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    Anonymous
  • Mer 16 Aoû - 14:35
    Journée douce, journée détente. Imoogi a prévenu son fournisseur, aujourd’hui il ne travaillerait pas. Oh, rien de grave pour le triton, la simple envie d’un moment de qualité avec lui-même, de balades dans les rues de la ville, s’asseoir à une terrasse, siroter un thé glacé. Il devrait apprendre à en faire, mais où, comment ? La vie est tellement compliquée. L’échoppe a raviolis est petite et menue, de quoi se laisser pousser au gré du vent par les muscles de l’homme qui rêve de plus, qui rêve de mieux. Cette nuit, il a bien dormi, mais les draps de son lit miteux grattaient. Pourquoi ? Il n’oserait appeler un spécialiste pour comprendre les tenants et les aboutissants de sa présence dans ce logement qui le peine. Il espère simplement que de vilaines bêtes n’ont pas élu domicile chez lui, parasitant par la même occasion ses vêtements glorieux. Beaux, superbes, ils ont coûté cher et lui donne un air venu d’ailleurs, parce qu’au fond, il n’est pas d’ici Imoogi. Ses racines sont autres, les profondeurs qui l’accueillent encore quelquefois lui ont donné naissance, même s’il ne connaît plus le chemin pour rentrer chez lui. Un beau jour, il est parti sans se retourner. De nombreuses années qu’il trotte sur terre, voyageant et vivant de presque rien, l’œil tourné vers l’avenir. Combien de temps vivra-t-il encore ? Il ne connaît point son espérance de vie, ni celle de son espèce, mais il se sent jeune et beau, jeune et frais, prêt à soulever des montagnes, les jeter au loin, elles explosent comme de petits cailloux. Charmant sommeil, toutefois réveillé, il traîne et sifflote. Le guzheng n’est jamais loin, posé sur ses bras, et le commerce qui le salue le fait sourire. Il s’assoit à l’extérieur, commande un plat à base de poisson – n’importe lequel, l’adresse a l’air correcte – et un thé, pas vraiment froid, encore moins glacé. Des regards curieux se tournent vers la chevelure azurée, s’attardent sur l’instrument magnifique. Il penche doucement la tête, attend sa pitance. Elle arrive, chaude et gourmande. Il se lèche les babines, la fourchette pénètre la chair tendre de la poiscaille. Délicieux repas, il repart content et ne sait plus que faire. Peut-être pourrait-il s’arrêter dans un coin, s’installer, toucher les cordes sacrées ? Mais n’est-ce pas là une façon de travailler ? Qu’importe, la musique est une passion plus qu’une obligation. Il ne se sent jamais forcé de s’y atteler. Mais la décision peine à être prise, et les pas l’égarent plus loin. Il ne pourra retrouver son chemin. Cependant, un son agréable se fait entendre, et le curieux s’en approche. Sans doute y avait-il un chemin plus prompt pour rejoindre la source, mais l’homme n’est pas doué en orientation. L’ouïe fine, et une jeune femme dessine les traits de son visage au loin. Imoogi fronce les sourcils. Musique. Jolie. Il veut aller voir, il veut profiter d’un moment serein. Cette inconnue ne lui dit rien, et il plonge dans ses pensées pour se souvenir, mais vraiment, il n’y a rien. Alors il ne dit rien, reste planté comme un gauche, son guzheng qui n’est pas léger, il voudrait presque l’accompagner, mais est-ce seulement possible et raisonnable ? L’instrument doucement posé sur le sol, il est recouvert d’un drap protecteur, et lorsque le morceau s’arrête, les mains se rejoignent dans un applaudissement sincère et bruyant. Il est possible qu’Imoogi lui ait glissé quelques mots, aussi, des compliments qui sonnent vrais, parce que oui, il a apprécié ces minutes charmantes, et il en veut plus, mais est curieux. Qui est-elle ? Et lui répondra-t-elle, à cette âme curieuse ?
    Invité
    Invité
    Anonymous
  • Mar 22 Aoû - 10:43
    Les mains bruyantes [Iris]


    Un, deux, trois... Un, deux, trois... L'homme n'avait même pas besoin de regarder sa harpe pour pincer les cordes, cette mélodie, comme toutes les autres qu'il jouait au milieu du commerce de Courage pour amuser les passants et accompagner les gens attablés devant les petites échoppes, cette mélodie il la connaissait du bout des doigts. Bien sûr, elle n'était pas des plus complexes ce qui jouait indubitablement en sa faveur lorsqu'il jouait en public. Quelques accords accrocheurs répétés inlassablement en jouant sur les inflexions et le rythme, l'expressivité du corps qui s'élançait et s'attardait en même temps que les mains pour donner vie à la composition, les hochements de la tête lorsqu'il marquait un arrêt... Sa musique était simple et pourtant emplie de sincérité, tant qu'il pourrait continuer à jouer sans se soucier de ce que lui apporterait le lendemain, il était satisfait.

    Mais cette journée était différente, cette fois-ci il ne jouait pas seul. Alors que ses notes survolaient les esprits et glissaient entre les enseignes pour se perdre dans les ruelles quittant la place, d'autres voguaient entre les chaises et les tables, enlaçant chaque passant avant de se dissiper au gré des vents. Mais le plus surprenant étaient ces rubans d'or pur qui émanaient de chacun de ses pincements, éclats éphémères qui s'enroulaient autour des cordes avant de disparaître comme un nuage de poussière venu du ciel. Cette dame était impressionnante, deux jours avaient suffi pour qu'elle développe un accompagnement digne de sa harpe. Il avait d'abord été perplexe, perplexe qu'une parfaite inconnue vienne le voir pour ses quelques accords. Mais il était un homme simple, si un artiste venait quémander son aide, qui était-il pour refuser ? Elle prétendait chercher un partenaire pour affiner sa maîtrise magique et le style du harpiste correspondait parfaitement à ce qu'elle recherchait. Un joueur consistant sur lequel elle pourrait se reposer.

    Et deux jours plus tard elle était là, elle s'était entièrement adaptée sans qu'il n'ait besoin de changer quoi que ce soit, elle était devenue une extension de lui-même et aujourd'hui elle jouait avec lui. Chaque son soufflé à travers sa flûte s'intégrait parfaitement, elle arrivait même à suivre les lubies de son rythme, aucun ralentissement ne pouvait la déstabiliser, aucune accélération ne partait seule. Mais non contente de sublimer la mélodie initialement jouée seule, elle avait drapé la harpe de son aura dorée et elle jouait au milieu de ce décor idyllique. Le temps d'une mesure elle faisait trois pas vers la gauche et les rubans de lumière lui faisaient place, lors des deux suivantes elle baissait la tête et sa chevelure argentée venait se mêler à la fresque, puis elle repartait dans l'autre sens sans jamais que ses bottes ne claquent sur le sol, à croire qu'elle glissait plus qu'elle ne marchait.

    La foule d'ordinaire si bruyante à cette heure de la journée s'était presque entièrement tue pour assister au spectacle, seuls quelques chuchotements subsistaient ici et là, quelques regards étaient échangés et une ou deux transactions se faisaient à voix basse, mais presque toutes les têtes étaient tournées vers cette prestation de rue. Et puis elle toucha à sa fin, une dernière envolée suivie d'un accord soutenu qui refusait de s'éteindre et c'était terminé. Le halo doré autour de la harpe se fondait dans l'éclat du soleil de midi, le harpiste retirait ses doigts de l'instrument et la flûtiste abaissait ses mains. Un hochement de tête entre les deux musiciens et ils se courbaient face à l'audience.

    Les applaudissements ne tardèrent pas à pleuvoir, toute la place grondait sous les claquements de main et les commentaires. Et puis le commerce reprit lentement son cours, un à un les visages les plus éloignés se détournaient, les compliments défilaient et arrivaient lentement à leur terme, les plus généreux laissaient un pot de vin avant de retourner à leurs occupations. Il était temps pour Iris de plier bagage, son expérience était un franc succès mais elle n'avait pas à cœur d'exploiter plus longtemps cet homme qui avait accédé à toutes ses demandes sans broncher. Il ne lui en tiendrait pas rigueur, ces deux journées avaient été fort amusantes pour lui il l'avait répété à tue-tête. Mais si elle voulait perfectionner cette nouvelle façon de jouer, il lui faudrait un partenaire récurrent et avec un répertoire plus varié qu'un harpiste vivant au jour le jour avec sa muse.

    Que de gens tout de même, elle avait l'habitude des foules mais la marée infinie de spectateurs dans ces milieux ouverts n'arrêtait jamais de la surprendre. Évidemment elle répondait poliment mais ça devenait vite épuisant, surtout quand il fallait jouer des coudes pour se déplacer entre les innombrables passants. Aaaaah... Ce ne serait pas très galant de ma part de m'envoler ici mais ça fait vraiment beaucoup de monde. Une âme singulière l'arracha à sa pensée, au premier coup d’œil il n'était qu'un passant parmi tant d'autres et pourtant... Il y avait quelque chose de différent, peut-être était-ce son insistance, son regard implorant, ou son accoutrement qui détonait quelque peu parmi les pourpoints républicains. Peut-être qu'il pourrait l'aider à se sortir de ce pétrin sans projeter feuilles de salades et petits pois à la figure d'infortunés qui n'avaient rien demandé.

    - Pardonnez-moi, c'est quelque peu compliqué de converser ici. Si vous connaissez un lieu un peu plus calme je serais ravie de vous suivre, malheureusement je connais assez mal cette ville.

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