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    Le Coeur de Melorn
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  • Mar 23 Aoû - 22:23
    « Madame ! Vous êtes bien certaine de vouloir partir avec Némésis ? » s’écriait une petite voix dans son dos. Ashera, lentement, pivotait sur sa selle pour se retourner vers le jeune homme qui avait couru jusqu’à elle. Elle lui offrait un doux sourire en guise de première réponse, attendrie par l’inquiétude que lui portait son jeune protégé. « J’en suis certaine, Amlach. Ne t’en fais pas, je serai rentrée avant la nuit. Soigne bien nos bêtes en mon absence. » Et sa voix, au ton calme, achevait de rassurer l’enfant qu’elle laissait derrière elle, unique maître des lieux en son absence. Si elle employait bien quelques palefreniers, nul ne vivait sous le même toit qu’elle. Mais Amlach était un cas à part, un orphelin qui avait su l’attendrir et gagner son affection. Un gosse, mendiant à maintes reprises sur sa route, qu’elle avait fini par prendre sous son aile. Un brin d’homme, auquel elle confiait volontiers ses terres et ses nombreux équidés, gardés secrètement par les molosses auxquels elle laissait quelques consignes. Cela, c’était son secret, elle ne souhaitait pas ébranler la confiance de sa pupille.

    Si Amlach s’était inquiété de la voir chevaucher Némésis pour conduire un de ses produits à son nouveau propriétaire, c’était à juste titre. L’elfe avait beau habiter à moins de deux heures de chevauchée d’Ikusa, sa route ne serait pas des plus calmes. Némésis était un de ces chevaux qu’elle ne pourrait espérer vendre, pour le bien de sa réputation. Digne descendant d’Elyseum, bien qu’il portait une robe ténébreuse, l’impétuosité de cet étalon n’était pas à contester. En cours de dressage, il lui proposait régulièrement de belles remises en question de ses technique, si bien qu’elle se voyait souvent contrainte de communiquer avec lui afin de tenter des négociations. Une entreprise qui lui coûtait en énergie, sans pour autant porter ses fruits. Mais le grand et imposant, pour ne pas dire terrifiant, Némésis, était encore jeune et elle espérait le voir s’assagir avec l’expérience.

    Son client du jour était, comme souvent, un soldat de l’armée reikoise en quête d’une nouvelle monture pour guerroyer. Ashera peinait encore à se remettre de la récente guerre. La demande était supérieure à sa production, si bien qu’elle commençait à envisager de trouver de nouvelles poulinières avant la saison de reproduction afin d’accroître ses naissances. Pour l’heure, elle conduisait un joli hongre à la robe grise couverte de pommelures jusqu’à son nouveau propriétaire. Ce dernier ne faisait pas une mauvaise affaire. Il s’agissait, sans doute, d’un de ses derniers chevaux au profil parfaitement adapté à la guerre. De taille raisonnable, agile et porteur, il était physiquement taillé pour le travail qu’on attendait de lui. Et c’était sans compter son caractère parfaitement adapté, et façonné par l’elfe. Doté de fougue, mais canalisé par la castration, il ferait un partenaire réactif et volontaire. Ashera espérait de tout cœur le voir se pavaner longtemps avec son cavalier, si les titans ne la privaient pas à nouveau de ce plaisir.

    « Et nous y voilà ! Prenez bien soin de lui, il saura vous sauver la vie en temps voulu. » Une dernière tape amicale sur l’encolure, et elle souhaitait bonne route aux nouveaux compagnons d’aventure. Elle savait que bien des soldats n’en avaient que faire de la sensibilité de leur monture, ainsi se permettait-elle le luxe de choisir ses clients. Cela lui permettait aussi de mettre en valeur son travail, lorsque l’on ne se contentait pas de tirer bêtement sur une rêne ou sur l’autre, et ce n’était pas un fait négligeable. À présent, midi sonnerait bientôt et l’elfe avait encore toute une demie-journée devant elle. Du moins, devant eux. « C’est pas bientôt fini, ton cinéma ? » demandait-elle à l’étalon, qui venait de piler devant une tenture trop extravagante à son goût. « Cesse donc de m’importuner, je n’ai pas besoin de toi. » répondait l’ébène, de toute sa hauteur. « Bien, mais prends garde, cette masse noire qui nous suit est ton ombre. » se moquait-elle alors, avant de rompre le contact. Ashera savait qu’elle venait certainement de le vexer, et mieux valait le laisser grommeler dans son coin. Au moins, Némésis ne l’importunerait plus par ses peurs imaginaires, trop occupé par sa susceptibilité.

    L’elfe bénéficia d’un long moment de tranquillité, au cours duquel elle put faire quelques affaires. Elle fit l’acquisition de pièces de cuir qui lui permettraient de confectionner de nouveaux harnachements, bien qu’il ne s’agissait pas d’un achat des plus urgent. Ce qu’elle ne parvenait à trouver, en revanche, c’était un marchand capable de lui vendre un poney pour Amlach. Il n’était pas encore de taille à canaliser un cheval, et la vieille poulinière qu’elle lui avait donné méritait un peu de repos. Un poney serait une bonne alternative, mais ces petites bêtes malicieuses n’étaient finalement pas si faciles à trouver. Distraite par ses pensées, elle en avait oublié l’étalon qui marchait à ses côtés. Némésis, sorti de ses enfantillages, portait à nouveau toute son attention aux bruits et aux choses qui les entouraient. Et la catastrophe, ne tarda pas à arriver. Effrayé par un chaudron que deux hommes trimbalaient, l’équidé se dressa de toute sa hauteur, avant de s’étaler à même le sol. L’imbécile, il a glissé, pensa tout d’abord Ashera, avant qu’il ne se relève et fasse demi-tour, lui arrachant le bras.

    À son tour, l’elfe valdingua. Un joli vol, qui l’aurait certainement couverte de honte si elle n’en avait pas lâché son pseudo protégé que d’autres auraient déjà transformé en ragoût. Elle entendit les sabots claquer, les passants s’écrier. Et puis vint le silence. Ce calme qui sonnait sa condamnation. Elle soupirait, tout en secouant ses vêtements de soie qui, par miracle, semblaient intactes. Perdue, elle tournait la tête à gauche, à droite, en quête de l’immense silhouette noire qui venait de lui échapper. À première vue, elle venait de gagner un beau moment de prise de tête. Si elle ne mourait pas d’inquiétude, ayant pour habitude de marquer la bride portée par ses chevaux du sceau de son élevage, elle aurait bien donné deux pièces à quiconque le lui rapporterait sur le champ. Encore fallait-il déjà qu’elle daigne faire preuve d’un peu plus de vigilance, elle manquait une fois de plus de se vautrer lamentablement. « Excusez-moi ! Je ne regardais pas où j’allais... » marmonnait-elle, tout en regardant au sol si elle n’avait pas malencontreusement renversé des biens de son interlocuteur.
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  • Mar 23 Aoû - 23:37
    Ikusa, Izaku, Irakis, bref, la capitale du Reike, majestueuse et grotesque à la fois, comme toutes les grandes cités de ce monde. Un lieu où s’égaie une populace grouillante et bruyante, où se mêlent des êtres d’horizons différents dans un joyeux bordel. Je n’aime pas les villes, et encore moins les cités comme Ikusa. Mais la route vers Melorn passe par là, par ce croisement qui attire les hommes comme les mouches sur la merde.

    Je me fraie un chemin à travers la foule en essayant de m’imaginer en train de parcourir les étendues vierges et sauvages de mon enfance. Mais c’est assez difficile lorsque l’odeur d’excréments jetés par une fenêtre vous prend brusquement à la gorge. J’accélère le pas, rabattant le revers de ma cape en fourrure devant ma bouche et mon nez. Je crois que c’est cela le pire dans ces villes, leur odeur.

    J’atteins enfin une rue plus large et dégagée, une rue commerçante à voir les devantures des boutiques et les crieurs qui se pressent pour vanter les mérites de tel ou tel commerce. Je m’attarde devant l’étal d’un artisan, soupesant une boucle de ceinture à l’air solide et robuste. Le marchand m’aborde directement pour me vanter les mérites de sa marchandise, production locale et artisanale. Je grimace en entendant le prix et il s’empresse de le faire baiser en essayant de m’amadouer avec des paroles mielleuses. Mais je déteste çà, négocier pour quelque chose, étant originaire d’une culture ou l’argent n’existe pas, ou chacun œuvre pour le bien de la communauté. Alors je repose la boucle malgré ses dernières tentatives ridicules de me vendre sa camelote.

    Mon regard se pose sur un étalon magnifique à la robe noire comme la nuit. Un cheval puissant au caractère bien trempé, une monture vraiment exceptionnelle tenue par la bride par… une elfe qui semble si frêle et fragile à côté de l’animal, aussi blanche qu’il est noir. Un bien curieux équipage et je ne peux m’empêcher de sourire en les croisant.

    Je ne me rends compte que trop tard que l’étalon à rué, voyant la pauvre elfe valdinguer pour s’étaler de tout son long à mes pieds. Le cheval s’enfuit dans une ruelle et je me penche pour aider l’elfe à se relever, l’attrapant par le bras d’une poigne ferme.

    Elle est plutôt grande, mais je la domine aisément d’une bonne tête.


    « Excusez-moi ! Je ne regardais pas où j’allais... »

    - Y’a pas de mal.

    Mon regard charbonneux croise ses yeux clairs.

    - Ton étalon…

    Je me concentre sur mon ouïe pour percevoir le bruit caractéristique de ses sabots qui piétinent le sol à quelques rues de là.

    - …il n’est pas bien loin. Si tu as besoin d’aide…

    Ceux de ma race ont toujours eu une affinité spéciale avec les animaux, mais j’ai développé en plus la capacité de communiquer avec eux en les côtoyant dans les forêts et les steppes de mon enfance. Nul doute donc que je pourrai lui donner un coup de main pour essayer de le maîtriser.
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  • Mer 24 Aoû - 14:22
    Deux vols planés, une communication inutile et un mastodonte en fuite dans les rues de la capitale, Ashera pouvait affirmer sans difficulté que cette journée était vouée à l’épuiser. Fort heureusement, il n’était pas des plus simple de la décourager. Un brin entêtée, à l’instar du fugitif, elle n’avait pas dit son dernier mot, si toutefois elle daignait regarder devant elle par la suite. Elle bafouillait, marmonnait des excuses, réellement confuse de la situation. Au fond d’elle, l’elfe craignait toujours de se retrouver confrontée à un rustre typique. Les reikois pouvaient être parfois bien fermés, en particulier envers une femme, de surcroît étrangère de naissance. Dans son malheur, la pauvre désorientée pouvait reprendre ses esprits en toute tranquillité : elle n’avait pas affaire à ce genre de profil hostile. On la relevait, en toute bonté, sans grondement dans sa voix.

    Tout en cherchant machinalement à dompter quelques unes de ses mèches laiteuses rebelles, Ash’ levait les yeux en direction de son interlocutrice, pour le moins impressionnante. Cette dernière surpassait facilement l’elfe d’une tête, et c’était sans compter leurs allures bien différentes. L’éleveuse transportait moult reflets dorés, tandis que l’inconnue semblait porter le chaos. Une chevelure flamboyante, un regard charbonneux, une carrure des plus guerrières. Et pourtant, elle lui offrait volontiers son aide, tranchant court tout préjugé à son égard. Ashera, bien que brièvement gênée, lui adressa bien vite un sourire chaleureux.

    « C’est très gentil de votre part, je reconnais qu’un coup de main ne sera pas de trop. » répondait-elle alors.

    Ashera ignorait dans quel état elle retrouverait Némésis, ni même si ce turbulent numéro ne lui apporterait pas divers ennuis. Le noiraud l’avait envoyée valdinguer avec une facilité déconcertante. Il n’y avait aucun doute possible, ses peines étaient bien loin de toucher à leur bout. Sans doute aurait-il été sage d’écouter les craintes d’Amlach, mais son goût de l’aventure la portait toujours à expérimenter, quand bien même il lui fallait essuyer ses échecs. Pour l’heure, à défaut d’affronter les conséquences de sa décision stupide, la moindre des choses était de se présenter à son accompagnatrice.

    « Mon nom est Ashera. » commençait-elle, une main tendue vers l’oni. « J’élève et je dresse des chevaux, du moins lorsqu’ils y consentent. » Un léger rire lui échappait, noir de dérision. Lorsqu’ils y consentaient, évidemment. Ce n’était pas ce jour qu’elle gagnerait une nouvelle cliente, à la démonstration qu’elle venait de lui présenter. « Le rebelle noir se nomme Némésis. Il sera mon futur étalon reproducteur, lorsqu’il aura acquis un minimum de sagesse. Il est jeune et ne gère pas très bien sa fougue, comme vous avez pu le voir. »

    Et l’elfe, tranquillement, se mettait en route aux côtés de la rousse. Elle ignorait par où commencer leur recherche, la capitale était suffisamment étendue pour les occuper un long moment. Et dans tout le brouhaha produit par la masse humaine présente, Ash ignorait comment retrouver la piste de son étalon. S’il ne lui restait qu’à compter sur l’amabilité des passants, elle préférait ne pas trop espérer.
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  • Mer 24 Aoû - 22:53
    Je prends le temps d’observer l’elfe. Elle doit être riche si j’en juge sa tenue soignée, ses longs cheveux blancs coiffés avec application et le parfum subtil d’une fragrance entêtante. Je me perds un instant dans son regard d’or alors qu’elle me gratifie d’un de ces charmants sourires propres à ceux de sa race.

    Je prends sa main dans la sienne, une main fine et douce, bien différente de la main calleuse de la chasseresse et combattante que je suis.


    - Thylie, voyageuse.

    Une dresseuse de chevaux donc, ce qui explique qu’elle ait pu maîtriser jusque là une telle bête. Je souris lorsqu’elle évoque la jeunesse et la fougue de son étalon. Mais c’est sans nulle doute un bon choix pour en faire un reproducteur.

    - Ne t'inquiètes pas, nous allons le retrouver.

    Je me mets en route, m’engageant dans une ruelle sans une once d’hésitation.

    - J’ai l’impression qu’il est un peu comme moi. Il a peur, peur de la masse grouillante et bruyante de cette cité et j’imagine qu’il ne supporte pas cette odeur de pisse et de sueur mêlées.

    Je fronce le nez avant de sourire.

    - Il préfèrerait surement galoper dans les étendues sauvages pour se sentir libre et vivant.

    Je m’arrête, levant le visage vers le ciel pour humer l’air.

    - A droite. Il n’est pas loin, je le sens.

    Ce n’est pas vraiment difficile pour moi de suivre sa trace. Mes sens sont surdéveloppés faisant de moi une chasseresse et une pisteuse exceptionnelle et son odeur est si caractéristique que je n’ai aucun mal à la percevoir.

    Je me tourne soudain vers elle, le visage soucieux.


    - Dépêchons-nous. Il s’est arrêté, mais il est terrorisé. Je l’entends hennir.

    J’allonge alors ma foulée, débouchant soudain sur une place. L’animal est acculé par la foule au milieu d’un étal de fruits saccagé. Des hommes vocifèrent mais nul ne semble vouloir s’approcher, l’animal ruant dès que quelqu’un fait mine d’avancer.

    Je me tourne vers l’elfe.


    - Suis-moi. Prêt.

    Je jure en silence, me frayant un chemin à travers la masse des curieux et des passants. Quelques personnes se plaignent, mais ma carrure et mon regard sombre suffisent pour les faire taire. Je sens la dresseuse dans mon dos, et nous débouchons enfin dans le cercle vide qui s’est formé autour de l’animal terrorisé. L’étalon a le regard exorbité, il halète, l’écume à la bouche et l’animosité de la foule n’arrange rien à son état.

    J’approche lentement, paumes ouvertes légèrement levées devant moi. Ceux de ma race ont toujours eu un lien spécial avec les animaux et je ne fais pas exception. Je parle d’une voix étrange sèche et crépitante comme celle d’un brasier pour attirer son attention. Un dialecte presqu’oublié que je suis maintenant la seule à connaître, moi Thylie, la dernière ce mon clan.

    Je continue à avancer, pas à pas, mais le noir est systématiquement attiré par un mouvement brusque ou un éclat de voix trop fort. Je me tourne à demi vers l’elfe en grimaçant.


    - Cà ne va pas être simple, il est terrorisé et cette foule d'excités ne va pas nous faciliter la tâche.
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  • Mar 30 Aoû - 11:32
    Ashera, attentive, prêtait l’oreille aux paroles de l’oni. Elle savait choisir ses mots, assurément. Mais la rouquine n’avait nulle crainte à avoir, l’elfe ne jugerait quiconque s’aventurant à aller et venir dans ce monde, bien au contraire. Elle aurait pu s’annoncer vagabonde, qu’elle n’aurait pas sourcillé. Ce qui lui tira un sourire, en revanche, fut sa comparaison avec l’étalon. Elle hocha la tête doucement, acquiesçant les suppositions émises. « Tu vois juste. » affirmait-elle, optant pour le tutoiement, à présent qu’elles risquaient d’effectuer un bout de chemin ensemble.

    Se faufilant dans les pas de Thylie, la fille du soleil tâchait de se repérer tant bien que mal. Elle avait une vague idée de la direction vers laquelle elles se dirigeaient, mais elle n’était pas à l’abri de l’erreur. Ce qui était certain, au moins, était que l’oni faisait une parfaite guide. Avec une aisance déconcertante, elle dégageait ceux qui encombraient leur chemin. À ses côtes, Ashera voyait son inquiétude diminuer. Il n’y avait nul doute qu’elles parviendraient à récupérer son étalon, bien que dans un état fort instable. L’elfe se souciait de sa sécurité comme s’il s’agissait de son enfant, et il en allait de même pour chacun de ses produits. Elle s’investissait corps et âme dans son élevage et c’était cela, sans doute, qui faisait son succès. Ainsi, malgré le calme de sa respiration, son cœur battait à un rythme effréné et son regard balayait incessamment les environs.

    Et, lorsqu’elle pouvait enfin l’apercevoir, ses orbes se rivèrent sur la robe ténébreuse de son cheval. Dès lors, elle pénétra dans une bulle qui ne les englobait que tous les trois. À l’exception de Thylie, elle n’entendait plus rien, ne regardait plus rien. Elle n’avait d’yeux que pour Némésis, au poil luisant. L’écume à son avant-main était parfaitement distinguable. Il stressait, énormément, mais il ne relevait guère d’un exploit de le constater. Tout, dans l’attitude de l’ébène, indiquait que son instinct primaire de fuite le dévorait. Et dans la peur, nul équidé n’était contrôlable. Il leur fallait intervenir sans tarder, la situation ne pouvait que dégénérer davantage. En l’instant présent, elle n’ignorait pas le danger qu’il pouvait représenter, tant pour lui-même que pour autrui. Ashera ne pouvait s’octroyer le luxe d’attendre, il lui fallait mettre un terme à tout ce cirque.

    « Nous devons nous approcher encore. » lançait-elle à la rouquine, tout en se mêlant à la foule, au sein de laquelle elle tentait de se frayer un passage.

    Elle n’avait que faire des remarques, elle envoyait valser les soupirs et les regards désobligeants. L’elfe bousculait sans scrupule quiconque se dressait sur ce court chemin qui la séparait encore de l’étalon. Ashera, de par ses gênes, évaluait facilement les distances. Elles devraient pénétrer dans un cercle qu’elle visualisait parfaitement. Et, dans un dernier effort, elle dégageait à coup d’épaule les derniers mollassons qui osaient lui barrer encore la route. Mais elle ne pouvait se passer d’une chose : l’assistance de l’oni, dont les premiers réflexes semblaient porter leurs fruits. Bien que la foule continuait de déconcentrer l’ébène, l’étrange dialecte de Thylie attirait autant sa curiosité que celle de l’elfe, dont la sonorité lui évoquait quelques vagues souvenirs de ses études. Sans quitter l’étalon du regard, elle lui dévoila la marche à suivre.

    « Il m’est possible de lui communiquer nos intentions. Mais il est tout aussi probable qu’il ne m’écoute pas, en particulier dans une situation pareille. Je vais pouvoir le tranquilliser, mais il faudra l’attraper rapidement, je n’aurai pas la force de tenir plus de quelques instants. »

    Quelques secondes, une minute, Ashera ignorait réellement quel laps de temps elle serait capable de transférer ses émotions à son partenaire équin. Ce genre d’exercice la fatiguait vite, et elle ne pourrait pas se permettre de recommencer en cas d’échec.

    « Continue d’attirer son attention en notre direction. Lorsque je prendrai le relais, tu pourras l’approcher pendant que je l’occupe. » déclarait-elle alors, sans attendre. Dans un premier temps, l’elfe s’accroupit, sachant les effets qu’elle risquait de ressentir par la suite. D’un calme olympien, elle se concentrait sur sa respiration, en attendant de croiser le regard de l’étalon, que son génome avait doté de deux teintes différentes. Une marque blanche descendait de son oreille jusqu’à sa lèvre supérieure, laissant découvrir un œil bleuté bien plus simple à pénétrer. C’était par ce dernier, qu’elle comptait contourner sa carapace.
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    Anonymous
  • Mar 30 Aoû - 23:25
    « Il m’est possible de lui communiquer nos intentions… »

    Je lance un regard étrange à l’attention de la jolie elfe, mais je me reconcentre bien vite sur notre souci principal, l’étalon noir terrorisé par la foule et le bruit lâchant tout de même.

    - Dis-lui que je suis une amie et que je ne lui veux aucun mal.

    Elle acquiesce avant d’ajouter.

    « Continue d’attirer son attention dans notre direction… »

    Je secoue la tête de haut en bas pour signifier que j’ai bien compris et je continue à avancer doucement vers le cheval, paumes en avant et bien visibles. Les accents crépitants de ma voix parviennent à capter son attention. Je jette un coup d’œil rapide vers la dresseuse qui s’est accroupie. Elle respire profondément, comme si elle cherchait une paix intérieure difficile à atteindre au milieu de ce chaos.

    Soudain j’ai l’impression que le grand noir se calme, alors que son regard se fixe sur l’elfe accroupie comme si un lien invisible venait de s’établir entre eux. Elle l’apaise, mais les distractions alentours ne cessent pas, à cause de ses imbéciles de curieux qui se pressent autour de nous comme s’il s’agissait d’un spectacle. Il me semble même apercevoir le scintillement d’armes d’hast sur la droite, ce qui signifie que la garde approche, surement attirée par le bruit et l’attroupement. Il va nous falloir faire vite si nous ne voulons pas avoir d’ennuis car les Reikois ne sont pas réputés pour faire dans la dentelle en matière d’ordre.

    Je continue à approcher avec une souplesse que mon gabarit ne laisse pas deviner. Plus que quelques pas, surtout ne pas le brusquer. Je sens que le noir commence à s’agiter, secouant la tête de droite à gauche nerveusement comme s’il souhaitait rompre le contact avec sa dresseuse. Un message silencieux à son intention, tiens bon, j’y suis presque…

    Soudain ma main jaillit et je m’empare des rênes à proximité de l’anneau de sa bouche. L’animal tente de ruer, surpris, mais je maintiens fermement sa tête vers le bas, l’empêchant de pouvoir se redresser. Il envoie malgré tout une ruade rageuse vers l’arrière qui envoie valdinguer au loin un étal de fruits et des légumes qui se répandent sur le sol. Je me place alors devant lui, tenant fermement les rênes et continuant à m’adresser à lui dans ce dialecte étrange qui semble recevoir un écho favorable de sa part. Ma main libre flatte son front quand je le peux pour tenter de le calmer, lui faire comprendre que je ne lui veux pas de mal.

    Je suis forte, très forte, plus que dix hommes réunis et je sais que je pourrais le maîtriser par la force si je le voulais. Mais je ne veux pas le blesser, alors j’essaie de lui faire comprendre que rien ne sert de lutter contre moi de toute manière et que je suis une amie, tout comme sa dresseuse.
    Tout dans mes gestes et dans mon attitude n’envoie qu’un seul et unique message à son attention, « calme-toi, tout va bien ».

    La garde de la ville commence à disperser la foule, n’hésitant pas à donner des coups de hampe dans les reins des plus récalcitrants. Je grimace, il faut vraiment que nous parvenions à l’apaiser très vite. Je lâche d’une voix empreinte d’empressement.


    - Ashera ?

    Je ne sais pas ce qu’elle fait, mon attention totalement focalisée sur le grand noir. Il ne manque pas grand-chose pour parvenir à le calmer complètement, juste qu’elle le touche pour qu’il reconnaisse une main familière et douce.
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