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    Ayna Yelcan
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  • Jeu 21 Sep 2023 - 19:17
    Le chébec file au vent, sous une mer pailletée par l'éclat lumineux d'un soleil ayant dépassé le zénith depuis longtemps. Loin des côtes, ses voiles latines gonflées, il vogue vers un but précis, mais mouvant. Une piste qui se ressert, lentement mais sûrement, tout comme le coeur de la personne qui la suit. Deux lunes complètes depuis qu'Elnael a fugué, et je suis là, à la vigie de l'Ecumeur de Nuages, à m'accrocher au moindre indice qui me permet encore de croire qu'il est vivant, et en bonne santé. Mes yeux perçants vissés sur l'horizon, je cherche la moindre éclat de lumière sur le lin blanc d'une voile, le moindre mouvement de rame sur les vagues, le moindre éclat de bois trahissant la présence d'un autre navire sur ces eaux loin de tout.

    Nous sommes partis de Courage il y a une semaine, après maintes péripéties qui m'ont fait traverser une partie du continent. L'équipage était épuisé, démoralisé, rincé par la mobilisation à Kaizoku. Mais le vieux capitaine Brooke n'a pas hésité, quand je lui ai raconté l'histoire. Je sais déjà qu'il m'a couvert pour le fait de ne pas y être allée, mais je ne pensais pas, vu l'état du bateau et de l'équipage, qu'il prendrait à ce point ma quête pour la sienne. Je me suis rendue compte, pendant ces derniers jours, que ces individus que je côtoie depuis un an, sont devenus des proches, des amis de confiance, une nouvelle famille pour moi. Je n'avais pas réalisé à quel point cette sensation me manquait. Et le capitaine Brooke que je seconde depuis que la SSG m'a recrutée adore Elnael. Alors quand je lui ai expliqué qu'il s'est engagé comme mousse dans un navire de forbans et a pris la mer, il n'a pas hésité une seconde. Le chébec était prêt en quelques heures, et deux nouveaux matelots recrutés au pas levé pour remplacer ceux tombés à Kaizoku. Je me sentais coupable les deux premiers jours, de les faire repartir si vite en mer, et puis mes camarades m'ont vite fait comprendre qu'ils étaient avec moi, et qu'on retrouverait le petit.

    Puis, il y a trois jours, nous avons rencontré des collègues de la Société. Leur galion faisait un long détour pour arriver à Courage, afin d'éviter ce qui ressemblait à un combat au loin, entre un brigantin correspondant à la description de celui que nous cherchions et une caravelle de voyage échouée contre des rochers. Toutes voiles dehors, notre navire est arrivé bien longtemps après le combat, qui d'après les traces, avait dû être violent, mais rapide. L'un des deux navires, clairement la caravelle, était détruit, le pont central et le gaillard d'avant s'étant déjà enfoncé dans les tréfonds. Aucun signe de vie, les trésors disparus, et l'équipage de la caravelle, soit rendu à Kaiyo depuis longtemps, soit prisonnier. Nous tenions notre chance. Le brigantin où avait embarqué Elnael devait être chargé comme jamais, et nous pouvions le rattraper. Du moins, c'est ce qu'on s'était dit, il y a trois jours.

    Mais aucune trace d'eux depuis lors, et me voilà à la vigie, à faire montre de mes sens surdéveloppés pour essayer de les retrouver. J'ai peur qu'ils aient débarqué une partie de leur cargaison pour s'alléger. Et irraisonnablement, je me dis qu'ils ont préféré envoyer par dessus bord le jeune mousse qui vient d'arriver que les coffres remplis de pièces qu'ils ont dû récupérer. Tout le monde me dit qu'ils n'auraient jamais fait ça. Mais les autres n'ont pas tous été pirates comme moi. Ils ne savent pas de quoi ils sont capables.

    « Ayna ! Ayna. Je prends ta relève, c'est l'heure du repas.
    - Je n'ai pas faim.
    - Descends quand même. Ordre du capitaine.
    »

    Ils sont aux petits soins avec moi. Je dois compter pour eux, il faut croire. Pourtant je les ai abandonnés quand ils avaient besoin de moi. Piètre seconde. Je descends à l'échelle de corde et accepte en silence le bol que l'on me tend, où je trempe ma cuillère trois fois avant de décider que je n'avalerai rien de plus.

    « T'aurais pas passé ta vie sur un bateau, on pourrait croire qu't'as l'mal de mer. T'es toute blanche. »

    Je souris à Yorak, le cuisinier et chirurgien de ce navire. Ce double poste lui convient à ravir, à lui qui adore se servir d'un couteau. Il se plait à faire croire qu'il a longtemps étudié la médecine à Justice avant de rejoindre l'équipage par amour de la mer, mais on sait tous que ses connaissances sont plus que rudimentaires. En tout cas, il se soucie assez de nous pour nous nourrir correctement et prendre soin de notre santé tant qu'il le peut. Et en cas de combat, je préfère avoir son coutelas de mon côté que de celui de l'ennemi.

    « J'vais bien. Pas beaucoup dormi cette nuit, c'tout.
    - Bah tu f'rais bien d'commencer, ma grande, parc'que quand on va retrouver ton n'veu, tu vas avoir b'soin d'toutes tes forces pour lui foutre la branlée d'sa vie, histoire qu'il recommence pas.
    - Ah ouais, on r'tourne pas le chercher sur toutes les mers du Sekai une seconde fois hé !
    - Tais toi Trois-Doigts, personne t'a causé à toi !
    - J'parle si j'veux !
    »

    Trois-Doigts, c'est le nombre qu'il lui reste à chaque main. Il s'occupe de l'entretien du bateau, c'est un artisan sans pareil, même s'il y a de quoi se poser des questions quand on sait qu'il a perdu ses doigts en coupant une poutre. Il aime à dire que c'était au cours d'un combat épique dans une taverne à Ikusa. Mais le capitaine Brooke m'a raconté la vérité un soir. Lui et Trois-Doigts se connaissent depuis longtemps, ils étaient mousses ensemble sur leur premier brick, donc il connait l'histoire. J'ai rien dit, parce que ça fait partie de sa légende, mais ça me fait sourire à chaque fois, depuis que je suis au courant. Les gars sont sympas, ils essayent de me changer les idées. Je sens que ça va se lancer en petite bagarre pour le spectacle, histoire de détendre l'atmosphère, alors je m'apprête à les séparer, mais tout à coup, Lileth, la jeune femme qui m'a supplanté à la vigie, pousse un cri.

    « Navire à bâbord ! »

    Immédiatement, tous ceux sur le pont s'interrompent et se précipitent vers le bord pour apercevoir le minuscule point blanc au large. Sans difficulté, pour ma part. Je confirme, avec ses deux mâts et son unique pont, qu'il s'agit bien d'un brigantin, et mon coeur rate un battement. Le capitaine Brooke remonte alors de sa loge et son unique bleu capte mon regard. Un fugace sourire me salue, et il hoche de la tête avant de lancer des ordres pour que tout le monde sache quoi faire. Très bientôt, nous aborderons le navire. Très bientôt, Elnael sera de nouveau à mes côtés. Pour l'heure, je me contente de faire suivre les ordres du capitaine et d'organiser l'équipage qui se met en mouvement pour gonfler les voiles et rattraper l'autre navire. J'arrive, mon petit dragon.

    ~~~

    Trois jours plus tôt

    Les rescapés de la caravelle sont assis à même le sol sur le pont du brigantin, les matelots leur amènent des couvertures, ou font passer une bouteille de rhum, afin qu'ils se réchauffent. Entre eux, un jeune garçon de treize ans, la peau hâlée, les cheveux bruns frisés, le regard déterminé mais rempli d'ombres. Soudain, il s'arrête devant un homme à peau noire, et ses yeux bleus s'écarquillent. Un million de questions lui traversent la tête.

    « Toi ! C'est toi que je cherchais ! Comment... comment t'appelles-tu, maintenant ? »

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    Camille Anshin
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  • Dim 1 Oct 2023 - 18:29
    La chétive caravelle s’éloignait du littoral républicain dans un nuage d’écume, découpant la mer d’huile comme un ouvre-lettre contre l’immensité azure. Dissimulé sous un large chapeau ceint d’un ruban coloré aux armoiries de la compagnie Serre-vieux organisant l’évènement prenant actuellement place sur le pont rutilant du vaisseau, Camille observait d’un œil prudent les paillettes humides qui en caressaient les flancs, reflétant joyeusement l’éclat du soleil. L’astre, encore généreux à l’aube de l’automne, balayait l’horizon de sa chaude lumière, faisant scintiller l’étendue marine et resplendir la nef. Coquettement parée pour l’occasion, cette dernière n’en était que plus triomphante sur son podium marin. Et l’ombra, que plus contrarié. Son aura de ténèbres s’était réduite à peau de chagrin, se fondant désespérément contre ses formes pour échapper à la morsure de cette royale luminosité, et il hésitait franchement à en imiter la hardiesse en allant se réfugier dans l’obscurité du ventre du navire. Son estomac cependant, préférait sans équivoque l’air frais qu’apportait l’exposition à la brise, et aux lueurs, océaniques. Il semblait qu’après plus d’un millénaire majoritairement terrestre ses entrailles étaient peu enclines aux humeurs houleuses de l’embarcation.  

    - N’oubliez pas de vous inscrire à notre prochain séminaire, comme de souscrire à notre revue spécialisée. Huit pièces d’or au lieu de dix, oui monsieur, une belle promotion pour nos plus prompts adhérents. Une offre limitée néanmoins, profitez-en ! Tout à fait madame, huit pièces par revue. Exemplaires limités à une trentaine par trimestre. Vous trouverez que son support en cuir de champa, verso fourrure, vous donnera toute satisfaction pour les longues soirées d’hivers à venir, tandis que son contenu sélectionné ravira l’esprit cultivé que vous êtes. Mais reprenez donc un peu de liqueur de fouettard avec votre toast, vous verrez ça éclaircit les idées ! Non, non, ce n’est pas du Casris ; il serait indélicat de lever le verre à l’excellence de nos produits pharmaceutiques avec la production de la concurrence. D’autant plus que j’ai là un excellent fournisseur de spiritueux, peut-être seriez-vous intéressés par quelques caisses de son vin blanc ? Laissez-moi vous faire goûter. Non, vraiment, j’insiste.

    Attrapant machinalement la flûte qu’on lui tendait alors que l’équipage s’affairait à déplacer un couple de tonneaux gravés d’un blason que Camille ne connaissait guère, le professeur s’arracha à la contemplation de leur hôte pour s’éloigner de la dégustation spiritueuse et gagner l’exposition installée à quelques pas. Là, pharmacopée en tout genre s’étalait le long de tables astucieusement apprêtées, présentée comme autant de richesses et d’opportunités aux yeux des intellectuels comme des investisseurs. Une vitrine aux onéreux articles savamment vantés par une équipe commerciale équipée d’un verbe attrayant et d’amuses-bouches pas moins alléchants. Le parfum des mets sophistiqués et des alcools vigoureux s’alliait à l’iode de la brise marine pour envelopper la caravelle d’une ouate de volupté, propice à l’élévation des âmes et l’allègement des bourses. Plus intéressé par le buffet gastronomique que la possibilité de s’endetter, l’ombra se saisit de l’entièreté du plateau qu’un serveur lui présentait, et poursuivit sa route jusqu’au bastingage sous le regard interloqué de celui-ci. Après de longues observations plus tôt dans la matinée, alors que le soleil rendait moins malaisée sa présence sur le pont, dans son intensité sourde aux démonstrations fébriles de l’hôte du séminaire, il avait conclu qu’il n’y avait là que l’étalage d’un savoir-faire surestimé, et que l’établissement qu’il représentait n’aurait rien à gagner à développer un partenariat avec la compagnie Serre-vieux. A part, peut-être un jour, un scandale.

    Il s’écoula ainsi une poignée de minutes, puis quelques couples d’heures, et alors que rougeoyaient sur l’horizon les flammes du crépuscule la caravelle mouilla à proximité de rochers dont le groupement, s’il suffisait à briser les vagues légères, serait rempart bien fragile si la houle s’accentuait. Le temps, cependant, était annoncé au beau fixe par les connaisseurs du coin, et rien ne pouvait essouffler l’enthousiasme de leur hôte bien déterminé à pousser le séminaire à son paroxysme. Depuis le siège où Camille avait trouvé refuge, les voiles y ayant projeté la journée durant une ombre salvatrice, il était ainsi aux premières loges pour observer l’onde quelques mètres plus bas, et s’intéresser à l’activité présente. Des lignes avec appâts avaient été mises à l’eau, et l’on attendait maintenant que le dernier invité de la session daignât montrer le bout de son nez. Après différents exposés scientifiques tenus par quelques savants grassement rétribués pour leur participation au séminaire, la présentation de leurs nouvelles gammes pharmaceutiques ainsi que de leurs projets par l’hôte de Serre-vieux, la journée devait s’achever par la démonstration de produits à usage animal. Et si son œil serait certainement moins alerte que celui de son collègue de la branche vétérinaire de Drakstrang – qui aurait dû l’accompagner mais qui avait eu un empêchement de dernière minute – l’ombra était curieux de l’expérience en cours. Sur ses genoux, le plateau de petits fours qu’il avait contemplés des heures durant sans les manger – son estomac s’y opposant encore – gisait presque totalement oublié.

    - Ces messieurs dames reprendront bien un peu d’hydromel de belle de jour, une cuvée printanière exceptionnelle. Avez-vous goûté nos autres produits de la ruche ? Vous n’êtes pas sans connaître les multiples propriétés de ces articles et notre partenaire… Mais voici sans plus attendre le moment que vous attendiez tous, l’acmé de notre journée sous la bannière du savoir. Bientôt, chers experts du Sekai, vous observerez l’efficacité inégalée de… Non, bien entendu madame, ces espèces ne sont pas dangereuses pour nous, Jean-Philippe ici présent y a veillé. Nous n’en sommes pas au coup d’essai. Oui, monsieur ? Effectivement, c’est que nos appâts ont été particulièrement efficaces, à l’image des différentes gamme proposées par Serre-vieux. Jean-Philippe, indiquez donc à l’équipage de retirer ceux-ci, nous avons amplement de quoi… Non, non, ce n’est pas… Vous avez raison, c’est bien là un tentacule. Jean-Philippe, éloignez cet indésirable du reste de… Par Dangshuan… Jean-Philippe ! Hâtez-vous d’écarter l’abo… le mollusque, il va importuner la démonstration de… N’ayez crainte, monsieur, après ce léger contretemps vous pourrez observer que… Jean-Philippe, hâtez-vous, nos sujets s’échappent pour… Que voulez-vous dire « il n’y a pas de poissons, mais que l’ombre des tentacules qui encerclent le navire » ? Une petite contrariété, messieurs dames, goûtez-moi donc ce rouge de l’an -2, le temps que nous rectifions…

    La caravelle fut prise d’un soubresaut, et le murmure des voix circonspectes se mua en clameurs inquiètes. L’équipage, désintéressé des invités comme des représentants de Serre-vieux, s’affairait vivement pour tenter de reprendre le contrôle de la situation. Le capitaine, qui jusque-là sirotait tranquillement le verre de liqueur que la compagnie avait glissé entre ses mains, aboya une série d’ordres dont le tranchant fit pâlir la savante société. Particulièrement distrait par le développement de la situation, Camille se pencha davantage par-dessus le bastingage. L’eau s’était assombrie dans un gargouillement menaçant, faisant deviner de longs corps courant sous la surface agitée. Le navire chancela de nouveau, ébranlé par ces appendices venant s’enrouler brutalement contre son galbe, et la panique s’installa à son bord. La fastueuse expédition, dans son orgueil, avait acheté la diligence de l’équipage mais non sa compétence, et émoussé l’esprit de tous, ou presque, sous des barriques de spiritueux généreusement distribuées. Et des diverses substances proposées. Après tout, il est toujours intéressant de savoir ce qu’on administre à sa charge.

    - Jean-Philippe, dirigez ces mesdames et messieurs vers l’embarcation de sauvetage. Une simple mesure de précaution, je vous assure, le temps que ces braves gens… Comment ça, je vous ai dit de « la décharger au port car cela altérait l’aménagement et l’harmonie visuelle du séminaire » ?

    La réponse de Jean-Philippe se perdit cependant sous la plainte du bois qui se rompt, et l’univers se fissura tout entier. La coque de la nef, malmenée par les ventouses qui l’avaient saisie, se brisa contre le récif vers lequel elle avait été poussée, pour s’éventrer complètement sous l’action des hargneux tentacules. Dans un nuage d’échardes, de petits fours et de poussières pharmaceutiques, les corps furent propulsés vers les bourrasques marines ; les plus adroits activant leurs dons pour adoucir leur chute, Camille observant avec curiosité le plateau sur ses genoux effectuant un élégant volplané avant d’égrener les amuses-bouches qui le surplombaient. Occupé à contempler leur déliquescence dans l’eau tourmentée par un aboleth quelque peu revêche, il laissa instinctivement son aura d’ombres s’étirer autour de lui pour l’entourer de filaments protecteurs. Distraitement, comme les canapés s’éparpillaient sous les courants propulsés par les tentacules alentours, il enregistra la fraicheur marine s’engouffrant entre les mailles de sa tunique, et son étrange insouciance à refaire surface. Cette singularité ne le marqua qu’une poignée de minutes plus tard lorsque, sous l’impulsion d’un appendice vindicatif, il fut éjecté de l’océan tourmenté pour s’écraser contre un rocher.

    Déboussolé malgré l’ombre ayant en partie amorti sa brutale émersion, il lui fallut de pénibles secondes pour comprendre qu’alors que ses poumons retrouvaient l’air libre, ils peinaient à respirer. Ses songes effectuèrent un aller-retour vers la bête qui était venue à eux, vers les petits fours qui n’étaient plus, et vers le reste de l’équipage qui devait être pris à ses propres difficultés funestes. Et puis, il se libéra du poison de l’aboleth, puisant dans des ressources qu’il ne voyait pas intérêt à conserver. Fervent adepte de la deuxième règle des FMR, il était d’autant plus motivé à l’inaction qu’il n’avait pas le souvenir ni de concitoyens, ni de futures recrues pour l’université, à bord de la caravelle. Après avoir trouvé un relief moins inconfortable et vaguement protecteur de l’ire de la bête, Camille attendit. Dommage qu’il n’eût plus à portée de main les savoureux canapés, le spectacle était grandiose.

    Le matin trouva les rescapés échoués sur le banc rocailleux, certains la tête sous l’eau s’ils avaient été atteints du mucus de l’aboleth, d’autres vainement emmitouflés dans les couvertures détrempées qu’ils avaient réussi à glaner dans les décombres laissés par l’animal. D’autres, encore, sous couvert de se réchauffer mutuellement et de vivre comme s’il s’agissait du dernier jour, probablement encore bien avinés, s’adonnant à des activités que la décence nous invitera à ne pas détailler. Camille, en revanche, ayant perdu la distraction de l’agonie du navire et de son équipage, contemplait avec intérêt cette ardeur des corps.

    - Ecoutez monsieur, j’entends votre mécontentement, mais soyez rassuré du fait que Serre-vieux vous dédommagera gracieusement de cet incident, même s’il ne pouvait en rien être prévisible. La perte de votre chère et tendre ? Vous m’excuserez, mais quelle idée d’aller en séminaire au lieu d’aller à la taverne comme tous les couples… Jean-Philippe, donnez à monsieur ce que vous avez récupéré de la mallette de démonstration. Pour votre deuil, oui, oui. Avalez la poudre d’un coup, vous verrez, ça vous fera du bien. Et vous me ferez moins chi… Voile à l’horizon ! Ne vous assurais-je pas que la compagnie aurait tôt fait de venir à notre secours ? Jean-Philippe, faites leur signe et aidez nos invités indisposés à émerger. Comment ? Faites preuve d’un peu d’initiative, Jean-Philippe, j’ai de plus pressantes obligations. Serre-vieux doit absolument récupérer un maximum des investissements dispersés par ce naufrage…

    Serre-vieux, cependant, ne récupérerait probablement rien du fiasco du séminaire marin. Le navire qui vint à leur rencontre, sans doute mené jusqu’à eux par le ruban de richesses étiré au gré de l’incessant mouvement de l’onde, n’offrit qu’une oreille peu intéressée aux revendications du représentant de la compagnie pharmaceutique, bien qu’il accueillît à son bord l’ensemble des rescapés – offrant même des bassines d’eau à ceux n’ayant plus que la capacité de respirer dans celle-ci. Attrapant machinalement la couverture qu’on lui tendait, Camille songea que leurs bienfaiteurs étaient certainement plus intéressés par la petite fortune éparpillée par l’aboleth ainsi que par la perspective de faire cracher à la firme quelques ronds d’or en échange des secourus. Sur ce second point, il n’était cependant pas certain qu’il fût vraiment dans les intérêts de celle-ci de les retrouver vivants ; le silence des morts était plus facilement utilisable que la parole des vivants.  

    Une voix d’adolescent, soutenue d’émotion, appela son attention tandis qu’il se demandait s’il n’était pas à l’aube d’un nouveau changement dans sa vie, et son regard sombre accrocha des courbes juvéniles. L’enfance se lisait encore dans les traits du garçon, arrondissant son visage et adoucissant sa carrure. Au Reike, il aurait certainement eu l’âge de se soumettre aux cinq années d’enseignement général. Ses cheveux, couronne de boucles brunes virevoltant sous le joug de la brise marine, l’auraient alors quelque peu gêné dans son apprentissage martial et, peut-être, sous l’influence de ses camarades biberonnés aux faits d’arme, aurait-il transitoirement opté pour un rasage intégral, laissant apercevoir l’entièreté du hâle de sa peau. Une couleur mâte, miroir à celle de l’enseignant, mais bien plus veloutée néanmoins. La lumière du soleil avait ses vices, mais aussi ses vertus. Lentement, le regard d’ombres chercha les arrêtes, les creux et les bosses de ce derme infantile, les cicatrices et l’harmonie qui pourraient lui conter les aventures de l’adolescent. La singularité du mana qui émanait de lui évoquait une nostalgie imparfaite que Camille ne remettait pas, et il laissa le senseur quitter ses yeux pour étudier ceux, d’une clarté presqu’insolente, de son vis-à-vis.

    - Qui es-tu ? demanda-t-il avec curiosité, ayant complètement oublié qu’on lui avait précédemment posé une question relativement similaire. Tu veux la couverture ? ajouta-t-il pensant que c’était peut-être pour cela que le garçon l’avait interpelé plus tôt. J’ai froid, poursuivit-il, comme si cela clôturait la possible requête qui lui était adressée, resserrant d’un geste possessif le drap autour de lui.
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  • Mer 25 Oct 2023 - 17:42
    « Non, non, je ne la veux pas... mais je... tu... vous ne comprenez pas... je vous cherche... on se connaît... enfin... je crois...
    - Arrête de papoter, moussaillon, t'as encore des patates à éplucher en cuisine ! Si tu traînes encore longtemps comme ça t'seras d'corvée de nettoyage au pont c'soir !
    »

    Le gamin gromelle, et ses yeux suppliants tournés vers l'objet de ses recherches espèrent de tout cœur qu'il va le reconnaître, qu'il va le retenir, et surtout, qu'il pourra répondre à toutes ses questions. Mais c'est peine perdue, alors Elnael lâche l'affaire. Il ne tient pas à passer par les coups de fouets. Ayna lui a dit que c'est comme ça que les capitaines se faisaient respecter, chez les pirates. Et il ne peut pas faire autrement que de la croire.

    Ça fait mal, de penser à sa tante. Deux mois qu'il ne l'a pas vue. Mais c'était trop douloureux. Quand ses souvenirs se sont réveillés, d'un coup, Elnael n'a pas pu faire autre chose que fuir. Cent cinquante ans de souvenirs de sa vie précédente, qui sont apparus fugacement dans son esprit. Dur de faire le tri, de les comprendre, de les assimiler. Mais le plus dur, c'est celui qui est le plus vivace. Cette Ombra mourant dans ses bras, une plaie béante sur son torse, sa dague plantée en son sein. Comment sait-il que c'est la sienne ? Il le sait, c'est tout. Et comment sait-il que c'est Ayna, cette Ombra ? Il le sait, c'est tout. C'est son regard, ses grimaces, sa façon de parler.

    Elle lui a dit, sa tante, qu'elle était Ombra dans une autre vie, mais qu'elle n'avait presque aucun souvenir. Il l'a déjà suffisamment mise en colère pour voir apparaître les stigmates de son ancienne vie, cette peau qui noircit anormalement. C'était elle, c'est sûr. Il se souvient de ce dernier geste avant de mourir, alors qu'elle absorbait une lumière non loin. Une Ombra qui manipulait la lumière, mais quelle idée. Il ne pensait même pas que c'était possible.

    Alors il a fui. Il a fui, parce que dans une autre vie, il est convaincu d'avoir tué sa tante. Mais il avait besoin de réponses. Il fallait retrouver l'ami de l'Ombra. C'est confus, mais il se souvient d'avoir parlé avec lui, longuement. Un Ombra aussi. Il maniait les ombres, dans son autre vie, et cet homme avait été son instructeur. Ils s'étaient faits maintes confidences, et il avait appris qu'il avait changé de nom plusieurs fois. Possible que ce soit encore le cas. C'était avant qu'il tue son amie. Enfin, il croit. Elnael a parcouru le continent, sans but précis, avant d'embarquer dans ce bateau pirate. Il essayait probablement de se raccrocher à sa vie actuelle, par ce geste. A redevenir cet adolescent de Kaizoku, loin de son autre vie et de ses mystères. Il fallait que l'Ombra aux réponses apparaisse sur cette caravelle, évidemment, car le destin s'acharne.

    Et puis, comble de son infortune, il y a cette ombre, qui le suit continuellement depuis cette nuit fatidique où ces souvenirs confus sont revenus. Son ancien pouvoir réveillé, incontrôlable. Il ne sait comment la résorber, alors il la cache. Elle est docile, elle accepte de rester dans la pénombre, tant qu'elle est près de lui. Sans forme particulière, cette ombre ne le lâche pas. Comme la culpabilité et l'incompréhension qui pèsent sur ses pauvres épaules d'adolescent.

    Parti éplucher les patates, Elnael est pensif. Il ne l'a pas reconnu, lui-même ne se reconnaît pas, à vrai dire. Comment l'aborder, dans ce contexte ? Comment lui parler, lui expliquer, lui demander... Son couteau glisse et vient entailler légèrement son pouce, le sang coulant à grosses gouttes sur le seau rempli de pommes de terre fraîchement épluchées.

    « Roh, mais qui est-ce qui m'a foutu un gamin aussi inutile bordel ! Même pas foutu d'éplucher des patates ! Dégage de là, t'vas tout dégueulasser avec ton sang ! Va t'trouver du boulot ailleurs, je n'veux plus t'voir dans ma cuisine ! »

    Dégagé de là d'un grand coup de pied au derrière, l'enfant se dépêche d'aller se cacher dans la cale, derrière un tonneau où, après avoir déchiré un morceau de sa chemise, il se fait un bandage de fortune autour du pouce. Entendant des pas descendre les escaliers, le jeune garçon se recroqueville dans son coin, tentant de se faire le plus petit et insignifiant possible. Deux hommes, le pas lourd et peu assuré, commencent à fouiller entre les paquetages, visiblement à la recherche de quelque trésor qui leur échappe des doigts...

    « Mais où... où ce qu'il est... oussekilé... héhé... oussekilélé ce foutu... hic !... oussekikilélé c'foutu... roooooh mais ! »

    Mince, est-ce lui qu'ils cherchent, ouvrant les tonneaux les uns après les autres ? Ils vont bientôt arriver à lui... Il a fui ses tâches, à lui les coups de fouets... Le garçon ferme les yeux, peut-être que ça les fera disparaître. Mais un hoquet de surprise suivi d'un grognement de satisfaction de la part des deux pirates les lui fait réouvrir. Ils sont à à peine deux mètres, le moindre mouvement le fera repérer. Il retient sa respiration, avant de s'apercevoir que son ombre se balade entre les tonneaux, sans porter grande attention à la discussion entre les deux pirates.

    « C'est çui là, r'gard' ! C'ça qu'le cap'taine s'est mis d'côté, c'est c'qu'ils... c'qu'ils boivaient sur l'aut' bat... bateau !
    - Ouiiiiiii... chuut... ouiii... la liqueur de... foufou... foufouette ! Chut ! Le capitaine ! Il va nous entendre !
    »

    Ils s'immobilisent une demie-seconde avant de décider que ce craquement que l'on vient d'entendre n'est pas symbole de danger. Elnael, lui, essaye de faire signe à son ombre de le rejoindre, mais sans grand succès. S'il savait se servir de son pouvoir...

    « Vite, vite... faut goûter... j'veux pas mourir... j'veux pas mourir sobre !
    - Ouais hein... t'as entendu le capitaine... On est pris en course... par un... un... ch... béchec de la Sotiécé, c'est ça ?
    - Non un... un béchec, pas un béchec !
    - Beh c'est c'que j'ai dit !
    - Beh nan t'as dit béchec !
    - C'toi qu'a dit béchec ! T'veux mon poing dans ta goule ?
    - Chuuuuuut le capitaine !
    »

    Ils se retournent d'un même mouvement, pour se retrouver face à face avec l'ombre. Dans l'incompréhension de leur niveau élevé d'alcoolémie, ils ont incapable de mettre un mot sur ce qu'il y a devant leur yeux, et ne font que répéter en boucle "béchec". Si bien qu'Elnael finit par comprendre. Béchec... Chébec ! Ayna ! Le capitaine Brooke !

    « Le cap'taine... veut larguer du poids... l'alcool... mais ptet qu'on d'vrait larguer les otages... ce s'rait... hic !... bien plus produc...podruc... ptorucdif !
    - Aye ! On n'a qu'à les j'ter p'dant la nuit, quand tout l'monde dort... et comme ça, plus de pinard pour nous ! Un ou deux, pas plus, ça devrait suffire...
    - Héhé t'es un... hic !... génie toi !
    »

    Il faut qu'il aille le prévenir, mais sans se faire remarquer. Et si possible, avant que les deux poivrots passent à l'acte. Même si, le temps de décuver, ça lui laisse le loisir de trouver un plan.

    Dès qu'il réussit à sortir de là, Elnael se précipite vers les quartiers des matelots, un endroit un peu plus sec de la cale où des lits et des hamacs sont entreposés pêle-mêle, et où chacun s'est fait un petit coin dans lequel il range ses affaires. Ici, un tonneau éventré, là, une cache derrière une latte décrochée. Pour Elnael, qui vient à peine d'arriver sur le bateau, il s'agit tout juste de son sac à dos, planqué derrière des caisses de transport. Il y attrape une couverture dont il se sert pour dormir la nuit et une petite dague, et remonte silencieusement sur le pont, où l'agitation est retombée, chacun vacant à ses affaires. Les otages sont désormais attachés les uns aux autres, après avoir mangé et s'être séchés, et leur position de prisonniers ne fait plus aucun doute, même pour les rares qui imaginaient encore qu'ils avaient été sauvés de bonté de cœur.

    Avançant dans le crépuscule, Elnael distingue rapidement l'homme qu'il recherche. Mince, mais comment s'appelait-il, déjà... Impossible de retrouver. Qu'importe. Ce n'est pas le moment. Il pose un doigt sur sa bouche et lui montre la couverture et la dague. C'est en chuchotant qu'il s'adresse à lui après.

    « Une couverture pour le froid. Il faut que vous me suiviez, c'est dang... »

    Les autres otages le regardent fixement. Il s'interrompt.

    « Le capitaine veut vous voir. Personnellement. »

    Un excellent menteur. Il a appris auprès d'une grande menteuse, il faut le dire. Et elle arrive pour le chercher. Mais il lui faut des réponses, avant de pouvoir affronter son regard. Le mieux, ce serait qu'il réussisse à s'échapper avec l'Ombra, dont il est en train de détacher les liens.

    Toujours en silence, à moitié accroupi - oui oui, le capitaine veut le voir, mais discrètement -, il l'entraîne vers sa cachette derrière les tonneaux de rhum et autres alcools pillés. Une fois installés, et s'être assurés qu'il n'y a personne dans cet espace... il balbutie. Que dire ? Comment lui expliquer ?

    « Bon bah euh... c'était pas pour voir le capitaine, hein, qu'on est venus ici... mais il y a deux matelots, euh non... des artilleurs je crois... je sais plus... bref... ils veulent jeter des otages par dessus bord, et je... il fallait que je vous parle... parce qu'on... j'ai des questions et... roh mais lâche moi toi à la fin ! »

    "Toi", c'est son ombre, qui le colle depuis qu'il a commencé à parler. Celle qu'il s'est efforcé de cacher autant que possible, jusqu'à maintenant. Ses yeux bleus lumineux s'écarquillent quand il les repose sur l'Ombra. Mince. Ça va être encore plus compliqué à expliquer, maintenant.
    Citoyen du Reike
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    Camille Anshin
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    Race: Ombra
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    qui suis-je ?:
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  • Jeu 2 Nov 2023 - 17:04
    Emmitouflé dans la couverture qu’on lui avait fournie, Camille mordillait son quignon de pain en observant le ballet de l’équipage les ayant repêchés. Sur son dos, le drap de fortune diffusait une odeur âcre de moisissure qui aurait tôt fait d’imprégner ses vêtements humides, mais à choisir entre le froid et la puanteur, il préférait encore cette dernière. Ses pérégrinations passées dans les égouts de Liberty avaient offert une certaine tolérance à son odorat. Sa propre résignation à l’inconfort olfactif n’était cependant pas partagée par l’ensemble de ses congénères, et certains s’étaient promptement défaits des linges fétides pour leur préférer la brûlure échauffée de l’alcool. Là encore, cependant, la déception avait grignoté le soulagement initial, les arômes du breuvage évoquant davantage le nettoyant antiseptique que la bulle millésimée. Le palais et les corps des invités de Serre-vieux étaient habitués à un confort bien autre, et l’écho du mécontentement avait doucement enflé dans les rangs des secourus. Quitte à être sauvé, autant l’être correctement !

    La réalité s’était cependant abattue sur les revendications du groupe, en même temps que le poing d’un de leurs hôtes contre la tempe d’un scientifique quelque peu exigeant, et toute notion de sauvetage bienveillant au nom de l’abnégation glorieuse s’était dispersée au gré de la brise marine. Les regards avaient perdu leur assurance joyeuse, et planait à présent au-dessus des repêchés, en plus du parfum des couvertures miteuses, le doute et l’effroi. Une ambiance des moins jouasses à laquelle Camille était formidablement imperméable. Non, occupé à observer les plus assurés, et possiblement aisés, de ses congénères tenter de négocier avec les forbans leur libération personnelle, il appréciait le développement surprenant de cette croisière qui virait d’ennuyeusement instructive à dangereusement imprévisible. Drakstrang accepterait-elle de fournir la rançon qui ne manquerait pas à lui parvenir avec les notes de frais du médecin pour le séminaire ? Probablement pas ; le salut du professeur résidait certainement davantage dans la bonté, la crédulité ou l’incompétence de l’un des brigands présents.

    Alors que le crépuscule s’avançait au contact de l’océan, embrasant le ciel et projetant de longues ombres effilées sur le pont du navire où les prisonniers attendaient sous l’œil pas toujours vif de leurs sauveurs devenus bourreaux, Camille poursuivait sa sélection des âmes les plus à-même de le sortir de cette situation, bien qu’intrigante, inconfortable et précaire. Trois de ses congénères avaient déjà tenté leur chance auprès de certains pirates, et se dessinait progressivement le schéma des esprits conquis, corruptibles, et indifférents. Ainsi que celui du pourcentage d’êtres aux veines remplies de vin, et n’ayant d’yeux que pour l’alléchante cargaison de spiritueux récupérée du naufrage de Serre-vieux. Courrait d’ailleurs la rumeur qu’un autre bâtiment avait eu vent de ce recèle, et qu’une course féroce venait de débuter pour déterminer qui garderait la main sur ce trésor liquide. Au glissement preste du vent contre les courbes du brigantin, découpé net par l’allure vive du navire, il était à parier que leurs crapuleux hôtes n’étaient pas prêts à céder leurs trouvailles. Avec un peu de chance, ce jeu de poursuite serait à l’avantage de Camille, non seulement en possibilités de libération mais aussi de distraction.

    Ou peut-être que les deux lui viendraient de l’adolescent de plus tôt.

    Apparu fugacement à son arrivée sur le bateau, le médecin aurait pu l’oublier tout à fait si le souvenir de cette aura particulière, familièrement inconnue, ne lui était pas resté comme l’empreinte vaporeuse, douce et éphémère, d’une embrasse. Peut-être l’enfant était-il la progéniture d’une de ses nombreuses connaissances. Peut-être l’avait-il déjà croisé en d’autres temps et d’autres lieux, au cours de ses innombrables errances. Dans tous les cas, il disposait là, de manière tout à fait fortuite, d’une possible porte de sortie. Attrapant la couverture supplémentaire et laissant le jeune matelot le défaire de ses liens, il le suivit sans difficulté jusqu’à la cale, où ce dernier semblait avoir ses habitudes. Discrètement, puisqu’apparemment c’était le mot d’ordre. A part pour l’ombre indomptée qui s’était jointe à leur tête à tête.

    - C’est la tienne, nota Camille, du ton où régnait la certitude.

    Soutenu par le senseur, pour l’homme au regard sombre il n’y avait là aucun doute. Répondant aux émois de l’adolescent, telle un miroir évanescent, la brume de ténèbres dansait d’un pas malhabile, tantôt fougueux et déterminé, tantôt prudent et hésitant. S’étiolant ou s’épaississant sans autre consigne évidente que celle de l’agitation du garçon. Répondant à ce chaos noir d’émotions, l’obscurité du médecin gagna en consistance contre son derme et s’étira langoureusement à travers la pièce, prenant garde à ne pas faire complètement sien l’espace limité de la cale. Contemplant un temps son vis-à-vis juvénile, elle se rassembla finalement pour s’en faire le reflet. Jouant à l’imiter, apprenant à le déchiffrer.

    - Elle est mal éduquée, observa le professeur d’un œil critique. Elle ne t’est d’aucune utilité, voire dangereuse, si tu n’apprends pas à t’en servir comme l’extension qu’elle est de toi.

    Ses yeux d’obsidienne se reposèrent sur l’adolescent, étudiant à nouveau sa silhouette. Il avait l’air d’être humain, et rien ne devait faciliter le lien à son ombre comme un ombra. Il avait l’air d’être seul, aussi, car pourquoi se serait-il aventuré à libérer un inconnu dans le secret de ses camarades ? A moins que le médecin ne fût en réalité en train de plonger droit dans un piège fomenté par quelques têtes pensantes tapies dans les recoins du brigantin. Après tout, on en voulait de toutes sortes de manières au corps enseignant.

    - Depuis quand as-tu développé ce pouvoir ? T’es-tu entrainé à le manipuler ? As-tu un enseignant, un tuteur ou un parent, pour t’aider dans cette tâche ?

    Parce que la curiosité de Camille et son penchant pour le divertissement en tous genres dépassaient tout sentiment d’inquiétude qu’il avait, de toute façon, assez bien enterré, la menace d’un possible danger était loin d’obtenir son attention. Actuellement, elle était toute penchée sur le garçon aux grands yeux clairs.

    - Que sais-tu de la magie ? demanda-t-il d’un ton neutre, clairvoyant quant aux préjugés et croyances circulant à travers le Sekai, parfois étonnants d’exotisme et de bêtise.

    Dans un monde où la circulation du savoir éclairé était l’apanage de certaines strates de la société, les superstitions et la mésinformation coloraient allègrement le quotidien. Chaque nouvelle année scolaire lui en apportait la preuve, si bien qu’il avait fini par réaliser pour ses nouveaux élèves une liste bibliographique de sources démontrant notamment qu’aucun pouvoir médical ni procédé pharmaceutique n’agrandissait sainement et de manière pérenne l’appendice pelvien de la gent masculine.
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