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    Anonymous
  • Ven 6 Jan - 18:56
    « Le joyau du désert », tel est le surnom de la capitale impériale. En ce qui concerne le désert, pas de doute possible : bordée par la plus aride et peut-être la plus vaste étendue désertique du Sekai, Ikusa mérite amplement cette première partie de son surnom. En revanche, « joyau » n’est pas nécessairement le terme que j’aurais spontanément utilisé pour compléter ce surnom. Trop… laudatif, peut-être. Pas assez martial, sans doute. Melorn est un joyau. Liberty aussi, dans un autre genre. Mais Ikusa me paraît mériter une autre épithète. Avec ses innombrables postes de garde, son palais à l’envergure démesurée et ses tours de guet qui se dressent comme autant de lances pointées vers le ciel, Ikusa ressemble plus à mes yeux à un soldat immense et féroce. Un soldat qui aurait d’un seul coup émergé du désert, armé, casqué et pressé d’en découdre.

    Je repense à Melorn, que j’ai quittée depuis déjà de longues semaines, et ressens un pincement au cœur qu’un elfe de mon âge ne devrait pas se laisser aller à ressentir. Quand on a plus de huit cents printemps, une telle sentimentalité est aussi disgracieuse que vaine. Toutefois, je ne peux réprimer totalement cet accès de tristesse. Les mille différences qui séparent la libre et lumineuse Melorn de la belle mais terrible Ikusa ne font qu’accentuer ma nostalgie. Alors que l’une d’elle est consacrée à la magie et à l’esprit, l’autre est dédiée à la force brute et à la guerre. Là où chez l’une s’élèvent les bibliothèques et les spires graciles, chez l’autre se dressent les forteresses menaçantes et les salles d’armes. Tandis que l’une est un vestige glacial et magnifique d’un empire perdu, l’autre est la promesse radieuse et brûlante d’un empire à venir. Et là où autour de l’une s’étendent les immenses étendues de neige du grand nord, chez l’autre règnent en maître absolu les infinies dunes de sable du sud profond.

    Ce sont à ces choses, et à bien d’autres choses encore, que je songe alors que je parcours les rues de cette ville si étrange pour moi, à la recherche d’une personne qui me permettra – avec un peu d’espoir – de rendre toutes ces choses plus familières à mes yeux. Une elfe de Melorn, tout comme moi, mais qui ne s’est pas laissée piéger dans la glace infinie qui englobe l’ensemble de la ville, et moi avec ; qui a préféré quitter le séjour bâti par ses aïeux pour construire sa propre vie, une vie différente, ailleurs ; qui est une elfe mais qui n’est plus une pierre de la libre et lumineuse cité, ayant préféré troquer sa citoyenneté elfique contre le tatouage distinctif du Reike. C’est un choix que je ne comprends pas, que je ne pourrai jamais comprendre. Pour moi, le monde s’est toujours résumé à la cité. A l’Empire. Mais même sans comprendre ce choix, je le respecte. Chaque elfe est libre de tracer son propre chemin.

    Mes pas me conduisent finalement jusqu’à l’auberge que Rizka m’a décrite dans sa dernière lettre, le « Moisson rouge de la guerre ». Je ne peux retenir un petit soupir de dérision. A Ikusa, même les noms des auberges sont menaçants.

    Après avoir poussé la porte du « Moisson rouge », je m’approche du comptoir, derrière lequel est campé un homme au visage couturé et aux bras aussi épais que les jambes d’un elfe moyen, c’est-à-dire deux fois plus que les miennes. Toutefois, malgré ses cicatrices intimidantes et sa carrure de boucher, l’homme – que je suppose être le propriétaire du lieu – réussit l’exploit d’avoir l’air aimable et même engageant. C’est en tirant sur son épaisse moustache grise et en m’adressant un large sourire qu’il m’accueille.

    « Bienvenue au « Moisson rouge », monsieur ! Que puis-je faire pour vous aujourd’hui ? »

    Je prends le temps de lui commander une bière avant d’exposer le réel motif de ma visite :

    « On m'a dit que Rizka séjournait ici. Rizka Aldeishan. Vous savez où je peux la trouver ? », demandé-je en prenant une gorgée de bière fraîche.

    Le visage de l'aubergiste se ferme imperceptiblement. Sans se départir de sa bonhomie, je sens qu'il passe sur la défensive. Visiblement, j'ai posé la mauvaise question. Où je l'ai mal formulée, peut-être.

    « Ca s'peut. Qui la demande ? »

    Je me mordille la lèvre inférieure, perplexe. Il me semple pourtant que ma question était inoffensive. Mon ancienne élève se cache-t-elle de quelque chose ? Ce ne serait pourtant pas dans le genre de la jeune femme que j'ai jadis connue, empathique et délicate, de se fourrer dans des affaires louches. Je suis en train de réfléchir à ma réponse quand j'entends tout à coup un bruit derrière moi, qui vient interrompre ma conversation avec l'aubergiste.
    Invité
    Invité
    Anonymous
  • Sam 7 Jan - 11:37
    La moisson rouge de la guerre
    Feat Aeglos

    16 décembre - an 3

    Décidément depuis qu’elle avait mis un pied hors de calme Kyouji, la jeune elfe faisait d’incessants aller-retour avec la somptueuse citée militaire. Cette fois-ci tout n’était qu’une question de paperasse et comme on le sait dès que cela touche l’administratif on en est bien vite réduit à se faire des nœuds à l’esprit. Heureusement, Rizka connaissait une personne influente, ce qui avait grandement aidé ses affaires mais avait malgré tout décidé de prolonger son séjour à Ikusa car en dehors du fait qu’elle y avait habité par le passé de plus en plus de raisons la poussait à y revenir.

    Cette fois-ci, il s’agissait de son ancien professeur, avec qui elle échangeait parfois des lettres. Ce dernier lui avait alors indiqué le souhait de se rendre au Reike, espérant y retrouver son ancienne élève. Curieuse et nostalgique, elle lui avait alors proposé de se rendre à la capitale. La jeune elfe y avait loué une chambre à l’auberge « Moisson rouge », ce nom était tout aussi frappant que sa devanture ocre se démarquant dans la rue commerçante. Rizka avait pris l’habitude de loger ici car elle se trouvait dans l’un des quartiers les plus sécurisés de la ville, mais aussi pour sa localisation relativement proche de la résidence de son amie Cyradil… D’ailleurs, étrangement depuis que la blonde avait connaissance de son logement temporaire, elle se sentait d’autant plus protégée, comme si elle en avait touché un peu au propriétaire de l’auberge.

    C’est en revenant d’une visite chez cette dernière, afin de vérifier que les runes magiques qu’elle lui avait créées restaient stables, que l’elfe pénétra dans la bâtisse. Comme à son habitude, elle s'apprêtait à se rendre au comptoir saluer le gérant avant de prendre commande mais elle s’interrompit à quelques pas d’une silhouette familière. Grand, longue chevelure blonde percée par deux oreilles pointues et au fort accent Merlornais. Pas de doutes concernant l’identité de cet elfe.

    « Professeur Aglareb ! » s’exclama-t-elle avec un sourire chaleureux. « Je ne vous attendais pas si tôt, avez-vous fait bonne route ? Vous devez être éreinté. »

    Réduisant à néant les derniers mètres les séparant, l’elfe brune vint s’asseoir aux côtés de son ancien professeur. Bien qu'il représentait une part de son passé abandonné, la jeune elfe se sentait plus euphorique que mélancolique par cette rencontre. Peut-être était-ce parce qu’elle avait eu un lien particulier avec Aeglos ? Il l’avait prise sous son aile et aidée à développer son potentiel sans poser sur elle la moindre pression dûe au rang et la réputation de sa famille. C’était lui qui lui avait permis de s’ouvrir à la magie de l’esprit, lui donner les premières clés pour dompter son extrasensorialité qui empoisonnait son existence depuis l’enfance.

    « Je vous sers la même chose que d’habitude ? » l’interrompit le tavernier.
    « Oui, merci. Vous pouvez faire une seconde assiette pour mon ami ? C’est moi qui paie. »
    « Pas d’problème. » haussa-t-il des épaules avant de se détourner.
    « Il faut absolument que vous goûtiez à leur dromadaire aux oignons, c’est à tomber. » affirma-t-elle aussitôt à l’elfe.

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