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  • Ven 18 Aoû - 10:28
    Ermangild avait toujours détesté les grandes villes. Le dédale des ruelles sinueuses posait souvent de véritables coupe-gorges, et la promiscuité des murs était telle qu’on avait l’impression de s’imposer entre deux amants cherchant fougueusement à s’embrasser. Piège propice à la vengeance de ces mêmes-murs, l’exiguïté de ces passages offrait également une fenêtre de tir non-négligeable à qui voulait vider son pot de chambre sur un adversaire sans défense. Ça puait, ça criait, ça se traînait cahin-caha sur le pavé pour une pièce, ça bousculait tout son saoul… Non, du plus loin qu’il s’en souvienne, Ermangild avait toujours largement préféré l’agrément des campagnes et de son château aux cités et leur abondante populace.

    Pourtant, parfois, on avait guère le choix. Engagé par une caravane de marchands venus des berges du lac Rebirth, le chevalier errant avait dû se résoudre à les suivre jusqu’à Courage, le grand port de la République. Pour la promesse d’une belle bourse, les inconvénients citadins avaient eu l’air tout de suite plus tolérables. Les négociants, richement vêtus, avaient prétendu être de simples pêcheurs. Dur à avaler, même pour le plus écervelé des caves, et surtout avec ces immenses chariots bâchés qu’ils se trimbalaient comme un théâtre ambulant déplaçant tout son barda. C’était durant la traversée que tout se révéla plus clair à notre soiffard : en soulevant subrepticement la bâche un soir que tout le monde roupillait, il avait pu se rendre compte à sa plus grande surprise que le chariot sous la bâche était en verre, mais plus encore, rempli d’eau. Il aurait pu croire avoir abusé de la bouteille, s’il n’avait pas manqué de biture depuis deux jours. De grands poissons multicolores y louvoyaient paresseusement à la lumière de sa torche.

    Tout en rabattant la bâche, Ermangild en conclut que les citoyens de la République étaient des fêlés, et se le tint pour dit.

    Une fois en ville, par contre, plus le temps de juger les locaux. Après avoir quitté la caravane (et cette vieille dame qui n’avait pas arrêté de le fusiller du regard durant tout le périple) et récupéré sa bourse (moins rondelette que ce qu’il avait le vague souvenir d’avoir négocié), notre ami se mit en quête de trouver quelque tripot où assouvir ce besoin qui l’avait appelé sur la route : celui de faire s’engouffrer des litres de vin au travers de son gosier sec comme les arpents de Taisen. Voilà des jours que son outre était vide, et les derniers vestiges d’amour-propre du chevalier lui avaient évité de supplier ses clients pour du vin, seulement d’en demander de temps en temps ici et là, très innocemment malgré le regard de tueur que lui lançait toujours la vieille morue depuis son char.

    Or, dans les villes, il y avait l’embarras du choix, et c’était un tout autre problème à ajouter à la liste. Quand il se posait dans un village, en général, Ermangild n’avait pas à choisir entre deux enseignes, et les habitués locaux se comptaient sur les doigts d’une main lépreuse. En ville, tout était toujours bondé, bruyant, rempli à ras-bord de soudards, truands, margoulins et autres joyeux drilles. Nulle part où cuver son vin tranquille, en somme. Il avait dû s’éloigner du centre et grimper une colline pour trouver des bouges encore acceptables en terme de fréquentation. C’est même sur ces hauteurs que le chevalier arrêta son fidèle Persifal devant une enseigne atypique : une espèce de dauphin hypertrophié qui sautait hors de l’eau. Intrigué autant par le curieux animal que par le caractère plus calme et accueillant de cette taverne, Ermangild s’empressa d’attacher Persifal à un poteau jouxtant le tripot et, une fois son destrier entravé, fit vibrer ses éperons sur le sol devant la porte, l’ouvrant à la volée.

    Il fit sans doute une arrivée remarquée, car son manque avait fait bander ses muscles plus nerveusement à l’ouverture des gonds, faisant légèrement claquer ceux-ci. Il devait avoir une belle tête d’ahuri aussi, hirsute comme un animal, droit dans l’embrasure, et à demi harnaché pour la guerre. Voire, plutôt un quart… Ses yeux bleus balayèrent l’assemblée à la recherche d’alcool, et devant les sourcils froncés ou relevés de ses futurs compagnons de beuverie, il sentit bien qu’il aurait bien plus sa place au comptoir que parmi eux. Qu’importe, il avait toujours été pilier. Pilier de la foi, maintenant pilier de bar. Finalement, c’était troquer un prêtre pour un tavernier.

    Il fit tous les efforts possibles pour ne pas marcher trop vite jusqu’au comptoir, et de ménager son petit effet, mais l’envie étant trop pressante, ses éperons dénotèrent un léger empressement en raclant et tintant contre le sol du débit de boisson. Quand il fut arrivé devant le comptoir, il posa néanmoins ses grandes mains dessus, bien à plat, et lâcha avec aplomb :

    « Aubergiste, du vin. »

    Ses yeux cherchaient à accrocher quelque pichet ou autre, mais ils ne réussirent à accrocher que la jolie frimousse d’une serveuse devant lui. Une blonde aux yeux bruns, pas très grande, agréable à regarder. Ça le ferait, en attendant le pichet de vin.
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    Takhys Suladran
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  • Sam 19 Aoû - 12:21
     Takhys venait de prendre un verre en étain pour terminer de le nettoyer avec l'aide d'un chiffon propre, quand la porte s'ouvrit non sans un certain éclat. Les clients habituels de la taverne se contentaient de l'ouvrir, normalement, comme des terrestres lambdas. Redressant son regard brun pailleté, elle put voir un homme, à l'allure quelque peu patibulaire. À voir ses cheveux un peu en pagaille, avait-il couru ou galopé avec le feu aux fesses ? À voir le reste de sa tenue, il avait tout d'un mercenaire qui achevait son contrat et qui cherchait déjà à dépenser son argent en alcool, avant de passer à un autre travail pour lequel vendre ses talents de combattant à louer

    La jeune femme s'intéressa quelques secondes à son verre, essuyant la dernière goutte d'humidité persistant encore dans le fond. Puis, elle le déposa sur le comptoir. Elle ne l'aura pas lavé pour rien, au moins. Les quelques clients habituels s'étaient retourné pour observer cette nouvelle tête qui débarquait d'on ne sait où, sourcillant à leur tour quand le venu croisa leurs regards. La Sirène, toujours avec son léger sourire, attendait qu'il prenne place quelque part dans la grande salle. Il y avait bien quelques tables de vides, et quelques espaces au comptoir. Ah ! il opta pour le comptoir donc. Un rictus amusé marqué la commissure de ses lèvres. S'il espérait ne pas marquer son impatience d'avoir un verre entre les mains, c'était raté. Le son provenant de ses éperons trahissait sa fébrilité contenue

    Elle manqua de glousser devant sa demande directe. Cet homme côtoyait sans nul doute les tripots des bas quartiers ou encore des villages isolés, plus habitués à avoir ce genre de client. Mais tout nouveau client était le bienvenu chez elle, tant qu'il payait et ne provoquait pas les autres consommateurs. 

    Élargissant son magnifique sourire, elle décida de l'accueillir comme à son accoutumé devant tout assoiffé ou affamé demandant à être servi. 

    ''Bienvenue au Marsouin Blanc, Messire. Je vous apporte cela de suite. "

    Elle n'eut qu'à se baisser pour attraper un pichet de terre cuite, se déplaçant dans une certaine grâce à chaque de ses pas, pour se rendre à un petit fût prévu à servir rapidement du vin. Comme toujours quand elle travaillait, elle s'était vêtue de sa robe écarlate qui moulait ses formes féminines comme une seconde peau. Son décolleté était toujours aussi généreux pour ne rien manquer de la visibilité de sa poitrine généreuse.

    Une fois le pichet rempli, non sans une certaine générosité, elle revint vers ce possible mercenaire à la bourse, désireuse de se sentir plus légère. Après avoir déposé le vin à côté du verre en étain, elle s'exprima à nouveau, et toujours avec son sourire enjoué. 

    ''Voilà votre vin Messire. Vous verrez, ce breuvage saura combler votre gorge sèche. Vous devez venir de loin, car c'est la première fois que je vous vois ici. "
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    Ermangild d'Erginheim
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  • Mar 22 Aoû - 12:00
    Lui qui pensait être tombé dans un simple tripot de pacotille, Ermangild se fourrait visiblement quelques bonnes phalanges dans l’œil.

    Certes, l’établissement n’avait rien avoir avec les enseignes huppées qu’il avait pu fréquenter dans sa jeunesse à Shoumei, mais c’était justement ce qu’il était venu chercher ici. Un endroit simple et familier où venir s’échouer, s’abandonner à son vice. Il n’avait juste pas prévu qu’on lui réponde avec considération. C’était une habitude qu’il avait perdue lors de ses longues errances sur le Sekai. La plupart du temps, le silence accompagnait la venue du litron, parfois avec un petit grognement, pour la forme. Mais la délicieuse ritournelle qu’avait chanté la serveuse avait coupé l’herbe sous le pied d’Ermangild, si bien qu’il ne put rien faire d’autre que lui renvoyer un regard mi-figue mi-raisin. Il devait avoir l’air un peu bovin, aussi, il tenta de bien vite rattraper la situation pour ne pas perdre plus de crédit qu’il n’en avait déjà semé aux quatre vents.

    « Euh… Merci. »

    L’étourdi devait se remettre en selle sur les conventions sociales, mais en attendant, lorgnait dangereusement sur son pichet de vin. Il n’avait aucun doute qu’il saurait désaltérer son gosier, mais c’était loin d’être ce qui lui importait le plus. Or, le vider d’une traite devant la donzelle aurait été quelque peu… inapproprié, maintenant qu’elle se révélait douée de conversation. Il eut donc à faire un monumental effort sur lui-même pour ne pas agripper tout de suite de ses doigts tremblants l’anse du pichet. Il décida alors de détourner l’attention en relançant la conversation.

    « Oh, de très loin. J’ai pas mal bourlingué sur le Sekai, aussi, il était sans doute écrit que je finirais ici un jour ou l’autre. »

    Il accrocha le pichet de vin et, avec un sursaut de lucidité civile, se versa un peu de vin dans la chope d’étain à droite. Les yeux du poivrot se détournaient parfois violemment du vin qui l’attendait, tantalisant liquide rubicond, pour se poser sur la serveuse. Il cherchait à ancrer son regard sur quelque chose d’autre que le vin, et se retrouva donc à apprécier la beauté de ce minois hâlé. Puis il se rappela Griselda, et s’en maudit trois fois.

    « C’est donc un marsouin. Je pensais que c’était une sorte de dauphin. »

    Il n’en avait vu qu’une seule fois, car bien rares avaient été ses aventures sur le pont d’un navire. Il se tapait toujours un mal de mer carabiné à bord, si bien qu’un de ses anciens comparses l’avait un jour affublé du surnom de Bastingage, en référence à l’endroit où ses glaires passaient par-dessus bord.
    Mais trêve de réminiscences. Le voilà qu’il avait déjà les lèvres posées sur le bord en étain de la chopine, et qu’il en versait avec avidité le contenu dans sa gorge, mettant fin à son supplice. Belle descente, le nouveau ! Et il avait l’air plus frais maintenant qu’il avait rassasié sa soif. Aussi, se resservant, il déclara :

    « Je vous prie de pardonner mon hébétude. J’ai fait voyage fort harassant, et le manque de vin m’avait asséché la gorge. »

    Il était dur de reprendre les vieilles habitudes passées. Jeté sur les routes pendant des années, ses contacts humains s’étaient résumés à des transactions, la plupart en sa défaveur. Le simple agrément d’une conversation ajoutait un goût de nostalgie au rouquin descendant son gosier.
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    Takhys Suladran
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  • Mer 23 Aoû - 16:59
    La jeune femme sut se retenir de rire devant l’attitude quelque peu surprise du nouvel arrivant. Intérieurement, elle était fière d’elle-même d’avoir deviné que ce mercenaire côtoyait plus des tavernes de seconde zone que des lieux plus sereins et plus avenants. En tout cas, il la remercia, dans un bref balbutiement, même s’il se retenait de prendre immédiatement le pichet à peine déposé. Takhys avait fait mine de pas avoir remarqué le tremblement de la main. Soit, il avait très soif, soit, il y avait très longtemps qu’il n’avait pas pu sa ration de vinasse. Quand on tient un établissement comme le Marsouin Blanc, on apprend vite à décrypter certains signes chez les clients. De toute façon, s’il venait à vouloir un second pichet, tant qu’il ne dérangeait pas ses consommateurs habituels, il pourrait boire tout son soûl, quitte à s’enivrer à en tomber par terre.
     
    Toujours avec son radieux sourire, elle était ravie qu’il soit causant. Elle avait eu des merco’s plus taciturnes que lui. Et là, il n’avait pas encore bu sa première gorgée pour s’aider à un peu délier sa langue. La suite de la conversation promettait d’être captivante, plus encore s’il venait à lui prendre un peu plus de vin.

    Donc, il venait de très loin. Ce n’était guère précis, mais de la suite de ses dires, il avait beaucoup voyagé. Takhys avait tout son temps, même si un autre de ses clients viendrait à vouloir à boire ou à manger. D’ailleurs, elle n’oubliait pas ce besoin primaire. Remplir son estomac de liquide ne faisait pas tout… sauf s’il s’en contentait comme seule « nourriture » pour la soirée.
     
    ’’Vous avez dû voir de belles contrées et affronter bien des périls, de ce fait. Si c’est le destin qui vous a poussé à franchir la porte de cette taverne, j’en suis toute ravie. Je suis friande des histoires des voyageurs et des aventuriers. Quand on travaille dans une taverne comme celle-ci, on ne peut que rêver des régions, en se fiant aux descriptions des clients tels que vous, messire. « 

    Bon, dans les faits, ce n’était pas tout à fait vrai. Voyager, elle l’avait déjà fait et elle le referait encore, pour son plaisir ou pour des nécessités professionnelles. Et pendant que ledit messire remplissait son verre, elle ne put qu’avoir un regard faussement pétillant d’une petite surprise quant au fait qu’il avait reconnu le marsouin dessiné sur la pancarte de l’établissement.
     
    ’’Vous êtes connaisseur… C’est presque exact. C’est un cousin du dauphin. »

    Il avait donc mis le pied sur un navire, un simple détail qui pourrait en attirer d’autres par la suite. Puis, à peine avait-il porté le verre à ses lèvres qu’il but une longue rasade. Elle ne manqua pas de rire, d’un timbre léger et cristallin.

    ’’Effectivement, vous étiez des plus assoiffés. Il n’y a aucun mal, pour vous rassurer. Si votre voyage a été épuisant, peut-être désireriez-vous un repas léger pour reprendre quelques forces ? Ou si vous dispensez d’assez de moyens financiers, je puis vous proposer un bain. Le Marsouin Blanc dispose d’une salle d’eau… et avec de l’eau chaude si besoin. « 
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    Ermangild d'Erginheim
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  • Ven 25 Aoû - 13:37
    Ermangild avait à peu près autant de grâce qu’un sac de carottes lorsqu’il montait sur un navire. Le roulis des vagues lui retournait les tripes et faisait remonter son estomac (et son contenu) à la commissure de ses lèvres. Ah ça, il lui en avait fallu du courage, pour mettre le pied sur un esquif ! Et comme tout chevalier se devait d’être dur au mal, il avait encaissé la gîte avec un flegme relatif, dont le stoïque ne se fendait que lorsqu’il marchait de manière pataude vers le bastingage pour aller faire offrande à la mer. Les marins avaient un surnom pour ce genre de personnage : un éléphant. Mais ils s’étaient gardés de le dire au principal concerné.

    Oui, Ermangild avait pas mal bourlingué. Malheureusement, la plupart de ses voyages étaient frappés du sceau de la misère, de l’errance et de la bitture. Une pérégrination bien amère, qui se finissait invariablement dans un tripot. Alors, notre chevalier souhaitait-il vraiment abreuver la jolie serveuse d’un récit aussi pitoyable ? Il avait beau ne plus avoir beaucoup d’amour-propre, il y avait des limites à se donner en spectacle. Peut-être une fois plein, les choses seraient-elles différentes…

    Le rire qu’elle avait lâché après sa première gorgée avait beau être cristallin et inoffensif, il piquait comme l’aiguillon d’un scorpion. Ermangild y décelait des accents de reproche, bien que lesdits accents n’étaient que le fruit de ses propres remords. Il en détourna un peu le regard, ce qui ne l’empêcha pas de se renvoyer une nouvelle rasade peu après. Une voix retentit alors de nulle part, comme si un fantôme était assis sur le tabouret d’à côté.

    « Il est vrai qu’un bain ne lui ferait pas de mal. »

    Ermangild ne sembla pas s’étonner de cette voix à l’invisible origine, et commenta avec flegme.

    « Comment le saurais-tu, tu n’as pas d’odorat. »

    « Pas besoin d’un nez pour ça, il suffit d’être perspicace. »

    Ermangild soupira, avant de tourner à nouveau son regard vers la serveuse, haussant les épaules avec un simili sourire.

    « Ne l'écoutez pas, il aime me charrier. Mais je ne dirais pas non à un bain, c’est vrai. »

    Il s’empressa de rajouter, comme s’il venait de se rappeler un menu détail :

    « Ah, euh, oui, c’est mon épée qui a parlé. »

    Il agrémenta son détail, qui avait quand même son importance, d’une nouvelle rasade de vin, qui vida son pichet. Le vin l’avait bien requinqué, et il sentait déjà les effets du manque se calmer, ses tremblements contenus à grand peine refluer. Puis la perspective d’un grand bac d’eau chaude semblait tout aussi séduisante qu’un nouveau cruchon !
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  • Sam 26 Aoû - 19:46
    Le visage de la jeune femme gardait toujours son air souriant, ne laissant rien transparaître quand le mercenaire détourna la tête, avant de s'enfiler une nouvelle bonne gorgée du pichet de vin. A ce rythme, il aura tout bu qu'il aura encore soif. Devrait-elle préparer un autre pichet ? À le voir, quelque chose devait le ronger... comme bien des individus de son genre. Bon, allez, elle n'avait pas à se montrer aussi hâtive en jugement. Ce client avait précisé qu'il revenait d'un voyage difficile. Il était donc logique qu'il ait une certaine tronche morose. 

    Elle envisageait de lui servir un second pichet, quand elle entendit une nouvelle voix monter à ses oreilles. Haussant un sourcil, elle tenta d'en déterminer la source. Elle n'était pas loin du merco', ça, elle en était certaine. Et le pire, c'est que le buveur de vin ne quittait pas le fond de son verre désormais vide, et répondait ! Takhys n'était pas à un âge canonique où son esprit déraillait. Elle était encore vive et en belle forme pour subir les déprava dations de la vieillesse mentale. Faisant comme si tout était "presque" normal, elle prépara un autre pichet de vin, qu'elle déposa à côté du premier sur le comptoir

    ''Va pour un bain alors ! Pour ce nouveau pichet, c'est moi qui régale ! "Fit-elle avec un clin d'oeil qu'elle fit léger. ''C'est surtout pour me laisser un peu de temps de préparer le bain. Le temps de faire chauffer l'eau à bonne température. Donc, ne bougez pas. Je n'en ai pas pour longtemps "

    Elle fit mine de se retourner en direction de la salle d'eau, avant de reposer ses yeux brun pailleté d'ambre sur le futur preneur de bain. 

    ''Et bravo pour votre tour de ventriloquie. J'ai failli y croire. "Même si elle avait toujours son délicieux sourire, son regard s'était quelque peu durci, comme pour essayer de lui faire comprendre que ce n'était pas une bonne idée de se taper la discutions avec une épée magique. "Je n'ai pas prévu de spectacle ce soir. Mes clients s'attendent à être au calme. Et je reviens ! "termina-t-elle en renforçant son air enjoué à ses lèvres. Elle espérait que cet homme comprendrait… Car s'il n'était pas ventriloque, alors son épée parlante était une vraie... Une bonne partie de sa clientèle pourrait prendre peur. La magie était quelque chose qui pouvait effrayer les terrestres des plus basiques, qui appréciaient de vivre dans la plus grande des simplicités.  Elle se faufila dans la salle d'eau pour préparer l'eau chaude. Avec de la chance, il se contentera de patienter tout en savourant le vin offert gratuitement. 
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  • Mar 5 Sep - 17:26
    Quand on lui parla de ventriloquie, Ermangild ne comprit pas tout de suite. Cela dut se voir sur son museau hirsute, car il regarda pendant quelques instants la donzelle avec des yeux de merlan frit. Ce n’est que lorsqu’elle s’éloigna que le chevalier crut comprendre : elle l’avait pris pour un fêlé de première. Il aurait voulu se lever et aller lui dire qu’elle se trompait, mais elle était déjà trop loin, et l’appel du vin le vissait son cul sur la chaise avec un extrême magnétisme. Un soupir lui échappa du nez, faisant frémir sa barbe. Puis ce fut Vortigern qui lâcha :

    « Je ne suis pas une marionnette. »

    Ermangild en produisit un rictus amer, se resservant en vin. Ce dernier ne resta guère très longtemps dans son nouveau contenant…

    « Ah ça… Une marionnette ça n’emmerde pas son monde. »

    « Tu ferais un bien piètre ventriloque, de toute manière. »

    « Et toi une bien piètre marionnette. »

    « Ah oui ? Et en quoi ? »

    « Déjà, tu sais pas la fermer. »

    « Et toi tu ne l’ouvres que pour t’enfiler du rouge. »

    « Je devrais te transformer en tire-bouchon alors, tu me serais plus utile ! »

    Quelques rires retentirent dans la salle, et le duo se tut. Ermangild se tourna alors vers son public de fortune, un peu étonné. Quelques têtes s’étaient tournées vers lui et regardaient l’engueulade, qu’ils s’imaginaient fictive, avec l’œil amusé du spectateur. Ermangild voulut rétorquer qu’il n’était pas un baladin, qu’il n’était pas tombé si bas tout de même, que l’épée parlait vraiment, mais il se demandait si cette dernière affirmation n’irait pas confirmer pour certains qu’il était vraiment cinglé. C’est alors qu’une idée lui traversa l’esprit. Il se tourna sur son tabouret, pour faire face à l’assemblée, et posa une main sur la poignée de son épée, l’autre agrippant son pichet de vin.

    « On pourrait leur faire une démonstration, qu’en penses-tu ? »

    Vortigern prit un temps avant de répondre. Mais quand il le fit, il semblait avoir compris le manège de son porteur.

    « Tu n’y songes tout de même pas. Je t’ai dit, je ne suis pas une marionnette ! »

    Ermangild redescendit sur terre, ses solerets heurtant le sol dans un cliquetis métallique, puis il dégaina sa lame et ricana.

    « Certes, mais tu es une épée ! Qui parle ! »

    Nouvelle vague de ricanements dans la foule. Vortigern vrombit.

    « Et ils se moquent de moi, en plus. Non, tu ne te feras pas d’argent sur mon dos, Erman. »

    Le chevalier montra alors le plat de sa lame au public.

    « Tu veux dire, ce dos-là ? »

    Il retourna la lame pour exposer l’autre plat.

    « Ou celui-ci ? »

    Les rires dans la foule se firent plus francs. Nouveaux vrombissements de la lame.

    « Il suffit, Erman ! »

    Mais ce dernier réagit aussitôt.

    « Dites-moi, gentes buveurs de cruchons, souhaiteriez-vous que je vous narre quelque noble aventure du chevalier Armand-Gilles, et de son épée parlante, la terrible Vortigèrne ? »

    « Ah, misère... »

    Le public semblait de plus en plus sortir de sa torpeur. Certes, la plupart des habitués préféraient le silence de l’alcool, mais l’humour déliait le plus souvent les atmosphères les plus lourdes.

    « C’était bien avant la venue des Titans sur notre terre, dans le royaume de Shoumeï et ses ordres de chevaliers pimpants et rutilants ! Une époque de glorieux paladins, de... »

    Ermangild s’arrêta soudain. Une soudaine terreur venait de l’envahir, car c’était comme si au loin, il l’avait à nouveau entendu. Le cri. Son cœur fit une embardée, car il l’entendit encore, plus déchirant encore, et ses paroles moururent dans sa gorge. Les yeux écarquillés, son esprit remplaçait les images des clients de la taverne par d’autres scènes. Des massacres, des hommes à cheval s’engouffrant dans les allées d’un village en feu. Ses propres mains autour du cou d’un homme. Et soudain, comme un réflexe de survie, Ermangild leva la main pour porter le cruchon à sa bouche, et s’enfiler une grande rasade de vin. Pendant qu’il sifflait la moitié du pichet, la voix de Vortigern retentit.

    « Erman ? Tout va bien ? »

    Quelques bordées de jurons et applaudissements dans la salle accueillirent ce soi-disant tour de force. Le public croyait encore à un numéro de ventriloquie, mais la prouesse du pichet de vin, ça, on ne leur avait sans doute jamais fait. Les applaudissements et les rires troublèrent d’autant plus l’esprit du chevalier, qui les entendait en même temps qu’il voyait des flots de sang se répandre devant lui de ses propres mains. Il abaissa lentement son épée vers le sol, puis son pichet quitta sa bouche. Les visions ne s’estompèrent que lorsqu’il reporta machinalement le cruchon à sa bouche pour vider l’autre moitié du vin d’un trait. Ce n’est qu’alors qu’il retrouva une certaine contenance, cachant difficilement ses yeux troublés et sa babine branlante. Il conclut néanmoins son pseudo-spectacle de manière sibylline.

    « Hé bien oubliez cette époque… c’était une époque de merde. »

    Le soudain revirement de situation fit ricaner quelques spectateurs, mais certains se désintéressaient déjà du spectacle avorté. Le chevalier ne salua même pas avant de se rasseoir face au comptoir, il ne fit que rengainer Vortigern, qui resta silencieuse. En reposant son pichet, les seuls mots qu’Ermangild souffla à l’attention de son compagnon de toujours furent :

    « Je suis désolé... »
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  • Mar 5 Sep - 20:05
    Ah ça, pour avoir compris, il avait bien compris le bougre ! Pendant qu'elle s'occupait de faire chauffer l'eau, elle capta un brouhaha provenant de la salle commune. Par Kaiyo, elle espérait qu'il n'était pas en train de semer la zizanie parmi sa clientèle avec son épée parlante ! S'il n'avait pas compris le sous-entendu qu'elle lui avait énoncé avant de préparer la salle d'eau... elle poussa discrètement la porte et observa discrètement ce qui se tramait derrière le vieux comptoir. Elle porta une main pour se retenir de bouffer de rire à ce qu'elle voyait et entendait. Le merco' avait, semblait-il, compris le message... en prenant les paroles de la tenancière aux mots. Bien qu'il lui fasse dos, elle imaginait sans mal la tête qu'il avait pendant qu'il échangeait avec sa lame causante, sous le regard amusé des clients présents. Les spectateurs le croyaient vraiment en train d'entamer un spectacle. 

    Elle assista donc, luttant pour ne pas s'esclaffer, de la prestation du barbu débrayé. Cette soirée pourrait se terminer en beauté, finalement, s'il terminait sa prestation jusqu'au bout. Elle lui trouva même un petit talent rigolo dans ses gestes, même s'il n'était que de dos par rapport à elle. Mais elle s'était un peu trop enthousiasmée. Elle leva un sourcil perplexe quand il se figea. Pourquoi s'immobilisait-il ainsi ? Et quand il se mouva, ce fut pour lever la cruche de vin qu'il tenait d'une main depuis tantôt, et avec une habilité certaine, il arriva à la boire dans cette posture peu adéquate. La Sirène n'avait plus le sourire aux lèvres. 

    Malgré les applaudissements qui félicitaient le pseudo-ventriloque, Takhys comprit que l'humain était passé à un autre stade. Il n'était pas le premier mercenaire à passer ici, et il ne sera pas le dernier. Une réaction de ce genre, elle savait de quoi il en retournait. Les humains marqués par un lourd passé ou des actes difficiles à oublier se retrouvaient assaillis par des souvenirs, les paralysant tellement ils étaient intenses. D'ordinaire, ils n'étaient pas agréables, poussant les malmenés à se réfugier dans l'alcool pour taire ce qui les hantait. Ah, ça ne manqua pas quand le merco' porta la cruche une fois de plus à ses lèvres, achevant le vin qui restait encore à l'intérieur. Takhys retourna dans la salle d'eau, une fois assurée que ses clients s'en étaient retournés à d'autres occupations. L'eau était suffisamment chaude pour être appréciable et apporter une bonne détente musculaire pour qui s'y plongera. 

    Elle retrouva donc le prestataire en ventriloquie en mode maussade à son comptoir. Si Takhys avait été insensible, donc dépourvue de compassion, elle l'aurait trouvé pathétique. Mais voilà, la jeune femme n'était pas complètement avare dans ce genre d'émotions. Elle savait en exprimer un minimum. 

    Souriant à peine, juste ce qu'il fallait, elle s'était mise en face de lui, cherchant à capter son attention. 

    ''Allez, venez, le bain n'attend plus que vous. Cela vous changera les idées. Et il y aura de quoi accrocher vos effets et votre épée pour ne pas qu'ils traînent par terre. A moins que votre lame veuille un bain, elle aussi ? "fit-elle, dans l'espoir de le dérider un peu.
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  • Jeu 7 Sep - 14:41
    Ermangild ne releva la tête que lorsque la tavernière revint près de lui. Même à la voir sourire, le chevalier n’avait nulle envie d’être plus gai. Même l’idée du bain lui parut soudain bien superflu, ou en tout cas bien moins utile qu’un nouveau cruchon de pinard. Elle eut beau lui dire que cela lui changerait les idées, une petite voix dans sa tête affirmait que cela ne changerait rien. Qu’il n’y avait rien à faire. Puisque le mal avait déjà été fait.
    L’épée douée de parole, quant à elle, prit le parti de la dame.

    « Elle a raison, Ermangild. Un bain ne pourra te faire que le plus grand des biens. »

    Le chevalier avait les yeux un peu éteints, mais le regard planté dans celui de la serveuse. Ce qui pouvait bien passer par sa caboche à ce moment, ça, personne d’autre que lui n’aurait pu le dire. Mais les effets du vin, outre amortir ses sens, éventaient peu à peu les idées noires d’Ermangild, au point qu’il finit par dire :

    « Ma foi, il serait dommage de gâcher de l’eau chaude, en tous cas. »

    Puis, se remettant sur ses quilles, il s’apprêta à emboîter le pas à la tavernière, une main caressant distraitement le pommeau de sa lame. Alors qu’ils marchaient vers la pièce d’eau et qu’ils s’éloignaient donc des oreilles indiscrètes, il avoua néanmoins :

    « En revanche, je ne me moquais pas de vous en disant que mon épée avait don de parole. Ne me prenez pas pour fol ou pour dingo. »

    Ce n’était prononcé ni avec verve ni avec acrimonie. Ermangild souhaitait juste ne pas passer pour plus désaxé qu’il n’en avait l’air, et ce d’autant qu’il aurait tout le loisir de le paraître une fois quelques nouvelles bouteilles de vin consommées.
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  • Jeu 7 Sep - 19:52
    Ça, pour capter son attention, elle sut l'avoir, mais pas comme espéré. Il paraissait s'être plus enfoncé encore dans sa morosité. Ces terrestres, vraiment ! Un rien suffisait pour qu'ils se perdent dans leurs sombres songes. Comment-pouvaient-ils passer autant de temps à les broyer et s'y perdre ? L'envie de l'attraper par le col et de le secouer un peu pour le faire émerger se fit forte dans l'esprit de Takhys.  Heureusement, par convenance, elle sut tenir les rênes de ce désir, tout en maintenant son sourire poli. Bon, comment allait-elle pouvoir le faire réagir. Ah ! Son épée causante vint à la rescousse. Une bonne chose, car au bout de quelques secondes, le mercenaire sortit un peu de sa brume de mélancolie. L'envie de savoir ce qui le poussait à se mettre dans un tel état la titilla en même temps. Tout viendrait à point qui savait attendre... A moins qu'il ne soit, comme la plupart des mercenaires, à avoir un passé à oublier qui ressurgissait toujours au moment où ils s'y attendaient le moins. Peut-être le reliquat d'une série d'horreurs vécues durant la guerre contre les Titans ? Aurait-il une histoire hors norme à cacher, qu'il ne pourrait raconter ? Allez savoir. 

    Toujours avec le sourire, elle guetta la suite de sa réaction, ne manquant pas d'étirer ses lèvres quant à l'idée d'éviter de gâcher l'eau chaude préparée rien que pour lui. 

    ''Comme des efforts menés par votre très humble tenancière"rajouta-t-elle avec une voix légère et cristalline. Elle se dressa un peu, se montrant dans sa belle dignité, pendant que le merco' quittait sa place pour rejoindre la salle d'eau. D'un regard averti, elle sonda les autres clients pour voir s'ils avaient besoin de quelque chose avant qu'elle ne s'occupe de son futur "trempé". Heureusement, aucun ne recommanda à boire ou à manger. 

    Le barbu débrayé, arrivant à sa hauteur, voulut se confesser quand à l'histoire de son épée. Le ton bas, il s'expliqua, pour ne pas apparaître comme un fou à lier. La jeune femme haussa un sourcil en même temps qu'un bien étrange sourire en coin. Puis, elle le poussa gentiment, une main posée derrière ses omoplates, non sans une certaine fermeté, dans la salle d'eau. Et là, elle ferma la porte, comme à l'ordinaire. 

    ''Voila, le bain est prêt, il n'attend plus que vous. Je vais vous laisser assez d'intimité pour vous dévêtir et entrer dans l'eau. Après, je me permettrai de revenir, pour vous savonner un peu. Vous en avez besoin, sans vouloir vous vexer. Et pour votre épée, je sais qu'elle parle. "

    Son sourire s'élargit, s'auréolait encore plus de mystère sur sa personne, comme si elle était loin d'être qu'une simple tenancière. 

    ''Je pense que mon message n'avait pas été assez clair, mais d'un autre côté, vous vous êtes bien rattrapé, Messire le Ventriloque. Donc, non, vous n'êtes pas fou, et vous avez une lame étrange qui doit être plus qu'une compagnie de blablatage. Veuillez me pardonner, Sir l'épée, je ne connais pas votre rôle et votre histoire. ''Dit-elle en regardant l'emplacement de la lame. ''Peut-être me la narrerez-vous une fois votre "ami" lavé et dépoussiéré. "

    Elle gloussa dans un son cristallin, ne se moquant nullement. Puis, elle sortit. Quelques minutes plus tard, quand elle revint, ce fut pour afficher un sourire des plus satisfaits à ce qu'elle voyait. 


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  • Lun 11 Sep - 11:25
    La porte se referma, et Ermangild resta planté là quelques secondes avant de se tourner vers la grande bassine qui fumait un peu, au centre de la pièce. Maintenant qu’elle était plus tangible, la tentation du bain n’en était que plus forte. Depuis combien de temps ne s’était-il pas lavé autre part que dans un courant ou quand il y avait de la pluie ? Ça devait faire une paie qu’il n’avait pas goûté à une agréable toilette de château, comme dans sa jeunesse. Aussi, il resta là à observer les volutes de vapeur s’élever de la surface parfaitement lisse de l’eau. Sa contemplation fut interrompue par le fil acéré de sa lame.

    « Si tu attends que la baignoire fasse le premier pas, on est encore là pour longtemps… »

    Ermangild lâcha un petit ricanement, avant de défaire son baudrier auquel pendait Vortigern.

    « Tais-toi ou je t’y trempe. »

    Une fois l’épée suspendue à un crochet, Ermangild se dévêtit de son long manteau de voyage, puis il commença à dénouer les sangles de sa brigandine et à retirer ses canons d’avant-bras. A mesure qu’il se débarrassait de ses vêtements, il se rendait compte qu’il n’était pas le seul à avoir besoin d’un bon récurage. Sous la brigandine, sa chainse avait pris une autre couleur, tandis que ses chausses étaient recouvertes de terre et de poussière. Joli tableau de bourlingueur ! Mais la note de la lavandière risquait d’être salée.

    Une fois dénuda, Ermangild s’avança vers la bassine. Se tenant au-dessus de l’eau chaude, il se rendit compte que celle-ci était si calme qu’elle lui renvoyait un reflet aussi clair que depuis un miroir. Les yeux bleus du chevalier s’attardèrent alors sur cette silhouette hirsute au fond de l’eau. Cette large carrure était définitivement sienne, autant que l’étaient ces nombreuses cicatrices, témoins d’un corps rompu au combat. Mais ses mains vinrent doucement effleurer cette barbe fouillasse et pleine de la poussière du voyage. Elles passèrent dans ses cheveux sales et chaotiques. Il ne se reconnaissait pas.

    Pour briser le charme, il se résolut à entrer dans l’eau chaude. Lorsque sa peau entra au contact, il lâcha un grognement d’étonnement. Ah, pour être chaud, ça l’était !

    « Poule mouillée. »

    « Eh oh, je ne suis pas un homard ! C’est trop chaud. »

    Cela dit, il n’allait pas attendre trois heures que le bain tiédisse. Il s’immergea complètement, dans un long râle d’agonie, qui se changea en grognement de plaisir sur la fin. Là, complètement cerné par l’onde, il posa ses deux grands bras de part et d’autre du rebord du bassin, avant de relâcher sa nuque vers l’arrière.

    « Aaaaaaah… bordel de merde… »

    « Langage. »

    Ermangild retrouvait, pour quelques instants, la grande salle des étuves, au château d’Erginheim. Les grands bacs en bois, cernés de serviettes de bain, de serviteurs, de flasques de vin et de confiseries. Emporté par les vieilles habitudes, il fit émerger ses pieds, l’un après l’autre, pour faire reposer le creux de ses genoux sur les rebords du bain. En quelques minutes seulement, voici le chevalier passé d’une épave alcoolique à un ronronnant matou se prélassant. Il ferma les yeux, profitant du moment. Et quand il les rouvrit, ce fut pour observer la silhouette de la serveuse plantée devant lui.

    « Oh ! »

    Ses jambes se soulevèrent pour se remettre dans une position que la décence aurait voulu qu’il ne quitte jamais. S’exposer ainsi aux dames aurait fait tourner de l’œil n’importe quelle duègne ou chaperonne. Mais d’un autre côté, si la mignarde proposait des séances de bain, elle devait être habituée à la nudité. N’est-ce pas ?
    N’est-ce pas.

    « Je… n’avais pas entendu la porte. »

    Il avait ce bête sourire qu’on offre à quelqu’un quand on essaye de lui cacher quelque chose. Présentement, c’était pour tenter de dissiper toute gêne. Il n’y eut que Vortigern pour répondre :

    « Moi si. »

    Ermangild soupira.

    « Et tu ne me dis rien, vieux couteau à beurre ? »

    « La serveuse est revenue Ermangild, fais attention ! »

    « Ha-ha. »

    Puis, tournant à nouveau son visage vers la dame, il se racla la gorge.

    « Bon, tant qu’on est là, je tiens à dire que votre bain est bouillant. J’ai cru que vous vouliez me servir à vos clients. »
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  • Ven 15 Sep - 14:48
    Le sourire aux lèvres, elle se retenait de rire après avoir vu son client prendre une posture qu'il devait juger plus décente pour les yeux de la dame qui était revenue dans la salle d'eau. 

    "Ne soyez pas si pudique voyons… Prenez la posture qui vous permet de vous détendre au mieux. Je conçois que ce bain n'a pas l'espace d'une mer, mais prenez vos aises. Vous êtes le client après tout. "

    Elle fit un clin d'oeil amusé à Ermangild, toujours en le lorgnant en train de se prélasser dans l'eau chaude. Sans ses effets, elle avait tout le loisir de le "dévorer'" des yeux. Elle pencha même un peu la tête sur le côté, essayant de mieux visualiser son aspect d'humain, une fois un peu mieux rasé, les cheveux  mieux discipliné et un peu plus reposé... Oui, finalement, il n'était pas mal comme terrestre mâle. 

    Elle se rapprocha un peu de lui, ne se retenant pas de rire avec légèreté. 

    ''Si vous m'avez point entendu, c'était plutôt bon signe à mes yeux. L'eau, bien que trop chaude à vos dires, correspondait aux besoins de détente de votre corps. "

    Elle ne l'embêtait pas pour l'instant sur la non-réponse sur sa petite question de tout à l'heure. Ce n'était pas urgent en soi. Cette épée parlante devait être comme son propriétaire, taciturne à ses heures. Un caractère de mercenaire en somme. Cela ne l'empêcha pas de savourer l'échange moqueur de cette dernière vis-à-vis du baigneur. 

    ''J'ai servi mes clients. Je connais leurs habitudes, pour les habitués de mon établissement. Et puis, je ne suis pas toute seule, vous savez.....j'ai ma cuisinière dans l'arrière salle, qui me permet d'être assez libre pour m'occuper des occupanrs de ce bain à l'eau.... bouillante. "

    Elle gloussa. 

    ''Et encore, bouillant pour votre peau sensible, ou parce qu'il y avait fort longtemps que vous vous étiez baigné dans une eau bien chauffée pour détendre vos muscles fatigués ? Je peux vous proposer une petite baie marine, où l'eau salée est plus fraîche, mais tout aussi déstressante si vous le souhaitez... La mer n'est pas loin de base, à Courage. "

    D'ailleurs, peut-être qu'elle pourrait plonger dans la mer tout à l'heure, quand elle fermera le Marsouin Blanc. Oui, c'était une bonne idée ! C'était décidé, tout à l'heure, elle irait plonger dans la mer, pour faire corps avec elle et savourer sa fraîcheur contre ses écailles... Mais pour l'instant, elle avait ce merco' à terminer de détendre dans ce bain délicieux. 

    Elle se glissa derrière lui en quelques pas légers, malgré sa masse, et s'abaissa juste assez pour que sa tête soit à la hauteur de la tête d'Ermangild. Ainsi, lui susurra-t-elle à ses oreilles : 

    ''J'ai encore un peu de temps à vous consacrer. "

    Sans demander sa permission ; pourquoi le ferait-elle d'ailleurs, elle posa ses mains chaleureuses sur ses épaules musclées. 

    ''Je présume que votre compagnon tranchant arrive à percevoir visuellement son environnement ? J'espère qu'il ne sera pas trop jaloux de cette proximité... "

    Ses deux mains glissèrent doucement sur le haut du torse de l'humain. Sous la pulpe de ses doigts, elle percevait toute la fermeté de cette chair qui attisa un peu sa gourmandise. Ces muscles-là devaient être délicieux, sous cette fermeté. Dommage qu'il n'était pas un criminel surpris au bord de la mer à jeter un cadavre, pour justifier sa petite appétence carnivore. Une autre pourrait compenser, si elle le désirait réellement. 

    ''Je peux réussir à tellement vous détendre que vous vous assoupirez ? Si vous le souhaitez bien entendu... "
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  • Mar 19 Sep - 9:23
    A la manière dont cette femme parlait, Ermangild commençait à comprendre qu’il ne s’agissait guère d’une simple serveuse. Sa familiarité avec la clientèle aurait pu passer pour un traitement à la bonne franquette, mais à parler de son établissement, de sa cuisinière, la pièce finit par tomber : notre homme avait l’auguste plaisir de patauger devant celle qui avait le pouvoir de le mettre à la porte. Il avait intérêt à ne pas trop déraper dans la salle, tout à l’heure. Derrière les volutes s’échappant nonchalamment du bac, ses yeux accrochèrent ceux de la tenancière.

    « Une rivière c’est rafraîchissant, mais pour le déstressant on repassera. Et je suis au lavage rivière depuis quelques temps déjà. Un peu de citronnelle et le tour est joué. »

    Le vin commençait doucement à prendre plus de prise sur l’esprit d’Ermangild, après ces deux affonds de pichets. Couplé aux effets lénifiant de l’eau chaude sur son corps roidi par une longue chevauchée, le divin liquide parvint à faire perdre sa garde au chevalier. Visiblement assez de temps pour que la baigneuse le prenne à revers et vienne poser ses mains sur ses larges épaules, tout en lui susurrant sensuellement à l’oreille. Ses yeux s’écarquillèrent soudain, de comique manière, mais ce qu’il voulut rétorquer resta bloqué dans sa gorge.

    En effet, après toutes ces péripéties, ces maraudes à l’aveuglette sur un continent ensauvagé et impitoyable, Ermangild en avait presque oublié la douceur que pouvait avoir une caresse. N’ayant pas plongé les épaules dans le grand baquet, il pouvait sentir la chair des paumes et leur chaleur réconfortante, et ce simple contact, inattendu et intime, manqua le faire s’étrangler. Elle y était allé avec un tel naturel, sans aucune retenue, bravant plus encore la brèche ouverte en se glissant sur son torse parsemé de cicatrices. Les yeux d’Ermangild perdirent leur azur dans un lointain qu’il ne pouvait voir, ses paupières abaissées, son corps empreints de frissons, son esprit chavirant dans l’abîme, mais encore ballotté par des sentiments contraires.

    Et c’est là qu’il la revit. Ses cheveux de jais, ses yeux comme deux émeraudes aux reflets ombrageux. Ce visage parfait qui avait ensorcelé plus d’un homme, avec des pommettes hautes et un menton fin. Et ce sourire à en émousser des lames… Une fois encore, cette grande catin venait lui gâcher son plaisir… mais également le rappeler à lui-même, le rappeler à l’ordre. C’était en fait tout ce qui lui manquait pour se rendre compte qu’il était cul-nu dans une bassine à barboter avec une fille qu’il ne connaissait pas lui massant lascivement le haut du corps. Un léger soubresaut le fit tressaillir, et il tourna un peu la tête sur le côté. La proximité du visage de la demoiselle lui frappa le museau avec beaucoup de délicatesse, inondant ses narines de son parfum. Là, c’en fut trop. Il essaya de se dégager de cette délicieuse emprise, levant un peu les bras avec les index relevés.

    « Oulalalala, temps mort, un deux trois soleil ! »

    Il suspendit son geste et ses paroles une bonne seconde, avant de reprendre :

    « Je… J’ai pas suivi là… Vous me massez ? »

    « Non, c’était évident qu’elle te faisait la lecture. »

    « Toi on t’a pas sonné la pioche… »

    Il se tourna vers la demoiselle, espérant au fond de lui ne pas l’avoir froissée. Il aurait voulu lui crier que c’était indécent, mais ç’aurait été mentir sur ses véritables sentiments. De plus, les effets reposants des caresses sur son cuir commençaient à s’estomper, et c’était comme si son derme cherchait encore à retenir leur fantôme. Il s’humecta les lèvres, soudain conscient que son sursaut de pudeur avait peut-être froissé son hôte… qui s’avérait tenir l’endroit, et décidait qui buvait ou crèverait de soif.

    « Vous m’avez surpris. »

    C’est tout ce qu’il parvint à placer, bien qu’il ait eu envie d’en déballer tellement plus. Avec le temps, il devenait laconique (et alcoolique).
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  • Ven 22 Sep - 13:49
    La sirénienne ne fut pas surprise de la réaction de son baigneur. Il n'était pas le premier mercenaire — et ne sera pas le dernier-  à profiter de sa salle d'eau tout en savourant la chaleur d'une eau propre. Il fut donc aisé pour la jeune femme de sentir sous ses paumes tendres et chaleureuses la légère crispation musculaire en réaction au passage de ses mains sur le torse nue et humide de l'humain. Il avait d'abord tourné sa tête pour apercevoir le visage de la tenancière, à une proximité telle que sa réaction fut sans appel. Il essaya d'abord de se dégager, mais pour ne pas se montrer impoli, usa de ses bras en les ressortant un peu de l'eau, les deux  index pointés vers le plafond, en mode d'injonction. Hum, vraiment d'injonction ? Non, il cherchait à attirer l'attention sur ce qui devait être de la gêne... ou de la surprise ? Bah, peu importait pour Takhys. Même le plus rude des combattants pouvait être de grand timide sous leur carapace de gros dur. 

    Gardant un sourire malicieux, elle ne le quittait pas des yeux. Elle avait juste cessé son geste descendant, demeurant immobile, pendant qu'il s'exprimait. Il en était à demander si elle était vraiment en train de le masser. Son sourire ne put que s'élargir, retenant un rire espiègle. 

    "Quoi d'autres, très cher ? "dit-elle en laissant un très court gloussement féminin s'échapper de sa gorge. Puis, elle retira ses deux mains de l'humain, non sans s'amuser à les faire glisser en sens inverse, sur sa peau mouillée, histoire de ne pas provoquer quelques désappointements supplémentaires. 

    Il s'était retourné vers elle, confirmant qu'elle l'avait bien pris par surprise. D'ordinaire, les hommes qu'elle s'amusait à masser passaient de la surprise à un sentiment de béatitude, ravi d'être aux petits soins avec une splendide jeune femme. Peut-être traînait-il depuis trop longtemps sur les routes ou travaillait-il trop pour se rappeler le contact d'une donzelle... ça ou autre chose de sombre qui ressassait toujours et encore dans son esprit, l'envahissant inlassablement, ne pouvant se décrocher de son esprit. Cette seconde hypothèse était pour elle la plus logique. Rien qu'à voir à quelle vitesse il avait bu ses deux pichets de vin, tout à l'heure. 

    ''Veuillez pardonner mon attitude, cher Sir. Je ne voulais pas vous mettre dans un tel émoi"fit-elle toujours avec le sourire. Bon, certes, elle avait été coupée dans son élan, ayant l'impression de demeurer un peu trop sur son début de fringale passionnée, mais il était le client. Elle ne voulait pas le brusquer, au risque qu'il préfèrera une autre taverne autre que la sienne pour s'abreuver d'alcool. Son sourire radieux demeurait inchangée, montrant qu'elle n'était pas offusquée par sa réaction. S'il savait qu'il en faudrait plus pour qu'elle change d'expression faciale…

    "Après votre long voyage, j'aurais dû prévoir que vous aspireriez à un peu de sérénité. "fit-elle tout en se redressant lentement et avec une grâce féline. Du bout de son index droit, elle remonta, en même temps qu'elle mettait debout, le long du cou de l'humain, pour suivre ensuite la courbe volontaire et puissante de sa mâchoire, frôler le bout de ses lèvres et s'arrêter sur la pointe de son nez. Ses dents blanches apparurent entre ses deux lèvres légèrement entrouvertes. Elle offrit une gentillette chiquenaude sur le bout de son appendice nasal

    ''Si vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas. Je reste à votre disposition. "dit-elle. Et hop, un petit clin d'oeil aguicheur pour parfaire ses paroles.
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    Ermangild d'Erginheim
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  • Mar 10 Oct - 10:09
    Pour sûr qu’une masseuse se devait d’être tactile, néanmoins, Ermangild soupçonnait un petit quelque chose en plus en sentant son doigt glisser sur son cou, sa large mâchoire barbue. Elle avait des airs de croqueuse d’hommes, et le chevalier déchu en conçut sinon quelques réticences, au moins quelques frissons supplémentaires. Il était compliqué pour lui d’avoir un œil lucide sur les choses, d’autant qu’il était éreinté par le voyage et éprouvé par le soudain souvenir de la grande putain aux cheveux noirs. Même la petite chiquenaude sur le nez, qui le fit légèrement tressaillir, ne l’offusqua guère, tant il était plongé dans d’autres pensées. C’est bien pour cela qu’il ne réagit pas tout de suite.

    Néanmoins, Ermangild avait traversé le Sekai en piteux appareil, monté sur son destrier à défaut d’avoir gardé son palefroi. La boue lui avait encrassé les vêtements, la poussière de la route lui avait recouvert les cheveux et la peau du visage. Pour la première fois depuis des lustres, le revoici à faire trempette dans autre chose qu’un bras de rivière ou un lac aux eaux saumâtres. Un retour à la civilisation qu’il avait fui de toutes ses forces. Et plus encore, on lui proposait pendant qu’il barboterait dans son baquet d’eau qu’un duo de mains féminines vienne lui délier la couenne, lui délasser ses muscles roidis par le voyage et la solitude. Quand il répondit, c’est en levant les yeux vers la tenancière, une expression indéchiffrable sur le visage.

    « J’ai dit que vous m’aviez surpris. Mais… je ne suis pas contre l’idée d’un massage. »

    Il ressentait comme un vide soudain, là où les mains de la dame s’étaient posés auparavant.

    « Comme vous le dites, j’ai fait un long voyage. J’en suis tout roidi, et pas seulement de corps, ou je n’aurais sans doute pas négligé votre offre d’une aussi rustre manière. »

    Ah, on retrouvait le bon vieil Ermangild. Se tournant à nouveau pour reprendre sa position initiale, comme s’il cet interlude gênant n’avait guère existé, le corps du chevalier produisit quelques clapotis dans l’eau en se remettant en place. La fermeté de ce corps trahissait un entretien presque quotidien, qui indiquait que malgré les errances alcooliques de l’ancien paladin, le Sekai était toujours aussi farouche à traverser.
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