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    Kieran Ryven
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  • Mar 1 Oct - 11:05
    Une longue inspiration. Le poing fermé devant un battant.

    J'attends d'abord, hésitant. Puis le doute m'envahis, et ensuite sa meilleure copine : le passé.

    Le passé est un poids qui colle à la peau, quelque chose que je ne peux jamais vraiment laisser derrière moi. Peu importe la distance que je mets, peu importe le nombre de fois où je tente d’avancer. Ça revient toujours. Les images, les voix, ces moments que j’aurais voulu enterrer à jamais. Je suis conditionné à rester solide, à ne jamais craquer. Une porte fermée, verrouillée de l’intérieur. Il y a des choses que je ne montre à personne, pas même à ceux que j’estime, ceux que je devrais pouvoir laisser entrer. Mais je ne peux pas. C’est comme si quelque chose me bloquait à chaque fois. Comme un réflexe, une armure que je ne sais plus retirer.

    Je rumine ces vieux souvenirs, ces erreurs, ces blessures jamais guéries. Chaque fois que j’ai essayé de m’exposer, de laisser quelqu’un voir ce qu’il y a vraiment derrière ce masque, ça a mal tourné. Alors, je reste comme ça. Intact de l’extérieur, mais fissuré en dessous. C’est plus facile de paraître inébranlable que de risquer d'être vulnérable, même avec ceux que j’apprécie le plus. Le problème, c’est qu’on finit par devenir ce qu’on prétend être.

    Solide comme une pierre, inébranlable, mais aussi incapable de ressentir pleinement. Ou alors, peut-être que je me le refuse de le faire.

    Chaque tentative d’ouverture se heurte à cette même barrière, ce même mur que je me suis construit. Et plus je m’y accroche, plus je me rends compte que c’est devenu une prison. Je sais que les autres le sentent, ceux qui m'entourent. Ils doivent voir ce verrouillage constant, cette incapacité à baisser la garde. Mais comment leur expliquer que c’est ce qui m’a sauvé jusque-là ? Comment leur dire que chaque fois que j’ai essayé de me montrer tel que je suis, ça m’a coûté plus que je ne pouvais supporter ? Alors je ferme la porte, encore et encore, espérant qu’un jour, peut-être, je pourrai enfin trouver une clé.

    Y'en a peut-être une, mais lui laisser sa chance, c'est aussi le risque d'épaissir cette porte et être certain de ne plus en sortir.

    Vanay.

    Vanay, c’est pas juste un sourire séduisant, des courbes aguicheuses et des écailles rouges comme un tapis de rubis. C’est une survivante, qui s’est fait un bouclier de ses propres charmes, transformant les plaisirs de la nuit en armes. Elle danse, elle rit, elle attire, mais sous ce masque de légèreté, il y a une dureté, une amertume qui transpire à chaque regard. Elle cache ses failles avec une précision chirurgicale, ne laissant personne entrevoir la tristesse derrière son sourire. Elle ne se laissera plus jamais dominer, ça non. Mais pour celui qui la regarde de près, qui ose ressentir quelque chose, c’est une épreuve. Parce que Vanay, c’est pas une femme qu’on sauve. Quelque part, on se ressemble. Deux blocs qui s'empêchent de ressentir, qui se sont fait pourtant la promesse de se soutenir maintenant qu’ils se sont retrouvés.

    C’est plus compliqué que je le pensais.  

    Elle fait... partie indirectement de ce passé. Elle est un reflet agréable à observer, faisant partie d'une rétrospective qui me permet de me retourner sans tout jeter à la poubelle. Pourtant, on a fait que passer du temps dans le même université, à se battre, et apprendre. Et bien sûr, vivre nos expériences, bonnes et surtout mauvaises. Un peu plus de deux semaines que je suis Prévôt, que j'ai perdu Roman, bientôt je dois repartir en mission, et la seule chose que je voulais, là, maintenant, toute de suite, c'est la voir. Pas possible de dormir, de manger, d'entraîner Klak-Klak, écrire des rapports, me concentrer sur mes nouvelles responsabilités. Même organiser le transfert de mes affaires dans la maison de fonction de Courage m'a paru comme une tâche insurmontable à réaliser. J'ai le visage de mon ancien et meilleur ami, partiellement calciné, tous les jours, en tête. Sauver l'inauguration d'un barrage, un village tout entier, un Maire de la République, me semble si dérisoire. Parce que lui, Roman, tout comme Shael, je n'ai pas pu les sauver.  

    Mon poing, à quelques centimètres d'une porte, tremble. Comme mordu par le froid d'une émotion impossible à refouler. Et la seule source de chaleur capable de changer la donne, se retrouve juste derrière cette porte. Celle de son établissement, qui va bientôt ouvrir, le Mouton Frisé. Je n'ai pas osé m'arrêter à sa fenêtre, de peur de passer pour un Drakyn louche, mais aussi pour ne pas succomber à ses yeux, et ne pas être remarqué si je suis amené à changer d'avis. Elle n’est peut-être même pas là.

    Allez Kieran, il faut toquer. Oui ? Non. Oui. Non...Non... Plusieurs voix vont retentir dans mon dos, rangeant mon bras pour me retourner et voir des clients pas très jouasse de voir un iceberg avec des cornes, planté comme un gadin, niais, qui ne sait absolument pas ce qu'il veut.

    « Eh ! Le Grand Bleu, tu vas nous laisser passer ?
    - On voudrait pouvoir aller becter, t'y vas ou pas ?
    - Laisse-nous passer, Molly a engagé un videur maintenant ?
    - Non. Allez-y. » Que je termine, résigné.

    Je me décale, la porte s'ouvre, et ils commencent tous à entrer, accueillis par une Molly qui relance sa boutique avec son conjoint. Je finis par faire simplement demi-tour.

    Pourtant, la porte est ouverte. Tant pis, maintenant il faut marcher, et vite.
    Citoyen de La République
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    Vanay Vyldrithe
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  • Mar 1 Oct - 19:41
    À la suite de tout le bordel qui s’était passé à Liberty, la routine avait fini par revenir après plusieurs mois de reconstruction et de travaux en tout genre. Foutue routine qui commençait à me peser au fur et à mesure que les journées passaient. Se ressemblant toujours plus et rendant mes réveils toujours plus compliqués. J’avais envie et besoin de voir autre chose que les murs de cette auberge… Non pas que je ne l’aime plus… Mais j’ai la sensation d’être une lionne en cage qui tourne dans un rond parfait dicté par les aiguilles de l’horloge qui avancent, encore et toujours.

    J’étais là, à moitié couchée dans le lit d’Abby, gardant un œil sur cette naine qui était tombée malade et qui avait horreur de se retrouver seule dans ces moments. D’une certaine manière, ça me permettait de me sortir un peu de l’auberge… Même si je ruminais encore la soirée de la veille.

    Je glisse une main à ma joue encore marquée d’une gifle suffisamment forte pour avoir réussi à laisser une trace. Quelle espèce de connard…

    Pourtant, la soirée se passait bien, mais il a fallu qu’il y en ait un qui n’accepte pas que je le repousse. Insistant, très lourdement, posant ses mains sur mes cuisses, sur mes fesses… Le non est vraisemblablement en option chez certains… à croire que c’est payant.

    Un espèce de clébard en rut qui puait la vinasse à des kilomètres.

    Je le repoussais, encore et encore, restant polie puisque j’étais en plein service.

    - J’ai dit non !

    Et sa main s’est soudainement levée pour atterrir douloureusement sur mon visage dans un claquement sonore, sous les yeux ébahis d’un Pop qui s’apprêtait à lui demander de stopper ses conneries.

    - SALE CHIENNE !

    Ma main vient se poser sur ma joue endolorie alors que je sens un goût de fer dans la bouche… Et qu’une colère noire et profonde monte du fin fond de mes entrailles. Je ne sais pas ce qui m’a fait instantanément vriller, son insulte ? Sa gifle ? Les deux ? Dans tous les cas, il était hors de question que je laisse un sale clébard me dicter quoi faire de mon corps. Et dans ce genre de situation, Pop sait très bien qu’il est préférable de ranger les quelques bouteilles du comptoir que d’essayer de m’arrêter.

    Je tourne la tête, venant planter mes pupilles d’or fendues d’un fin trait noir dans celles de l’ivrogne. Je le jauge de toute ma hauteur, ma colère gronde et, ça tombe bien, c’est à mon tour d’agir.

    Ma main vient lui attraper l’arrière du crâne pour l’obliger à rencontrer amoureusement le comptoir dans un bruit sourd.

    - FILS …

    Un autre coup tout aussi "amoureux".

    - DE...

    Un troisième dans la même lancée.

    - PUTE !

    Et sur la quatrième et dernière rencontre "amoureuse", son visage va lécher tout le comptoir sous la même dynamique, renversant, au passage, quelques verres avant que je ne le laisse mollement tomber.

    - Tu connais la règle, Vanay…

    Que me lance le père Pop pendant que j’attrape le connard par le colle et par la ceinture avant d’avancer en direction de la sortie de l’auberge.

    - Je sais ! Les bagarres, c’est dehors !

    À l’extérieur, je le plaque contre le mur du bâtiment en face de l’auberge. Il est encore sonné de son histoire d’amour avec le comptoir, mais je m’en fous, ça ne va pas m’empêcher de lui fracasser le crâne.

    - Alors ?! On a crue que je serais une gentille Chienne ? HEIN ! CONNARD !

    Je le re-cogne contre le mur avant de le lâcher et de le voir glisser mollement, comme la vieille merde qu’il est. Mon poing serré viendra cogner à plusieurs reprises sur sa joue. J’ai une rage immense qui m’habite et qui se déverse sur sa sale gueule de chien qui m’a prise pour un vulgaire bout de viande. Je n’ai jamais plus autorisé quiconque de la gente masculine à lever la main sur moi depuis que j’ai quitté le Reike… Et ce n’est pas demain la veille que le contraire se produira.

    Soupirant longuement, je fus ramenée au présent par une Abby qui remue dans son sommeil et que je serais bien obligée de réveiller complètement pour lui annoncer mon départ.

    - Je vais devoir y aller, Bibi… Sinon je vais être en retard.

    Elle se retourne avec la plus grande peine du monde dans ma direction, les yeux encore clos par la fatigue… Et moi à côté, j’ai à peine dormi…

    - Tu es déjà en retard…

    - Je sais… Comme toujours.

    Je souris, très légèrement, et finis par me redresser avant d’aller me préparer et de me mettre, enfin, en route en direction de l’auberge.

    Évidemment, je ne me presse pas, l’histoire de la veille est encore bien ancrée dans mes mains, et mes phalanges sont encore rougies des coups que j’ai donnés. J’avance presque à reculons tant la motivation peine à venir à moi… Mais ils ont besoin de mon aide… Au moins le temps qu’Abby puisse se remettre en forme et récupérer sa santé.

    Un long soupir, une nouvelle fois je viens frotter ma joue encore légèrement marquée, et ma tête continue de ruminer en boucle ma colère de la veille. Je prie les astres pour que la journée se déroule sans encombre et que je puisse simplement prendre mon service sans avoir à faire plus que ce que je suis censée faire… c’est-à-dire, amener les plats et les boissons à bon port…

    Mon nez finira par rencontrer le bras musclé d’une personne alors que je sors tout juste d’une rue adjacente, me faisant sortir de mes pensées comme si je venais de me réveiller.

    Je cligne des yeux plusieurs fois avant de les lever, et, enfin, un sourire sincère s’affiche sur mon visage à la vue de ce dragon bleu avec qui j’ai de nombreux points communs. Plaisir que je ne cacherai pas de le revoir après un bon laps de temps.

    - Ça fait un moment ! Je finissais par me dire que tu boudais !

    Ce sera bien l’une des seules personnes que j’ai envie de voir aujourd’hui. La seule qui ne me prendra pas la tête ou qui ne me considère pas comme un simple bout de viande. Et puis, la tendresse dont il sait faire preuve me fait un bien fou, et ses bras… me manquent.

    Posant deux doigts délicatement sur son bras, sur sa peau couverte d’écailles bleues, je continue sur ma lancée, d’une voix douce, posant mes yeux dans les siens.

    - Tu veux venir manger ?

    Puis mon regard se tourne vers l’auberge. Au fond, si on peut aller même ailleurs… je ne dirais pas non. Et puis, un peu plus, un peu moins en retard… ça ne va pas changer grand-chose.

    - Ou bien marcher ?


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    Kieran Ryven
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  • Mar 8 Oct - 20:40
    C’est toujours comme ça, non ? Ce qu’on essaie d’éviter, ce qu’on passe notre temps à fuir, finit par nous frapper en pleine gueule. Comme si l’univers avait un sens de l’humour particulièrement tordu. On passe des jours, des mois, parfois des années, à tracer nos chemins autour des obstacles, à se dire que si on est assez malin, assez rapide, on pourra les contourner. Mais on se ment. Ce qu’on redoute finit toujours par nous retrouver, peu importe combien on court, marche ou vole.

    On croit qu’on a le contrôle. On fait des plans, on anticipe, on calcule. Mais la vérité, c’est que plus on essaie d’échapper à quelque chose, plus on l’attire. C’est presque une loi cosmique. On veut éviter la souffrance, la déception, l’échec ? Voilà exactement ce qui finit par se dresser devant nous, comme un mur qui surgit de nulle part.

    Ah, cette dragonne. Belle, magnétique, et parfaitement inconsciente du chaos qu’elle sème en passant. On pourrait croire qu’elle le fait exprès, mais non, c’est pire que ça.

    Je marchais, droit dans le chemin inverse quand je sens le visage de quelqu'un bousculer mon bras. Il ne me faudra pas longtemps pour repérer cette chevelure de feu flotter dans l'air, des prunelles qui rappellent le cœur d'une mine d'or, et évidemment ce sourire. Elle a un joli sourire, suffisamment joli pour vous transformer en gros Tokage pas foutu de retrouver son chemin pour rentrer chez lui. Je reste interdit pendant... J'en sais rien. C'est à la fois trop long pour le définir et pourtant évident à ressentir. Ça prend dans le bide, au point que je pourrais en sortir mon petit-déjeuner toute de suite.

    « Vanay, ça alors, quel hasard. »

    Quelle réponse. Je confirme, c'est pathétique. Je me secoue la tête pour reprendre mes moyens.

    « Je... j'étais parti en voyage, c'était long, en effet. »

    C'est déjà pas mal, et en plus c'est la vérité. Alors que je voyais son hésitation à rejoindre l'auberge dans sa proposition, mes traits se durcissent en l'avisant en détail.  Sur sa joue, une trace. Pas une petite rougeur qui s’efface après une nuit agitée. Non, c’est plus sombre, plus net. Le genre de marque qui raconte une histoire de poing serré et de silence forcé. Et moi, je sens la rage monter, comme un vieux démon qu’on croyait sous contrôle. Elle est serveuse, dans cette auberge où traînent des types pas nets. Des gars de passage, souvent avec plus de bière que de bon sens dans le crâne. Tout est possible, et ça me fout encore plus en rogne. Ma voix descend d'une octave, et bourdonne, caverneuse et sinistre, déchirant le silence qui venait de s'installer et oubliant sa question pour le moment.

    « Qui t'as fait ça. »  

    Je m’approche sans rien dire. Ma main se pose doucement sur sa joue, juste pour sentir sa peau, pour l’aviser de plus près. Je fais semblant de la réconforter, mais en réalité, je veux voir cette marque de plus près. Je veux être sûr que ce que je crois deviner est bien vrai. Ma caresse est légère, mais ce n’est qu’une façade. Derrière, tout en moi est en train de bouillir. Je lève son menton, un peu, juste assez pour capter la lumière. Et là, je la vois mieux. Ce bleu, là où il ne devrait jamais y en avoir.

    « J'espère qu'il ou elle a mal. Très mal. Sinon je m'en chargerais pour que ça soit le cas. »

    Je sais qu'elle est capable de démolir un homme moyen sans le moindre problème. Tout le monde est d'accord que ramasser un poing fermé d'un Drakyn ne fait pas du bien. Je la connais assez pour savoir qu'elle est plus forte qu’elle n’en a l’air. Elle a cette résilience qui force le respect, cette façon de tenir bon sans jamais se plaindre. Après tout, dans un autre monde, elle aurait pu être une vraie guerrière. Pas de celles qui brandissent des épées ou des boucliers, mais de celles qui survivent aux tempêtes, qui encaissent sans jamais plier. C’est ça le problème, justement. Elle encaisse. Toujours. Elle serre les dents, continue à bosser, à sourire aux abrutis qui passent leur soirée à la détailler comme un bout de viande. Elle ne laisse jamais rien transparaître, elle croit que ça suffit pour tenir à distance la douleur et la colère. Et moi, je vois ça, et ça me dévore.

    Je caresse sa joue une dernière fois, puis je lâche un soupir, lourd, en lui offrant mon bras.

    « Je n'ai pas envie d'affronter le regard taquin de Molly ce soir, marchons ensemble. »

    Ensemble, on traverse la ville, cette vieille cité de pierres et de boue qui est bientôt restaurée de son attaque contre Kaiyo, où les rues sont aussi tortueuses que les histoires qu’elles recèlent. L’air est frais, presque mordant, mais il a cette pureté que seuls les matins peuvent offrir, avant que la ville ne se réveille complètement et que le chaos quotidien ne reprenne ses droits. Les rues sont presque désertes, calmes, à l’exception de quelques marchands matinaux qui installent leurs étals. Les pavés luisent sous la lumière matinale, plus propres qu’ils ne le seront dans quelques heures, quand les sabots, les roues des charrettes et les pas pressés viendront les salir de boue, de fumiers et de poussière. Il y a une tranquillité ici, parfait pour discuter avec quelqu'un qu'on... Apprécie beaucoup ? Je décide de m'arrêter devant un étal, le ventre grogne. L’échoppe est modeste, mais le parfum qui s’en dégage est irrésistible. Des douceurs simples, mais suffisamment rares pour attirer les premiers clients du matin. Le vendeur, un type rondouillard avec un tablier taché de farine, s’affaire à disposer ses produits encore chauds sur des planches de bois rugueuses.

    Je lui demande deux galettes de miel, et le vendeur me les tend avec un sourire édenté. Je paie en silence, glissant quelques pièces de cuivre dans sa main. Les galettes sont distribuées, et nous reprenons notre route, mordant à pleines dents dans cette chaleur sucrée qui nous réchauffe un peu dans le froid du matin.

    « Tu n'as pas à tout encaisser, tu sais. »

    Je dis ça sans la regarder, les yeux fixés devant, sur les pavés irréguliers qui défilent sous nos pieds.

    « Tu ne devrais pas avoir à te battre seule contre ces types. Ce n'est pas une question de fierté, ou de savoir qui est plus fort. C’est juste… » Je m’interromps, cherchant mes mots. « … C’est pas juste. »

    Je termine ma galette en deux bouchées, un énième soupir me trahit.

    « Bref. Du nouveau à Liberty ? L'endroit a beaucoup changé depuis mon départ. Qu'est-ce que tu deviens ? »  

    Oui, passe du Champa au Kot-kot, Kieran. Si tu veux devenir ridicule et le rester, c'est la meilleure idée.
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