Une des premières choses qui attire le regard chez cet elfe se trouve être les nombreuses marques qui parcourent son corps. À l’instar des tatouages, elles recouvrent son anatomie jusqu’au bout des doigts, traçant toutes sortes de formes étranges et de lignes à la signification pour le moins obscure que certains qualifieraient même d’ésotérique.
De corpulence athlétique, la silhouette de l’elfe atteint presque les deux mètres de haut, une taille honorable et dans la normalité pour un représentant de sa race.

Malgré les quelques mèches de cheveux qui tombent sur la partie gauche de son visage, l’on parvient assez aisément à deviner la présence d’une cicatrice assez large qui s'étend sur toute la hauteur de son visage. Néanmoins, un œil entraîné à l’étude des blessures serait capable de reconnaître des plaies que l’on a volontairement ou non négligées afin que celles-ci puissent marquer la chair en profondeur. Cela peut sembler étrange, car pour un elfe, accéder à quelques sorts de guérison semble pour le moins assez simple et il aurait été facile d’effacer pour de bon ces vilaines marques du passé. Son regard quant à lui est d’un bleu azur ce qui lui donne un effet perçant, un peu comme si vous n’étiez qu’un livre de plus que l’on pourrait feuilleter du bout des doigts pour en apprendre tous les secrets.

Il n’est pas aisé de parler avec précision de la psyché d’une personne qui se n’exprime pas beaucoup et que l’on ne connait pas vraiment. Au premier coup d'œil, l’apparence générale de Lórindol ne joue pas forcément en sa faveur, chose dont il a parfaitement conscience et qu’il semble accepter. On pourrait donc légitimement en déduire qu’il se fiche bien de ce que l’on peut penser de lui, en bien comme en mal. Lórindol est un elfe qui réagit de façon pragmatique à son environnement, il ne laisse transparaître que peu d’émotion et manque cruellement d’empathie envers les personnes qui peuvent le fréquenter. Même s’il préfère généralement éviter toutes formes d’interactions sociales, son éducation nobiliaire fait de lui une personne parfaitement adaptée à la vie en société. Il est tout à fait capable de converser correctement et de tenir des discours sensés, cela le fait donc passer pour une personne tout à fait normale aux yeux des inconnus, mais cela ne reste bien entendu qu’une façade qui ne représente aucunement la personne qu'il est réellement.

Bien que le rapport soit des plus formel, le commanditaire hésita. Il avait engagé le mercenaire certes, mais ce n’était pas dans le but d’avoir de mauvaises nouvelles. D’ailleurs c’était la première fois que celui-ci se présentait en personne. Il n’avait pas vraiment l’allure d’un mercenaire, mais il était au courant de toute l’affaire alors… Le maître des lieux l’avait alors conduit dans son bureau, suffisamment loin des oreilles indiscrètes afin de discuter de toute l’affaire. Au fur et à mesure du rapport son teint se fit plus blême.

- Aën… Aën’Ar-Feiniel ?! Vous êtes bien sûr de vous ? Non pas que je doute de vos compétences en matière de mercenariat, bien qu’au premier coup d'œil vous n’avez pas vraiment l’allure de ce milieu… En vérité, je doute sérieusement de la qualité de votre ouïe.

L’invité au visage balafré hocha la tête, il ne releva pas l’insulte.

- J’en suis sûr, oui. Ce n’est pas le genre de chose que je pourrais inventer, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Pendant l’ombre d’un instant, l’elfe sembla se plonger dans ses souvenirs lointains.

- Il y a bien longtemps que ce nom ne trouve plus grâce auprès de moi, et cela fait des lustres que je ne l’avais pas entendu. Il me semblait aussi que la lignée tout entière fut conviée à explorer l’hiver au-delà de nos murs. Dire que je considérais Elentir Aën’Ar-Feiniel comme étant mon égal, un mage sage et puissant, il était presque un frère pour moi, quelle bien triste ironie. Une chute familiale finement orchestrée. Et d’un coup, vous me dîtes qu’un elfe portant ce nom fait son apparition ?

- Ma mission était d’écouter et de vous tenir informer, et c’est ce que je fais.

- Qu’importe, il ne sera aussi gênant qu’à pu l’être son idiot de géniteur.

- Que voulez-vous dire ?

Même s’il se présentait comme le mercenaire engagé, l’inconnu n’hésita pas à poser sa question. Tout compte fait, ils étaient tous deux des personnes éduquées et cultivées, capables de converser calmement autour d’une table finement ouvragée, sans doute le fruit des meilleurs artisans du Joyau du Nord. L’invité ne s’attarda pas longtemps sur le meuble, car il avait d’autres objectifs que cela de faire l’inventaire des possessions du maître des lieux.

- Elentir était gênant, sa femme et son fils beaucoup moins, mais c’était un mal pour un bien, de vulgaires dommages collatéraux. L’influence est un grand pouvoir, encore plus lorsque l’on se rapproche possiblement d’une place d’érudit, un simple rapprochement qui peut changer beaucoup de choses. Il avait les compétences et le nom pour prétendre à ce genre de rôle. Avant d’être synonyme d’exil, Aën’Ar-Feiniel était un nom connu, celui d’une famille ayant traversé les âges et essuyé les conflits aux côtés de notre peuple. Il avait la chance d’avoir des ancêtres remarquables, et nous savons tous les deux à quel point les nôtres sont attachés au passé et aux actes héroïques. Cela donnait un certain poids à Elentir, un poids bien trop grand pour ses épaules si fragiles, un poids que je devais porter à sa place, un fardeau que je désirais ardemment lui éviter, mais il refusa. Me refuser cela, à moi ? Moi qui avais été présent dans les moments les plus sombres de sa misérable et pathétique existence ?

Le plus âgé des elfes s’emporta, il se redressa et fit quelques pas vers la fenêtre. Son regard semblait porter sur l’horizon lointain, il semblait être en pleine réflexion, il se retourna enfin et reprit sur un temps plus calme. Le mercenaire quant à lui retira sa paire de gants, laissant apparaître les tatouages qui recouvraient ses mains.

- Mais heureusement un nom reconnu ne fait pas tout, il faut aussi savoir s’en servir, le brandir comme une arme lorsque quelqu’un se dresse contre vous, mais ça il n’en était tout bonnement pas capable. Sans mon concours, jamais Mörwen ne serait retournée avec lui, jamais il n’aurait eu de fils et sa lignée se serait tout bonnement éteinte de façon navrante. Bien sûr j’ai dû faire usage d’un peu de persuasion, mais grâce à cela il put profiter d’une vie de famille et projeter ses plus grands rêves sur son fils, Lorindol. Ah, le cher fils prodige, celui qui pourrait accomplir tout ce que le père n’avait pas pu… Heureusement, grâce à deux ou trois artifices, leur nom ne vaut plus rien aujourd’hui, même un fruit pourri aurait plus de valeur. J’ai du mal à croire ce que vous me dites mercenaire, et d’une certaine manière, même si cela était possiblement véridique, je ne serais aucunement inquiété.

- Pourtant…

- Pourtant quoi ? Serait-il effrayant ? Dangereux ? Compétent ? Rien de tout cela pour sûr.

Son père était un mage puissant, malgré une certaine qualité d’éducation, je crains que le fils n’ai jamais été en mesure d’égaler son paternel, et encore moins capable de résister au froid une fois en dehors du dôme. Vous faites sans doute erreur, il n’y a pas eu de survivant dans cette histoire. Vous êtes engagé pour me tenir au courant des ragots, mais il serait avisé de faire le trie avant de venir m’importuner pour si p..

L’elfe le plus âgé chancela légèrement avant de se passer une main sur le front. Le mercenaire ne le quittait pas des yeux.

- Vous disiez ?

- Veuillez m’excuser, un simple vertige, je manque cruellement de sommeil. Vous devez faire le tri dans vos informations, c’est votre travail.

La deuxième attaque fut plus douloureuse, le maître des lieux grimaça et se reprit la tête entre les mains. Il essayait de contenir la douleur sans en comprendre l’origine, de toute manière il ne pouvait. Il vociféra et envoya voler son verre d’un revers de la main.

- Je… Faites… Appeler ma garde… c’est un ordre mercenaire !

L’invité ne broncha pas, et la douleur s’intensifia encore pour le maître des lieux. Il se pencha sur le côté et vomi tout le contenu de son estomac sur son précieux tapis. Il tenta de se redresser, mais ressentit une nouvelle vague de douleur ce qui le força à chuter sur le sol. Le mercenaire se redressa pour s'approcher, contournant soigneusement la flaque de mélasse. Alors que le maître des lieux tentait de se remettre debout, une petite forme ombreuse se forma à quelques mètres de lui, elle s’élança et le frappa en plein visage le faisant alors basculer en arrière.  L’inconnu vint s’accroupir près de sa cible, puis il dégaina une dague.

- Qui.. Qui vous envoie ? J’ai des amis, des amis puissants… Je peux payer ! Le double, le triple de ce que l’on vous a promis pour ma mort, en service ou en monnaie qu’importe, votre prix sera le mien.

- Mon prix ? Aucun service, aucun tribut n’efface les dettes de sang.

L’imposteur fit glisser le fil de sa lame au creux de sa paume, puis recouvra la lame avec son propre sang.

- Garde ! À moi !

- Inutile de harceler mes oreilles avec vos gémissements, souvenez-vous, vous nous avez isolés du reste de votre demeure, personne ne vous entend, personne ne viendra.

- Qui êtes-vous donc ? Mercenaire ? Assassin ?

- Mon nom n’a que peu d’importance, puisqu’il vaut moins qu’un fruit pourri.

Le maître des lieux écarquilla ses yeux fatigués par le temps, il tenta vainement de s’enfuir en roulant sur le côté, mais rien n’y fit. La lame de la dague le rattrapa, s'insinuant entre ses côtés. L’elfe tenta de se débattre et d’appeler à l’aide, mais une main plaquée contre sa bouche l’en empêcha. Lorsqu’il expira, son meurtrier se pencha sur lui et susurra à son oreille.

- Maintenant, nous sommes quittes.

- Melorn