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  • Lun 25 Nov - 16:55
    25 Novembre de l’An 5, 20 :29

    La Perfectionniste se permit quelques instants de repos en s’éclipsant discrètement de la fête qui battait maintenant son plein. Prenant l’un des deux escaliers en colimaçon qui bordaient le nord de l’immense salle de réception, elle se percha donc au balcon du premier étage afin d’avoir une vue d’ensemble de ses convives. La vue était incroyable. Sur les faces est et ouest s’étalaient de grandes tables de banquet garnies de plats de tous les horizons et agencés par couleur, dans le but de former un arc-en-ciel élégant sur les nappes de dentelle noire qui laissaient apparaître entre ses motifs le marbre gris des dessertes. Elle avait pris le soin de modifier la teinte des dalles, des murs et des piliers afin de correspondre à la thématique de ce Galla pré-hivernal : « étoiles et constellations magiques », les rendant si noirs et si lisses qu’ils reflétaient la lumière à la perfection. De fins tissus de soie brodée pendaient élégamment entre les colonnes ciselées où l’ange avait demandé qu’on y accrochât de minuscules cristaux de quartz transparents, de manière à renvoyer la lumière qui viendrait s’y loger. La Pléiade avait choisi un lustre immense pour éclairer la pièce, fait de cristal de roche opalin où la lueur des bougies de cire blanche se trouvait renforcée par sa propre magie, ce qui leur donnait un éclat limpide presque insupportable. Les murs étaient également illuminés par de petites lanternes volantes en forme de losange. Celles-ci renvoyaient une lumière décomposée selon les principes de l’optique traditionnelle. Or, un sort cosmétique de sa facture capturait leurs rayons et les transformait en formes ésotériques ou animales sur le sol et les murs environnants. Le tout était vraiment charmant. Et il ne s’agissait que de la salle principale : deux doubles-portes en ébène sculpté, de chaque côté de l’entrée sud, étaient exceptionnellement gardées ouvertes afin de laisser un passage vers deux galeries annexes presque aussi imposantes où l’on exposait des artistes et des maîtres artisans venus des quatre coins du Sekaï.

    Après les attaques titanides à Liberty et le choc que cela avait engendré dans tous les esprits, la proposition – certes un peu tardive – de la Perfectionniste fut accueillie avec beaucoup d’enthousiasme par les élites républicaines. Depuis son retour de mission dans la Jungle, entre deux rapports sur l’avancée des travaux à Courage, l’ange décida en effet d’organiser un Galla international dans l’Université Magic afin de rappeler au monde entier l’incroyable rayonnement de l’école sur la scène internationale. Mais pas que : elle voulait cette année ouvrir les expositions à tous les grands Maîtres de l’Art qui voulaient présenter leur travail en République, à condition que ceux-ci passent d’abord par l’évaluation de la Pléiade et d’un jury constitué pour l’occasion, puisqu’elle et le Conseil s’étaient entendus pour proposer pendant la soirée un Concours du meilleur Talent de l’année : la pré-sélection permettrait ainsi de dégorger les (trop) nombreuses demandes qui affluaient dans son courrier depuis trois semaines. Le temps (et la place) leur manquait cruellement pour exposer tous les artistes qui s’étaient portés volontaires, et ils avaient donc choisi les trente plus talentueux d’entre eux. Un prix spécial du public serait également décerné, de sorte que chacun puisse donner son avis sur les sculptures, peintures, et objets magiques exposés, sans oublier les prestations théâtrales, musicales ou poétiques qui entraient également dans le panel artistique qu’ils devraient évaluer.

    Outre le concours, la Perfectionniste avait aussi préparé différentes conférences sur les arts magiques de façon à mettre en valeur le travail des érudits du Sekaï. Comme le Galla se passait sur trois jours, cela lui permit d’établir une dizaine de thématiques, chacune édifiée pour un groupe diversifié de spécialistes autour de tables rondes. Les personnalités conviées étaient très différentes – du fait de leur races, de leurs cultures ou de leurs coutumes – et elle avait hâte de les entendre palabrer. Une couverture médiatique phénoménale avait donc été déployée pour l’occasion : d’un côté, les grands journaux publics et magazines privés de la République étaient présents, de l’autre, elle avait également invité les médias des autres nations, en particulier ceux de Melorn et du Reike, où elle espérait grandement pouvoir s’entretenir avec leurs ambassadeurs, histoire de leur en mettre plein les yeux. Son Université était la meilleure du Sekaï : il fallait donc qu’elle les éblouisse, les émerveillant et les gâtant pour qu’ils fassent passer le mot dans leurs lointaines contrées. Cela les aiderait certainement à renouveler leurs accords de libre-échange avec la République. C’était dans cet esprit « publicitaire » que lui était venue l’idée d’offrir un souvenir à chaque personne invitée. Le Conseil, d’abord récalcitrant, changea vite d’avis quand la Pléiade leur proposa une petite amulette de fer forgé imprégné d’un enchantement simple qui le faisait briller dans le noir. Fière de son idée, elle avait vite déchanté quand il lui fallut ensorceler cinq mille de ces petits bibelots fais à la main, refusant d’utiliser un sort de copie car il ferait disparaître les présents une fois la magie dissipée. Le forgeron chargé de la fabrication du pendentif lui envoya par ailleurs une note salée qui la contraignit à hausser le billet d’entrée de deux pièces d’argent. Une fausse bonne idée.

    Toujours est-il que les convives semblaient ravis. Tous affichaient un sourire charmé, vaquant d’activités en activités avec l’excitation des enfants. La Pléiade reçut beaucoup de louanges en à peine quelques heures, et le tonnerre d’applaudissements que recueillit la cérémonie d’ouverture – un spectacle grandiose de danse et de chant performé par ses étudiants de septième année – l’avait rassénérée. Tout se passait à la perfection.

    Tout… Sauf qu’elle ne trouvait pas les ambassadeurs dans ce capharnaüm de têtes exaltées par ses festivités. Mirage, son ami et ambassadeur reikois était introuvable, lui qui pourtant adorait les banquets républicains ; les deux ambassadrices d’Aquaria, des jumelles aussi sensuelles que dangereuses, semblaient l’éviter, car dès que l’ange s’approchait d’elles, celles-ci disparaissaient en riant ; les représentants shoumeïens s’éparpillèrent rapidement une fois les salutations faites, ne lui permettant pas non plus de leur faire son discours d’accueil ; et, aussi étrange que cela puisse paraître, elle n’arrivait pas à mettre la main sur l’ambassadeur de Melorn, un nouveau venu qui lui avait écrit dans l’intention de lui présenter ses respects et, par le même coup, de promouvoir trois artistes elfiques d’ailleurs retenus au concours de Talents. Depuis cette lettre quelque peu énigmatique, le diplomate l’intriguait beaucoup puisqu’il remplaçait l’érudit Selenil le Juste, un étrange elfe qui comptait pourtant parmi les meilleurs contacts melorniens qu’elle avait jamais eus. Ce peuple étrange et reclus l’inquiétait, et ne pas connaître ce fameux « Sylas » la rendait d’autant plus nerveuse, puisque les échanges sur les savoirs magiques entre la cité elfique et la République s’appuyaient principalement sur les bonnes (futures) relations avec celui-ci. Où pouvait-il bien être ? Dans un soupir, la Perfectionniste redescendit dans la grande salle de réception et entreprit de chercher ses invités d’honneur introuvables.

    Peut-être dans les salles d’exposition ? Suivant son instinct, la Pléiade se dirigea vers la galerie ouest, se disant qu’elle y trouverait ce qu’elle désirait – ou du moins pourrait-elle profiter des magnifiques œuvres d’art qui y étaient exhibées.


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  • Mar 26 Nov - 18:45
    La soirée était une franche réussite. Partout, des lumières, des convives en train de rire ou de discuter, des œuvres à contempler, des petits fours à déguster, des serveurs et serveuses qui dansaient presque pour éviter de renverser leur chargement, de la musique qui suivait subtilement une histoire auditive et mènerait à un dénouement sans doute grandiose.

    Si les Melornois avaient une tolérance discutable selon les races et les sujets, indéniablement les inviter dans l'une des plus prestigieuses écoles du Sekaï -jamais ils ne reconnaîtraient publiquement qu'elle pouvait peut-être dépasser les leurs- regonflait leur orgueil à ras bord, même trop pour leur bien. Et ils avaient bien besoin d'un événement comme celui-là après les crises successives : Titans, invasions, rebellions, trahisons... C'est pourquoi, en recevant l'invitation, Sylas avait saisi l'occasion sans y réfléchir à deux fois. Le Conseil avait accepté de monter à la hâte un jury pour départager les volontaires, de jeunes artistes désireux de voyager et se faire connaître à l'étranger, dont le potentiel attirerait mécènes et investisseurs dont les fonds serviraient à financer en partie la reconstruction de la Cité-État et leur propre ascension médiatique. Beaucoup de candidats avaient retenu l'attention, et il avait fallu trancher, parfois sur des critères purement matériels -œuvres trop chères, trop grandes, trop lourdes, temps d'acheminement, protection des convois-, parfois après des heures de déchirantes délibérations. Trois candidats avaient finalement gagné le droit de traverser les landes républicaines pour représenter officiellement leur pays : une danseuse des eaux, dont les pas créaient gouttes et filets aqueux au rythme d'un chant énergique, jusqu'à un final rafraichissant sculpté en suspension autour d'elle, une poète lyrique et dramatique dont les vers tiraient tantôt des larmes de désespoir, tantôt de soulagement, et un joueur d'un instrument à cordes peu répandu, une sorte de grosse caisse en bois ondulé produisant des notes graves grâce à un archet frotté sur une longue tige de bois. Les noms donnés variaient encore, mais celui de violoncelle semblait l'emporter sur les autres, en référence à une famille d'instruments semblables mais plus petits et portatifs. Les elfes pariaient donc sur des arts éphémères, comme s'ils craignaient de voir encore les palais s'effondrer, les peintures brûler et les bijoux casser.

    En tant qu'ambassadeur, l'ange déchu avait des projets un peu plus pragmatiques en tête : trouver de nouveaux contacts à des fins de ravitaillements, de partenariats commerciaux, ou pourquoi pas militaires si le Reike décidait après les récentes déconvenues de retirer leur soutien aux descendant d'Azshary. Il n'aimait pas imaginer qu'il échouerait à convaincre l'Empire de la bienveillance de Lysandre et ses partisans, mais son rôle consistait également à prévoir le pire pour donner des outils aux dirigeants dans leur politique qui lèseraient le moins de monde possible. Et puis, le risque d'une nouvelle action coup de poing des pro-Lormion n'était pas encore écarté.

    Il avait donc enduré un nouveau voyage au sol, en tant que soi-disant humain de très grande taille pour éviter d'être fustigé au premier regard par les anti-Divinistes des autres nations, les carrioles filant à travers les longues routes marchandes des jours durant.

    Enfin parvenus dans l'immense ville de Liberty, les Melornois n'avaient pu que constater la prospérité et la puissance des lieux, l'université déployant les fastes les plus excentriques pour impressionner leurs hôtes. Il avait alors fallu rassurer les jeunes participants sur leur capacité à séduire une foule si exigeante d'aristocrates et de riches collectionneurs, puis répartir tout le monde dans les logements prêtés pour l'occasion, superviser quelques répétitions à huis clos, s'enquérir des horaires et des programmes des trois soirées.


    La grande soirée d'ouverture enfin arrivée, la foule était dense, difficilement praticable mais malgré tout suffisamment civilisée pour laisser l'espace vital minimum à chacun et chacune, ainsi qu'un champ de vision suffisant pour admirer la prestation principale. Grand, Sylas s'était dirigé plutôt vers les bords de salles et les coins pour éviter de gêner, de sorte qu'en voyant entrer la Pléiade sur scène la première fois, personne n'avait remarqué le tremblement de sa main sur le verre de vin qu'il faisait semblant de boire à petites gorgées. Il s'était penché vers l'un des soldats Melornois de son convoi, grand lui aussi, en gardant son timbre aussi neutre que possible.

    "Est-ce elle la Perfectionniste qui organise la soirée ?
    -Oui, elle est célèbre par ici, j'entends son nom sur toutes les lèvres depuis que nous sommes arrivés. Même un peu avant !
    -C'est une ange...
    -Quel esprit de déduction ! HA HA HA !
    -Et personne n'a cru utile de me le dire !
    -Eh bien, elle est célèbre, tout le monde sait..."

    Le garde capta un regard nettement moins avenant qu'à l'accoutumée de la part de son ambassadeur, comprenant qu'il y avait peut-être certaines évidences qui ne l'étaient pas pour tout le monde. Et que celle-ci, compte tenu de la nature de son interlocuteur, aurait plutôt dû être précisé 2 fois que pas du tout.

    "... sauf vous ? Est-ce que cela a la moindre importance ? Je veux dire, elle est vraiment une exception parmi les anges... Hum... Enfin... Les autres sont plutôt des fruits pourris... Enfin, pas tous mais..."

    Une lumière se fit dans l'esprit de l'elfe dont le front commençait à ruisseler de sueur.

    "Vous... Vous la connaissez ?
    -A cette distance, je ne suis pas sûr. Je vais tâcher de m'en assurer."

    Et comment ! Impossible de manquer cette grâce, cette légèreté, et ces trois grandes paires d'ailes blanches ! Il faut absolument que je lui demande un entretien privé.

    Sylas avait donc tenté de se rapprocher, mais la foule encore une fois freinait sa marche, et le temps de parvenir près de l'estrade de l'oratrice, elle était partie. Il fallait qu'il s'isole un moment pour réfléchir, et toute cette populace le rendait tendu. Un nombre incalculable d'opportunités pour une embuscade ou un massacre pouvaient avoir lieu ici. Tout le monde à découvert, insouciant, des issues insuffisamment gardées, des consignes de sécurité peu claires... Il décida donc de grimper au balcon du premier étage d'où il aurait un point de vue parfait pour repérer, ironiquement, sa cible. Il eut toutefois à peine le temps de faire un tour d'horizon pour chercher ses plumes, qu'un membre de l'organisation vint le trouver pour lui parler de l'inscription de ses jeunes poulains en lice pour le concours. Il manquait des informations à fournir absolument avant le début des prestations pour valider les pré-requis demandés. Et comme il était extrêmement compliqué de trouver quelqu'un de précis dans ce gala et que l'ambassadeur représentait Melorn, l'ange dut se dévouer.

    Il dépensa donc la demi-heure suivante à tout régler, frustré de ne pouvoir se déplacer librement. Le maladroit soldat du début de soirée recroisa sa route, mal à l'aise. En apprenant que Sylas ne trouvait pas la belle présentatrice, il se proposa pour faire passer le mot s'il croisait son chemin. Ils se séparèrent alors à nouveau, le grand blond repartant vers la salle principale sans se douter que l'ange qu'il recherchait prenait très exactement le chemin inverse dans la salle adjacente. L'idée de déployer ses propres ailes pour survoler tout ce beau et juste attirer complètement l'attention lui traversa l'esprit, mais il fallait se retenir. Le monde n'était pas encore prêt à sacraliser un deuxième enfant de Titan. Melorn ne l'était pas. Ou bien lui-même appréhendait de devenir si connu qu'on ne prendrait même pas la peine de préciser son nom aux ambassadeurs étrangers...
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  • Dim 1 Déc - 15:18
    Sylas… Sylas… Pourquoi ce nom lui disait-il quelque chose ? En cinq mille ans d’existence, dont deux pleinement conscients, les noms et les visages de ses rencontres se mélangeaient, puis se perdaient dans les méandres de sa mémoire trop longtemps rendue défectueuse par la Malédiction de Lêthé. Maintenant qu’elle avait retrouvé toutes ses facultés, son esprit tendait naturellement à lui jouer de mauvais tours, comme en cet instant où il lui donnait l’illusion que la calamité qui l’avait accablée pendant des siècles revenait la hanter. Elle avait horreur des trous de mémoire : il lui semblait qu’elle se jouait à elle-même des farces insipides – faites pour amuser qui ? Son ancien Maître devenu Abomination, esclave d’humains stupides et cruels ? L’angoisse revint brusquement l’attaquer dans un vertige nauséeux parfaitement inadéquat à une réception publique de cette envergure.

    Elle vacilla imperceptiblement sur ses talons hauts tandis qu’elle passait la double-porte d’ébène d’un pas pressé. La tête ainsi baissée, elle ne remarqua pas, loin sur sa gauche, l’ambassadeur qu’elle cherchait murmurer des directives au garde elfique qui protégeait de loin les invités melornois. L’ange tentait de se concentrer sur son esprit instable afin de lui rendre un peu de sa vigueur, et de récupérer, dans les couloirs dédaléens créés par sa psyché, les souvenirs enfouis qui lui faisaient momentanément défaut. Les patronymes avaient toujours été sa grande faiblesse mémorielle : se rappeler de concepts métaphysiques et les expliquer avec brio à des idiots était une facilité pour elle ; mais se remémorer avec exactitude les noms, prénoms, statuts ou périphrases absolument nécessaires de chacune des illustres personnalités à laquelle elle avait affaire à longueur de temps, que ce soit dans l’Université ou lors de ses missions extérieures, était définitivement trop pour son esprit condescendant. Elle se contentait de son système ancestral de fiches et d’un carnet d’adresses pour répertorier toutes ces « célébrités » aussi susceptibles que des princesses. Alors, évidemment, quand un nouveau venu se présentait indirectement par écrit sous un nom qui lui disait vaguement quelque chose, sans parvenir à mettre le doigt dessus, il y avait de quoi s’agacer.

    Soupirant pour tenter d’évacuer sa frustration et son angoisse, elle décida de se changer l’esprit en se mêlant aux groupes d’invités qui observaient les œuvres exposées. Elle se trouvait dans l’aile des arts plastiques où les diverses sculptures offertes au public étaient systématiquement magnifiées par un tableau choisi avec soin : cela produisait une synergie unique dont elle n’était pas peu fière. Elle se rapprocha d’une alcôve où se faisaient face une œuvre impressionniste de peinture à l’huile qui reproduisait un ciel étoilé aux circonvolutions fabuleuses et une statue de marbre blanc représentant la personnification de la Magie, une femme au triple visage surmonté d’une couronne où l’artiste avait gravé sur sa bordure les différents cycles lunaires. La beauté de réalisme immaculé et la toile abstraite multicolore se sublimaient donc mutuellement dans un spectacle immobile qui donnaient paradoxalement une illusion de mouvement. Un endroit parfait pour que la Pléiade puisse se calmer et méditer sur son problème.

    Inâna se rendit compte que depuis presque un an maintenant, sa pensée et son jugement qu’elle avait mis tant de temps à peaufiner pour s’adapter à son rôle de Pléiade républicaine se trouvaient faussés par des angoisses primordiales : le retour de Kazgoth, son assassinat, et sa résurrection blasphématoire eurent finalement raison de son mental d’acier. Il fallait bien qu’elle l’avoue maintenant. Le déni où elle s’était naturellement vautrée pour survivre – en tant qu’ange et personnalité importante de la République, mais aussi en tant que femme longtemps abandonnée au vagabondage et aux affres de la sauvagerie des mortels, qui voyaient en elle le bouc-émissaire parfait pour expier leurs souffrances – s’étiolait aujourd’hui et dévoilait le profond chagrin dans lequel la Perfectionniste s’abîmait progressivement. Elle avait tout perdu : ses pouvoirs, ses attaches, sa raison de vivre, ses pouponnières adorées, et même ses amis mortels, dont elle n’avait plus qu’un souvenir flou à cause de cette fichue malédiction… Mais, il fallait bien lui reconnaître cela, ce fléau d’amnésie l’avait peut-être aidée à rester en vie, à supporter sa peine et son déracinement le temps qu’elle se construise un nouveau foyer. L’ange sortit de l’alcôve pour observer son environnement et les mortels qui l’entouraient. Ces milliers d’hommes et de femmes, heureux et gras, riches et talentueux, tous ceux qu’elle avait invité personnellement la regardaient aujourd’hui avec courtoisie et respect. Elle avait réussi un exploit qu’aucun autre individu de sa race n’aurait jamais pensé accomplir : atteindre la plus haute sphère de la République, un puissant système démocratique fondé sur l’argent et la notoriété qu’on ne trouvait nulle part ailleurs en Seikaï. La Perfectionniste releva le menton, cherchant dans ses entrailles l’amour-propre qui lui manquait dans ces moments de doute et d’appréhension, puis repartit dans son beau tailleur de satin noir pourchasser ces satanés ambassadeurs insaisissables.

    Se disant qu’elle pouvait aussi profiter de sa propre soirée, la Pléiade prit le temps de parler à ses invités à qui elle proposait de laisser un avis dans le gros livre de remerciements laissé à côté du buffet. Compliments ou critiques, tout serait enregistré pour améliorer l’expérience des galas républicains, car elle comptait bien pérenniser le principe – à l’instar des concerts publics et des festivals de la fin de l’été. Elle vaqua donc de groupes en groupes, échangeant sourires, flatteries, petits discours galants, et se retrouva sans même s’en rendre compte dans la salle de réception principale, entourée de nobles melornois et de mages républicains qui débattaient joyeusement sur l’utilisation artistique des lanternes magiques et l’application géothermique potentielle de tels sortilèges. L’emballement des différents groupes commençaient à la fatiguer ; cherchant un moyen de s’esquiver sans froisser ses convives, elle aperçut l’un des gardes elfiques posté contre le mur qui l’observait avec insistance sans oser s’approcher. Intriguée, et trouvant là une excuse pour s’échapper de la conversation, elle vint à son encontre :

    – Mon brave, que vous arrive-t-il ? Auriez-vous vu un fantôme ? lui déclara-t-elle sur un ton amusé.

    – Oh, pardon Madame la Pléiade, je… non, je… notre Ambassadeur vous cherche, mais je ne pouvais quitter mon poste, alors…

    Le pauvre elfe semblait terriblement gêné. Ne voulant pas l’accabler d’avantage, la Perfectionniste lui répondit de manière enjouée :

    – Ah ! Cela tombe bien, je le cherche moi aussi ! Où est-il donc passé ?

    – Eh bien… vous l’avez raté de peu, j’en ai peur… Il est parti par là il y a quelques minutes, indiqua le soldat en pointant le milieu de la salle. Très précis. Très pratique, au milieu de tous ces mortels.

    – Très bien… Merci, lui lâcha-t-elle tout de même. À quoi ressemble-t-il ?

    – Très grand, blond, et… euh…, le garde hésita, mal à l’aise, et se dandina sur place, faisant cliqueter son armure de mithril. Il retenait visiblement une information.

    – Quoi donc ?

    – C’est un…

    Leur conversation fut néanmoins interrompue par une voix stridente aussi désagréable qu’agaçante.

    – Madame ! Madame la Perfectionniiiiiiste ! Oh ! Je suis si heureuse de mettre enfin la main sur vous ! Piailla la vieille Madame de Beaumarchais, une noble très riche et très collante. La Pléiade soupira en levant les yeux au ciel puis se retourna pour lui faire face.

    – Madame de Beaumarchais, récita-t-elle en lui faisant son plus beau sourire, quel plaisir de vous voir ! La vieille lui prit les mains et osa l’attirer contre elle, obligeant l’ange à se baisser pour que l’aristocrate puisse déposer un baiser sur sa joue parfaite dans un claquement sonore typique des gens du sud. Ces maudits provinciaux.

    – Rooooh, comme je suis conteeeente d’avoir pu venir, malgré ma hanche et les problèmes avec ces nouveaux servants, vous savez, incapables de suivre des indications pourtant simples ! J’ai bien cru que nous n’arriverions jamais à temps pour l’ouverture de votre MA-GNI-FIQUE réception, comme toujours ! Elle pouffa.

    – J’espère que vous profiterez de toutes les activités artistiques que nous avons mis en place, et, bien entendu, que vous voterez pour la meilleure œuvre du concours ! Mais… Si vous voulez bien m’excuser…

    – Oh, mais oui, oui, bien sûr ! J’ai même pu voir que vous avez ouvert la concurrence aux autres peuples de Sekaï, c’est… disons… atypique, mais au moins, nous verrons des nouveautés, n’est-ce pas ? et puis…

    Comme à son habitude, Madame de Beaumarchais était partie dans un de ces monologues interminables qui ne donnaient aucune échappatoire à la dirigeante de Cursus. Elle soupira discrètement, crispant un sourire factice sur son masque de bienveillance resplendissant, se demandant intérieurement ce qu’elle avait fait pour mériter toutes ces épreuves futiles. Elle cherchait juste les ambassadeurs, ô dieux ! Pourquoi tombait-elle sur leurs antagonistes ? Heureusement, le soldat penaud s’immisça courageusement dans leur conversation pour glisser à la Pléiade :

    – Madame, excusez-moi… Je vois mon Patron par-là bas, près du buffet de gauche… Vous voyez, le grand blond tout en noir ? C’est lui…

    – Oh, merveilleux, merveilleux. Madame de Beaumarchais, je suis désolée ; mon devoir d’hôtesse m’appelle et je dois me présenter à l’Ambassadeur de Melorn. Je vous souhaite une agréable soirée.

    Elle remercia silencieusement le garde et s’enfuit d’un pas pressé sans demander son reste. Il lui fallait maintenant traverser la marée humaine compacte devant elle – ces petits mortels, dont déjà certains étaient énivrés par le vin, la nourriture et la musique, lui donnaient soudainement envie de les pousser, ou même, de lancer un sort de lumière pour les assommer. Elle se contint tant bien que mal et, au bout de plusieurs minutes interminables d’un combat acharné contre cette hydre de mains et de pieds maladroits qui s’écrasaient parfois sur ses chaussures fragiles, l’ange réussit à atteindre les tables de marbre gris encore garnies de victuailles appétissantes. Elle chercha du regard l’homme que le soldat lui avait indiqué ; elle finit par l’apercevoir et s’approcha donc de sa silhouette de dos.

    – Veuillez m’excuser, fit-elle d’une voix forte et quelque peu essoufflée par son aventure dans la foule, êtes-vous bien l’ambassadeur de Melorn ?

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  • Dim 1 Déc - 16:03
    Le diplomate ne comptait plus le nombre de fois où il avait dû retenir un soupir. Bien sûr, ce qu'il faisait ici était important, pour les jeunes gens sous sa protection, pour la cité qui l'avait sauvé, pour les mortels de façon générale. La paix se construisait sur de petites victoires à force d'échanges et de liens tissés. Pourtant, ô Gardiens, comme il était difficile de se concentrer sur toutes ces choses quand il savait que quelque part dans les parages se trouvait cette petite lumière qu'il avait cru disparue tout ce temps ! Pour une fois, il avait envie, besoin de penser un tout petit peu à lui, à vie d'avant dont les braises depuis longtemps éteintes étaient devenues un regret dans son âme meurtrie.

    Il décida de changer de tactique : puisque les astres semblaient s'aligner pour lui mettre des bâtons dans les roues, il éliminerait les obstacles un à un jusqu'à être libre et légitimement en mesure de dire non aux invitations successives. Ainsi, quand il voyait des lèvres s'ouvrir à son approche, il engageait de lui-même la conversation, la menait sur les informations qu'il voulait obtenir en premier, tout en déversant ce qu'il fallait de réciproque pour faire à ses interlocuteurs qu'ils avaient gagné le respect des descendants d'Azshary à travers sa personne. Votre nom ? Oh, très joli. Savez-vous ce qu'il signifie dans cette ancienne langue ? Oui, je la parle également. Mais suis-je bête, vous sembliez vouloir  me demander quelque chose. Oui, je serais ravi de vous revoir ultérieurement, Melorn aura peut-être à échanger avec vous. Parfait, bonne soirée.

    Par sécurité tout de même, il notait les noms, professions et propositions sur un petit carnet comme aide-mémoire. En principe celle-ci était solide et ne lui jouait pas de tour, mais le fait d'avoir toujours dans un coin de sa tête l’œil dispersé à la recherche de l'ange aux six ailes pouvait lui faire perdre le fil et il préférait éviter une confusion malheureuse. Cela lui laissait également l'opportunité de choisir quand s'arrêter pour faire une pause, les invités ayant la décence d'attendre de le voir ranger son matériel d'écriture pour se jeter sur lui en suivant.

    La nuit avançait, et il avait l'impression d'avoir rencontré la moitié du gala, pourtant toujours aucune trace de la seule personne qu'il désirait réellement trouver. Les prestations vivantes de la première soirée de concours venaient de se terminer et avec le jury, les convives se dispersèrent, voire quittèrent les lieux. L'espace ainsi obtenu permit de dégager une piste de danse pour qui voulait s'adonner à une forme de socialisation, plus tactile, plus intime parfois. Sylas se retrouva alors courtoisement éloigné en direction des buffets, îlots clairsemés de chaises abandonnées ou de convives fatigués. En restant là, peut-être verrait-il la reine de la soirée s'exhiber avec un bien chanceux cavalier pour faire honneur à sa réception. Il pourrait alors saisir sa chance et entrer dans la danse, littéralement, pour lui glisser quelques mots qui lui brûlaient les lèvres depuis qu'il l'avait aperçue sur l'estrade d'ouverture.

    Ses prévisions se trouvèrent brutalement mises à mal quand tout à coup une voix l'interpela de dos avec empressement. Il jura intérieurement de devoir encore délayer sa rencontre avec l'ange de Liberty lorsqu'un voile de plumes blanches entra dans son champ de vision. Heureusement qu'il avait posé son verre avant de se retourner, car son cœur manqua un battement et il crut se liquéfier sur place.

    "Phora..."

    Le souffle lui manqua un instant et il ne put que la regarder davantage, chacun de ses traits balayant ceux du souvenir d'autrefois tout en s'y rapportant avec quasi-exactitude. Comme il était étrange de voir qu'elle n'avait pas tant changé, alors qu'il côtoyait jour après jour des mortels qui grandissaient trop vite, vieillissaient trop vite, et mouraient sans qu'on pût les arrêter. Le voyait-elle de la même façon ? Il avait bien changé, lui, avec son sourire des jours heureux envolé, ses ailes noirs -absentes pour le moment- et son aura d'ambassadeur étranger. Ce fut cette dernière qui le sauva de l'inertie totale : ses réflexes de longues années d'entraînement à redevenir capable de tenir une conversation avec autrui lui avait forgé des automatismes bien pratiques pour ce genre de situation.

    Il inclina la tête, se pencha franchement pour venir cueillir sa main, si douce, et déposer un baiser sur son dos. En tant qu'organisatrice de la soirée, elle avait droit aux marques de distinction les plus évidentes, alors il se prêta au jeu, bien plus volontiers cette fois-ci.

    "C'est moi-même, et je désespérais de finir par vous rencontrer. Il semble que vous soyez sur toutes les lèvres et pourtant nulle part en vue ce soir. Mais je vous vois le souffle court, voulez-vous un siège ? Peut-être devrions-nous trouver un endroit un peu à l'écart pour deviser et vous reposer ?"

    En privée, disaient ses yeux.
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  • Sam 14 Déc - 16:59
    "Phora..."

    Son cœur manqua un battement. L’élégante Pléiade se figea dans son mouvement, une main en avant, la tête à-demi relevée dans une attitude soudainement timide. Elle ouvrait et fermait la bouche tandis qu’elle observait le visage de l’ambassadeur sans qu’un seul son n’en sorte : elle ne réalisait pas encore ce que son subconscient lui criait pourtant à travers les réactions de son corps.

    "C'est moi-même, et je désespérais de finir par vous rencontrer. Il semble que vous soyez sur toutes les lèvres et pourtant nulle part en vue ce soir. Mais je vous vois le souffle court, voulez-vous un siège ? Peut-être devrions-nous trouver un endroit un peu à l'écart pour deviser et vous reposer ?"

    Ses ailes frémirent, dans une tentative inconsciente de réponse, puis comme dans un rêve, les rouages de sa mémoire se remirent en marche :

    – Phoebus ?! S’écria-t-elle d’une voix choquée.

    Sa peau de bronze pâlit, puis ses pommettes rougirent imperceptiblement lorsqu’elle se remémora les poussiéreuses années d’obéissance sous le Titan Kazgoth, où Phoebus – Sylas – et elle se retrouvaient parfois après leur service. Plus âgé qu’elle, sa tâche de messager auprès des mortels l’obligeait à voyager souvent à travers le Sekaï. Ils partageaient donc certaines de leurs soirées lorsqu’il revenait faire ses rapports. Ils se racontaient leurs aventures en compagnie des autres assistants titanides… Sa famille… de sang, si cela signifiait réellement quelque chose, ou en tout cas ce qui s’en approchait le plus : Inâna se souvint brusquement de leurs rires, de leurs accolades, de leurs embrouilles puériles, aussi, et de tout le réconfort fraternel que ce cercle restreint lui procurait, mais que son esprit avait jusque-là refoulé profondément dans un déni tenace. Cette dénégation qu’elle interrogeait justement quelques instants plus tôt… L’ironie de la situation l’aurait certainement fait rire si elle ne lui paraissait pas si cruelle en cet instant.

    La douleur que la réminiscence ravivait en elle fut si violente et si culpabilisatrice – comment avait-elle pu oublier tant de bonheur ? – qu’elle lui fit perdre tous ses moyens. Des larmes menaçaient de perler sur son beau visage interdit. Dans une tentative désespérée de contrôler son flux d’émotions, elle se crispa, fronçant les sourcils dans un air faussement courroucé, même si ses yeux embués trahissaient son supplice. La Perfectionniste tenta de reprendre contenance pendant que Sylas réagissait à la mention de leurs surnoms antiques.

    Elle eut un petit mouvement de recul quand l’ambassadeur lui prit la main afin d’y déposer un baiser galant – trois fois rien, un simple déplacement de la jambe gauche, un vacillement presque invisible, et pourtant évocateur de son malaise – qui la rapprocha de la table de marbre. Sa main trouva la nappe de dentelle à laquelle elle s’accrocha vivement, pinçant le tissu avec une telle force que son poing trembla sous l’effort. Un vertige menaçait de la déséquilibrer : son esprit cherchait par tous les moyens à éviter le trouble qu’il s’était évertué à repousser depuis des millénaires. L’ange aux triples ailes chavirait ; son désarroi était trop puissant ; le vertige s’intensifia ; sa vision se troubla ; et elle perdit pied.

    La fête battait son plein. Les convives, énivrés, joyeux, comblés par toutes les activités artistiques que la Perfectionniste avait organisées pour eux, dansaient pour la plupart dans une insouciance guillerette. Puis la Doyenne du Cursus d’Arts Physiques et Oratoires Magiques s’effondra dans un froissement de plumes presque grâcieux. Quelques invités qui discutaient non loin virent la scène et manifestèrent leur choc dans un cri, se précipitant vers eux pour s’enquérir de la santé de leur idole angélique, ce qui troubla d’autres personnalités dans un effet de réverbération assez impressionnant.

    La Pléiade reprit rapidement conscience en papillonnant des yeux. Tombée dans les bras de quelqu’un, elle sentit qu’on tapotait sa joue pour la réveiller. Elle découvrit les nombreux visages inquiets qui s’agitaient et l’observaient en murmurant des paroles angoissées. La musique continuait de jouer, la foule dansait toujours, seulement un petit cercle de curieux s’était maintenant formé autour d’elle. Inâna se rendit compte que c’était Sylas qui la maintenait dans ses bras, dans une attitude protectrice étrangement familière, ce qui la rendit confuse à nouveau : elle se dégagea précipitamment pour éviter un nouvel épisode honteux de vulnérabilité publique, souriant pour cacher du mieux qu’elle pouvait son agitation.

    – Est-ce que vous allez bien, Madame ? Lui demanda doucement le Comte Arthur de Pallas, un petit noble du nord de la République.

    – Oui, oui, répondit-elle avec une voix d’abord faible, puis avec plus d’assurance : Je suis vraiment désolée de vous avoir inquiétés, mes chers amis, j’ai trop négligé mon propre bien-être pour vous organiser ce gala, je le crains… Il est temps pour moi de prendre du repos. Elle se retourna vers le représentant de Melorn – son ancien ami, son frère, pensée qu’elle repoussa pour le moment afin de garder toute sa contenance – et lui fit son sourire bienveillant qui disait à tous « excusez-moi de vous avoir fait peur ». Elle prit tout le courage qu’elle possédait encore avant de lui demander : Auriez-vous l’amabilité de m’accompagner hors de la foule, histoire de vous assurer que je ne m’écroule pas de nouveau en chemin ?

    Prenant le bras de l’ambassadeur sans lui demander son reste, elle s’avança parmi la ribambelle de badauds qui commençaient à jaser dans une attitude snobinarde qu’elle trouvait à cet instant très désagréable. Mortels ingrats ! Elle serait, à coup sûr, le sujet principal des commérages pour les semaines à venir. Son esprit réfléchissait déjà aux actions qu’elle pourrait entreprendre le lendemain pour rectifier le tir : les épater avec un spectacle inattendu, par exemple ; elle enverrait dès ce soir quelques lettres urgentes à deux ou trois artistes assez talentueux pour assurer ce genre d’occasions imprévues. Il lui fallait quelque chose d’époustouflant ou d’étrange, qu’importe : pourvu que cela marquât suffisamment les plus critiques, les poussant ainsi à oublier cet instant maudit…

    Une fois disparus dans les interminables escaliers qui leur permettaient de s’éclipser définitivement du gala, Inâna lâcha le bras de Sylas et lui chuchota d’une petite voix qu’elle voulait pourtant aussi autoritaire que d’ordinaire, sans y arriver le moins du monde :

    – Je suis désolée pour cette scène, je… je ne me rendais pas compte de mon épuisement, je crois.

    Elle n’osait plus le regarder directement dans les yeux de peur de chanceler de nouveau. Elle se contentait donc d’avancer machinalement, montant les marches une part une, focalisée sur sa destination – son bureau où elle se sentirait davantage en sécurité. Ses émotions s’entrechoquaient dans son cœur, soudainement libérées du joug de ses défenses inconscientes, incapable de les analyser ou de les gérer. Elle ne comprenait pas leur intensité subite : pourquoi cette anamnèse brutale, pourquoi cette culpabilité, pourquoi cette colère contre Sylas, pourquoi cette tristesse immense lorsqu’elle posait discrètement les yeux sur son visage faussement poli, sur ce sourire qu’elle ne reconnaissait pas, sur ses iris bleues beaucoup trop froides. Un silence gêné s’érigea entre eux comme la muraille de pierre qui entourait autrefois les pouponnières titanides, qu’elle revoyait maintenant avec une clarté douloureuse. L’ironie de la comparaison la fit sourire : ses défenses mentales s’effondraient et son inconscient lui rappelait alors l’immense grotte fortifiée dans lequel ils vécurent pendant les siècles de leur « enfance ».

    Ils arrivèrent dans le long couloir du dernier étage où se trouvaient les différents bureaux des Pléiades en fonction. Décorées et rénovées avec soin, son regard se perdit entre les colonnes et les arches ciselées du corridor, se raccrochant par la pensée à ce qu’elle connaissait pour se rassurer et se redonner de la contenance ; bref, retrouver l’illusion de contrôle qu’elle s’évertuait depuis si longtemps à maintenir fermement en place. Elle désigna donc les petites décorations d’acier et d’argent qui soutenaient les lourdes portes de bois massif :

    – Oh, voilà une application remarquable de l’orfèvrerie du forgemage Matthew Isayah, un jeune talent tout juste sorti de l’Université. Celui-ci a bien voulu me confectionner les cinq mille petits bibelots que chacun de vous a reçu en cadeau pour la participation à ce gala… Il a aussi aidé à la fabrication des décorations scéniques pour les spectacles dramatiques prévus sur les trois jours. Vous reconnaissez son style atypique, n’est-ce pas ? Ces arabesques en forme de fleurs, sur les côtés ?

    Cela fonctionnait : son teint reprenait sa couleur habituelle, son pas était plus long et plus confiant à mesure qu’ils approchaient de ses quartiers. Elle réussit même à penser tandis qu’ils arrivaient devant sa porte : je suis chez moi, dans mon domaine. Quels que soient nos différents ou nos blessures, j’ai réussi à m’élever par mes propres moyens. Personne ne peut me déstabiliser.

    L’idée la rassénéra. Elle avait déjà affronté bien pire. La Pléiade déverrouilla la porte et invita Sylas à entrer. Une tristesse cinglante l’étrangla de nouveau avec force, manquant une fois de plus de l’étouffer. Elle réussit néanmoins à la maîtriser en se focalisant sur les innombrables questions qui la taraudaient. L’ange aux boucles noires, en se retournant vers ce qu’elle considérait comme une apparition fantomatique de son passé, planta son regard dans les eaux glacées de ses yeux. Son attitude était farouche, presque agressive, ce qui l’étonna elle-même. Elle finit par lui demander :

    – Mais que t’est-il arrivé ?!

    Message n°3



                   
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    @Simon Chognot


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  • Dim 15 Déc - 12:53

    Toutes les scènes de retrouvailles que Sylas avait imaginées par anticipation de ce moment volèrent en éclat aussi facilement que des brindilles dévorées par un incendie. Il avait cherché à la rejoindre toute la soirée, et maintenant... il ne savait pas quelle suite donner. Manifestement son désarroi était partagé puisqu'il la vit ralentir, se figer. C'était presque comme s'il pouvait sentir son cœur accélérer et voir ses pensées défiler sur son visage, à la même vitesse que les siennes, dans un étrange unisson inaudible pour les mortels. Le choc, bien plus violent, la fit chanceler, reculer. Sylas reconnut les symptômes, fléchit légèrement le genou directeur pour venir la rattraper sitôt sa chute amorcée d'un pas leste.

    "Attent... !"

    Comme s'il avait été créé pour cela, comme s'il s'y était entrainé sa vie durant, il glissa son bras derrière ses épaules, encaissa le poids inerte contre son large torse et la stabilisa en position semi-assise, ses ailes répandues autour d'eux en une poétique cascade de plumes blanches. Voyant déjà les curieux se rapprocher, il aboya de reculer, lui laisser de l'air, oui un simple malaise elle va bien. Et de doucement tapoter sa joue dans un geste absolument dérisoire pour la faire revenir.

    Pourquoi avait-elle réagi si violemment ? Elle devait l'avoir reconnu, pas de doute, elle l'avait nommé par cet ancien nom qui leur appartenait à eux seuls. Mais alors pourquoi s'effondrer de la sorte ? L'avait-elle cru mort ? Et à présent qu'elle constatait qu'il n'en était rien, son cœur penchait-il du côté du rejet ou de la nostalgie de leurs vieux souvenirs ? Comment savoir, comment lui demander alors qu'un simple échange de regards venait de tout remettre en question ? Peut-être devait-il passer le relais à quelqu'un, quelqu'un qu'elle connaissait, s'éclipser comme une ombre afin de ne pas provoquer plus de dégâts.

    Là encore, la Pléiade ne lui laissa pas le temps de réfléchir ou de poser des questions. Déjà elle s'arracha à son soutien et trouva une excuse auprès de son public. Oui c'était cela : ils se trouvaient sur une scène, dans son théâtre, et il avait été l'invité imprévu qui la poussait à changer ses lignes de texte. Pourtant, loin de le disgracier, elle lui demanda de la suivre. S'agissait-il de son rôle d'ambassadeur qui l'empêchait de simplement le mettre dehors, ou de celui de frère qu'il n'avait plus pu assumer ?

    "Bien sûr, il vaut mieux reprendre des forces."

    Sa réponse sonna creux à ses oreilles, mais il devait lui donner la réplique. Ici, elle avait un royaume bien à elle, avec ce que cela impliquait de conventions sociales, de codes éthiques, de bien-paraître et de coutumes mondaines. Pour ceux qui prenaient la peine de glisser un mot, il inclina la tête et assura d'un geste qu'il amènerait la Dame à bon port. Sans mensonge ni sous-entendu, bien que certains murmures tout à fait dérangeants  commençaient déjà à naître autour d'eux.

    Il la laissa les diriger. Étonnamment, malgré sa taille et sa stature, il se sentait minuscule face à cette figure immense de la République. Elle semblait avoir moins souffert que lui -physiquement tout du moins- pendant ces millénaires de séparation. Mieux encore, sa beauté avait gagné en maturité et en finesse, son pas respirait la connaissance et la confiance dans les lieux, dans sa sécurité présente. Il ne représentait pas une menace pour elle, voilà qui était au moins rassurant, mais quoi alors ? Surpris de l'entendre s'excuser pour un écart qui n'en était pas un à ses yeux, il secoua simplement la tête. "Ce n'est rien" voulait-il dire, mais si, c'était important. C'était un chaos d'émotions qu'elle gérait tant bien que mal et qu'il risquait d'aggraver s'il intervenait trop tôt. La laisser reprendre pieds d'abord. Elle lui parla des décorations, et pendant un instant il se prêta au jeu, oubliant pourquoi deux anges s'étaient éloignés du grand gala pour se retrouver seuls dans un couloir.

    "Oui c'est assez discret et attirant à la fois. Simple et pourtant hautement reconnaissable."

    Enfin ils pénétrèrent dans ce qui ressemblait au bureau privé de l'ange républicaine. Il y eut comme un relâchement subit de la tension dans l'air, puis leurs yeux se rencontrèrent de nouveau. Il réalisa alors qu'il les avait soigneusement détournés d'elle jusque-là pour se concentrer sur la route empruntée, sur les tableaux, les sculptures, les choses données à voir au lieu des choses qu'il voulait réellement observer.

    "Mais que t’est-il arrivé ?!"

    Il demeura interdit. Partagé entre l'envie de sourire et de pleurer, les deux émotions résonnaient si fort en son être qu'aucune ne parvint à prendre le dessus et qu'il demeurait malgré lui parfaitement impassible, en état de choc. Il avait retrouvé sa petite sœur, indemne, épanouie, aimée. Et il avait manqué ces innombrables occasions qui ne se présentent qu'une fois dans une vie. Il avait été absent de son rôle de frère pendant près de cinq millénaires pour réapparaître tout à coup sans s'annoncer réellement. Si les gardes lui avaient signalé avant, il aurait pu écrire davantage dans sa lettre, la préparer un peu -se préparer-, mais non. Alors, que lui était-il arrivé ? La question était vaste. De quoi fallait-il parler ? La soirée ? La Maison de soins ? Melorn ? Non... Phoebus. Elle gardait sans doute en mémoire ces temps jadis qui semblaient relever d'une autre vie, lorsqu'il ramenait des récits de familles blotties au coin du feu pendant l'hiver, et qu'il lui demandait s'il voulait essayer de faire comme elles. Bien plus loin.

    "Je suis désolé... pour tout... Je réalise que de ton point de vue, j'ai simplement disparu du jour au lendemain sans donner de nouvelles..."

    Ô Gardiens comme cela avait dû être terrible ! D'abord les Titans, cette violente douleur dans le cœur et gravée sur l'âme, puis son frère, sa famille au grand complet. Lui n'avait pas eu le temps d'y penser, roué de coups et d'insultes, luttant pour survivre au milieu des fanatiques assoiffés de vengeance.

    Il voulut déployer ses ailes, se ravisa en se rappelant à quoi elles ressemblaient. Pas trop vite, lui expliquer d'abord, adoucir la nouvelle.

    "Prenons un siège, cela risque d'être long, et difficile à encaisser..."

    Sitôt dit sitôt fait, et l'ange chercha par où commencer. Jadis il n'hésitait pas de la sorte. La différence devait être flagrante, de le voir aussi affligé et meurtri. Il se morigéna mentalement d'être devenu si faible, de ne pas savoir répondre à une question aussi simple et complexe à la fois.

    "Tout est allé très vite. Je me rappelle de la nuit où cela s'est passé. Je dormais, puis la douleur m'a réveillé. Un coup de dague. Un autre. Un autre. Une suite ininterrompue. Les coups n'étaient pas mortels, j'étais trop grand, et mes plumes barraient la vue de mes assaillants. Une horde, peut-être vingt ou trente ? Je ne savais même pas pourquoi. C'était la première fois que je me battais contre des humains. Ils hurlaient. Ils me maintenaient au sol. Quand j'ai fini par réaliser que j'étais couvert de sang, du mien comme du leur, et qu'ils ne stopperaient pas avant que je m'effondre, il faisait déjà jour. Je ne connaissais pas ces gens. Des renforts sont arrivés de leur côté et le temps faisant son office, vidé de mes forces, j'ai cru mourir une première fois. Quand je me suis réveillé, je me trouvais dans une sorte de grotte souterraine où la seule lumière provenait de torches grossières. Et je n'ai plus vu le soleil pendant... des millénaires je crois."

    Il avait à peine effleuré la surface de son histoire et priait pour qu'elle ne demande pas plus de détails. Même après tout ce temps, il souhaitait la protéger, et lui exposer la barbarie des Hommes -avec qui elle vivait !!!- l'anéantirait sans doute. Dans un souci de transparence, il porta la main à son côté, dans le vide où aurait dû se trouver son aile, pinça les doigts puis tira doucement une plume noire, qu'il lui tendit.

    "Cela n'excuse pas tout j'en suis conscient. J'ai changé. Il m'est arrivé des choses terribles. J'ai commis des actions terribles. Je ne suis plus vraiment Phoebus. Je le voudrais, mais je n'y arrive pas. J'ignorais que tu étais encore en vie. Je te demande pardon, Inâna. Au moins, toi, tu as l'air heureuse. Puis-je m'en réjouir ?"

    Il lui laissa le temps de digérer les premières informations, de retourner la plume entre ses fines mains puis, quand il fut certain qu'elle tiendrait le coup, il appela ses ailes d'une pensée. Les deux arcs de plumes sombres accaparèrent la lumière d'un lustre sans se départir de leur majesté. A l’instar de  tous les anges autrefois, il était beau, façonné comme une œuvre vivante, même teinté ainsi. Sur son visage cependant la maitresse des lieux pourrait lire combien il lui coûtait d'afficher cette cicatrice de son âme. Il assumait ce qu'il était devenu : sa nature, sa couleur, ses forfaits passés. Mais si l'avis du monde entier lui importait peu, celui de sa sœur tout juste retrouvée en revanche l'angoissait. Etait-il encore digne de l'appeler par son surnom ? Digne de porter celui de Phoebus, le Lumineux ?
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  • Sam 4 Jan - 19:40
    Comme elle s’y attendait, sa réaction agressive – mais compréhensible compte tenu des circonstances – fit intensément culpabiliser Sylas. Celui-ci restait planté au milieu du salon dans une attitude désœuvrée, triste et confuse. Elle voyait dans ses yeux tout le désespoir du monde : la froideur qu’elle avait captée plus tôt n’était en fait qu’une peine masquée, sans doute l’empreinte indélébile et déformée d’une souffrance rendue infinie par son immortalité. La Pléiade souffla longuement pendant qu’il s’excusait pour sa disparition malheureuse, puis elle secoua la tête, cachant les larmes qui menaçaient de la faire sombrer de nouveau. Elle finit par se redresser courageusement afin d’affronter son frère :

    – Je n’avais même pas conscience que je t’en voulais avant de te poser la question, et… ce n’est pas réellement juste, en réalité. Elle passa sa main droite dans sa chevelure parfumée, mal à l’aise, et ajouta dans un murmure : Ce n’est même pas vraiment de notre faute, de toute façon… C’est Lui qui nous a…

    Elle ne put finir sa phrase. L’aveu était trop gros. Elle qui s’était évertuée à cacher sa véritable nature – pourtant si flagrante – au commun des mortels, à se fondre dans la masse humaine, avant de se frayer une place dans l’élite sociale d’une nation aussi hypocrite que libérale, elle était aujourd’hui incapable d’exprimer ce qu’elle avait sur le cœur à l’unique personne qui pourrait jamais la comprendre et partager ce fardeau avec elle. Inâna voyait bien que leur malédiction était encore trop lourde à porter pour leurs épaules. La tristesse qu’elle lisait dans les yeux de Phoebus lui déchirait un peu plus le cœur à chaque seconde. Toutes ses stratégies de défense, d’évitement, de travestissement pour être aimée, pour combler ce vide laissé par le traumatisme de la guerre et de la survie, volaient maintenant aux éclats avec une violence inouïe. Sylas au cœur d’or, Sylas aux paroles réconfortantes, devenait aujourd’hui Sylas lumière aveuglante et douloureuse, Sylas révélateur tortueux, aussi tranchant et efficace qu’une lame effilée. Malgré lui ; malgré elle. Et la conversation ne faisait que commencer.

    Ils s’assirent. Phora dans son large fauteuil de bureau ; Phoebus sur l’une des chaises moelleuses réservées aux invités, de l’autre côté de l’imposante table de bois massif. Il débuta son histoire : elle savait que son résumé n’effleurait que la surface de ce qu’il avait réellement vécu, qu’il s’évertuait à l’adoucir, et pourtant de terribles visions s’insinuèrent dans son esprit tandis que la Perfectionniste l’observait sans rien dire, le visage figé, les mains à plat devant elle, dans une position d’immobilité totale. Elle voulait pourtant crier, le prendre dans ses bras ; elle en était bien incapable sur le moment. Pas encore. Peut-être jamais.

    Le nouvel ambassadeur de Melorn pinça le vide dans son dos et lui tendit ensuite une plume qu’il venait de détacher de ses ailes invisibles. La Pléiade, le fixant toujours d’un air neutre, fit un effort magistral pour détacher ses yeux de son visage et observer la penne ténébreuse. Elle hésita plusieurs secondes, interdite ; elle finit cependant par la prendre du bout des doigts. Son geste, lent et récalcitrant, sa sidération silencieuse, son visage de cire un peu trop pâle, révélaient son bouleversement intérieur. Ses pensées se résumaient en un chaos de cris mentaux qui refusaient pourtant de s’exprimer. Pas encore. Peut-être jamais.

    – Les humains… hein ? Dit-elle d’une voix tremblante pendant qu’elle tournait et retournait la plume entre ses doigts, admirant passivement son éclat d’obsidienne. On dirait le ramage d’un magnifique corbeau, parvint-elle seulement à penser distinctement, parmi la multitude de glapissements que son esprit s’escrimait à lui envoyer.

    Un silence de plomb s’installa de nouveau entre eux. Les deux anges digéraient ces informations ; Inâna sentait que Sylas l’attendait pour poursuivre. Il demanda encore pardon, l’implorant presque pour toutes les fautes qu’il avait commises et dont elle n’avait pas conscience, pour tout ce qu’elle avait oublié, volontairement ou non, pour sa lâcheté ou son courage, sûrement les deux ; la Perfectionniste ne savait plus. Pour la première fois depuis des siècles, elle était incapable de toute pensée rationnelle, elle se fragmentait, s’effondrait, se fondait dans le chaos qu’elle cultivait en secret au fond de son être. Un frémissement lui fit lever la tête.

    Sylas venait de briser le sort qui maintenait ses ailes invisibles. Son ramage obscur apparut dans son dos, contrastant avec sa chevelure blonde et sa peau blanche, parodie cruelle de ce qu’il avait été autrefois. Inâna grinça des dents à la vue de ce que le destin avait décidé pour son frère. Pendant qu’elle dormait dans sa prison magique, lui se faisait torturer par ceux qu’elle gâtait aujourd’hui. Pendant qu’elle oubliait, encore et encore, les maltraitances qu’on lui faisait subir, lui vivait un enfer inimaginable. Et enfin, alors qu’elle jouissait de ses privilèges, de ses richesses, de la superficialité de leurs bourreaux, lui… Tuait-il ? Massacrait-il par vengeance ? Torturait-il, à l’exemple de ses tortionnaires, dans une transe mimétique insupportable, mais à l’apparence salvatrice ? Elle n’osait poser ces questions fatidiques. Pas encore. Peut-être jamais.

    Elle s’agita imperceptiblement sur son siège, semblant revenir à elle après sa fuite mentale aussi inquiétante que nécessaire. La Perfectionniste se contraint à sourire. Les yeux toujours vides, elle avait néanmoins l’intention d’apaiser les choses, ou du moins de les rationnaliser comme elle savait si bien le faire.

    – Sais-tu qu’un sens métaphorique de Phoebus en divina veut dire « oblique » ? T’aurais-je condamné à une destinée ambiguë, tortueuse ou déloyale, à cause de ce surnom… ? Elle émit un rire sarcastique. Tout cela est bien cruel, en tout cas, conclut-elle sur un ton hargneux. Elle secoua encore la tête – comme pour chasser les hurlements qui alourdissaient son âme. Voyons… voyons le bon côté des choses. Une lueur d’espoir et d’amour brilla dans ses yeux ternis par le choc. Nous ne sommes plus seuls. Nous nous sommes retrouvés.

    Sa voix restait curieusement froide et irritée. La colère grondait dans sa gorge comme une bête blessée prête à en finir ; une aigreur brûlante qu’elle n’avait jamais connue auparavant.

    – Mais… heureuse ? Elle émit un autre petit rire sarcastique. Pas encore. Peut-être jamais. L’ange de Magic soupira, posant finalement la plume devant elle : Mais cela n’a aucune espèce d’importance. Pour l’instant je… L’émotion manqua encore une fois de l’emporter. Agitée, frissonnant des ailes, elle chercha un point d’appui visuel dans son espace, revit malgré elle les ailes noires de Sylas, ses yeux désolés, se leva, désappointée, et lui tourna le dos. Elle se rapprocha du large vitrail coloré qui trônait au fond de la pièce, derrière le bureau, et contre lequel elle s’appuya, les bras croisés, le visage levé vers une lune à demi-cachée par le verre teint :

    – Je ne peux même pas imaginer quel genre de tortures on t’a infligé, et je ne suis pas sûre d’être prête à les entendre, ni même à comprendre tes propres réactions, puisque je suis moi-même dans un processus étrange. J’ai vécu… tellement différemment notre… Chute. Elle se retourna pour l’observer pensivement. Sa voix se fit plus lointaine. C’est comme si… nous avions été délibérément séparés par la réalité elle-même… Comme s’il était nécessaire de vivre aux deux extrémités du même chemin, avant de pouvoir se retrouver. Peut-être que cela est positif, ou peut-être n’est-ce qu’un fantasme de dévote, je ne sais…

    Dans un soupir las, elle se relâcha légèrement et se rapprocha de Sylas, sur qui elle posa une main qui se voulait rassurante, familière et protectrice.

    – Notre voyage ne fait peut-être que commencer, Phoebus. Qu’en penses-tu ? Comment te sens-tu ? Je suis là… je suis là si tu veux parler, me raconter, te confier, ou juste découvrir le monde dans lequel je vis, dans une perspective plus… plus légère ! Acheva-t-elle avec un rictus ironique.

    Message n°4



                   
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  • Dim 5 Jan - 20:08


    "Je t'interdis d'imaginer que tu m'as condamné à quoi que ce soit."

    C'est la première chose que je parviens à formuler tandis que je te vois, au fil de mes révélations, passer par toute une palette d'émotions, comme le peintre indécis devant sa toile. J'en ai si peu dit et je crois que c'était pourtant trop. Bien sûr, quelle petite sœur voudrait apprendre toutes ces choses sur son aîné ? J'étais un modèle, un soutien, et maintenant je ne suis qu'une ombre effritée qui se maintient tout juste debout. Malgré tout, tu m'appelles encore Phoebus, et tu n'imagines pas combien cela réchauffe mon âme tourmentée. Je te connais par cœur, je sais ce que tu es en train de faire. Tu cherches un repère solide, rationnel pour éviter le raz-de-marée. C'est là que je dois intervenir, chasser les démons avant qu'ils ne le fassent.

    Je te regarde te lever, détourner les yeux, les ramener invariablement. Sous cette carapace de froideur et de dureté que je reconnais pour avoir forgé la même, je vois l'enfant que tu n'as jamais été qui m'appelle parce qu'elle a peur de l'orage, son tout premier. Et j'attends ce tout petit éclat, celui qui m'a maintenu en vie contre toutes les probabilités.

    "C'est vrai, nous ne sommes pas seuls. Nous nous sommes retrouvés."

    Je le dis avec un soulagement audible et je le pense vraiment. Les humains qui m'ont saigné sont morts, rattrapés par leur mortalité, j'ai appris de cette triste période de ma vie tout le mal dont ils pouvaient être capables et j'en suis ressorti plus fort. Tu reviens alors vers moi et dans mon regard couve une lueur d'amour comme un soleil qui jamais ne s'éteindra, pas tant que tu seras là, pas tant que je serai à tes côtés.

    La main que tu me tends, je la saisis délicatement, pas comme dans la salle de bal avec ces manières idiotes et lustrées, mais avec une réelle tendresse. Je me lève et me rapproche, lentement, puis tend l'aile dans ton dos, pour former ce cocon de chaleur et d'amour comme autrefois. Voyant que tu ne me repousses pas, que tu m'accueilles comme si j'avais simplement fait une promenade pour te ramener une nouvelle histoire, je fais encore un pas et t'attire contre moi, j'enserre ta taille et t'offre une étreinte franche.

    Je te connais par cœur, tu le sais. Tombe ce masque et laisse-toi aller.

    "Tu m'as manquée Phora. Je me sens mieux maintenant que je sais que tu es sauve. Rassure-toi je n'avais pas l'intention de te détailler mes tourments, mais je te devais la vérité. Et cela vaut en sens inverse : si tu as besoin de moi, je suis là. Pour t'écouter, pour te soutenir, pour partager ce lien que nous avons choisi."

    Il nous a peut-être créés tous les deux, mais c'est nous qui avons décidé de former une famille. Rien ne nous y obligeait. Cela nous appartient, comme une promesse éternelle que nous resterons l'un pour l'autre, même si le monde brûle autour de nous.

    "Contrairement à ceux qui nous oppressent, nous avons tout le temps du monde. Le chemin n'a pas de fin si nous décidons qu'il en est ainsi. C'est avec le plus grand plaisir que je le partagerai avec toi encore une fois. Peu importe l'extrémité que nous avons empruntée auparavant."

    Et pour te prouver que je ne suis pas totalement étranger à notre passé commun, je laisse la mana traverser mon corps -juste un peu, afin de ne pas alerter d'éventuels senseurs magiques-, laquelle illumines mon être d'un halo de lumière dorée, d'autant plus éclatante en contraste des plumes sombres qui forment mon nouvel habit naturel. Tu adorais que je brille de cette façon, je me souviens.

    "Il fait toujours beau au-dessus des nuages, tu sais ? Il nous suffit de voler plus haut que nos tempêtes."

    Je te garde dans mes bras encore un moment. J'aimerais simplement pouvoir rester là et rattraper le temps perdu en te berçant, mais je me doute au vu de tes réactions que tu as dû toi aussi en baver, autrement que moi, mais avec tes propres démons remisés quelque part dans un coin de ton esprit. Alors je te protège autant que je le peux, en te gardant dans l'illusion de mon ancienne force.

    "Dis Phora, j'aimerais que tu me parles de tes projets. De tes envies. De ce qui te rendrait heureuse, là tout de suite, si je pouvais tout t'offrir. Je voudrais pouvoir te tendre la main et que tu y trouves le bonheur, quel que soit sa forme. "

    Je veux verser quelques rayons de clarté dans l'obscurité de tes cauchemars, est-ce beaucoup demander ?

    Mes mains te relâchent, mais mon regard est plus poignant. Mon esprit est déjà en train de rêver à ce que nous pourrions faire tous les deux. Je vois des longs vols sur fond de ciel sans nuage, à parcourir le Sekai pour le simple plaisir de sentir le vent dans nos rémiges. J'entends nos chants qui se mêlent, nos voix d'anges qui n'ont aucune égale dans les gorges mortelles, y compris les artistes que nous avons entendus ce soir. J'aimerais te faire goûter aux petits plats d'Aliza, qui a su convaincre mon palais bien qu'il n'en ait pas besoin. Tu m'habillerais de tes magnifiques bijoux et parures et je te coifferais comme une reine.
    Mille idées futiles germent, des petites choses du quotidien qui pourraient nous renvoyer à ces millénaires d'autrefois pleins d'innocence. Cependant, je prends en compte nos blessures et le temps qu'elles devront guérir. Je l'ai appris de Lidwen, il ne faut pas ignorer la douleur, pas la reléguer, elle est utile, elle prévient des conséquences plus graves. Alors je contiens mon nouvel enthousiasme pour te laisser le temps de réfléchir, de pleurer peut-être, de me sermonner sans doute. Peu importe comment, je t'attends, et je le ferai aussi longtemps que nécessaire. Si tu n'es pas heureuse ici, je me sens capable de t'emporter ailleurs, où ces façades n'auront aucune espèce d'importance.
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