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Citoyen du monde
Malazach
Messages : 45
crédits : 750
crédits : 750
Info personnage
Race: Ange
Vocation: Mage noir
Alignement: Neutre mauvais
Rang: B - Cardinal
Le Doreï avait échappé à la colère des dieux mais pas à ce qu'elle avait entraîné dans les terres dévastées. Les créatures qui étaient venues s'y réfugier, dévorées par la magie titanesque, confuses, terrifiées, n'avaient pas mis longtemps à saccager toute construction que leurs gueules déformées ne pouvaient pas tout simplement engloutir. Quelques temps après le cataclysme initial, elles avaient découvert que les bipèdes sur place -ainsi privés du soutien des forces armées des autres villes- s'avéraient être une source de nourriture facilement atteignable et il n'avait pas fallu longtemps pour que les plus grands foyers de population du secteur se vident et que leurs occupants s'éparpillent à travers la région. Désormais, quelques communautés discrètes et isolationnistes subsistaient dans des fermes entourées de murs et de barricades plantées dans l'empressement, dans les alentours des ruines de leur ancien paradis. Des nuages noirs de cendres dominaient bien trop souvent ce qui fut le Doreï, interdisant régulièrement au soleil de venir caresser la terre sombre et teintant le goût de l'eau de pluie d'amertume.
En ce jour pourtant, les nuages eux-mêmes semblaient fuir les ténèbres qu'ils apportaient avec eux. Surpris par la luminosité - trop rare en Shoumeï - Malazach grimaça en poussant un peu plus le rideau occultant du carrosse depuis lequel il scrutait les terres dévastées.
Une forêt de heaumes calcinés et cornus encadraient le véhicule. La Garde Noire, fidèle même après la trahison de son maître et la mort de ses guerriers, protégeait une fois de plus l'avancée des vrais fidèles. Les squelettes de chevaux morts depuis belle lurette tiraient l'attelage, à l'avant, motivés par la magie du fils de X'o-rath plus que par son cochet. Derrière la voiture, un chariot d’aspect bien plus rudimentaire transportait l’engeance maudite de l’arbre-monde, sa mana dénaturée ne cessant jamais de pulser tel un cœur en faisant vibrer bois, fer, os et chair se tenant à sa portée. Les morts s’affairaient autour, comme les marionnettes qu’ils étaient, indifférents au malaise que le grotesque métastase divin causait chez les vivants. Seule Valmyria, qui chevauchait à côté du transport, goûtait à la caresse de la magie noire sans s’en montrer indisposée. Depuis qu’elle s’était improvisée vaisseau de la sphère enténébrée, à Melorn, la prêtresse semblait avoir développé un amour prononcé pour tout ce qui tordait l’âme. Les mortels avaient toujours su trouver de nouveaux moyens de se saboter, cependant celle-ci ne paraissait pas en souffrir, au contraire. Les rictus qu’elle arborait n’avaient plus rien à voir avec la pauvre petite chose brisée qu’ils avaient rencontré sur les ruines de Célestia, le jour de la renaissance.
Ils avaient quitté Bénédictus deux jours auparavant. Échapper aux patrouilles Reikoises de ce côté-ci des Terres Dévastées ne demandait pas énormément d'effort, si ce n’est celui d’éviter les routes principales. Pas qu'ils craignaient de devoir faire couler le sang, mais l’absence de prises de risques durant le transport d'une telle “marchandise” restait plus que nécessaire. A l'avant, fiché sur son destrier, une brute cornue que la Chuchoteuse avait su manipuler assez efficacement pour qu'il serve la cause diviniste s'occupait d'ouvrir la marche en compagnie de la réincarnée. Phèdre -une fois n'étant pas coutume- avait su voir au-delà des origines de la créature Reikoise pour s'en faire un allié ou un serf. Le fait qu'ils fassent le chemin ensemble permettait à la corruption de garder un œil sur ce Qultarn, quand bien même ses derniers exploits en date aux côtés de Sublime l'honoraient plus qu'autre chose. C'était lui qui avait repéré le plateau où l'avant-poste pourrait être dressé et la plante ensevelie. Il y avait un village non loin de là. Quelque chose de suffisamment discret pour échapper à l'appétit vorace des abominations de la région, mais qui deviendrait assez bruyant -il l'espérait- pour attirer le regard des survivants répartis sur la carte du Doreï une fois le territoire conquis. Pour cela, à l'arrière du convoi, des dizaines d'hommes, de femmes et même quelques enfants marchaient d'un pas serein, apaisé par la ferveur et l'ignorance, aux côtés de charrettes et de bœufs chargés de tentes, de nourriture et de bois. Ils serviraient à la fois de base pour l'instauration du culte, d'ouvriers et même, si l'arbre-monde le demandait, de matière première pour alimenter la graine. Il fallait des fanatiques, après tout, pour en créer de nouveaux.
“-Nous devrions arriver avant la tombée de la nuit.” Observa l’Ange Noir en risquant un dernier coup d’oeil vers l’extérieur. Ils avaient dépassé les abords du canyon séparant les rocheuses du Doreï en début de matinée, et maintenant que le soleil approchait de son Zénith, l’astre rappelait à ses visiteurs qu’ils avaient pénétré dans les terres tropicales de l’ancien Shoumei. Son regard quitta le paysage pour se poser sur sa camarade de voyage et un rictus de mépris se matérialisa sur un visage qui -une fois dans l’ombre, à l'abri du regard des mortels- n’avait rien de majestueux. “N’est-ce pas déjà un miracle que nos mortels ne se soient pas effondrés d’éreintement?”
La Prophétesse partageait la voiture avec le Haut Cardinal. Un symbole fort pour extirper des ténèbres les autochtones n’ayant pu que se sentir abandonnés jusqu’à maintenant. Si elle avait eu une quelconque vision au sujet de leur voyage, Siame s’était bien gardée de lui en parler, d’autant que depuis leur retour de Melorn, le fils de X’or-ath avait noté une certaine retenue de la part de son ancienne disciple à son égard. L’Estropiée n’était pas hostile, seulement plus froide. Rien d’inédit dans leur histoire commune, vieille de plusieurs éons, mais cela n’empêchait pas la nature méfiante du nécromant de s’éveiller à chaque fois. Le peu de vie qui restait en lui s’en désolait. Le reste, ce pragmatisme froid que son Père lui avait légué et qui, chaque jour, dévorait un peu plus son cœur, s’en félicitait.
Une pulsation provenant de l’arrière du convoi lui arracha une grimace alors que tous les os de son corps se mettaient à vibrer en lui pour répondre à la sollicitation capricieuse d'un végétal maudit.
“-Valmyria !” S’exclama-t-il en ouvrant à la volée la porte du carrosse. L’intéressée et son destrier approchèrent. Derrière, quelques serfs trop curieux écarquillèrent les yeux en observant le fils d’un dieu se pencher vers l’extérieur de son véhicule et exposer un visage paraissant taillé dans le marbre à la lumière du jour. Les plus émotifs laissèrent une larme leur échapper lorsqu’il les gratifia d'un regard chargé de compassion avant de commencer sa conversation avec la prêtresse, sans qu’ils ne puissent entendre les mots échangés.
“-Comment se porte le fils de l’arbre-monde? Je sens sa soif depuis là.”
En ce jour pourtant, les nuages eux-mêmes semblaient fuir les ténèbres qu'ils apportaient avec eux. Surpris par la luminosité - trop rare en Shoumeï - Malazach grimaça en poussant un peu plus le rideau occultant du carrosse depuis lequel il scrutait les terres dévastées.
Une forêt de heaumes calcinés et cornus encadraient le véhicule. La Garde Noire, fidèle même après la trahison de son maître et la mort de ses guerriers, protégeait une fois de plus l'avancée des vrais fidèles. Les squelettes de chevaux morts depuis belle lurette tiraient l'attelage, à l'avant, motivés par la magie du fils de X'o-rath plus que par son cochet. Derrière la voiture, un chariot d’aspect bien plus rudimentaire transportait l’engeance maudite de l’arbre-monde, sa mana dénaturée ne cessant jamais de pulser tel un cœur en faisant vibrer bois, fer, os et chair se tenant à sa portée. Les morts s’affairaient autour, comme les marionnettes qu’ils étaient, indifférents au malaise que le grotesque métastase divin causait chez les vivants. Seule Valmyria, qui chevauchait à côté du transport, goûtait à la caresse de la magie noire sans s’en montrer indisposée. Depuis qu’elle s’était improvisée vaisseau de la sphère enténébrée, à Melorn, la prêtresse semblait avoir développé un amour prononcé pour tout ce qui tordait l’âme. Les mortels avaient toujours su trouver de nouveaux moyens de se saboter, cependant celle-ci ne paraissait pas en souffrir, au contraire. Les rictus qu’elle arborait n’avaient plus rien à voir avec la pauvre petite chose brisée qu’ils avaient rencontré sur les ruines de Célestia, le jour de la renaissance.
Ils avaient quitté Bénédictus deux jours auparavant. Échapper aux patrouilles Reikoises de ce côté-ci des Terres Dévastées ne demandait pas énormément d'effort, si ce n’est celui d’éviter les routes principales. Pas qu'ils craignaient de devoir faire couler le sang, mais l’absence de prises de risques durant le transport d'une telle “marchandise” restait plus que nécessaire. A l'avant, fiché sur son destrier, une brute cornue que la Chuchoteuse avait su manipuler assez efficacement pour qu'il serve la cause diviniste s'occupait d'ouvrir la marche en compagnie de la réincarnée. Phèdre -une fois n'étant pas coutume- avait su voir au-delà des origines de la créature Reikoise pour s'en faire un allié ou un serf. Le fait qu'ils fassent le chemin ensemble permettait à la corruption de garder un œil sur ce Qultarn, quand bien même ses derniers exploits en date aux côtés de Sublime l'honoraient plus qu'autre chose. C'était lui qui avait repéré le plateau où l'avant-poste pourrait être dressé et la plante ensevelie. Il y avait un village non loin de là. Quelque chose de suffisamment discret pour échapper à l'appétit vorace des abominations de la région, mais qui deviendrait assez bruyant -il l'espérait- pour attirer le regard des survivants répartis sur la carte du Doreï une fois le territoire conquis. Pour cela, à l'arrière du convoi, des dizaines d'hommes, de femmes et même quelques enfants marchaient d'un pas serein, apaisé par la ferveur et l'ignorance, aux côtés de charrettes et de bœufs chargés de tentes, de nourriture et de bois. Ils serviraient à la fois de base pour l'instauration du culte, d'ouvriers et même, si l'arbre-monde le demandait, de matière première pour alimenter la graine. Il fallait des fanatiques, après tout, pour en créer de nouveaux.
“-Nous devrions arriver avant la tombée de la nuit.” Observa l’Ange Noir en risquant un dernier coup d’oeil vers l’extérieur. Ils avaient dépassé les abords du canyon séparant les rocheuses du Doreï en début de matinée, et maintenant que le soleil approchait de son Zénith, l’astre rappelait à ses visiteurs qu’ils avaient pénétré dans les terres tropicales de l’ancien Shoumei. Son regard quitta le paysage pour se poser sur sa camarade de voyage et un rictus de mépris se matérialisa sur un visage qui -une fois dans l’ombre, à l'abri du regard des mortels- n’avait rien de majestueux. “N’est-ce pas déjà un miracle que nos mortels ne se soient pas effondrés d’éreintement?”
La Prophétesse partageait la voiture avec le Haut Cardinal. Un symbole fort pour extirper des ténèbres les autochtones n’ayant pu que se sentir abandonnés jusqu’à maintenant. Si elle avait eu une quelconque vision au sujet de leur voyage, Siame s’était bien gardée de lui en parler, d’autant que depuis leur retour de Melorn, le fils de X’or-ath avait noté une certaine retenue de la part de son ancienne disciple à son égard. L’Estropiée n’était pas hostile, seulement plus froide. Rien d’inédit dans leur histoire commune, vieille de plusieurs éons, mais cela n’empêchait pas la nature méfiante du nécromant de s’éveiller à chaque fois. Le peu de vie qui restait en lui s’en désolait. Le reste, ce pragmatisme froid que son Père lui avait légué et qui, chaque jour, dévorait un peu plus son cœur, s’en félicitait.
Une pulsation provenant de l’arrière du convoi lui arracha une grimace alors que tous les os de son corps se mettaient à vibrer en lui pour répondre à la sollicitation capricieuse d'un végétal maudit.
“-Valmyria !” S’exclama-t-il en ouvrant à la volée la porte du carrosse. L’intéressée et son destrier approchèrent. Derrière, quelques serfs trop curieux écarquillèrent les yeux en observant le fils d’un dieu se pencher vers l’extérieur de son véhicule et exposer un visage paraissant taillé dans le marbre à la lumière du jour. Les plus émotifs laissèrent une larme leur échapper lorsqu’il les gratifia d'un regard chargé de compassion avant de commencer sa conversation avec la prêtresse, sans qu’ils ne puissent entendre les mots échangés.
“-Comment se porte le fils de l’arbre-monde? Je sens sa soif depuis là.”
✞✞✞ Malazach est Maudit ✞✞✞
-Les pratiquants du Culte des Ombres et les adeptes du Divinisme le voient comme un ange resplendissant.
-Les adeptes du Shierak et les athées, eux, le voient tel qu'il est véritablement ; une créature aussi famélique que sinistre.
Citoyen du monde
Valmyria
Messages : 64
crédits : 1549
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Citoyen du monde
Qultarn
Messages : 47
crédits : 1144
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Info personnage
Race: Drakyn
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal mauvais
Rang: D
Qultarn remua inconfortablement sur son cheval. Il n’avait pas l’habitude de monter, pour tout un ensemble de raisons. Déjà, les pillards du nord avaient rarement de quoi faire qu’ils ne préfèrent pas dévorer une fois l’hiver venu. Ensuite, les différents environnements du Reike se prêtaient de façon contrastée à chevaucher. Enfin, trouver une bête suffisamment robuste pour transporter un drakyn, dont la densité et la lourdeur osseuse n’était plus à démontrer, tendait à rapidement relever de la gageure.
La créature nécromantique était une des seules possibilités restantes, et si le croyant ne craignait pas les carcasses animées par le Toucher de Xo’rath, cela ne signifiait pas pour autant qu’il prenait plaisir à se faire mener en restant en selle. Selle qui, d’ailleurs, commençait à l’irriter. Pourtant, la célérité était de première importance pour la mission qui était la leur. La nomination d’un nouveau Régent et de son Tribun, puis le chaos qu’ils avaient semé avec Sublime, avaient peut-être contribué à recentrer l’attention du Reike autour de Maël et de ce qu’ils appelaient le Protectorat, une simple région en voie d’assimilation.
Cela ne suffisait pas à s’assurer qu’ils ne courraient aucun risque en se dirigeant vers le Doreï, une zone jusqu’alors relativement épargnée par les Titans, mais qui recelait de son lot de monstres agressifs, de plantes dangereuses, et d’habitants naturellement méfiants envers tout ce qui pouvait maintenant venir, livrés qu’ils étaient depuis plusieurs années désormais à eux-mêmes. Les objectifs des Adeptes étaient multiples en ce sens. Les ramener dans le giron protecteur et aimant des Créateurs constituait une première étape indispensable pour étendre leur influence, d’abord territoriale, ensuite religieuse et psychologique. Cela faisait trop longtemps que les Titans étaient synonymes de mort et de destruction alors qu’ils représentaient la vie, la création, et l’existence elle-même.
Et, évidemment, il était difficile d’ignorer les pulsations du Bourgeon de l’Arbre-Monde qu’ils transportaient derrière eux, sous la surveillance aiguisée de la Prêtresse Valmyria.
Le carrosse émit un craquement de bois quand une roue s’enfonça dans un nid-de-poule de la route complètement défoncée qu’ils empruntaient, et si Qultarn reporta son regard vers l’avant et le promontoire qui était leur destination. Mais ses pensées firent le trajet inverse. Derrière, la Prophétesse et le Cardinal partageaient le véhicule, se recueillant sans doute en prières et élaborant des plans pour que leur maigre troupe puisse pallier à toutes les situations. Le drakyn n’avait pu qu’entrapercevoir fugacement leur meneur quand il monta dans le carrosse, à Benedictus, suffisamment pour voir un visage d’une beauté époustouflante, respirant la Foi, l’Honnêteté et la Droiture, inspirant la Dévotion et le Respect.
Il s’agissait véritablement de l’incarnation physique des qualités prônées par les Titans, créée de leur main.
Les yeux surveillant toujours l’horizon à la recherche d’une menace quelconque, ses pensées se tournèrent cette fois vers sa voisine directe, Phèdre. Ils entretenaient des rapports cordiaux, légers, même, depuis qu’ils avaient sauvé Mégère des griffes des Gardiens du Berceau, puis qu’ils étaient allé infiltrer Maël quelques semaines plus tôt. De fait, il était plus simple de parler à la jeune fae, dont les cheveux avaient, ironiquement, le même duo de couleur que les siens, qu’avec Siame ou d’autres divinistes de Benedictus. Ils étaient absorbés par leur propre conscience et la proximité des Dieux, au point que chaque acte de leur vie semblait porter intrinsèquement l’adoration des Titans et leur rendre honneur.
Qu’il s’agisse de Launegisiles ou de Sublime, une conversation était parfois complexe à démarrer, et encore davantage à entretenir. Et s’il se savait taciturne par moment, les années de brigandage n’avaient pas été exemptes de leur lot de fêtes glorieuses et de débordements qui le furent moins.
« Tu ressens le Bourgeon, Phèdre ? Comme s’il... appuyait sur la bordure de mon être, de mon existence. »
Sa main gauche tenta d’attraper le concept au vol, sans y parvenir. L’impression n’était pas désagréable, ni négative. Juste si différente, si spirituelle, qu’il en était destabilisé. L’effet n’était pas si différent de Benedictus, mais ce n’était qu’en s’éloignant de la ville qu’il en prenait véritablement conscience. Les respirations, ou battements d’un coeur tout magique peut-être, contrastaient justement avec le reste du Doreï, ce qui faisait qu’il s’en apercevait davantage. Il essaya d’aligner ses propres battements et sa respiration sur celui du Bourgeon, se rendit compte que cela facilitait l’acclimatation, qu’il s’en trouvait plus serein.
« S’il tient ses promesses, d’autres comprendront à nouveau la grandeur des Titans, mumura-t-il en songeant aux fanatiques qui les suivaient à pied. Et l’influence de la Volonté s’étendra à nouveau sur tout le Shoumeï avant de se répandre sur le reste du Sekaï comme cela aurait toujours dû être. »
Les apostats et les hérétiques seraient châtiés, à commencer par ceux qui s’étaient réfugiés au Shoumeï pendant la Guerre des Titans au lieu de se battre pour la cause qui aurait dû être la leur depuis toujours. Hélas, tout comme au Reike, peu nombreux étaient ceux qui avaient la force d’âme nécessaire pour lutter pour un idéal. Il supposait qu’il en allait de même partout. Il prit une gorgée de sa gourde pour se rafraîchir la gorge, notant un nuage de poussière lointain à l’ouest, sur lequel il se rappelait de garder l’oeil.
« Dans tous les cas, j’ai hâte d’arriver et de voir ce avec quoi nous allons pouvoir travailler. »
Leur assortiment de prélats, prêtresses et prophétesse n’aurait probablement aucun mal à convaincre les locaux de la justesse de leurs arguments et la pureté de leur Foi. Il avait bien conscience que son rôle était davantage celui de muscle, ce qui lui convenait parfaitement : les béhémoths corrompus par les excès magiques n’attendaient que la moins occasion pour se jeter sur des humains et agrémenter leur régime d’un peu de chair fraîche, maintenant que le Doreï était devenu la zone la plus riche de l’ancienne Confédération.
Prophétesse
Siame
Messages : 215
crédits : 341
crédits : 341
Info personnage
Race: Ange
Vocation: Mage soutien
Alignement: Loyal mauvais
Rang: B - Cardinal
Siame tourna la tête vers Malazach. Elle avait perçu le mépris au fond de son regard lorsqu’il évoqua les mortels les accompagnant. Ses invectives à leur encontre ne l'avaient pas surprise—bien au contraire, et l’Ange y trouva une forme de soulagement. Ce Monde ne cessait de changer. Quand les cathédrales s'effondraient sous le poids d’une humanité rongée par ses contradictions ; quand les Hommes se confondaient dans leur vilenie et leur ferveur pour des faux-Dieux et que le Sekaï entier s’effondrait sous des allégeances nouvelles… Tout changeait autour d’elle, et cette nouvelle réalité lui semblait encore titubante. Il y avait cependant des choses qui s’entêtaient à rester les mêmes…
La voix du Haut Cardinal coupa l’air comme une lame affûtée et ses mots dégoulinaient de ce venin familier qui, contre toute logique, l’apaisa. Elle n’en montra rien et s’enfonça davantage contre son dossier, un sourire d’une amabilité glacée sur les lèvres. Les traits du visage de l’Ange Noir avaient vacillé dans l’ombre, pour laisser apparaître ce faciès hideux qu’elle lui avait découvert depuis leur retrouvaille. Il lui faudrait encore du temps pour s’y habituer véritablement—bien qu’étrangement, elle ne semblait pas répugnée par son apparente laideur. Pas autant qu’elle aurait pu l’être autrefois.
Et le mot “miracle” tinta à ses oreilles comme un glas distant.
— On sait l’un comme l’autre que les miracles n’existent pas, lui fit-elle remarquer. La foi est une chose curieuse, mais la ferveur des Mortels ne m’a jamais autant fascinée qu’à ce jour.
Malazach se montrait endurant face à sa froideur. Qu’elle lui réponde était certainement bon signe, puisque Siame n’avait jamais eu la moindre prétention à détendre l'atmosphère. Et comment pouvait-il lui reprocher sa distance, sa méfiance ? Après tout, ce n’était probablement là que les reliquats de son propre enseignement – parce que chez lui, la cruauté avait toujours été limpide et l’indifférence inébranlable – le tout brouillé par ses propres défaillances.
— Je crois qu’ils ont tous compris que les Titans ne viendraient pas les sauver. Elle en avait la certitude, pour certains d’entre-eux.
Le nouvel arrivant de leur groupe le lui avait prouvé. Et la Prophétesse avait passé assez de temps à ses côtés pour s’en assurer. Les murmures de la Chuchoteuse s’étaient logés profondément dans sa psyché, jusqu’à visiblement modifier l’ADN même du Reikois—le pousser à rejoindre le camp ennemi, à aller contre chacun de ses instincts. Pour peu que les chuchotements insidieux de Zei continuaient de résonner dans le creux de son Âme.
— Et pourtant ils sont là. Prêts à tout sacrifier…
Siame n’était pas une femme de science, pas le moins du monde. Mais elle était curieuse de comprendre le fonctionnement de cette Corruption, les règles de cette nouvelle ère—comment elle pouvait en faire la sienne. D’en éprouver les limites pour s’en servir à son avantage. Leur avantage. Et le rejeton bourgeonnant de l’Arbre Monde dans le chariot à l’arrière représentait un à-propos tout à fait adéquat à l’occasion. Le Doreï serait le berceau parfait pour accueillir cette première expérience.
Au devant, sa sœur voyageait aux côtés de Qultarn. Les aventures de Melorn, l’espoir qu’elle avait éprouvé à cette heure-ci s’était doucement tassé dans son cœur depuis leur retour à Bénédictus. Mais la savoir présente constituait une importance toute capitale. L’Ange parvenait encore difficilement à dessiner les contours du changement de Phèdre, sa nouvelle enveloppe, et tout ce qui l’accompagnait. Tout comme elle s’efforçait encore aujourd’hui de définir ce qu’elle-même était devenue. Si elle avait abandonné la quête de ses ailes au profit de sujets plus actuels, dernièrement, elle éprouvait leur absence plus que jamais auparavant. Siame avait repris la rédaction de ses mémoires prophétiques—quand bien même elle approchait encore avec prudence les visions qui lui étaient offertes. Et elle en parlait avec tout autant de réserve. Le temps lui avait appris que tout n’était pas bon à partager, et l’Ange n’était pas encore prête à amollir ses rigueurs.
Lorsque la Prêtresse s’approcha de la voiture, sous la demande du Haut Cardinal, le visage de Siame changea pour une expression plus tendre.
— Votre dévouement honore la Volonté, Valmyria, l’encouragea-t-elle. L’embryon ne pourrait être en de meilleures mains que les vôtres. Il fallait se rendre à l’évidence, depuis leur voyage à Melorn, les effluves de la Corruption semblaient jouir allègrement de la magie de la Prêtresse – que l’orbe avait invariablement choisi. Siame ne pouvait s’empêcher de se demander jusqu’où les racines de l’Arbre Monde s’étaient enracinés dans l’Âme fertile de cette dernière, et combien de temps celle-ci pourrait le supporter. Ménagez-vous, néanmoins, ne vous épuisez pas. Votre contribution nous est infiniment précieuse.
Valmyria avait son rôle à jouer. Comme tous ceux ici, comme tous ceux qui avaient choisi d’offrir leur allégeance au culte. Comme les futurs fidèles qui les rejoindraient bientôt en ces lieux. Siame avait perçu le potentiel de l’elfe à leur retour à Bénédictus et si elle l’imaginait aisément rejoindre les rangs plus officieux d’Aurya, elle s’était gardé de lui soumettre l’idée. Elle viendrait à elle en temps et en heure. Pendant quelques instants, l’intérieur de la voiture s’était saisi d’un silence fragile, sinistre, hypnotisé par le claquement du fer des chevaux contre les pavés et le grincement métallique de la carriole.
— Nos ambitions vont attirer bien plus que de simples regards curieux. Elle s’adressa à Malazach, ses yeux en silex perdu à travers l’ajour, caressant le dos de sa sœur en tête de convoi. Il nous faudra assurer la sécurité de cet embryon, après notre retour à Bénédictus. Et la discrétion de l’opération si nous voulons éviter d’attirer la charogne – elle entendait ici tout ce qui était reikois. L’Ange marqua une pause avant de reprendre. Si nous voulons éviter que le Doreï ne se transforme en champ de ruines avant même que nous n’ayons pu en tirer le moindre fruit.
Elle passa la suite sous silence—qu’en vérité, elle n’était plus certaine de savoir à qui elle pouvait accorder ou non sa confiance (l'avait-elle seulement un jour su ?). Autrefois, elle aurait croisé le regard de Malazach à la recherche de quelconque conseil ou instruction. Aujourd’hui, l’idée même lui tordait l’estomac. L’odeur d’humidité se faisait de plus en plus prégnante, au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient du canton.
— Mais si nous y parvenons, alors nous ne pourrons pas nous arrêter au Doreï. Elle croisa le regard de l’Ange Noir, une certitude mordante au fond des yeux. Je veux qu’ils payent. Tous.
Les mots s'échappèrent de ses lèvres et sa soif de rétribution sembla hérissée de barbelés, comme si elle avait avalé des ronces. Il leur fallait espérer que la population du Doreï consentirait à arpenter ce chemin tortueux qu’ils traçaient pour la Volonté, mue par la douleur ou la fatalité. Après la destruction de leur Terre par les Divins eux-mêmes, nombre d’entre eux avaient cessé de chercher des réponses pour fuir. Et ceux étant restés, ayant survécu à la guerre, étaient hantés par des visions de morts. Siame haussa les épaules, pour elle-même. Après tout, il n’y avait pas d'esprit plus fertile que celui dans le besoin de croire.
La voix du Haut Cardinal coupa l’air comme une lame affûtée et ses mots dégoulinaient de ce venin familier qui, contre toute logique, l’apaisa. Elle n’en montra rien et s’enfonça davantage contre son dossier, un sourire d’une amabilité glacée sur les lèvres. Les traits du visage de l’Ange Noir avaient vacillé dans l’ombre, pour laisser apparaître ce faciès hideux qu’elle lui avait découvert depuis leur retrouvaille. Il lui faudrait encore du temps pour s’y habituer véritablement—bien qu’étrangement, elle ne semblait pas répugnée par son apparente laideur. Pas autant qu’elle aurait pu l’être autrefois.
Et le mot “miracle” tinta à ses oreilles comme un glas distant.
— On sait l’un comme l’autre que les miracles n’existent pas, lui fit-elle remarquer. La foi est une chose curieuse, mais la ferveur des Mortels ne m’a jamais autant fascinée qu’à ce jour.
Malazach se montrait endurant face à sa froideur. Qu’elle lui réponde était certainement bon signe, puisque Siame n’avait jamais eu la moindre prétention à détendre l'atmosphère. Et comment pouvait-il lui reprocher sa distance, sa méfiance ? Après tout, ce n’était probablement là que les reliquats de son propre enseignement – parce que chez lui, la cruauté avait toujours été limpide et l’indifférence inébranlable – le tout brouillé par ses propres défaillances.
— Je crois qu’ils ont tous compris que les Titans ne viendraient pas les sauver. Elle en avait la certitude, pour certains d’entre-eux.
Le nouvel arrivant de leur groupe le lui avait prouvé. Et la Prophétesse avait passé assez de temps à ses côtés pour s’en assurer. Les murmures de la Chuchoteuse s’étaient logés profondément dans sa psyché, jusqu’à visiblement modifier l’ADN même du Reikois—le pousser à rejoindre le camp ennemi, à aller contre chacun de ses instincts. Pour peu que les chuchotements insidieux de Zei continuaient de résonner dans le creux de son Âme.
— Et pourtant ils sont là. Prêts à tout sacrifier…
Siame n’était pas une femme de science, pas le moins du monde. Mais elle était curieuse de comprendre le fonctionnement de cette Corruption, les règles de cette nouvelle ère—comment elle pouvait en faire la sienne. D’en éprouver les limites pour s’en servir à son avantage. Leur avantage. Et le rejeton bourgeonnant de l’Arbre Monde dans le chariot à l’arrière représentait un à-propos tout à fait adéquat à l’occasion. Le Doreï serait le berceau parfait pour accueillir cette première expérience.
Au devant, sa sœur voyageait aux côtés de Qultarn. Les aventures de Melorn, l’espoir qu’elle avait éprouvé à cette heure-ci s’était doucement tassé dans son cœur depuis leur retour à Bénédictus. Mais la savoir présente constituait une importance toute capitale. L’Ange parvenait encore difficilement à dessiner les contours du changement de Phèdre, sa nouvelle enveloppe, et tout ce qui l’accompagnait. Tout comme elle s’efforçait encore aujourd’hui de définir ce qu’elle-même était devenue. Si elle avait abandonné la quête de ses ailes au profit de sujets plus actuels, dernièrement, elle éprouvait leur absence plus que jamais auparavant. Siame avait repris la rédaction de ses mémoires prophétiques—quand bien même elle approchait encore avec prudence les visions qui lui étaient offertes. Et elle en parlait avec tout autant de réserve. Le temps lui avait appris que tout n’était pas bon à partager, et l’Ange n’était pas encore prête à amollir ses rigueurs.
Lorsque la Prêtresse s’approcha de la voiture, sous la demande du Haut Cardinal, le visage de Siame changea pour une expression plus tendre.
— Votre dévouement honore la Volonté, Valmyria, l’encouragea-t-elle. L’embryon ne pourrait être en de meilleures mains que les vôtres. Il fallait se rendre à l’évidence, depuis leur voyage à Melorn, les effluves de la Corruption semblaient jouir allègrement de la magie de la Prêtresse – que l’orbe avait invariablement choisi. Siame ne pouvait s’empêcher de se demander jusqu’où les racines de l’Arbre Monde s’étaient enracinés dans l’Âme fertile de cette dernière, et combien de temps celle-ci pourrait le supporter. Ménagez-vous, néanmoins, ne vous épuisez pas. Votre contribution nous est infiniment précieuse.
Valmyria avait son rôle à jouer. Comme tous ceux ici, comme tous ceux qui avaient choisi d’offrir leur allégeance au culte. Comme les futurs fidèles qui les rejoindraient bientôt en ces lieux. Siame avait perçu le potentiel de l’elfe à leur retour à Bénédictus et si elle l’imaginait aisément rejoindre les rangs plus officieux d’Aurya, elle s’était gardé de lui soumettre l’idée. Elle viendrait à elle en temps et en heure. Pendant quelques instants, l’intérieur de la voiture s’était saisi d’un silence fragile, sinistre, hypnotisé par le claquement du fer des chevaux contre les pavés et le grincement métallique de la carriole.
— Nos ambitions vont attirer bien plus que de simples regards curieux. Elle s’adressa à Malazach, ses yeux en silex perdu à travers l’ajour, caressant le dos de sa sœur en tête de convoi. Il nous faudra assurer la sécurité de cet embryon, après notre retour à Bénédictus. Et la discrétion de l’opération si nous voulons éviter d’attirer la charogne – elle entendait ici tout ce qui était reikois. L’Ange marqua une pause avant de reprendre. Si nous voulons éviter que le Doreï ne se transforme en champ de ruines avant même que nous n’ayons pu en tirer le moindre fruit.
Elle passa la suite sous silence—qu’en vérité, elle n’était plus certaine de savoir à qui elle pouvait accorder ou non sa confiance (l'avait-elle seulement un jour su ?). Autrefois, elle aurait croisé le regard de Malazach à la recherche de quelconque conseil ou instruction. Aujourd’hui, l’idée même lui tordait l’estomac. L’odeur d’humidité se faisait de plus en plus prégnante, au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient du canton.
— Mais si nous y parvenons, alors nous ne pourrons pas nous arrêter au Doreï. Elle croisa le regard de l’Ange Noir, une certitude mordante au fond des yeux. Je veux qu’ils payent. Tous.
Les mots s'échappèrent de ses lèvres et sa soif de rétribution sembla hérissée de barbelés, comme si elle avait avalé des ronces. Il leur fallait espérer que la population du Doreï consentirait à arpenter ce chemin tortueux qu’ils traçaient pour la Volonté, mue par la douleur ou la fatalité. Après la destruction de leur Terre par les Divins eux-mêmes, nombre d’entre eux avaient cessé de chercher des réponses pour fuir. Et ceux étant restés, ayant survécu à la guerre, étaient hantés par des visions de morts. Siame haussa les épaules, pour elle-même. Après tout, il n’y avait pas d'esprit plus fertile que celui dans le besoin de croire.
CENDRES
Citoyen du monde
Phèdre
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Phèdre, pour ce qu’elle en savait, n’avait jamais été une très bonne cavalière. Pas plus qu’une bonne voyageuse et l’ironie voulait que si elle préférait une paire de jambes ou d’ailes pour se déplacer, on avait placé son séant sur la selle d’un cheval. A vrai dire, les voyages n’avaient jamais été sa tasse de thé que ce soit dans cette vie ou dans l’autre. Naturellement sédentaire, elle avait toujours eu tendance à rester à l’endroit où elle était. A l’époque à Celestia, au présent à Ikusa puis à Bénédictus. Aujourd’hui comme hier, c’était la force des choses qui faisait d’elle une nomade qui, fort heureusement, bourlinguait rarement seule. Pas plus manchote qu’un autre, la majorité de ses déplacement s’étaient bien passés quoi qu’un peu laborieux mais elle devait bien admettre que plusieurs d’entre eux avaient eut une fâcheuse tendance à lui attirer des ennuis que ce soit en République, au Shoumeï ou ailleurs. Néanmoins, elle était toujours parvenue à bon port ; sa présence aux côtés de sa sœur et de la Volonté des Titans en était la preuve édifiante. Mais cela ne l’avait pas empêché de faire la rencontre d’étranges créatures qui avaient laissés leurs signatures dans un recoin de son esprit abimé. La dernière en date était Rêve, dont elle n’avait de cesse de ressasser les paroles sans être certaine de leur trouver un sens quelconque. Eris elle-même ne leur en trouvait pas, pourtant rares étaient les livres et les contes qui avaient encore des secrets pour elle.
La voix de Qultarn la tira de ses rêveries et elle releva la tête un peu trop rapidement. Même ainsi, chacun juché sur une monture -si tant est qu'on put qualifier celle du nouveau venu ainsi- , il lui rendait deux bonnes têtes. Se dévisser le cou pour lui parler était presque devenue une habitude depuis qu’ils avaient accompli leur mission à Maël. Elle qui avait si férocement douté du drakyn et de sa foi, s’était surprise à l’apprécier et mieux encore, elle se faisait un plaisir de le chicaner à la moindre occasion. D’une nature taciturne, il n’était pas aisé de lui soutirer une once d’émotion ou de réaction, un jeu qui amusait follement la demi-fae. Lui, semblait s’en accommoder, plus ou moins.
Inspirant profondément en réponse, Phèdre ferma les yeux sans desserrer les mains sur ses rênes et prit un instant pour ressentir le bourgeon. Il ne lui fut pas difficile de le percevoir autrement qu’avec le regard, il pulsait comme un second cœur autour d’elle. C’était presque comme si son âme et celle d’Eris parvenait enfin à se dissocier, deux cœurs battant un rythme régulier, soutenu. Mais ce n’était pas cela, le bourgeon avait tendance à faire taire la présence d’Eris qui se recroquevillait dès que la corruption se faisait trop grande, d’une certaine manière il berçait tous les siens se trouvant dans son giron. Une pensée aussi étrange qu’apaisante pour Phèdre qui avait l’impression de se trouver ainsi plus proche des Titans qu’elle ne l’avait jamais été en plusieurs millénaires de dévotions.
— Je ne te connaissais pas poète, Qultarn. Lui glissa-t-elle d’un ton mielleux où perçait un sourire qui ne tarda pas à fleurir sur ses lèvres. — Mais comme toi, je suis curieuse de voir ce que ce bourgeon a à offrir. Plantant son talon dans le flanc de son cheval en inclinant sa rêne, elle le força à se rapprocher de celui du drakyn. — J'aimerais revenir à cette époque où le divinisme était tout, où les foules venaient prier et où les anges étaient plus que des créatures impies aux services des détracteurs du monde. Si tu avais pu voir comme nous étions puissant. Et comme tu étais misérable, osa Eris pour qui son ancienne vie n'avait pas de secrets. Phèdre se renfrogna immédiatement et mue par un besoin viscéral, elle tourna la tête vers Siame et Malazach dont elle percevait plus la présence qu’elle ne les voyait. Valmyria se tenait à leurs côtés et une jalousie brute lui écrasa la poitrine lorsqu’elle devina de la tendresse sur les traits de sa sœur. Même la mort n’avait su les séparer et pourtant, elle avait la sensation qu’un fossé grand comme le monde était en train de se creuser entre elles. La faute à sa condition de mortelle ? Peut-être bien. Après tout, son âme était possiblement divine mais son enveloppe, elle, ne l’était pas plus que celle de Qultarn. Une hérésie aux yeux des anges, sans nul doute. L’ironie voulait pourtant que Phèdre, d’eux trois, soit celle qui les aient le plus fréquentés. C’était peut-être pour cela qu’elle les méprisait un peu moins et pour cela également, qu’elle voyageait aux côtés d’un mortel et non de sa sœur.
— Je suis certaine que ça t'aurait plu. Peut-être que tu y assisteras dans cette vie, après tout. Elle lui lança un regarde biais pour jauger sa réaction avant de conclure : — Siame et Malazach nous guiderons sur le chemin de la grandeur, ça ne fait aucun doute.
Et cette selle persistait à lui scier les fesses.
La voix de Qultarn la tira de ses rêveries et elle releva la tête un peu trop rapidement. Même ainsi, chacun juché sur une monture -si tant est qu'on put qualifier celle du nouveau venu ainsi- , il lui rendait deux bonnes têtes. Se dévisser le cou pour lui parler était presque devenue une habitude depuis qu’ils avaient accompli leur mission à Maël. Elle qui avait si férocement douté du drakyn et de sa foi, s’était surprise à l’apprécier et mieux encore, elle se faisait un plaisir de le chicaner à la moindre occasion. D’une nature taciturne, il n’était pas aisé de lui soutirer une once d’émotion ou de réaction, un jeu qui amusait follement la demi-fae. Lui, semblait s’en accommoder, plus ou moins.
Inspirant profondément en réponse, Phèdre ferma les yeux sans desserrer les mains sur ses rênes et prit un instant pour ressentir le bourgeon. Il ne lui fut pas difficile de le percevoir autrement qu’avec le regard, il pulsait comme un second cœur autour d’elle. C’était presque comme si son âme et celle d’Eris parvenait enfin à se dissocier, deux cœurs battant un rythme régulier, soutenu. Mais ce n’était pas cela, le bourgeon avait tendance à faire taire la présence d’Eris qui se recroquevillait dès que la corruption se faisait trop grande, d’une certaine manière il berçait tous les siens se trouvant dans son giron. Une pensée aussi étrange qu’apaisante pour Phèdre qui avait l’impression de se trouver ainsi plus proche des Titans qu’elle ne l’avait jamais été en plusieurs millénaires de dévotions.
— Je ne te connaissais pas poète, Qultarn. Lui glissa-t-elle d’un ton mielleux où perçait un sourire qui ne tarda pas à fleurir sur ses lèvres. — Mais comme toi, je suis curieuse de voir ce que ce bourgeon a à offrir. Plantant son talon dans le flanc de son cheval en inclinant sa rêne, elle le força à se rapprocher de celui du drakyn. — J'aimerais revenir à cette époque où le divinisme était tout, où les foules venaient prier et où les anges étaient plus que des créatures impies aux services des détracteurs du monde. Si tu avais pu voir comme nous étions puissant. Et comme tu étais misérable, osa Eris pour qui son ancienne vie n'avait pas de secrets. Phèdre se renfrogna immédiatement et mue par un besoin viscéral, elle tourna la tête vers Siame et Malazach dont elle percevait plus la présence qu’elle ne les voyait. Valmyria se tenait à leurs côtés et une jalousie brute lui écrasa la poitrine lorsqu’elle devina de la tendresse sur les traits de sa sœur. Même la mort n’avait su les séparer et pourtant, elle avait la sensation qu’un fossé grand comme le monde était en train de se creuser entre elles. La faute à sa condition de mortelle ? Peut-être bien. Après tout, son âme était possiblement divine mais son enveloppe, elle, ne l’était pas plus que celle de Qultarn. Une hérésie aux yeux des anges, sans nul doute. L’ironie voulait pourtant que Phèdre, d’eux trois, soit celle qui les aient le plus fréquentés. C’était peut-être pour cela qu’elle les méprisait un peu moins et pour cela également, qu’elle voyageait aux côtés d’un mortel et non de sa sœur.
— Je suis certaine que ça t'aurait plu. Peut-être que tu y assisteras dans cette vie, après tout. Elle lui lança un regarde biais pour jauger sa réaction avant de conclure : — Siame et Malazach nous guiderons sur le chemin de la grandeur, ça ne fait aucun doute.
Et cette selle persistait à lui scier les fesses.
Citoyen du monde
Malazach
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Info personnage
Race: Ange
Vocation: Mage noir
Alignement: Neutre mauvais
Rang: B - Cardinal
L'armure d'Amir était celle de son père. Il lui avait légué au crépuscule de sa vie, lorsque la pneumonie s'était chargée de transformer son souffle en soupir. En quelques années, son acier avait été tordu et transpercé par d'innombrables escarmouches face aux morts durant lesquelles il avait protégé -comme son père avant lui- le domaine des Affranchis. Son courage, sa ferveur, personne n'en discutait la provenance : Jeune père de jumeaux et mari d'une femme aimante, il espérait inspirer ses enfants comme son père l'avait inspiré dans ses jeunes années. Comme beaucoup des siens, il savait que sa génération ne serait pas celle qui verrait la résurrection de sa nation. Chacun d'eux avaient choisi de demeurer ici, en ces terres mortelles, plutôt que de fuir à Mael pour se réfugier derrière l'envahisseur Reikois. La renaissance prendrait du temps. Elle était aussi inévitable que le printemps après l'hiver mais, pour cela, discipline et sacrifices devaient rester les maîtres mots. Ainsi, avec le reste de la milice, Amir patrouillait le Doreï, repérait les nids de monstres, exterminait les goules isolées, croisait -en de trop rares occasions- les éclaireurs et représentants d'autres communautés du secteur et ne revenait à l'abri derrière les murs de leurs fermes que pour manger et dormir.
Puisque ces murs, il le savait bien, n'étaient guère plus que de la poudre aux yeux, un mirage rassurant pour les plus impressionnables d'entre-eux. Des rondins de bois ne pouvaient espérer arrêter la charge d'un Behemoth. Tout ce qui dépassait en taille ou en vélocité un homme ordinaire pouvait bondir pour se hisser par-dessus et lorgner du côté des quelques bicoques abritant encore des vies conscientes mais si aisément récoltables. Il n'avait pas peur de mourir, mais l'idée que ses enfants puissent tomber sous les crocs d'un des monstres rôdant près de la côte le terrifiait.
Alors, malgré tout ce que pouvait bien prétendre les penseurs athées des affranchis, la nuit, avant d'aller au lit, Amir faisait ce que son père avait fait avant lui :
Il priait. Avec toute l'humilité et la passion de celui qui se sait n'être qu'un mortel sous le regard impitoyable des dieux : le jeune homme implorait les huit de faire preuve de magnanimité à l'égard des pécheurs de la défunte Shoumeï. La punition s'était avérée exemplaire, il en convenait, mais n'était-ce pas pour leur attribuer une nouvelle chance, que certains avaient été épargnés? La peur au ventre mais l'œil humide face à l'espérance d'une attention divine, il priait jusqu'à ce que sa gorge se noue et que la fatigue ne le prive de paroles.
Là, après avoir rejoint sa femme dans le lit conjugal, le milicien s'endormait le cœur battant, passait une nuit rythmée par des réveils en sursaut au moindre bruits suspects, puis se levait aux aurores…
Pour remplir de nouveau son rôle de protecteur.
Aujourd'hui, Amir était chargé de surveiller la Vieille Route en compagnie du Pisteur Jerek et des deux piquiers, David et Wilbur. Une meute de loups avait été repérée en train de rôder dans les environs et si ces animaux ne montraient en général que peu d'hostilités à l'égard des bipèdes, leur présence pouvait troubler ou pire, attirer l'un des plus gros prédateurs sur place. Le Vieux Borgne ne goûtait que fort peu les troubles qu'amenaient de nouveau prédateurs sur son territoire de chasse.
Et personne, au sein des Affranchis, ne souhaitait apprendre que Le Vieux Borgne avait changé de repère.
Assis aux abords de la route, une carte dépliée sur le genoux et une généreuse tranche de pain noire dans l'autre, le jeune milicien mit un peu de temps à remarquer la stupeur de ses camarades, concentré qu'il était sur l'étude des reliefs de l'ouest du Doreï. Mais le bruit se chargea de tirer son nez hors de ses inspections cartographiques.
Le bruit…oh, leur avancée causait un tel boucan, si orgueilleux, si…stupidement grandiloquent. Les miliciens échangèrent un regard lourd de conséquence tandis que la même pensée venait assaillir leurs esprits aux aguets :
Le Reike, ça ne pouvait être que le Reike.
A la tête de leur convoi se tenaient, sur leurs destriers respectifs, un homme et une femme. Un drakyn et une dame bien frêle, chevauchant devant une bande reikoise...Amir n'avait jamais vu l'Empereur et l'Impératrice, mais son père lui avait légué sa haine envers le couple d'envahisseur en même temps que tout le reste. Se pouvait-il seulement que...
“-Amir, bouge !” Beugla Jarek.
Il s'exécuta inconsciemment, bondit puis roula sous un buisson épineux alors même que l'arbre abattu lui ayant servi de siège l'heure d'avant disparaissait sous une patte griffue et qu'une gueule fendue, aussi longue qu'un homme, se refermait sur la jambe de David. Le piquier n'eut pas le temps d'hurler avant que son agresseur ne le secoue tel un jouet en lui brisant l'échine. La crinière de pique de ce qui avait un jour été un rindo s'hérissa et des arcs électriques s'extirpèrent de son énorme carcasse…une flèche, probablement tirée par Jerek, s'écrasa contre ses écailles bleutée et l'atrocité s'ébroua comme un chien sortant de l'eau.
Malgré l'horreur de la scène, Amir se sentit presque soulagé lorsque l'abomination posa un regard écarlate sur son abri végétal…puisque la chose possédait deux yeux.
Au moins sa mort ne signifiait pas forcément la fin de tout.
“-Abattez cette horreur.” Prononça simplement une voix claire à la provenance indéfinissable, sans animosité ni urgence dans la voix. La bête beugla avant de quitter le champ de vision du milicien pour charger une nouvelle proie.
Amir saisi sa chance, rampa jusqu'à sa lame, se releva d'un bond et balaya les alentours du regard à la recherche d'une menace.
Et un claquement d'ailes assourdissant attira son attention vers les cieux.
Comme tout bon guerrier, Amir avait été formé à affronter la stupeur et la sidération. Ses muscles, ses réflexes, ne pouvaient être freinés par une simple surprise, par un moment d'hésitation. Aussi, malgré toute la fascination, malgré les larmes qui lui montèrent aux joues à la découverte de la créature céleste descendant vers lui, portée par une paire d'ailes immaculées, il ne s'écroula pas, pas plus qu'il rengaina sa lame. Défiant malgré son insignifiance le milicien demeura droit, prêt à se battre.
Mais ce qui était le fils d'un dieu ne pouvait tolérer la défiance.
“-A genoux.” L'invita l'ange en braquant ses yeux faits de lumière pure sur sa pauvre carcasse. Le poids de la perfection divine s'abattit aussitôt sur Amir. Du sang se mit à couler de son nez alors qu'une douleur impossible venait lui dévorer le crâne. Enfin, l'Ange se posa. Juste à temps pour retenir dans sa chute le corps tétanisé du guerrier des Affranchis. Délicatement, comme si son armure ne pesait rien, que ce n'était qu'un gosse mal-nourris, le premier-né déposa Amir au sol avant de lui confier :
“-Réjouis-toi, mon enfant. Nous venons vous sauver.” Et la bonté siégeant dans son sourire prouvait qu'il disait vrai.
Malazach soupira en dardant les corps à ses pieds. Le Behemoth avait fuit dès que les hallebardes de la garde noire avaient prêté main-forte au fer et à la rage brandis par Qultarn et Phèdre. Il avait laissé dans son sillage un peu de sang et de bave corrosive. Une piste aisée à suivre pour les tueurs de leur assemblée. Valmyria l'avait rejoint au galop, les yeux exorbités par l'urgence.
“-Je vais bien, ma fille.” Rassura-t-il en désignant d'une main les corps allongés. “J'espère que nous pourrons en dire autant de ces malheureux.”
Ils ne portaient pas de sacs, sauf l'archer, ce qui impliquait qu'ils avaient un refuge, probablement celui repéré par leur éclaireur. Lorsque les effets de l'assaut psychique -leur attitude supposément hostile l'avait en effet contraint à la prudence- qu'ils avaient subi s'estomperaient, Malazach espérait bien voir ces premiers nouveaux fidèles les guider eux-mêmes jusqu'à leur bergerie.
Du regard, l'Ange Noir inspecta les environs. Il se trouvait au sommet d’une large colline, dans l’ombre d’un arbre au tronc aussi large qu’une église et d’innombrables lianes pendaient de ses branches feuillues. Voir autant de verdure en Shoumeï, après des années passées dans les confins des terres désolées, avait quelque chose de presque perturbant. Il restait de la vie dans ce pays, les dieux n’avaient pas tout pris, pas encore. Elle était simplement sauvage. En quelques années, sans civilisation autour pour la dompter, plantes et créatures avaient infesté routes et chemins. Un constat encourageant, mais qui risquait de compliquer les retrouvailles avec les communautés locales.
Déjà, alors que le convoi se stoppait autour d'eux et que la Garde Noire s'approchait, les innombrables serfs mortels dépassaient de l'arrière pour s'approcher des locaux inconscients. Rien d'étonnant, puisqu'à l'origine de leur migration, le Haut Cardinal et ses disciples leur avait promis des retrouvailles avec leurs frères égarés, et non une énième vindicative croisade.
Un mur de défunts en armure sombre se dressa bientôt entre la masse et les locaux alors que Malazach ordonnait d'une voix forte :
“-Nos frères ont besoin de temps ! Patientez, et bientôt nous pourrons rejoindre leur refuge !”
Qultarn et Phèdre, encore essoufflés par leur récente bataille avec le Behemoth corrompu, traversèrent l'allée de combattants morts-vivants pour rejoindre l’Ange et sa prêtresse, en même temps qu'une Siame hélas contrainte par sa condition de marcher parmi les mortels. La hargne dont elle avait fait preuve, ses désirs de vengeance, de justice, il n'y en avait plus traces. L'estropiée avait enfoui le tout sous un masque à la froideur familière.
“-L'un d'eux est tombé. Quand nous apprendrons son nom, je souhaiterai qu'il soit compté comme le premier martyr de cette reconquête.” Confia le nécromant, tristement. Ses traits se plissèrent presqu'imperceptiblement, puisque même le chagrin ne pouvait tordre la perfection des cieux. Puis ses yeux vinrent se poser sur le guerrier cornu.”Nous devrons présenter à la famille du défunt la tête de son bourreau. Prends quelques-uns de mes hommes avec toi, puis retrouve donc cette chose pour lui accorder la paix.”
Puisque ces murs, il le savait bien, n'étaient guère plus que de la poudre aux yeux, un mirage rassurant pour les plus impressionnables d'entre-eux. Des rondins de bois ne pouvaient espérer arrêter la charge d'un Behemoth. Tout ce qui dépassait en taille ou en vélocité un homme ordinaire pouvait bondir pour se hisser par-dessus et lorgner du côté des quelques bicoques abritant encore des vies conscientes mais si aisément récoltables. Il n'avait pas peur de mourir, mais l'idée que ses enfants puissent tomber sous les crocs d'un des monstres rôdant près de la côte le terrifiait.
Alors, malgré tout ce que pouvait bien prétendre les penseurs athées des affranchis, la nuit, avant d'aller au lit, Amir faisait ce que son père avait fait avant lui :
Il priait. Avec toute l'humilité et la passion de celui qui se sait n'être qu'un mortel sous le regard impitoyable des dieux : le jeune homme implorait les huit de faire preuve de magnanimité à l'égard des pécheurs de la défunte Shoumeï. La punition s'était avérée exemplaire, il en convenait, mais n'était-ce pas pour leur attribuer une nouvelle chance, que certains avaient été épargnés? La peur au ventre mais l'œil humide face à l'espérance d'une attention divine, il priait jusqu'à ce que sa gorge se noue et que la fatigue ne le prive de paroles.
Là, après avoir rejoint sa femme dans le lit conjugal, le milicien s'endormait le cœur battant, passait une nuit rythmée par des réveils en sursaut au moindre bruits suspects, puis se levait aux aurores…
Pour remplir de nouveau son rôle de protecteur.
Aujourd'hui, Amir était chargé de surveiller la Vieille Route en compagnie du Pisteur Jerek et des deux piquiers, David et Wilbur. Une meute de loups avait été repérée en train de rôder dans les environs et si ces animaux ne montraient en général que peu d'hostilités à l'égard des bipèdes, leur présence pouvait troubler ou pire, attirer l'un des plus gros prédateurs sur place. Le Vieux Borgne ne goûtait que fort peu les troubles qu'amenaient de nouveau prédateurs sur son territoire de chasse.
Et personne, au sein des Affranchis, ne souhaitait apprendre que Le Vieux Borgne avait changé de repère.
Assis aux abords de la route, une carte dépliée sur le genoux et une généreuse tranche de pain noire dans l'autre, le jeune milicien mit un peu de temps à remarquer la stupeur de ses camarades, concentré qu'il était sur l'étude des reliefs de l'ouest du Doreï. Mais le bruit se chargea de tirer son nez hors de ses inspections cartographiques.
Le bruit…oh, leur avancée causait un tel boucan, si orgueilleux, si…stupidement grandiloquent. Les miliciens échangèrent un regard lourd de conséquence tandis que la même pensée venait assaillir leurs esprits aux aguets :
Le Reike, ça ne pouvait être que le Reike.
A la tête de leur convoi se tenaient, sur leurs destriers respectifs, un homme et une femme. Un drakyn et une dame bien frêle, chevauchant devant une bande reikoise...Amir n'avait jamais vu l'Empereur et l'Impératrice, mais son père lui avait légué sa haine envers le couple d'envahisseur en même temps que tout le reste. Se pouvait-il seulement que...
“-Amir, bouge !” Beugla Jarek.
Il s'exécuta inconsciemment, bondit puis roula sous un buisson épineux alors même que l'arbre abattu lui ayant servi de siège l'heure d'avant disparaissait sous une patte griffue et qu'une gueule fendue, aussi longue qu'un homme, se refermait sur la jambe de David. Le piquier n'eut pas le temps d'hurler avant que son agresseur ne le secoue tel un jouet en lui brisant l'échine. La crinière de pique de ce qui avait un jour été un rindo s'hérissa et des arcs électriques s'extirpèrent de son énorme carcasse…une flèche, probablement tirée par Jerek, s'écrasa contre ses écailles bleutée et l'atrocité s'ébroua comme un chien sortant de l'eau.
Malgré l'horreur de la scène, Amir se sentit presque soulagé lorsque l'abomination posa un regard écarlate sur son abri végétal…puisque la chose possédait deux yeux.
Au moins sa mort ne signifiait pas forcément la fin de tout.
“-Abattez cette horreur.” Prononça simplement une voix claire à la provenance indéfinissable, sans animosité ni urgence dans la voix. La bête beugla avant de quitter le champ de vision du milicien pour charger une nouvelle proie.
Amir saisi sa chance, rampa jusqu'à sa lame, se releva d'un bond et balaya les alentours du regard à la recherche d'une menace.
Et un claquement d'ailes assourdissant attira son attention vers les cieux.
Comme tout bon guerrier, Amir avait été formé à affronter la stupeur et la sidération. Ses muscles, ses réflexes, ne pouvaient être freinés par une simple surprise, par un moment d'hésitation. Aussi, malgré toute la fascination, malgré les larmes qui lui montèrent aux joues à la découverte de la créature céleste descendant vers lui, portée par une paire d'ailes immaculées, il ne s'écroula pas, pas plus qu'il rengaina sa lame. Défiant malgré son insignifiance le milicien demeura droit, prêt à se battre.
Mais ce qui était le fils d'un dieu ne pouvait tolérer la défiance.
“-A genoux.” L'invita l'ange en braquant ses yeux faits de lumière pure sur sa pauvre carcasse. Le poids de la perfection divine s'abattit aussitôt sur Amir. Du sang se mit à couler de son nez alors qu'une douleur impossible venait lui dévorer le crâne. Enfin, l'Ange se posa. Juste à temps pour retenir dans sa chute le corps tétanisé du guerrier des Affranchis. Délicatement, comme si son armure ne pesait rien, que ce n'était qu'un gosse mal-nourris, le premier-né déposa Amir au sol avant de lui confier :
“-Réjouis-toi, mon enfant. Nous venons vous sauver.” Et la bonté siégeant dans son sourire prouvait qu'il disait vrai.
Malazach soupira en dardant les corps à ses pieds. Le Behemoth avait fuit dès que les hallebardes de la garde noire avaient prêté main-forte au fer et à la rage brandis par Qultarn et Phèdre. Il avait laissé dans son sillage un peu de sang et de bave corrosive. Une piste aisée à suivre pour les tueurs de leur assemblée. Valmyria l'avait rejoint au galop, les yeux exorbités par l'urgence.
“-Je vais bien, ma fille.” Rassura-t-il en désignant d'une main les corps allongés. “J'espère que nous pourrons en dire autant de ces malheureux.”
Ils ne portaient pas de sacs, sauf l'archer, ce qui impliquait qu'ils avaient un refuge, probablement celui repéré par leur éclaireur. Lorsque les effets de l'assaut psychique -leur attitude supposément hostile l'avait en effet contraint à la prudence- qu'ils avaient subi s'estomperaient, Malazach espérait bien voir ces premiers nouveaux fidèles les guider eux-mêmes jusqu'à leur bergerie.
Du regard, l'Ange Noir inspecta les environs. Il se trouvait au sommet d’une large colline, dans l’ombre d’un arbre au tronc aussi large qu’une église et d’innombrables lianes pendaient de ses branches feuillues. Voir autant de verdure en Shoumeï, après des années passées dans les confins des terres désolées, avait quelque chose de presque perturbant. Il restait de la vie dans ce pays, les dieux n’avaient pas tout pris, pas encore. Elle était simplement sauvage. En quelques années, sans civilisation autour pour la dompter, plantes et créatures avaient infesté routes et chemins. Un constat encourageant, mais qui risquait de compliquer les retrouvailles avec les communautés locales.
Déjà, alors que le convoi se stoppait autour d'eux et que la Garde Noire s'approchait, les innombrables serfs mortels dépassaient de l'arrière pour s'approcher des locaux inconscients. Rien d'étonnant, puisqu'à l'origine de leur migration, le Haut Cardinal et ses disciples leur avait promis des retrouvailles avec leurs frères égarés, et non une énième vindicative croisade.
Un mur de défunts en armure sombre se dressa bientôt entre la masse et les locaux alors que Malazach ordonnait d'une voix forte :
“-Nos frères ont besoin de temps ! Patientez, et bientôt nous pourrons rejoindre leur refuge !”
Qultarn et Phèdre, encore essoufflés par leur récente bataille avec le Behemoth corrompu, traversèrent l'allée de combattants morts-vivants pour rejoindre l’Ange et sa prêtresse, en même temps qu'une Siame hélas contrainte par sa condition de marcher parmi les mortels. La hargne dont elle avait fait preuve, ses désirs de vengeance, de justice, il n'y en avait plus traces. L'estropiée avait enfoui le tout sous un masque à la froideur familière.
“-L'un d'eux est tombé. Quand nous apprendrons son nom, je souhaiterai qu'il soit compté comme le premier martyr de cette reconquête.” Confia le nécromant, tristement. Ses traits se plissèrent presqu'imperceptiblement, puisque même le chagrin ne pouvait tordre la perfection des cieux. Puis ses yeux vinrent se poser sur le guerrier cornu.”Nous devrons présenter à la famille du défunt la tête de son bourreau. Prends quelques-uns de mes hommes avec toi, puis retrouve donc cette chose pour lui accorder la paix.”
✞✞✞ Malazach est Maudit ✞✞✞
-Les pratiquants du Culte des Ombres et les adeptes du Divinisme le voient comme un ange resplendissant.
-Les adeptes du Shierak et les athées, eux, le voient tel qu'il est véritablement ; une créature aussi famélique que sinistre.
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Valmyria
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Citoyen du monde
Qultarn
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Info personnage
Race: Drakyn
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal mauvais
Rang: D
L’attaque du Béhémoth sur les guetteurs tombait à point nommé, songea Qultarn. A n’en point douter, les Titans continuaient de guider leur pas et le cours des événements en leur faveur. Et si le groupe de quatre s’en était mal sorti avant leur arrivée, l’action conjuguée des prêtresses, du drakyn et de la Garde Noire était parvenue à mettre le monstre en fuite, avec une vilaine blessure à la gorge. Son cuir, renforcé tel une armure, l’avait protégé du gros des assauts, mais pas suffisamment pour qu’il soit indemne. Et, comme l’avait pressenti le Fils de Xo’rath, soigner les villageois et s’assurer de leur bien-être ne relevait pas nécessairement des talents du pillard.
Il acquiesça aux ordres du Haut-Cardinal, observant les cinq membres de la Garde Noire qui se rapprochèrent de lui. Il lui avait fallu du temps pour comprendre que, dans leurs armures entièrement scellées, il n’y avait que des os qui se mouvaient, pour accomplir la Volonté des Titans et de leur représentant principal. Cela expliquait leur entêtement taciturne, leur immobilité parfois désarçonnante, et l’obéissance aveugle qui était la leur. Qultarn présuma que leur placement sous ses ordres temporaires ne posa pas problème, et fit signe de se diriger dans la même direction que le rhinocéros.
Même un mort-vivant pourrait suivre la piste : dans sa hâte et sa colère, le béhémoth semait du sang et abattait les arbres et les buissons qu’il croisait de vigoureux coups de corne ou d’épaule. Certains arbustes portaient des traces noires là où les petits éclairs qui naissaient dans sa crinière avait frappé la végétation, et, de toute façon, ses lourds sabots s’enfonçait suffisamment dans le sol, qu’il soit meuble ou dur, pour que la tâche s’avère finalement étonnamment aisée. Ils restèrent toutefois à cheval : la luminosité était largement suffisante pour tenir le rythme, et si la bête galopait au début, elle avait déjà ralenti le rythme, au point qu’ils parvenaient parfois à distinguer même les petites volutes de fumée qui s’élevaient du charbon de bois.
Le relief se fit plus accidenté au bout d’un gros quart d’heure, jusqu’à ce qu’un amoncellement hasardeux de gros rochers ne dévoile un abri de fortune autour duquel le monstre corrompu par l’excès de magie des titans tournait d’un air perturbé. Avec un dernier renâclement, il s’écrasa sous les blocs de pierre, les yeux fixés devant lui, paupières à demi fermées. Qultarn ne put s’empêcher de noter qu’il avait déjà arrêté de saigner. Nul doute que sa vitalité serait exceptionnelle. De plusieurs geste de la main, il indiqua à deux des chevaliers de prendre chacun par un côté, puis leur laissa quelques minutes pour se placer. S’il avait su, il se serait muni d’une lance de chasse plutôt que de son épée, mais il s’agissait des aléas des voyages, et il ne pouvait être en permanence avec une armurerie complète sur le dos.
Quand ils émergèrent devant le monstre, celui-ci leva la tête, et poussa un soufflement rauque avant de se relever, de les pointer de sa corne et de taper du sabot au sol. Agitant la gueule d’un côté à l’autre, il marquait clairement son territoire et son désir que les humanoïdes disparaissent. Malheureusement pour lui, le plan du Fils nécessitait qu’il meurt et que son crâne serve d’offrande aux villageois et à leur défunt. Les six chevaliers, un vivant et cinq décédés, équipèrent leurs boucliers et dégainèrent leurs épées. Qultarn ne put s’empêcher de noter l’ironie à ce qu’ils aient un équipement aussi proche. Il espérait simplement ne pas rejoindre leurs rangs tout de suite, encore qu’il ne déparerait donc pas en si charmante compagnie.
« A l’attaque ! Annonça-t-il. »
Un éclair creusa la terre devant un Garde noir, le faisant trébucher dans un nuage de la poussière ainsi soulevée. Avec une vitesse améliorée magiquement, le drakyn jaillit de derrière lui et entailla le cuir épais du rhinocéros, laissant une longue estafilade superficielle. Les autres chevaliers y allèrent également de leur estocade ou coup de taille, sans grand effet supplémentaire. Le béhémoth poussa un rugissement de colère et rua tout autour de lui, provoquant l’éloignement circonspect du zélote. Un garde ne fut toutefois pas assez rapide, et son armure fut enfoncée de dix bons centimètres au niveau du poitrail, le projetant au sol avec un bruit sourd.
Une poignée de secondes plus tard, il se relevait, raffermissait sa prise sur son arme, et retournant au combat. La non-mort et la magie de Xo’rath le maintenaient aussi efficaces qu’auparavant, et si le faciès du rhinocéros avait été plus expressif, ou la bête plus intelligente, peut-être même auraient-ils pu y lire la surprise. Un coup de corne fit siffler l’air devant Qultarn, qui écarta son bouclier pour ne pas qu’il se fasse emporter. Puis il recula derrière le mur de Gardes Noirs, les laissant attirer l’attention du monstre.
Améliorant sa vitesse au maximum de ses capacités, il prit appui sur un rocher proche pour bondir et atterrir sur le dos du béhémoth. Cramponné d’une main à la corne imposante du monstre, les cuisses serrant son cou pour ne pas qu’il se fasse déloger, il lâcha son épée pour dégainer le couteau qu’il portait toujours à la ceinture, et qui lui servait à tout faire. Des fragments d’électricité commencèrent à picoter sa peau dans la crinière du rhinocéros. Il enfonça son poignard dans l’œil droit du béhémoth, jusqu’à la garde, et laissa une ruade l’expédier quelques mètres plus loin.
Il tomba en plein sur le dos, le souffle coupé, et roula immédiatement plus loin.
Mais le monstre poussait déjà ses derniers vagissements avant se chuter définitivement, une patte battant faiblement en l’air, et les cris devinrent de faibles gémissements avant de se taire définitivement sous le regard froid et impartial de la Garde. Avec un grognement, Qultarn se redressa et pointa du doigt.
« Coupez-lui la tête, qu’on la ramène. »
Ils se mirent à l’ouvrage, ignorant le sang qui venait maculer leurs armures alors que leurs épées s’abattaient rythmiquement et, peut-être, s’ébréchaient sur le cuir du cadavre. L’hémoglobine se répandant encore dans le sol qui la buvait goulûment quand Qultarn reprit son couteau, le nettoya sommairement, et que deux chevaliers soulevèrent le macabre trophée de chasse. Ils rejoignirent l’endroit où ils avaient attaché les chevaux et firent le trajet retour dans un silence qui devenait désormais habituel pour le drakyn. Heureusement, leurs montures mortes-vivantes ne craignaient rien ni personne, et quand il posèrent respectueusement le crâne devant les inconnus et le Haut-Cardinal, Qultarn frappa son cœur du poing.
« La mission a été accomplie, Monseigneur. »
Citoyen du monde
Phèdre
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Phèdre détestait se battre, d’abord parce qu’elle n’était ni douée, ni faite pour cela mais également car cela faisait s’agiter quelque chose de fort déplaisant dans son esprit. Néanmoins, il arrivait parfois qu’on ne lui en laisse pas le choix. Exactement comme lorsque le behemot, gigantesque et monstrueux, entra dans son champ de vision. Ses mains imprimait encore la trace des rênes dans sa paume tant elle avait serré le poing et son air renfrogné en disait long sur ce qu’elle pensait de l’arrivée soudaine de la créature, se demandant s’il s’agissait là de coïncidences ou de manigances. C’eut parfaitement été dans les cordes de Malazach que de prévoir pareille scène, afin de subjuguer les foules. Lui comme Siame avaient toujours été extrêmement doués pour s’attirer les faveurs d’un peuple autrement qu’en parlant, psalmodiant ou tout autre activités très Diviniste. Un art que l’on s’était gardé de lui enseigner, prétextant que sa magie et son visage étaient pour cela amplement suffisants. Et d’ailleurs, elle ne leur donnait pas tort car bien qu’elle fut en tout point parfaite aux yeux de sa mère et que les regards accrochent naturellement sa silhouette, c’était bien sa magie de charme qui agissait présentement faisant passer son air grognon pour quelque chose de plus charismatique qu’il ne l’était en réalité. Une magie parfaite pour qui voulait bouder avec éloquence.
Qultarn et les soldats partis, Phèdre n’eut d’autre choix que de se joindre à la populace, courir les bêtes comme on courait la gueuse, trop peu pour elle. Louvoyant entre leurs gens, elle s’esquiva du duo d’anges assez rapidement et sans faire de bruit pour vaquer à ses propres occupations ; d’abord, elle vérifia leurs stocks d’herbes médicinales et remarqua que certains commençaient à baisser sérieusement. Jouer les domestiques ne l’amusait guère, pas plus que de chevaucher des jours et des jours jusqu’à en avoir les fesses douloureuses, mais c’était toujours mieux que de rester là à regarder le temps passer. Offrant quelques sourires enjôleurs, sublimés par sa magie noire, elle se dégota une petite équipe de serviteurs pour l’aider à la tâche. Elle était sur le point de disparaître avec son groupe pour aller sonder les bois alentour quand l’odeur du désespoir la força à s’arrêter. Le milicien, un piquier comme le fameux David, devina-t-elle, se tenait non loin. L’air grave. Elle l’observa un moment avant de comprendre qu’il s’agissait plus de tristesse que d’autre chose.
— Prenez les devants, je vous rejoins.
Et ils s'exécutèrent tous sans discuter. Le pas léger, Phèdre se dirigea tranquillement vers l’âme esseulé dont elle savait que la plaie béante était une porte grande ouverte à son intention.
— Vous êtes l’autre piquier, c'est cela ? Wilbur ?
L’homme releva la tête, son regard passa sur elle, vitreux, puis se teinta brusquement de cette lueur d’adoration propre à la magie dont elle forçait ses sens à s’enivrer. En réponse, elle se fendit d’un sourire.
— La douleur de la perte est toujours assommante, n’est-ce pas ?
Il continuait de la regarder sans mot dire mais dans ses yeux, elle le voyait mener un combat contre le charme qui l'entourait.
— Ma sœur fera en sorte que son âme se tienne aux côtés des Huit et que David, elle l’avait entendu dire de la bouche de Amir, ne soit ni mort en vain, ni jamais seul. Ayez plutôt pitié de nous, vivants, dont le combat ne fait que commencer.
Un nouveau sourire délicat, un zeste de manipulation d’émotion et elle vit la lueur céder dans son regard. Elle avait gagné.
— Ne restez pas seul, venez avec nous. Proposa-t-elle, la main tendue et s’il ne l’a prit pas, il se releva et hocha la tête avant de lui emboîter le pas.
L’entreprise ne prit pas très longtemps, les petites mains qui s'affairaient étaient efficaces. Ils revinrent juste à temps pour voir partir en cendres le corps du fameux David dont les volutes de fumées semblaient guidées par les chants et les prières des fidèles et de Siame. Si Wilbur passa le cordon pour se tenir aux côtés d’Amir, Phèdre elle se retira simplement pour observer la scène de loin. Jusqu’à ce qu’on l’a prie de reprendre son cheval pour poursuivre leur route.
Qultarn et les soldats partis, Phèdre n’eut d’autre choix que de se joindre à la populace, courir les bêtes comme on courait la gueuse, trop peu pour elle. Louvoyant entre leurs gens, elle s’esquiva du duo d’anges assez rapidement et sans faire de bruit pour vaquer à ses propres occupations ; d’abord, elle vérifia leurs stocks d’herbes médicinales et remarqua que certains commençaient à baisser sérieusement. Jouer les domestiques ne l’amusait guère, pas plus que de chevaucher des jours et des jours jusqu’à en avoir les fesses douloureuses, mais c’était toujours mieux que de rester là à regarder le temps passer. Offrant quelques sourires enjôleurs, sublimés par sa magie noire, elle se dégota une petite équipe de serviteurs pour l’aider à la tâche. Elle était sur le point de disparaître avec son groupe pour aller sonder les bois alentour quand l’odeur du désespoir la força à s’arrêter. Le milicien, un piquier comme le fameux David, devina-t-elle, se tenait non loin. L’air grave. Elle l’observa un moment avant de comprendre qu’il s’agissait plus de tristesse que d’autre chose.
— Prenez les devants, je vous rejoins.
Et ils s'exécutèrent tous sans discuter. Le pas léger, Phèdre se dirigea tranquillement vers l’âme esseulé dont elle savait que la plaie béante était une porte grande ouverte à son intention.
— Vous êtes l’autre piquier, c'est cela ? Wilbur ?
L’homme releva la tête, son regard passa sur elle, vitreux, puis se teinta brusquement de cette lueur d’adoration propre à la magie dont elle forçait ses sens à s’enivrer. En réponse, elle se fendit d’un sourire.
— La douleur de la perte est toujours assommante, n’est-ce pas ?
Il continuait de la regarder sans mot dire mais dans ses yeux, elle le voyait mener un combat contre le charme qui l'entourait.
— Ma sœur fera en sorte que son âme se tienne aux côtés des Huit et que David, elle l’avait entendu dire de la bouche de Amir, ne soit ni mort en vain, ni jamais seul. Ayez plutôt pitié de nous, vivants, dont le combat ne fait que commencer.
Un nouveau sourire délicat, un zeste de manipulation d’émotion et elle vit la lueur céder dans son regard. Elle avait gagné.
— Ne restez pas seul, venez avec nous. Proposa-t-elle, la main tendue et s’il ne l’a prit pas, il se releva et hocha la tête avant de lui emboîter le pas.
L’entreprise ne prit pas très longtemps, les petites mains qui s'affairaient étaient efficaces. Ils revinrent juste à temps pour voir partir en cendres le corps du fameux David dont les volutes de fumées semblaient guidées par les chants et les prières des fidèles et de Siame. Si Wilbur passa le cordon pour se tenir aux côtés d’Amir, Phèdre elle se retira simplement pour observer la scène de loin. Jusqu’à ce qu’on l’a prie de reprendre son cheval pour poursuivre leur route.
Prophétesse
Siame
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Info personnage
Race: Ange
Vocation: Mage soutien
Alignement: Loyal mauvais
Rang: B - Cardinal
L’écho des armes s’était tu, avalé par l’indifférence d’un ciel sourd face aux plaintes des mortels. Le fracas des lames, l’agonie des corps, tout s’était dissous dans un silence oppressant. Siame avait posé un premier pied à terre, bien après la fin du combat. Personne n’attendait plus d’elle à ce qu’elle prenne les armes. L’époque où elle se battait à côté des siens était révolue—et son combat se trouvait désormais ailleurs que sur les champs de bataille. Et si l’Ange ne possédait plus les ailes qui permettaient à n’importe qui d’identifier son ascendance, aucun mortel ne se serait mépris sur son origine. Ceux qui la connaissaient déjà savaient—et leur silence, sur son passage, venait honorer son ancienne souffrance : celle qu’elle avait dû endurer lorsqu’on lui les avait arraché. Et ceux qui n’avaient encore jamais posé les yeux sur elle comprenaient assez vite : inclinez la tête en signe de respect quand elle croisait leur regard, tandis que leurs yeux s’embrumaient à l’idée que l’on ait pu un jour ainsi profaner la Création du Divin.
Et la Prophétesse avait accueilli la demande du Haut-Cardinal d’un subtil hochement de tête, avant de rejoindre les blessés et Valmyria, déjà sur les lieux, s’occupant du pauvre Amir avec le dévouement précieux d’une veilleuse. Clémence et sollicitude traversèrent les traits de l’Ange quand le visage de la Prêtresse se tourna vers elle. Sa main s’égara sur l’épaule de l’elfe, dans un effleurement rêveur, pour l’encourager à continuer sa tâche.
— Sa mort ne sera pas vaine, je vous en fais la promesse. Ses mots avaient accompagné ceux de Valmyria, et la certitude s’enracina dans le cœur du blessé entre ses bras.
Siame dénuda impudiquement le corps de David dans un flegme captivant, refusant de ciller ou de détourner les yeux face à la mort. Elle avait attendu que Phèdre les rejoigne, accompagnée du second piqueur pour prononcer les derniers mots. Dans l’inexorable fixité de son regard, ses yeux finissaient toujours par retrouver la silhouette de sa sœur. Elle resta toute proche du cadavre, tandis que les flammes venaient happer le corps, et que la magie brûlait toujours plus proche de la surface des choses. Accroupie, la tête de David posée sur ses genoux et le regard vide du malheureux toujours vers son visage, elle murmura. Elle murmura, s’adressant directement au trépassé et pourtant, sa prière résonna dans l’esprit de tous les fidèles assistant à la scène—pour qui les mots sonnèrent comme autant de promesses.
— Aujourd’hui, tu rejoins le cortège des Élus, de tous ceux ayant un jour embrassé leur destinée divine sans hésiter. David avait hésité, mais qu’importait. L’histoire était celle que l’on désirait qu’elle soit, n’est-ce pas ? Leur ennemi l’avait démontré tant de fois. Ton sang, offrande sacrée et ta douleur, hommage aux Cieux. Elle posa ses pouces sur son front, traçant une série de symboles. Aux Cieux qui ne connaissent ni pitié, ni pardon. Ton sacrifice sera vengé. Ce Monde qui a craché sur ta foi – sur notre foi – qui a broyé ton corps sous le poids de son ignorance, connaîtra le prix de sa trahison. Tu n’es pas seul. Repose-toi et reçois le jugement de nos Maîtres. Ta gloire sera éternelle, David, Martyr de la Volonté. Je veillerai à ce que ton souvenir soit gravé à jamais dans les pages de notre Histoire. Ton sacrifice ne sera pas oublié et il nourrira le feu de notre cause…
Le parfum des cendres et de la chair brûlée se mélangea aux mots de la Prophétesse. Et sa voix s’était éteinte pour laisser place aux flammes. La terre elle-même s’était prise à retenir son souffle. Siame resta à ses côtés longtemps, sans un cri, ni sans la moindre prière lorsque le feu caressa ses propres mains. Et un calme sinistre avait enveloppé les fidèles—la mort régnant maîtresse, impitoyable, imperturbable.
Aussi impitoyable et imperturbable que l’expression de la Prophétesse, lorsqu’elle se redressa. Lorsque la bulle fragile, intime, qu’elle avait dessiné dans l’esprit des fidèles explosa finalement, une rage fervente, surnaturelle étrangla leur gorge. Aucun d’entre eux n’eut l’idée de rester en retrait, de ne pas suivre le convoi venu les sauver. Parce que leur espoir se confondait avec la crainte qu’ils éprouvaient alors pour ce Monde et pour leur futur—parce que la peur et l’appréhension s’étaient évanouies et une satisfaction vénéneuse s'empara d’elle aux flots d'émotions qu'elle perçu si manifestement.
— Continuons notre route. Nous avons encore tant à faire.
Rejoint par ceux qui s’étaient séparés, le convoi s’était remis en marche, sous la bannière des Titans, et celle de leur Cardinaux, claquant contre le vent vicié et humide. Autour d’eux, de nouveaux fidèles, Âmes conquises par la ferveur des combattants, morts comme vivants, et celle des sermons, les avaient rejoints. Une foi nouvelle brûlait dans leurs veines. Et le reste de la région finirait par s’agenouiller, dès lors le rejeton de l’Arbre Monde enraciné profondément dans la terre du Doreï et dans l'esprit malléable des Mortels.
Et la Prophétesse avait accueilli la demande du Haut-Cardinal d’un subtil hochement de tête, avant de rejoindre les blessés et Valmyria, déjà sur les lieux, s’occupant du pauvre Amir avec le dévouement précieux d’une veilleuse. Clémence et sollicitude traversèrent les traits de l’Ange quand le visage de la Prêtresse se tourna vers elle. Sa main s’égara sur l’épaule de l’elfe, dans un effleurement rêveur, pour l’encourager à continuer sa tâche.
— Sa mort ne sera pas vaine, je vous en fais la promesse. Ses mots avaient accompagné ceux de Valmyria, et la certitude s’enracina dans le cœur du blessé entre ses bras.
Siame dénuda impudiquement le corps de David dans un flegme captivant, refusant de ciller ou de détourner les yeux face à la mort. Elle avait attendu que Phèdre les rejoigne, accompagnée du second piqueur pour prononcer les derniers mots. Dans l’inexorable fixité de son regard, ses yeux finissaient toujours par retrouver la silhouette de sa sœur. Elle resta toute proche du cadavre, tandis que les flammes venaient happer le corps, et que la magie brûlait toujours plus proche de la surface des choses. Accroupie, la tête de David posée sur ses genoux et le regard vide du malheureux toujours vers son visage, elle murmura. Elle murmura, s’adressant directement au trépassé et pourtant, sa prière résonna dans l’esprit de tous les fidèles assistant à la scène—pour qui les mots sonnèrent comme autant de promesses.
— Aujourd’hui, tu rejoins le cortège des Élus, de tous ceux ayant un jour embrassé leur destinée divine sans hésiter. David avait hésité, mais qu’importait. L’histoire était celle que l’on désirait qu’elle soit, n’est-ce pas ? Leur ennemi l’avait démontré tant de fois. Ton sang, offrande sacrée et ta douleur, hommage aux Cieux. Elle posa ses pouces sur son front, traçant une série de symboles. Aux Cieux qui ne connaissent ni pitié, ni pardon. Ton sacrifice sera vengé. Ce Monde qui a craché sur ta foi – sur notre foi – qui a broyé ton corps sous le poids de son ignorance, connaîtra le prix de sa trahison. Tu n’es pas seul. Repose-toi et reçois le jugement de nos Maîtres. Ta gloire sera éternelle, David, Martyr de la Volonté. Je veillerai à ce que ton souvenir soit gravé à jamais dans les pages de notre Histoire. Ton sacrifice ne sera pas oublié et il nourrira le feu de notre cause…
Le parfum des cendres et de la chair brûlée se mélangea aux mots de la Prophétesse. Et sa voix s’était éteinte pour laisser place aux flammes. La terre elle-même s’était prise à retenir son souffle. Siame resta à ses côtés longtemps, sans un cri, ni sans la moindre prière lorsque le feu caressa ses propres mains. Et un calme sinistre avait enveloppé les fidèles—la mort régnant maîtresse, impitoyable, imperturbable.
Aussi impitoyable et imperturbable que l’expression de la Prophétesse, lorsqu’elle se redressa. Lorsque la bulle fragile, intime, qu’elle avait dessiné dans l’esprit des fidèles explosa finalement, une rage fervente, surnaturelle étrangla leur gorge. Aucun d’entre eux n’eut l’idée de rester en retrait, de ne pas suivre le convoi venu les sauver. Parce que leur espoir se confondait avec la crainte qu’ils éprouvaient alors pour ce Monde et pour leur futur—parce que la peur et l’appréhension s’étaient évanouies et une satisfaction vénéneuse s'empara d’elle aux flots d'émotions qu'elle perçu si manifestement.
— Continuons notre route. Nous avons encore tant à faire.
Rejoint par ceux qui s’étaient séparés, le convoi s’était remis en marche, sous la bannière des Titans, et celle de leur Cardinaux, claquant contre le vent vicié et humide. Autour d’eux, de nouveaux fidèles, Âmes conquises par la ferveur des combattants, morts comme vivants, et celle des sermons, les avaient rejoints. Une foi nouvelle brûlait dans leurs veines. Et le reste de la région finirait par s’agenouiller, dès lors le rejeton de l’Arbre Monde enraciné profondément dans la terre du Doreï et dans l'esprit malléable des Mortels.
CENDRES
Citoyen du monde
Malazach
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Info personnage
Race: Ange
Vocation: Mage noir
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Rang: B - Cardinal
La tête décapitée de la créature se voyait déjà auréolée de mouches alors même que son sang n'avait pas fini de couler par sa large nuque tranchée. La difficulté de conservation des matières premières avait toujours été un problème, en milieu chaud et humide, mais cette tête-là n’avait de toutes façons pas pour but d’alimenter la création d’une nouvelle chimère cadavérique. Le Drakyn, probablement fier de son trophée, agrémenta son retour d’un salut primitif et brutal : Poing contre plastron et tête haute, probablement à la manière d’une des innombrables tribus sauvages dont il était originaire. Malazach y répondit d’un hochement de tête et d’une main levée en accordant au regard bestial et jaunâtre le droit de croiser le sien.
“-Je remercie la Chuchoteuse de vous avoir amené parmi nous, mon fils.” Un des gardes noirs, derrière la brute, vint se placer parmi ses frères, l'avant de son armure enfoncé et une partie de ses côtes brisées apparentes. D’une pensée, il lui ordonna de se retirer pour réparer ce gâchis et le mort-vivant s’éclipsa dans un concert de claquement autant métalliques qu’osseux. “J’aimerai vous promettre que l’heure des lames est derrière-nous, mais je crois deviner dans l’attitude de nos hôtes que cette…Chose est loin d’être seule, ici-bas.” Ses ailes battirent l’air d’agacement à l’idée d’autres contretemps et la bourrasque qui en résulta chassa le nuage de mouche s’étant formé autour du crâne bestial. “Reposez-vous.” Reprit-il à voix basse. “Nous repartirons dès lors que ces malheureux auront fini leurs adieux.”
Malazach était resté en retrait alors que les sœurs et la prêtresse s'occupaient de rassurer leurs nouvelles ouailles. Bercées dans un océan de compassion, d'attentions que personne -depuis le cataclysme- ne devait avoir eu seulement les moyens de leur faire don, ils auraient dû s'abandonner complètement à leurs sauveurs, se laisser hypnotiser par les paroles doucereuses de leurs sauveurs. Mais l'un d'eux : le Pisteur, persévérait -lorsqu'il pensait que personne ne le surveillait- à lui attribuer des regards en coin. Ce qui passait pour de la curiosité lors de la première heure ne pouvait à la longue n'être autre chose que de la méfiance.
Et l’origine de cette méfiance à son égard ne pouvait en réalité signifier qu’une chose : L’athéïsme. D’une manière ou d’une autre, certains des membres de la communauté de ces quelques rescapés s’étaient tant et si bien éloignés du culte Shoumeïen que le cancer de l’incroyance avait infiltré leur rang. Comme pour les rats, si il y en avait un, alors plusieurs autres devaient se dissimuler dans l’ombre. Ce qui impliquait qu’ils le verraient sous un jour plus…Réaliste, que les autres brebis égarées.
L’Ange Noir s’y était attendu bien sûr. La malédiction des frères et sœurs de son père -à moins que son Père lui-même ait osé lui infliger lui-même ce fardeau- pesait sur ses épaules depuis assez longtemps pour que ce genre de mauvaises nouvelles ne puisse mettre à mal ses plans. Alors, une fois le brasier mortuaire consumé, il s’était approché du pisteur pour murmurer :
“-Je ressens ta crainte, mon fils.”
L’intéressé -alors occupé à vérifier son paquetage- avait sursauté tandis que l’ombre de larges ailes noires finissait d’obscurcir le ciel au-dessus de lui. Inconsciemment, il rapprocha sa main droite du couteau de chasse à sa ceinture et le geste d’une si grotesque futilité manqua d’arracher un ricanement à la créature pâle au regard abyssal qui le dominait.
“-J'ai entendu dire que c'est toi qui nous guideras.” Repris Malazach en posant une main terminée par de longues griffes et à la peau parcourue de larges sillons de veines noirâtres sur son épaule. “Mais pour guider les autres, il faut un esprit serein.”
Le mortel, après une longue hésitation, acquiesça, non sans avoir longuement lorgné du côté des destriers morts-vivants tirant l’attelage au loin. La prise de la griffe refermée sur son épaule se resserra un peu plus, le forçant à la concentration.
“-Sans la Bénédiction des dieux, la corruption peut troubler l'esprit, faire mentir la vision.” Les crocs de l'Ange Noir se dévoilèrent dans une fissure sardonique alors qu’une paire de gardes noirs passait derrière-lui. “Je sais ce que tu penses voir, mon fils. Mais qu'importe l'enveloppe que me prête tes yeux, les actions ne comptent-elles pas plus que les apparences?”
Une langue crochue, noire comme la suie, sembla caresser les crocs découverts et Jerek cligna des yeux.
“-Je ne suis pas un ingrat, monseigneur.” Se défendit-il en posant une main ouverte sur son coeur.”Et si mon attitude vous a offensé, je m'en excuse. Nous vous devons la vie et ma reconnaissance vous est acquise.
-Mais?” Coupa l'Ange noire.
Ne serait-ce pas des dards qu'il apercevait au bout de ses ailes?
“-Mes yeux ne m'ont jamais trompé.”
L'ironie se mit à faire briller les orbites abyssales de son interlocuteur.
“-La certitude est l'apanage des fous et des vieillards, mon fils.” Enfin, la griffe quitta son épaule. “Tu n’es ni l’un ni l’autre. Sache simplement que même les anges ont souffert lorsque les cieux ont prononcé leur jugement.”
Jerek plissa les yeux en remarquant l’indice d’un sentiment se matérialiser sur le masque sinistre de l’horreur pâle. Des regrets ? Un soupçon de mélancolie soudaine alourdissant le regard affamé pour lui donner un air plus piteux. L’Ange se détourna sans prendre la peine de dissimuler de nouveau ce qui torturait son âme…et s'en alla rejoindre les siens.
“-Il y a des athées, parmi ceux qui se font nommer les Affranchis.” Avait-il confié à Siame, Phèdre et Valmyria avant que la caravane ne se remette en marche.“Cela donne un sens à leur nom. Une nouvelle croyance, probablement basée sur ce qui s’est passé en Shoumeï, refusant la toute puissance des dieux.” D’un geste de la main, il avait éteint la lueur vengeresse s’étant animée dans le regard de Valmyria dès lors que l’incroyance avait été énoncée. “Ce n’est pas une croisade ma fille. Nous venons récupérer les âmes égarées, alors nous devrons être particulièrement tolérants avec ceux qui ne partagent pas la croyance, dans un premier temps." Calmement, le fils de X'orath masqua ses traits divins sous une capuche immaculée. "Puisqu’ils ne sont pas en grand nombre, chacun doit être attaché à son voisin. Souvenez-vous de cela lorsque nous arriverons, puisque certains risquent de voir en nous des envahisseurs plutôt que des sauveurs. Présentez-vous sous votre meilleur jour. C'est la renaissance que nous devons apporter, comme le souhaite l'arbre-monde. Souvenez-vous en.”
On ne pouvait pas dire exactement que le village était fortifié. Les remparts, construits à la va-vite par les premiers arrivants à l’aide de brics et de brocs, ne pouvaient espérer arrêter la charge d’une horreur telle que celle qu’ils avaient croisée à leur arrivée. Les branches des arbres proches donnant sur l’intérieur du camp et passant au-dessus des murs avaient été sciées pour empêcher serpents et autres bêtes arboricoles de tomber depuis les hauteurs et l’on devinait une quinzaine de bicoques toutes aussi miteuses que les remparts à travers ces derniers. Le refuge des affranchis avait été bâti dans une cuvette, entre deux collines et une petite mare, à peine plus grande que la plus large de leur carriole, dominée par un poste de guet fixé au tronc d’un Badamier vieux de plusieurs décennies se tenait non loin de ses portes d’entrées. Aux côtés de chaque baraques, des jardins clairsemés et délimités par quelques barrières au bois pourri s’efforçaient d’alimenter en nourriture les familles vivants ici.
Ils se présentèrent sans masquer leur arrivée. Une dizaine de membres de la Garde Noire derrière-eux -Malazach estimait qu’il n’en faudrait guère plus pour écraser les défenseurs des lieux si jamais ces derniers décidaient d’être hostiles- les émissaires de Bénédictus et les rescapés dépassèrent le poste de guet pour arriver devant les portes du domaine des Affranchis. Là, à une dizaine de pas des battants grinçants, alors qu’un trio de tête interloquées les observaient du haut des pseudo-remparts, Malazach ouvrit bras et ailes avant de se présenter :
“-Affranchis, Bénédictus vous salue ! Je suis Malazach, Haut Cardinal des Huit !” Un concert de murmures plus tard, il reprenait : “Nous venons secourir nos frères perdus lors du grand cataclysme. Nous avons de la nourriture pour les affamés, des hommes et des lames pour repousser vos ennemis. Des onguents pour les souffrants.”
Des textes sacrés pour les ignorants. Une armée de morts contre l’incroyance.
Une voix chevrotante, typique des mortels trop âgés pour continuer à entretenir leur corps dévorés par les rhumatismes, s’éleva pour lui répondre :
“-Jerek, dit-il la vérité?”
L’athé interrogé dépassa la créature ailée, surmonta l’hésitation, ce que son instinct de survie lui hurlait, pour acquiescer :
“-La vérité vraie, Patriarche. Ils nous ont sauvé d’un Behemoth.” Sa voix se brisa et il ajouta.”Mais David est tombé avant cela.”
Le trio de têtes disparu du haut des remparts. Les murmures s’intensifièrent, quelqu’un pleura. Malazach jeta un regard en arrière. A moins d’une cinquantaine de pas de là, le convoi et les serfs mortels attendaient de pouvoir secourir les égarés, seulement… si on leur refusait l’entrée, alors Qultarn et la Garde Noire s’occuperaient de leur aménager un terrain alimenté par les cendres des ingrats avant que la nuit n'ait fini de recouvrir ces terres perdues.
Mais les portes s’ouvrirent, lentement, dans un concert de craquements de mauvaise augure, pour dévoiler la forme tordue d’un vieillard encadré de quelques soldats de fortunes.
“-Entrez, alors.” Salua le vieux en s’appuyant sur le bâton de mage, aux deux extrémités recouvertes d'un rubis, qui lui servait de canne. Alors que Jerek et les autres rescapés le dépassaient au pas de course, s’en allant ainsi rejoindre femmes et enfants, son visage imberbe, couvert de rides, se tordit dans un sourire qui se devait probablement de paraître accueillant mais qui échouait à rendre ses traits moins sévères qu’à l’accoutumée. “Et suis-moi, Haut Cardinal des Huit. Nous avons à parler.”
Le simple fait que cette vermine mortelle, amoindrie, terrassée, par moins d’un seul minable petit siècle d’existence, ose lui parler comme si elle pouvait exiger quoique ce soit d’un être issu de la perfection des cieux était une injure méritant une lente et douloureuse mort aux mains des tortionnaires des cryptes de Bénédictus.
Mais ils n’étaient pas là pour ça.
“-Sous votre meilleur jour.” Répéta-t-il en accordant un regard aux sœurs avant de s’avancer vers l’intérieur du village et suivre le Patriarche jusque dans sa modeste demeure.
Et aucun des habitants ne s’inclina dans son sillage.
“-Je remercie la Chuchoteuse de vous avoir amené parmi nous, mon fils.” Un des gardes noirs, derrière la brute, vint se placer parmi ses frères, l'avant de son armure enfoncé et une partie de ses côtes brisées apparentes. D’une pensée, il lui ordonna de se retirer pour réparer ce gâchis et le mort-vivant s’éclipsa dans un concert de claquement autant métalliques qu’osseux. “J’aimerai vous promettre que l’heure des lames est derrière-nous, mais je crois deviner dans l’attitude de nos hôtes que cette…Chose est loin d’être seule, ici-bas.” Ses ailes battirent l’air d’agacement à l’idée d’autres contretemps et la bourrasque qui en résulta chassa le nuage de mouche s’étant formé autour du crâne bestial. “Reposez-vous.” Reprit-il à voix basse. “Nous repartirons dès lors que ces malheureux auront fini leurs adieux.”
Malazach était resté en retrait alors que les sœurs et la prêtresse s'occupaient de rassurer leurs nouvelles ouailles. Bercées dans un océan de compassion, d'attentions que personne -depuis le cataclysme- ne devait avoir eu seulement les moyens de leur faire don, ils auraient dû s'abandonner complètement à leurs sauveurs, se laisser hypnotiser par les paroles doucereuses de leurs sauveurs. Mais l'un d'eux : le Pisteur, persévérait -lorsqu'il pensait que personne ne le surveillait- à lui attribuer des regards en coin. Ce qui passait pour de la curiosité lors de la première heure ne pouvait à la longue n'être autre chose que de la méfiance.
Et l’origine de cette méfiance à son égard ne pouvait en réalité signifier qu’une chose : L’athéïsme. D’une manière ou d’une autre, certains des membres de la communauté de ces quelques rescapés s’étaient tant et si bien éloignés du culte Shoumeïen que le cancer de l’incroyance avait infiltré leur rang. Comme pour les rats, si il y en avait un, alors plusieurs autres devaient se dissimuler dans l’ombre. Ce qui impliquait qu’ils le verraient sous un jour plus…Réaliste, que les autres brebis égarées.
L’Ange Noir s’y était attendu bien sûr. La malédiction des frères et sœurs de son père -à moins que son Père lui-même ait osé lui infliger lui-même ce fardeau- pesait sur ses épaules depuis assez longtemps pour que ce genre de mauvaises nouvelles ne puisse mettre à mal ses plans. Alors, une fois le brasier mortuaire consumé, il s’était approché du pisteur pour murmurer :
“-Je ressens ta crainte, mon fils.”
L’intéressé -alors occupé à vérifier son paquetage- avait sursauté tandis que l’ombre de larges ailes noires finissait d’obscurcir le ciel au-dessus de lui. Inconsciemment, il rapprocha sa main droite du couteau de chasse à sa ceinture et le geste d’une si grotesque futilité manqua d’arracher un ricanement à la créature pâle au regard abyssal qui le dominait.
“-J'ai entendu dire que c'est toi qui nous guideras.” Repris Malazach en posant une main terminée par de longues griffes et à la peau parcourue de larges sillons de veines noirâtres sur son épaule. “Mais pour guider les autres, il faut un esprit serein.”
Le mortel, après une longue hésitation, acquiesça, non sans avoir longuement lorgné du côté des destriers morts-vivants tirant l’attelage au loin. La prise de la griffe refermée sur son épaule se resserra un peu plus, le forçant à la concentration.
“-Sans la Bénédiction des dieux, la corruption peut troubler l'esprit, faire mentir la vision.” Les crocs de l'Ange Noir se dévoilèrent dans une fissure sardonique alors qu’une paire de gardes noirs passait derrière-lui. “Je sais ce que tu penses voir, mon fils. Mais qu'importe l'enveloppe que me prête tes yeux, les actions ne comptent-elles pas plus que les apparences?”
Une langue crochue, noire comme la suie, sembla caresser les crocs découverts et Jerek cligna des yeux.
“-Je ne suis pas un ingrat, monseigneur.” Se défendit-il en posant une main ouverte sur son coeur.”Et si mon attitude vous a offensé, je m'en excuse. Nous vous devons la vie et ma reconnaissance vous est acquise.
-Mais?” Coupa l'Ange noire.
Ne serait-ce pas des dards qu'il apercevait au bout de ses ailes?
“-Mes yeux ne m'ont jamais trompé.”
L'ironie se mit à faire briller les orbites abyssales de son interlocuteur.
“-La certitude est l'apanage des fous et des vieillards, mon fils.” Enfin, la griffe quitta son épaule. “Tu n’es ni l’un ni l’autre. Sache simplement que même les anges ont souffert lorsque les cieux ont prononcé leur jugement.”
Jerek plissa les yeux en remarquant l’indice d’un sentiment se matérialiser sur le masque sinistre de l’horreur pâle. Des regrets ? Un soupçon de mélancolie soudaine alourdissant le regard affamé pour lui donner un air plus piteux. L’Ange se détourna sans prendre la peine de dissimuler de nouveau ce qui torturait son âme…et s'en alla rejoindre les siens.
“-Il y a des athées, parmi ceux qui se font nommer les Affranchis.” Avait-il confié à Siame, Phèdre et Valmyria avant que la caravane ne se remette en marche.“Cela donne un sens à leur nom. Une nouvelle croyance, probablement basée sur ce qui s’est passé en Shoumeï, refusant la toute puissance des dieux.” D’un geste de la main, il avait éteint la lueur vengeresse s’étant animée dans le regard de Valmyria dès lors que l’incroyance avait été énoncée. “Ce n’est pas une croisade ma fille. Nous venons récupérer les âmes égarées, alors nous devrons être particulièrement tolérants avec ceux qui ne partagent pas la croyance, dans un premier temps." Calmement, le fils de X'orath masqua ses traits divins sous une capuche immaculée. "Puisqu’ils ne sont pas en grand nombre, chacun doit être attaché à son voisin. Souvenez-vous de cela lorsque nous arriverons, puisque certains risquent de voir en nous des envahisseurs plutôt que des sauveurs. Présentez-vous sous votre meilleur jour. C'est la renaissance que nous devons apporter, comme le souhaite l'arbre-monde. Souvenez-vous en.”
On ne pouvait pas dire exactement que le village était fortifié. Les remparts, construits à la va-vite par les premiers arrivants à l’aide de brics et de brocs, ne pouvaient espérer arrêter la charge d’une horreur telle que celle qu’ils avaient croisée à leur arrivée. Les branches des arbres proches donnant sur l’intérieur du camp et passant au-dessus des murs avaient été sciées pour empêcher serpents et autres bêtes arboricoles de tomber depuis les hauteurs et l’on devinait une quinzaine de bicoques toutes aussi miteuses que les remparts à travers ces derniers. Le refuge des affranchis avait été bâti dans une cuvette, entre deux collines et une petite mare, à peine plus grande que la plus large de leur carriole, dominée par un poste de guet fixé au tronc d’un Badamier vieux de plusieurs décennies se tenait non loin de ses portes d’entrées. Aux côtés de chaque baraques, des jardins clairsemés et délimités par quelques barrières au bois pourri s’efforçaient d’alimenter en nourriture les familles vivants ici.
Ils se présentèrent sans masquer leur arrivée. Une dizaine de membres de la Garde Noire derrière-eux -Malazach estimait qu’il n’en faudrait guère plus pour écraser les défenseurs des lieux si jamais ces derniers décidaient d’être hostiles- les émissaires de Bénédictus et les rescapés dépassèrent le poste de guet pour arriver devant les portes du domaine des Affranchis. Là, à une dizaine de pas des battants grinçants, alors qu’un trio de tête interloquées les observaient du haut des pseudo-remparts, Malazach ouvrit bras et ailes avant de se présenter :
“-Affranchis, Bénédictus vous salue ! Je suis Malazach, Haut Cardinal des Huit !” Un concert de murmures plus tard, il reprenait : “Nous venons secourir nos frères perdus lors du grand cataclysme. Nous avons de la nourriture pour les affamés, des hommes et des lames pour repousser vos ennemis. Des onguents pour les souffrants.”
Des textes sacrés pour les ignorants. Une armée de morts contre l’incroyance.
Une voix chevrotante, typique des mortels trop âgés pour continuer à entretenir leur corps dévorés par les rhumatismes, s’éleva pour lui répondre :
“-Jerek, dit-il la vérité?”
L’athé interrogé dépassa la créature ailée, surmonta l’hésitation, ce que son instinct de survie lui hurlait, pour acquiescer :
“-La vérité vraie, Patriarche. Ils nous ont sauvé d’un Behemoth.” Sa voix se brisa et il ajouta.”Mais David est tombé avant cela.”
Le trio de têtes disparu du haut des remparts. Les murmures s’intensifièrent, quelqu’un pleura. Malazach jeta un regard en arrière. A moins d’une cinquantaine de pas de là, le convoi et les serfs mortels attendaient de pouvoir secourir les égarés, seulement… si on leur refusait l’entrée, alors Qultarn et la Garde Noire s’occuperaient de leur aménager un terrain alimenté par les cendres des ingrats avant que la nuit n'ait fini de recouvrir ces terres perdues.
Mais les portes s’ouvrirent, lentement, dans un concert de craquements de mauvaise augure, pour dévoiler la forme tordue d’un vieillard encadré de quelques soldats de fortunes.
“-Entrez, alors.” Salua le vieux en s’appuyant sur le bâton de mage, aux deux extrémités recouvertes d'un rubis, qui lui servait de canne. Alors que Jerek et les autres rescapés le dépassaient au pas de course, s’en allant ainsi rejoindre femmes et enfants, son visage imberbe, couvert de rides, se tordit dans un sourire qui se devait probablement de paraître accueillant mais qui échouait à rendre ses traits moins sévères qu’à l’accoutumée. “Et suis-moi, Haut Cardinal des Huit. Nous avons à parler.”
Le simple fait que cette vermine mortelle, amoindrie, terrassée, par moins d’un seul minable petit siècle d’existence, ose lui parler comme si elle pouvait exiger quoique ce soit d’un être issu de la perfection des cieux était une injure méritant une lente et douloureuse mort aux mains des tortionnaires des cryptes de Bénédictus.
Mais ils n’étaient pas là pour ça.
“-Sous votre meilleur jour.” Répéta-t-il en accordant un regard aux sœurs avant de s’avancer vers l’intérieur du village et suivre le Patriarche jusque dans sa modeste demeure.
Et aucun des habitants ne s’inclina dans son sillage.
✞✞✞ Malazach est Maudit ✞✞✞
-Les pratiquants du Culte des Ombres et les adeptes du Divinisme le voient comme un ange resplendissant.
-Les adeptes du Shierak et les athées, eux, le voient tel qu'il est véritablement ; une créature aussi famélique que sinistre.
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Qultarn
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Info personnage
Race: Drakyn
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal mauvais
Rang: D
Le village avait ce côté misérable qui faisait que Qultarn ne pouvait s’empêcher de penser à sa jeunesse : la vie était rude dans les terres sauvages du nord, et les rares poches de civilisation étaient refermées sur elles-mêmes, tâchant de survivre avant de s’étendre, et si chaque chef de hameau avait l’espoir d’attirer la prospérité pour procéder à une expansion sur des territoires au pire vaguement occupés, au mieux libres, la vérité était que passer l’hiver restait la préoccupation principale de chacune des familles. Le lieu sur lequel ils avaient jeté leur dévolu ne faisait pas exception à la règle. Les quelques maisons étaient regroupées de façon hasardeuse autour d’une petite place centrale avec un puit à la margelle usée, et les habitants regardèrent arriver la procession avec un mélange de crainte et d’anticipation.
La distribution de biens de première nécessité avait gommé la peur pour laisser place à un mélange un peu chaotique de méfiance, de soulagement et de joie. Car tout comme il fallait se lever le matin pour se procurer de quoi se nourrir, rien n’était jamais gratuit, dans cette vie ou les suivantes, et une troupe dont une partie avait une allure clairement martiale qui débarquait pour les sauver et leur donner tout ce dont ils avaient besoin ne pouvait signifier qu’une seule chose. La majorité se souvenait encore de l’époque de Shoumeï et de ses seigneurs.
De fait, sur ordre du Haut-Cardinal, une partie des Gardes Noirs lui furent affectés afin de sécuriser le périmètre. Il laissa les vérifications pour planter le Bourgeon aux prélats, s’attardant plutôt sur la palissade de fortune, qui servait probablement davantage à cacher la vue du village aux personnes extérieures, qu’à fournir une réelle protection contre les envahisseurs et les monstres qui hantaient la les collines proches. Une poignée de chevaliers non-vivants suffirait probablement à l’abattre, ainsi que l’ensemble des habitants, songea le drakyn.
Il afficha une expression sérieuse et concentrée quand Amir, la sentinelle qu’ils avaient rencontrée au tout début, lui montra une ouverture dérobée par laquelle les femmes et les enfants pourraient s’enfuir si nécessaire. Tout cela était parfaitement inutile, mais l’homme avait besoin de montrer qu’il avait repris la charge portée auparavant par son père, et qu’il avait fait tout le nécessaire pour protéger sa communauté. Les instructions du Haut-Cardinal étaient claires, il fallait s’en faire des alliés, jusqu’à ce qu’ils soient prêts à donner leur vie pour protéger le Bourgeon de l’Arbre-Monde, qu’il répande son influence sur les terres perdues du Doreï, afin d’en faire un nouveau Bénédictus.
« C’est malin, dit Qultarn.
- Nous espérons surtout ne jamais en avoir besoin, ce qui est le cas jusqu’à présent.
- Et pour les campagnes alentours ? Vous avez du gibier ? Des problèmes avec des monstres ou des béhémots sur votre territoire ? »
Le Fidèle n’avait pas la prétention d’être un bon chasseur, mais il savait traquer, surtout les Hommes à la vérité, mais les bêtes n’étaient pas foncièrement si différentes. Restait la question de savoir s’il existait d’autres groupes dans les environs, avec lesquels ils pourraient y avoir des bisbilles ou des conflits autour des maigres ressources restantes. Mais, en arrivant de l’autre côté de la colline, il put constater la présence d’une série de champs en terrasse, dans lesquels les hommes du village travaillaient présentement. Il ne leur accorda qu’un regard général, évaluant vaguement leur nombre, avant de reporter son attention sur Amir, qui reprenait la parole.
« Nous avions suffisamment de gibier, des cerfs, des biches, des chevreuils, des faisans sauvages, bref, un peu de tout sans compter les lapins ou les oiseaux que nous parvenions à peser. Mais depuis la Guerre, la faune est moins présente, il y a davantage de béhémoths qui rôdent, d’où la nécessité de moins s’éloigner du village. Nous organisons régulièrement des battues pour s’assurer que rien ne traîne trop sur notre territoire.
- Je vois.
- Et la situation a encore empiré depuis quelques mois. Maintenant, la moindre créature fait preuve d’agressivité. Roeli s’est fait arracher un doigt par un lièvre pris dans un piège pas plus tard que la semaine dernière ! »
Qultarn poussa un sifflement de commisération. Il prendrait soin d’achever les proies avant de les sortir des collets, à l’avenir.
« Nous ne savons pas quelle est la cause de tout cela, mais les béhémoths sont également plus nombreux, se battent régulièrement entre eux, et chassent tout ce qu’ils peuvent, qu’il s’agisse de nous ou de nos cibles habituelles, ce qui ne facilite pas la situation.
- Je comprends. Les béhémoths viennent souvent ?
- Pas tant que ça. Il y en a quelques-uns que nous avons l’habitude de voir. A priori, la région est plutôt sous la domination de l’un d’entre eux, que nous appelons le Vieux Borgne. Il y a davantage de loups aussi, qui cherchent à voler nos troupeaux, évidemment. »
Le drakyn poussa un grognement. Les loups, cela pouvait se gérer. Il faudrait même sans doute commencer par là, pour que les bergers puissent emmener pâturer le bétail. Mais la mention d’un béhémoth qui assurait sa mainmise sur le territoire attisa davantage sa curiosité.
« Et le Vieux Borgne ?
- Il s’agit d’un genre de mélange entre un serpent géant et un crocodile, peut-être ? En tout cas, sa peau est couverture d’écailles, et il est doté de pattes qui lui permettent de se déplacer très rapidement sur terre comme dans l’eau. Heureusement, du fait de son côté reptilien, on suppose, il est chasse peu fréquemment, et digère la majorité du temps. Et quand les autres béhémoths deviennent trop actifs, il arrive qu’il sorte de son trou pour en dévorer un.
- Donc il vous aide ? Demande Qultarn, incrédule.
- Non, non, fit Amir en secouant la tête avec un sourire plein d’auto-dérision. La majeure partie du temps, c’est plutôt nous qu’il cherche et trouve. »
Le regard du garde pointa vers le lointain.
« C’est mon père qui lui a crevé un œil il y a de cela des années. Il n’en est jamais revenu. »
Le drakyn se contenta d’un grognement désolé.
« Occupons-nous de cette meute de loups, déjà. »
Le travail n’attendait pas.
Citoyen du monde
Phèdre
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Si Phèdre et Eris étaient rarement en accord l’une avec l’autre, la vue du village leur firent le même effet ; une envie tenace et viscérale de rentrer à la maison pour retrouver le confort luxueux dont elles jouissaient. La maison était, toutefois, différente pour l’une et l’autre. En tout cas, ce n’était rien de comparable à ce qu’elles avaient sous les yeux. Phèdre dû faire un effort pour ne pas lancer un regard à sa sœur, pas certaine de ce qu’elle pourrait y trouver : compréhension, désapprobation. Autrefois, elle aurait été certaine d’y trouver une lueur espiègle, un rien qui lui laissait supposer que leurs pensées étaient les mêmes. Ils en avaient longtemps était ainsi. Hélas, le temps était passé et si elle avait l’impression que c’était hier qu’elles s’étaient quittées, elle n’avait que trop conscience des changements qui s’étaient opérés chez Siame. A moins qu’elle n’ait toujours été ainsi et qu’enfin, elle l’a voyait avec lucidité. Phèdre préférait encore ne pas savoir, même la mort n’avait su lui arracher l’amour qu’elle portait à son aîné, ce n'était pas cette épreuve ridicule qui en aurait raison. C’était, en tout cas, ce qu’elle voulait croire.
- Oui, Haut Cardinal… Murmura-t-elle du bout des lèvres lorsque Malazach se fendit d’un rappel discret et qu’il emboîta le pas au Patriarche. Ça ne lui plaisait guère, de devoir ainsi se séparer des siens. Ce n’était qu’un piètre village qui leur aurait été aisé d’écraser comme un moucheron, débordant de pauvres âmes en perdition qu’il serait bon de remettre sur le droit chemin. Exactement la raison de leur venue, d’ailleurs. - Je vais m’occuper des textes sacrés. Prévint-elle Siame avant de s’en détourner d’une démarche naturellement féline et assurée. Elle regagna l’arrière de leur cortège réduit pour récupérer quelques gros ouvrages nécessaire à toute bonne bibliothèque Diviniste et s’engagea à son tour dans les entrailles de la petite ville sommaire.
Sans surprise, elle y découvrit des familles entières. Des enfants curieux mais silencieux, qui se cachaient dans les jupes de leurs mères, lesquelles semblaient méfiantes autant par la venue d’étrangers que la raison de leur présence. Il fallait dire que les nouvelles allaient bon train dans ce genre d’endroit et certaines, sans nul doute, ne partageaient guère la foi de Phèdre. Ce qui ne la dérangeait pas le moins du monde. Fût un temps, elle s’en serait insurgée. Fût un temps, elle les aurait forcé à la soumission par la force s’il s’en fallait. Comme une enfant capricieuse à qui l’on aurait refusé quelque chose. Aujourd’hui, peut-être à cause de l’influence d’Eris, elle était plus encline à l’acceptation.
L’endroit n’était pas grand, mais rien n’indiquait ou se trouvait quoi. Après avoir fait plusieurs tours dans les ruelles boueuses et ses bras fins accusant le poids des lourds ouvrages qu’elle tenait, Phèdre se décida enfin à demander sa route. Mais avant, elle se drapa de cette magie qu’elle affectionnait tant ; la séduction. L’enfant qu’elle aborda était maigrichon mais ses joues roses prouvaient qu’il mangeait à sa faim. Il l’a regarda de ses grands yeux noisettes, sans ciller.
- Bonjour, commença Phèdre de sa voix veloutée.
Il garda les lèvres closes.
- Pourrais-tu me dire où se trouve la bibliothèque ?
Ou ce qui s’en approchait. Mais l’enfant continua de la regarder fixement, sans se fendre du moindre mot. Loin de s’en énerver, Phèdre se baissa péniblement à sa hauteur.
- Vos érudits ? Où travaillent-ils ?
Mais encore une fois, au lieu de répondre, il tendit sa petite main pour saisir délicatement une mèche de cheveux blancs entre ses doigts qu’il fit lentement glisser. Puis lorsqu’elle retomba silencieusement sur l’épaule de sa propriétaire, il pointa du doigt un bâtiment aux hautes portes en bois parcouru d’arabesques en fer.
- Merci.
Alors qu’elle se relevait, les doigts du petit garçon s’agitèrent en un mélange de signes incompréhensibles. Phèdre était sur le point de lui expliquer qu’elle ne comprenait pas un traître mot lorsqu’une voix fluette s’éleva derrière lui.
- Il dit que vous êtes jolie comme un ange.
Sa sœur ; la forme de leurs visages ainsi que la couleur de leurs yeux trahissaient leurs liens du sang. Phèdre hésita un instant, troublé, avant de sourire légèrement.
- Mais je ne suis pas un ange. Elle tourna simplement les talons en direction du haut bâtiment qui la toisait, l’attendant.
La demi-fae passa un temps fou à dispenser autant de savoir qu’elle le pouvait en un lapse de temps si réduit, elle leur offrit également son aide face à quelques grimoires magiques récalcitrant qu’ils peinaient à gérer depuis des lustres et leur fit cadeau d’un exemplaire d’un livre un saint. Une copie en vérité, destinée à ce genre de situation où il leur faudrait dispenser la bonne parole. A son arrivée ils étaient hésitants, lorsqu’elle quitta l’endroit elle en avait conquis la plupart. De part son charme, mais aussi de sa magie. La manière importait peu, c’était le résultat qui prévalait.
- Oui, Haut Cardinal… Murmura-t-elle du bout des lèvres lorsque Malazach se fendit d’un rappel discret et qu’il emboîta le pas au Patriarche. Ça ne lui plaisait guère, de devoir ainsi se séparer des siens. Ce n’était qu’un piètre village qui leur aurait été aisé d’écraser comme un moucheron, débordant de pauvres âmes en perdition qu’il serait bon de remettre sur le droit chemin. Exactement la raison de leur venue, d’ailleurs. - Je vais m’occuper des textes sacrés. Prévint-elle Siame avant de s’en détourner d’une démarche naturellement féline et assurée. Elle regagna l’arrière de leur cortège réduit pour récupérer quelques gros ouvrages nécessaire à toute bonne bibliothèque Diviniste et s’engagea à son tour dans les entrailles de la petite ville sommaire.
Sans surprise, elle y découvrit des familles entières. Des enfants curieux mais silencieux, qui se cachaient dans les jupes de leurs mères, lesquelles semblaient méfiantes autant par la venue d’étrangers que la raison de leur présence. Il fallait dire que les nouvelles allaient bon train dans ce genre d’endroit et certaines, sans nul doute, ne partageaient guère la foi de Phèdre. Ce qui ne la dérangeait pas le moins du monde. Fût un temps, elle s’en serait insurgée. Fût un temps, elle les aurait forcé à la soumission par la force s’il s’en fallait. Comme une enfant capricieuse à qui l’on aurait refusé quelque chose. Aujourd’hui, peut-être à cause de l’influence d’Eris, elle était plus encline à l’acceptation.
L’endroit n’était pas grand, mais rien n’indiquait ou se trouvait quoi. Après avoir fait plusieurs tours dans les ruelles boueuses et ses bras fins accusant le poids des lourds ouvrages qu’elle tenait, Phèdre se décida enfin à demander sa route. Mais avant, elle se drapa de cette magie qu’elle affectionnait tant ; la séduction. L’enfant qu’elle aborda était maigrichon mais ses joues roses prouvaient qu’il mangeait à sa faim. Il l’a regarda de ses grands yeux noisettes, sans ciller.
- Bonjour, commença Phèdre de sa voix veloutée.
Il garda les lèvres closes.
- Pourrais-tu me dire où se trouve la bibliothèque ?
Ou ce qui s’en approchait. Mais l’enfant continua de la regarder fixement, sans se fendre du moindre mot. Loin de s’en énerver, Phèdre se baissa péniblement à sa hauteur.
- Vos érudits ? Où travaillent-ils ?
Mais encore une fois, au lieu de répondre, il tendit sa petite main pour saisir délicatement une mèche de cheveux blancs entre ses doigts qu’il fit lentement glisser. Puis lorsqu’elle retomba silencieusement sur l’épaule de sa propriétaire, il pointa du doigt un bâtiment aux hautes portes en bois parcouru d’arabesques en fer.
- Merci.
Alors qu’elle se relevait, les doigts du petit garçon s’agitèrent en un mélange de signes incompréhensibles. Phèdre était sur le point de lui expliquer qu’elle ne comprenait pas un traître mot lorsqu’une voix fluette s’éleva derrière lui.
- Il dit que vous êtes jolie comme un ange.
Sa sœur ; la forme de leurs visages ainsi que la couleur de leurs yeux trahissaient leurs liens du sang. Phèdre hésita un instant, troublé, avant de sourire légèrement.
- Mais je ne suis pas un ange. Elle tourna simplement les talons en direction du haut bâtiment qui la toisait, l’attendant.
La demi-fae passa un temps fou à dispenser autant de savoir qu’elle le pouvait en un lapse de temps si réduit, elle leur offrit également son aide face à quelques grimoires magiques récalcitrant qu’ils peinaient à gérer depuis des lustres et leur fit cadeau d’un exemplaire d’un livre un saint. Une copie en vérité, destinée à ce genre de situation où il leur faudrait dispenser la bonne parole. A son arrivée ils étaient hésitants, lorsqu’elle quitta l’endroit elle en avait conquis la plupart. De part son charme, mais aussi de sa magie. La manière importait peu, c’était le résultat qui prévalait.
Prophétesse
Siame
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Info personnage
Race: Ange
Vocation: Mage soutien
Alignement: Loyal mauvais
Rang: B - Cardinal
Pour Malazach, elle avait eu un bref haussement de sourcil impudent lorsqu’il débita un avertissement à son encontre. Elle se garda de lui exprimer ce qu’elle en pensait – elle n’a jamais aimé qu’on lui dise ce qu’elle avait à faire, encore moins aujourd’hui, encore moins quand elle avait passé cinq milles ans seule avec elle-même pour s’en sortir – et qu’hélas, elle ne trouvait pas lieu de s’en alarmer – elle a néanmoins le temps de le maudire mille fois dans sa tête. Ce n’était pas le sujet. Ils avaient tous ici un dessein et Siame entendait bien mener cette mission à bien ; refusait catégoriquement toute forme d’échec. Étendre l’influence de l’Arbre Monde et sa corruption était la seule chose qui comptait à cet instant précis. Et elle s’y acharnerait—car après tout, dans un Monde où les lois du manichéisme interdisaient aux pêcheurs de l’emporter, tout ça ne pouvait être que de l’acharnement. Elle laissa à sa sœur la liberté de faire comme elle l’entendait – et il n’y avait bien qu’à elle, qu’elle le permettait – quand celle-ci marqua la distance entre elles pour accomplir sa tâche. Siame chassa le tiraillement entre ses côtes, le genre qui battait au rythme des non-dits et des choses à régler. Loin était l’époque de Célestia. Loin était sa mission divine—cette mission dont elle ne voulait plus. Elle se concentra sur la raison de leur présence ici. La suite de l’Histoire serait non pas écrite par les Titans, mais par leurs Enfants. Par cette Volonté, qui tâchait de récolter les morceaux brisés de ce peuple abandonné.
Elle se dirigea vers le chariot près duquel se trouvait déjà la Prêtresse—desserra la mâchoire à son approche, tandis que les pèlerins commissionnés par Valmyria se détournèrent pour vaquer à la mission qu’elle leur avait donnée. Le bleu affamé de ses yeux quand elle tendit ses doigts vers le bourgeon arrachèrent un sourire amusé à l’Ange.
— Prenez-le, Valmyria. Portez-le, vous méritez d’être celle qui le plantera.
Ensemble, elles s’étaient dirigées vers le centre du village, et un groupe s’était formé autour d’elles, l’appréhension et la curiosité brûlant au fond de leurs yeux. Certains s’étaient agenouillés au passage de la Prophétesse—quand la présence de l’Ange mutilée inspirait autant de peine que de douleur dans le cœur des croyants. Elle avait toujours haï percevoir leur pitié, avait en abomination leur apitoiement, tout autant que le sien. Pourtant, Siame avait fini par apprendre à le capitaliser, à s’attirer ainsi leur profonde inclination. Oui, certains s’étaient agenouillés, mais pas tous. Malazach les avait prévenus. Des regards furtifs, coupables, méfiants, se posèrent sur elle et Siame s’arrêta net pour planter ses yeux en silex dans ceux du mortel qui refusa de bouger sur leur passage. Sa voix, un peu plus forte que celle des autres. Sa foi, un peu plus vacillante que celle des autres. Il s’approcha, pointa du menton le rejeton de l’Arbre Monde dans les bras de la Prêtresse.
— Qu’avez-vous l’intention de faire avec ça ?
Des murmures dubitatifs, conspirateurs, accueillent la question. Et Siame comprend alors que c’est plus ou moins l’ouverture qu’elle attendait. Elle pose sur lui un regard à l’aridité superbe, immuable.
— Qui parle ?
Elle sent l’homme retracer des yeux la pureté presque inquiétante de ses traits—avait constaté avec le temps que sa beauté froide avait tendance à faire frémir.
— Ivan. Mon nom est Ivan. Il poursuivit sans attendre, trop heureux de pouvoir dégueuler la douleur qu’il portait comme un boulet depuis cinq années. Ange, puisque c’est bien ce que tu es. Ce que vous êtes, toi et l’Autre. Pourquoi venez-vous ici ? Nous avons prié, nous avons offert tout ce que nous avions aux Titans, et ils nous ont trahis. Ils nous ont abandonnés. Pourquoi devrions-nous vous suivre et vous faire confiance à nouveau ? Pourquoi planter cette chose – le dégoût se confond avec la peur, quand il pose à nouveau ses yeux sur l’enfant bourgeonnant – que vous apportez ? Est-ce un don, ou une malédiction ?
Il se demande alors comment un regard pouvait être aussi doux que dur, quand il croise à nouveau celui de la Prophétesse.
— C’est vrai. Ils vous ont abandonné. Ils l’ont fait... Mais ils m’ont abandonnée aussi. Nous aussi. Je suis leur Fille, mais leurs Cieux sont devenus sourds pour moi aussi. Ce que nous apportons n’est ni un don, ni une malédiction. C’est une réponse. Et c’est la seule qu’il vous reste.
Il y a en face un piétinement embarrassé. Un claquement de langue ; et le froissement des mains qui cherchent du réconfort l’une contre l’autre. Les pas d’un enfant qui accourt pour rejoindre son père.
— Ce… Cette chose n’a rien de Divin. Elle suinte le mal, je le sens. Et tu voudrais que nous lui fassions confiance ?
— Le mal ? Son sourire prit une inflexion différente. Mais regardez autour de vous Ivan : notre Terre est déjà corrompue. Si vos enfants ne meurent pas aux griffes de créatures déviantes, ils mourront de faim. Vos prières sont devenues des échos vides—sans plus personne pour les guider. Croyez-vous que les Titans reviendront – non, bien sûr que non – sans la preuve que nous sommes dignes ? Que nous avons lavé nos erreurs du passé ? Non. Mais l’Arbre Monde, son essence, elle, nous répond présentement. Elle comprend votre souffrance, votre peur. Et elle les transformera.
— En quoi ?
— En force. En protection. En tout ce dont vous avez besoin pour survivre. C’est la réponse, la naissance d’une foi renouvelée, enracinée dans la vérité et non dans des promesses creuses. Abandonnez vos doutes Ivan. Il suffisait de le convaincre, et les autres suivraient. Accueillez-le, laissez-le grandir et il étendra ses racines dans cette terre stérile. Il rendra vos champs fertiles à nouveau. La lueur dans le regard de l’Ange se teinte d’une cruauté qu’il ne parvient pas à percevoir. Mais tout ça à un prix. Votre abandon.
— Et s’il nous détruit, au lieu de nous sauver ?
Elle sent le doute, l’hésitation s’infiltrer dans son esprit, appuie dessus et le pousse à son avantage.
— Vous êtes déjà détruits, Mortels. Ce que vous craignez de perdre, vous ne l’avez déjà plus. Nous ne vous offrons pas la paix, nous vous offrons une chance. Le Monde changera, oui. Que vous soyez convaincus ou non. Si vous restez ici – et s’ils étaient encore là, c’était qu’ils refusaient de partir – votre sang nourrira les racines de l’Arbre, peu importe la façon, la Corruption vous rattrapera. Libre à vous de choisir comment. Je ne vous mentirais pas. Je ne vous offrirais que la vérité. Et une voie. Un avenir.
Le silence retomba. Ivan passa les mains sous le bras de son fils pour le prendre contre lui. Parce que les Cieux ne l’intéressaient plus, puisqu’ils avaient décidé de ne plus répondre à ses prières. Oh bien sûr, les plus croyants leur vouaient toujours un culte indéfectible, mais ceux-là avaient oublié la différence entre ferveur et besoin. Les Cieux ne pourraient nourrir leurs enfants. Ni les guérir d’une fièvre, ni les protéger des créatures maudites. Et enfin, enfin, Siame sentit ce qu’elle attendait depuis le début : l’hésitation.
— Essayez. Approchez. Éprouvez sa force. Constatez sa valeur. Elle les invita tous : tous les Affranchis, tous ceux qui avaient besoin d’être convaincus. Songez à tout ce que nous pourrions accomplir ; à tout ce que nous pourrions reconstruire… Une main pâle, fine et longue, montra le bourgeon noirâtre palpitant dans les bras de Valmyria. La chose vivait, respirait lentement comme un cœur sombre.
Ils l’observent longuement—finissent par approcher timidement.
Parce qu’aucun ici n’avait l’envie de se faire engloutir et absorber par les puissances ennemies. Et Siame voit ses mots tisser leur chemin vers eux. Parce que ni le Reike, ni la République ne pourrait jamais leur rendre ce qu’ils désiraient réellement : leur identité.
Elle se dirigea vers le chariot près duquel se trouvait déjà la Prêtresse—desserra la mâchoire à son approche, tandis que les pèlerins commissionnés par Valmyria se détournèrent pour vaquer à la mission qu’elle leur avait donnée. Le bleu affamé de ses yeux quand elle tendit ses doigts vers le bourgeon arrachèrent un sourire amusé à l’Ange.
— Prenez-le, Valmyria. Portez-le, vous méritez d’être celle qui le plantera.
Ensemble, elles s’étaient dirigées vers le centre du village, et un groupe s’était formé autour d’elles, l’appréhension et la curiosité brûlant au fond de leurs yeux. Certains s’étaient agenouillés au passage de la Prophétesse—quand la présence de l’Ange mutilée inspirait autant de peine que de douleur dans le cœur des croyants. Elle avait toujours haï percevoir leur pitié, avait en abomination leur apitoiement, tout autant que le sien. Pourtant, Siame avait fini par apprendre à le capitaliser, à s’attirer ainsi leur profonde inclination. Oui, certains s’étaient agenouillés, mais pas tous. Malazach les avait prévenus. Des regards furtifs, coupables, méfiants, se posèrent sur elle et Siame s’arrêta net pour planter ses yeux en silex dans ceux du mortel qui refusa de bouger sur leur passage. Sa voix, un peu plus forte que celle des autres. Sa foi, un peu plus vacillante que celle des autres. Il s’approcha, pointa du menton le rejeton de l’Arbre Monde dans les bras de la Prêtresse.
— Qu’avez-vous l’intention de faire avec ça ?
Des murmures dubitatifs, conspirateurs, accueillent la question. Et Siame comprend alors que c’est plus ou moins l’ouverture qu’elle attendait. Elle pose sur lui un regard à l’aridité superbe, immuable.
— Qui parle ?
Elle sent l’homme retracer des yeux la pureté presque inquiétante de ses traits—avait constaté avec le temps que sa beauté froide avait tendance à faire frémir.
— Ivan. Mon nom est Ivan. Il poursuivit sans attendre, trop heureux de pouvoir dégueuler la douleur qu’il portait comme un boulet depuis cinq années. Ange, puisque c’est bien ce que tu es. Ce que vous êtes, toi et l’Autre. Pourquoi venez-vous ici ? Nous avons prié, nous avons offert tout ce que nous avions aux Titans, et ils nous ont trahis. Ils nous ont abandonnés. Pourquoi devrions-nous vous suivre et vous faire confiance à nouveau ? Pourquoi planter cette chose – le dégoût se confond avec la peur, quand il pose à nouveau ses yeux sur l’enfant bourgeonnant – que vous apportez ? Est-ce un don, ou une malédiction ?
Il se demande alors comment un regard pouvait être aussi doux que dur, quand il croise à nouveau celui de la Prophétesse.
— C’est vrai. Ils vous ont abandonné. Ils l’ont fait... Mais ils m’ont abandonnée aussi. Nous aussi. Je suis leur Fille, mais leurs Cieux sont devenus sourds pour moi aussi. Ce que nous apportons n’est ni un don, ni une malédiction. C’est une réponse. Et c’est la seule qu’il vous reste.
Il y a en face un piétinement embarrassé. Un claquement de langue ; et le froissement des mains qui cherchent du réconfort l’une contre l’autre. Les pas d’un enfant qui accourt pour rejoindre son père.
— Ce… Cette chose n’a rien de Divin. Elle suinte le mal, je le sens. Et tu voudrais que nous lui fassions confiance ?
— Le mal ? Son sourire prit une inflexion différente. Mais regardez autour de vous Ivan : notre Terre est déjà corrompue. Si vos enfants ne meurent pas aux griffes de créatures déviantes, ils mourront de faim. Vos prières sont devenues des échos vides—sans plus personne pour les guider. Croyez-vous que les Titans reviendront – non, bien sûr que non – sans la preuve que nous sommes dignes ? Que nous avons lavé nos erreurs du passé ? Non. Mais l’Arbre Monde, son essence, elle, nous répond présentement. Elle comprend votre souffrance, votre peur. Et elle les transformera.
— En quoi ?
— En force. En protection. En tout ce dont vous avez besoin pour survivre. C’est la réponse, la naissance d’une foi renouvelée, enracinée dans la vérité et non dans des promesses creuses. Abandonnez vos doutes Ivan. Il suffisait de le convaincre, et les autres suivraient. Accueillez-le, laissez-le grandir et il étendra ses racines dans cette terre stérile. Il rendra vos champs fertiles à nouveau. La lueur dans le regard de l’Ange se teinte d’une cruauté qu’il ne parvient pas à percevoir. Mais tout ça à un prix. Votre abandon.
— Et s’il nous détruit, au lieu de nous sauver ?
Elle sent le doute, l’hésitation s’infiltrer dans son esprit, appuie dessus et le pousse à son avantage.
— Vous êtes déjà détruits, Mortels. Ce que vous craignez de perdre, vous ne l’avez déjà plus. Nous ne vous offrons pas la paix, nous vous offrons une chance. Le Monde changera, oui. Que vous soyez convaincus ou non. Si vous restez ici – et s’ils étaient encore là, c’était qu’ils refusaient de partir – votre sang nourrira les racines de l’Arbre, peu importe la façon, la Corruption vous rattrapera. Libre à vous de choisir comment. Je ne vous mentirais pas. Je ne vous offrirais que la vérité. Et une voie. Un avenir.
Le silence retomba. Ivan passa les mains sous le bras de son fils pour le prendre contre lui. Parce que les Cieux ne l’intéressaient plus, puisqu’ils avaient décidé de ne plus répondre à ses prières. Oh bien sûr, les plus croyants leur vouaient toujours un culte indéfectible, mais ceux-là avaient oublié la différence entre ferveur et besoin. Les Cieux ne pourraient nourrir leurs enfants. Ni les guérir d’une fièvre, ni les protéger des créatures maudites. Et enfin, enfin, Siame sentit ce qu’elle attendait depuis le début : l’hésitation.
— Essayez. Approchez. Éprouvez sa force. Constatez sa valeur. Elle les invita tous : tous les Affranchis, tous ceux qui avaient besoin d’être convaincus. Songez à tout ce que nous pourrions accomplir ; à tout ce que nous pourrions reconstruire… Une main pâle, fine et longue, montra le bourgeon noirâtre palpitant dans les bras de Valmyria. La chose vivait, respirait lentement comme un cœur sombre.
Ils l’observent longuement—finissent par approcher timidement.
Parce qu’aucun ici n’avait l’envie de se faire engloutir et absorber par les puissances ennemies. Et Siame voit ses mots tisser leur chemin vers eux. Parce que ni le Reike, ni la République ne pourrait jamais leur rendre ce qu’ils désiraient réellement : leur identité.
CENDRES
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