Au fil des ans, Evelyn a oublié de nombreuses petites choses qui faisaient d’elle un être vivant. Le plus flagrant est sûrement qu’elle oublie régulièrement de cligner des paupières, ou de s’habiller suffisamment chaudement pour supporter le climat austère des terres du nord. Elle n’a pas besoin de dormir, préférant méditer les yeux ouverts, immobile, comme le cadavre qu’elle aurait dû être. Si sa voix est suave, son ton est souvent acerbe, voir dédaigneux envers les vivants et elle possède un accent oublié, venu d’une autre époque depuis bien longtemps révolue. La nécromancienne n’apprécie pas particulièrement de toucher les gens, leur chaleur est déconcertante, comme la fraîcheur de son contact l’est pour eux.

Elle est loin d’envier ceux-ci. Déjà quand elle était encore en vie, Evelyn préférait la compagnie des défunts à celle des vivants. Ses passe-temps macabres ont survécu au passage des siècles et elle est connue pour s’extasier devant des scènes horribles, des monstruosités répugnantes ou des rituels impies comme le ferait une petite fille. C’est d’ailleurs dans ces moments qu’elle ressemble le plus à un être vivant, sa façade glacée fondant face à sa véritable passion : la nécromancie. Par ailleurs, à force de côtoyer les morts, Evelyn a quelque peu oublié la distinction que font la plupart des gens entre les vivants et les cadavres. Elle a parfois aussi peu de considération pour les premiers que pour les seconds et ne voit aucun problème au fait d’inviter un défunt à danser lors de sa propre veillée funèbre ou à essayer d’entretenir une conversation avec un spectre ou une goule. Par ailleurs, à ses yeux, l’incinération est une abomination. Tous ces morceaux utilisables partis en fumés. De la même façon, elle a peu de considération pour la survie des autres, proposant parfois des solutions macabres à des problèmes simples. Il lui arrive parfois aussi d’ausculter des vivants comme elle le ferait d’un cadavre prêt à être utilisé, oubliant alors bien des règles sociales. Ceux-ci n’aiment pas forcément qu’on leur dise qu’ils feraient un formidable zombie par ailleurs.

Ainsi, là où certains verraient un mort ambulant comme une abomination à détruire, au contraire, Evelyn le voie comme un spécimen parfaitement adorable, qu’elle prendrait plaisir à adopter (ou à asservir avec ses propres rituels). Cette vision des choses s’étend même avec toute créature vivante suffisamment horrifique pour être ajoutée à sa collection. Car finalement, la personnalité d’Evelyn peut se résumer à deux choses. Dans un premier temps, elle est une collectionneuse dans l’âme, une amasseuse compulsive de savoirs nécromantiques, d’artefacts impies et de morts-vivants originaux. Parfois elle va même jusqu’à proposer à des gens de signer un contrat avec elle pour que leurs corps lui reviennent après leur trépas, simplement parce que la forme de l’un de leurs os l’intrigue. Enfin, c’est une survivante. Toute son existence a été dédiée au fait de se faire une place dans un monde qui la considère comme une abomination et de survivre à tout ce que celui pouvait envoyer à son encontre, qu’il s’agisse des mentors mégalomaniaques, des soldats fanatiques ou des héros vengeurs.

Evelyn naquit plus de cinq millénaires plus tôt, alors que le monde était déchiré par les affrontements entre les Titans et leurs fidèles, contre les rebelles mortels. Son village natal se trouvait perdu dans une vallée marécageuse, au milieu des montagnes au nord de ce qui deviendrait la République. Cette communauté humaine survivait principalement grâce aux maigres récoltes que leurs donnaient leurs terres humides, ainsi que de la pêche et de la chasse. Leur isolement ne les avait pas protégés complètement des affres de la guerre. Les tensions entre les foyers étaient palpables. Les suspicions d’hérésies étaient communes, tandis que certains hommes et femmes avaient quitté le village pour s’enrôler dans les armées de l’une ou l’autre des factions, laissant derrière eux des foyers brisés, parfois plongés dans l’opprobre. Des soldats de passage pillaient régulièrement les maigres réserves de nourriture des villageois, quand ils ne les malmenaient pas ou ne les accusaient pas d’être des rebelles. Les routes avoisinantes n’étaient plus sûres la nuit, des morts-vivants rôdaient, ainsi que des groupes de déserteurs qui s’étaient convertis dans le banditisme.

C’est donc dans ce climat tourmenté qu’Evelyn vit le jour. Sa mère était une guérisseuse et l’identité de son père était quant à elle un mystère. Cet état alimentait les rumeurs et les commentaires disgracieux de la part des villageois, mais ceux-ci avaient trop besoin de soins pour aller plus loin. La femme et sa fille vivaient en marge de cette communauté et toute tentative d’intégration d’Evelyn était mise à mal par son tempérament pour le moins étrange. Dès son plus jeune âge, celle-ci développa une fascination morbide pour toutes les choses étranges et sinistres. Elle collectionnait insectes, araignées et serpents, façonnaient des carillons avec des ossements d’animaux et passait trop de temps dans le cimetière du village. Les rumeurs allaient bon train sur la jeune fille. Certains villageois, dans leur ignorance crasse, soupçonnaient que son père était en fait un démon, voir même X’o-rath lui-même. Bien sûr il n’en était rien. Evelyn était simplement une anomalie, une enfant née avec une affinité naturelle dans les ténèbres. Sa mère l’appelait affectueusement sa petite goule ou disait qu’elle était simplement née avec un pied dans la tombe.

Evelyn passa d’une enfant lugubre à une adolescente impétueuse. Sa beauté et ses charmes faisaient d’elle un objet de fascination pour les garçons du village et elle en jouait avec plaisir. Quelques nuits, elle se rendait au milieu du cimetière pour danser au milieu des tombes, sur une musique qu’elle était la seule à entendre, tout en sachant très bien que des regards furtifs d’adolescents qui s’étaient glissés en dehors de leurs lits étaient braqués sur elle. Elle était curieuse, intelligente et à la langue acerbe, ce qui la rendait très peu populaire auprès des autres habitants plus âgés du village, ou même de ses potentielles rivales. Mais elle n’en avait que faire. Fière de ce qu’elle était, l’adolescente se drapait dans sa solitude avec fierté et détermination. Seule elle et sa mère comptaient. Mais surtout elle.


Leur vie et leur statut changèrent toutefois lors d’une nuit d’un hiver particulièrement rude. Les réserves de nourriture étaient au plus bas. Des bêtes sauvages rôdaient aux alentours et des goules avaient apparemment élu domicile dans le cimetière. Des bandits attaquèrent le village, à la recherche de nourriture. Certains d’entre eux trouvèrent Evelyn en train de danser dans le froid, au milieu des tombes. Leurs pulsions lubriques et cruelles à son encontre ne purent toutefois être assouvies. Quelque chose de primitif se manifesta chez la jeune femme. Sûrement était-ce dû à un mélange de peur ou d’excitation, mais elle formula son premier sortilège. Il s’agissait de quelque chose de grossier, né de son talent brut. Mais ce fut suffisant pour qu’elle puisse appeler à elle les goules sauvages qui rôdaient dans une crypte voisine, pour les commander et les diriger vers ses assaillants. Evelyn mena ensuite sa troupe macabre jusqu’au reste du village, ordonnant aux morts-vivants de se jeter sur les intrus. Puis, quand tous les assaillants furent repoussés, elle commanda aux goules de retourner dans leur repaire, avant de s’effondrer, exténuée.

Les jours qui suivirent, Evelyn était toujours une paria au sein de leur communauté. Mais elle était aussi devenue la sauveuse locale, la seule femme qui avait réussi à les protéger. Leur communauté comptait plus de vieillards, d’enfants et de mères endeuillées que d’hommes et de femmes capables de se battre. Si une jeune sorcière aux cheveux d’ébène et les goules qui rongeaient les os de leurs morts étaient tout ce qu’ils avaient pour survivre, alors ils feraient avec. A la fois crainte et respectée, Evelyn devint une entité étrange. On la traitait presque plus comme un personnage, une force de la nature que comme une personne. Elle se délectait de cette nouvelle attention et se plongea dans l’apprentissage de ses dons. Ses connaissances restaient extrêmement limitées. Il n’y avait aucun livre de magie dans le village et si quelques anciens avaient connus des magiciens ou avaient même pratiqué un peu cet art ésotérique, ils ne purent fournir à Evelyn que des bases bancales. Malgré cela, elle passa ses nuits à expérimenter, apprenant progressivement à affiner son contrôle sur les goules et même à relever temporairement des morts à l’état de zombie. Il lui arrivait même d’être invitée à des veillées funéraires, souvent festives dans cet environnement reculé, et invitait le trépassé à danser avec elle une dernière fois avant d’être mis en bière.

La légende de cette jeune femme qui réveillait les morts pour défendre son village finit par quitter la vallée. Un jour, un noble individu, accompagné de ses gardes du corps, fit son apparition. Les étrangers étaient rares, encore plus quand il ne s’agissait pas de soldats simplement de passages. L’homme, nommé Zul Ashur, se présenta comme un magicien qui combattait les rebelles aux côtés des serviteurs des titans, il avait entendu parler d’Evelyn et souhaitait lui proposer de devenir son apprentie. A peine eut-elle entendue cette proposition que l’imagination et l’ambition de la jeune nécromancienne s’emballèrent. C’était l’occasion pour elle de devenir quelqu’un, de devenir autre chose qu’une simple sorcière qui vivait dans un village coupé du reste du monde. Quels secrets, quelles connaissances ne pourraient-elle pas acquérir avec le mentorat d’un tel individu ? Son enthousiasme fut à peine entaché par l’idée de laisser son village et sa mère sans défense. Mais le magicien la rassura rapidement, en annonçant que les armées des Titans veilleraient bien entendu sur eux en son absence.

Aussi, âgée d’à peine vingt ans, Evelyn s’en alla aux côtés de ce mystérieux homme, pour devenir une véritable nécromancienne.


Zul Ashur se révéla être un mentor exigeant et cruel. Il amena la jeune femme jusqu’à sa demeure où elle se retrouva en compagnie d’autres apprentis. L’homme était un nécromancien accompli et avait à sa disposition plusieurs grimoires, mais aussi de nombreux serviteurs morts-vivants. Evelyn et ses camarades étaient chargés de nombreuses tâches au sein de la tour du mage. Tout ce que ne pouvaient accomplir les squelettes et les zombies leur incombait. Y compris parfois réchauffer la couche de leur maître. Une fois leurs corvées achevées, alors qu’ils étaient exténués, ils enchaînaient avec leur apprentissage de la magie noire. Zul Ashur les poussait continuellement, les faisant repousser leurs limites encore et toujours. Il les montait souvent les uns contre les autres, leur donnait des tâches impossibles ou les punissait implacablement pour le moindre échec. Ces années d’abus avaient pour seul but de les rendre plus forts, plus endurants et surtout de leur faire comprendre que tout dans l’existence, exigeait des sacrifices. Un par un, les apprentis abandonnèrent, notamment eux qui avaient un endroit auquel retourner. Ce n’était pas le cas d’Evelyn, aussi se plongea-t-elle corps et âmes dans cette vie de servitude, à la recherche de la moindre miette de connaissance. Elle avait appris avec les années à naviguer dans la demeure labyrinthique, à s’orienter dans la bibliothèque de son maître et avait consulté des ouvrages qui lui avaient été formellement interdits.

Ce furent sa défiance et sa curiosité naturelle qui sauvèrent la vie d’Evelyn. Ou plutôt lui permirent de survivre. Après des années d’apprentissage, il était évident pour la nécromancienne que Zul Ashur ne la traiterait jamais comme son égal, ce qui l’avait amenée à s’interroger sur pourquoi il avait désiré avoir des apprentis. A plusieurs reprises, le nécromancien avait gravé des runes à même sa peau. soi-disant pour agrandir ses réserves de mana, pour la rendre plus résiliente. Le tracé avait été fin et délicat et les marques étaient invisibles la plupart du temps, sauf quand la nécromancienne abusait de ses pouvoirs. Toutefois les lectures interdites d’Evelyn lui permirent de découvrir la supercherie de son mentor. Elle et les autres acolytes n’étaient rien que des outils pour Zul Ashur, des réserves de puissance occulte qui devaient être sacrifiées et absorbées par le nécromancien pour qu’il puisse devenir une liche.

Evelyn passa des journées entières à altérer ses propres runes, petit à petit, alors qu’elle en apprenait plus sur les projets de son maître. Quand celui-ci leur annonça qu’ils étaient enfin prêts à prendre part à un véritable rituel à ses côtés, elle était prête. Bouffi d’égo, convaincu de sa propre supériorité et de son invulnérabilité, Zul Ashur devint la propre victime de son ambition. Evelyn parvint à inverser le processus de sacrifice, drainant l’énergie de son maître, mais aussi des acolytes qui avaient partagé toutes ces années de torture avec elle, pour finalement mourir et renaître. Quand elle rouvrit les yeux, elle ne faisait enfin plus qu’un avec la mort. Sa peau était glacée, son cœur ne battait plus et ses yeux voyaient clair dans les ténèbres. Elle était devenue une liche, une créature de la non-mort. Elle avait dérobé tout le travail de son maître, avait sacrifié les seuls individus qu’elle aurait pu considérer comme sa famille pour le pouvoir. Elle ne regrettait rien.


Après dix années de tourmente, d’abus et de machinations, la nécromancienne devenue liche pu enfin rentrer chez elle. Son esprit se demandait ce qu’avait pu devenir le marais et son village après tout ce temps. Sûrement seraient-ils surpris de voir ce qu’elle était devenue. Zul Ashur ne lui avait pas seulement appris la magie noire, il avait fait d’elle une dame, une érudite cultivée et raffinée. Elle avait presque honte en repensant à la sauvageonne qu’elle avait été adolescente. Cette métamorphose valait-elle tous les souvenirs traumatiques qu’elle avait enfoui au plus profond de sa psyché ? La nécromancienne ne préférait pas s’attarder sur cette question.

La masure de sa mère, en bordure du village, avait été abandonnée depuis des années et sa propriétaire était introuvable. Evelyn n’y trouva qu’un chat noir, probablement pendu par des enfants aux penchants sadiques, qu’elle réanima pour lui tenir compagnie lors de son enquête sur ce qu’il s’était passé. Il ne lui fallut que peu de temps pour comprendre. Les insignes des titans au milieu des ruelles, les gibets sur la place centrale… Des familles avaient abrité des rebelles, ce qui avait poussé les forces divinistes à prendre des mesures radicales. Une véritable hystérie collective avait pris possession de la population qui s’était retournée vers tous les individus qui étaient un minimum suspect. La mère d’Evelyn en faisait partie et cette dernière retrouva son corps putréfié dans une fosse commune en compagnie de nombreux autres infortunés.

La nécromancienne n’avait jamais eu qu’un lien ténu avec les vivants, avec sa propre humanité. Celui-ci s’était fragilisé lorsqu’elle était devenue liche et avait sacrifié les autres acolytes et trahi son maître pour y parvenir. Il était dorénavant brisé. Aussi leva-t-elle une armée des zombies qu’elle fit déferler sur le village de son enfance, massacrant les soldats en poste, puis les villageois qui avaient porté sa mère jusqu’au gibet. Elle épargna toutefois leur progéniture, peut-être restait-il encore un peu d’espoir pour elle.

Le marais devint le nouveau fief de la liche. Celle-ci y fit ériger un manoir par ses hordes morts -vivants, qui devint le siège de ses nombreuses expérimentations nécromantiques. La solitude qui incombait à la liche, au lieu de l’abattre, lui avait permis de se concentrer sur son étude des arts noirs en toute tranquillité. Seul son chat mort-vivant, Malice, était là pour la distraire de temps à autre.

Il lui fut facile d’oublier le reste du monde, les conflits entre les rebelles et les titans, l’émergence de la République ou du Reike proches. Tout au plus était-elle parfois dérangée par quelques groupes de pilleurs de tombes ou de héros mal léchés désireux de mettre fin à son prétendu règne de terreur. Il n’y avait plus personne de vivant dans le marais pour souffrir de sa tyrannie. La nécromancienne avait toutefois d’autres ennemis. Les orphelins du village avaient grandi, étaient devenus pour certains des vétérans aguerris. Ils n’avaient pas oublié la sorcière qui leur avait tout pris, qui avait massacré leurs parents sous leurs yeux. Bien sûr, Evelyn aurait considéré qu’elle leur avait rendu service en leur épargnant une existence médiocre comme celle qui l’aurait attendue en l’absence de son ancien maître. Mais ils n’étaient pas ouverts à la discussion quand ils firent irruption dans son manoir pour se venger.

Au moins firent-ils preuve d’une certaine imagination. Ils savaient que la liche n’était plus sujette à la mortalité au sens où ils l’entendaient. Aussi, de peur qu’elle ne revienne à la vie d’une façon ou d’une autre ou que son esprit ne les hante par-delà la tombe, ils préférèrent la sceller plutôt que de la détruire. Evelyn se retrouva entravée par des chaînes censées l’empêcher d’utiliser ses pouvoirs, puis enfermée dans un sarcophage de pierre qui lui-même fut abandonné dans les profondeurs d’une crypte oubliée. Puis bien sûr, ils mirent le feu à sa demeure. Sûrement avaient-ils été vexés que la liche ne se soit pas souvenue d’eux. Les mortels étaient susceptibles comme ça. En tout cas, elle avait appris sa leçon : elle ne laisserait plus les enfants en vie la prochaine fois.


Passer des années, décennies voire siècles dans une prison obscure, privée de toute sensation, de toute distraction, lui avait laissé beaucoup de temps pour réfléchir. Probablement devint-elle folle une ou deux fois, avant de retrouver ses esprits par un lent processus de reconstruction mental. Evelyn n’avait en réalité aucun moyen de savoir combien de temps s’était écoulé depuis son emprisonnement. Elle ne pouvait même pas se fier aux battements de son cœur, celui-ci ne battant plus depuis longtemps. Tout ce qu’elle pu faire fut attendre que par un concours de circonstance, on vienne la libérer. Pour cela, elle comptait avant tout sur l’avidité des hommes et elle ne fut pas déçue.

Des chercheurs de trésors finirent par visiter les ruines de son manoir. Son histoire était depuis longtemps devenu une légende, celle de la liche tyrannique qui avait terrorisé ce marais maudit pendant des décennies avant d’être vaincue par de vaillants héros à l’histoire tragique. Sûrement devait-il y avoir des trésors, des artefacts magiques, des grimoires antiques, dans ces ruines. Sûrement que la personne qui avait été enfermée dans ce sarcophage avait été inhumée avec des bijoux et des pierres précieuses. En tout cas, c’est ce qui avait dû traverser l’esprit des infortunés qui la libérèrent de sa prison par inadvertance. Elle joua parfaitement la morte (après tout elle avait de l’expérience) jusqu’à ce qu’il soit temps de frapper et de se libérer.

De nouveau en pleine possession de ses moyens, quoiqu’un peu poussiéreuse et probablement plus folle qu’elle ne l’avait été avant, la nécromancienne décida de profiter de cette nouvelle chance. Elle avait trop vu le marais de son enfance pour les siècles à venir. Aussi voyagea-t-elle un temps, visitant les nouveaux royaumes qui peuplaient le monde. Elle se révéla rapidement persona non grata dans la République, à cause de leurs vues arriérées sur la nécromancie et les morts-vivants. Elle trouva des oreilles plus longues et attentives au sein de Melorn où les elfes, bien que la méprisant, étaient intéressés par son expertise de la magie noire. Ses incursions au Shoumei furent des plus brèves, la religion lui ayant toujours apparu comme une perte de temps digne uniquement des individus manquant de talent ou d’imagination. Le Reike était intéressant, mais elle détestait par-dessus tout ce climat chaud et sec. Puis son teint d’une pâleur cadavérique jurait terriblement avec les teints plus hâlés des humains locaux. Elle était incapable de bronzer. La nécromancienne occupa bien des rôles durant ces années : elle s’essaya au divertissement avec une troupe de squelettes dansants, se fit conseillère, assassin, courtisane, en fonction de ses besoins du moment. Elle mena même quelques expéditions près des ruines maudites du grand nord pour y étudier les monstruosités laissées par les titans. Et dire qu'elle aurait pu y assister en personne si elle n'était pas restée cloîtrée dans son marécage.


La liche s’installa de façon plus pérenne dans les terres à l’est de Melorn. De cette façon, elle était assez proche des elfes pour pouvoir entretenir quelques échanges ésotériques avec eux, allant même jusqu’à être invitée à quelques occasions pour partager son savoir nécromantique. Même si certains habitants de la ville méprisaient ce qu’elle était, une humaine et une liche, ils reconnaissaient sa perspective rarissime à propos des arts noirs. Elle était elle-même un produit de la nécromancie et avait passé des millénaires à étudier ses différentes applications ainsi que les différentes variétés de morts-vivants qu’elle avait pu rencontrer au cours de ses voyages. Par ailleurs, la proximité relative des ruines elfiques, toujours hantées par de nombreuses abominations non-mortes, lui offrait une chance unique de pouvoir continuer ses recherches. Parfois, il lui arrivait aussi de mettre la main sur des corps parfaitement préservés par le froid ce qui était tout aussi précieux pour certaines de ses expérimentations.

La réputation d’Evelyn Briarwood en tant que nécromancienne se développa peu à peu à Melorn et finit même par atteindre le Reike voisin. Si Evelyn avait pensé s’y installer un temps, l’esclavage étant en théorie une source intéressante de membres et cadavres, elle avait renoncé pour plusieurs raisons. D’une part le climat désertique, mais aussi les vues arriérées de la population sur le sexe féminin et cette odieuse histoire de tatouage. La dernière fois qu’elle avait laissé quelqu’un graver quelque chose sur sa peau, cela avait été pour faire d’elle un sacrifice. Plus personne n’approcherait une aiguille ou quoique ce soit d’autre de son épiderme.

Toutefois, la nécromancienne développa un intérêt renouvelé pour la nation du sud à la suite de la nouvelle invasion des titans. Peu désireuse de devoir servir ces entités pseudo-divines (elle était devenue une athée convaincue), la nécromancienne avait pris les armes aux côtés de Melorn et donc du Reike. La conquête des terres du nord qui avait suivi avait fait de la nation désertique ses plus proches voisins, mais c’était surtout leur intérêt renouvelé pour la nécromancie qui avait éveillé son intérêt.

Elle avait croisé plusieurs chasseurs de zombies, à la recherche de cadavres ambulants pour remplacer les esclaves désormais libres. Voyant là une opportunité lucrative, Evelyn devint un intermédiaire pour certains d’entre eux. Sa connaissance des terres du nord, mais aussi sa maîtrise de la nécromancie en faisant un atout précieux. Elle commença à garder de nombreux morts-vivants dans son domaine qu’elle pouvait vendre à ces individus pour qu’ils les ramènent au sud. Elle fut même conviée une ou deux fois à l’université de Drakstrang en tant que professeur invitée pour y aider à la formation de jeunes nécromanciens. La liche envisagerait même de déménager à Ikusa pour pouvoir développer son commerce de morts-vivants mais aussi peut-être rejoindre de façon plus permanente l’université.


...

Melorn - Evelyn entretient de bonnes relations avec les elfes, même si elle les trouve obséquieux et bien trop attachés à la vie. Elle apprécie le fait que les érudits de la ville voient la nécromancie comme un domaine d’étude comme un autre et non comme une abomination, mais elle sait aussi qu’ils n’ont pas l’estomac suffisamment accroché pour pousser ces recherches jusqu’où elles devraient l’être. Aussi, quelle idée de vouloir avoir une ville lumineuse et luxuriante au milieu de la toundra ? L’obscurité et le froid sont tellement plus agréables.

La lutte contre les titans – Evelyn est une athée convaincue. Les titans ne sont pas des dieux, seulement des entités magiques qui ont une longueur d’avance sur les races mortelles. Intérieurement elle jalouse X’o-rath et aimerait bien dérober son pouvoir, si seulement elle savait comment. En attendant, elle refuse de ployer le genou devant eux. Puis la guerre est une source si abondante de cadavres.

Université de Drakstrang – Evelyn entretient une relation courtoise avec l’université. Elle a été invitée quelques fois pour partager son point de vue unique sur la nécromancie auprès des étudiants et envisage parfois de postuler à une position de professeur à temps plein. Surtout que le Reike lui offre d’autres opportunités lucratives. Toutefois, elle craint de trouver les limites qu’on lui imposerait trop restrictives.

La pègre – Evelyn n’est pas une criminelle dans l’âme, mais elle a peu de considération pour les vivants et donc pour leurs lois. Elle ne s’en incommode que tant que cela sert ses intérêts. Aussi elle n’est pas contre faire appel à des criminels pour récupérer quelques corps ou organes illégalement pour ses expérimentations ou même lui procurer d’autres services. De la même façon, Evelyn n’est pas contre fournir quelques faveurs réciproques à des criminels. L’important est que tout le monde s’y retrouve, non ?