L' Aurore Boréale tanguait paresseusement, amarré à son ponton. Arrivé à l'aube, le brick marchand avait pénétré dans le port à pas d'homme, poussé par le vent sur une seule voile. L'une des rares places qui avaient été disponibles pour un navire de sa catégorie s'était trouvée sur une extension temporaire du port, à une large plateforme de bois. À la voir au premier coup d'oeil, quelques marins s'étaient demandés si elle tiendrait le coup le temps de décharger le fond des cales du navire. 

Le brick était comme tous les bricks qui naviguaient sur les mers. Il n'avait rien de particulier si ce n'était qu'il était parfaitement entretenu. Un navire en bon état était la garantie qu'il arriverait à bon port avec sa cargaison et que son armateur, ou encore son capitaine, veillait à maintenant un bon état de navigabilité. 

Après s'être assurés que les planches ne s'écrouleraient tant par la masse humaine que par la masse marchande, les marins du navire avaient commencé à remontrer des caisses et des coffres hors du ventre de l' Aurore Boréale. Altarus s'était rendu à la Capitainerie, pendant que ses marins s'affairaient. Les démarches administratives étaient déplaisantes, mais nécessaires. Les informations comme les entrées et les sorties des navires hors de la zone portuaire, les raisons de la venue, les denrées embarquées et débarquées…  

Après en avoir fini avec toute cette paperasserie barbante, il retourna à son brick. Il s'assura un bref moment que tout se passait comme à l’accoutumée. C'était une journée presque ordinaire pour lui, ''honnête'' Capitaine du commerce maritime. Son Second vint lui faire un résumé des activités actuelles. Les cales étaient bientôt vidées. Après quoi, ils pourront embarquer, une fois une partie de ces dernières aménagées, dix hommes. Un individu avait demandé à embarquer à bord de l'Aurore Boréale avec son escorte. Tant que le navire était affrété en bonne et due forme… Il n'omettait pas une cargaison, qui devait être arrimée à l'intérieur des entrailles boisées du navire. Là aussi, un commanditaire avait demandé à ce que cela passe par le navire d'Altarus, au vu de sa destination vers un autre ''port'' du Reike. 

Un jour ordinaire pour un Capitaine ''honnête''... et conforme à ce qui a été inscrit sur le registre d'activité de la Capitainerie du port. Pendant quelques instants, il avait dardé son seul oeil valide vers Maël... Bien des choses avaient changé depuis le premier jour où il avait jeté l'ancre dans ces eaux... il chassa ses souvenirs et revint à l'essentiel. 

Confiant la suite des opérations à son Second, il était retourné dans sa cabine, pour terminer de noter quelques lignes sur son journal de bord, avant d'arranger l'intérieur de son lieu de vie pour le passager qui avait demandé à voyager au sein de son brick. Au vu de son importance, il était normal de lui céder sa place non ? Bon, certes, la cabine d'un capitaine d'un modeste brick n'avait pas l'espace et le confort d'un navire plus grand et plus imposant, mais il y a le minimum. Un lit, un bureau, une chaise et d'autres aménagements de mobilier pour la rendre plus confortable. En même temps, Altarus n'était pas un homme à privilégier le luxe. De plus, elle avait été nettoyée, tout comme toute la literie

Il venait à peine de fermer le lourd ouvrage de bord qu'il entendit son second l'appeler sur le pont. Hum... le passager avec son escorte devait être en train d'arriver. Il prit son journal de bord, pour le mettre en un lieu sûr et bien dissimulé à bord du brick. Cela fait, il se présenta sur le pont. Ainsi, il sera en vue de leur futur passager. Officiellement, c'était un passager. Officieusement, il connaissait la raison de sa venue.

Il s'avança pour aller au-devant de son ''invité''. Ainsi, l'individu qui viendrait à poser le pied sur le pont de l' Aurore Boréale, suivi de sa petite escorte, pourra voir un homme à la posture droite, un peu froide peut-être. Il avait tout ressemblé à un vieil officier qui avait connu des conflits. Marqué par le temps et une blessure au visage qui lui imposait un bandeau pour masquer celle-ci, qui ne dissimulait pas complètement les cicatrices anciennes de brûlures qui marbraient une partie de la peau de son visage. Une barbe blanche de quelques jours était parfaitement taillée, comme sa courte chevelure de la même teinte. 

Il salua dignement l'arrivant. 

''Bienvenue à bord de L' Aurore Boréale. . Nous sommes en train de terminer les dernières opérations. Vos hommes pourront bientôt un lieu à disposition dans mon navire pour se mettre à leurs aises durant le voyage. Je présume que vous souhaitez lever l'ancre le plus rapidement possible ?  ''

Année 4, le 26 avril :

Ce n’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme, moi la mer, elle m’a pris, je me souviens, c’était un mardi.

Ou un mercredi, je ne me souviens plus exactement la première fois que j’ai pris un navire. C’était avec mon père, je suis certain, dans le cadre d’une de ses missions, mais impossible de me souvenir du moment exact. De toute façon, ce n’est pas bien grave, l’important, c’est que le bateau soit là et à l’heure et une fois la cargaison habituelle enlevée ou apportée, je monte avec mes dix gardes du corps sur le navire.

Mes soldats habillé comme des mercenaires transportent trois coffres assez lourds, en acier renforcé et les posent sur le pont. Je vois arriver un homme bien habillé, d’un âge certain, borgne et aussi sec qu’une lame. Bref, il n’a pas l’air de s’appeler Joe le rigolo. Il me souhaite la bienvenue et je le salut également :

Merci de votre accueil, avons-nous la permission de monter à bord ?

Je sais qu’il est de tradition dans la marine de demander. J’attends donc sa réponse que j’espère positive avant de continuer :

Vous devez être le capitaine, Altarus Aearon. Je suis Tagar, enchanté de vous connaître.

Je ne dis pas mon nom de famille et Tagar est un prénom assez commun au Reike, car je veux rester incognito. Il me pose ensuite une question et je lui dis avec beaucoup de prudence :

Je vous laisse voir le moment qu’il vous semble le plus adapter. Je ne suis qu’un simple passager et moi et mes hommes, nous ferons tout petit pendant notre voyage, pour ne pas vous déranger.

Après tout, le voyage vers Aquaria où nous allons livrer notre marchandise ne devrait pas être très long. Nous ne sommes pas dans la saison des tempêtes et il y a des patrouilles de l’Empire dans les environs, ce qui devrait éloigner les pirates, du moins, je l'espère très fort.

Altarus n'avait pas quitté son attention de ses futurs passagers. Le commanditaire... dix mercenaires... trois lourds coffres cerclés d'acier. Il ne se posa pas plus de questions que cela, tant que le responsable de toute cette petite équipe payait sa place et celle de ses hommes. Ils ne serviront pas dans son équipage pour manœuvrer son navire une fois sortie du port pour prendre la direction d'Aquaria. En prime, c'étaient des bouches à nourrir. Le Capitaine avait exigé à son Second de tenir compte de ces détails-là dans l'approvisionnement frais du navire. 

''Permission de monter à bord avec vos hommes et vos effets personnels, Sir Tagar. Je suis bien le Capitaine Altarus Aearon. ''

Le nom que lui avait donné le commanditaire était effectivement commun dans la région. Altarus ne s'en formalisait pas plus que cela. Ce n'était pas la première fois qu'il transportait des gens qui appréciaient la discrétion. Ce ne sera non plus la dernière, tant qu'il continuera à naviguer sur le pont d'un de ses bricks. 

''Très bien, nous appareillerons avec la marée prochaine. Je vais demander à un de mes hommes de vous mener à ma cabine pour que vous puissiez vous installer. Quand la cale sera aménagée pour vos mercenaires, un autre de mes hommes les 'y mènera. J'espère qu'ils n'auront pas de problème à se retrouver dans un espace un peu... exigu. ''

Il avait déjà eu affaire à des passagers qui finissaient par découvrir qu'ils étaient claustrophobes, ou qui réagissaient mal à entendre le doux et léger fracas humide des vagues contre la coque. Dire qu'il y a qu'une faible épaisseur de bois qui vous protège de la mer, avide d'envahir tout espace vide, n'avait pas de quoi être rassurant pour des gens guère à l'aise sur la mer. 

''Ils pourront prendre l'air sur le pont, vers l'avant. Tant qu'ils n'importunent pas mes hommes. "

Même s'il avait la garantie que tous ces nouvels embarqués sauront se tenir, il tenait toujours à faire un tout petit rappel. Il tourna un bref instant la tête, pour voir où en était l'embarquement de la cargaison. Tout était dans les temps. Parfait. 

Il héla un de ses marins pour lui demander d'amener leur hôte dans sa cabine. 

''Si jamais vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas à me faire quérir. ''

Et, ce, en fonction de ses disponibilités. S'il était occupé à ordonner des manœuvres, forcément, il ne viendra pas dans la seconde. 

Une heure plus tard, l'activité humaine sur le pont du brick s'activa. Les amarres étaient larguées, le navire doucement repoussé du ponton et avec deux voiles déployés, L'Aurore Boréalequittait lentement le port, pour rejoindre la mer intérieur et plus tard, si tout allait bien, dans quelques jours, rejoindre la pleine mer et prendre la direction de la zone maritime où se trouvait Aquaria. 

Une fois le port bien laissé derrière eux, les marins, sous les ordres de leur Capitaine, libérèrent d'autres voiles de leurs vergues pour que le brick prenne sa vitesse de croisière. La mer était calme, le vent idéal pour naviguer. 

Laissant la barre à son Second, Altarus alla se mettre vers la proue, pour contempler la mer qui s'ouvrait devant eux, même si la côte était présente à l'ouest. Plusieurs bruits de plongeon attirèrent son attention. Il ne put s'empêcher d'avoir un léger sourire en voyant plusieurs marsouins profiter des vagues que l'étrave provoquait pour suivre le navire. La journée s'annonçait donc belle. 

Je reçois l’accord pour monter sur le navire, du maître à bord, ayant bien deviné sa fonction. Il m’informe ensuite des dispositions pour le voyage et je le rassure sur la tenue de mes hommes, ils sont habitués à me suivre lors de mes voyages entre Ikuza et Maël, alors rester quelques nuits à dormir en cale, ne devrait pas poser de problème.
Je suis ensuite un des matelots dans ma cabine, un peu spartiate, je dois le signaler. Une fois mon sac de voyage déposé, je peux faire mon lit et je rejoins mes hommes pour s’assurer qu’ils sont bien installés. Rapidement rassuré sur ce point, je rejoins l’officier à la proue du navire :

Pardon, capitaine Aearon, puis-je vous parler ?

J’attends son accord avant de lui annoncer :

Il se trouve que je maîtrise un peu la magie du vent et j’ai déjà aidé un navire à battre un record de vitesse, même si j’étais le mage le moins compétent à bord, alors si à un moment donné, vous avez besoin de mes services, n’hésitez pas.

J’ai quand même aidé Zaïn à battre le précédent chronomètre tenu par les Républicains, grâce à d’autres sorciers, il est vrai. Mais j’ai quand même fait ma part et fait insuffler le vent de manière particulièrement contrôlé dans les plus petites voiles. Je me rends compte ensuite de la présence d’animaux dans l’étrave du navire et je penche pour les observer de longues minutes, amusé par leur manège. Une fois que j’ai entendu la réponse de mon interlocuteur, je me permets de lui demander :

J’avoue ne pas être un expert en météo, est-ce que vous savez si nous allons rencontrer du gros temps ?

Et oui, à force de fréquenter mon ami l’hybride aux gros muscles, je commence à parler comme un véritable marin.

Altarus contemplait la mer aussi loin qu'il pouvait sans employer sa magie. Bien qu'il n'ait plus qu'un œil, il voyait encore très bien son environnement. Son corps avait su compenser naturellement à la perte d'un organe.  Alors, certes, il était contraint de tourner plus souvent sa tête pour porter son regard sur sa gauche pour élargir son champ de vision. Mais était-ce vraiment une gêne quand on a appris depuis moins de quelques années à vivre avec ? 

 Il entendit l'arrivée de son passager par sa façon de marcher sur le pont. Il tourna la tête dans sa direction quand ce dernier se mit à sa hauteur. Tagar lui demanda presque la permission de lui parler. Altarus acquiesça d'un hochement de tête. D'entendre qu'il maîtrisait la magie de l'air et qu'il proposait ses services n'était pas anodin comme informations, en plus de le savoir dans une position sociale assez confortable pour employer dix mercenaires avec lui. Il prit le temps d'étudier la proposition. Le voyage ne sera pas long, en naviguant normalement. Même lui n'employait pas systématiquement sa maîtrise de la magie de l'air pour naviguer. 

''Je prends note de cette compétence. Je ne verrai pas d'inconvénients à ce que nous l'employons si vous estimez que nous traînons trop et cela manquerait de perturber les délais pour livrer votre cargaison. Et, s'il s'avère nécessaire, à mes yeux, de naviguer plus vite, je ferai appel à vous. ''

Au moins, cela permettait au Capitaine ne pas faire étalage de ses propres capacités magiques. 

"Quel genre de navire était-ce d'ailleurs ? La taille des voiles peut avoir son importance. Je ne doute pas un seul instant de l'excellence de votre maîtrise, mais il y a une différence de surface de voilure à gonfler entre un petit navire de pêche au thon et un brick comme mon navire…''

Son interrogation avait pour but d'évaluer ce que Tagar était capable de contrôler en matière de vent. Il en allait de la sécurité de l' Aurore Boréale mais aussi pour avoir un brin d'idée du niveau magique de base de son passager. 

Tagar se pencha un instant pour contempler la nage gracieuse des petits cétacés qui profitaient des vagues générées par l'étrave du brick, avant de demander s'ils seraient amenés à croiser des tempêtes. 

''Tant que nous serons dans la mer intérieure, nous n'aurons pas de grosses tempêtes. Au pire des cas, un temps orageux de bord de côte. Ce sera une fois en pleine mer que nous aurons plus de risque d'avoir du mauvais temps. La mer est capricieuse. Elle peut tout aussi bien nous en épargner que de nous en offrir une fois que les terres seront totalement derrière nous. Il y aura de toute façon des signes avant-coureurs. Restera à déterminer si je saurai la tempête ou si je n'aurai pas d'autres choix que de la traverser... ''

Il garda quelques instants le silence avant de reprendre : 

''Redoutez vous le naufrage ? Ou redoutez-vous autre chose en raison de la nature de votre cargaison à livrer à Aquaria ? "

Le capitaine prend bonne note de ma proposition d’utiliser ma magie du vent avant de me demander sur quel type de navire, j’ai déjà œuvré. Rassemblant mes souvenirs, je m’efforce de lui répondre le plus précisément possible :

Il s’appelait le Vanguard, un trois mâts taillé pour la vitesse. Il y avait en tout dix-neuf voiles ce qui nous a permis de dépasser le record précédent qui était de vingt-six nœuds, car nous avons été à vingt-neuf nœuds. Le bateau a été légèrement endommagé et nous avons perdu deux voiles dans l’affaire.

Oui, cela n’a pas été simple, les vagues ont failli emmener des marins dans les flots, mais finalement, tout s’est bien passé. Je peux donc conclure en souriant :

Donc, ce n’était pas un petit navire de pêche au thon.

Le borgne m’explique la météo des mers et je l’écoute avec attention, car c’est un domaine qui m’est complètement étranger. Je lui demande donc :

Quels sont les signes avant-coureurs d’une tempête ?

Nous parlons ensuite de la sécurité et je lui annonce :

J’ai appris à nager il y a peu donc je devrais survivre à un naufrage, même si l’eau n’est pas mon élément préféré. En plus, je vous ai choisis, car vous avez bonne réputation.

Je n’ai quand même pas pris cet esquif par hasard, mais sur recommandation de la capitainerie. Je réponds ensuite à sa dernière possibilité :

La chose qui m’inquiète le plus, c’est la présence de pirates. J’ai parlé il y a peu au responsable du comptoir commercial aquarien, installé à Ikuza, la capitale de l’Empire. Il m’a bien indiqué que depuis l’augmentation du commerce entre les deux pays, le nombre d’attaques de navire avait fortement augmenté. La nature de la cargaison étant secrète, je ne pense pas que nous soyons une cible particulière, mais nous sommes dans une zone particulièrement mal fréquentée.

Le Capitaine écouta la réponse de son ''noble'' passager. La vitesse qu'il apporta à travers ses mots avait de quoi être stupéfiante. Battre un record de vitesse était une chose, mais pousser un navire à une telle célérité sur les flots pour d'autres circonstances ne pouvait que conduire à des effets fâcheux. D'ailleurs, Tagar énumérait une partie des conséquences quant à ce concours à battre. 

''Effectivement, ce n'était pas un petit navire de pêche au thon... Même si le Vanguard a été taillé pour la vitesse, les lois de la mer se sont gentiment rappelées à vous, au vu des dégâts mineurs mentionnés. Mon navire est conçu pour être robuste, mais à une certaine limite. Si nous nous retrouvons à devoir amplifier sa vitesse avec l'aide de magie, je sais que vous saurez d'emblée l'employer à bon escient. ''

Il n'était pas dans l'intérêt de son passager de se retrouver avec un brick marchand endommagé, compromettant la suite de son voyage. 

À nouveau, Altarus fixa l'horizon. La mer était calme aujourd'hui, s'étant parée d'une belle cape d'un saphir profond, pour concurrencer le bleu clair du ciel. Quelques écumes ici et là apportaient de petites pointes de blancheur dans cette nuance presque uniforme de teinte. 

''La mer peut donner plusieurs signes. La couleur de l'eau qui change, le ciel qui s'alourdit de nuages gros et sombres… Le vent qui change de direction... ''

Après toutes ces décennies à naviguer, il lisait sans la moindre difficulté le moindre détail dans le ciel, dans le vent, ou encore à la surface de la mer quant à la météo. Après, les éléments demeuraient les maîtres en toutes circonstances, ils ne les maîtrisaient pas. Il ne pouvait que chercher à les comprendre et s'adapter à leurs humeurs naturelles. En somme, si une tempête s'annonçait, soit il saura l'éviter, soit il saura l'affronter, comme à chaque fois qu'une se présentait avec toute sa rage et sa force naturelle. Put-il apprendre que son embarqué de marque avait appris à nager. 

''Je vous remercie pour cette confiance que vous me portez. ''

Le choix qui avait été porté à son navire ne l'étonnait guère. Il avait toujours mené à bien les affrètements de ce genre en dehors du transport classique de cargaison, et ne posait pas de questions. Il veillait à naviguer dans les règles de l'art pour assurer des liaisons dans des délais respectables tout en voyant à la sécurité de son navire, de son équipage et de ce qu'il transportait. 

Il tourna à nouveau la tête vers son hôte, juste assez pour le fixer de son oeil bleu. 

''Les pirates sont devenus bien plus actifs dans cette partie du monde. ''

 Des échanges commerciaux florissants étaient toujours une aubaine pour les pirates, qui ne pouvaient que tenter d'en profiter. Et, faute aussi  à la République qui avait poussé bien des pirates qui refusaient de s'asservir à Elle à s'exporter un peu plus loin de ses frontières. 

''A moins de tomber sur un téméraire, qui profiterait des criques qui abondent sur les deux côtes de la mer intérieure, nous devrions être tranquilles jusqu'au détroit... ''

Il porta un bref instant son index droit pilé à son menton, réfléchissant un peu à la situation.  S'il venait à croiser des pirates, il ne saura guère d'humeur à parlementer. Sauf s'il tombait sur un des capitaines qui lui devait un service... Mais, il préférait ne pas à en arriver là. Au pire, il jouera du vent pour les distancer. Il retira son doigt de son menton à la barbe taillée proprement et de près. 

''Nous passerons le détroit à la tombée de la nuit. Pour pas se confronter au calme plat du soir, j'aurai besoin de votre compétence magique pour souffler dans les voiles, le temps que le vent nous revienne. Naviguer de nuit ne sera pas un souci pour moi et mon équipage... nous aurons juste les fanaux éteints pour ne pas attirer l'attention des pirates du coin....''

Je sens que je suis remonté dans l’estime du capitaine, il accepte même de me faire confiance pour gérer les voiles ! Par contre, pour des explications précises afin de détecter les signes avant-coureurs d’une tempête, je pense que je peux littéralement m’asseoir dessus. Il me parle en effet de la couleur de l’eau, de vent ou de nuage, mais rien de précis. Il va falloir que j’achète quelques ouvrages sur le sujet, si je veux comprendre le phénomène.

Nous parlons ensuite des pirates, comme quoi le risque augmentera après le passage du détroit, que nous allons passer discrètement. Il sollicite mes services et je lui réponds avec un grand sourire :

Pas de problème, je peux également voir dans l’obscurité sans problème.

Le sort de nyctalopie est quand même bien pratique. Je prends donc congé du vieil homme, afin de travailler un peu dans ma cabine sur les affaires en cours et lorsque le soir tombe, je suis sur le pont. J’écoute attentivement les consignes d’Altarus et j’arrive à bien géré le vent, ce qui nous permet d’avancer convenablement.

Mais alors que je prenais une minute de pause pour boire un verre d’eau, mon regard est attiré par un navire qui glisse sans bruit sur l’eau. Ils doivent avoir un mage du vent plus puissant que moi ou ils sont deux lanceur de sort, car il va clairement plus vite que nous. Ses fanaux sont éteints, ses voiles noires et je me dis qu’il n’est pas venu là pour prendre le thé. C’est sûrement un pirate ou pire, un corsaire. À voir si nous étions attendus ou si nous manquant simplement de chance, mais je me dépêche de prévenir le capitaine du danger imminent qui nous attend, à voix basse :

Nous avons un navire à bâbord, qui arrive vers nous. Dois-je faire remonter mes hommes ?

On est jamais trop prudent, surtout en pleine mer.

Altarus n'aurait aucune peine à user de sa propre magie venteuse pour pousser son navire dans le détroit et le faire passer rapidement vers la haute mer, pour esquiver toute attaque possible de pirates embusqués. Disposant d'un passager capable de faire la même chose que lui, il privilégiait alors les compétences de Tagar en la matière pour économiser ses propres ressources. On n'était pas à l'abri d'un imprévu. Ainsi, d'avoir une réserve magique à disposition demeurait un sérieux atout. Pour le vieux Capitaine, les imprévus étaient nombreux. Tempêtes, mer capricieuse qui se déchaînait sans prévenir... Ou là, ce qui était le plus redouté pour bien des navires, les pirates.

Altarus ne les redoutait pas. Il était natif de Kaizoku, avait grandi avec le mode de vie de l'île et de ses habitants. Il était lui-même pirate à ses heures. Il se gardait bien de le révéler. On avait tous nos secrets. Aujourd'hui, il était Altarus Aearon, un Capitaine de Kaizoku qui ne faisait que dans le commerce dans bien des ports du Sekai. Si jamais il venait à croiser un de ses pairs, il avisera...

Apprenant que Tagar pouvait voir dans la nuit, il nota ce détail et hocha positivement de la tête, sans rien rajouter de plus. Cette capacité pourra savoir, si la nuit ne se montrait pas totalement ténébreuses. Tagar prit congé. Altarus donna juste après ses ordres pour que le navire ralentisse son allure pour arriver au détroit avec la nuit tombée.

Le jeune homme revint plus tard,  une fois l'obscurité voilant le ciel et tout l'environnement marin où naviguait le brick marchand. Altarus était sur le gaillard arrière, non loin du barreur. Il invita son passager à venir le rejoindre. Comme prévu, le vent était faible et ne permettra pas de sortir rapidement du détroit et de possiblement distancer tout navire pirate embusqué. Il donna des consignes claires pour que Tagar puisse moduler un bon vent. Lentement, l 'Aurore Boréale prit de la vitesse et put avoir un bon rythme pour entrer dans le bras de mer qui joignait la mer intérieure à l'océan. Tout fanal éteint, le brick était telle une ombre difforme à la surface des eaux. Personne ne faisait de bruit, où juste ce qu'il fallait pour manœuvre. Le son se portait loin par de pareilles conditions.

Altarus, son oeil valide rivé vers la proue, demeurant vigilant... et à juste titre... Tagar vint lui murmure qu'il avait aperçu la silhouette d'un navire voguant rapidement dans leur direction. Tournant la tête à gauche, il distinguait mal l'autre naviguant. Lui aussi avait pris les précautions nécessaires pour se fondre dans la nuit. À voir son allure, lui aussi, devait avoir un mage du vent. Fronçant les sourcils, il se tourna vers Tagar, pour dire, lui aussi, à voix basse.

''Prévenez-les mais qu'ils restent dans les cales, pour l'instant. Vu le déplacement de ce navire pirate, ils ont un homme qui maîtrise le vent et qui est comme vous, qui perçoit le monde avec sa nyctalopie. Vos hommes seront un recours que si jamais ce navire veut réellement nous aborder. "

Intérieurement, le borgne pestait. Il pourrait dévoiler ses atouts, mais n'étant pas encore certain de l'identité du navire, il préférait attendre. De nuit, l'abordage pourrait être compliqué pour le pirate, surtout s'il espérait avoir le maximum de cargaison intacte. Non. Il s'approchera de son brick, lancera sa sommation... là Altarus avisera. Pour l'instant, il profitait de l'élan du navire pour garder une petite distance raisonnable, mais si les possibles ennemies remontaient sur eux. Il doutait de connaître le maître du navire pirate qui se rapprochait.

''Gardons notre sang froid. Ils comprendront rapidement que même si nous les avons vus, la peur ne nous prend pas aux tripes. Une fois vos hommes prévenus, essayez de donner un peu plus de vent, pour accroître un poil notre vitesse de croisière, afin de voir si le possible mage pirate embarqué est capable de faire plus pour nous rattraper... "

À la demande du capitaine, je vais voir mes hommes, leur indiquant un danger potentiel et je vois leur chef qui demande à ses hommes de mettre leurs armures de cuir. Il semble prendre très au sérieux cette menace et je dois avouer que je suis inquiet également, je remonte donc rapidement sur le pont et j’écoute les instructions du seul maître à bord. Il conserve son sang-froid, ce qui est une bonne chose et me demande de délivrer plus de vent. Je fais ce qu’il me demande, mais ce n’est pas ma spécialité et le navire nous rattrape petit à petit. Le ou les mages à bord ne doivent pas être beaucoup plus expérimentés que moi, mais le résultat est là et ils arrivent à notre niveau.

Une centaine de mètres nous sépare, et je peux voir le chef des pirates, ou des corsaires, c’est difficile à dire, un orc mal fagoté, entièrement chauve, prendre un porte-voix et nous dire :

Hé, l’équipage de l’Aurore Boréale, je suis Ghazghkull Thraka et je vous ordonne de mettre en panne votre coquille de noix et de vous rendre. Si vous vous exécutez gentiment, je prendrai juste la cargaison et j’épargnerai vos misérables vies. Dans le cas contraire, je passerai tous les hommes par le fil de l’épée et pour les femmes, je vous laisse deviner.

Je pense aux quelques représentantes de la gent féminine qui sont parmi mes gardes du corps et instinctivement, je serre les poings. Ce type est abject, mais pour le moment, il est trop loin pour que je puisse lui balancer un truc bien dur en plein dans sa face. Je me contente de me tourner vers notre capitaine et je lui indique :

Nous sommes prêts à nous battre.

J’ai plus d’un tour dans mon sac et ce n’est pas un vulgaire pirate qui va m’impressionner.

Lentement, le navire pirate rattrapait l' Aurore Boréale. Altarus demeurait concentré sur son approche et l'activité de ses membres d'équipage. Quand les deux navires se retrouvèrent presque côte à côte, séparé d'une petite centaine de mètres, le vieux borgne put voir les marins adverses piétinant d'impatience. Quelques-uns paraissaient se chamailler. Dans le doute, il préféra considérer que l'équipage de ce navire n'était pas à considérer à la légère. Chose certaine était qu'ils étaient loin d'avoir la discipline de ses propres hommes quand tous étaient à bord du Cetus

Analysant les moindres mouvements du navire pirate, ainsi que de ses marins, il demeurait silencieux, jusqu'à ce que son œil bleu, unique organise valide sur son visage marqué de brûlures de moitié, se braque sur le capitaine adversaire. Il retint d'afficher un mauvais rictus en apprenant l'identité du chef de cette coque pirate. Le nom ne lui disait rien. Et pour cause. Bien des marins s'étaient improvisés pirates quand Kaizoku s'est retrouvé sous le joug de la République. Plus encore quand il était facile de discerner l'aspect racial du prétendu capitaine adverse ! Altarus avait continué ses activités commerciales entre Kaizoku et le reste du monde, -république comprise, malgré ses réticences plus que justifiables- mais jamais encore, il n'avait entendu parler de ce type... Lui un pirate ? Un bas brigand des mers surtout, oui ! 

  Quand l'adversaire prit la parole, s'exprimant à travers un porte voix, Altarus attendit quelques secondes, avant de prendre la parole pour répondre à ses menaces. Sa voix se porta fortement, comme si l'air aidait à transmettre le son de chaque syllable qui franchissait ses lèvres. 

"Tout équipage qui se respecte dispose d'un capitaine ! Vous omettez donc de, vous adressez directement à moi. Moi, Capitaine Aearon de l" Aurore Boréale, refuse de me soumettre à vos pathétiques revendications. Outre de ne pas disposer de cargaisons financièrement intéressantes pour payer votre bande qui se prétend pirates et marins, j'ai la responsabilité de la sécurité de mes hommes et de mes passagers. Partez ou coulez ! "

Sans attendre une quelconque réaction de l'autre limité d'orc qui se disait capitaine, il se concentra pour pallier la distance qui le séparait de son rafiot. On entendit alors un sinistre craquement à hauteur de la ligne de flottaison du navire ennemi. Après quoi,   Altarus lança aussitôt ses ordres. 

''Préparez-vous, nous risquons l'abordage. Toutes voiles dehors ! Tagar, dès que mes marins auront tout déployés, donnez nous de la vitesse ! "

Il n'omettait pas la présence embarquée des mercenaires. 

''Si nous n'arrivons pas à les distancer, qu'ils se tiennent prêts...."

Il jouait dangereusement. Il n'avait pas eu le temps nécessaire pour évaluer et surtout, trouver, le mage du vent qui occupait ce navire. Chose certaine était qu'il n'obtempérerait pas. Il posa sa main sur le pommeau de sa rapière. Elle risquait de servir aujourd'hu... 

Le capitaine répond à son homologue d’une voix de stentor et lui intime l’ordre de partir ou il sera envoyé par le fond. Personnellement, je ne pense pas que le pirate, après avoir réussi à nous rattraper va nous laisser partir, mais cela montre sa détermination et celle de son équipage, car tous semblent d’accord à ses paroles.

Ils nous indiquent d’ailleurs que nous risquons l’abordage et me donne des consignes, que j’exécute à la lettre, malheureusement, même avec des voiles supplémentaires, ils nous rattrapent et pire que tout, dévoilent une baliste ! Je dois m’arrêter pour faire plonger le projectile dans la mer, en manipulant la pointe de métal du trait. Mais cela a suffi pour qu’ils arrivent bord à bord et je peux constater qu’ils sont plus nombreux que nous. Les forbans sont équipés d’armes diverses et certaines mettent des planches entre deux navires ou encore arrivent directement sur le pont en utilisant des cordes. Il y a même un Oni, de plus de deux mètres, extrêmement musclé et portant une gigantesque hache ! En plus, pas de bol, il atterrit pile devant moi ! Je sais que les mages sont toujours ciblés en premier dans les attaques, mais là, c’est abusé ! Je dégaine donc l’épée familiale, qui ressemble à un cure-dent face à son arme et je l’entends rigoler, ce qui n’est pas gentil. Il lève bien haut son arme semblant sûr de sa victoire, mais j’utilise ma magie du métal pour casser la lame de son arme et via la simple force de la pesanteur, avec un petit coup de pouce de la magie du vent tout de même, la hache lui tombe sur la tête, fendant son crâne en deux.

Du coin de l’œil, je vois mes hommes sortirent précipitamment de la cale, armés de pieds en cap avec leurs armures de cuir, formant une barrière humaine tout autour de moi, tuant quelques malandrins au passage. De mon côté, j’étudie la situation, essayant de voir là où je pourrais être le plus utile.

L'abordage fut inévitable. Altarus pestait. Déjà, son passager était en prise avec un Oni de belle carrure. Sortant sa rapière hors du fourreau, il se préparait à lui venir en aide quand il put constater qu'il gérait parfaitement la situation. Situation qui s'améliora pour lui quand sa petite troupe l'entoura pour former un cercle de protection. Au moins, le navire pirate n'avait plus sa baliste, ce qui était une bonne chose... restait à trouver les mages adverses... 

Ses marins étaient en prise avec les ennemis qui avaient abordé le pont de l' Aurore Boréale. Altarus n'était pas en reste, s'occupant de croiser le fer avec un humain d'une trentaine d'années aux dents pourries pendant qu'il ricanait, pensant avoir le dessus sur le vieux capitaine, bien plus frêle que lui. Les apparences étaient si trompeuses. Jouant sur son expérience martiale et son agilité, il sut esquiver ses attaques brutes et sans style, avant de lui planter la pointe de sa lame dans le cœur, entre deux côtes. Le regard stupéfait du malandrin se figea sur son visage, pendant qu'Altarus le repoussa avant de parer à la suite. 

D'un coup, il employa sa magie pour faire reculer le navire pirate, pour repérer les mages d'air... il en vit un... D'abord tenter d'appeler un de ses archers pour le tirer dessus, il trouva une autre solution plus radicale. Se rapprochant vivement du bastingage, il lorgna la poupe de la coque honnie... Elle n'était pas bien entretenue au premier coup d'oeil... très bien, c'est ce qu'il lui fallait. Un autre humain pirate lui tomba dessus, détournant son attention. Par les Abysses ! Qu'on le laisse œuvrer ! Il para l'épée émoussée qui tentait de lui taillader le ventre, avant d'attraper le col du pirate et de le tirer violemment vers l'avant. L'humain passa par-dessus bord. Cette fois, Altarus put agir. 

Juste à hauteur de la ligne de flottaison, il aperçut des mollusques. Etait-ce des tarets ? En tout cas, c'étaient des bivalves et ils étaient en nombre... Quelle négligence de la part de cet équipage. Sans attendre, il créa un poing d'air, à la taille et à la force suffisante pour frapper ce point rendu fragile par la présence en masse de ces animaux qui aimaient s'accrocher sur du bois mort... Un sinistre craquement se produisit instantanément, créant une belle brèche par laquelle la mer s'engouffra rapidement. La poupe s'enfonçait déjà dans les eaux salines. 

''Qu'on les repousse à la mer ! Ils sont bons qu'à nourrir les poissons ! Pas de prisonniers ! "

Aujourd'hui, il n'avait aucune once de compassion pour ces malandrins qui se disaient pirates et qui n'étaient pas foutus de garder leur propre navire en bon état ! Des marins ça ? Ils méritaient le jugement de la mer en personne ! Bien qu'il soit pirate, ils ne considéraient pas ces assaillants comme tels. Donc la mer leur accordera le pardon ou la fin de leur existence....

Je peux voir le capitaine se débarrasser avec efficacité d’un des pirates qui a osé croiser le fer avec lui, puis un autre. Puis il s’approche du bateau et je peux voir grâce à ma magie de senseur qu’il envoie un sort d’air qui perce la coque du bateau ! Voilà qui est fort impressionnant et je prends note de faire la même chose, si un jour, je suis dans une situation identique, c'est très efficace.

Le problème, c’est que toutes leurs voies de secours étant bloqués, les attaquants se battent avec l’énergie du désespoir. Pour ne rien arranger, Altarus indique qu’ils ne feront pas de prisonnier ! Je peux voir les combats redoublés d’intensité, les malandrins ayant compris que nous ne mêlerons pas au combat, évitent soigneusement la zone. Il faut dire également que j’ai utilisé ma magie du métal pour rendre les armes de mes soldats encore plus coupantes, et plus d’un brigand a eu la main coupée d’un simple revers d’épée, sans même comprendre ce qu’il se passait.

Finalement, en sous-nombre et bien plus désorganisé, les survivants de l’équipage qui nous a abordés se rassemblent sur la proue de notre navire. À leur tête, se trouve leur chef orc, qui fait triste figure, un elfe, une naine et une humaine, c’est tout ce qui reste de leur force. Je peux voir que l’humaine est très jeune, pas plus de dix-neuf ans. Comprenant que tout résistance est vaine, ils lâchent leurs armes et le boss déclare :

Prenez ma vie, mais épargnée les membres de mon équipage, je vous le demande.

Je m’approche, curieux de savoir la réaction du maître de l’Aurore Boréale et l’orc me prends à partie :

Vous êtes bien un Reikois ? Alors par le Soleil et la Lune, le sang a bien assez coulé, nous serons vos esclaves dévoués si vous nous laissez la vie sauve.

J’avoue que je suis tenté, mais je reste silencieux et regarde Altarus, c’est à lui de décider.

Bien que les pirates se soient battus avec l'énergie du désespoir, les survivants finirent par se retrouver acculés à la proue. De leur navire, il ne restait plus que des débris de bois, des tonneaux et deux canots retournés, qui flottaient. Voyant qu'ils n'avaient plus d'échappatoire et qu'ils étaient en sous-nombre, ils se rendirent. Leur chef, l'orc qui s'était cru auréolé de courage, faisant maintenant triste mine au vu du retournement de situation, se trouvant à la merci d'un capitaine qu'il avait cru affaibli par la vieillesse. 

Le demi-elfe, toujours sa lame en main, les toisait tous froidement. Du reste de l'équipage des attaquants, en dehors de leur chef, il ne restait plus qu'un elfe, une naine et une humaine, qui avait tout juste l'âge d'être adulte. Même la jeunesse de cette dernière ne fit ni chaud ni froid au Capitaine. Ils avaient laissé passer leur chance. 

Tagar se rapprocha de lui. Altarus n'avait pas besoin de tourner la tête pour le savoir. L'orc défait porta alors son regard empli d'un nouvel espoir. Il s'exprima après quoi directement au commanditaire du borgne, espérant sauver sa peau et celle du reste de ses hommes. 

''Il suffit !

La voix d'Altarus fut tranchante et autoritaire. 

''Je suis l'unique maître à bord de mon navire et vos vies m'appartiennent ! Réclamer l'indulgence à un tiers ne vous sauvera pas de ma décision finale. Je vous ai laissé la possibilité de partir, vous avez préféré l'assaut. Assumez les conséquences de votre choix "

Il rengaina sa rapière dans son fourreau, sans quitter de son œil les perdants

''Je n'ai qu'une question, avant d'appliquer ma sentence... êtes-vous pirate de Kaizoku..."
"Euh... non. Nous sommes des côtes proches d'ici, pas du bout du monde....." 

Cela lui suffit. 

"La mer sera votre juge. J'ai ordonné qu'on vous rejette à la mer, ce sera chose faite. Vous avez deux canots là, dans la mer. À vous de les retourner... que ces eaux décident de votre sort ! "

Il leva la main et ses marins poussèrent les survivants à sauter par-dessus bord. 

''On reprend le cap ! "

Il tourna la tête vers Tagar, avec un éclat indiquant qu'il ne reviendra pas sur sa décision. Puis, il rejoignit le gaillard arrière. Il y avait encore à faire. Et bien entendu, le navire devra rester sans ses lanternes, pour ne pas attirer de nouveaux pirates sur lui. Une fois à côté du barreur, il lui confirma le cap, donna d'autres ordres à ses hommes et le brick reprit sa course, poussé par les vents appelés par le borgne