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    Neera Storm
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    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t832-neera-storm-termineehttps://www.rp-cendres.com/t837-neera-liens#5839https://www.rp-cendres.com/t836-neera-storm-chronologie#5836
  • Mer 20 Nov - 13:37
    La Cité Blanche se dressait comme un joyau immaculé au sein du Shoumeï. On aurait presque dit, de loin, que la ville n’était pas atteinte par la corruption qui l’entourait. Imperturbable, tenace, ceux qui la gouvernaient voulaient la changer en bastion inébranlable, pour ne pas que la contamination qui polluait ces terres la gangrénât à son tour. En tout cas, c’était le sentiment de Neera. Le décret impérial avait certes eu la volonté de rendre aux locaux certaines portions de la ville, mais la vérité, c’était qu’une lutte intestine, invisible et bien plus sournoise, semblait avoir commencé depuis quelques mois déjà. Pour le prouver, il suffisait d’écouter les ragots dans les tavernes du coin. Là, à l’extérieur des remparts, on disait que les plantes prenaient vie, que les animaux devenaient fous, ou au moins qu’ils étaient instables et agressifs. On racontait encore que la magie fluctuait, comme si cette dernière faisait des caprices ; certains voyageurs avaient même été bloqués pendant des jours à cause de tempêtes surnaturelles difficilement maîtrisables. Plus encore, les récoltes, déjà maigres, avaient eu tendance à se gâter très vite, comme si la nature faisait tout pour rendre la vie des Shoumeiens pénibles, et c’était un bien sinistre présage, à l’approche de l’hiver.  

    Mais, contrairement à ce qu’on pourrait le croire, la corruption ne s’arrêtait pas qu’aux portes de Maël. Dans la ville, la cité semblait… sous tension. Était-ce parce qu’il y aurait prochainement des changements politiques au sein de ce bastion reikois ? La nomination d’un tribun et d’un intendant suscitait tous les espoirs et toutes les critiques possibles. Mais ce qui mettait le plus en rogne le bas peuple, c’était davantage la nourriture. Une diète était imposée, puisque les ressources étaient peu abondantes ; or la faim suscitait mille contrariétés pour les citoyens qui vivaient sur place. La belle, de son côté, n’avait pas eu à en souffrir, mais l’aubergiste lui avait néanmoins confié que les temps étaient durs, que les Divins montraient leur colère : même les maladies étaient de plus en plus fréquentes ces derniers temps. Son commis a tout faire, par exemple, était cloué au lit depuis une semaine à cause d’une fièvre qui ne passait pas, et le fait que les médecins soient débordés n’arrangeaient rien.

    Face à toutes ces mauvaises nouvelles, la Tornade n’avait pu que compatir avec la vie presque drastique des habitants : en comparaison, vivre en République semblait un luxe inédit. Même Kaizoku s’en sortait mieux, songea-t-elle, alors qu’elle profitait de son arrêt à la métropole pour refaire quelques provisions de voyage. Une ancienne connaissance, qui avait fait ses études à Magic avant de faire librement sa vie, l’accompagnait. Elle avait la soixantaine, déjà, et voyait donc le poids des ans puisqu’elle était une humaine. Mais Elise était d’autre part encore dynamique, et elle était, surtout, passionnée par la vie du Shoumei. Qui plus est, la vieille était bavarde, elle n’avait donc même pas besoin de chercher un sujet de conversation, et parfois, cela pouvait être agréable.

    - Et donc tu as tout ?
    - Oui, au moins pour quelques jours. Il faudra sans doute que je me renfloue à Ikusa, à moins que je ne décide de monter sur un navire pour regagner le pays.
    - Il faut juste trouver un capitaine qui soit partant. Et puis, tu n’as pas trop le pied marin, si j’ai bonne mémoire.
    - On ne peut pas tout avoir, réplique philosophiquement Neera. Mais au besoin, j’ai un ami capitaine qui m’a recommandé quelques bons contacts, sourit l’élémentaliste, en se souvenant de sa rencontre avec Altarus. Il est plus probable que je passe par le Reike, cependant. Ce ne sera pas la première fois, de toute façon. Messire, est-ce que vous pouvez me donner votre gourde, là ? La mienne est trop usée et est sur le point de se trouer.

    Il n’est point difficile de faire procéder à l’échange, et même, la magicienne n’est pas trop regardante concernant le prix demandé par l’artisan. Pour une fois (oui ça arrive), elle peut faire contre bonne fortune bon cœur. L’échange, d’ailleurs, se fait facilement, et la demi-titan s’apprête à ranger son bourse et à s’emparer de sa nouvelle acquisition. Mais voilà qu’un manant la bouscule, comme s’il avait le feu aux trousses. Surprise, Neera titube, vacille un instant, est uniquement rattrapée par sa camarade.

    - Eh là, doucement !

    La sexagénaire rouspète, plus à l’intention de l’inconnu que la Tornade. Celle-ci se redresse déjà, alors que l’autre a repris sa marche et est déjà à quelques mètres du duo pour s'évanouir dans la foule. Visiblement, il a rejoint d'autres compères.

    - C’est bon, je n’ai rien rien, tente de la calmer la Républicaine alors qu’elle se penche pour ramasser la gourde, qu’elle a laissé tomber par mégarde.
    - Ca n’empêche pas qu’il devrait faire attention ! grogne son vis-à-vis. Il y a de ces types, je te jure ! Et puis, je l’ai reconnu, celui-là. C’est le fils d’un valeureux menuisier des Pins Argentés, mais contrairement à son père, c’est un fainéant qui a tout abandonné pour se convertir à la « vraie foi ». Il a, paraît-il, coupé tous les ponts avec sa famille – alors qu’il devait reprendre l’entreprise familiale, tu te rends compte – et depuis, il est devenu un voyou qui fréquente une des églises de Maël.
    Neera l’écoute sans piper mot, davantage parce que la vie de cet inconnu ne l’intéresse pas et parce que les étals sur le marché sont plus intéressants. Mais bientôt, elle sent que son interlocutrice attend une réaction alors elle finit par déblatérer quelque chose.
    - Eh bien, c’est bien triste pour sa famille, observe l’élémentaliste alors qu’elle s’engage à nouveau dans l’allée commerçante.
    - Il n’a même pas eu de pitié pour sa pauvre mère !
    - Il est jeune, il se repentira peut-être, rétorque Neera.
    - Hum, j’en doute. Beaucoup de divinistes s’en vont chercher leur bonheur ailleurs ces derniers temps.
    - Comme ceux qui sont venus à Courage, tu veux dire ?
    - Oui… et non. Il y a quelques groupes de pèlerins qui cherchent à aller à Bénédictus récemment. Essentiellement parce qu’ils n’aiment pas la mentalité reikoise.
    « Surprenant », songe avec une certaine ironie la semi-titanide. Mais la mention de la Ville Sainte la turlupine un moment.
    - Il y a un an, c’était une ville morte, pourtant, ose-t-elle remarquer.
    - Il y a un an, oui, mais plus maintenant. Tu veux acheter un porte-plume ?
    C’est que la voyageuse s’est arrêtée près d’un artisan qui se concentre manifestement sur l’art de la calligraphie, et Neera a laissé sa main glisser vers l’un de ceux-ci.
    - Ca pourrait faire un joli cadeau à la Perfectionniste, fait pensivement la Tornade.
    - Oui, sa poignée est même décorée et ça ne te dérangera pas dans ton sac de voyage… Qu’est-ce qu’il y a ?
    Le regard de la semi-titanide s’est manifestement troublé alors que, quelques secondes plus tard, une vérité dérangeante lui saute aux yeux.
    - Je ne trouve plus ma bourse, siffle-t-elle.
    Surprise, Elise se tait un instant, avant de dire la première pensée qui lui vient à l’esprit :
    - Tu l’avais il y a un instant.
    - Je te dis que je ne l’ai pas, rétorque Neera avec une légère bride d’impatience. Il n’y avait rien de plus désagréable que de perdre son porte-feuille, au fond. Pourtant, je suis sûre de l’avoir bien rangée dans ma cape, finit par maugréer l’intéressée.
    - Et nous n’avons rien fait d’autres à part rencontrer le fils du… ah !
    La vieille femme est la première à comprendre, et bientôt, Neera finit aussi par tiquer.
    Le vol à la tire, ça a toujours été une sacrée crasse.
    - Elise, dis-moi où est cette église de Maël. Je dois dire un mot à ce garçon. Assez rapidement.

    ***

    - Je m’excuse, ma dame, mais un groupe de pèlerins vient tout juste de partir vers les portes de Maël et de ce que vous me dites, Dave était parmi eux.

    Le juron qui sort des lèvres de l’élémentaliste est tout, sauf bienveillant.

    - Quand je te disais que c’était un voyou ! s’exclame sa compagne, en s’attirant ainsi le regard désobligeant du prêtre.
    - Sauf votre respect, c’est un brave converti, qui voulait faire un don à la Prophétesse pour montrer la pureté de sa foi.
    - La Pro-quoi ? demande Neera en se massant les tempes. Puis, voyant que son interlocuteur va lui répondre d’un air passionné, elle abandonne aussitôt cette idée. Non, en fait, laissez tomber, je n’ai pas le temps. Ils sont déjà partis ?
    - Si vous vous dépêchez, vous pourrez peut-être les rattraper.
    - Parfait.
    Neera tourne déjà les talons sous le regard presqu’épouvanté d’Elise.
    - Neera ? Neera, attends, qu’est-ce que tu fais ?
    - Je vais retrouver ce voleur avant qu’il ne disparaisse dans la nature, évidemment, réplique la Tornade.
    - Mais tu sais comment le reconnaître ?
    - Il a des cheveux roux comme l’aube au lever du soleil. Et des tâches de rousseur à gogo, en plus d’être maigre comme un clou. J’espère que ça suffira, marmonne la principale intéressée.
    - Mais tu ne comptais pas partir en fin de matinée ?
    - J’y comptais, fait la jeune femme d’un ton un peu ironique. Mais sans argent, tu m’expliques comment je rentre en République ?
    Un ange passe et face au regard soudain abasourdi de la sexagénaire, Neera a un sourire mi-figue mi-raisin.
    - C’est bien ce que je me disais.

    ***

    Dans l’absolu, Elise aurait pu lui avancer de l’argent, mais la vie était suffisamment difficile comme cela, et la vieille se serait mise dans des difficultés considérables. La Tornade n’avait pas eu à cœur de lui imposer cela, surtout que, en s’y prenant bien, elle pouvait encore mettre la main sur le coupable.

    Seulement, les choses étaient rarement simples et… Pourquoi il devait tant y avoir de monde en cette heure précise de la journée, près des remparts de la ville ?

    - Aaah, ça me gave.

    Les choses auraient pu être pire, pourtant. La jeune femme avait eu la présence d’esprit de déjà payer le prix de sa chambre avant de partir au marché frugal des Maëliens et elle pouvait voyager sans soucis pendant quelques jours. Là où les choses faisaient mal, c’est qu’elle n’avait pas les moyens de se payer la traversée de la Mer des Anciens ; et une fois dans l’Empire, il lui faudrait naturellement quelques ressources pécuniaires pour assurer la traversée du désert. L’alternative de partir sur le Grand Océan pour rejoindre les terres de la République étaient aussi une option, mais même si son rôle à Magic pouvait être alléchant pour la plupart des capitaines, les négociations risquaient d’être longues et infructueuses sans une petite compensation financière. Enfin, la troisième option aurait été d’aller trouver la baronne de Boktor, mais celle-ci avait subitement beaucoup à faire, et Neera préférait tenter de récupérer ce qui était sien tant qu’elle en avait les moyens.

    - Vous avez pas d’chances, ma p’tite dame, déclara un mendiant. Je les ai vus partir y a pas longtemps, ces misérables, ils savent pas dans quoi ils s’embarquent, vu tout ce qu’il y a dehors. Et même vous, vous devriez renoncer à votre argent, si vous voulez mon avis. Faut pas y aller seule, au moins, sinon c’est la mort assurée, c’est moi qui vous l'dis. Au moins, vous pouvez être sûr que le gosse touchera pas à votre argent, s’il veut le donner aux dieux, ou je ne sais quoi.

    Maigre consolation quand même, et Elise en rajouta une couche.

    - Il vaut mieux trouver une autre solution, Neera, tu ne le sais pas, mais il y a des massacres dehors, des meurtres dont on n’a pas attrapé les coupables. Tu sais que le manoir d’un haut notable reikois a été détruite il y a peu de temps de ça ? Et ce n’est pas qu’il a seulement été tué, même sa dépouille et ses autres serviteurs ont été profanés. Des femmes, des en…
    - Je ne compte pas me mettre dans les ennuis à ce point-là, répond la Tornade, mais je ne peux pas rester au Shoumei non plus pendant dix ans.
    - C’que je peux vous dire, lance le vieillard, c’est que le Drakyn, là-bas, il semblait au courant de leur destination, puisqu’il a parlé à quelques-uns des jeunes. Peut-être qu’il pourra vous dire quoi. J’pense en plus qu’il connaît relativement bien le coin et qu’il saura peut-être trouver des raccourcis pour les ratrapper. En tout cas, vous perdez rien, m’dame.
    - Hum. Merci à vous, mon brave.

    - Vous avez soigné mon bras, c’est la moindre des choses, rétorqua le vieillard. A peu de choses près, la plaie s’infectait et allait se gangr…
    - Le Drakyn semble partir, l’interrompt gentiment Neera. Je vous laisse là.

    C’est sur ces entrefaites que la jeune femme prend congé, sous la mine inquiète de sa compagne. « Ce Drakyn a pas bel air », blablabla, blablabla, et Neera finit par balayer ses avertissements d’un mouvement d’épaules.

    - Je pars juste à la pêche aux informations, ne t’en fais pas. D’ailleurs, elle se râcle la gorge pour interpeler l’homme-dragon qui n’est désormais plus loin d’elle. Ils sont clairement aux antipodes l’un de l’autre. Elle, une magicienne, qui peut être balayée comme un fétu de paille, mais qui est paradoxalement puissante, et lui, le guerrier, qui semble être une force de la nature grâce à sa race et à son équipement. Excusez-moi. La politesse, au fond, ça n’a jamais fait de mal, mais d’autre part, la Tornade se veut assez directe, quand son vis-à-vis se tourne en face d’elle. Vous semblez avoir échangé quelques mots avec un groupe de pèlerins qui vient de partir. L’un d’eux, un jeune aux cheveux roux m’a dérobé ma bourse et j’en ai besoin pour rentrer chez moi. On ne peut pas faire plus clair, au moins. Apparemment, c’est un gosse qui veut faire un don à une Prophétesse ou je ne sais quoi. Neera ne connaît littéralement rien à la Volonté des Titans, et ça peut être un bien comme un mal. Ils viennent de partir. Savez-vous où ils se dirigent ?
    Citoyen du monde
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    Qultarn
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    Race: Drakyn
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    qui suis-je ?:
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  • Dim 24 Nov - 11:17

    Qultarn était de plus en plus présent à Maël. Contrairement aux autres membres de la Volonté des Titans et de l’Arbre-Monde, sa race n’attirait pas outre-mesure l’attention. C’était même, à la vérité, plutôt l’inverse : le Reike regorgeait de drakyns, de loin la race non-humaine la plus présente dans l’empire, donc le fait de les voir un peu partout et de plus en plus dans la Cité Blanche, et pas uniquement au sein des forces d’occupation, avait quelque chose de moins choquant qu’ailleurs dans l’ex-Shoumeï.

    Cela valait évidemment pour les anges, qui seraient sûrement mal accueillis par les colons, et même la populace, qui pourrait les blâmer du châtiment que les Titans leur ont infligé. Il éloigna ses pensées d’une ornière trop souvent pratiquée sur le manque de Foi des shoumeïens, et adressa un sourire aimable au caravanier qui le bouscula en marmonnant un mot d’excuse. Surplombant une grande partie de la maigre foule rassemblée aux portes de la ville pour avoir les dernières nouvelles ou acheter et vendre des cargaisons de marchandises, il frotta machinalement le côté de sa cuisse, là où ses tatouages reikois et du Berceau s’étaient trouvé il y a plusieurs mois de cela. Au moins, personne ne le confondrait pour un soldat de l’empire, désormais.

    Toujours était-il qu’il avait endossé l’histoire et l’apparence d’un mercenaire drakyn qui traînait dans les territoires de la théocratie, accompagnant les pèlerins et voyageurs dans leurs trajets dangereux. Cela lui permettait de se faire connaître dans Maël, et c’était une étape nécessaire s’ils voulaient continuer à destabiliser la ville et remettre ses habitants sur la voie du vrai divinisme. Le Reike avait décidé de permettre la pratique de la religion à leurs yeux hérétique et de ne pas totalement effacer la culture locale, mais ce n’était que reculer pour mieux sauter : la présence des forces d’occupation ferait son oeuvre petit à petit. Il fallait simplement leur laisser le temps d’influencer subtilement le peuple et les notables. Ces derniers représentaient probablement le risque principal, car ils avaient tout à gagner à revenir à une forme d’ordre structuré dont ils tireraient leur épingle.

    Massacrer les impies et laisser des messages ensanglantés sur les murs ne suffirait pas à convaincre la populace de revenir dans les églises divinistes. Aussi dommage que cela puisse être.

    Circulant à travers la foule, il arriva finalement auprès de Tadgh, un marchand établi dans un petit local à proximité des portes, et qui faisait le gros de ses affaires en mettant en relation des gens, et en faisant de l’achat et revente des commerçants pressés de repartir. Le nain lui adressa un signe de tête alors que de l’argent changeait de mains et que l’humain qui lui faisait face partait en pestant. Qultarn haussa un sourcil interrogateur.

    « Il doit repartir dans une heure pour attraper une péniche sur la Mer du Berceau. Il pense probablement avoir eu une information sur la carence de tissu au Reike, et veut se dépêcher d’arriver le premier avec sa cargaison, fit Tadgh en haussant les épaules.
    - Il n’y a pas en permanence une pénurie de tissu au Reike ?
    - Ha, parfois, on se demanderait. Mais non, pas à ma connaissance.
    - Et tu ne lui as rien dit ?
    - Il paraissait si pressé de laisser filer sa cargaison d’épices que je n’ai pas eu le coeur de l’interrompre. Tu me connais, trop gentil. »

    Le drakyn eut un sourire en coin en s’accroupissant pour être davantage à la hauteur du commerçant roublard.

    « Des nouvelles pour moi ?
    - Rien de particulier. Je t’ai vu discuter avec Dave et les autres. Il se passe quelque chose ?
    - Non, rien de particulier, ils voulaient savoir s’ils devaient faire attention à des choses spécifiques sur la route.
    - Oh. Et ?
    - Non. C’est calme. »

    Le nain hocha la tête, agita la main au loin.

    « Je te retiens pas, Qultarn. Hésite pas si tu as besoin de quoi que ce soit.
    - Je vais essayer de voir si quelqu’un recrute.
    - Bon courage.
    - Merci, que les Titans te gardent.
    - Toi aussi, répondit-il distraitement. »

    De fait, Tadgh n’était pas vraiment un pratiquant zélé. Il appartenaient plutôt à cette masse des fidèles par habitude, qui, tant que leur vie n’était pas trop bousculée, n’éprouvaient ni haine ni amour envers la religion de leurs ancêtres. Cela dit, ses connexions dans toute la ville étaient très attrayantes pour le drakyn, qui comptait un peu là-dessus pour se faire connaître, commencer àç échanger avec les divinistes importantes de la Cité. Se redressant dans un craquement de genoux et un clinquement métallique, il posa une main sur le pommeau de son épée pour l’écarter du chemin d’un porteur chargé comme un boeuf, et fit quelques pas pensifs en direction des grandes portes. Peut-être reviendrait-il demain, après une nuit de repos à l’Auberge du Voyageur Fourbu.

    Un petit bout de femme l’accosta soudainement, et il tourna son attention vers elle, ses yeux d’un jaune délavé prenant la mesure de sa peau mate, de sa chevelure blanche malgré une trentaine approximative, et de la suiveuse qui se ratatinait derrière elle, et qui aurait pu être sa mère si elles avaient eu le moindre trait en commun. La demande le surprit, et il se figea quelques instants en réfléchissant à la position inconfortable dans laquelle Dave venait de le placer. Certes, faire des dons à la cause était une bonne chose, car ils avaient tout de même besoin d’acheter des choses, et de manger pour ceux d’entre eux qui n’avaient pas la chance d’être des anges, mais il ne fallait pas attiser la curiosité des autorités en le faisant.

    D’un autre côté, elle n’était pas allée voir les autorités pour l’instant, et semblait vouloir récupérer ses affaires. Elle semblait seule, également. Dans le pire des cas, il pourrait partir dans la nature avec elles deux et les éliminer dans un coin désolé avant de laisser les béhémoths se repaître de leurs carcasses. Personne ne ferait le lien avec lui s’il s’absentait une poignée de semaines pour retourner à Bénédictus. Ce serait également l’occasion de rappeler à Dave qu’il fallait rester discret.

    Il se passa une main fatiguée sur le visage.

    « Oui, ils cherchaient des informations sur la route vers le sud. Dave, le gamin ? demanda Qultarn en soupirant. Il file un mauvais coton ces dernières semaines. La nomination de l’Intendant l’a peut-être affecté plus que de raison. La Prophétesse, vous dites ? »

    Le drakyn serra imperceptiblement le poing sur son épée. Le peuple devait effectivement écouter les prédications des prélats, y compris et peut-être même surtout celles de Siame, mais est-ce que clamer son nom sous tous les toits étaient une bonne chose ? Il n’en avait pas la moindre idée. Il pensait juste qu’il fallait éviter d’attirer trop l’attention pour l’instant. D’un autre côté, l’église tenait toujours et les fidèles qui s’y pressaient étaient toujours plus nombreux. Il se nota de lui poser la question à son retour à Bénédictus.

    « Je ne sais pas exactement de qui il s’agit ou bien où elle se trouve, répondit-il d’un mensonge facile, mais je suppose qu’ils cherchent à rejoindre l’église des Remèdes. C’est un genre de chapelle à une journée de marche environ de Maël, au sommet d’une montagne escarpée. Quelques prêtres continuent à gérer l’entretien des lieux et vivent des offrandes des fidèles. »

    Il laissa passer quelques instants. Puis Qultarn se racla la gorge.

    « Il se trouve que je suis actuellement à la recherche d’un contrat, et que j’ai l’habitude de guider les voyageurs dans les environs de Maël. De nombreux dangers rôdent dans les territoires de l’ex-Shoumeï, avec les béhémoths, et l’influence de l’Arbre-Monde qui joue sur la magie. Je ne parle même pas des meurtres qui ont lieu dans les campagnes alentours. Personne n’a jamais réussi à attraper les coupables, mais il se murmure que ce sont les infidèles et les impies qui sont ainsi chassés. »

    Il n’éprouvait aucune honte à faire grandir sa propre légende, et puis il pratiquait là les boniments de tout mercenaire en quête d’un recrutement, dans tous les cas. Ses doigts tapèrent doucement sa corne droite en signe de confiance.

    « Pour une pièce d’or et cinq pièces d’argent, je peux vous guider jusque-là et revenir à Maël. Le chemin n’est pas évident. »

    L’hameçon était lancé, et si les prix n’étaient pas attractifs, il ne comptait pas négocier bien longtemps avant d’accepter pour mettre un point et un poing finaux à cette histoire. Les deux petites femmes ne savaient manifestement pas dans quoi elles se lançaient dans tous les cas.
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    Neera Storm
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  • Ven 29 Nov - 20:17
    Aux portes de la ville, la foule se presse, soit pour voguer à ses affaires, soit pour obtenir quelques nouvelles du monde extérieur. Au-delà des marchands, c’est aussi quelques messagers qui entrent et qui sortent de la Cité Blanche, certains pour donner des missives de moindre importance, d’autres pour faire état de la situation sur les terres du Shoumeï – et il est évident que ces lettres atterriront tôt ou tard sur le bureau de quelques personnes de pouvoir. Neera caresse un instant l’idée d’envoyer une lettre à Dorylis et à la Perfectionniste, mais pour l’heure, la priorité est surtout de se renseigner sur la piste de son voleur. Puisque la magicienne ne connaît personne, elle doit bien se rabattre sur les quelques informations qu’a bien voulu lui transmettre le vieux mendiant. Le Drakyn, selon ses dires, connaît la région et a même parlé au groupe de pèlerins, alors il s’avère être une source de première main.

    - Il pourrait ne pas te faire confiance, grommelle Elise.
    - J’espère bien, souffle Neera avec une pointe d’amusement, je ne le connais pas, que je sache.
    - Et même si tu sors de la ville, tu pourrais ne pas rattraper le gamin, remarque encore la vieille femme.
    - Peut-être, mais ils viennent juste de s’en aller. C’est un risque à prendre. La chance aidant, on aura un rythme plus rapide qu’eux, puisqu’ils sont un groupe de pélerinage, et on les retrouvera dans une auberge du coin.

    La conversation s’arrête là puisque la Tornade aborde finalement l’ancien gardien du Berceau, et elle ne bronche pas quand il se retourne vers elle. Son regard semble un peu surpris – faut dire que Dave a dû rester discret sur son méfait – mais au moins, le guerrier ne nie pas avoir rencontré le jeune diviniste. Peu lui chaut que la nomination du nouvel intendant l’ait perturbé, l’enseignante a presqu’envie de dire qu’elle n’en a rien à carrer. Mais diplomate, la Tornade retient de dire ce qu’elle pense pour le moment, elle a besoin d’informations et il lui faut savoir tenir sa langue.

    - L’Eglise des Remèdes, fait-elle d’un air songeur. Une journée de marche, ça reste faisable.

    Et elle aurait de quoi tenir jusque-là, se dit-elle intérieurement, en considérant ses quelques provisions. Le nouveau raclement de gorge interrompt cependant ses pensées et elle écoute son interlocuteur lui proposer ses services.  Apparemment, il a l’habitude de guider les voyageurs, dit-il, et les dangers sont légions, en dehors des murs de Maël. La jeune femme pose ses yeux sur le mercenaire alors qu’elle pèse le pour et le contre. La Tornade a déjà voyagé seule, ses pouvoirs sont normalement suffisants pour qu’elle s’en sorte, mais comme le Drakyn le lui a signalé, la magie est de plus en plus capricieuse ces temps-ci. Sans compter les meurtres dont Elise lui a rabattu les oreilles. Hum…

    - Avant que vous ne vous fassiez des idées, je ne peux pas vous accompagner, coupe subitement la voix fluette d’Elise. Je n’ai plus votre jeunesse et je ne suis pas prête pour un tel voyage. Désolée, Neera, on avait parlé d’une sortie en ville, pas d’une sortie en dehors des murs de Maël.
    L'intéressée lui jette un oeil, mais hoche assez vite la tête.
    - Je comprends, ne t’en fais pas.

    La demi-titan n’est pas véritablement surprise de sa décision, et pour être totalement honnête, cela l’arrange. Que ce soit pour l’homme-dragon ou pour elle, Elise n’allait faire que les ralentir et peut-être leur causer des problèmes. Naturellement, elle ne se dit pas que ça peut moins faire l’affaire de Qultarn, mais elle est loin de lire dans ses pensées, et l’élémentaliste rebondit sur l’offre qu’il lui a proposée.

    - Une pièce d’or et deux pièces d’argent, négocie-t-elle. Je vous donne la moitié à notre arrivée à l’Eglise des Remèdes, la seconde quand on sera revenu à Maël. Vu ma situation, je ne peux pas me permettre non plus de vous avancer, préfère-elle souligner. C’est une évidence, mais autant mettre les points sur les i directement. Elle est bien sûr prête à attendre une répartie quelconque du mercenaire, mais comme le temps joue contre elle, elle ne tiendra pas à tergiverser trop longtemps. Le retrait d’Elise lui a juste donné l’opportunité parfaite d’économiser quelques pièces.

    - Si cela vous convient, je propose que nous ne nous attardions pas à Maël. Elle avait cru comprendre qu’il était sur le départ de toute façon. Je me nomme Neera Storm. Et vous êtes ? Une formalité, mais ce serait mille fois plus agréable de mettre un nom sur un visage.

    Toujours est-il que la jeune femme se tourne vers la mine relativement méfiante de la vieillarde, et elle lui accorde un sourire compréhensif.

    - Tu vas encore te mettre dans les ennuis.
    - C’est ma seconde nature, tu n’étais pas au courant ? Il faut bien trouver de quoi rire, dans sa mésaventure, et face à la mine coi de son amie, elle ne peut retenir son amusement. Mais bientôt, elle reprend la parole d’une voix plus apaisante. Retrouvons-nous ici dans trois jours, Elise.
    - Un jour de marche suffit pour aller à l’église.
    - Il y a plein d’inconnues qui pourraient nous retarder, rétorque la fille de Lothab. Au moins, elle est réaliste. Ne te tracasse pas trop si tu ne nous vois pas tout de suite arriver. Cela dit, si après cinq jours, tu n’as aucune nouvelle, n’hésite pas à prévenir dame de Boktor. Elle me connaît et saura avoir des contacts avec Magic. En tant que baronne, son nom attirerait plus l’attention d’Inâna ou de Dory que celle d’une illustre inconnue. Et indirectement, le nom de l’université dirait certainement quelque chose au mercenaire.

    C’est d’ailleurs vers lui qu’elle se retourne, après avoir salué la sexagénaire.

    - Allons-y, suggère-t-elle. Je m’apprêtais à partir de Maël, j’ai donc tout ce qu’il faut dans mon sac.

    Et comme il n’y a rien d’autres à dire, rien ne les empêche de se mettre en marche et de partir.

    ***

    Il était toujours plus facile de sortir que d’entrer dans Maël. Avec les récents actes des fanatiques, la sécurité était naturellement renforcée aux postes-clés de la ville, attirant tantôt de longues explications, tantôt des suppliques, voire des malédictions des locaux. Neera, de son côté, restait relativement en retrait, observant tout ce qu’il se passait autour d’elle, mais sans vraiment commenter quoi que ce soit à son nouveau compagnon. Près des remparts, les gens se bousculaient, étaient davantage sous pression : elle préférait sortir de cette zone avant de véritablement adresser la parole au mercenaire. Cela avait l’avantage de ne pas leur faire perdre du temps, au moins, et quelques instants plus tard, seule la nature hostile du Shoumei se présentait à eux. Il leur faudrait néanmoins une à deux heures pour quitter la bourgade de la Cité Blanche. Durant ce laps de temps, ils rencontreraient davantage des escouades reikoises, et bien sûr, ils seraient aussi en présence d’autres voyageurs, qui avaient décidé eux aussi d’aller vers le sud. Pour cette première partie de leur voyage, les deux divinistes seraient encore relativement en sécurité : ce ne serait qu’ensuite, quand chaque groupe se serait disséminé, qu’ils seraient totalement livrés à eux-mêmes.

    Ce qui n’avait, jusque-là, pas l’air d’inquiéter la semi-titanide.

    - Vous guidez souvent les pèlerins ? finit-elle par demander. En dehors de Maël.

    C’était un sujet comme un autre, mais qui avait du sens, puisque c’était bien l’unique information qu’elle avait sur Qultarn, actuellement.

    - Qu’est-ce qui vous a encouragé à emprunter cette voie ?

    Pas uniquement celle de guide, mais celle plus large du mercenariat. En fait, la question est suffisamment vague pour que le Drakyn réponde comme il en a envie, en parlant de son passé plus ou moins récent. Ce qui est sûr, c’est que le regard interrogateur que posera Neera sur lui montre qu’elle n’a pas de mauvaises intentions, elle cherche juste à un peu mieux le connaître, puisqu’ils seront au moins amenés à se côtoyer pendant deux jours.

    - Sur un autre sujet, vous avez des recommandations pour la route ? Je n’en suis pas à mon premier voyage et je ne suis pas une néophyte. Mais un séjour à Maël m’a suffi pour comprendre que les choses s’agitaient pas mal à l’extérieur. Le genre d’agitation qu’on ne voit ni au Reike ni dans la République. Alors si vous avez des conseils… Un léger haussement des épaules. Je suppose qu’il vaut mieux les donner maintenant.
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