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  • Jeu 27 Juil - 13:12
    - … Ase shafki athdrivar, Griffe.

    C’était à contrecœur qu’il avait accepté les ordres de son supérieur.

    Sable d’Or était l’objectif principal, la ville à consolider, la cité à protéger. Les murailles étaient solides, et sous la protection des Serres sous le commandement de la Griffe et du Tovyr, Tulkas ne pouvait pas imaginer qu’elle soit en réel danger, ne pouvait pas l’accepter. Plus encore, ces derniers mois avaient été forts en rebondissements. L’intégration de l’ancien gladiateur dans les rangs de l’élite du Reike avait été tumultueuse, quelques échauffourées avec des camarades lors de permissions, des soirées passées à boire, des journées à suer, saigner et tuer, d’autres encore passées à passer le moindre fait d’arme au peigne fin pour trouver de nouveaux surnoms aux membres des Serres, des journées entières à patrouiller les recoins les plus dangereux de l’Empire et d’innombrables heures passées à l’entraînement.

    Aussi étrange que ça puisse paraître, engoncé dans son armure noire aux décorations d’or au tabard sable et gueule, Tulkas semblait avoir perdu du poids, pour gagner en tonus. Les muscles gonflés aux repas riches et a l’abondance de l’eau étaient devenus plus denses, comme si son corps s’était habitué à porter tout cet équipement en retrouvant ce mode de vie spartiate qui avait teinté les premières années de sa vie de combattant.

    Il ne cachait pas sa peine de ne pas faire partie du contingent qui irait consolider Sable d’Or, mais là où il aurait été bombastique, le soldat avait serré la mâchoire, usé un peu plus ses molaires à force de grincer des dents et accepté la mission sans broncher.

    Après tout, Tulkas n’avait pas simplement passé ces mois à devenir un soldat digne de porter les couleurs des Serres, non. Il s’était formé à la stratégie, à cristalliser toutes les connaissances qu’il avait pu glaner lors des longues heures où il avait été laissé seul avec sa bibliothèque dans ses quartiers loin, là-bas, à Taisen. Et ce n’était pas parce-que Sable d’Or devait tenir qu’il fallait pour autant abandonner toutes les innombrables fortifications frontalières des marches de l’Empire. Les garnisons étaient parfois dégarnies et la concentration de troupes qui s’annonçait ne présageait rien de bon pour les hommes d’armes du Reike qui se devaient de rester en faction quoi qu’il arrive.

    Des menaces mineures planaient sur l’un de ces postes, des rapports d’éclaireurs et des mouvements étranges de tribus de pillards nomades, là-bas, loin au sud de Sable d’Or laissaient planer la menace d’une incursion imminente. Et il était hors de question de laisser a de vulgaires barbares l’occasion de profiter que l’attention du Dragon soit ailleurs pour venir semer le chaos et la destruction sur ses terres.

    C’est donc Tulkas qui avait été envoyé pour renforcer ce poste frontalier, tenant avec lui un ordre écrit de la part de la Griffe, la chevauchée avait été longue et fatigante. « Une nouvelle occasion de faire mes preuves. » pensait-il « Que tout ça n’a pas été vain. », encore les dents qui grinçaient, la gloire de Sable d’Or ne serait jamais la sienne. Peut-être était-ce une leçon, qu’il fallait apprendre à servir dans l’ombre pour diriger depuis la lumière ?

    Quoi qu’il en soit, c’est sous le couvert de la première qu’il était arrivé au poste frontalier. Une fortification, faite de pierre et de mortier, nichée dans une vallée. Une position sage, en vérité, car aucune armée ne pourrait franchir les falaises escarpées qui entouraient la forteresse sans être repérés et laissant amplement le temps à la réponse impériale de s’organiser. La seule chance d’empêcher l’alerte était d’assaillir la forteresse qui, bien que petite, semblait être positionnée juste là où il fallait pour minimiser tout avantage d’un encerclement. Un barrage, qui pouvait arrêter une rivière dont le cours était bien plus puissant que lui.

    - Qui va là ?

    Une voix s’éleva depuis le haut du rempart, un homme d’armes de l’empire, équipé d’un arc qu’il utilisait comme bâton de marche, portant une lourde armure, Tulkas put reconnaître assez facilement, à la lueur d’une torche, le dragon gravé à même le plastron de son interlocuteur.

    - Tulkas, des Serres Pourpres. Lança-il en se redressant sur la selle de son cheval. Je suis ici sous ordres de la Griffe. Précisa-il en levant le parchemin marqué du sceau de Deydreus. Je dois parler au Nylsark, allez me le chercher.

    La fraicheur de la nuit ne le dérangeait pas, sous sa lourde armure et son gambison molletonné, le cavalier avait chaud, il retira son heaume pour l’attacher à sa ceinture en attendant patiemment que vienne l’officier. La main posée sur le casque, le nez planté dans les étoiles, Tulkas réfléchissait. A ce que sa vie avait été jusqu’ici, à ce que l’avenir lui réservait comme surprises, il faisait frais cette nuit-là, la nuit avant que l’enfer ne se déchaîne et que les titans annoncent leur grand retour. Alors que ses frères et sœurs d’armes allaient mener un combat digne des plus grandes légendes, lui, allait tenir la frontière. Servir dans l’ombre pour qu’eux puissent prendre leurs places à la lumière.
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  • Mar 5 Déc - 23:11
    De vulgaires contreforts de bois en guises de machicoulis, des buches entassées en guise de merlons et des créneaux sur lesquels reposaient des peaux tannées. Aussi loin du cœur de l’empire, aux limites de cet ogre affamé de terres et de conquêtes, Tulkas pouvait prendre toute la mesure des problèmes qui occupaient l’esprit de la Griffe. La surextension des frontières réduisait considérablement le nombres de ressources allouables pour l’entretien des fortifications. Et si loin des centres les plus névralgiques du Reike, les soucis d’approvisionnements étaient évidents.

    En contrebas des murailles, un lopin de terre labourée, dans lesquels poussaient des légumes de saison. A l’entrée de l’une des deux tours de flanquement, un crochet à viande. A en juger le sang séché sur le sol, les hommes de la kyrielle en poste avaient pris pour habitude de pratiquer le pillage de fourrage dans la région pour éviter autant que possible les périodes de disettes. Ce petit poste frontalier, si loin des grandes instances Impériales, avait un air de baronnerie abandonnée par la couronne, et pourtant, sur le corps de garde surplombant les herses de cette muraille nichée au cœur de la vallée, flottait fièrement le dragon du Reike.

    - Un seul homme, eh.

    Gronda soudainement une voix avant d’être suivie par le claquement d’une lourde porte de chêne. Un homme, un humain semblerait-il, vêtu d’un gambison noir par-dessus lequel il portait un harnois partiel. Sous son bras, un heaume ceint de quelques plumes et à sa ceinture, la garde d’une épée luisante à la lueur de la lune. L’homme portait les insignes de son rang, un Nylsark, mais ne semblait pas avoir cette dignité qu’on attendait d’un dépositaire de l’autorité impériale. Au contraire, il avait plus les atours d’un tyran, ses gros doigts calleux décorés d’épaisses chevalières en or et en argent, et en guise de gorgerin, une chaîne héraldique représentant les armes d’une famille quelconque dont la Serre ignorait jusqu’au nom.

    - Bienvenue à la frontière l’ami. Disait-il. Je suis Donia de Kimswerd, il paraît que tu souhaites me voir ?

    Tulkas claque les talons l’uns contre l’autre en se mettant au garde à vous. Donia, lui, balaie l’air de ses mains comme si le geste l’importunait.

    - Pas de ça. Grondait-il. Les astres t’ont privé de ta langue ? Parle donc !
    - Je suis envoyé par la Griffe, monsieur. Répondait-il alors avec un professionnalisme qu’on ne lui soupçonnait pas. Nos éclaireurs nous ont rapporté des mouvements étranges de la part des nomades, la gr-
    - La griffe a jugé bon d’nous envoyer des renforts ! Merveilleux ! Les astres soient loués ! Quand arrivera le reste de ta troupe ?

    Une étrange émotion troubla le calme de l’expression de l’ancien gladiateur. Un léger frémissement au coin des lèvres, rien de parlant. Et pourtant, c’était criant, criant de vérité, de surprise, comme s’il allait partir dans un grand rire avant d’écarter les bras et de clamer sa force, sa puissance, qu’avec sa seule présence la victoire était assurée et pourtant. Il n’en faisait rien.

    Les blessures s’étaient refermées bien vites. Du moins, celles sur le corps. Il ne lui avait fallu que quelques heures pour que les innombrables coupures et différentes entailles ne se soudent et qu’il ne reste pas même le fantôme d’une cicatrice à la surface de sa peau.

    Cependant, ce souvenir de n’avoir été qu’une bête assoiffée de gloire que l’on saignait à coup d’un millier d’entailles ne s’était pas estompé. Le lion léchait ses plaies, et celles de l’âme s’avéraient être les plus difficiles à guérir. Inspirant, il reprit la parole.

    - Il n’y’a que moi, Nylsark. Répondit-il. La situation à Sab-
    - Je me contrefous de Sable d’Or ! L’interrompait-il. Si le poste frontière tombe c’est tout l’hinterland qui sera mis à feu et à sang ! J’ai demandé au moins un bataillon en renfort !

    Tulkas fronça les sourcils, gonfla légèrement la poitrine. Cent hommes, il avait demandé cent hommes en renfort. Tout ça pour affronter de vulgaires pillards à dos de cheval, alors qu’il avait à sa disposition vingt hommes, assez de vivres pour tenir un siège et probablement une des positions les plus défendables de la région, un véritable goulet d’étranglement part lequel devaient passer toutes les armées qui avaient de réelles ambitions qui dépassaient la rapine de vivres.

    A aucun moment l’idée que Tulkas vaille cent hommes d’armes n’avait traversé son esprit, non, il voyait juste là l’hubris d’un sous-officier qui pensait mériter toute l’attention d’un homme que cinquante mille suivraient volontiers jusque dans l’antre de Xorath s’il leur demandait.

    Quelque chose gronda en lui.
    Une indignation.

    - La Griffe a jaugé bon m’envoyer, une de ses Serres, pour renforcer votre garnison, Nylsark. Jugeriez-vous le dépositaire de l’autorité impériale comme un incompétent ?

    C’était étrange, une voix grave et autoritaire, un rappel à l’ordre étrange. Une gravitas, un imperium qui semblait lui aller tout naturellement. Comme si la tutelle de Deydreus et de ses frères d’armes lui avaient confié, ou plutôt réveillé, des capacités de commandement qu’il s’ignorait. Il tendit ensuite le parchemin signé du sceau de la Griffe.

    - Comment osez-vous prendre ce…

    Grondait-il en arrachant le parchemin des mains de la Serre pour lire ce qui avait été écris. Avant de pester, la Serre n’avait pas menti. Tulkas allait bien être le seul renfort, pire encore, il devait être à pied d’égalité avec le Nylsark pour organiser les défenses. En tout sauf en rang, il était présent avec l’autorité d’un Sajenti. Un subalterne, mais un pair. Inspirant longuement, pressant la pulpe de ses pouces contre ses index, Donia lâcha un long soupir.

    - Soit, nous allons faire avec les moyens du bord, Serre. Je vais enfin pouvoir juger d’mes propres yeux l’efficacité d’votre troupe. Allez. Venez.

    Disait-il en l’invitant à le suivre d’un geste de la main, rentrant dans le corps de garde du poste frontière. A l’étage, la caserne, dans une petite pièce annexe, le bureau du Nylsark dans lequel Tulkas pénétra à la suite de ce dernier, et à sa grande surprise, la pièce était spartiate. Alors que tout dans le comportement de l’homme sous-entendait la débauche et l’excès. Ce n’est qu’avec une certaine peine que l’ancien gladiateur ne cacha une moue déçue.
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  • Jeu 28 Déc - 19:56
    - Assez de civilités, Nylsark. Coupait-il sèchement. J’ai lu vos rapports et les nôtres.

    L’autorité que lui avait délégué Deydreus n’était pas employée à la légère, non. Tulkas était encore bien trop servile et inexpérimenté pour s’autoriser à recourir à la lettre de marque que lui avait rédigée la Griffe et prendre pleinement le contrôle militaire du poste frontalier pour la durée des opérations de Sable d’Or.

    Poste frontalier, qui à en juger le luxe dans lequel vivait le Nylsark, baronnet en devenir qui considérait son poste comme une proto-entité féodale, bafouillait tous les principes d’unité impériale. A en croire la venaison qui avais été servie comme repas a l’ancien gladiateur, il suffisait de porter un grade pour être traité comme un roitelet. Enfin, il n’y avait pas de mal à se faire plaisir ? Et puis… L’odeur de la viande, cuite à la perfection, juteuse à souhait, persillée de sel, de poivre et d’herbes aromatiques.

    Il pressait sa fourchette comme un couteau sur la venaison qui s’effilochait aisément sous le couvert. Piqué du bout de cette fourchette en argent, il levait la viande à son nez. Fermait les yeux et la glissa entre ses incisives. Il inspira un instant, l’explosion de saveurs complexes, cette croute brune qui croquait sous la dent, ce gros sel qui créait des ilots de saveur dans la mastication, ce poivre qui embaumait l’intérieur de sa bouche et dont les effluves remontaient gracieusement jusque dans son nez, cette viande juteuse qui libérait la myoglobine à chaque pression de ses molaires. Un festin, digne d’un noble, digne du Lion de Taisen, qui l’espace d’une simple bouchée s’était retrouvé dans la quiétude de ses quartiers décorés de boiseries précieuses et de lauriers dorés.

    Tulkas pouvait presque toucher du bout des doigts ce souvenir, les femmes qui déambulaient parfois par dizaine dans ses quartiers, les musiciens qui venaient égayer ses soirées, ces longs moments passés à aiguiser son esprit en conversant avec des philosophes et ces heures interminables passées à dévorer des livres.

    Puis, il déglutit, et avec cette précieuse bouchée qui tomba dans son estomac, il ravala ces émotions qui l’avaient transporté loin en arrière. Pour se retrouver dans cette pièce trop luxueuse pour être celle d’un militaire. Dans ce poste frontière dirigé non pas comme un campement militaire mais comme un domaine, dont les serviteurs armés portaient et les armoiries de l’Empire.

    - Cependant... Mes félicitations à votre cuisinier. Lâcha Tulkas avec un sourire. Qui aurait pu croire qu’un soldat serait si fin gourmet ?

    L’insinuation était claire, mais aussi bien Donia que la Serre connaissaient les règles du jeu de la haute société. Des doubles sens, des sous-entendus, des insinuations piquantes. Hélas, si loin de ses frères, l’alors jeune recrue des Serres peinait à abandonner pleinement le manteau du champion de l’arène, arrogant et hautain. Et au vu des circonstances, il était bienheureux d’avoir été nourri comme il se doit.

    - Nous sommes bien loin des grandes villes mais même la frontière à son raffinement. Répondit avec un certain flegme le Kimswerd. Cela dit, tu as raison, trêve de banalités. Répondit-il en cachant un rot derrière un mouchoir blanc. Tu as lu nos rapports et les vôtres, quelles sont tes conclusions ?

    Le Lion de Taisen entrouvrait les lèvres alors qu’il se préparait à parler, mais aucun mot ne surgit. Pour cacher sa surprise face à ce mutisme soudain, Tulkas engouffra une autre bouchée de ce plat de viande avant de reprendre la parole.

    - Le ban de la Kyrielle a été levé, les garnisons ont toutes été vidées, Nylsark. Commençait-il en avalant un troisième morceau de cerf. Ou chevreuil ? Il n’arrivait plus à faire la différence entre ces viandes. La plupart des postes frontières sont réduis à des effectifs purement fonctionnels, sauf le vôtre.

    Le Nylsark qui s’imaginait baron pencha un instant la tête sur le côté. L’air curieux.

    - Son éminence penserait-elle que mes hommes ne sont pas à la hauteur de Sable d’Or ? Ton command-
    - Notre, Nylsark. Coupa calmement Tulkas en piquant un morceau saignant de viande.  
    - Notre commandant, bien entendu, est-il certain de sa décision ? Je peux envoyer la moitié de mes hommes représenter notre unité, il lui suffit d’un mot.
    - N’avez-vous pas lu la lettre que je vous ai remise en main propre, messire de Kimswerd ?

    Demandait-il en glissant entre ses lèvres le carré de viande juteuse découpée à la fourchette, mâchant avec une lenteur calculée. Observant son supérieur qui l’avait invité a diner si gracieusement. Le temps s’écoula lentement, les secondes marquées par le bruit spongieux de la viande broyée à chaque mouvement de mâchoire. Reposant son couvert sur la table, prenant un pan de sa cape pour s’éponger les lèvres et s’essuyer la barbe, la Serre repris.

    - Les rapports des patrouilleurs frontaliers nous font part de larges mouvements de quelques tribus nomades, certaines d’entre elles sont les serviteurs du Grand Ennemi. Rappela Tulkas. Son éminence, comme vous l’appelez, suspecte qu’ils veuillent profiter de l’affaiblissement temporaire de nos garnisons pour venir frapper dans nos terres, récupérer des otages et du butin.

    Se penchant sur le côté pour récupérer une outre de vin, en retirer le bouchon qu’il pince de son pouce et de son index. L’ancien gladiateur prend un temps certain pour verser le précieux liquide dans une timbale de bois, sacrilège pour certains, mais il s’était habitué a des ustensiles… Plus pragmatiques, depuis son intronisation au sein de l’élite du Reike.

    - Les nomades n’ont pas notre culture de la guerre, Nylsark. Disait-il en humant le vin épicé à la maggi, fermant à nouveau les yeux avant de les rouvrir pour poser son regard sur l’officier. Ils n’ont pas notre expertise du siège, notre maîtrise du fer, ni même nos connaissances tactiques. Mais ne les prenez pas pour des imbéciles, ce sont avant tout des chasseurs. Et comme tout chasseur le sait, on frappe les plus faible en priorité.

    Le visage de Donia s’empourpra de colère, mais Tulkas ne démordit pas. Les crocs du Lion venaient de se planter douloureusement dans l’égo de ce baronnet. Il était désormais temps d’abattre la proie.

    - De toutes les marches impériales, la votre est la plus vulnérable, c’est pour ça que je suis là, et pas ailleurs. L’ennemi sera bientôt à nos-

    Un poing boursouflé s’écrasa sur la table, renversant les timbales de vin et faisant tressaillir les couverts en fine argenterie. La colère du Nylsark venait d’exploser et cet homme, vaniteux, imbu de sa personne, se mit à vociférer.

    - Assez ! Je ne tolérerais pas une insulte de plus ! Vous pouvez dire à la Griffe que-

    D’un seul mouvement, bien trop rapide pour l’homme, Tulkas s’était redressé, avait tiré son épée et venait de poser le fil de cette dernière à la gorge de l’officier. L’aimable soldat venait de se transformer en exécuteur plein de vindicte et d’une rage contrôlée. Un feu semblait brûler dans ses yeux alors que d’une voix rauque. Il reprit la parole.

    - L’ennemi sera bientôt à nos portes, Nylsark. Et que vous le vouliez ou non, je m’assurerais que votre garnison se couvre de gloire.


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  • Ven 29 Déc - 17:42
    - Tu crains la mort, fils ?

    Utgard posait un regard doux sur le jeune homme qui se tenait à ses côtés. Le jeune homme portait une barbe finement taillée, que ses cheveux soient longs et tressés, sa peau n’avait pas encore été scarifiée, si bien qu’aux yeux des dieux, que les hommes du Dragon appelaient « Titans » dédaigneusement, il n’était pas encore devenu un adulte. Tout au plus était-il un adolescent tardif.

    - Bien sûr que non père ! Rétorquait le jeune garçon. Je suis juste impatient !

    Le colosse, couvert de scarifications rituelles, au regard si doux et à larges main posa sa paume sur l’épaule de son garçon. Un rire lui échappa alors qu’il secoua doucement la tête.

    - Alors tu es un idiot, Darkhan. Disait-il en riant. Pourquoi n’admets-tu pas ta peur ? Il n’y’a rien de lâche à la ressentir. C’est un cadeau des dieux, après tout.

    Le crépitement du bois qui se fendait sous les flammes ponctuait cette soirée de petits moments de rires. Le campement était vivace, les guerriers qui partiraient en raid le lendemain festoyaient. Dans un moment de joie, ils célébraient la mort qui viendrait, pour elle ou pour les tyrans qui servaient la bannière du dragon. Mais là, loin des rites et des traditions, un père transmettait et un fils apprenait.

    - Nos shamans te diront qu’il ne faut pas craindre la mort qui viens. Car elle est un cadeau du Guide-des-Âmes. Et ils ont raison, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut gaspiller le don de vie que nous donne le Père-des-Forges, qui nous a façonné.

    Il empoigna délicatement l’épaule de son fils, la pressant tendrement en désignant du doigt un autre guerrier, plus grand que son père, vêtu d’une armure faite de larges anneaux d’or et au casque fait dans un crâne de gnoll.

    - Tu vois Darkhan ? Demandait-il à son enfant. Même notre brave chef n’a jamais été le sans-peur qu’on connait aujourd’hui. Quand nous avions ton âge, ton oncle et moi avons rencontré un des enfants bénis du Père-des-Forges, dont le feu était plus puissant que celui des autres de son peuple, nous avons pris la fuite. Disait-il avec un sourire en regardant son fils. Parce-que l’affronter seuls… Autant se jeter dans les bras du Seigneur de la Fin.

    Le jeune garçon affaissa un peu ses épaules en croisant les bras, tira ses jambes jusqu’à son torse pour les étreindre de ses bras. Reposant le menton sur le coussin de ses genoux. Regardant les flammes danser.

    - C’est la première fois que je participe à une chevauchée, papa. Je… Les mots tentaient de sortir, pourtant, c’était comme si une boule enserrait sa gorge.
    - Et il n’y’a rien de plus naturel, mon garçon. Consola le père. J’ai eu peur moi aussi, moi aussi j’ai été un enfant, fils. Comme tu l’es aujourd’hui, pour ta dernière nuit.
    - Tu as entendu les mots de Celle-Qui-Voit ?
    - Oui, la Mère-des-Secrets lui a dévoilé les faiblesses des esclaves du Dragon. Notre grand-chef fais confiance à nos oracles. Moi aussi, tu verras, demain sera un jour glorieux fils.
    - Mais j’ai quand même peur, père.
    - La peur est un outil des dieux, Darkhan. Répondait le père. A toi de voir si elle fera de toi un lâche ou si tu sauras la surmonter, la dompter et l’aiguiser pour prendre ton premier trophée.

    Des percussions animèrent le camp, des chants s’animèrent et le crin de cheval vint frotter les morin khuur, ces fameuses vielles à têtes de cheval. Autour du grand feu, les guerriers s’étaient rassemblés pour chanter tous ensemble, le festin allait commencer dans peu de temps. Le père se leva, coula un regard tendre à son fils avant de l’inviter à se redresser pour qu’ils rejoignent le reste de la tribu. Demain serait un jour glorieux. Ainsi avait parlé « Celle-qui-Voit », la prophétesse de la mère des secrets.

    Plus loin, appuyé sur le parapet de bois alors que les vivres étaient rapatriés dans le corps de garde du poste frontalier, se tenait Tulkas qui observait au loin. Le vent portait avec lui la puanteur d’une horde de chevaux, l’odeur d’un festin et la musique barbare de ces nomades.

    Deux batailles allaient bientôt éclater. La première était la responsabilité de son commandant, la seconde reposait sur celles de Tulkas, seul, loin de ses frères.

    A l’aube, le sort en sera jeté.

    - Continuez les préparatifs, soldats.


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