La tentation sauvage de repartir sur les routes. De réprimer ce nœud au creux de son estomac pour prouver sa valeur. Hantée par des contradictions éphémères comme seuls savent en être tributaires les humains. Des aléas bien plus grands dans l’univers Valsen autour duquel elle gravitait, dont elle tente de se départir, s’étant découvert une conscience. Vivre dans le mensonge aurait été aisé mais l’esprit est retors et préfère torturer l’individu plutôt que de le laisser en paix. Echec cuisant lors son escapade en terres lointaines pour tenter de convertir le démon et conquérir. La raison revenue, elle s’est retirée Sinead et depuis erre entre quelques contrats locaux et des entraînements réguliers pour tenter de valoriser sa maigre estime d’elle-même.

Le matin frais emplit ses poumons d’un air bienfaiteur lorsque son pas habile martèle le sol sûrement trop fort, la belle ne faisant que peu d’importance des environs l’entourant. Ikusa la trop connue demeure son vivier mais la soif d’aventures ne l’a jamais quittée. Se construire seule, loin de cette fragilité qui lui reste en pensant à sa frivolité d’avoir un jour voulu renaître sous le nom Valsen et diriger les mines. Offrir la rédemption à ces esclaves désabusés serait plus pertinent et valorisant que les asservir davantage. Les yeux grands ouverts sur les affres du royaume, désormais prostrée devant le tableau d’affichage où demeurent les annonces de besognes quémandées. L’une d'elle attire son attention et elle décide d’y répondre en écrivant une missive au concerné. Ne voulant dépendre de ses parents pour rester libre, comme elle se l’est jurée. Ainsi, elle se présente à l’entretien demandé par Lòmion, troquant sa tenue citadine pour quelque chose de plus enclin à se retourner en cas d’attaque. Ses bottes serrent ses mollets, sa dague y trônant dans son étui. Ses cheveux ramenés en une tresse dont aucune mèche furibonde n’échappe. Sa tunique, ceinturée à la taille, porte la marque de son épée et de son arc, au cas où l’homme souhaiterait la tester.

Sinead s’avance vers le lieu du rendez-vous et patiente, s’annonçant tout de même lorsqu’elle se tient face à l’employeur ou peut-être l’un de ses sbires. « Je suis Sinead, je viens pour l’offre d’emploi proposée par Sieur Lòmion. » Les manières connues sur le bout des doigts de par son éducation exemplaire ressortent même après des années sans en user.

Chemin faisant vers l’aventure, Sinead se demandait encore si l’annonce lui permettrait de s’évader un instant du carcan étouffant d’Ikusa. Sommaires préoccupations lorsque l’esprit ne sait vers quoi se distraire. Pensées embrumées par l’envie de voguer seule mais mortifiées par l’échec. Ils furent nombreux et, malgré son jeune âge, demeurent des plaies pas encore cicatrisées. Invisible sur l’épiderme clair mais béant pour celui qui sait creuser. L’enjouée demoiselle pensant briller sur l’Empire Valsen n’est aujourd’hui qu’un château en ruines laissé par l’impact de leurs agissements. Elle aurait préféré, honteusement et fièrement fermé les yeux pour faire l’impasse de leurs dictats. L’avouer à voix haute lui aurait coûté mais c’est la franche vérité. Vivre dans le mensonge pour vivre heureuse. Elle avait pensé que la guerre l’aurait aidé à y voir plus clair mais c’est l’esprit éclairé par les propos d’autres qu’elle vit désormais. Sa tentative de s’expatrier fut aussi un non sens puisqu’elle rebroussa chemin et laissa ces « zombies » à asservir aux mains d’autres. Néanmoins, elle sait manier l’épée et l’arc et pourrait même se révéler très douée si elle se voyait avec des yeux neufs. Néanmoins, il n’est question de l’amputer alors…ses pas la conduisent vers ce salon de thé où ils doivent se retrouver.

La porte grince sur son passage, quelques paires d’yeux se dressent mais rien ne défige son expression empreinte d’une neutralité basique. Doucement, elle trouve l’intérêt de sa quête et la personne se présente comme un obligé de Sieur Lòmion. Logique, le brave seigneur ne se déplace que pour d’utiles conférences et non rencontrer le menu fretin. Un bref aperçu de son éducation où seuls les dignes méritent son intérêt. Le sourcil de Sinead s’arque, la colère presque palpable sur sa tempe mais celle-ci est éclipsée par ses mots tandis qu’elle s’assoit face à l’homme.

« Je vois. Oui, certainement. Quand il s’agit de survie, vous êtes le mieux placé pour veiller sur sa vie. Je comprends. » Elle ne put s’en empêcher et se mord la langue pour ne guère continuer sur ce chemin tortueux. Alors, tentant de se raviser, elle ajoute : « Le travail avant tout, c’est une belle philosophie de vie. » Un sourire feint nargue ses lèvres, sa franchise mise à rude épreuve mais elle acquiesce d’un hochement affirmatif de la tête pour partager du thé. Un breuvage qui adoucit sûrement les mœurs. « J’essayerai de répondre le plus précisément à vos questions bien que mes références soient maigres, je pense être à la hauteur de la tâche mais peut-être devriez-vous me décrire plus précisément en quoi consistera mon rôle. » L’intérêt certain pour l’emploi proposé, ses muscles se détendent et elle demeure moins raide sur sa chaise.
.