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  • Sam 4 Jan - 1:01


    ”Monsieur le Président?”

    La neige s’accumule lourdement sur les croisillons des fenêtres et amoncelle de petits tas contre les carreaux du bureau présidentiel. Bien au chaud du bon côté de la vitre, Falconi Genova contemple la capitale à travers le filet de fumée de son cigare avec un regard indéchiffrable en raison du contraste entre ses deux yeux. Le valide scrute la cité de la Liberté avec un oeil légèrement plissé, comme à la recherche d’un monument en particulier dans le paysage de toitures aux ardoises en azurite bleutées, ou plongé dans une profonde réflexion dont seul lui ne connaissait la teneur. L’autre, écarquillé au possible à cause de son absence de paupière, montre sa sclère atrophiée à la limbe noirâtre tandis qu’au centre l’iris orangée parcourt le panorama enneigé avec un air menaçant, pareil à la pupille d’un prédateur auscultant sa proie.

    Il aurait pu en être ainsi.

    Cela fait bientôt un an que le triple Président a repris son service à la Nation en se faisant réélire, et sa mentalité après huit longues années d’isolement au sein de sa demeure l’avaient alors profondément changé, tant physiquement que mentalement. Pourtant il avait trouvé sa colère tarissable, étrangement. Ou pas. Falconi avait toujours été un homme de mesure et ça avait longtemps été là sa plus grande force, il n’a jamais réagit à chaud, jamais pris de décisions inconsidérées sous le coup d’impulsions et a toujours adopté une politique certes lente mais redoutablement efficace. Sous ses deux premiers mandats le pays avait fleuri et prospéré, les Grandes Familles s’étaient plus épanouies que jamais et les indicateurs économiques de la Nation Bleue s’étaient accrus significativement.

    ”Monsieur?”

    Huit ans. C’est long huit ans. On peut forger une vie entière en huit années, c’est suffisant pour effectuer un cursus à MAGIC et commencer un premier travail. C’est assez pour rencontrer sa moitié, faire un enfant et l’envoyer à l’école. C’est tout juste ce qu’il faut pour faire un service militaire, compléter des études d’Officier Républicain et acquérir un premier galon. En huit ans le Reike est passé de meilleur allié économique de la République à un état de perpétuelle tension entre les deux nations, jusqu’à une fermeture partielle des frontières et des accrochages diplomatiques sur des sujets divers. Huit ans c’est long, et il en avait fallu huit fois moins pour que le Shoumeï se transforme en un tas de cendres ravagé, c’est dire tout ce qu’on pouvait faire en huit ans, mais Falconi les avait passé à attendre. Il avait attendu sans vraiment savoir quoi à l’époque, il avait attendu que le monde l’oublie peut-être, mais personne n’oublie un ancien Président, encore moins après deux mandats. Il avait attendu qu’on lui vienne en aide, mais personne n’aide quiconque gratuitement dans la haute sphère de la République. Ce pays qu’il avait mené à la croissance pendant seize ans lui avait tourné le dos et Falconi mentirait s’il niait avoir eu un grief en sortant de chez lui pour la première fois l’année dernière, quelques jours seulement après l’attaque sur la capitale et l’assassinat de Mirelda. Il avait contemplé une revanche, longuement. Oh il avait même fait plus que cela, reclus chez lui désoeuvré et amer il avait même planifié des rêves complètement fous, des scénarios toujours plus noirs, et pourtant en se rasseyant pour la première fois au bureau présidentiel il avait oublié sa colère de la même façon que le monde l’avait oublié il y a neuf ans. Les flocons de neige qui se collent à la fenêtre se reflètent dans la sclère noire de son optique atrophiée.

    ”FALCONI!”

    ”Euh oui?” bégaye-t’il sous l’impérieuse interjection dont il est le sujet.

    Sorti de sa contemplation pensive du paysage libertéen, Falconi se tourne de trois quart pour faire face à la quarantenaire assise sur une chaise aux côtés de son propre fauteuil vide. Cheveux bruns coiffés avec une discipline sèche en un carré asymétrique, petite bouche serrée malgré de hautes lèvres pulpeuses, des yeux aussi grands d’un bleu légèrement terne à la teinte calme et froide, tout chez Connagal Meristo indique la rigueur et la droiture. Après deux mandats à avoir collaboré avec elle, Falconi s’amuse toujours autant de la rigueur dont la -à l’époque- jeune femme faisait preuve en comparaison du foutoir éternel qu’était son bureau personnel, et ça n’a pas changé. Descendez un étage plus bas et entrez dans l’office de la Secrétaire Générale Meristo et vous y trouverez un capharnaüm de papiers, chemises, dossiers et documents en tout genre éparpillés selon un algorithme nébuleux que seule la quadragénaire savait décrypter puisqu’elle s’y retrouvait toujours. Comment quelqu’un dont l’apparence était aussi stricte et l’organisation professionnelle si irréprochable pouvait évoluer dans un bordel aussi monstre, c’était un mystère que Falconi n’avait jamais percé, mais il n’en avait jamais eu le besoin non plus. La Secrétaire Générale avait toujours fait le travail et c’était tout ce qui comptait pour le Patriarche Genova. Il remarque le teint légèrement rouge de ses joues, témoin de son emportement à l’instant quand agacée de ne pas avoir l’attention du Président elle décida de l’appeler avec plus de verve.

    ”Pardonnez-moi Mademoiselle Meristo, je me suis égaré un instant.”

    ”Oui j’avais remarqué.”

    Mis à l’amende par sa collègue, le Président s’éloigne un peu de la fenêtre comme pour mettre une distance entre sa distraction précédente et lui-même, avant de demander la suite à sa secrétaire.

    ”Demain midi déjeuner avec Salsbury de la SSG, le soir vous avez une visite de Monsieur Cladjo qui est de passage à Liberty, il souhaite s’entretenir avec vous sur les constructions laissées en suspens à Justice à cause de l’amendement de l’année dernière.”

    ”Ah bon? La loi n’est-elle pas assez explicite à son goût?”

    ”Non, ça a été remis en question suite aux émeutes du cinq septembre.”

    ”Ah. Je vois… mais euhm… depuis combien de temps ai-je ce rendez-vous de prévu exactement? Je ne me souviens pas en avoir entendu parler avant.” questionne-t’il avec une insistance dissimulée tant bien que mal.

    ”Ce matin.” Meristo lui rend un sourire qui veut tout dire. Chaque rouage de la Maison Bleue est tout aussi important à la direction du pays que ne l’est Falconi lui-même, et en l’occurence la personne qui contrôle son emploi du temps l’est encore plus qu’un autre.

    ”Oui ça explique tout n’est-ce pas?” fait-il avec un léger sourire.

    La Secrétaire Générale jette ensuite un coup d’oeil à l’horloge accrochée près de l’entrée et en voyant l’heure, elle commence à rassembler les documents éparpillés sur le bureau du Président. Cette fois au moins il n’a pas besoin de poser la question de ce qui suit, puisque le prochain rendez-vous n’avait pas été programmé par les soins de Connagal mais par les siens.

    ”Aller, tâchez de ne pas vous coucher tard ce soir, vous avez un petit-déjeuner avec de Rockraven demain matin sept heures.”

    ”E… de- quoi ah? Professionnel?” Ça non plus il n’en avait pas entendu parler avant.

    ”Non non.”

    Ah. Ça explique tout n’est-ce pas?

    Falconi esquisse un sourire bienveillant à l’attention de sa fidèle collègue et l’espace d’un instant quand elle le lui rend, il voit ses traits se décoincer dans un des rares moments de douceurs de la formidable femme. Le Président la raccompagne à la sortie du bureau en lui serrant la main.

    ”Merci beaucoup Mademoiselle Meristo, je vous souhaite une bonne après-midi.”

    ”Merci, à vous de même Monsieur le Président. Dois-je faire entrer Mademoiselle de Casteille?”

    ”S’il-vous-plaît.”

    La porte se ferme avec un léger cliquetis de la clanche et Falconi retourne s’asseoir à son bureau en attendant l’arrivée de la jeune sénatrice. De Casteille. Hélénaïs. Ses yeux se reperdent pensivement mais cette fois ce n’est pas dans le paysage de Liberty ni dans le bois vernis de son bureau, mais dans le passé. Les souvenirs. Le nom lui évoque une époque plus simple. Plus douce. Une époque où loin des lourdes responsabilités de chef de l’État, Falconi travaillait encore à la Compagnie Horizon sous le directorat de son paternel, une époque où il vivait de soirées mondaines, de rassemblements de partis dont il n’était pas le centre d’attention et de loisirs intéressés avec ses quelques proches de l’époque. La jeune Hélénaïs n’était même pas encore née lors de cet âge d’insouciance et lui avait encore ses deux yeux bien intacts. Malgré cette nostalgie douce-amère le Patriarche ne lache même pas un sourire de mélancolie, trop nombreux sont ces souvenirs qui se dotent maintenant d’une connotation bien âpre à son palais, des bribes du passé qui s’éclipsent désormais derrière des mots encore plus forts comme ‘Palladium’, ‘assassinat’, ‘extermination’, ‘émeutes’, ‘Razkaal’ ou encore plus simplement ‘morts’. Avec un s.

    Il avait convoqué Hélénaïs de Casteille à la Maison Bleue sitôt qu’il avait été mis au courant des retombées et des évènements qui avaient pris place au sein du bureau de la Mairie lors des émeutes du cinq. S’il devait en croire les témoignages de la commission shoumeïenne ainsi que la déposition des différents acteurs de la manifestation, la jeune femme était parvenue à se montrer décisive lors de cette grave crise nationale, un jour qui restera gravé dans les mémoires malgré l’oubli auquel sont voués les agissements de la sénatrice dans le huis-clos du bureau d’Arès. Il avait fallu que ce jour là, Hélénaïs se trouve à Courage, que Falconi en soit au courant, qu’il puisse la faire mandater, qu’elle se montre suffisamment ferme pour pouvoir briller face à une tête brûlée que même le Président qualifiait pourtant de particulièrement retors, une série d’évènements fortuits qui ne devaient pourtant rien au hasard. Le Genova sourit en entendant des bruits de pas traverser la porte, lui indiquant l’arrivée prochaine de la jeune femme, et il attend, assis, impassible.

    Lorsqu’enfin la poignée tourne et qu’un des soldats de la GAR en garnison à la Maison Bleue n’ouvre la porte, Falconi regarde la Sénatrice Humaniste entrer dans le Salon Ovale, son iris orangée fait écho avec la lueur du cigare qui se remet à brûler au bout de ses lèvres quand il tire dessus, et il se lève en même temps qu’Hélénaïs ne pénètre dans le bureau. Voyant les gardes confus sur la nécessité de la présence d’une auxiliaire aux côtés de la Sénatrice, le Président intervient tout de suite avant même de saluer son invitée:

    ”Non ce sera tout soldats. Si Mademoiselle la Sénatrice souhaite qu’elle reste parmi nous alors elle y est invitée également.” et dans le cas contraire, elle sera invitée à patienter dans le Salon d’Or en dessous. ”Sénatrice de Casteille…”

    Debout derrière son bureau avec une main tendue, il l’invite à le rejoindre pour prendre place de l’autre côté du meuble, là où attendent sagement deux fauteuils. Il ne sourit toujours pas, non pas parce qu’il souhaite conserver le ton sérieux de cette entrevue, ni même parce qu’il ne ferait pas l’effort de sourire à une aveugle, la raison est toute autre. Ce qu’il s’apprête à faire il l’a déjà fait, peu importe le nombre de fois, lorsque c’est à quelqu’un qu’il apprécie ce n’est jamais agréable, un peu comme la fois où il était venu rendre une visite impromptue à Zelevas quelques jours après la mort de ses parents, uniquement dans le but de s’assurer que le d’Élusie ne se laisserait pas abattre alors qu’il allait avoir besoin de lui. Le seul Fraternitas qu’il ait grandement apprécié et il n’en était même pas vraiment un, enfin si, mais plus ou moins. Comme la fois où il a évincé son propre paternel du directorat de la Compagnie Horizon et du patriarcat de la Famille, comme la fois où il a coercé Tantal Ironsoul pour obtenir le soutien des Réformateurs en moins vingt, comme la fois où il a dû déterrer les ardoises de son beau-père pour le faire taire suite à une dispute avec sa femme. Qu’importe les circonstances, manipuler un proche ne l’avait jamais satisfait, il l’avait toujours fait à reculons et il détestait ça, mais il s’y livrait quand même.

    Et là aussi, il n’aime pas ce qu’il s’apprête à faire.
    Noble de La République
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    Hélénaïs de Casteille
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  • Dim 5 Jan - 21:17
    Hélénaïs était assise à son bureau et une ride inquiète barrait son front lorsqu’un messager déposa la missive entre les mains de son majordome à l’étage en dessous. Le vieil retourna l’enveloppe, accusa du sceau dont il était affublé puis sans plus de cérémonie tourna précipitamment les talons. Il traversa le hall à grandes enjambées, pénétra dans le grand salon et le boudoir pour déboucher dans la cuisine où il dû louvoyer entre les domestiques qu’il ne prit pas la peine de saluer jusqu’à atteindre la laverie puis la porte donnant sur les jardins où il s’engouffra. Il savait que lorsqu’elle ne travaillait pas, Emérée aimait s’y promener et c’est sans surprise qu’il l’a trouva assise sur un banc, emmitouflé dans une épaisse pelisse qui la gardait du froid du début d’après-midi. Avec ses cheveux chatains relevés à la mode Républicaine, elle avait autant l’air d’une dame que sa maîtresse, seule ses épaules un peu voûtées et son port de tête trop lâche trahissaient sa véritable condition. Quand l’homme approcha, que ses pieds crissèrent sur le gravier, elle tourna ses yeux noirs dans sa direction et les plissa avant de froncer les sourcils.

    - Une lettre pour la sénatrice ! Haleta le vieux majordome peu habitué à marcher si vite.

    - Ça ne pouvait attendre ? Madame est sur le dossier de… Elle inspira profondément en levant les yeux au ciel. - De Monsieur De Sforza. Consentit-elle à le nommer. Emérée le détestait toujours profondément, elle aurait préféré l'étouffer de ses propres mains que de le laisser retourner aux côtés d’Hélénaïs mais elle savait également que c’eut été une entreprise vaine qui lui aurait coûté la vie et qu'il avait changé, sans trop savoir à quel point, elle l’avait perçu. Alors pour l’heure, elle pouvait encore patienter un peu.

    - C’est une lettre de la maison bleue. Dévoila l’homme en la lui tendant de telle manière qu’elle put voir le cachet de cire. La suivante se figea sur son banc.

    - Ça ne tombe pas… Pas bien du tout. Mais elle n’avait pas besoin de terminer sa phrase, elle savait que le domestique partageait son avis ; cela faisait maintenant plus d’une semaine que personne au domaine n’avait aperçu Abraham et si beaucoup s’en réjouissait, Hélénaïs n’en était que trop confuse. - Je vais lui apporter. Joignant le geste à la parole, la jeune femme se leva puis emprunta l’allée de graviers qui la ramena à l’intérieur du manoir.

    Quand Emérée regagna le bureau de la sénatrice, elle était presque exactement dans la même position où elle l’avait laissé. Son front reposait contre l’une de ses mains tandis que l’autre dissimulait ses lèvres et les marmonnements inaudibles qui les franchissaient. De temps à autre, elle en libérait une pour la laisser fureter sur la mer de papier en braille qui s’étendait devant elle. Elle ne releva même pas la tête lorsqu’Emérée entra et ce ne fut que lorsqu’elle se trouva face au bureau qu’elle dit, sans lever les yeux vers elle.

    - Crois-tu qu’il ai finalement préféré partir ?

    Emérée aurait préféré lui dire que oui, qu’il était un lâche et qu’il avait préféré son existence sanglante à elle. Mais c’aurait été lui mentir et la blesser, elle l’avait déjà été bien assez comme ça.

    - Non, ce n’est pas dans sa nature. L’avouer lui coûta.

    - Alors il a dû lui arriver quelque chose… Les scénarios défilaient dans son esprit depuis des jours. Peut-être avait-il essayé de retrouver Kieran et les choses avaient mal tournées, peut-être avait-il commit l’erreur de trop celle qui, il lui avait promis, lui coûterait la vie. A moins que les Officiers Républicains n’aient fini par lui mettre la main dessus. Ou d’anciens ennemis, après tout, il devait en avoir une sacrée ribambelle. Coupant court à ses élucubrations Emérée tapota l’enveloppe sur le dos de la main qui parcourait les papiers. - Qu’est-ce que c’est ?

    - Une lettre. Ses lèvres se pincèrent légèrement. - De la maison bleue.

    La tension d’Hélénaïs se fit presque palpable quand elle fit courir la pulpe de ses doigts sur le cachet. Elle l’arracha sans cérémonie et en extirpa la lettre rédigée en braille autant qu’en lettres communes. Au terme de sa lecture, elle laissa le bout de papier retomber et lança d’une voix blanche.

    - Fait savoir que nous arriverons demain à la maison. La petite maison de ville qu’elle occupait lors de ses déplacements à Liberty. Sans demander son reste Emérée quitta la pièce et s’exécuta.

    La neige qui s’était mise à tomber durant la nuit n’avait guère facilité l’arrivée des deux femmes à leur maison secondaire mais quand elles y parvinrent enfin un feu chaleureux brûlait déjà dans l’âtre de la cheminée. Et il en fut de même le lendemain lorsqu’elles durent reprendre la voiture pour se rendre à la maison bleue. Hélénaïs avait travaillée sur ses dossiers toute la nuit, si bien qu’elle avait dû camoufler ses cernes à l’aide de maquillage pour rendre son teint moins gris. De toute façon, elle ne dormait plus beaucoup depuis que l’absence d’Abraham avait pris le pas sur tout le reste. Des questions sans réponses tournaient sans cesse dans son esprit et l’ignorance quant à son sort lui pesait. Hélas, aujourd’hui, elle ne pouvait se permettre d’être distraite alors elle relégua à contre cœur ses inquiétudes pour se concentrer sur ce qui l’attendait ; Genova, l’amnistie, Cécilia. Ce ne serait pas qu’une simple entrevue, plutôt un affrontement à la mode Républicaine, à la mode politicienne.

    - Madame, le président va voir recevoir. Annonça une voix anonyme après qu’on les aient fait patienter un instant dans un petit salon. Les deux se levèrent comme un seul homme pour emboîter le pas au serviteur qui les guida au travers du dédale de couloir de la maison bleue. De temps à autre, Hélénaïs prenait le soin de frôler les doigts d’Emérée pour apprécier la riche décoration des lieux. Jusqu’à ce qu’ils se trouvent devant une porte gigantesque qu’elle devina être celle du bureau ovale sans que l’on ait besoin de l’en informer. Quand elles s’ouvrirent, les jeunes femmes s’y engagèrent, se stoppant seulement quand les ordres de Falconi Genova leur parvinrent. La sénatrice se tourna vers sa suivante, une interrogation silencieuse. La réponse vint d’un froid qui se glissa entre ses doigts à la place de ceux d’Emérée. Une lueur douloureuse brilla dans les prunelles de la sénatrice.

    - Ça ira, Emérée tu peux m’attendre avec ces messieurs, s’il te plait ? Annonça poliment Hélénaïs en avançant vers l’homme qui lui faisait face et qu’elle salua d’un hochement de tête déférent. - Monsieur le Président.  Quand elle y fut invitée, elle prit place sur une chaise et la porte se referma sur eux. Perdue dans la noirceur de sa condition, elle écouta fébrilement les pas d’Emérée s’éloigner avec ceux des gardes.

    - Je dois admettre que je ne m’attendais pas à cette entrevue. Pas maintenant en tout cas. annonça-t-elle non sans une brève hésitation. - Mais je n’en suis pas mécontente. J’ai moi aussi un sujet sur lequel j’aimerais vous entretenir. Et elle serra machinalement les lourds dossiers contre sa poitrine avant de se fendre d’un sourire chaleureux. - Enfin, cela peut attendre.
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  • Mar 14 Jan - 0:45

    7 Janvier de l’An -18


    ”Quelle heure est-il?” Fouillant dans la poche de sa veste, Falconi Genova regarde sa montre à gousset et hausse des sourcils surpris. ”Oh.”

    Le Président de la République range l’objet dans sa poche et regarde le pendule à l’autre bout de la pièce, plongé dans la noir à cause de l’heure tardive, il ne parvenait pas à lire l’heure sur le meuble et s’était donc rabattu sur sa montre à la lueur de la lampe arcanique sur l’office. La journée avait été longue entre la réunion sénatoriale à laquelle il avait assisté et la paperasse administrative qu’il avait dû ratifier suite à ladite réunion, il avait tenu à s’en occuper dès maintenant et ne pas laisser les projets de loi voté ce jour traîner, mais c’est son horaire de travail qui en avait pâti.

    ”Bon… euhm… ça suffira pour aujourd’hui.”

    Falconi remballe le dossier et dépose le tout dans le tiroir supérieur du bureau, afin que Mademoiselle Meristo puisse le récupérer le lendemain sans trop chercher. Le Patriarche Genova se relève du fauteuil appartenant normalement à la Secrétaire Général en s’étirant d’une grimace et laisse son regard trainer sur le plafond, ses deux yeux aux iris turquoises parcourent les reliefs des décorations de plinthes, s’attardant sur les différents tableaux qui en ornent les murs. Ses doigts tapotent pensivement le bois verni du meuble devant lui et il éteint enfin la lampe arcanique en tirant sur la petite chaîne de l’interrupteur, avant de contourner le bureau et de sortir dans les couloirs de la Maison Bleue. Le premier étage de l’Aile Ouest sert de coeur administratif au fonctionnement du bâtiment, Falconi avait donc préféré travailler dans le salon des secrétaires non seulement pour pouvoir déposer tout les documents directement là après avoir terminé, mais aussi parce que la pièce en question est usuellement une des dernières à bénéficier du chauffage, puisqu’elle est souvent la dernière à être active. Le Président sort des bureaux pour remonter dans la cage d’escaliers afin d’accéder au troisième étage, et de là emprunter le Corridor Ouest pour regagner ses appartements de fonction dans la Résidence Exécutive. Il préfère d’abord monter afin de pouvoir bénéficier de la vue en hauteur, le long des fenêtres du couloir, pour voir sa chère Liberty aux douces lueurs de la nuit et des bougies des couches-tards.

    Arrivant au deuxième étage, un bruit soudain l’interpelle cependant et il sursaute presque aussitôt. Quelque chose vient de tomber dans une des salles du deuxième étage, là où se trouve le Conseil des Ministres. Falconi fronce légèrement les sourcils en essayant de s’y repérer dans le noir, en vain, et pèse le pour et le contre d’aller y jeter un oeil. Le personnel de la Maison Bleue saura bien évidemment redresser le quelconque meuble qui a fait ce bruit sourd en heurtant le sol -ou ramasser l’objet en question- au lendemain matin, mais d’un autre côté si c’est un bougeoir encore allumé, il pouvait bien y jeter un coup d’oeil pour s’épargner un incendie n’est-ce pas? Le Président commence lentement à se résigner jusqu’à ce qu’un deuxième bruit sourd imite le précédent, faisant passer Falconi de curieux à intrigué. Il ramasse un chandelier, allume la bougie avec son briquet et s’avance lentement dans les couloirs, sa femme ne lui en voudra certainement pas de traîner un peu avant d’aller se coucher puisqu’elle doit dormir depuis déjà plusieurs heures. Il avance doucement dans le corridor, prenant son temps, ses yeux s’habituant à l’obscurité pour percer un peu plus les ombres dansantes projetées par la lueur de la bougie qu’il tient en main.

    Un troisième bruit sourd, et cette fois il entend également le son de pages qu’on tourne. Le Genova arrive à une porte mal fermée et pousse silencieusement le battant pour faire un interstice à travers lequel il épie l’intérieur. Là, à la lumière faiblarde de quelques cierges, il voit son Garde des Sceaux penché sur la grande table du Salon Albion, frappant d’un tampon un document après l’avoir raturé, provoquant une nouvelle fois le bruit qui l’avait attiré jusqu’ici. Falconi se pince légèrement les lèvres à cette vue, comme consterné par ce fait. Il pousse la porte un peu plus loin et provoque le grincement de ses gonds qui attire le regard bleu acier de son Ministre.

    ”Encore debout Zelevas?”

    La main en suspens du jeune homme reste un instant ainsi, avant de déposer lentement le tampon de Garde des Sceaux sur son encrier et de laisser son bras retomber mollement sur le rebord de la table. Zelevas d’Élusie Fraternitas se frotte les yeux de son autre main avant de s’affaler contre le dossier de sa chaise avec un air épuisé.

    ”Oui.”

    Le Président le regarde un moment, depuis le cadre de la porte. Zelevas et lui s’étaient rencontré à une soirée organisée par les Fraternitas les vrais, il y a un peu moins d’une dizaine d’années. Tout deux avaient profondément changé depuis, tant politiquement que socialement, mais ils étaient restés proches malgré certaines dissensions, il fallait dire que pour le Patriarche, Zelevas était un vent de fraîcheur. Le Haut-Juge de Justice n’avait jamais eu à ses yeux les mêmes carcans qu’il retrouvait si souvent chez les membres de Grandes Familles, et il avait même une certaine désinvolture, il osait dire des choses, faire des choses dont lui ne pouvait même pas considérer l’option dans le monde rigide de la haute sphère. Sa condition de Chef de Grande Famille renforçait encore plus tout ces aspects protocolaires à travers lesquels les gens s’adressaient continuellement à lui, et c’est en cela que la différence se traduisait avec Zelevas, ils étaient trop proches pour que les formalités ne puissent se frayer un chemin dans leurs conversations privées. Falconi entra pas à pas dans le salon et referma doucement la porte derrière lui, s’humidifiant les doigts avec sa langue pour éteindre la bougie de son chandelier, tandis qu’il s’approche et prend place en face du Garde des Sceaux.

    ”Je veux au moins finir ça avant demain, la correspondance pour Courage pars à six heures alors…” Zelevas étouffe sa propre voix en enfouissant son visage fatigué dans ses mains pour masser ses traits raides. ”... je n’ai pas vraiment de choix.”

    ”Ce sont des dossiers urgents?” demande le Président.

    Les yeux de Zelevas réapparaissent entre ses doigts et le blondinet pose ses coudes sur la table, les manches de sa chemise rouge relevés par l’habitude de ses années de Limier, tandis qu’il passe une main dans sa barbe avec un air pensif.

    ”Non. Pas tant que ça…”

    Falconi hausse un sourcil dubitatif et son regard fait tout le travail.

    ”Je n’avais juste pas envie de laisser ça traîner, c’est tout.”

    ”Je crois que personne ne t’en voudra d’envoyer tout ça à la prochaine correspondance. Ou sinon, passe par les Prév-”

    ”Nana c’est bon, ils sont déjà suffisamment occupé comme ça. Je ne vais pas leur faire jouer les facteurs. Je peux bien faire un effort de temps en t-”

    Le coupant à son tour, Falconi penche légèrement la tête sur le côté tandis qu’il dévisage attentivement son ami et collègue. Le Genova se doute que quelque chose ne va pas, mais il ne parvient pas à mettre le doigt sur quoi exactement, enfin… il a bien une petite idée.

    ”Quelque chose te travaille n’est-ce pas?”

    ”Falco, je me bats en permanence contre mes propres conseillers pour passer la moindre mesure. Ça me fatigue.” lui répond le d’Élusie avec un air abattu.

    ”Non non il y a autre chose.”

    Ils restent là tout les deux, assis dans leurs chaises à se regarder avec des airs qui pèsent tout le poids des responsabilités respectives de leurs postes. Zelevas joue du bout des doigts avec son porte-plume d’un air absent, avant de finalement lâcher:

    ”T’as parlé à Bastian récemment?”

    Falconi parvient à réprimer un rictus sur ses lèvres mais il sourit grand intérieurement. Nous y voilà. Ça devait forcément être ça. Le Genova lui esquisse un petit non de la tête alors que la légère proéminence de ses lèvres accentue un peu plus sa négation. Il attend que Zelevas continue:

    ”Hélénaïs est malade.” Et alors que Falconi attend sagement des précisions avant d’exprimer une quelconque réaction, le Garde des Sceaux reprend avec un ton grave. ”C’est la varicelle.”

    Les deux yeux turquoises de Falconi s’écarquillent alors et ses lèvres se fendent en un sourire à moitié moqueur, baissant les yeux pour dissimuler mièvrement à son ami le rire naissant qu’il essaie d’étouffer, le Patriarche laisse échapper malgré lui un hoquet d’amusement. Zelevas quant à lui n’a pas l’air de rire du tout, et ça rend la scène d’autant plus drôle pour le Président.

    ”Ça te fait rire? Je viens de te dire qu’elle est malade???”

    ”Zelevas… haha Zelevas… la varicelle?” Falconi observe son interlocuteur déglutir avec difficulté sous la tension qui règne en lui. ”Tout les enfants l’attrapent tôt ou tard.”

    Son rire monte un peu plus dans sa gorge et secoue ses épaules, amplifié par la fatigue, il finit par éclater bien malgré lui alors que Falconi porte une main à sa bouche pour faire preuve d’un strict minimum de respect envers son ami. La semaine dernière le Garde des Sceaux, Haut-Juge de Justice et ancien Limier du Razkaal de six ans d’expérience avait envoyé des ordres de missions au Prévôt de la Maison Bleue pour envoyer les pires chiens de la République à la recherche des raclures les plus féroces du Sekaï, il avait condamné des criminels à des années de prison, tranché des affaires toutes plus difficiles les unes que les autres et enquêté lui-même en temps que traqueur, bourreau et geôlier sur le terrain, le tout sans jamais laisser une once d’émotion se frayer un chemin sur ce visage impassible qui incarnait maintenant la droiture de la justice républicaine. Voir ce même visage se ronger les os parce qu’une mioche de cinq ans a attrapé la varicelle, c’était beaucoup trop drôle pour que Falconi puisse ne pas en rire.

    ”Non mais sérieusement, de quoi t’inquiètes-tu?”

    ”On peut mourir de la varicelle tu sais.” et effectivement, le regard froid de Zelevas avait l’air de bien prendre le sujet au sérieux, à deux doigts de s’offusquer de la légèreté du Président.

    ”Mais Zelevas, on meurt de la varicelle quand on l’attrape adulte et dans un village de campagne. Pas quand on est enfant et né dans une bonne famille, elle ne risque absolument rien enfin.” Le Patriarche avait un peu de mal à croire qu’il était réellement entrain de tenir un tel discours à son Ministre de la Justice, mais à trois heures du matin et crevés comme ils sont, tout paraît surréaliste. ”T’as peur de quoi exactement? Que Bastian et Théa ne prennent pas soin d’elle?”

    ”J’aime beaucoup Bastian mais il est trop benêt pour se rendre compte que sa fille n’est pas la sienne et que sa femme le trompe, alors non, jamais je n’aurai confiance en lui pour s’occuper de ma fille.”

    Falconi se tait sans rien répondre, déjà parce que Zelevas n’a pas tort, ensuite parce qu’il sait qu’en disant cela, le d’Élusie vient tout juste d’effleurer le vrai problème. Preuve à l’appui que le Z lui apparaît encore plus abattu lorsqu’il détourne son regard pour le perdre dans les ombres des coins de la pièce:

    ”En fait… je me rend compte que je ne serai jamais là pour la protéger. Ça ça me mine.”

    ”Elle est juste malade Zelevas. Bien sûr que si demain elle a besoin tu pourras sans doute l’aider. Alors certes, ça ne se fera pas de façon aussi directe que si… enfin, à ton échelle quoi. Je m’exprime mal.”

    ”Non c’est bon, laisse. C’est facile à dire pour toi, t’as une famille, Hélénaïs c’est la seule que j’ai maintenant. Elle est tout ce qui me reste.”

    Là encore, le Président ne répondit rien. Cette fois en revanche, c’est parce qu’il ne savait pas quoi lui dire. Zelevas avait perdu ses parents il y a quelques années seulement et Théa s’était éloignée de lui presqu’en même temps, à la fois en tant que Conservateur mais aussi comme Genova, Falconi était bien placé pour accorder à la notion de Famille une importance première dans son coeur, savoir la difficulté de la position dans laquelle se retrouvait Zelevas le peinait un peu. Un peu parce qu’il ne pouvait s’empêcher là aussi d’être en désaccord avec son ami sur beaucoup de ses décisions personnelles, mais non seulement ça ne le regardait pas et en plus, ils avaient déjà eu ce genre de discussions à maintes reprises, donc à part se répéter, Falconi ne savait pas quoi dire de plus.

    ”La seule chose que je peux faire pour elle…” les yeux bleus aciers du Garde des Sceaux reviennent sur les documents qui jonchent la table. ”...c’est de lui laisser le meilleur monde possible.”



    Présentement.


    ”Ah très bien… euhm… nous y viendrons.”

    Falconi s’assure que son invitée s’installe confortablement dans le fauteuil du bureau oval avant de prendre lui-même place de l’autre côté du meuble, dans son siège. Sachant bien à quel point la cécité de la jeune femme est poussée, il ne prend pas forcément la peine de la regarder dans les yeux et laisse son regard vaquer sur le parquet ciré du salon, sur le feu à l’âtre qui chauffe péniblement la pièce, sur les tapisseries qui recouvrent les murs -et qui cachent surtout le portrait de Mirelda qu’il n’a pas le droit de décrocher-, avant d’enfin contempler la jeune femme attentivement. Malgré sa condition elle semble avoir une bonne idée d’où il se trouve, sa prestance est droite mais elle montre des signes ostensibles de nervosité, pas étonnant en rencontrant pour la première fois Falconi dans l’exercice de leurs fonctions respectives. Le Président la regarde serrer ses chemises contre sa poitrine comme si elle avait peur qu’on les lui ôte, et il se penche alors sur son siège pour venir tapoter du plat de la main le bureau en face d’elle afin de lui en indiquer la présence:

    ”Je vous en prie, débarassez-vous. Prenez vos aises.” Il se repose ensuite contre le dossier de sa chaise et jette un coup d’oeil à la théière qui repose sur un chariot dans un coin de la pièce pour vérifier qu’il s’en dégage encore un mince filet de vapeur. ”Un thé? Un café?” Et comme pour l’inviter à faire un choix, il ajoute. ”J’en prendrai un aussi.”

    Pas d’alcool, il préfère avoir les idées claires pour ses entrevues d’affaires. Pendant qu’il se sert elle et lui en conséquence de sa réponse, Falconi commente avec un ton léger et une voix trop assurée par rapport à ce qui transparaît habituellement de lui lors de ses apparitions publiques:

    ”Veuillez m’excuser de la spontanéité de votre convocation en ces lieux, j’ai appris votre présence à Liberty au dernier moment et mes après-midi libres sont assez rares pour que je ne me décide à sauter sur l’occasion.” Il revient s’asseoir avec la ou les boissons et porte doucement sa tasse à ses lèvres pour goûter l’infusion. Un sourire de satisfaction plus tard, il dépose son verre dans une sous-tasse et écarte le tout sur le côté du bureau. ”Je tenais déjà à vous remercier personnellement pour votre intervention à la Mairie de Courage en Septembre dernier pendant les émeutes. Je salue votre résilience là bas. J’ai pu m’entretenir plusieurs fois avec notre défunt Arès Wessex et je crois que le trait de son caractère qui restera le plus dans les mémoires sera bien sa… sa ténacité.” La grimace que ses lèvres esquissent en prononçant ce dernier mot s’entend même dans la tonalité avec laquelle il l’a prononcé. Arès était aux yeux de Falconi un produit de l’incompétence de Mirelda, d’abord placé là de force par Exousia et ensuite réélu à cause des artéfacts sociaux creusés par l’ex-présidente. ”J’ai eu quelques remontées de ce qui s’y est déroulé, de la part de différents partis d’ailleurs. Alors devant les éloges que j’ai reçu de vous, je me devais de vous remettre les miennes de vive voix oui?”

    Falconi observe la jeune femme avec presqu’un amusement sur le visage, et pourtant le fil de ses pensées est on ne peut plus sérieux.

    ”J’ai très bien connu feu votre père.” Il ponctue d’un silence la tournure brutalement personnelle de la conversation, avant de poursuivre, cette fois un sourire malicieux vient sincèrement se déposer sur ses lèvres. ”Alors il me fait drôle de recevoir aujourd’hui sa fille dans mon bureau. En son nom, toutes mes félicitations.”

    Le Président incline légèrement sa tête vers l’avant et parle ensuite d’une voix un peu plus basse:

    ”Vous semblez tenir de lui son talent rhétorique. Il fut toujours un homme de discours. Moi, pas vraiment.” Un silence de quelques secondes de plus plane sur la conversation avant que le Président ne bifurque à nouveau pour retourner au sujet précédent. ”Puis-je vous demander votre version des faits? Il me plairait à entendre votre perspective de ce qu’il s’est passé dans le bureau de la Mairie. Enfin je veux dire, ce que vous en avez pensé plus exactement.”

    Hélénaïs de Casteille. La jeune fille était un point d’interrogation pour le Président, non pas qu’elle soit une personnalité particulièrement mystérieuse sur le plan politique, même bien loin de là il suffisait de se pencher pour ramasser une pelleté d’avis tous convergents sur le caractère honnête et bon de la demoiselle. Le doute qui plane sur cette femme vient d’ailleurs, c’est un croisement de convictions pour Falconi. Si le Reike a clairement adopté un système méritocratique officiel, la République est également capable de récompenser les efforts de tout un chacun à saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent, preuve en est l’ascension toute récente à l’échelle de l’Histoire du pays, de Mirelda devenue milliardaire influente en partant simple fille de ferme. On est ce qu’on devient. D’un autre côté… ses croyances profondément conservatrices ne viennent pas de nul part. Pour le Patriarche Genova, il n’y a pas tant de dimension binaire dans la construction de l’individu que ce que la philosophie de bas-étage peut laisser croire, la personne d’un sujet est un savant croisement de sa vie, mais pas que. Les évènements précédant le présent influencent le caractère d’un individu, certes, nous sommes après tout la somme de nos expériences, mais les éléments qui précèdent également notre naissance ont un impact sans équivoque sur ce que nous sommes aussi. L’éducation de nos parents découle de celle qu’ils auront eux-mêmes reçue, de leur milieu économique et social, Falconi n’est pas totalement un essentialiste, mais il croit fermement qu’un chien ne fait pas de chat, malgré l’âge, malgré l’esprit, malgré les épreuves du temps et tout ce qui peut changer dans la psyché plastique d’un être humain, il est une chose et une seule qui demeure vraie de tout temps chez un homme et ce sont ses racines.

    Ce qu’il veut savoir, c’est ce que celles d’Hélénaïs ont laissé comme marques sur elle aujourd’hui.
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  • Hier à 16:37
    Prendre ses aises était pour l’heure un bien grand mot. Hélénaïs peinait à garder son calme, elle repassait mentalement la liste des documents que comportaient ses fines chemises en carton et devait constamment se convaincre du bien fondé de l’entreprise dans laquelle elle s’était lancée ; comment quelqu’un pourrait lui faire confiance si elle même ne croyait pas en son projet et en la vérité qu’elle avait vu en Abraham. Une vérité qu’il avait tout récemment malmené assez durement pour briser quelque chose entre eux. Le pardon n’était pas chose aisée et la jeune femme y travaillait ardemment. Pourtant le chemin à parcourir restait long, sinueux et semé d’embûche. D’aucun lui aurait sans doute dit de renoncer, quelques part au fond d’elle-même elle n’était pas sans savoir que ce serait sans doute la solution la plus évidente. Mais c’était une promesse qu’elle avait faite et Hélénaïs refusait d’être de ces gens incapables de tenir parole, de plus elle considérait toujours la condition du jeune homme comme injuste. Même si ça n’avait été au nom de leur amour, ç’aurait été en celui de cette République juste en laquelle elle voulait croire qu’elle l’aurait fait.

    - Plutôt du thé. Sans sucre. Dit-elle d’une petite voix tout en songeant intérieurement qu’un verre de bourbon n’aurait pas été de refus, même de bonne heure.

    Attendant sagement qu’on lui rapporte sa boisson, elle tendit l’oreille cherchant à analyser chacune des intonations de l’homme. Dépourvu de la vue, c’était bien la seule chose qu’elle pouvait faire pour se prémunir de ce qui l’attendait. Et si elle ne fut pas surprise de voir Courage remit sur la table, elle ne put que pincer les lèvres alors que ses joues s’empourpraient de gêne sous les compliments. Hélénaïs n’avait jamais aimé être sous le feu des projecteurs, aussi elle ne détestait pas qu’on la complimente en huit clos mais l’idée que ces “éloges” aient pu parvenir aux oreilles du président. Elle aurait aussi bien pu se transformer en une petite souris et disparaître derrière une plinthe.

    - Ah euh oui ? Non. Pas nécessairement ? Enfin si. Elle finit par choisir de se taire en prenant une gorgée de thé qui lui brûla l’intérieur des joues. Et manqua d’avaler de travers à la mention de son père. Il était si rare que l’on aborde le sujet de Bastian De Casteille. C’était un homme bon, qui croyait fermement que la République était meilleure qu’elle ne l’était réellement. Il était également discret malgré son rang, n’avait que très peu fait parler de lui malgré les années qu’il avait passé à siéger au sénat. Une qualité qu’Hélénaïs lui enviait. En revanche, elle ne lui avait jamais connu quelconque talent particulier pour discourir mais là encore, elle ne l’avait peut-être jamais vu faire, tout simplement. Un sourire triste étira ses lippes.

    - Je vous remercie. J’aime croire qu’il est fier de moi ou qu’il soit. Puis elle se carra dans son siège, reprit une gorgée de thé qui lui grilla la langue plus qu’elle ne l’était déjà et repoussa la mélancolie qui lui enserrait la gorge avant de prendre la parole, délaissant la jeune femme pour revêtir sa carapace de politicienne.

    - Concernant Courage, je ne sais pas si je pourrais apporter plus d’informations que celles que vous avez déjà reçues à la vérité. Vous savez tout comme moi qu’Arès, ses sourcils bruns se froncèrent à la mention de l’homme dont l’annonce de la mort l’avait ébranlée, n’a pas joué ses cartes de la meilleure des façons. Je regrette sincèrement la manière dont les choses se sont déroulées. J’aurais aimé qu’il en soit autrement et peut-être que si cela avait été le cas… Elle inspira brièvement. - les choses auraient peut-être été différentes. Du reste, je me désole des pertes que la République a eu à subir au sein de ses rangs mais également des manifestants. Ces négociations ne sont rien de plus qu’un simulacre de victoire. Pas quand des vies ont été prises pour y parvenir, personne n’aurait dû mourir ce jour-là. Ni des officiers, ni des manifestants, ni des effraies, ni des civiles. Personne.

    Le silence tomba et ses traits se détendirent subitement, comme si elle prenait conscience de la rudesse de ses propos. Elle se fendit donc d’un sourire désolé.

    - Pardonnez moi, les pertes humaines me rendent morose. Celles de Courage m’ont particulièrement touchée, je ne peux m’empêcher de croire que nous aurions pu faire mieux. Mais les dés ont déjà été jetés et la partie ne peut plus être rejouée. Je dois néanmoins saluer Madame Aldobrandini pour sa tolérance. J’ai craint que sa venue ne soit un nouvel obstacle à ces négociations, mais c’était injustifié et c’est avant tout à elle que nous devons la réussite -partielle mais pas moins réelle- de ces négociations.

    Reposant sa tasse à tâtons, elle ajouta :

    - Je me dois également de vous remercier de la confiance que vous m’avez accordée en me nommant comme votre représentante. Mais je mentirais en vous disant que je n’ai pas hésité à prendre mes jambes à mon cou. Dit-elle dans un petit rire nerveux.

    Ses doigts jouèrent avec le rebord d'une chemise quand elle demanda :

    - Y a-t-il autre chose que vous voudriez savoir, Monsieur ?
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  • Hier à 21:50

    15 Mai de l’An -21


    Marchant à pas rapides dans le couloir, les talons de ses chaussures frappent le rythme de sa démarche cachée par sa robe à la fine crinoline dentelée. La jeune femme ralenti son chemin en arrivant à portée de la chambre de sa fille et évolue doucement jusqu’à la porte, ne s’étonnant nullement de la trouver ouverte. Ses lèvres se pincent et elle sait que ce qui va suivre n’aura rien d’agréable, mais elle doit le faire. Elle le doit.

    Pour elle. Pour sa fille, pour eux.

    Elle glisse un oeil indiscret dans la chambre de bébé et tout comme le lui a annoncé sa servante elle le trouve là. Il est debout dans la pièce, tournant le dos à la porte. Son oeil noisette observe les larges épaules de ce grand homme, la chevelure blonde coupée court qui s’arrête à mi-chemin de sa nuque, elle regarde le tissu rouge de sa veste et descend sur le landeau vide devant lui. La disposition de ses bras même de dos lui indique qu’il la tient et à cette pensée, l’amertume se fait plus difficile encore à soutenir. Si elle pouvait se dérober à ce moment que ne donnerait-elle pas pour le faire, mais elle le connait, aussi sûr qu’elle l’a aimé. Inspirant profondément tandis qu’elle se redresse, la jeune femme vérifie la tenue de sa coiffure en palpant ses cheveux et assure les plis de sa robe avant de pousser la porte. Le discret grincement des gonds annonce sa venue avant même qu’elle ne prenne la parole mais le jeune homme ne se retourne pas immédiatement pour autant. La noble fait un pas en avant, et ses yeux fuyants trouvent la poignée de la porte qu’elle décide de refermer derrière elle, quitte à lui parler en privé, autant que ça ne se fasse ici, à l’abri des regards des domestiques. Son visiteur ne lui parle toujours pas, continuant le léger mouvement de bascule qu’il fait d’un pieds sur l’autre, berçant doucement ses bras et ce qu’il y tient précieusement.

    ”Je vais devoir réprimander Déotille, quelle idée de conduire mes invités ici plutôt que les faire attendre dans le salon.” prononce-t’elle presque sarcastiquement, sachant pertinemment que sa brave suivante n’y est pour absolument rien contrairement à l’entêtement du blondinet.

    L’homme en face d’elle s’arrête subitement de bouger au son de sa voix, et elle le regarde avec une anxieuse anticipation. Ses pensées le supplient intérieurement, croient encore naïvement qu’ils pourront éviter le sujet et faire de ce moment une légèreté doucereuse qu’elle sait pourtant désormais hors d’atteinte. Lorsque Zelevas lui répond enfin, sa voix morne trahit son état, Théa de Casteille grimace en baissant les yeux, ses espoirs sont tués dans l’oeuf et elle sait qu’elle doit déjà se préparer mentalement à la suite. Le battement de son coeur se fait plus remarqué contre sa poitrine, malgré elle. Elle a entendu la nouvelle presque aussitôt, celle du récent décès de Maximilian et d’Athéra d’Élusie dans un accident il y a moins d’une semaine, elle savait d’avance que Zelevas viendrait, elle le connait trop pour qu’il puisse encore la surprendre.

    ”N’ai-je même plus le droit de voir ma fille désormais?”

    Lorsqu’il se retourne enfin pour lui faire face, le coeur de Théa s’étouffe à la vue amer d’Hélénaïs dans les bras de Zelevas. Sa tête doit faire des pieds et des mains à son coeur pour empêcher ce dernier de raviver la plaie de ce qu’ils auraient pu être et ne seront jamais. C’est sa décision, c’est la bonne décision, un crédo auquel elle s’accroche désespérément malgré la sourde douleur qu’il lui engendre.

    Zelevas d’Élusie Fraternitas. Le Haut-Juge de Justice et une des personnalités montantes de la politique républicaine actuellement. Bien qu’il n’ait toujours pas décroché de post au Sénat ou en Mairie, peu sont ceux qui ferment les yeux sur le faux Fraternitas tant son rapprochement avec le Patriarche des Genova est inquiétant. L’image que véhicule le jeune homme dans son sillage en questionne beaucoup, comment un homme de sa naissance et de son milieu a pu accrocher l’attention du chef de la plus puissante des Familles républicaines avec visiblement autant de facilité? d’Élusie n’évoquait pas grand chose dans l’esprit commun, mais lui, Zelevas, il était en ce moment sur toutes les lèvres suite à l’affaire judiciaire Malijian dont il fut le facteur décisif.

    Zelevas ne regarde même pas Théa bien qu’il se soit retourné, sa tête est baissée et ses yeux bleus aciers n’appartiennent qu’au poupon emmitouflé dans les linges qu’il porte dans ses bras. Son doigt déjà usé par la demi-douzaine d’années au Razkaal caresse la petite joue de velour du bébé alerte qui le regarde avec incompréhension. Quelques bruits de pas de plus et les mains de Théa se glissent délicatement entre ses bras pour lui ôter l’enfant, sans qu’il n’y oppose la moindre résistance. S’écartant doucement du passage pour permettre à la mère légitime de sa fille de déposer Hélénaïs dans le landeau, Zelevas contemple cette scène dont il n’a que trop peu l’occasion de profiter. Il y a à cette vue un pincement douloureux à son coeur en sachant que cette vie lui échappe, celle d’une vie de famille, avec les siens. Encore plus maintenant.

    ”Si. Bien sûr que si.” murmure-t’elle à peine audiblement. ”Je ne suis pas cruelle.”

    ”Pas comme moi, n’est-ce pas?” rétorque-t’il sur un ton frôlant le reproche en s’appuyant sur le landeau pour lui parler.

    Son silence lui répond bien assez, pas besoin que ses lèvres graciles ne se fatiguent pour qu’il ne comprenne ses mots imprononcés. Il l’ausculte du regard, ses perles aux couleurs froides descendant le long de la silhouette de Théa. Ô combien n’a-t’il qu’une envie, celle de la serrer contre son corps, de l’avoir près de lui, à ses côtés, et pourtant il n’est pas le seul décisionnaire dans cette équation. Ses mâchoires se serrent et ils restent tout deux un instant là, ne sachant vraiment que dire, mais d’un autre côté il n’y a rien à dire n’est-ce pas? Zelevas le sait au plus profond de lui, il a déjà perdu la guerre et tente pourtant encore de livrer bataille, le Lion ne peut s’avouer vaincu tant par fierté que par désillusion. C’est peut-être pour ça qu’il aime Théa, elle a la même volonté d’acier que lui, la même détermination. Il ne pourra jamais l’emporter parce qu’elle est justement exceptionnelle, et pourtant, il se doit d’essayer, incapable de baisser les bras devant ce qui lui échappe.

    ”Pourquoi ne quittes-tu pas Bastian?”

    ”Zelevas…” fait-elle faiblement.

    Les yeux de Théa sont à demi-clos en essayant de rassembler son courage. Zelevas se tourne vers elle, insistant sur ses paroles à l’aide de ses mains, comme s’il tentait de faire mouche à un débat.

    ”Falconi gagnera les prochaines élections, tout est déjà joué d’avance. Il m’a demandé d’être son Garde des Sceaux, là, il y a trois jours.”

    ”Zelevas…”

    ”Garde des Sceaux Théa. Moi, imagine tout ce que je pourrai t’offrir, la vie que tu… que nous pourrions avoir. L’avenir de notre fille!” Il voit la résolution sur le visage de la jeune femme et il sent ses espoirs s’effriter. ”Théa je t’offrirai plus que ce que tu n’as jamais pu espérer, une vie incomparable avec ce que tu as ici, notre fille ne manquera jamais de rien et…” ses paroles sonnent tellement dérisoires que même le Lion n’y croit plus. Ses épaules s’affaissent et sa voix s’écroule dans sa gorge. ”Si seulement tu donnes une chance, à ‘nous’. Une chance, une seule, c’est tout ce que je te demande.”

    Cédant malgré lui à la distance respectueuse qu’il maintenait jusque là entre eux, Zelevas s’avance d’un unique pas vers la jeune femme. La crispation de ses mâchoires visibles sous sa barbe blonde clairsemée trahit sa nervosité.

    ”Théa?” rarement s’est-il senti aussi… vulnérable, et pourtant il essaie encore désespérément de le cacher.

    Les yeux de la femme de Bastian remontent vers les siens, soutenant pour la première fois son regard alors qu’elle affiche sur son visage un sourire qui le meurtri plus que n’importe quoi, parce que ce qu’il y voit n’est pas de l’amour, ni du regret ou même de la compassion.

    C’est de la pitié.


    Théa lève doucement une main pour la déposer sur la joue de son ancien amant et Zelevas sent sa poitrine s’étreindre au contact de sa peau sur la sienne, il aimerait pouvoir se lover contre la soie de sa paume, s’abandonner dans ce toucher si délicat, il aimerait pouvoir réparer ce qu’il a causé et faire comme si leurs différences n’existaient pas, mais le sourire triste de Théa lui rappelle bien que ce ne sera jamais possible. Ces mêmes lèvres qu’il embrassait avec passion s’ouvrent maintenant pour délivrer leur irrévocable sentence, et il attend. Le Haut-Juge de Justice attend, impuissant, comme un accusé à la barre que son verdict lui soit livré, et soudainement le d’Élusie comprend mieux le pourquoi des visages déconfits des criminels et innocents lorsqu’il sort des salles de délibérations des tribunaux. L’attente est insupportable.

    ”Zelevas…”

    Autrefois elle l’aurait appelé ‘mon petit nuage’ dans ces moments d’intime proximité, Zelevas ferme ses yeux pour accuser la douleur, et en les rouvrant, il renvoie un regard mélancolique à la jeune femme:

    ”Ma petite neige…”

    Le pouce de Théa qui caressait affectueusement sa joue se sépare de son visage et il ressent presque immédiatement le vide qu’il laisse derrière lui, se retenir d’avancer pour la prendre dans ses bras lui coûte un effort surhumain, mais il ne s’abaissera pas à tant d’irrespect.

    ”... non. Tu ne peux plus m’appeler ainsi, tu n’en as plus le droit.” Il y a un étrange contraste entre la voix suave et douce de Théa et la terrible réalité de son propos. ”Tu te l’es toi-même ôté.”

    ”Non non non non, non non, non NON! Théa, Théa je t’en supplie réfléchis bien. Écoute moi, regarde moi, ce n’est plus une question d’apparence Théa, oublie les avis de la haute, personne ne nous jugera ils ne le pourront pas. Je vais changer Théa, je vais changer ce pays. Garde des Sceaux tu te rends compte?” Il essaie de prendre son doux visage dans ses mains mais Théa les lui attrape et les abaisse tristement, ramenant plutôt ses doigts dans les siens pour enfin les lâcher quand il tente de lui prendre les mains à la place. ”Qu’est-ce que Bastian ne sera jamais si ce n’est un sénateur oubliable? Il se rattache à ses convictions utopistes qui ne le mèneront jamais nul part, est-ce que c’est ça que tu veux pour ta famille? Être la blague de la caste politique? On pourrait vivre ensemble, tous ensemble, heureux. Lui il n’accomplira pas en toute sa vie le quart de ce que je vais faire pour cette nation Théa, alors dis moi, dis moi ce qu’il a de plus que moi?”

    Jamais Zelevas n’avait regretté aussi vite d’avoir posé une question. Il pouvait le voir dans les yeux noisettes, il avait pu le voir très exactement, le moment où la décision s’était transformée d’une pensée encore vacillante en une conviction inamovible. Il a tout juste le temps de murmurer un énième non du bout des lèvres, couvert par la parole de Théa:

    ”Un coeur.”

    Et contrairement à ce que la jeune femme vient de sobrement affirmer, Zelevas a un coeur parce qu’il peut le sentir sombrer dans sa poitrine jusque dans ses tripes. Ne serait-ce que respirer devient soudainement une tâche au delà de ses forces. Lui, le grand orateur, il se retrouve à cours de mots. Comment répondre à cela? Que puisse-t’il dire? Rien. En un battement de cil Théa avait balayé toute chance de victoire avec la même douceur qu’il lui connaissait. Pourtant, s’il avait bien un coeur, comment pouvait-il ne pas larmoyer devant un tel propos? Le poignard à la chaleur anesthésiante qu’elle vient de planter dans sa poitrine est encore logé là, empêchant son coeur de saigner et ses larmes de couler. Zelevas hoche stupidement la tête avec une lenteur navrante sous le regard apitoyé de la femme qu’il aime. Il ne sait que dire de plus. Le juge est incapable de plaider sa défense, le discoureur ne sait plus parler et le Limier lui, est vaincu.

    ”Un coeur à me tendre. Le tien ne va qu’envers tes ambitions, Bastian court peut-être après des chimères humanistes comme tu dis, mais il le fait par amour pour le peuple, pour les gens, pour moi. La pauvre Théa, n’aura jamais sa place ici…” dit-elle tristement en effleurant la poitrine de Zelevas du bout de ses doigts. ”... elle aurait l’impression d’y être de trop entre le pouvoir et toi.” S’écartant d’un pas du père de sa fille, elle ajoute douloureusement dans une ultime tentative de lui ouvrir les yeux, ”Regarde-toi. Même maintenant tu es là, stoïque.”

    Et pourtant il voudrait lui montrer l’inverse, mais c’est plus fort que lui. Comme si sa nature avait changé. Zelevas ne parvient pas à s’ouvrir et il se rend compte que sa seconde peau l’a rattrapé. Six ans à témoigner des horreurs de l’humanité dans les bas fonds de la Forteresse Maudite, huit ans à étudier le droit et réviser les crimes du pays, neuf de plus à voir les dossiers judiciaires défiler devant ses yeux, à prononcer condamnations après condamnations, à demeurer impassible devant la misère du monde. Il s’était pourtant convaincu que ce n’était pas lui, que ce stoïcisme pur n’était qu’une façade qu’il pouvait quitter à l’envie. Il avait eu tort. Son propre corps le démangeait maintenant comme s’il en était prisonnier, il voulait sortir de sa peau, se libérer des chaînes invisibles qui l’étouffent mais il en est strictement incapable. Il ne peut qu’écouter parce que son corps n’obéit à rien d’autre et que son esprit ne réfléchit même plus, il accuse.

    ”Tu veux toujours tout contrôler, tu veux toujours que tout soit à l’image que tu te fais de la République, parfait. Mais les gens ne le sont pas Zelevas, ils ne l’ont jamais été, ce n’est pas… ” la voix de Théa se rompt et elle se met à pleurer, ses larmes encadrent un sourire triste et le d’Élusie ne comprend pas comment elle peut se réjouir de sa propre peine. ”C’est… ce… ce n’est pas toi. Comment puis-je te laisser une chance de vivre à mes côtés? Tu ne le fais pas toi-même.”

    Et en cet instant même, les poings du jeune homme se resserrent sur le bord du landeau jusqu’à ce que ses phalanges n’en blanchissent, il a l’impression de serrer les dents tellement fort qu’elles pourraient se rompre à n’importe quel moment. Déglutir, soulever sa poitrine pour inspirer, les moues de ses lèvres, chaque geste lui coûte un effort conscient pour qu’il puisse s’extirper de l’engourdissement sourd qui le paralyse. Il est comme anesthésié par les mots de Théa, et il se déteste. Il se hait de ne pas savoir quoi répondre. Il baisse la tête honteux devant elle, ses yeux voient les deux petites perles d’Hélénaïs qui balbutie dans le landeau en contrebas et d’un seul coup sa simple présence ici lui devient insupportable.

    Devant sa fille.

    Misérable.

    Il parvient à lâcher le bois du landeau au prix d’un effort surhumain et ouvre les bras pour consoler Théa, mais devant le léger mouvement de recul de cette dernière, il s’arrête, croise son regard si… résolu, et il comprend la seule chose qui lui reste à faire. Il hoche la tête sobrement et se dirige vers la sortie de la pièce, laissant la jeune femme choire dans le fauteuil derrière elle. Il pose sa main sur la poignée et peut-être est-ce la froideur du métal qui le réveille, peut-être est-ce sa fierté qui refuse de tomber sans un dernier baroud d’honneur, ou peut-être est-ce sa vanité qui l’empêche d’admettre la défaite, mais il se retourne subitement en ouvrant la porte pour croiser une ultime fois ce regard brun et larmoyant.

    ”Tu te trompes.” Puéril. Les sanglots de la jeune femme s’interrompent brièvement tandis qu’elle relève la tête pour l’écouter. ”Tu te trompes Théa. Un jour…” est-ce qu’il y croit? ”Un jour… je te prouverai, que tout ce que je fais pour ce pays…” il doit y croire… il n’a pas le choix… ”... c’est pour toi, pour toi et pour Hélène. Un jour tu verras, je serai Président de la République, je changerai ce pays, et tu verras. Tout fera sens. Je te le promets.”

    Il n’attendit pas de réponse pour sortir de la pièce. Il savait qu’il n’y en aurait plus.



    Présentement.


    D’ordinaire, Falconi n’est pas vraiment du genre inexpressif quand il écoute les gens parler. Nombreux sont ceux qui se targuent d’avoir un visage impassible et de voiler leurs réactions derrière des façades illisibles pour garder un avantage sur leurs interlocuteurs, mais pas le chef des Genova. Il ne prend que rarement le soin de dissimuler ses expressions à l’écoute de des gens, et une fois n’est pas coutume en entendant l’avis d’Hélénaïs de Casteille concernant les évènements des Bougeoirs, ses impressions d’Arès ainsi que l’implication de Lucia dans l’affaire, les moues qui se succèdent sur son visage à l’insu de la jeune femme démontrent bien l’agréable étonnement qu’il ressent ainsi que sa curiosité piquée par certaines mentions dans le discours de la Sénatrice. Lorsqu’elle le remercie enfin de sa confiance en ce jour fatidique pour représenter la Maison Bleue, Falconi esquisse un sourire coupable quand elle indique avoir réfléchi à deux fois avant d’endosser la responsabilité qui lui avait été imposée.

    ”Vraiment?” murmure-t’il sans conviction d’un souffle à peine perceptible.

    Et pourtant elle est restée, et c’est là tout ce qui importe pour le Président, il voit dans cette hésitation qui n’a pas abouti un indice, la suggestion que peut-être, elle tient un peu plus de ses origines qu’elle ne le pense. Le Président de la République laisse un instant de silence planer sur la conversation après la question de de Casteille. Il n’est pas un fin orateur, il n’est pas non plus un placide manipulateur, le secret de Falconi réside bien ailleurs, dans la préparation. Plutôt que compter sur ses talents pour improviser une situation, le triple chef d’État s’arrange le plus possible pour mettre les pieds dans une position où il a déjà toutes les cartes en main, et maintenant que les réponses de la jeune politicienne lui ont fourni les munitions dont il a besoin il est prêt à les abattre une par une.

    ”Je n’y crois pas vraiment.” La voix de Falconi se fait légèrement plus proche d’Hélénaïs alors qu’il se penche sur le bureau et pose un coude sur le bois pour soutenir sa tête d’une main. Il argumente avec presque nonchalance, ”Vous déplorez les pertes humaines mais vous souhaitez me faire croire que vous avez hésité?” Son sourire est même audible sur ces derniers mots tant il les prononce avec malice, et Falconi se recule pour s’enfoncer dans le dossier de son fauteuil. ”Non.” il marque une pause, rendant clair qu’il s’apprête à continuer. ”Il y a des choses que je souhaiterai savoir en effet, à propos de vous Mademoiselle la Sénatrice. Qu’est-ce qui selon vous fait un Homme?” Et alors que la demoiselle entrouvre la bouche pour répondre après un temps de réflexion, il la coupe immédiatement pour tourner la question en rhétorique et enchaîne, ”Les valeurs. Les valeurs font la grandeur d’âme des hommes et des femmes de tout temps. Ces valeurs que nous chérissons et qui motivent chacunes de nos décisions dans nos vies, nous les tenons de la famille. En celà il n’y a rien de plus important que la famille parce qu’elle nous façonne bien malgré nous. Que nous le voulions ou non, nous sommes le produit de nos parents, de notre éducation, de notre vécu et la famille constitue une partie colossale de ces expériences. Il y a un sang qui coule dans mes veines qui guide mes pas dans les marches des Genova, et à mon tour je tire les Genova dans mon sillage -du moins ce qu’il en reste. Chez vous aussi Mademoiselle, le hasard ne vous a pas conduit par chance au Sénat. Je ne crois pas que vous ayez réellement hésité, plus que vous n’ayez simplement eu un mouvement initial de peur ou de recul. Vous êtes jeune. Très jeune. Un âge où l’on se cherche encore et où les chemins se dessinent souvent avec peine, mais je suis curieux de savoir…”

    Penchant légèrement sa tête de côté, le regard dépareillé de Falconi ausculte la palpable nervosité d’Hélénaïs et essaie d’en jauger l’inconfort, il ne cherche nullement à la rassurer, ceci est une mise à l’épreuve et les questions ont déjà commencé. Le Genova lui pose un choix simple, plier, ou résister.

    ”... quelles genres d’ambitions peuvent vous animer? Quelles valeurs pouvez vous prôner… ” Il mesure pesamment ses mots et les délivre avec une lenteur irritante. ”... parce que ce que je vois devant moi, c’est une jeune femme qui alterne entre Sénatrice et Ambassadrice, qui ne semble pas vraiment savoir sur quel bord politique danser et qui prétend se cacher derrière une fragilité factice. Mais je n’y crois pas.”

    Il se penche cette fois par dessus son bureau, ses deux bras croisés au bord du meuble tandis qu’il approche son visage de celui d’Hélénaïs et murmure devant elle:

    ”Alors en quoi croyez-vous, Mademoiselle de Casteille?”
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