux plus grandes autorités de République après la Présidente. Personne ne devrait pouvoir te le reprocher parce que tu n’avais pas d’autres choix et si par hasard tu avais le choix, je te saurais gré de garder cette information pour toi… Et si, par hasard, il l'avait tué de son plein gré ?

    “Elle allait faire de la République une dictature”. Se morigéna-t-elle en inspirant profondément.

    — C’est mon travail de trouver des solutions aux problèmes et de connaître nos lois, ces idées ce ne sont que des ébauches. Je pense que je pourrais faire bien mieux que de lire quelques rapports de cas ayant des similitudes avec le tiens. Quoi que je doute d’en trouver un approchant.

    Ses doigts recouvrirent un instant ceux d’Abraham, elle les porta à sa propre joue, en apprécia la fraîcheur puis recula et se détourna de lui.

    — Est-ce que tu aurais connaissance de personnes qui auraient travaillé avec Zelevas, des personnes qui pourraient être témoin de la nature de votre relation par exemple ?

    Hélénaïs le contourna avant de traverser la pièce pour s’approcher d’une table où reposait un nécessaire d’écriture, elle l’attrapa avant de retourner auprès de son amant à qui elle le tendit.

    — Si tu peux noter tout ce qui te passe par la tête, Emérée m’aidera à trier le reste. Une fois les mains libres elle poursuivit : — Tu n’as pas à t’inquiéter, je ne compte pas crier sur tous les toits que tu vis ici, j’imagine que mon affection pour Zelevas et le lien qui nous unissait seront… Une suffisamment bonne excuse. Les gens ne se méfient jamais des aveugles, lança-t-elle dans une tentative laborieuse de chasser le poids des émotions écrasantes qui l’avaient bouleversés un peu plus tôt.

    Pourtant, aucun rire ne franchit la barrière de ses lèvres, même pas un son. Seul le silence se fit entendre. Le regard d’Hélénaïs pourtant si vivant malgré sa cécité se voila comme si l’espace d’un battement de cil, son esprit ne s’était plus trouvé dans son corps. Au même instant, un filet de sang vint rouler de sa narine jusqu’à ses lèvres, rapidement suivi par un second qui tâcha le jabot de sa robe. Ce ne fut qu’à ce moment qu’elle sembla s’arracher à sa torpeur dans un sursaut.

    — Mes dieux ! Jura-t-elle en plaquant une main sur son nez. — Je suis désolée ! Je ne t’ai pas taché au moins ? Quoiqu’il avait dû en voir d’autres et des biens pires. — Ça ne m’était pas arrivé depuis des lustres, continua-t-elle tout en pressant le mouchoir qu’elle avait utilisé pour sécher ses larmes.

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  • Ven 13 Sep - 7:45
    "J'aimerais savoir quel genre de conseil va m'accorder audience avant de te promettre quoi que ce soit. A choisir, j'aimerais mieux les juges que les Limiers."

    Ce fut sur un ton plaisantin qu'il délivra cette ligne malgré la véracité du propos. Hélénaïs avait parue profondément bouleversée quelques instants plus tôt mais tout en elle semblait traduire l'apaisement, ses quelques tics n'étant sans doute que quelques marques rémanentes de sa nervosité. Après un énième baiser, sa moitié porta les griffes du jeune homme à ses propres joues dans un geste amoureux puis s'éloigna prestement de lui après quelques instants passés à profiter de cette étrange dualité entre la chaleur humaine et la froideur de l'acier.

    Abraham resta immobile, intrigué par l'enthousiasme de son amante qui, vraisemblablement, bouillonnait d'envie à l'idée de pouvoir libérer son compagnon de sa triste condition. Le cerbère sourit, sans malhonnêteté quelconque; à l'idée de se voir offrir un amour si vrai en dépit de sa chimérique nature. Elle était décidément la seule et unique chose qu'il refusait catégoriquement de se faire retirer et cela le surprenait. Il avait toujours été prêt à tout céder, de sa propre individualité jusqu'à ses plus chères possessions et se voir ainsi pourvu d'une telle affection pour un autre être vivant lui paraissait surréaliste. Elle lui demanda s'il avait en tête quelques relations communes exploitables pour se défendre juridiquement et il ne répondit pas immédiatement, livré qu'il était à d'autres interrogations.

    Diligente, sa tendre amie lui tendit du matériel d'écriture et il s'en saisit sans mot dire, sondant silencieusement ses propres souvenirs à la recherche des informations que recherchait l'Ambassadrice, ce afin de parfaire ce dossier tout juste monté. Il ne lui fallut qu'une poignée de secondes pour commencer à ressasser les éléments utilisables mais ce fut néanmoins avec une pointe de frustration qu'Abraham constata que la plupart de ses connaissances le mettaient davantage dans l'embarras qu'elles ne pouvaient l'assister.

    "Les hommes de mon père, principalement. Tu n'es pas sans savoir que j'ai été retenu au sein d'un laboratoire le plus clair de mon temps. En tant que prototype, je n'ai été présenté qu'à une maigre sélection de figures de l'armée et je doute que les témoignages de ces individus nous apportent quoi que ce soit de positif. Je ferai au mieux mais je t'avoue que sur le plan relationnel, je suis assez... pauvre."

    Relevant le nez de cette feuille qui risquait de rester blanche un bon moment en vue de son outillage social pour le moins "restreint", Abraham laissa sa risette s'agrandir légèrement et ajouta :

    "Je te l'ai dit, je n'ai que toi."

    Ses iris de rubis remontèrent jusqu'au visage d'Hélénaïs, croyant y voir l'habituelle rosée qui la prenait aux joues lorsqu'il se montrait si affectueux mais ce fut un tout autre tableau, bien moins adorable et chéri par le cerbère, qui s'offrit à lui. Son sourire s'effaça instantanément et, tout comme sa muse; il se figea durant un instant qui lui parut diablement long. Revenu à lui après une absence momentanée, Abraham constata que du sang perlait à grosses gouttes depuis l'une des narines de sa douce.

    Paniquée à l'idée d'une telle inconvenance, la demoiselle reprit ses esprits et s'excusa platement auprès de son amant qui, quant à lui, se contenta de déposer sur la table basse les parchemins que lui avait fourni Hélénaïs avant d'avaler la distance qui le séparait d'elle. Sans lui demander son avis et surtout, dans un silence de plomb, il attrapa le mouchoir avec lequel elle avait déjà commencé à se nettoyer et entreprit de se charger à sa place de l'hémorragie, appliquant avec soin et douceur le tissu contre les tâches pourpres. Il semblait minutieux dans sa tâche mais pourtant, son attention était entièrement ailleurs.

    Dans un crissement mécanique, les pupilles adaptables du cerbère concentraient toute leur magie afin de déceler au fin fond des yeux voilés de la jeune femme une éventuelle trace de ce qu'il venait d'y voir. Si elle avait vécu d'une manière ou d'une autre la vision terrible à laquelle venait d'accéder son compagnon, elle ne paraissait pas s'en souvenir. La chose lui avait quant à lui fait la sensation d'une vive bouffée d'effroi, aisément maîtrisée mais poignante au demeurant; et Abraham aurait consenti à mettre l'expérience sur le dos des effets secondaires de son opération s'il n'y avait pas eu ce saignement quant à lui bien réel qui avait immédiatement suivi l'étrange manifestation. Il venait clairement de se passer quelque chose et cela ne lui disait rien de bon.

    "Allons, comment peux-tu t'en faire pour moi dans ce contexte ? J'imagine que tu as besoin d'un peu de repos, mon amour."

    Il fut satisfait lorsque le faciès de son aimée fut à nouveau présentable, ce malgré les traces encore légèrement visibles des larmes ainsi que du sang.  Capable ou presque d'entièrement noyer la puissante vague d'inquiétude qui s'emparait de lui, Abraham choisit de ne poser aucune question à sa dulcinée et de faire comme si de rien n'était. Ce qu'ils venaient de traverser lui était adressé, à lui et non pas à Hélénaïs elle même. Il avait l'intime conviction qu'elle n'était qu'un vaisseau de l'hallucination et que la véritable cible, c'était lui. S'il n'allait plus s'évertuer à assassiner les têtes pensantes de la Pègre, Abraham avait visiblement une toute nouvelle enquête dans laquelle s'investir à corps perdu. Dans une légèreté contrastant drastiquement avec la noirceur de ses préoccupations, le renégat reprit :

    "Ta robe est tâchée, je pense qu'il est préférable que tu ailles te changer avant que le sang s'imprègne. Tu ne crois pas ?"

    Et pour pleinement détourner l'attention de l'épineux sujet, Abraham rangea le mouchoir ensanglanté dans l'une de ses propres poches de veston pour ensuite ramener Hélénaïs contre lui. Au cas où ses intentions du moment manquaient éventuellement de clarté, il laissa ses griffes métalliques glisser le long du dos de son amante et vint épouser sans timidité la courbure de ses fesses tout en l'embrassant au creux du cou. Elle gloussa, Abraham pouffa en retour. Avec une gravité suffisamment remarquable pour qu'il s'y trahisse un peu malgré la formidable qualité de son usuel jeu d'acteur, il conclut sans s'éloigner d'elle et la garda tout contre lui, comme s'il avait peur de la perdre :

    "Je ne sais pas ce que je ferais sans toi. Vraiment."
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    Race: Humaine
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    Alignement: Neutre Bon
    Rang: B
    qui suis-je ?:
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  • Dim 15 Sep - 21:09
    Hélénaïs aurait sans doute apprécié ce que son compagnon venait de dire, si seulement elle en avait entendu un traître mot. Soudainement un peu vaseuse, elle avait l’impression d’avoir perdu pied pendant quelques instants, comme si son cerveau avait eu un loupé avant de se remettre à fonctionner uniquement grâce au sang qu’elle avait senti dévaler son nez, ses lèvres et son menton. Un mal qu’elle connaissait plutôt bien d’ailleurs puisqu’il avait été son lot quotidien durant ses jeunes années mais auquel elle avait sû échapper en grandissant. Des rechutes n’étaient pas à exclure et n’avaient absolument rien d’agréable, encore moins devant témoin, qu’ils soient des assassins en puissance ou non. C’est pourquoi elle avait précipitamment écrasé son mouchoir contre son visage en penchant la tête en arrière pour espérer réfréner autant que faire se pouvait le saignement. Par chance, cela suffit visiblement à l’endiguer et elle ne lutta pas contre la main d’Abraham qui vint lui prendre le mouchoir maintenant rougis. Au mieux arriverait-elle seulement à étaler tout son sang autour de son visage. Mieux valait le laisser faire.

    — Je m’en fais avant tout pour tes vêtements. Contra-t-elle en grimaçant à la sensation du tissu poisseux qui continuait de suivre la forme pulpeuse de ses lèvres. — Et puis je n’ai pas besoin de repos, ce n’est qu’un peu de sang.

    Néanmoins, elle le laissa terminer sans discuter, ne se fendant d’une moue contrite que lorsqu’il lui annonça qu’elle avait taché sa robe.

    — Ah… Soupira-t-elle. — Le sang est horriblement compliqué à enlever et la lingère a été… Les mains d’Abraham coururent sur la ligne de son dos, dévalèrent ses reins avec gourmandise avant de se refermer sur les rondeurs de ses fesses. Le poids de son corps ne tarda pas à venir s'appesantir sur le sien tandis qu’elle sentit la chaleur de sa bouche embrasser la jointure de sa nuque et de son épaule. Un sourire étira ses lèvres et un rire léger lui échappa et celui du soldat lui parvint alors qu’elle laissait sa tête basculer sur le côté afin de profiter pleinement de ses attentions.

    — La question n’a pas lieu d’être, je suis là. Se redressant légèrement, elle vint enrouler ses bras autour des épaules de son amant et lorsqu’il délaissa la peau de son cou pour lui faire face elle l’embrassa langoureusement avec de murmurer : — Et cette robe aussi.

    Il n’en fallut pas plus au jeune homme pour comprendre le sens de ses mots ; ses mains remontèrent le long de la colonne qu’elles venaient de dévaler et vinrent sectionner avec agilité les liens du corset qui libéra sa poitrine de son étaux, avant de glisser sur le sol. Hélénaïs le serra contre elle, acceptant finalement de se noyer dans l’ignorance voluptueuse de ses bras une fois de plus.

    — J'interrogerai moi-même tous les hommes de ton père si cela peut permettre t'obtenir ton amnistie. Murmura-t-elle contre sa bouche avant de céder à ses attentions.

    Mais quoi qu’elle fasse, la voix de Vilarquebuse raisonnait encore dans son esprit, faisant écho aux nouvelles promesses d’Abraham.

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