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Le vent léger courait dans sa chevelure bleu nuit. Les bourrasques faibles faisaient voler la poussière à ses pieds et Nut elle-même était entourée de grains de sable, mais la peau demeurait douce et fraîche. Était-ce de la colère ? De la tristesse ? La jeune femme ne pouvait le dire. Son cœur avait changé, le ciel n’était plus si bleu, les nuages obscurcissaient le soleil de sa vie. Pourtant, aujourd’hui était une belle journée. La chaleur étouffante était affaiblie par une brise agréable, le soleil brillait de toute la force de ses rayons, il n’y avait pas un nuage dans le ciel. Autour d’elle, la vie s’agitait. Des enfants la bousculent, les parents ne sont pas loin alors elle ne dit rien. L’un d’eux tombe, Nut ne sait pas si elle doit intervenir, alors elle ne fait rien, comme asphyxiée par une soudaine timidité qui ne la connaît point. Elle a mûri, elle a grandi, elle s’est épanouie. Enfant, adolescente, ce n’était pas facile de se faire une place au sein des Shidhi, elle dont les parents avaient péri tragiquement. La main serrant celle de son précieux petit frère, le chef lui avait souri, un sourire un peu bizarre et les avait laissé entrer dans la propriété immense. Une chambre chacun, un avenir, mais les regards étaient sur eux, les murmures couraient dans les couloirs. Année après année, elle s’était affirmée. Excellente guerrière, la magie progressait dans ses veines, elle prouvait jour après jour sa force, et le mérite qui la grisait.
Les pas la guident dans les rues d’Ikusa. Il fait chaud, mais ses bras sont couverts, ses jambes sont invisibles. Elle a pris l’habitude de se couvrir d’une épaisse cape, rabattre la capuche sur sa chevelure sombre, errer comme un fantôme, observer la vie. Allons, allons, il faut se ressaisir, ne pas se laisser abattre. C’est un mec bizarre, dans une auberge bizarre qu’elle a quittée après une nuit qui le lui a soufflé. Après la soirée, après le repas et les quelques verres qui remontent le moral, il a tenté de l’accompagner dans sa chambre pour « poursuivre leur conversation ». Elle l’a fermement éconduit, et il l’a insultée. Elle n’a pas glissé un mot sur les raisons de ses tourments, comme si la honte l’écrasait. Elle ne dit jamais d’où elle vient, quel nom de famille elle porte, elle, l’adoptée, comme jadis bien d’autres âmes au sein du clan. Ils ne comprennent pas, tous ces gens au sourire qui ne les quitte jamais. Elle aussi a le sourire, avait. Elle ne pensait pas que ce soit possible de le lui arracher. Ce soir, elle n’a pas souri.
Les heures s’écoulent lentement. Nut sait où elle va, mais elle prend des détours, elle traîne, elle s’arrête devant des échoppes pleines de vie, et elle attend, ne se décide pas. Parfois, elle se laisse tenter par un fruit, par une sucrerie. La vendeuse lui tend, les mains abîmées par les années de travail. Alors Nut sourit, elle force ses lèvres à effectuer le funeste mouvement, ça sonne faux, mais ce n’est point remarquer, car elle a appris, avec les années, à faire semblant, remplie d’hypocrisie, ou ne sait-elle pas comment appeler ce comportement qui l’a sauvée de bien des situations. Elle croque dans le fruit sucré, s’éloigne. La maison qu’elle vise n’est plus qu’à quelques mètres. Cela fait bien longtemps qu’elle ne s’y est plus arrêtée, et la dernière fois était heureuse. Un pas, deux pas, elle revient en arrière, quelques secondes, mais elle ne peut reculer. Dans sa lettre, elle a donné un moment de la journée, pas une heure, parce qu’elle savait qu’il lui faudrait du temps avant de se décider. Elle a envie de fuir, de quitter cette maudite rue en resserrant son vêtement autour de sa poitrine dans un silence parfait. Toutefois, l’élémentaire tient toujours ses engagements, et elle a indiqué à ce vieil… ami… (la question est posée, elle n’a pas de réponse) qu’elle passerait. Comment expliquer qu’elle n’a pas eu le courage ?
Pourtant, elle le saisit et ne le laisse pas repartir. Il est étouffé dans les mains fermes de la jeune femme, et doucement elle avance sur le pavé la séparant de la porte immense. Quelques minutes pour réfléchir à ses paroles, à ce qu’elle pourra bien dire. Il sera le premier au courant de la perte de son clan, le premier vers lequel elle se dirigera, et elle ne sait pas vraiment pourquoi. Elle ne cherchera pas sa compassion, sa pitié. Elle sourit quand un élémentaire ouvre la porte, elle se présente, elle promet avoir prévenu de sa venue, excuse son retard qui n’en est pas un. « La soirée », c’est vague. Ici, on est en fin de soirée, le soleil a disparu jusqu’au lendemain, les fêtards sortent et les auberges sont remplies de monde. Nut n’a pas le cœur à la fête, et c’est en silence qu’elle suit son guide au sein de la demeure immense, et magnifique, bien différente de la propriété des Shidhi. Ne pas y repenser, ne pas y repenser, mais il faudra bien en parler. Elle ne fait aucun commentaire sur l’apparence superbe des lieux qu’elle foule de ses petits pieds bien chaussés. Tous deux arrivent devant une porte fermée, une de plus, et l’homme qui l’accompagne lui souffle que celui qu’elle cherche se cache à l’intérieur. Le courage vibre dans sa poitrine, mais elle suspend un instant son geste, le poing prêt à frapper sur le bois. Respirer, avaler douloureusement sa salive, fermer les yeux. Trois coups, puissants malgré la taille réduite de la main, et une attente interminable, une de plus. Le cœur bondit et la lance. Ce n’est pas agréable. Elle a oublié ce qu’elle devait dire.
Les pas la guident dans les rues d’Ikusa. Il fait chaud, mais ses bras sont couverts, ses jambes sont invisibles. Elle a pris l’habitude de se couvrir d’une épaisse cape, rabattre la capuche sur sa chevelure sombre, errer comme un fantôme, observer la vie. Allons, allons, il faut se ressaisir, ne pas se laisser abattre. C’est un mec bizarre, dans une auberge bizarre qu’elle a quittée après une nuit qui le lui a soufflé. Après la soirée, après le repas et les quelques verres qui remontent le moral, il a tenté de l’accompagner dans sa chambre pour « poursuivre leur conversation ». Elle l’a fermement éconduit, et il l’a insultée. Elle n’a pas glissé un mot sur les raisons de ses tourments, comme si la honte l’écrasait. Elle ne dit jamais d’où elle vient, quel nom de famille elle porte, elle, l’adoptée, comme jadis bien d’autres âmes au sein du clan. Ils ne comprennent pas, tous ces gens au sourire qui ne les quitte jamais. Elle aussi a le sourire, avait. Elle ne pensait pas que ce soit possible de le lui arracher. Ce soir, elle n’a pas souri.
Les heures s’écoulent lentement. Nut sait où elle va, mais elle prend des détours, elle traîne, elle s’arrête devant des échoppes pleines de vie, et elle attend, ne se décide pas. Parfois, elle se laisse tenter par un fruit, par une sucrerie. La vendeuse lui tend, les mains abîmées par les années de travail. Alors Nut sourit, elle force ses lèvres à effectuer le funeste mouvement, ça sonne faux, mais ce n’est point remarquer, car elle a appris, avec les années, à faire semblant, remplie d’hypocrisie, ou ne sait-elle pas comment appeler ce comportement qui l’a sauvée de bien des situations. Elle croque dans le fruit sucré, s’éloigne. La maison qu’elle vise n’est plus qu’à quelques mètres. Cela fait bien longtemps qu’elle ne s’y est plus arrêtée, et la dernière fois était heureuse. Un pas, deux pas, elle revient en arrière, quelques secondes, mais elle ne peut reculer. Dans sa lettre, elle a donné un moment de la journée, pas une heure, parce qu’elle savait qu’il lui faudrait du temps avant de se décider. Elle a envie de fuir, de quitter cette maudite rue en resserrant son vêtement autour de sa poitrine dans un silence parfait. Toutefois, l’élémentaire tient toujours ses engagements, et elle a indiqué à ce vieil… ami… (la question est posée, elle n’a pas de réponse) qu’elle passerait. Comment expliquer qu’elle n’a pas eu le courage ?
Pourtant, elle le saisit et ne le laisse pas repartir. Il est étouffé dans les mains fermes de la jeune femme, et doucement elle avance sur le pavé la séparant de la porte immense. Quelques minutes pour réfléchir à ses paroles, à ce qu’elle pourra bien dire. Il sera le premier au courant de la perte de son clan, le premier vers lequel elle se dirigera, et elle ne sait pas vraiment pourquoi. Elle ne cherchera pas sa compassion, sa pitié. Elle sourit quand un élémentaire ouvre la porte, elle se présente, elle promet avoir prévenu de sa venue, excuse son retard qui n’en est pas un. « La soirée », c’est vague. Ici, on est en fin de soirée, le soleil a disparu jusqu’au lendemain, les fêtards sortent et les auberges sont remplies de monde. Nut n’a pas le cœur à la fête, et c’est en silence qu’elle suit son guide au sein de la demeure immense, et magnifique, bien différente de la propriété des Shidhi. Ne pas y repenser, ne pas y repenser, mais il faudra bien en parler. Elle ne fait aucun commentaire sur l’apparence superbe des lieux qu’elle foule de ses petits pieds bien chaussés. Tous deux arrivent devant une porte fermée, une de plus, et l’homme qui l’accompagne lui souffle que celui qu’elle cherche se cache à l’intérieur. Le courage vibre dans sa poitrine, mais elle suspend un instant son geste, le poing prêt à frapper sur le bois. Respirer, avaler douloureusement sa salive, fermer les yeux. Trois coups, puissants malgré la taille réduite de la main, et une attente interminable, une de plus. Le cœur bondit et la lance. Ce n’est pas agréable. Elle a oublié ce qu’elle devait dire.
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*Si je disperse les forces à cet endroit, mais que je rajoute un point de retrait ici, je…*
Tels étaient les nouvelles pensées du fraîchement nommé chef de cellule. Le Feu prenait sa tâche au sérieux. Il se trouvait seul dans son bureau personnel, là où les documents des Kaviani avaient une importance majeure. Actes de naissance, contrats commerciaux, arbres généalogiques, tout renseignement qui leur permettait d’être encore fortement implantés dans la capitale siégeait dans plusieurs étuis, et le nombre de parchemins s’accumulaient. De plus, il fallait dissimuler les nombreux rapports de mission d’espionnage que recevait à son domicile le vaporeux. La plupart étaient déplacées dans une pièce secrète qu’il avait aménagé avec l’aide de quelques “artisans”. Pour y accéder… Non, il n’allait pas le faire aujourd’hui.
Par ailleurs, il regarda rapidement à travers le vitrail renforcé : les lueurs du Soleil avaient longtemps disparu. Seule une lampe à huile permettait de garder le lieu éclairé suffisamment pour permettre la lecture et la rédaction. L’ambiance tamisée rajoutait une part de mystère à cette pièce, qui émanait déjà cette sensation de secrets enfouis. Au détour d’un scellement pour envoi, il remarque du coin de l’œil une étrange missive.
Se saisissant d’un ouvre-lettre, il observa le sceau apposé à la cire. Un haussement de sourcils fut la réaction première naturelle, puis l’inquiétude. D’un geste précis, il descella, et lu le contenu. L’écriture était comme hâtive, ou hésitante. Mais il fut surpris par la provenance même, le nom de l’auteur des quelques mots. Une connaissance de la famille de longue date, pour être précis, de presque toujours. Il était bien plus vieux qu’elle, mais leur relation se résumait seulement à des rencontres par des intérêts communs de leurs familles respectives.
*Voilà bien longtemps qu’on n'a pas eu de nouvelles des Sidhi. Surtout depuis l’ère du Conquérant…*
Puis, trois coups résonnèrent dans l’espace privé de l’espion. Cela eut le fait d’instantanément le mettre sur le qui-vive. Il était rare qu’on vienne le déranger aussi tard, mais cela correspondait avec la temporalité inscrite sur le message.
*La soirée… On est bien plus au milieu qu’au début.*
Rangeant les quelques informations qui pourraient compromettre sa position dans un tiroir prévu à cet effet, il se déplaça vers la porte. Sans attendre, il ouvrit la porte, et se trouva en face d’une jeune femme bien plus frêle que lui : or, il n’avait aucun doute sur l’identité de la noble qui se tenait droite, l’observant de son regard vairon.
“Nut Shidhi. Je… Pardonnez mes manières, veuillez entrer.”
Attendant que la connaissance du milieu passe le seuil de la porte, l'élémentaire de vapeur ferma aussitôt la porte. Si elle venait à balayer la salle de ses yeux aux teintes particulières, elle conclurait que la pièce était qu’un bureau des plus classiques, où jonchent documents mais aussi esquisses de plusieurs tatouages dont le Kaviani cherchait à étoffer et proposer aux quelconques désireux de vouloir apporter une marque supplémentaire, quelle que soit la raison.
Seulement après, le noble hôte l'invita à ce qu’elle puisse prendre place sur un siège d’excellente facture pour se trouver face à son interlocuteur. De là, il joignit ses mains telle une prière, mais simplement pour soutenir son menton, un air qui se donnait pour interroger la personne, presque sous le serment du Shierak.
“Qu’y a-t-il ? Je pensais que tu étais à Draksang… Non, ça remonte à cette époque. Mais excuse mes questions, veux-tu quelque chose à boire ?”
Tels étaient les nouvelles pensées du fraîchement nommé chef de cellule. Le Feu prenait sa tâche au sérieux. Il se trouvait seul dans son bureau personnel, là où les documents des Kaviani avaient une importance majeure. Actes de naissance, contrats commerciaux, arbres généalogiques, tout renseignement qui leur permettait d’être encore fortement implantés dans la capitale siégeait dans plusieurs étuis, et le nombre de parchemins s’accumulaient. De plus, il fallait dissimuler les nombreux rapports de mission d’espionnage que recevait à son domicile le vaporeux. La plupart étaient déplacées dans une pièce secrète qu’il avait aménagé avec l’aide de quelques “artisans”. Pour y accéder… Non, il n’allait pas le faire aujourd’hui.
Par ailleurs, il regarda rapidement à travers le vitrail renforcé : les lueurs du Soleil avaient longtemps disparu. Seule une lampe à huile permettait de garder le lieu éclairé suffisamment pour permettre la lecture et la rédaction. L’ambiance tamisée rajoutait une part de mystère à cette pièce, qui émanait déjà cette sensation de secrets enfouis. Au détour d’un scellement pour envoi, il remarque du coin de l’œil une étrange missive.
Se saisissant d’un ouvre-lettre, il observa le sceau apposé à la cire. Un haussement de sourcils fut la réaction première naturelle, puis l’inquiétude. D’un geste précis, il descella, et lu le contenu. L’écriture était comme hâtive, ou hésitante. Mais il fut surpris par la provenance même, le nom de l’auteur des quelques mots. Une connaissance de la famille de longue date, pour être précis, de presque toujours. Il était bien plus vieux qu’elle, mais leur relation se résumait seulement à des rencontres par des intérêts communs de leurs familles respectives.
*Voilà bien longtemps qu’on n'a pas eu de nouvelles des Sidhi. Surtout depuis l’ère du Conquérant…*
Puis, trois coups résonnèrent dans l’espace privé de l’espion. Cela eut le fait d’instantanément le mettre sur le qui-vive. Il était rare qu’on vienne le déranger aussi tard, mais cela correspondait avec la temporalité inscrite sur le message.
*La soirée… On est bien plus au milieu qu’au début.*
Rangeant les quelques informations qui pourraient compromettre sa position dans un tiroir prévu à cet effet, il se déplaça vers la porte. Sans attendre, il ouvrit la porte, et se trouva en face d’une jeune femme bien plus frêle que lui : or, il n’avait aucun doute sur l’identité de la noble qui se tenait droite, l’observant de son regard vairon.
“Nut Shidhi. Je… Pardonnez mes manières, veuillez entrer.”
Attendant que la connaissance du milieu passe le seuil de la porte, l'élémentaire de vapeur ferma aussitôt la porte. Si elle venait à balayer la salle de ses yeux aux teintes particulières, elle conclurait que la pièce était qu’un bureau des plus classiques, où jonchent documents mais aussi esquisses de plusieurs tatouages dont le Kaviani cherchait à étoffer et proposer aux quelconques désireux de vouloir apporter une marque supplémentaire, quelle que soit la raison.
Seulement après, le noble hôte l'invita à ce qu’elle puisse prendre place sur un siège d’excellente facture pour se trouver face à son interlocuteur. De là, il joignit ses mains telle une prière, mais simplement pour soutenir son menton, un air qui se donnait pour interroger la personne, presque sous le serment du Shierak.
“Qu’y a-t-il ? Je pensais que tu étais à Draksang… Non, ça remonte à cette époque. Mais excuse mes questions, veux-tu quelque chose à boire ?”
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Elle est seule face à la porte. L’homme s’est échappé pour se concentrer sur les lourdes tâches qui sont les siennes. Ou une activité quelconque qui n’implique pas la présence d’une Shidhi dans les pattes. Nut se demande si elle est bien à sa place, si sa décision de venir malgré le cœur dans l’estomac était judicieuse. Cela fait bien des années qu’elle n’a plus revu Aylan Kaviani. En quelle année était-ce, déjà ? Oh, il y a plus de vingt ans. Dans la vie d’un élémentaire, ce n’est pas grand-chose, mais le temps s’écoule aussi vite pour eux que pour un humain à la vie écourtée par le destin. Elle était à l’Université à l’époque, elle avait sottement décidé de lui faire une surprise, parce qu’elle n’était jamais sortie de l’immense propriété des Shidhi. Leurs précédentes rencontres s’étaient toujours déroulées dans ses forêts natales, loin de la ville, loin de la vérité. Ils étaient toujours accompagnés par des plus âgés, Nut adolescente déjà promise à un être qu’elle n’aimait que peu. Le destin le lui avait arraché, mais ce n’était pas le pire, bien sûr. Amsi n’était plus, et ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Elle l’annoncerait, bien sûr, à Aylan mais sa voix ne tremblerait pas. Lorsqu’il serait question d’aborder la mort d’autres membres de la famille Shidhi, elle s’écroulerait peut-être. Bennu était toujours avec elle, partout où ses pieds la menaient, jusqu’à ce qu’elle prenne la décision d’étudier la magie à Ikusa pendant de longues années, parce qu’elle a traîné plus que nécessaire. L’envie de revoir son frère a été transcendée par le désir d’être libre un peu plus longtemps, de se soustraire à un mariage qui ne la faisait pas rêver. Égoïste a-t-elle été ! Toutes ces années perdues à se balader gaiement sur les terres du Reike, loin des siens, loin de cet être aimé tendrement, des années pendant lesquelles ils auraient pu être ensemble, quoique Amsi aurait essayé à tout prix de les séparer avec cruauté. « C’est ton frère, pas ton mari » aurait-il rugi, en recherche d’une attention qu’elle n’aurait pas voulu, pas pu lui donner. Le monde de Nut tournait autour de l’existence frêle de Bennu. Elle ne voyait que lui, n’aimait que lui, même si son palpitant loin de la propriété a parfois battu pour d’autres âmes, fugacement. Elle n’en a dit mot à personne, pour ne pas rompre dans la violence son contrat. Elle connaissait les menaces qui pesaient sur elle, sur son frère. Elle devait honorer sa promesse.
Désormais face à une porte qui n’attendait qu’être ouverte, parce que la main avait frappé avec peu de force quelques coups. L’attente interminable que l’âme lui ouvre, leurs regards qui se croisent et la petite Shidhi incapable de soutenir ces yeux, immédiatement elle regarde ailleurs, impolie jeune femme qui ne sait plus où se mettre alors qu’elle a réfléchi son texte des heures durant. Elle a envie de fuir, mais elle est invitée à entrer, ce qu’elle fait d’un pas hésitant. Il y a des choses à annoncer, des choses qu’elle aurait aimé éviter, mais les mots lui manquent. Saluer son hôte est une épreuve qu’elle doit relever. « C’est à moi de m’excuser. Je suis presque en retard. Pour être tout à fait honnête avec vous, longtemps je n’ai pas trouvé le courage de venir vous voir » puis, acculée par une autre de ses promesses, elle a abdiqué et s’est décidée à se traîner vers la superbe propriété de la famille amie. Pourquoi les Shidhi ont-ils toujours entretenu des rapports cordiaux avec ces élémentaires et pas avec ceux qui se baladaient sur les terres avoisinantes ? Le mystère restait entier, la contradiction qui lève les yeux au ciel, Nut n’est pas pour le conflit. On lui offre un siège, elle le prend volontiers car elle sent ses jambes danser contre sa volonté. Parler ouvertement du conflit, parler ouvertement du massacre, c’est pour cela qu’elle a fait le chemin, mais elle se sent abattue par le poids des responsabilités, de la douleur, des horreurs, parce que chaque image reste plantée dans sa rétine comme la lance dans le corps malheureux de son frère. Ne pas pleurer, rester froide et professionnelle. Aylan ne l’a jamais vue sous un jour plus faible, elle ne veut point commencer ce soir. Pourtant, ses mots indiquent que quelque chose ne va pas. Si ses souvenirs sont exacts, elle est bien différente. « Je veux bien quelque chose à boire si cela ne vous dérange pas. Je vais en avoir besoin pour vous conter mon histoire » et elle se sent presque grossière de demander, alors qu’on lui a proposé une boisson fraîche ou chaude, elle s’en fiche, et ses yeux vairons qui détaillent la pièce à défaut de savoir quoi faire d’autre, parce qu’il est bien impoli de poser son regard avec insistance sur celui qui nous a ouvert la porte, soutenir ces prunelles chaudes est encore trop compliqué. Nut cherche dans ses ressources maigres le courage de se lancer, le courage d’avouer l’horreur de ces dernières semaines. Pourquoi lui ? Lui fait-elle seulement confiance ? Rien n’est moins sûr. Les mains tremblent sur la table en face d’elle, la lèvre est mordue, le souffle est court. « Je… je me dois de vous annoncer, en tant que connaissance, que le clan Shidhi n’est plus » et aussitôt, elle se mure dans un silence profondément solennel, profondément triste. La suite viendra bientôt, mais elle ressent le besoin de d’abord tremper ses lèvres dans un doux liquide revigorant.
Désormais face à une porte qui n’attendait qu’être ouverte, parce que la main avait frappé avec peu de force quelques coups. L’attente interminable que l’âme lui ouvre, leurs regards qui se croisent et la petite Shidhi incapable de soutenir ces yeux, immédiatement elle regarde ailleurs, impolie jeune femme qui ne sait plus où se mettre alors qu’elle a réfléchi son texte des heures durant. Elle a envie de fuir, mais elle est invitée à entrer, ce qu’elle fait d’un pas hésitant. Il y a des choses à annoncer, des choses qu’elle aurait aimé éviter, mais les mots lui manquent. Saluer son hôte est une épreuve qu’elle doit relever. « C’est à moi de m’excuser. Je suis presque en retard. Pour être tout à fait honnête avec vous, longtemps je n’ai pas trouvé le courage de venir vous voir » puis, acculée par une autre de ses promesses, elle a abdiqué et s’est décidée à se traîner vers la superbe propriété de la famille amie. Pourquoi les Shidhi ont-ils toujours entretenu des rapports cordiaux avec ces élémentaires et pas avec ceux qui se baladaient sur les terres avoisinantes ? Le mystère restait entier, la contradiction qui lève les yeux au ciel, Nut n’est pas pour le conflit. On lui offre un siège, elle le prend volontiers car elle sent ses jambes danser contre sa volonté. Parler ouvertement du conflit, parler ouvertement du massacre, c’est pour cela qu’elle a fait le chemin, mais elle se sent abattue par le poids des responsabilités, de la douleur, des horreurs, parce que chaque image reste plantée dans sa rétine comme la lance dans le corps malheureux de son frère. Ne pas pleurer, rester froide et professionnelle. Aylan ne l’a jamais vue sous un jour plus faible, elle ne veut point commencer ce soir. Pourtant, ses mots indiquent que quelque chose ne va pas. Si ses souvenirs sont exacts, elle est bien différente. « Je veux bien quelque chose à boire si cela ne vous dérange pas. Je vais en avoir besoin pour vous conter mon histoire » et elle se sent presque grossière de demander, alors qu’on lui a proposé une boisson fraîche ou chaude, elle s’en fiche, et ses yeux vairons qui détaillent la pièce à défaut de savoir quoi faire d’autre, parce qu’il est bien impoli de poser son regard avec insistance sur celui qui nous a ouvert la porte, soutenir ces prunelles chaudes est encore trop compliqué. Nut cherche dans ses ressources maigres le courage de se lancer, le courage d’avouer l’horreur de ces dernières semaines. Pourquoi lui ? Lui fait-elle seulement confiance ? Rien n’est moins sûr. Les mains tremblent sur la table en face d’elle, la lèvre est mordue, le souffle est court. « Je… je me dois de vous annoncer, en tant que connaissance, que le clan Shidhi n’est plus » et aussitôt, elle se mure dans un silence profondément solennel, profondément triste. La suite viendra bientôt, mais elle ressent le besoin de d’abord tremper ses lèvres dans un doux liquide revigorant.
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Le regard de son invitée ne soutenait pas le sien : elle cherchait à ne pas croiser ses yeux. Cela était typiquement un signe d’une culpabilité, ou d’un poids qui pesait tellement sur sa conscience, que cela se transcrivait dans sa gestuelle et dans son expression corporelle au sens large. Mais cela ne lui empêcha pas de répondre et s’excuser pour son retard apparent. L’argument ? D’avoir trouvé le moment opportun et qui la pousserait à aller à son encontre.
Lorsque les deux âmes s’assirent, le Kaviani prit un peu de temps pour la jauger du regard : sa mine était triste ou mélancolique. Il connaissait cet air : lui-même encore, il lui arrivait parfois de divaguer dans un passé lointain. Un instant de vie où les ténèbres et affres de ce monde ne l’inquiétaient pas autant. Une vie de joie, d’amour, et d’avenir. Mais à présent, il était seul, et même si les élémentaires de feu continuaient à le divertir, le faire rire, et à partager des moments de solidarité familiale, au plus profond de son cœur, il avait longtemps perdu cette flamme qui brûlait pour l’espoir de la vie à deux. Seules des braises restaient encore chaudes, or, elles restaient là pour la tâche qu'il devait accomplir : protéger sa nation.
Invoquant par sa magie une bouteille d’alcool qui se matérialisa sur le bureau, il sortit deux verres de son tiroir. Il avait souvent l’occasion de se désaltérer avec un breuvage, et quand un invité se présentait, il pouvait profiter de la boisson à deux.
“C’est du mizr. Fermenté à base de dattes, avec une touche de coriandre et de gingembre. J’ai aussi demandé quelques notes fruitées à mon cousin élémentaire, mais sans me dire ce que c’était. Je lui fais confiance. C’est un alcool sucré et léger, en plus d’avoir un peu de quoi nous faire tenir cette soirée. Un verre suffira.”
Il prit le temps de servir le délicieux liquide de sorte à ce que le verre soit rempli de moitié, et soit égal à l’autre. Il voulait garder son esprit clair, et quoique s’apprêtait à dire Nut, il ne s’attendait pas à la nouvelle glaçante qui allait le recouvrir ce soir-là.
Elle tremblait… D’excitation ? De froid ? Mais son souffle était plus vif, et à l’annonce funeste des Sidhi, le tatoueur s'arrêta de siroter son plaisir fruité, et posa le récipient en verre avec une grande délicatesse, avant de fixer des yeux sa connaissance noble. Il fit exprès de laisser plusieurs secondes planer, cherchant des paroles qui pourrait être le plus neutre possible : il ne savait pas se montrer réconfortant, là n’était pas ce qu’il fallait déduire. Il semblait, pour lui, que le mieux était de ne pas insister plus sur ce fait, mais de payer tout de même un hommage à des personnes qui ne seront plus du monde de Sekai.
“Puisse les Étoiles les accueillir en Leur sein, et la Lune de les protéger, et les guider dans l’après-vie.”
Il ne connaissait pas le penchant de Nut à la religion majeure des reikois, le Shierak. Mais cela était sa façon de pouvoir présenter ses condoléances à la personne qui avait fait tout ce chemin jusque chez lui. Il prit une autre gorgée du liquide fermenté, avant d'interpeller au nom de l'individu muré dans un silence plombant.
“Sais-tu… Pourquoi… Ou qui ?”
Qu’elle s’exprime ou continue de faire preuve de mutisme, Aylan s’était levé, et commença doucement à allumer un feu dans sa cheminée. Il avait senti le courant d’air froid qui s’était engouffré depuis l’extérieur. Il resta devant le foyer, observant les flammes danser au rythme du craquelement du bois sec.
“Je vois. Donc tu es la dernière... Je peux... Compatir, d'une certaine manière.”
Lorsque les deux âmes s’assirent, le Kaviani prit un peu de temps pour la jauger du regard : sa mine était triste ou mélancolique. Il connaissait cet air : lui-même encore, il lui arrivait parfois de divaguer dans un passé lointain. Un instant de vie où les ténèbres et affres de ce monde ne l’inquiétaient pas autant. Une vie de joie, d’amour, et d’avenir. Mais à présent, il était seul, et même si les élémentaires de feu continuaient à le divertir, le faire rire, et à partager des moments de solidarité familiale, au plus profond de son cœur, il avait longtemps perdu cette flamme qui brûlait pour l’espoir de la vie à deux. Seules des braises restaient encore chaudes, or, elles restaient là pour la tâche qu'il devait accomplir : protéger sa nation.
Invoquant par sa magie une bouteille d’alcool qui se matérialisa sur le bureau, il sortit deux verres de son tiroir. Il avait souvent l’occasion de se désaltérer avec un breuvage, et quand un invité se présentait, il pouvait profiter de la boisson à deux.
“C’est du mizr. Fermenté à base de dattes, avec une touche de coriandre et de gingembre. J’ai aussi demandé quelques notes fruitées à mon cousin élémentaire, mais sans me dire ce que c’était. Je lui fais confiance. C’est un alcool sucré et léger, en plus d’avoir un peu de quoi nous faire tenir cette soirée. Un verre suffira.”
Il prit le temps de servir le délicieux liquide de sorte à ce que le verre soit rempli de moitié, et soit égal à l’autre. Il voulait garder son esprit clair, et quoique s’apprêtait à dire Nut, il ne s’attendait pas à la nouvelle glaçante qui allait le recouvrir ce soir-là.
Elle tremblait… D’excitation ? De froid ? Mais son souffle était plus vif, et à l’annonce funeste des Sidhi, le tatoueur s'arrêta de siroter son plaisir fruité, et posa le récipient en verre avec une grande délicatesse, avant de fixer des yeux sa connaissance noble. Il fit exprès de laisser plusieurs secondes planer, cherchant des paroles qui pourrait être le plus neutre possible : il ne savait pas se montrer réconfortant, là n’était pas ce qu’il fallait déduire. Il semblait, pour lui, que le mieux était de ne pas insister plus sur ce fait, mais de payer tout de même un hommage à des personnes qui ne seront plus du monde de Sekai.
“Puisse les Étoiles les accueillir en Leur sein, et la Lune de les protéger, et les guider dans l’après-vie.”
Il ne connaissait pas le penchant de Nut à la religion majeure des reikois, le Shierak. Mais cela était sa façon de pouvoir présenter ses condoléances à la personne qui avait fait tout ce chemin jusque chez lui. Il prit une autre gorgée du liquide fermenté, avant d'interpeller au nom de l'individu muré dans un silence plombant.
“Sais-tu… Pourquoi… Ou qui ?”
Qu’elle s’exprime ou continue de faire preuve de mutisme, Aylan s’était levé, et commença doucement à allumer un feu dans sa cheminée. Il avait senti le courant d’air froid qui s’était engouffré depuis l’extérieur. Il resta devant le foyer, observant les flammes danser au rythme du craquelement du bois sec.
“Je vois. Donc tu es la dernière... Je peux... Compatir, d'une certaine manière.”
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Nut a pris place dans le fauteuil qu’on lui proposait si aimablement, mais elle n’était pas sûre d’être totalement à son aise. Comment lui en vouloir ? L’élémentaire n’était à sa place nulle part, et elle ne le pensait pas par tragédie, pour laisser les yeux curieux courir sur sa peau avec tristesse et solidarité. C’était un fait qui la faisait vibrer jour après jour. Comment rebondir ? Comment se remettre de cette tragédie ? Comment vivre « l’après » ? Nut a grandi dans la propriété immense des Shidhi. Elle ressemblait davantage à un village qu’à une demeure, pour être franc. Nut n’a connu qu’eux, la main tendue qui s’est transformée en griffes mortelles, celles qui ont fini par l’emprisonner dans une cage dorée dont elle n’a même pas cherché à s’échapper. Quoique. Des centaines d’années à leurs côtés, à sourire, à aider, à se former, à devenir meilleur dans tous les domaines possibles. Une jolie jeune fille, aimable, affable, le cœur sur la main, une vie entière dédiée à quelques âmes qui ne le lui rendaient pas bien. Des études avec une idée obsédante en tête, malgré des divagations coupables. Elle a failli s’échapper, se réfugier pour de bon à Ikusa et oublier sa vie d’avant mais n’a pas réussi à se résoudre à abandonner les souvenirs, à abandonner son petit-frère si doux, si précieux, Bennu d’amour, Bennu chéri. Une vie donnée, offerte, un corps qui se laisse aller et des pensées qui tournent et qui tournent. Faire le bien, relever les victimes d’une chute.
Nut ne sait pas où aller, que faire de ses dix doigts. Les derniers mois ont été difficiles et encore aujourd’hui, l’incertitude plane au-dessus de son crâne aux cheveux brillants et d’une couleur presque unique. Elle ne s’en vante pas. Elle est un joyau, elle est un bijou, c’est la fiancée de, il ne faudrait pas la briser, mais aujourd’hui elle n’est plus rien. Elle souffle sur les braises encore chaudes, tente d’éteindre l’incendie, mais l’eau ne suffit pas. Les bras ne suffisent pas. Le courage s’est envolé, il a déployé ses ailes et elle ferme les yeux. Nut chipote avec ses mains, assise face à cet homme qu’elle vouvoie dans le plus grand respect. Ils ne se connaissent pas bien, ils ne se connaitront peut-être jamais et elle regrette d’avoir écrit ces quelques mots, de s’être présentée à la porte et d’avoir activé son poignet pour qu’il frappe ces coups puissants. Elle a été accueillie par Aylan, ils sont face à face, mais le regard est fuyant, elle n’ose soutenir les perles de l’élémentaire. Un verre lui est proposé dans la plus grande des politesses, et elle ne dit pas non. Nut n’a pas la force de refuser, réclamer autre chose, une boisson chaude malgré les températures, quelque chose qui brûlera sa gorge et fera mal, comme pour lui rappeler que le moment est bien réel et qu’elle doit l’attraper. Lentement, elle hoche la tête. « Je bois rarement de l’alcool. C’était interdit. Je vous avoue qu’une fois dehors, pendant mes études, je n’ai plus vraiment écouté ces préceptes. Ils sont tenaces cependant. Je n’arrive pas encore à m’en débarrasser. Je goûterai votre bouteille avec grand plaisir, j’espère ne pas effectuer quelques pas de danse au milieu de vos dessins… » touche d’humour s’il en est de la part de cette jeune femme qui n’a pas le cœur à cela. Elle attend l’autorisation avant de tremper ses lèvres dans le breuvage surprise qui, à son étonnement, ne la dégoûte pas tant que cela. Elle se sent presque coupable, et pourtant, il n’y a plus personne pour surveiller ses faits et gestes. Le chef ne surgira pas de derrière un tableau pour lui arracher le verre des mains et la condamner à un travail physique et humiliant pendant plusieurs minutes, plusieurs heures. C’est surprenant, elle a peur de toucher à cette boisson qui réchauffe autant qu’un thé, mais les lèvres ne quittent plus le récipient. Elle fait toutefois attention à ne pas paraître grossière, à ne pas paraître vulgaire et abattue. Ses émotions restent coincées dans sa gorge, elle ferme lentement les yeux, réfléchit un instant. L’aveu la rapproche de Aylan. Il formule quelques mots qui ne la consolent pas. S’il y a bien quelque chose que les Shidhi détestaient, c’étaient les fausses religions. Nut ne pense point ainsi, mais des paroles lui reviennent en tête et la font presque grimacer. Elle sourit pourtant, remercie l’autre élémentaire de sa gentillesse, de sa générosité. Elle pose le verre, car la main se met à trembler lorsque les questions lui sont posées. Que dire ? Trop ? Pas assez ? Paumes sur les cuisses, elle sent un filet de transpiration mouiller sa robe mais elle n’ose les bouger. Elle parlera sans gestes.
« Je ne vous en ai jamais parlé car je pensais pouvoir régler la situation seule. Sotte ai-je été en songeant à sauver tout le monde, des personnes qui ne voulaient pas être aidées ! Je me suis crue forte, je ne l’étais pas. Bennu… Depuis plusieurs années, les Shidhi commettaient des exactions dans la région, des agressions, parfois violentes, proféraient des menaces. Les autres clans ont appris à nous détester. La crainte s’est transformée en haine. Quand je me suis absentée pour une mission à Ikusa – la première depuis mon retour après mes études –, nos voisins sont passés à l’attaque. Je ne peux pas tout à fait leur en vouloir. Je n’ai rien pu faire, lorsque je suis revenue, les cadavres, enfin, les défunts gisaient depuis plusieurs jours. Il n’y a pas eu de survivant. La violence de mon clan s’est retournée contre lui, et si j’avais été là… oh, si j’avais été là ! On le sait tous les deux, je n’aurais rien pu faire de plus, et j’aurais péri avec eux, avec mon petit-frère tant aimé, avec tous. »
Elle n’a rien à ajouter, alors elle se plonge dans un silence gêné. Aborder le sujet n’est pas aisé, et elle l’évite généralement avec souplesse. A-t-elle de la famille ? Un sourire. Un fiancé ? Difficile à dire. Les âmes sont curieuses et elle attire l’attention. Il ne faut pas. Pourquoi est-elle ici ? Que va lui répondre Aylan ? Ils ne se connaissent pas. Les questions fusent dans son esprit et ne la laissent plus en paix. Tout est remis en question. Sans cesse.
Nut ne sait pas où aller, que faire de ses dix doigts. Les derniers mois ont été difficiles et encore aujourd’hui, l’incertitude plane au-dessus de son crâne aux cheveux brillants et d’une couleur presque unique. Elle ne s’en vante pas. Elle est un joyau, elle est un bijou, c’est la fiancée de, il ne faudrait pas la briser, mais aujourd’hui elle n’est plus rien. Elle souffle sur les braises encore chaudes, tente d’éteindre l’incendie, mais l’eau ne suffit pas. Les bras ne suffisent pas. Le courage s’est envolé, il a déployé ses ailes et elle ferme les yeux. Nut chipote avec ses mains, assise face à cet homme qu’elle vouvoie dans le plus grand respect. Ils ne se connaissent pas bien, ils ne se connaitront peut-être jamais et elle regrette d’avoir écrit ces quelques mots, de s’être présentée à la porte et d’avoir activé son poignet pour qu’il frappe ces coups puissants. Elle a été accueillie par Aylan, ils sont face à face, mais le regard est fuyant, elle n’ose soutenir les perles de l’élémentaire. Un verre lui est proposé dans la plus grande des politesses, et elle ne dit pas non. Nut n’a pas la force de refuser, réclamer autre chose, une boisson chaude malgré les températures, quelque chose qui brûlera sa gorge et fera mal, comme pour lui rappeler que le moment est bien réel et qu’elle doit l’attraper. Lentement, elle hoche la tête. « Je bois rarement de l’alcool. C’était interdit. Je vous avoue qu’une fois dehors, pendant mes études, je n’ai plus vraiment écouté ces préceptes. Ils sont tenaces cependant. Je n’arrive pas encore à m’en débarrasser. Je goûterai votre bouteille avec grand plaisir, j’espère ne pas effectuer quelques pas de danse au milieu de vos dessins… » touche d’humour s’il en est de la part de cette jeune femme qui n’a pas le cœur à cela. Elle attend l’autorisation avant de tremper ses lèvres dans le breuvage surprise qui, à son étonnement, ne la dégoûte pas tant que cela. Elle se sent presque coupable, et pourtant, il n’y a plus personne pour surveiller ses faits et gestes. Le chef ne surgira pas de derrière un tableau pour lui arracher le verre des mains et la condamner à un travail physique et humiliant pendant plusieurs minutes, plusieurs heures. C’est surprenant, elle a peur de toucher à cette boisson qui réchauffe autant qu’un thé, mais les lèvres ne quittent plus le récipient. Elle fait toutefois attention à ne pas paraître grossière, à ne pas paraître vulgaire et abattue. Ses émotions restent coincées dans sa gorge, elle ferme lentement les yeux, réfléchit un instant. L’aveu la rapproche de Aylan. Il formule quelques mots qui ne la consolent pas. S’il y a bien quelque chose que les Shidhi détestaient, c’étaient les fausses religions. Nut ne pense point ainsi, mais des paroles lui reviennent en tête et la font presque grimacer. Elle sourit pourtant, remercie l’autre élémentaire de sa gentillesse, de sa générosité. Elle pose le verre, car la main se met à trembler lorsque les questions lui sont posées. Que dire ? Trop ? Pas assez ? Paumes sur les cuisses, elle sent un filet de transpiration mouiller sa robe mais elle n’ose les bouger. Elle parlera sans gestes.
« Je ne vous en ai jamais parlé car je pensais pouvoir régler la situation seule. Sotte ai-je été en songeant à sauver tout le monde, des personnes qui ne voulaient pas être aidées ! Je me suis crue forte, je ne l’étais pas. Bennu… Depuis plusieurs années, les Shidhi commettaient des exactions dans la région, des agressions, parfois violentes, proféraient des menaces. Les autres clans ont appris à nous détester. La crainte s’est transformée en haine. Quand je me suis absentée pour une mission à Ikusa – la première depuis mon retour après mes études –, nos voisins sont passés à l’attaque. Je ne peux pas tout à fait leur en vouloir. Je n’ai rien pu faire, lorsque je suis revenue, les cadavres, enfin, les défunts gisaient depuis plusieurs jours. Il n’y a pas eu de survivant. La violence de mon clan s’est retournée contre lui, et si j’avais été là… oh, si j’avais été là ! On le sait tous les deux, je n’aurais rien pu faire de plus, et j’aurais péri avec eux, avec mon petit-frère tant aimé, avec tous. »
Elle n’a rien à ajouter, alors elle se plonge dans un silence gêné. Aborder le sujet n’est pas aisé, et elle l’évite généralement avec souplesse. A-t-elle de la famille ? Un sourire. Un fiancé ? Difficile à dire. Les âmes sont curieuses et elle attire l’attention. Il ne faut pas. Pourquoi est-elle ici ? Que va lui répondre Aylan ? Ils ne se connaissent pas. Les questions fusent dans son esprit et ne la laissent plus en paix. Tout est remis en question. Sans cesse.
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