Une barrière blanche surmontée d’un panneau gravé de lettres à la calligraphie aérienne indique qu’il s’agit de la clinique médicale Gretsky. La bâtisse aux murs peints dans des tons pastels très doux se trouve au bout d'un chemin pavé de pierres. La porte blanche est fermée mais puisque que l’affichage vous informe que c’est ouvert, vous pouvez actionner la poignée et entrer, ce qui fait tinter un carillon. L'intérieur est sommaire. Sur la gauche quelques chaises, une table basse ainsi qu'une étagère comportant quelques livres, une plante dont les pétales bleues attire le regard. A droite un comptoir avec en arrière plan des meubles de rangement et tout un pan de mur surmonté d'étagères remplies de bocaux étiquetés. Enfin, en face se trouve un couloir avec trois portes.

Il ne faudra pas attendre longtemps avant que l’une d’entre elles ne s’ouvre, laissant apparaître deux silhouettes. La première est une petite femme à la chevelure noire et courte, le teint pâle et l’air hagard. La seconde est élancée et malgré l’heure tardive et quelques cernes apparentes elle semble pleine de vitalité et d'énergie. Il s’agit forcément de la doctoresse. Sa tenue est sobre et professionnelle mais ses cheveux, bien que attachés en un chignon strict, sont d’une teinte inhabituellement rosée. De cette femme émane de la bienveillance, c’est d’ailleurs avec cette même douceur qu’elle jette un regard au nouvel arrivant. Mais pour l’heure, elle accompagne jusqu'au comptoir d’accueil la femme à la chevelure sombre.

« Lait chaud au gingembre et à l'anis étoilé, au moins trois fois dans la journée. » Recommande-t-elle, son timbre de voix semble aussi doux que le velours.« N'hésitez pas à vous faire des tisanes également. Thym, romarin et origan avec un peu de miel, c’est très bon pour vous soulager. Pensez aussi à boire très régulièrement de l’eau. Et surtout du repos. D’ici quelques jours vous serez à nouveau sur pieds. »

Tout en expliquant, la doctoresse s'était affairée pour récupérer les ingrédients qu'elle met en pochons séparés. Elle sort également une boîte ronde contenant un baume qu'elle invite à utiliser au moment du coucher puis la cliente la remercie, dépose son paiement puis quitte la clinique avec les remèdes. Les yeux bleus gris se portent alors à nouveau, bien que fugacement, sur l’homme assis dans l'espace d’attente tandis qu’elle remet rapidement à leur place les bocaux d’herbes médicinales.

« Je vous demande un instant, j’arrive. » Dit-elle en se dépêchant.

Lina Gretsky se redresse, fait le tour du comptoir puis elle s’approche. Sa démarche est calme, sereine. Pour qui ne connaît pas sa nature de sirène, le contraste de son enchanteresse apparence de jeune femme et de son savoir-faire précis tissé par le temps rendrait presque à la doctoresse un côté irréel. Physiquement elle semble n’avoir qu’une vingtaine d’années mais pourtant une grande maturité se dégage d’elle. Un sourcil se plisse alors que son expression se fait soucieuse lorsqu’elle arrive à portée de l’inconnu.

« Diantre, vous avez mauvaise mine et des cicatrices atroces. C’est terriblement mal soigné. » Elle lâche un léger soupir puis, secouant la tête pour chasser de mauvaises pensées, elle s’écarte d’un pas et pointe de la main la porte au fond du couloir. « Je vais devoir vous ausculter dans la salle d’examen, si vous voulez bien me suivre. »

Elle attend que l’inconnu se lève puis se dirige vers la salle en question. Elle ouvre la porte, l’invite à entrer puis referme derrière eux. Ici, la décoration est épurée au maximum, seul le matériel médical y est entreposé, rangé soigneusement dans des tiroirs et sur des étagères bien cachées dans des placards. Une table servant pour les opérations et une chaise spéciale pour ausculter sont parfaitement visibles. Sur la gauche, un bureau et deux chaises simples. A nouveau d’un geste, la doctoresse invite son nouveau patient à s’installer sur cette dernière tandis qu’elle s’assoit sur son homologue.

« Pour commencer, pourriez vous m’expliquer les circonstances de ces blessures et leur ancienneté ? » CENDRES

La doctoresse s'abstient de tout commentaire, laissant à son patient le temps de formuler sa réponse. Elle en avait bien envie, cependant, ses pensées se bousculant jusqu’à ses lèvres, prêtes à se déverser en un flot de réprimandes. L’inconscience de l’homme était tout à fait consternante. Non, pire, le fait d’avoir déjà attendu plusieurs jours avant de soigner ses plaies aurait pu avoir des conséquences dramatiques. Se rendait-il compte qu’il aurait pu risquer la septicémie avec ses brûlures fraîches et ô combien profondes ? Cependant… Après un naufrage en mer, il n’avait sans doute pu faire autrement et l’expression de la jeune femme s’était faite emplie de compassion à l’évocation du drame. Ce qui manquait de la faire bondir, en revanche, était surtout son manque de bonne volonté pour entretenir des soins par la suite. Des mois !?! Des mois sans rien faire pour permettre aux cicatrices de se faire sereinement ! Les avait-il seulement couvertes ou comme un imbécile avait-il laissé en plein air ses brûlures ? Rien que d’y penser, la jeune femme se sentait pressée d’observer de près les dégâts, inquiète à l’idée qu’elles se soient infectées à cause de leur mauvais traitement. Pour l’instant, elle devra attendre. Étape par étape. La prochaine était tout simplement d’informer de la gravité, espérant que cela percute dans l’esprit de son patient, et de le préparer pour la suite.

« Je vois. C’est bien ce qu’il me semblait. » prononce sobrement Lyna, son regard planté dans les prunelles de son homologue. « Vous avez bien fait de venir, des brûlures de cette importance ne sont pas à prendre à la légère. Mal les soigner peut provoquer de sévères lésions internes et-ou externes. Est-ce que vous avez remarqué certains symptômes tels que de la fièvre, des rougeurs anormales autour de vos plaies ou au contraire d’aspect jaunâtre, un gonflement peut-être ? »

Attentive, la doctoresse écoutait les réponses de l’homme. Tout symptôme ayant de son importance et en fonction de l’état de l’infortuné, elle pourra ajuster les traitements à lui prodiguer. En tout cas, il pourra toujours rêver cette fois-ci s’il espère qu’une seule visite suffira à traiter ses brûlures. Lyna Grestky n’était pas du genre à faire les choses à moitié. Un traitement de longue durée et des rendez-vous réguliers pour changer ses pansements vont l’attendre. Ca commence d’ailleurs dès ce soir :

« Si vous voulez bien, je vais vous demander d’enlever votre haut pour que je puisse constater les dégâts de votre dos et votre épaule gauche. Ensuite, installez-vous sur la chaise d’auscultation. »

Pendant que le marin s’exécutait, la jeune femme s’était dirigée vers une commode à sa droite. Dans un tiroir, elle alla récupérer des gants qu’elle entreprit de glisser dans la poche de sa bouse dans un premier temps et un stéthoscope qu'elle passa au cou. Elle sortit également une mallette médicale contenant de l’antiseptique, des compresses, quelques flacons et baumes dont les étiquettes indiquent leur contenance. Sur l’un des baume était notifié “antibiotique”. Une fois assurée d’avoir le nécessaire, la doctoresse s’approcha du blessé.

« Je vais commencer par vérifier que vos constantes sont bonnes. » dit-elle en lui saisissant le poignet afin d’exercer une pression entre deux doigts. Le silence se fit pendant la prise du pouls. Elle hoche la tête, dépose une paume sur le front de l’homme et une autre sur le sien pour avoir une estimation d’une possible fièvre. « Mh, ça ira. » déclare-t-elle avant de disparaître du champ de vision du marin. Il sent pourtant le souffle de la jeune femme sur sa nuque alors qu’elle observe attentivement l’état des cicatrices.

Celles-ci ne sont pas belles à voir. La peau est desséchée, rougeoyante et malheureusement l'infection dû à des mois d'absence de traitement est inquiétante. La jeune femme fronce les sourcils et même s'il est léger, l'homme put percevoir son soupir désapprobateur. Malgré tout, au lieu de réprimandes supplémentaires sur la gravité de son état, ce fut le contact doux de la pulpe des doigts de la doctoresse qui s'ensuivit, accompagné d'une chaleur douce et réconfortante. Les tiraillements s'atténuèrent, la douleur se fit plus supportable. Des soins magiques. Evidement, cela ne ferait pas tout et Lyna ne prônait pas la magie avant tout mais au point où il en était, cet homme en avait bien besoin.

« Le bandage à votre tête… Vous n’en avez pas parlé. Est-ce une blessure récente ? » demande-t-elle alors qu'elle s'affaire à présent à nettoyer la peau.

CENDRES