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  • Mer 16 Aoû - 14:23
    - Maître Willow ! Maître Willow !

    Une petite cétoine dorée aux élytres d’un éclatant vert émeraude se posa délicatement dans la paume du jeune homme. Agitant ses deux pattes avant pour nettoyer ses antennes à peine visibles, avant de reprendre sa ritournelle derechef :

    - Maître Willow !

    - Oui ? répondit l’intéressé d’un ton de velours. Je t’écoute, petit joyau.

    Le scarabée cessa de bouger ses pattes, tournant d’excitation sur la main du magicien. Assis sur un banc, dans les jardins aquatiques de Magic, Willow profitait du calme serein et du doux son de l’eau. Ce recoin de l’académie des arcanes était fort apprécié pour la méditation ; Willow adorait y aller pour lire et se ressourcer. Après tout, son prénom venait d’un des majestueux arbres vivant dans ces jardins. Le saule pleureur était effectivement son arbre préféré, non pas pour son rapport avec sa personne, mais plutôt car il aimait bien se cacher entre ses feuilles pour comploter, ou folâtrer. Aujourd’hui, il n’était pas sous le saule, mais sur un banc de pierre au dossier entièrement recouvert de mousse, face à étang où fleurissaient des colliers de nymphéas pourpre. Parfois, une petite grenouille émergeait de l’onde pour se poser sur un nénuphar, étirant ses jambes avant de s’installer confortablement sur la feuille. Dans la main de Willow, la cétoine parla enfin :

    - La dame aux cheveux de feu, elle a commencé.

    - Jamil est bien place ? demanda simplement Willow en guise de réponse.

    - Bien-sûr ! Il est posé devant l’une des fenêtres, il ne manquera absolument rien de son intervention.

    Jamil, un corbeau au plumage lustré et élégant, était un des espions les plus fidèles et performants de Willow. L’oiseau appréciait la protection d’un mage, et le mage aimait son zèle sans faille.

    - As-tu bien prévenu les souris et les araignées d’être aux aguets dans les couloirs pour elle ?

    - Le mot est passé depuis ce matin. Même si les tégénaires étaient plus intéressées pour me croquer que travailler…

    - Vois le bon côté des choses, petite émeraude, ça veut dire que tu es à croquer, fit Willow en souriant. Tu as bien accompli ta mission, vole par dessus le banc et file vers les jardins botaniques, les agrumes sont en fleur, va te régaler.

    - Oh ! Du nectar de citronnier ! Merci maître Willow ! Zou !

    La cétoine ouvrit ses élytres, libérant ses ailes diaphanes de ses étuis, puis s’envola en laissant Willow seul sur son banc. Il était satisfait, ce qu’il avait demandé à ses petits « esprits », surnom qu’il conférait à ses espions animaux, avait été accompli. La femme qu’il désirait voir était bien arrivée dans l’enceinte de l’établissement. Il avait préparé son opération depuis qu’il avait entendu l’information fuiter de divers professeurs, grâce à une mouche mouchardante. Il avait pu vendre l’information à prix d’or aux élèves du cursus des arts physiques et oratoires ; si bien qu’après bon nombre de bouche à oreille, le corps enseignant dû se résoudre à avouer leur surprise. Une diplomate républicaine, ancienne élève de Magic qui plus est, devait intervenir pour une leçon magistrale dans un de leur cours. Cependant, ce n’était pas la diplomatie ni les joies de l’administration républicaine qui intéressaient Willow, mais simplement la femme qui pénétrait à nouveau entre les murs de son ancienne école. Rim Casris était confortablement placée sur l’échiquier administratif et politique républicain, tout en faisant partie de la haute société et issue de bonne famille. Elle était la cible parfaite pour Willow, et peut-être même que le nom des Knight se rappellerait à son bon souvenir. Et si elle ne lui permettait pas de grimper un peu plus haut sur l’échelle de son ambition, tant pis, elle finirait dans ses filets. Tout le monde avait de sales secrets, des choses que l’on refuse d’avouer, même la belle Casris au sourire que l’on disait de cristal ; Willow aurait juste à envoyer ses « esprits » à sa poursuite…

    - Magic est bien bruyante aujourd’hui, fit une voix aussi douce que solennelle.

    Perdu dans ses pensées, Willow n’avait pas entendu la chouette effraie se poser sur le dossier moussu du banc, juste à côté de lui. Les chouettes ne faisait aucun bruit lorsqu’elles volaient, celle-ci ne faisait point exception.

    - Ton sommeil s’en voit perturbé à ce que je vois, Bérénilde. Va donc te réfugier dans les combles, il n’y aura personne là-bas.

    - Je m’y rendais, je t’ai vu ici en volant. Quelle est la raison de ce tumulte ?

    - Une ambassadrice de notre chère République revient former des jeunes pousses.

    - Parvenue que celle-ci ! Tonna la chouette en secouant sa tête. Une diplomate se doit de ne pas provoquer pareil vacarme, d’inspirer dignité et réserve.

    - Alors j’ose espérer que c’est ce qu’elle leur enseignera, ria doucement Willow.

    - Je suppose que tu as déjà tout planifié pour tes affaires.

    - Tu supposes bien, Bérénilde, tout est déjà en place.

    - Et à qui vas-tu revendre le fruit de tes manigances d'argiope cette fois ?

    - À l’intéressée elle-même, ma chère. Pour l’instant, je ne compte pas la démasquer, mais la faire tomber dans mon escarcelle.

    Bérénilde hulula à voix basse, ses serres déchirant la mousse du banc alors qu’elle serrait l’étreinte de ses pattes, prête à s’envoler à nouveau.

    - Je te fais donc confiance pour lui faire part du bruit qu’aura causé sa venue.

    La chouette partit ensuite à tire-d'aile, disparaissant en direction des immenses tours de l’université, pressée de trouver un endroit plus calme pour s’endormir. Willow se leva enfin de son banc, ajustant la bandoulière de son sac autour de son épaule. Fixant la direction vers laquelle son amie à plumes était partie, l’arcaniste affichait une fin sourire aux allures de rictus, à la fois satisfait de lui-même et emprunt d’une excitation des plus folles.

    - Les secrets font toujours du bruit, chère Bérénilde, se chuchota-t-il, même quand ils sont murmurés.

    Plusieurs rubans de fumée argent et péridot émergèrent alors du néant pour glisser autour de lui, enveloppant tout son être au bout d’une fraction de seconde. Lorsque la fumée se dissipa, Willow avait disparu des jardins aquatiques, transporté à l’autre bout de Magic.
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  • Jeu 17 Aoû - 22:49

    « … Le coup de l’orange, donc. A des premières. »

    Safira haussa un sourcil circonspect, un rien désapprobateur. Elles marchaient toutes deux dans l’étreinte d’un long couloir aux amples pierres blanches, et la lumière réverbérait alentour une constellation d’ombres crénelées qui s’accrochaient par instant aux paupières.

    « J’imagine que ce n’est pas réellement de l’incrédulité que j’entends dans ta voix, mais plutôt la conviction d’une déroutante admiration à mon égard. »

    Rim se fendit d’un sourire espiègle, laissant le cuivre de ses prunelles glisser distraitement sur la végétation luxuriante des jardins académiques Elles longèrent l’obscurité trompeuse d’un patio, en réalité tranchée d’une lumière crue dès lors que l’on s’éloignait des murs, et jetèrent leur dévolu sur l’un des nombreux carrefours qui émaillaient la structure de Magic. Elles s’immobilisèrent, conscientes que leurs chemins se séparaient ici, et Safira mit à profit cette opportunité pour se placer face à Rim, les bras croisés sur une moue scrutatrice. Le sourire de l’Ambassadrice s’élargit.

    « Et quoi, la prochaine fois tu leur apprends à petit-déjeuner ? Éplucher une orange, vraiment ? »

    « C’est une allégorie. »

    « Tu avais faim. »

    « La grande allégorie des agrumes. Tu n’as qu’une seule orange amère, et tu n’as d’autres choix que de partager ses quartiers avec tes voisins si tu ne veux pas être dévoré – mais voilà, tu n’as pas assez de morceaux, tes voisins sont plus ou moins puissants et le fruit est de surcroit dégueulasse. »

    « Rim bon sang, je ne suis qu’à mi-chemin de mon deuxième Cursus d’Honneur pour devenir professeur, tu étais censée être l’atout dans ma manche pour améliorer ma réputation ! »

    « … Surtout dégueulasse, acheva Rim en grommelant, une ombre passagère traversant son visage tandis qu’un groupe d’élèves les dépassait en s’égayant. … As-tu récemment entendu parler de Ceoke ? reprit-elle dans une abrupte digression. »

    Et Safira sut alors qu’il s’agissait de la seule et unique raison pour laquelle son amie d’enfance avait accepté de s’adonner à cette petite pièce de théâtre. Elle eut la décence de prétendre ne pas noter l’intensité soudaine qui se lisait au coin des yeux de la Rouge, prétendre qu’elle ne la connaissait pas quasiment par cœur après toutes ces années…

    « Pas depuis qu’on le dit transformé en chuchoteur. C’était quoi… En l’an -7, -6 que les Chuchotements de Zei l’ont emporté ? »

    Elle plissa les paupières.

    « Pourquoi revenir sur cette histoire ? Nous n’avons étudié ensemble que deux ans. Il était à peine davantage qu’une connaissance amicale. »

    Cette fois, Rim pencha subtilement la tête de côté, de longues mèches flammes glissant d’une épaule, recouvrant les lignes sophistiquées de son gilet. Sa voix avait diminué de volume en parfaite contradiction avec le visage avenant qu’elle arborait aux yeux du public.

    « L’as-tu vu mourir ? Malade ? »

    Une interrogation tracassée se devinait dans ses intonations.

    « Non, bien sûr que non, personne n’est assez odieux pour vérifier ces choses-là. »

    Rim eut un infime haussement d’épaule. Un « hmm » que Safira aurait tout aussi bien pu rêver. Elle chassa sa curiosité indésirable d’un revers aérien de la main, se défaussant dans l’instant de ses airs lugubres pour recouvrer son sourire inaltérable.

    « Je ne te retiens donc pas plus longtemps. »

    Elles se saluèrent comme elles avaient coutume de le faire lorsqu’elles n’avaient que dix-sept ans et Rim reprit sa route de dalles marbrées en sens inverse, arrêtant ici et là d’anciens collègues ou professeurs. Nul n’avait plus entendu parler de Ceoke depuis l’an -6. Non pas que quiconque se soit intéressé à un relatif anonyme parmi la foule d’élèves, la mort ayant cet aspect proche de l’urticaire propre à rebuter n’importe quel être vivant bien portant… Un bras placé sous sa poitrine, l’autre tapotant pensivement ses lèvres entrouvertes, Rim se creusait l’esprit sous la ramure d’un imposant érable. Si ce n’était pas Ceoke, qui avait-elle vu il y a trois jours à l’occasion d’une dispute houleuse au cœur de la foule ? N’étant que spectatrice, elle n’avait pas eu l’heur d’apercevoir clairement le visage de l’agitateur. Pourtant, cette drôle d’impression lui collait à la langue comme de la sève sur sa peau. L’homme avait abordé une immigrée de Shoumei, une cavalière interruption qui s’était soldée à grands renforts d’invectives et de gesticulations : la donzelle ainsi arrêtée n’avait pas appréciée de se voir traiter d’hérétique. Un membre du Nouvel Ordre à n’en point douter… Et certainement pas une bonne nouvelle s’il s’agissait bel et bien de Ceoke. Son ancien confrère était tout ce qu’il y avait de plus Républicain à l’exception de ses anciennes accointances avec certaines familles nobles de Shoumei. Cela, s’il n’était pas mort des chuchotis de Zei dès le début cette affaire.

    Elle soupira, une main posée sur la hanche tandis qu’elle levait les yeux sur le splendide plumage d’un corbeau confortablement installé dans la touffeur du feuillage. Les animaux devaient s’épanouir en ces lieux au regard de la végétation méticuleusement entretenue par le personnel de l’académie.

    « Hé, on ne juge pas quand on ne connait pas, tança-t-elle la créature plumeuse. Je n’ai pas pu t’apporter mes restes d’orange, mes élèves étaient trop affamés. Promis j’ai essayé au risque d’y perdre des doigts. »
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  • Ven 18 Aoû - 19:09
    - La belle madame a vu Jamil ! Ouf, il a pas l’air découvert.

    Postée sur l’appui d’une des fenêtres de l’étage, une mésange toute ronde, qui ressemblait plus à une boule de coton qu’un oiseau, piaillait gaiement à côté de Willow. Le jeune homme aimait bien les mésanges de Magic ; bien qu’elle fussent naïves de nature, elles étaient de compagnie agréables, toujours joviales et bienheureuses. Les avant-bras sur l’appui de la fenêtre, Willow observait la silhouette de l’ambassadrice entre les feuilles et les branches de l’arbre sous lequel elle s’était réfugiée. Derrière lui, de rares élèves passaient, soit seuls soit à deux, sans lui accorder d’attention. La plupart d’entre eux étaient des deuxièmes années, libérés de leur leçon, s’en allant vers l'amphithéâtre suivant ou un atelier quelconque. Willow ne quittait pas Casris du regard, alors que cette dernière avait levé la tête en direction du corbeau espion. La mésange avait raison, elle était effectivement belle. C’était une qualité plutôt commune chez les manipulateurs de magie, il fallait l’avouer. Et Rim possédait effectivement cette beauté chimérique que les conteurs aimaient donner aux fées marraines ou enchanteresses de cour. Néanmoins, Willow ne se leurrait, bon nombres de personnes à Magic usaient et abusaient d’illusions esthétiques ou de philtres modelants. La beauté naturelle se mourrait, là où les mages devenaient, les uns après les autres, les reflets de standards de plus en plus sibyllins.

    - Les anciens druides aiment prétendre que méditer sous un érable permet de ressourcer son mana bien plus vite que sous un autre arbre.

    - Ah bon ? S’écria la mésange en levant la tête vers le sorcier.

    - Par contre, les oracles auraient tendance à dire que cette femme a bien trop de feu en elle. Le feu est source de chaos, un cycle perpétuel de fin et de naissance.

    - Sacré mélange… fit la mésange. Elle a l’air triste, c’est à cause de son feu ?

    - Je ne sais pas si elle est triste, mais elle a l’air préoccupée. Difficile à dire avec les branches.

    - Elle vient méditer tu penses ?

    - Peut-être, mais certainement pas pour régénérer son mana. Les diplomates passent plus de temps à échapper aux sortilèges qu’à en lancer. Le calme est un luxe que les politiciens ont bien du mal à s’accorder.

    La mésange alternait des coups d’œil entre l’ambassadrice et le mage comploteur. Elle était bien trop enthousiaste pour un petit oiseau qui n’avait pas tant pris par au plan du jour de Willow. Elle s’était contentée de remarquer, comme Bérénilde plus tôt, le garçon alors qu’elle voletait gaiement non loin de l’érable.

    - Tu veux que j’aille voler dans ses cheveux pour t’en ramener un ? Tu pourras lui lancer un sort pour la rendre heureuse !

    - Cela ne sera pas nécessaire, répondit simplement Willow, mutin. J’ai besoin de ses secrets, pas de ses cheveux.

    Le petit échange entre l’arcaniste et la mésange fut subitement écourté. Plus bas, le croassement de Jamil se fit entendre. À destination de Willow, il ne faisait nul doute que le corvidé avait perçu quelque chose d’intéressant. De sa branche, Jamil battit des ailes jusqu’à la balustrade où il dit rapidement :

    - Elle a l’air de chercher un certain Ceoke, pas vu depuis des années, devenu un « chuchoteur », disparu sans laisser de trace visiblement.

    Willow répondit un sourire à Jamil, laissant le corbeau quitter la fenêtre pour retourner se percher sur l’érable. Voilà qui était effectivement fort intéressant ; ainsi l’ambassadrice était, comme le prétendait la mésange, bien préoccupée. Ceoke, le nom n’était pas banal, sans doute étranger, ou non-humain ; il sonnait très orc, ou gobelin, trouvait Willow. Le plus intrigant restait la mention que Jamil avait fait de son état. Le jeune homme ne s’y connaissait pas vraiment en médecine magique, mais il avait pu entendre parler des Chuchotements de Zei de la part de camarades du cursus médical. La maladie était plutôt célèbre pour son aura emplie de mystère, sans cause connue ni remède absolu. Willow ignorait même s’il était possible d’en guérir autrement qu’en usant de magie. Même un grand thaumaturge devrait user de beaucoup de mana, ou tisser des sortilèges remarquablement puissants et précis, afin de guérir ne serait-ce qu’un malade de cette affliction. Que pouvait-elle bien vouloir à un chuchoteur ? Ces derniers devenaient bien vite des parias à force d’entendre on ne savait trop quoi leur chuchoter de nulle part. Pourquoi une ambassadrice aurait-elle un lien avec une pauvre âme pareille ? Voilà un secret que Willow devait trouver lui-même. Rim n’allait pas livrer ses secrets seule face aux animaux de Magic.

    Un tourbillon de fumée argentée et émeraude virevolta aux côtés de Rim, révélant Willow en s’estompant :

    - Vous ne risquez pas de trouver un chuchoteur sous cet érable, il n’est pas si vénérable.

    Les mains dans les poches, l’héritier Knight dardait Rim de son fameux air désinvolte, figure signature charmeuse dont il ne valait mieux pas être destinataire.

    - À moins que vous ne possédiez des talents de senseur hors du commun, vous n’arriverez jamais à découvrir quoi que ce soit concernant votre cher « Ceoke » sans l’aide de quelqu’un qui est au courant de votre marotte sans même vous avoir parlé.

    Le sourire de Willow prenait désormais des allures de rictus tandis que ses pupilles brillaient d’un éclat rutilant. Il continua :

    - Quelqu’un comme moi. Imaginez ce qu’une telle personne peut détenir d'autres comme infos, voire découvrir

    Peut-être devait-il se lancer dans les pactes faustiens, songeait-il.

    - Je suis Willow Knight ; et vous, vous êtes enchantée.
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  • Dim 20 Aoû - 12:04

    Bien sûr, Rim sursauta. C’est qu’elle ne vivait pas quotidiennement dans ces hauteurs, privilégiant les allées citadines aux parages magiques de… Hé bien de Magic. Il n’y avait que dans l’enceinte de l’université que des phénomènes d’ampleur se produisaient régulièrement au point d’être qualifiés d’anodins, un adjectif que l’on ne décernait jamais à l’utilisation de pouvoirs dans le grand monde de Sekai. La plupart des habitants, déjà, n’avaient pas l’heure de posséder ce type de carte joker utilisable selon leur bon vouloir. Et l’on ne se téléportait pas non plus exactement au cœur du Sénat à moins de nourrir des velléités de mort prompte et brutale. Cherchait-elle à justifier la courte étreinte de stupeur qui s’était emparée de son corps contre son bon vouloir ? Peut-être. Elle étouffa du moins juste à temps un grondement interloqué et sa peau ne gagna qu’à peine un ou deux degrés instinctifs. Car elle se recomposa une attitude sitôt qu’elle identifia la figure du nouveau venu – pas un détraqué armé d’un couteau ni non plus un huissier de justice à la recherche de ses impôts mystérieusement disparus l’année dernière. Elle aurait certainement préféré le premier de ces deux cas de figure.

    Oh, non pas qu’elle le connaissait. Il ne lui disait proprement rien. Elle était néanmoins assez bonne physionomiste et ne détectait chez lui aucune pulsion meurtrière. Ses airs d’étudiants n’étaient pas indifférents à cette interprétation, Rim peinant à concevoir qu’un élève puisse vouloir l’agresser au vu et au su de ses professeurs : il n’y a rien qu’un élève rechignerait à faire pour obtenir son année. Et le meurtre n’était évidemment pas une bonne annotation à obtenir sur son bulletin. Il n’était pas pour autant démuni de piquant constata-t-elle la seconde suivante. Balayant sa silhouette du coin des prunelles, elle détailla ses cheveux châtains en bataille, son joli minois discrètement ponctué de taches de rousseur, la courbe de son sourire insolant ponctuée comme une marque de fabrique par la ligne de ses sourcils broussailleux. Il était plus jeune qu’elle assurément, et tout en lui exhalait un avertissement, le grand appel du danger. Était-il populaire parmi ses pairs ? Son physique devait plutôt lui servir d’atout, mais il y avait quelque chose dans ce comportement qu’il ne tarda pas à prouver qui inspirait plutôt la prudence…

    Une fois donc passée la surprise de son arrivée impromptue, Rim éclata d’un grand rire cristallin, ses lèvres laissant deviner l’éclat d’une dent blanche. Elle n’était pas femme à s’offusquer de ses manières, bien au contraire intriguée par cette approche pour le moins… Singulière. D’accord. Il connaissait ses motivations. De toute évidence il disposait d’un moyen d’obtenir ces informations, non pas qu’elle se fut montrée particulièrement secrète. Mais il ne suffisait pas d’être bon observateur, encore fallait-il avoir la jugeote de comprendre la valeur des informations récupérées et le culot de les exploiter : il disposait de ces deux qualités. Allait-elle briser dans son élan un tel futur atout pour la République ? Certes non ! Plus encore lorsqu’elle sentait croitre dans sa poitrine l’avidité de la connaissance. Elle voulait savoir ce qu’il pourrait trouver pour elle. Détricoter ce casse-tête.

    « Rim Casris, et je suis charmée. Quel incroyable hasard que vous soyez en mesure de deviner exactement ce dont j’ai besoin à cet instant précis. Pour un peu je vous recruterais à plein temps : je connais quelques politiciens à qui cela ne ferait pas de mal de savoir quelle pâtisserie choisir au moment du dîner... Voilà qui nous ferait gagner un temps considérable lors des soirées mondaines. »

    Elle haussa un fin sourcil, son visage se fendant d’un semi sourire renard.

    « Malheureusement le sujet qui nous préoccupe dépasse toute gravité gastronomique. Vous avez démontré que découvrir ma marotte n’est guère compliqué. Belle adresse lorsque le poisson que vous souhaitez ferrer se trouve sur votre territoire. »

    Elle eut un large geste du bras, désignant le jardin, l’érable et l’entièreté des bâtiments qui les entouraient d’une étreinte protectrice. Ses prunelles revinrent alors s’amarrer aux iris de son vis-à-vis, faussement miel, en réalité traversées d’un éclat métallique telle une succincte mise en garde.

    « Étudiez-vous ici cher Monsieur Knight ? Êtes-vous bien certain que votre cursus d’Honneur n’exige pas déjà chaque instant de votre attention ? Qu’en sera-t-il, à l’extérieur de ce royaume académique ? »

    Toute information ne pourra pas être obtenue entre ces murs. D’ordinaire moins échauffée, Rim s’était naturellement adaptée à l’élégante provocation délivrée par son interlocuteur. Il avait l’air d’avoir du tempérament et des répliques à revendre. Qui serait-elle si elle lui refusait cette sympathique joute verbale, ce frisson du premier test lorsque deux âmes se confrontent ? Ils ne se connaissaient pas. Elle devait trouver le moyen de vérifier qu’il avait l’ambition de ses propos avant de pouvoir prendre une décision. Surtout quand il s’agissait de traiter avec quelqu’un qui l’avait espionnée et n’hésitait de toute évidence pas à se servir de ses découvertes...

    « Ne m’en voulez pas, je suis souvent échaudée à l’égard de potentiels associés susceptibles d’avoir la langue trop pendante et une allégeance fluctuante une fois laissés à leurs affaires. Je n’aime pas la sensation des dagues qui raclent les omoplates. Êtes-vous féru de dagues, Willow ? passa-t-elle sans crier gare à une familiarité doucereuse. »

    Le sujet Ceoke était innocent en apparence. Elle n’était en revanche pas assez naïve pour deviner ce qu’une mauvaise tournure de cette histoire pourrait faire à sa carrière et à ses proches. Si Ceoke se révélait bien en vie et qu’il avait de surcroit rejoint les fanatiques du Nouvel Ordre, son ancienne proximité avec lui pourrait rejaillir négativement sur elle. Les relations publiques étaient déjà suffisamment tendues entre la rivalité opposée par le Reike, l’arrivée des réfugiés de Shoumei et les dissensions sur l’île de Kaizoku. Par ailleurs, Willow s’était soigneusement abstenu de préciser ce qu’il retirerait de cette interaction. Et nul ne travaillait par plaisir.

    Alors, ennemi ou allié ?
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  • Lun 21 Aoû - 11:47
    Il n’était pas étonnant que la demoiselle désire sonder son interlocuteur. Après tout, il était arrivé de nulle part avec des informations qu’il n’était pas censé posséder en bouche. Cela aurait pu dérouter n’importe qui. Néanmoins, au lieu de s’en offusquer et réagir comme une effarouchée, l’ambassadrice aux cheveux de feu se montrait étonnamment intéressée. Elle aurait pu hurler, faire comme s’il racontait n’importe quoi, et pourtant elle assumait. De sa branche, Jamil croassa de manière amusée avant de battre des ailes pour se poser sur un nouveau perchoir feuillu, juste derrière une épaule de Willow. La mésange qui parlait avec lui plus tôt voleta également vers l’érable, piaillant avec enthousiasme alors que les rayons du soleil perçaient avec fougue entre les feuilles, éclairant le couple de multiples pastilles d’or céleste. L’intérêt de l’aristocrate avait été piqué, c’était un excellent point pour le jeune homme, il fallait à présent qu’il parvienne à conserver cet intérêt et lui montrer en quoi ses pouvoirs lui seraient indispensables.

    - Madame, susurra-t-il doucement de façon mutine, une dague serait une caresse comparée à ce que je manie. La plupart des érudits aiment clamer à qui veut l’entendre que la plume est plus forte que l’épée

    Il marqua une pause en émettant un soupir lascif, passant une main dans ses boucles brunes qui ne reprirent certainement pas ordre lorsqu’il la retira.

    - … mais le débat est stérile. Ce qui est plus fort que tout, ce sont les secrets. Et je manie cette arcane depuis que je suis tout petit. Il n’y a aucune serrure qu’un secret ne saurait ouvrir, aucun cœur qu’il ne saurait percer, aucune âme qu’il ne pourrait damner.

    Non loin d’eux, un groupe d’étudiants remontaient une allée couverte en échangeant divers commentaires assidus sur les parchemins qu’ils tenaient. L’un objectait sur l’utilisation d’une pierre de lune pour sertir un anneau de senseur tandis que son comparse, un elfe, arguait qu’il fallait mieux utiliser une pierre d’amant. Une troisième disait qu’avant de décider, il fallait plutôt s’accorder sur l’étendue de matériaux possibles à acquérir puis se décider ensuite. Ils passèrent non loin de Willow et Rim sans les regarder, trop absorbés dans ce qui semblait être le dernier travaux pratique du cours de minéralogie.

    - Un secret perd toute son essence si la personne à qui il appartient à une dague  dans le dos. Et je n’aurai de cesse de composer avec tant que je ne serai pas là où je mérite d’être.

    Willow avait déclamé cela avec une certaine amertume. Rim avait tout ce qu’il avait toujours désiré. Pouvoir, statut, fortune incommensurable et rang social d’excellence, ce que sa propre famille, sombrant dans la décadence, lui avait privé alors qu’il n’était qu’un petit enfant. Son futur aurait pu être plus éclatant que le mithril nain, plus majestueux que le kirin. Il aurait pu être à la place de Rim, il aurait pu vivre sa vie de diplomate, être la coqueluche de tous les salons mondains, être au centre de toutes les attentions et être le meilleur parti de toute la République. Il aurait pu être elle, et la demoiselle ne semblait pas le réaliser ; le nom de Knight ne lui avait rien dit. L’envie le rongeait, mais il s’efforçait de conserver sa figure.

    - Votre question n’a aucune bonne réponse. Si je vous dis que je ne plante aucun couteau, vous ne me croiriez pas ; si je prétends le contraire, vous ne m’accorderez pas le moindre degré de confiance.

    La mésange vint se poster près de Jamil, qui ébroua avec élégance ses ailes au plumage de jais.

    - Et puis, ne nous leurrons pas, si vous vouliez être certaine de l’allégeance de vos collaborateurs, vous n’auriez pas fait de politique, mais de l’horticulture. Vous devez garder en tête que je connais la véritable valeur des secrets, que je suis maître de leur usage… et de leur obtention.

    Il enchaîna avec un haussement d’épaule insolent, levant le menton.

    - Quant à Magic, ne vous inquiétez pas pour moi. Je n’en ai pas l’air, mais je suis avec attention la moindre de mes leçons, même quand je n’y suis pas physiquement présent. Je ne perds une miette de rien, et je conserve mes excellentes notes, ça a le don de faire enrager plus d’un élève… et plus d’un professeur.

    Il pouvait remercier ses chers amis animaux pour cela ; suivre une leçon sans se faire remarquer lui avait déjà bien rendu service par le passé. Ne restaient que les travaux pratiques où il devait être présent en personne, ce qui était suffisamment facile. Willow n’était cependant pas un fervent absentéiste, il était conscient qu’il se devait de garder un certain sérieux. Peu d’animaux pouvaient retenir sans accroc des cours aussi complexes que ceux de Magic, si bien qu’il devait souvent passer une ou deux soirées à combler les trous laissés à la bibliothèque ou sous des grimoires. Malgré tout, le jeune homme avait réussi à trouver une certaine routine qui lui avait permis de composer jusqu’ici.

    - Qui plus est, continua-t-il sur le même ton, je ne suis pas non plus inapte hors de l’enceinte de l’université. Je viens de coins de Liberty si glauques et sombres que le rubis de votre crinière pourrait devenir de craie. En guise d’ottomane, j’ai eu le trottoir ; le velours de mes coussins c’était la pierre des pavés. Et laissez moi vous dire, Rim Casris, que jamais dans vos cauchemars vous n’avez vu de chose aussi terrifiante que ce qui peut se trouver dans certaines rues de notre capitale.

    Le phrasé pouvait sonner romanesque, il était vrai, mais il n’était pas erroné pour autant. Là où avait grandi Willow se trouvait la lie de la République, tous les parias détraqués et infirmes dont personne ne voulait et pour qui toute intégration, à moins d’un miracle, était impossible. Estropiés, drogués, psycho et sociopathes, tueurs et pervers sordides, il en avait croisé moult. Et la simple hypothèse de retourner vivre dans ce monde lui donnait des nausées.

    Je ne finirai jamais là où j’ai commencé, se répétait-il sans cesse…

    - Cessons de tourner autour du pot. Vous voulez des infos sur votre « Ceoke », quant à moi je veux un rang social aussi prestigieux que le vôtre. On se rend mutuellement service, et on est contents tous les deux. Décidez-vous, madame, autrement je vais devoir m’en retourner à mes propres affaires. J’ai « entendu dire » que des membres du cabinet d’un sénateur faisaient déplacer de charmantes courtisanes pour des soirées privées dans un appartement rue de la Flèche d’Or ; quel bon filon que cela hm ! Alors, deal ?
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  • Dim 27 Aoû - 11:21

    Sa dernière réplique lui arracha un sourire. Bien sûr, il importait peu que l’information fut vraie ou fausse : en tant que maitre des secrets, un informateur digne de ce nom se devait de récolter plusieurs filons parallèles. Le message était néanmoins passé et malgré ses airs fort théâtraux le jeune homme ne s’était pas laissé déstabiliser. En un sens il n’avait pas tort… Elle préférait cette honnêteté ambivalente à une hypocrisie toute en fausses promesses susurrées. Au moins partageait-il sa réalité, offrant par extension à Rim l’opportunité de traiter avec lui à égalité. Elle n’était pas assez naïve pour croire en une version édulcorée d’amabilité -il n’existait aucun bienfaiteur en République. Aussi avait-il parfaitement évité cet écueil, annonçant tout de go qu’ils agiraient telles deux créatures aux abois piégées dans la même arène. Ce serait au premier qui montrerait un peu trop vite ses couleurs, au premier dont la véritable nature de couleuvre percerait sous les jolis atours d’être humain civilisé. Et, surprise, elle pouvait absolument accepter cette manière de fonctionner. Ce n’était hélas pas si différent de frayer au quotidien avec la sphère politique où les nuisibles aux dents les plus longues rôdaient sans cesse… L’horticulture avait-il dit ? Oui, peut-être s’agissait-il d’un beau plan de retraite finalement.

    « Un rang social aussi prestigieux ? s’étonna-t-elle, juste avant que son sourire ne s’accentue. Vous me flattez, mais je crois que vous vous leurrez. Je ne suis ni une Goldheart ni une Genova, je n’ai certainement pas ce type de pouvoir. Auquel cas vous l’imaginez bien, je ne serais pas ici à arpenter les couloirs de l’Université Magic. »

    Elle haussa un sourcil équivoque. Oh, elle n’avait pas particulièrement d’ambition à cet égard. Tout au contraire dans la mesure où elle ne vivait qu’à travers les autres, louve folle et passionnelle qui ne pouvait concevoir son existence pour elle-même. Quelques bribes de cette loyauté se retrouvait d’ailleurs dans sa carrière d’Ambassadrice : puisque la République lui avait tant donné, elle défendait ses abords avec la patience froide et cruelle d’une mère protectrice. A contrario, elle savait qu’aucune protection n’était envisageable si elle n’obtenait pas le pouvoir de défendre… Et dans un monde en proie aux flammes, aux complots et aux guerres titanesques, la meilleure défense restait l’attaque.

    Rim n’avait en outre d’autre choix que de se montrer purement pragmatique et rationnelle envers sa propre personne. Même dans une nation où se côtoyaient de multiples races plusieurs fois centenaires, personne ne voudrait d’un mariage avec un utérus brisé. Non pas que cette information fut connue, ni qu’elle avait l’entière preuve de sa stérilité, mais son âge était pour sa part indéniable. Le marché florissait de jeunes nobles prêtes à nouer d’éternels partenariats matrimoniaux et le sujet continuait pourtant de l’ennuyer profondément. Elle n’était malheureusement pas suffisamment calculatrice et bien trop amatrice de liberté pour s’accoquiner avec un noble veuf plus âgé qu’elle. Au grand désespoir de ses satanés parents peut-être. Encore mieux s’ils pouvaient se retourner la nuit sous leurs draps, torturés par cette épineuse et indocile héritière.

    « D’autre part, vous m’avez déjà l’air de vous en sortir à merveille. Quel Cursus d’Honneur suivez-vous, si cela n’est pas indiscret ? Sauf s’il s’agit de l’un de vos précieux secrets. »

    Elle pencha doucement la tête de côté et ses prunelles furent happées par-dessus l’épaule de Willow, là où deux oiseaux s’ébattaient paisiblement sur les branches de l’érable. Voilà qui n’est pas commun, nota-t-elle la proximité douteuse entre une mésange inconnue et son corbeau précédemment rencontré. Aucune espèce d’oiseau n’approcherait sciemment un corvidé. Œuvre de son interlocuteur, ou de la magie présente au sein de l’Université ? Par ici rien n’était moins sûr. Le pouvoir incontrôlé d’un élève ou un étudiant désireux de produire le meilleur projet de fin d’année pouvaient conduire à des résultats spectaculaires. Elle chassa cette constatation dans un recoin plus lointain de son esprit et poursuivit le fil de ses interrogations :

    « Tout le monde n’a pas les moyens de se payer une scolarité à l’Université Magic. Oh oui bien sûr, vous pouvez toujours évoquer les bourses en retour, mais ne nous mentons pas : une étudiante dont la famille agonise dans la rue n’aura pas la concentration et la rigueur nécessaires à l’accomplissement d’études. »

    L’un des nombreux mirages de la République. Le savoir pour tous, la connaissance pour personne. L’Etat prenait un soin particulier à maintenir une certaine dose de clivage social, quand bien même trois ou quatre prodiges parvenaient à passer ces épreuves. Ils étaient alors portés en symboles de réussite, la plus grande arme contre leurs proches : ainsi les plus pauvres étouffaient leur ressentiment, caressant du bout des doigts un rêve de progression qui ne se concrétiserait jamais.

    « Et vous voilà. Ici, à l’Université Magic. Un élève brillant. Me proposant un marché pour obtenir une réputation à la hauteur de vos ambitions. N’est-ce pas pour cela que vous étudiez ? N’est-ce pas pour cet objectif que vous réussissez ? Que vous faut-il de plus que le statut que vous obtiendrez inévitablement par le biais de votre cursus ? Gloire, richesse, admiration de vos pairs ? »

    Le cuivre de ses prunelles longea l’excellente facture de ses vêtements. Elle ne se cacha guère de son exploration visuelle, les paupières mi closes à la manière d’un chat indolent. Sa toilette n’avait pas une seule éraflure. Il avait la posture d’une personne éduquée, l’éclat de peau d’un individu bien nourri. Puisqu’il s’était permis d’enquêter sur elle sans qu’elle ne le sache, elle ne se privait guère de lui rendre la pareille, mais au vu et au su de tous. Libre à lui de répondre bien entendu – et elle se doutait qu’il ne le ferait pas entièrement – elle était toutefois sincèrement curieuse de connaître davantage ses motivations. Quelque chose ne coïncidait pas, il lui manquait un élément crucial du puzzle. Dans la torpeur lumineuse de la journée, protégés qu’ils étaient par la magistrale et splendide Université Magic, cette colère sourde ne faisait pas sens.

    Restait l’hypothèse d’une famille à protéger si l’ambition ne fonctionnait pas. Il avait mentionné un passé difficile, tortueux. Elle n’avait aucune difficulté à imaginer l’horreur d’une existence semblable, et pas suffisamment d’empathie cependant pour ressentir un pincement au cœur à son égard. Au vu de son tempérament, il n’en attendrait de toute façon pas moins d’elle. Ils n’étaient pas exactement des écoliers en train de se compter fleurette, mais plutôt deux potentiels partenaires commerciaux s’observant en chien de faïence. Il avait grandi dans la souffrance, certes. Il vivait à présent dans l’un des joyaux de la République. Nourri, logé, éduqué. Alors pourquoi ? Pourquoi prendre de tels risques pour un trafic d’informations ?

    « Ceoke briguait comme vous d’impossibles horizons, lâcha-t-elle soudain, une chaleur nostalgique dans la voix. Cette gourmandise l'a conduit à s’acoquiner avec un milieu dont il ne reviendra jamais. »
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  • Dim 27 Aoû - 16:38
    - Rah, je vous en prie ! Soupira Willow en affichant un sourire carnassier. N’essayez pas de me dissimuler votre clairvoyance, ça ne vous sied guère.

    Sur sa branche, Jamil croassa doucement, comme amusé par la situation. Chaque négociation de son maître était pour lui comme une pièce de théâtre, un divertissement constant dans lequel il avait son rôle. Le corvidé adorait le jouer ; à ses côtés la mésange semblait n’avoir cure de rien, bougeant sa tête comme une enfant naïve observant un arc-en-ciel. Face au magicien étudiant, la diplomate ne lui avait toujours pas répondu sur sa proposition et continuait de vouloir le sonder. Que cherchait-elle exactement ? Si ce qu’il avait mis sur la table n’avait pas au moins piqué son intérêt, elle serait déjà partie. Qu’essayait-elle alors de déterrer en lui opposant son cursus, ses pairs, et Magic ? Elle se mit à parler de son ancienne connaissance, prétendant que, lui aussi, avait certaines ambitions. Willow ne connaissait pas ce « Ceoke », mais sachant qu’il avait fini par contracter une maladie horrible ayant sans doute détraqué sa psyché, il refusait toute comparaison avec cet individu.

    - Je pense que vous ne croyez pas un traître mot de ce que vous me dites, lui lança le jeune homme en faisant pétiller ses yeux désinvoltes. Si les cursus des écoles de magie suffisaient, les mages gouverneraient le monde. Et le gouvernement serait entre ces murs, votre bureau au bout du couloir.

    Cette fois, Willow s’adossa au tronc de l’érable, croisant ses avant-bras, posant une jambe face à l’autre, ses pieds hissés sur une des racines de l’arbre sortant un peu trop de la terre.

    - La vérité c’est que les trois quarts des élèves présents ici finiront par devenir des apothicaires, des rebouteux, ou des artisans. Le reste, ceux qui obtiennent leurs cursus, sont encouragés à rejoindre l’administration ou l’armée. Vous pensez sérieusement que je souhaite devenir professeur ou soldat après avoir obtenu ma branche de l’étoile ?

    Le jeune homme pouffa silencieusement en émettant un simple souffle.

    - Tous ces flagorneurs à qui vous avez donné classe, vous savez parfaitement que juste une brochette aura l’espoir de fouler le sol de vos palais, et finir au service protocolaire ou agent consulaire. Sans compter le népotisme et les avantages des bourses d’aristocrates… On ne sort pas d’ici pour devenir une aiguille, mais un des rouages de l’horloge. Et je refuse de devenir un rouage, et je ne finirai jamais là où j’ai commencé.

    Un courant d’air un peu trop frais s’engouffra dans leur petit espace, se glissant entre les feuilles de l’arbre sous lequel ils discutaient. La brise pénétra sinueusement à l’intérieur de la chemise de Willow, dans son dos, lui causant un léger frisson.

    - Je suis ici pour apprendre le plus d’arcanes possibles, pour le nom et le prestige de l’école, pour le carnet d’adresses aussi, mais pas pour les débouchés. Je n’obtiendrai jamais un statut « inévitablement » en menant mon cursus à son terme, et vous le savez très bien.

    Willow quitta l’érable, soulevant un galet gris du sol par magie sans même le regarder. Il éleva la pierre puis une autre, blanche cette fois, vint prendre sa suite. Les deux cailloux montaient tout doucement puis se mirent à graviter autour de lui, deux satellites lunaires autour d’un immense corps céleste.

    - Vous pouvez mériter du pouvoir mais ne jamais le gagner. Vous pouvez être un roi mais aussi impuissant qu’un oisillon, vous voyez la rengaine ? C’est curieux, d’ailleurs, je pensais que vous devineriez ce que je désire ; je suppose que vous n’avez pas réalisé qui j’étais.

    Il émit un son déçu à peine perceptible en scrutant l’une des deux pierres, toujours en orbite autour de ses épaules.

    - J’aurais dû m’y attendre, le nom des Knight s’est vite perdu dans les méandres de l’oubli. Mais vous ne pouvez tuer un serpent juste en faisant semblant de ne plus le voir. Il me semble que certains membres de votre famille étaient de très bons clients de mon père ; je me souviens d’une dame avec des cheveux aussi brillants que les vôtres, votre tante peut-être ? En tous cas, elle adorait les fourrures de mon père. Et, qui sait, peut-être nous sommes nous déjà croisés, il y a fort longtemps, lors d’une réception ?

    Cette fois, plusieurs feuilles étoilées et pointues de l’érable se détachèrent de leurs branches, l’une d’elles passant au-dessus de la minuscule tête de la mésange, pour rejoindre les galets et tourner autour de Willow.

    - Mais puisque je dois tout vous énoncer… Je veux ce à quoi vous avez eu droit, ce que l’on m’a retiré. Je veux votre présent, ma revanche sur le destin, et tous les bonus alléchants que je peux récolter en cours de route.

    Les feuilles et les galets ralentirent lentement leur allure. Ils descendirent avec une certaine langueur sur le sol, les pierres reprenant leur place sur le sentier, les feuilles se mêlant à l’herbe et la pelouse. Le vent se calma à son tour alors que les objets que Willow tenaient sur son emprise étaient rendus à la nature, comme si tout avait repris sa place dans l’ordre des choses.
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  • Sam 2 Sep - 22:38

    L’ambition donc. Rim eut un claquement de langue appréciateur. Voilà précisément ce qu’elle aimait obtenir. L’essence qui nourrissait son corps, cette âme adverse, inconnue, qu’elle se devait de décortiquer pour mieux en parcourir les aspérités de ses longs doigts aveugles. Il l’avait à présent convaincue, subtile bascule qui ne flanchait que quand son interlocuteur acceptait enfin de lui livrer sa véritable nature. Comment apprendre des autres autrement ? Comment découvrir les êtres vivants ? Les savourer ? Ainsi venait-il sans le savoir de payer sa confiance d’une invisible monnaie, garantissant le bon aboutissement de leur transaction. Oh, ils caressaient les mêmes buts mais usaient de leurs savoirs à des fins différentes. Willow magnait le verbe et la connaissance comme une arme susceptible d’apporter des ravages dans le camp ennemi. Rim pour sa part concevait cette précieuse bribe d’information à la manière d’un trésor fragile et tout à fait personnel, véritable dragonne veillant jalousement sur sa fortune durement acquise. Elle collectionnait les âmes, en somme, aimant tant en détailler les nuances et les fissures qu’elle en tirait parfois un indicible vertige.

    « Ne prenez pas ombrage de mon inculture, je suis allergique à ma famille depuis ma naissance. J’ai oblitéré une grande partie de ce qui a trait à mes chers géniteurs. Y compris aux familles qui leur ont juré allégeance en termes d’amitié. »

    Elle haussa les épaules, un mouvement désinvolte trahissant son indifférence à cet égard. Son inimitié avec ses parents n’était pas particulièrement inconnue du public. Difficile de cacher leurs évitements et leurs heurts répétés lors des soirées mondaines, plus encore les traces inaltérables du passé. Elle n’avait jamais été guère plus qu’un chien fou dans sa jeunesse, mordant sans distinction quiconque daignait poser un pied sur son territoire. Elle était ignorante. Un résultat qu’elle avait accepté de longue date, trop tardivement éveillée au monde qui l’entourait. Elle avait désormais tout à rattraper, et une vie entière n’y suffirait point…

    Quand bien même le nom des Knight réveillait dans sa mémoire un vague souvenir lointain, il se mélangeait à une multitude d’autres histoires tragiques. Hé, le monde était ainsi fait. Des civilisations s’effondraient, la guerre écharpait les innocents et réduisait en poussière la mémoire de l’enfance : de nombreuses familles avaient vu leur destin brutalement bouleversé, l’emprise croupie de la mort viscéralement ancrée dans leurs intestins, à tout jamais inoubliable. Elle savait toutefois quels registres fouiller pour retrouver la trace des Knights, par trop curieuse pour ne pas vérifier par elle-même quelle terrible diagonale avait pris l’existence de Willow. En un sens elle l’admirait. Il continuait à se mouvoir d’une invincible détermination, peut-être animé par une colère telle qu’elle sourdait de chaque mot prononcé. Une bonne nouvelle. Personne n’était aussi efficace qu’un individu refusant de se maintenir à genoux.

    « Je suis tout à fait en phase avec votre analyse, se fendit-elle d’un sourire. Vous avez raison, la grande majorité de ces élèves que nous croisons resteront de médiocres imbéciles, ne trouvant d’utilité qu’en nourrissant les vers de leur propre chair. »

    L’un de ses sourcils prit une courbe explicite, ses prunelles tournées en direction d’un groupe d’étudiants longeant les couloirs un peu plus loin. Ils parlaient à voix basse, mais même à cette distance il était possible de deviner qu’ils se félicitaient au sujet de l’interprétation d’une ligne de cours, remplis de rêves futurs et d'aspirations candides. Elle posa une main sur sa hanche et revint arrimer son attention au jeune homme tempétueux qui lui faisait face.

    « Et c’est une excellente nouvelle. Il n’y a pas suffisamment d’espace disponible pour que tout le monde rencontre un destin heureux. »

    L’éclat de ses yeux se fit plus métallique, féroce, la froidure du givre parfaitement dénué d’empathie. Que lui importaient les anonymes et les foules agonisantes ? Aucun, aucun d’entre eux ne valait le confort et la vie de ses proches. Elle les piétinerait tous jusqu’au dernier s’il le fallait, arrachant leur chair de ses propres dents s’il ne lui restait alors plus aucune autre arme pour les abattre. Elle avait ses culpabilités intimes bien sûr. Liz. Ceoke. Et… Lui. Non. Ne pense pas. Il était encore temps de révéler le mystère qui environnait Ceoke. Au moins lui trouverait peut-être une finalité souhaitable.

    « Très bien Monsieur Knight. »

    Elle rejoignit nonchalamment son pouce et son index, le claquement de ses doigts produisant un son heurté dans l’air à la manière d’un spectacle s’apprêtant à débuter.

    « Nous pouvons réaliser ce fameux échange de bons procédés. Vous m’aidez à retrouver mon ancien compatriote, et je vous aide à vous rapprocher de vos ambitions. C’est un ravissement certain que de pouvoir faire affaire avec vous, conclut-elle avec un enthousiasme non feint. »

    Elle croisa l’un de ses bras sous sa poitrine, l’autre appuyant ses propos de courts gestes aériens qui traduisaient son sang échauffé.

    « Notre individu se nomme Ceoke Vresadil, il fut étudiant au sein du cursus d’Honneur d’Assistanats magiques de l’an -9 à l’an -5. En mai de cette dernière année, l’un de ses domestiques vint nous informer qu’il avait attrapé une maladie rare à la suite d’un voyage et il fut soudainement déscolarisé : nous n’apprîmes son décès du fait des Chuchotements de Zei que plusieurs années plus tard. »

    Elle s’immobilisa, s’apercevant qu’elle dessinait alentour un arc de cercle répété, faisant les cent pas tandis qu’elle retraçait les évènements décisifs de cette histoire.

    « Or, je le soupçonne d’être encore en vie. J’ignore comment. Si toute sa maladie n’est autre qu’une invention ou si cette expérience de mort imminente a transformé ses convictions en… Quelque chose d’autre. Je suis quasiment certaine de l’avoir vu plusieurs jours auparavant dans la foule tandis qu’il tenait des propos… Polémiques dirons-nous. Le Nouvel Ordre pourrait avoir abusé de sa fragilité pour lui inculquer ses propres valeurs. »

    Valeurs qui n’étaient pas particulièrement appréciées de la République. Qu’avait fait cet enfant pour perdre son chemin de la sorte au point de mordre à présent la main nourricière ? Elle pivota vers Willow, une moue interrogatrice sur le visage.

    « Comment souhaitez-vous procéder ? Dois-je vous déposer un dossier complet quelque part ? Trouverez-vous où et quand me contacter lorsque vous en saurez davantage ? »

    Elle devait l’avouer, ce petit jeu l’amusait assez. La chasse aux informations était distrayante, plus encore quand elle était réalisée en excellente compagnie.
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  • Dim 10 Sep - 15:02
    - Comment ça « où vous trouver » ? Vous êtes ambassadrice de la République, pour commencer. Et vu votre teinte capillaire, navré de vous l’apprendre, mais la discrétion ne sera jamais votre point fort. Pour ce qui est du « quand », ça commence maintenant ; venez, on bouge.

    En entendant ces derniers mots, Jamil prit son envol, quittant la branche sur laquelle il s’était perché pour disparaître entre les tours de l’académie. La mésange, toute guillerette, sautilla avant de déployer ses ailes à son tour, partant se percher sur les tuiles, un peu plus haut. Là où Willow comptait aller, les deux oiseaux ne pourraient suivre. L’arcaniste comptait bel et bien entamer son investigation, directement entre les murs de Magic. La dignitaire gouvernementale lui avait donné suffisamment d’informations en décrivant brièvement son ancien ami pour donner au jeune homme une première piste. « Ceoke Vresadil », de son nom complet ; Willow continuait de penser qu’il ne s’agissait pas là du nom d’un humain. Il persistait à estimer que le prénom sonnait bien gobelin. Quant au nom de famille, il possédait trop de consonances elfiques pour être un hasard. Un demi elfe de lignage gobelin n’était pas impossible, mais une combinaison bien curieuse, trouvait le garçon. Au point qu’il éprouvait une certaine envie que son hypothèse soit vraie, juste pour rencontrer le produit de pareille union, les elfes réputés pour leur beauté sans âme et leur aisance magique et les gobelins, hideux mais odieusement chanceux.

    Regagnant l’intérieur de l’université Magic, Willow guidait Rim en essayant d’éviter les lieux trop peuplés, de peur de tomber sur des étudiants du cursus d’arts physiques et oratoires. À la simple vue de Ms. Casris, ces derniers pouvaient devenir hystériques et au moins sept d’entre eux, croisés dans une série d’alcôves, lui avaient déjà réclamé des autographes sur leurs cahiers de diplomatie. Plutôt que de passer par l’immense hall des colonnes où bon nombre d’élèves vaquaient, Willow fit le choix de bifurquer par la galerie des portraits, un long corridor dans lequel les tableaux d’anciens Voyageurs émérites et divers mages célèbres prenaient la poussière. Ce couloir n’était pas vraiment fréquenté, surtout à cette heure de la journée. Il n’y avait pas de banc, et personne ne prenait réellement le temps d’admirer ses peintures, sauf de rares étudiants en art ou en Histoire, désireux d’apposer une référence pointue mais inutile dans leurs dissertations. Willow et Rim dépassèrent le portrait de Justinienne la Fantasque, célèbre pour s’être volontairement faite capturer par des guerriers reikois plus d’une dizaine de fois pour s’échapper de leurs bûchers, par amour de l’adrénaline. Ils tournèrent à droite pour prendre une série de marches précédent le tableau de « Tartarin vainquant le Basilic, lanconda des forêts de l’ouest ».

    En bas des marches se trouvait un nouveau couloir, cette fois décoré de rangées d’armures n’ayant jamais servies. De temps à autre, une statue faisait son apparition à la place des cuirasses, comme pour briser la monotonie. Plus loin, le couloir menait à une aile de chambres et, si l’on descendait les cages d’escaliers que l’on y trouvait, on déboulait vers les serres maraîchères. Là-bas, on faisait pousser divers fruits et légumes, servis frais au réfectoire de l’académie. Les étudiants pouvaient y venir librement pour aider au jardinage, la plupart des bénévoles s’exerçant aux sortilèges de bruine ou de pousse. Willow s’arrêta face à la grande statue d’un magicien remplissant tous les stéréotypes du genre : longue robe, barbe drue, chapeau pointu, bâton noueux surmonté d’un cristal, celui-ci véritable. Sur son épaule se trouvait la sculpture d’un hibou, un grand-duc dont les aigrettes pointaient droit vers le plafond. Levant une main, Willow fit tourner par magie la tête du hibou, lui faisant faire un tour complet. Le cristal au sommet du bâton clignota faiblement et un pan de mur derrière la statue s’ouvrit légèrement, révélant un passage dissimulé.

    - La main contre le mur, il va faire bien noir à l’intérieur, dit Willow à Rim. Ensuite c’est tout droit.

    Ils s’engouffrèrent dans le passage secret et la porte se referma derrière eux, les plongeant dans les ténèbres. Willow progressait à tâtons, comme il l’avait suggéré à l’ambassadrice. Sa main contre le mur poussiéreux, il sentait sous sa paume les nervures des pierres, quelques fissures présentes par endroits. Des passages comme celui-ci, il y en avait moult au sein de l’Université. Tantôt un raccourci, tantôt une voie secrète vers l’extérieur, l’école était un véritable gruyère. Willow avait appris l’existence de bon nombre de passages grâce aux animaux, mais ne les connaissait même pas tous tant il y en avait. Ces passages, bien que fort amusants à dénicher, étaient plutôt désuets dans la mesure où un simple sortilège pouvait emmener n’importe qui à l’autre bout de l’académie en un claquement de doigts. Toutefois, Willow avait emprunté celui-ci pour une bonne raison. Ils continuèrent doucement leur avancée, leur lenteur et le manque de lumière leur coûtant cinq bonnes minutes. De la lumière au bout du passage dessinait les contours d’une sortie. Willow fit doucement coulisser un panneau mural pour les faire émerger tous deux dans une immense pièce faiblement éclairée. Remplie de compartiments dans lesquels avaient été entassés de vieux livres, grimoires poussiéreux et rouleaux de parchemins, l’endroit était parfaitement désert.

    - Les vieilles archives administratives, précisa-t-il à Rim à voix basse. Personne ne vient jamais là, à part en fin d’année pour entasser des dossiers, ils moisissent là ensuite. Paraît qu’il y a quelques années, des étudiants ont été surpris en train de se droguer ici parce que c’est bien tranquille ; l’accès a été condamné via sort de protection. Et comme j’ai la flemme d’aller demander l’autorisation, le passage secret est plus rapide.

    Le jeune homme ne regardait pas Rim lorsqu’il parlait, il scrutait les étagères à la recherche de quelque chose.

    - Rosie ? Fit-il en haussant légèrement la voix. Tu es là ? C’est Willow.

    Un petit rouleau de parchemin vacilla sur une des étagères, au-dessus de sa tête, et roula pour tomber de son espace de rangement. L’arcaniste l’attrapa avant qu’il ne touche le sol et le replaça ailleurs tandis que, en haut, une vieille tégénaire grisâtre se révéla dans la lumière.

    - Willow… ? Lui dit-elle d’une voix faible. J’avais pris ma retraite, tu sais. Je ne suis plus aussi vive qu’avant… Mes vieilles pattes sont bien rouillées.

    - Je suis juste ici pour un renseignement, ne t’inquiète pas. Sais-tu où sont rangés les dossiers des étudiants du cursus d’Assistanats magiques, promotion de l’an -9 ?

    - Il me semble qu’ils sont rangés dans les registres de l’étagère à côté de l'icône, là-bas.

    - Merci mémé, repose toi.

    Willow indiqua à Rim l’étagère en question. Juste à côté, une icône jaunie de la Dame regardait dans le vide. Inspectant les gros livres à reliures de vieux cuir, le garçon cherchait la bonne année. Le dossier scolaire de Vresadil pouvait leur apporter un semblant de piste à suivre. Willow repéra un sceau de cire sur lequel un gros « - 9 » avait été élégamment gravé sur l’un des registres, qu’il s’empressa d’extirper de son étagère. Se dirigeant vers une petite table proche, il posa l’imposant manuscrit avant de l’ouvrir. Willow énuméra à voix basse toute une série de noms alors qu’il faisait défiler les pages du registre.

    - Falcon Abattor, scolarité cessée en cinquième année, devenu traducteur. Aegonia Babil, partie dès la deuxième année, devenue documentaliste. Sénéchal Baristan, a obtenu son fragment d’étoile, parti dans la magistrature… Rah, ça ne mène à rien, allons directement à la fin de l’ordre alphabétique.

    D’un revers de l’index, Willow fit défiler par télékinésie l’ensemble des pages, arrivant presque à la fin du registre. Il se pencha derechef :

    - Tretogor, Tsamère, Tulavie, Uria, Ullième, Valère… Ah ! Vresadil.

    Willow s’écarta légèrement, tournant le dossier de Ceoke vers Rim afin qu’elle puisse le consulter. Scrutant par dessus l’épaule de la demoiselle, le sorcier constatait qu’elle avait dit vrai, il n’avait pas achevé sa scolarité.

    - Vous voyez quelque chose d’intéressant ? Parce que moi oui.

    Ce que piquait l’attention de Willow n’était pas ce qui était inscrit dans le dossier, mais plusieurs auréoles de gras situées aux quatre coins de la feuille. Quelqu’un était venu consulter ce même registre, quelqu’un qui, iel aussi, avait Ceoke dans son sillage…
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  • Mar 3 Oct - 23:10

    La pièce était grandiose. De fins faisceaux de lumière traversaient l’endroit, pailletés d’une poussière diffuse au sein de laquelle de paresseuses volutes dessinaient parfois d’étranges arabesques. Ce clair-obscur lorgnait entre les rayonnages des premiers rangs tandis que les étagères les plus reculées avaient de longue date été englouties dans l’ombre minéral du bâtiment. Il ne restait plus rien de la fraicheur du couloir caché et l’humidité elle-même s’était recluse derrière l’unique panneau de bois qui barrait l’entrée de cette vaste salle. Balayant l’espace du regard, un instant immobile sur le dallage, Rim fut effleurée par la beauté secrète, presque sépulcrale, de ce tombeau à pages ouvertes. Le silence qui régnait ici-bas n’appartenait plus tout à fait aux vivants, matelassé d’une atmosphère lourde et sèche dont la fragrance évoquait l’écorce fossilisé du chêne. Elle passa la paume de sa main sur la couverture abimée d’un vieil atlas peut-être oublié là plusieurs années auparavant par un élève affolé. A sa droite, une contre-allée s’évanouissait dans les ombres, une épaisse poussière vierge de toute trace de pas serpentant entre les meubles en pin sculpté. Ce lieu n’était cependant pas resté intouchable, tels qu’en témoignaient les soubresauts du temps dérangé dans ses œuvres : une kyrielle de toiles s’étaient vues chassées des rayonnages, sans doute pour permettre au pouce intrusif d’un visiteur de sonder les titres à demi effacés des ouvrages. Certains volumes dépassaient la largeur de sa dextre ouverte et leurs poids conjoints avaient progressivement courbé les planches de leur support. Le savoir qu’ils renfermaient se mesurait à l’aune de leur cuir élimé.

    « Comment saviez-vous par où… ? »

    Elle se tut sans finir sa phrase. Sa voix s’était de toute façon perdue dans un murmure contemplatif, répugnant à déranger le silence religieux de cette cathédrale de papier. Nul doute que l’université devait posséder d’autres exemplaires des documents les plus importants, auquel cas son rôle de guide et passeuse serait sérieusement entaché. Willow l’avait dit lui-même, le savoir était une arme de première catégorie qui se devait d’être préservée et aiguisée au fil des âges… Elle n’avait jamais entièrement exploré l’endroit, songea-t-elle, ses prunelles attirées par le comportement déroutant de son partenaire. Même du temps de ses jeunes années d’études, engranger ses cours et déranger ses camarades s’étaient révélés constituer un divertissement déjà bien assez chronophage. Il ne lui restait alors plus guère d’énergie et d’heures éveillée pour parcourir les fissures de chaque mur et décrypter les énigmes sibyllines léguées par leurs prédécesseurs. Certes, de nombreuses rumeurs circulaient en permanence parmi eux, chers étudiants désespérés et prêts à tuer pour s’éloigner momentanément de leurs mathématiques appliquées, mais elle n’avait jamais eu le loisir de creuser plus avant la question.

    « A qui parlez-vous ? »

    Elle plissa les yeux, lorsqu’une énigme d’un tout autre genre s’imbriqua enfin dans son esprit. Messire Knight n’était ni devin ni médium. Il ne conversait pas avec d’invisibles esprits, non. Il cancanait tout au contraire avec des êtres on-ne-pouvait plus vivants et fourbus de commérages tant personne ne leur prêtait d’ordinaire attention : ce peuple entier de plumes, de poils, de pattes et de babillages roucoulait des mots d’amour devant Willow, soucieux d’être vus sous leur meilleur jour. Ainsi l’étudiant possédait le don du langage animal ? Ce pouvoir était rarissime. Si peu répandu qu’elle n’avait pas souvenir de connaitre des individus dotés d’une telle sociabilité. Ses contemporains privilégiaient davantage la puissance brute à une kyrielle de potentiels compagnons. Mais pas Willow. Il avait fait le choix d’entretenir un aspect de sa magie qui n’était autre qu’une ouverture vers autrui. En un sens, cela le rendait soudainement plus humain. Plus dangereux également s’il fallait à l’avenir prêter attention à la moindre drosophile…

    « Mes excuses pour le dérangement, Madame, s’inclina-t-elle subrepticement devant le superbe spécimen d’arachnide. »

    Elle ignorait comment l’enchantement fonctionnait. A tout le moins, elle pouvait bien faire preuve de politesse envers la vénérable maitresse des lieux. Elle se fichait comme d’une guigne du nombre de pattes que son interlocutrice pouvait bien avoir, aucunement craintive envers le règne animal, et encore moins de ses représentants souffrant d’une image ingrate et parfaitement injuste. Ces salutations faites, Rim put rattraper les bonnes œuvres de Willow dont la voix énumérait déjà quantité de noms. Ah, comme elle regrettait de ne pouvoir allumer l’étincelle d’une flamme sur le bout de son index pour mieux voir ces pages ! L’encre s’était racornie sur le vélin du papier, en partie mangée par le registre. Le peu d’éclairage disponible dans les archives ajoutait à l’inconfort de cette lecture… Ce n’était toutefois ni l’heure ni le lieu pour démarrer un colossal incendie.

    « Hmm… Laissez-moi lire ça. »

    Ses sourcils froncés dessinaient un pli concentré sur sa moue, de plus en plus incrédule au fur et à mesure de sa lecture.

    « Motif d’exclusion définitive : infractions répétées aux bonnes mœurs de l’établissement. Altercation soldée par une victime. Blessures graves au fémur gauche, usage d’un sort de magie noir réprouvé par le personnel enseignant. »

    Elle se tut, son souffle ramassé sur ses lèvres.

    « C’est impossible. Ceoke n’aurait donc pas été déscolarisé suite à sa maladie… ? »

    Ignorant les signes avant-coureurs d’une visite antérieure à la leur, Rim sauta au prochain paragraphe, attirée par un descriptif en partie gratté : celui-ci relatait les conséquences de la fameuse altercation. De toute évidence, un camarade d’une autre promotion s’était battu avec Ceoke. L’affaire avait probablement été étouffée, en cela qu’aucun des amis de Rim n’avaient eu vent de l’histoire.

    « On dirait que cela concernait un certain Eduard Fitzpatrick. Heh, celui qui a relaté ces évènements était avare en détails… grogna-t-elle, frustrée par cette lointaine conscience administrative. »

    Elle plongea dans son pouvoir télékinétique et effleura de l’esprit les pages du registre. Le papier défila avec le lourd soupir d’un vieil homme épuisé, dévoilant son maigre contenu sur l’individu recherché.

    « Eduard Fitzpatrick, donc. Un gosse de riche au regard des factures de scolarité, reprit-elle inconsciemment son verbe tavernier, accaparée par leur enquête. Carrière inconnue. Diplômé de quatrième année en Pratiques Interdites. Vous pensez qu’il pourrait avoir un lien avec ce qu’est devenu Ceoke ? »

    Était-ce leur visiteur anonyme aux mains graisseuses ?

    « Je ne voudrais pas paraitre alarmante mais les malédictions et la pestilence sont l’apanage de la corruption… »

    Elle coula un regard inquiet aux pages écornées. Avaient-ils eu un contact direct avec le vélin, peau à peau ? Elle ne se souvenait plus des gestes réalisés par Willow, soudain…

    « Rassurez-moi… Aucun d’entre nous n’a touché l’intérieur du registre dans le feu de l’action ? s’enquit-elle d’une voix prudente, distordue par un effroyable pressentiment. Dans quelle mesure un piège aussi basique et mineur pourrait avoir été laissé à notre encontre, indésirables curieux que nous sommes… ? »
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  • Sam 7 Oct - 19:54
    - Placer un piège arcanique sur un registre administratif ne serait que peu avisé, répondit Willow à Rim d’un air pensif. Cette pièce peut toujours être visitée par des membres du personnel de l’académie. Si qui que ce soit touche le piège, un maître-senseur sera immédiatement dépêché et remontera la piste. Parfois, ne rien faire est la meilleure façon de brouiller les pistes.

    Quelque chose ne tournait cependant pas rond pour Willow, tout dans la situation était suspect. Le dénommé Fitzpatrick avait effectivement pu être responsable de l’escamotage singulier mais, dans ce cas, pourquoi quelqu’un d’autre était venu farfouiller dans ce vieux dossier ? Si la personne qui avait laissé ces traces de gras sur le papier avait été un allié de Fitzpatrick, quelle motivation avait-elle à retourner lire ces vieilles affaires ? Non, cela semblait bien plus complexe que prévu ; le magicien pensait que leur inconnu était, tout comme eux, sur la trace de Ceoke voire peut-être même celle de Fitzpatrick. Rim et lui-même s’adonnaient désormais à une course incertaine contre une éminence obscure pour découvrir le destin d’un homme dont il ne restait rien, et retrouver celui qui avait provoqué sa chute. Leur besogne prenait de plus en plus des allures de supplice ; comme s’ils devaient emprisonner un nuage de fumée en assemblant des morceaux de verre. Ils devaient procéder par étapes. Avant toute chose, ils devaient retrouver la personne qui avait laissé ces empreintes grasses sur le registre. Willow se dirigea à nouveau vers la vieille araignée. Si quelqu’un avait pu remarquer un visiteur en ces lieux, c’était elle.

    - Rosie ? demanda doucement le jeune homme. J’ai encore besoin de toi.

    - Que se passe-t-il… ? articula faiblement l’arachnide.

    - Quelqu’un est passé ici consulter le même volume que nous, as-tu vu qui était-ce ?

    La tégénaire émit un petit cri plaintif, onomatopée d’une réflexion profonde.

    - Il n’était pas humain, il s’est faufilé depuis le même passage sous la forme d’un lézard. Il a repris sa véritable apparence… mais il avait une tête affreuse ! P… pas un élève … un visage de porc.

    - Aucun membre du personnel n’a de visage porcin, et Fitzpatrick n’est pas répertorié comme étant un hybride. Mes petits esprits ne m’ont rien dit, cela veut dire que nous avons affaire à un individu qui s’est fondu dans le décor. Je crois que nous avons affaire à un mille-faces.

    Les mille-faces ne couraient pas les rues ; c’était le surnom que l’on donnait, au sein de la communauté magique, aux métamorphes d’excellence. Ces prodiges maîtrisaient cette arcane avec tellement de brio qu’elle en devenait une arme mortelle, extrêmement complexe à traquer. Willow était ami avec l’un d’eux, un tueur à gage dont la véritable apparence était si repoussante qu’elle suffisait à donner des cauchemars. Le type en question zonait dans les endroits les moins recommandables de Liberty, offrant ses services aux mafieux, ayant parfait la seule et unique magie qu’il pouvait contrôler à son avantage. Peut-être que Creed pouvait les aider à retrouver leur mystérieux transformiste ? Dans tous les cas, pister ce cochon ou Fitzpatrick risquait d’être difficile. Ce dernier avait étudié les Pratiques Interdites pour ne pas terminer son cursus et disparaître à son tour on ne savait trop où. L’esprit des mages noirs était retors, et la pédagogie de l’Intriguante n’aidait pas à les rendre moins secrets que de raison. Willow devinait qu’ils allaient devoir quitter les murs de l’académie et commencer à s’aventurer dans les mauvaises rues de la Capitale pour récolter de nouvelles informations. À moins que l’ambassadrice ne puise dans sa caboche ?

    - Fitzpatrick vient effectivement d’une famille bourge, le nom vous dit rien ? Il sonne pas très élégant, il a sans doute été changé… mais vous qui traînez de réception en réception, vous avez bien dû glaner quelque chose ?

    Du bruit dans le couloir vint alors faire cesser toute réflexion, quelqu’un passait juste devant la salle d’archives. Ni une ni deux, Willow et Rim s’engouffrèrent à nouveau dans le passage secret qu’ils avaient utilisé pour pénétrer dans cette pièce interdite et ressortirent de l’autre côté, dans le couloir aux tableaux. Ils furent immédiatement accueillis par le regard austère de Tartelia Joël Bach, l’enchanteresse barde, sur le portrait juste en face de la statue. L’arcaniste referma le passage d’un revers de télékinésie avant de s’en retourner vers son équipière aux cheveux de feu.

    - On risque de devoir s’aventurer dans des quartiers fort peu appropriés pour une personne de votre acabit, je préfère vous prévenir. Mais, pour se lancer à la poursuite du mille-faces, je dois demander à l’un d’entre eux s’il sait quelque chose, un certain Creed.

    Quand bien même Rim ne désirait pas le suivre, Willow avait été piqué au vif par l’affaire. Un être avait pénétré au sein de l’Académie Magic en demeurant à l’abri des radars et de son réseau d’espionnage, et il détestait cela. Rien que pour cette peine, il se devait de retrouver l’intrus. Le magicien sortit du bâtiment en empruntant une série d’escaliers pour se retrouver à nouveau dans les jardins de l’école. Jamil, battant ses ailes noires, vint se poser sur l’épaule de son maître pour venir aux nouvelles. Willow le tint au courant sur les découvertes qu’ils venaient de faire, et sur la marche à suivre pour la suite. Ceci fait, il tira Rim par un poignet pour l’éloigner du monde, se dissimulant à l’abri du sentier derrière un rhododendron massif aux gerbes d’un améthyste éclatant.

    - Voilà la marche à suivre : je vais vous emmener dans un quartier où fomentent mafieux et malfrats, rencontrer une connaissance qui vous fera sans doute frémir. Creed évolue, ces temps-ci, dans le quartier des Boyaux, et c’est là-bas qu’on va aller pour traquer le mille-faces. Jamil ?

    - Oui, boss ? croassa le corbeau sur son épaule.

    - Va voir Bérénilde, et dis lui d’arpenter tout le territoire de Magic, je veux qu’elle garde les yeux ouverts sur le moindre élément suspect ; qu’elle mette tout le monde en alerte. Ensuite, rejoins-nous en chemin ou retrouve-nous aux Boyaux.

    - Ça roule, j’y vole !

    Jamil quitta immédiatement l’épaule de son ami pour partir en direction des tours de la grande académie, se mettant en quête de la chouette comme lui avait demandé Willow. Toute la toile du jeune homme allait être prévenue et active comme jamais pour surveiller l’enceinte de l’école. Il ne fallait pas s’imaginer que l’on pouvait décemment pénétrer sur le territoire de Willow Knight et d’en ressortir indemne. Quand ce dernier allait mettre la main sur cet importun, le Sekai risquait fortement de compter un mille-faces de moins sur ses terres. Faisant signe à Rim de le suivre, Willow repartit sur le sentier et se dirigea vers l’une des portes de sortie de Magic. La sortie en question donnait sur une des rues de Liberty, et ils n’auraient plus qu’un peu de marche à accomplir avant d’arriver aux boyaux. Il ignorait si Rim était capable, comme lui, de tisser des illusions. Mais si tel était le cas, il espérait qu’elle aurait le réflexe de s’en draper afin de se masquer si elle en ressentait le besoin. Même, la fonctionnaire pouvait toujours fuir, et retourner dans son luxueux cabinet si son cœur le lui dictait. Lui, il avait décidé de se battre.

    - J’ai la nette impression que vous venez d’effleurer le couvercle d’une curieuse boîte à malice. Votre Ceoke est tombé dedans tête la première… Allons-y, les Boyaux nous attendent.
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  • Mar 17 Oct - 23:27

    « Partez sans moi, intervint Rim. Pour prendre de l’avance, je veux dire, et dissimuler mes traces. Vous l’avez dit, ces quartiers ne sont aucunement appropriés pour une personne de mon acabit. Il serait de très mauvais aloi de m’y balader dans ces atours tel un champa dans un marais à lancondas. »

    Elle leva un sourcil équivoque, les bras croisés sous sa poitrine. Elle ne possédait aucune magie de détournements, privilégiant les approches frontales la majorité du temps et quelques astuces méthodiques pour les jours restants.

    « Qui plus est je n’avais malencontreusement pas anticipé ce crapahutage en venant donner cours ce matin et je crains d’avoir plusieurs obligations incontournables cette après-midi… »

    Elle soupira, décroisant les bras pour mieux repousser ses mèches folles en arrière de sa dextre, mouvement machinal qui la prenait parfois lorsqu’elle se plongeait dans d’intenses réflexions. Outre un entretien avec son comptable et l’éreintante préparation d’une prochaine soirée mondaine dans le manoir des Casris, elle devait à tout prix assister à un échange sur le devenir de Kaizoku. Il n’avait pas été aisé de prendre rendez-vous avec certains de ses confrères nobles afin de tirer les bonnes ficelles… Après Shoumei, voilà que les ressortissants de cette ancienne île pirate se retrouvaient également dénués d’habitat et l’explosion du volcan central avait de surcroit considérablement détérioré la faune et la flore locales. Ses informateurs lui avaient notamment remonté toute une kyrielle de soucis maritimes en supplément des familles effondrées que ce cataclysme avait laissées sans toit ni revenus… En somme, la situation était inextricable. Et un riche terreau pour une jeune diplomate désireuse de faire ses preuves.

    « Je dois malheureusement partir pour traiter les responsabilités qui m’incombent. Et prétendre mener une vie normale loin des turpitudes que Ceoke a lâché sur le Sekai, si d’aventure quelqu’un nous observe et se méfie de nos pistes. Je ne peux pas prendre le risque d’être reconnue en tant que Rim Casris… »

    Un sourire effleura ses lèvres et elle se fendit d’une révérence respectueuse à l’intention de Willow, telle qu’une noble l’aurait fait devant un individu d’égal statut. N’avait-il pas dit qu’il désirait recouvrer sa place et bien plus encore… ?

    « Je dois vous remercier toutefois, cette enquête avance enfin et des réponses commencent à s’esquisser grâce à vous ! Je ne suis donc pas en train de vous poser un lapin, je vous promets de vous rejoindre ce soir à la faveur de la nuit et de son obscurité plus… Anonyme dirons-nous. Voyons voir, je peux vous attendre vers 21 heures dans les environs de La Petite Sœur. Commençant à vous connaitre un peu, vous et vos facultés d’une efficacité redoutable, je sais que vous n’aurez aucun mal à me trouver ou à me transmettre un mot le cas échéant. »

    En fait de Petite Sœur, cette taverne insalubre des Boyaux accueillait plutôt des grands gaillards avinés aux cerveaux ravagés et aux surins prompts à la négociation. Si Willow ne possédait pas déjà cette information, probablement ne tarderait-il guère à l’obtenir : elle était friande de sorties nocturnes déguisée en parfaite inconnue, lorsqu’il ne s’agissait pas de boire jusqu’à plus soif en bonne compagnie ou de taquiner le bougre de son tempérament bagarreur. Certes, depuis que sa carrière avait pris un nouvel essor ce loisir s’était raréfié. L’un des nombreux désavantages de devenir une personnalité publique qui ne pouvait souffrir d’abimer sa réputation. Il n’y avait cependant pas de meilleures occasions que celle-ci pour renouer avec ses mauvais penchants et retrouver une once de cette liberté fort appréciée du temps de ses études et de son service militaire… D’autre part, cela laisserait sans doute l’occasion à Willow de retrouver le dénommé Creed dont l’emploi du temps ne devait pas être beaucoup plus aéré que le sien au regard de ses capacités magiques extrêmement précieuses. Elle n’osait imaginer combien un mercenaire de cette trempe devait coûter en pièces d’or.

    « Bien, je vais donc prendre congé. Soyez prudent, Willow, ajouta-t-elle après une courte hésitation dans un souffle inquiet. »

    Un avertissement superflu. Il avait vraisemblablement d’ores et déjà vécu toute l’horreur des bas quartiers et la créativité cruelle de l’existence. Il n’y avait néanmoins pas de chute plus terrible que celle qui survenait après une méfiance émoussée par une longue période de réussites profitables… Elle devait l’avouer par ailleurs, l’étudiant commençait à lui plaire. Quel dommage que ce serait de perdre un homme de son envergure dès les premiers balbutiements de leur partenariat !

    ►◄

    Le retour jusqu’à la demeure familiale s’était déroulé sans heurt. Rim n’avait pas eu une seule seconde à elle au cours de l’après-midi, regrettant de devoir diviser ses ressources entre les différents dossiers qui la préoccupaient. Au moins la réunion sur les pistes d’avenir de Kaizoku s’était-elle bien déroulée, et sa prochaine soirée proche d’aboutir. Elle jeta un coup d’œil par la fenêtre de son bureau, découvrant un ciel teinté d’encre et de nuages violacés.

    « Tenez. Cette missive est à envoyer au plus tôt au Capitaine Ayna Yelcan. Je crois que nos propositions logistiques pour Kaizoku l’intéresseront grandement. »

    Le tampon laissa sur la cire chaude le sceau des Casris et elle tendit la missive délicatement pliée à sa secrétaire.

    « Salem, attendez, interrompit-elle toutefois son attachée avant qu’elle ne tourne les talons. Votre mémoire est souvent plus infaillible que la mienne… Est-ce qu’un dénommé Eduard Fitzpatrick vous dit quelque chose ? Parmi la noblesse républicaine, de ma génération ? »

    « … Rien du tout Madame, répondit l’intéressée après un court instant de réflexion. En revanche, les Halbras ont un fils aîné prénommé Eduard. Et le troisième fils de la famille Jovin porte aussi ce prénom. Le facteur de l’âge mis à part, vos parents fréquentaient à Justice un dénommé Eduard Maxne, un elfe fortuné de ce qu’il me semble. Il était doté d’une apparence juvénile. »

    Fitzpatrick était-il un pseudonyme comme l’avait suggéré Willow ? Elle s’était levée, contournant le lourd mobilier en bois massif pour s’y asseoir à moitié. Elle allait devoir fouiller plus avant les registres que les Casris avaient rédigé et conservé au fil des âges afin de créer une source d’informations sur leurs riches alter egos.

    « Et… La famille Knight ? »

    Était-ce de la curiosité ? Oui, pleinement. Ils travaillaient ensemble et elle ne savait toujours pas si la confiance était de mise entre eux. A tout le moins il ne tenterait sans doute pas de l’assassiner au vu et au su de tous, le maigre pouvoir qu’elle possédait restant par trop susceptible de satisfaire ses ambitions.

    « Ah. Oui. Les Knight ont défrayé la chronique plusieurs années auparavant. Une famille bourgeoise à la tête d’un éminent commerce de fourrures dont l’effondrement fut plutôt spectaculaire. »

    « Savez-vous ce qu’ils sont devenus ? »

    « Leur trace se perd après le terrible incendie qui a dévoré leur demeure. Salem haussa les épaules. Des rumeurs sordides ont longtemps circulé sur le sort des époux Knight, Oak et Zeklova. Je ne saurais vous dire ce que sont devenus les enfants, hormis que le fils Knight a rejoint l’université Magic longtemps après les faits. Cela n’a pas fait grand bruit. La déchéance d’une famille attire davantage que le retour ingénieux d’un enfant intelligent. Madame, ne devenait jamais addict aux jeux. »

    Rim rit doucement. Heureusement, le jeu n’était pas le plus effroyable des vices qu’elle entretenait.

    « C’est bien noté, merci Salem. Rentrez chez vous, prenez votre soirée pour vous reposer. »

    « Merci infiniment Madame. »

    Rim, pour sa part, avait trop à faire pour se tourner les pouces. A l’abri du regard indésirable des domestiques, elle put revêtir le cuir de sa seconde personnalité : celle qui n’éveillerait aucune curiosité indésirable dans les rues mal famées de la capitale. Elle ajusta son plastron de cuir bouilli, vérifia la présence de ses cinq dagues cachées dans ses vêtements et resserra les lanières de ses katars sur ses poignets. Ses longs cheveux flammes reconnaissables entre mille avaient été maculés de cendre humide et ramassés en un chignon serré sous une étroite capuche obscure. Elle ferma les yeux tandis qu’elle invoquait l’énergie fulminante qui bouillait dans ses veines, un instant plus tard téléportée plusieurs rues plus loin dans de vaporeuses langues de fumée évanescente… Frôlant les murs de l’épaule, elle se dirigea alors d’un bon pas vers la tristement célèbre taverne de La Petite Sœur. Willow aurait-il avancé sur sa propre enquête ou l’attendait-il pour rencontrer cet auguste personnage, ce mille-faces tout droit sorti d’un déroutant cauchemar… ?


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  • Mar 24 Oct - 19:13
    S’il y avait bien un endroit de Liberty dans lequel personne n’avait envie de se retrouver, c’était bien La Petite Sœur. À mi-chemin entre le bouge crasseux et l’auberge délabrée, on avait là un des bistrots les plus sordides de la capitale républicaine. En entrant à l’intérieur, on prenait une sacrée claque à cause de l’odeur de renfermé et de sueur qui imprégnait les lieux. Quelqu’un avait vomi sur une table et rien n’avait été encore nettoyé. L’éclairage, essentiellement constitué de lanternes à moitié cassées, ne diffusait pas proprement la lumière dans toute la salle, laissant les ténèbres ronger certains recoins. Le parquet craquait tellement qu’on manquait de le briser à chaque pas, l’hydromel ressemblait à de l’urine, le ragoût avait des allures de selles humides et la seule chose qui en masquait l’odeur était la surcharge d’épices baignant à la surface. Mais si l’on désirait avoir la véritable expérience de la Petite Sœur, il fallait louer une de leurs chambres. Outre la moisissure qui phagocytait les murs, le sommier suintait dès qu’on s’affalait dessus tant il était humide. Dans l’une des chambres, la poutre située juste au-dessus du lit laissait tomber, de temps à autre, des scolopendres qui se tortillaient dans les draps, pinçant tout ce qui passait à leur portée. Ces chambres étaient essentiellement occupées par la lie des malfrats ; entre les addicts voulant un coin tranquille pour s'enivrer et partir vers d’autres plans d’existence, ou des prostituées malades, esseulées et au bout du rouleau.

    - Elle en met du temps, ta nana. C’est son nez qui est trop long à poudrer ?

    - C’est pas son nez qui est trop long, c’est ses cheveux qui sont trop rouges.

    Willow s’était assis à une table située juste derrière une poutre porteuse, pour avoir droit à un minimum de lumière, mais également de discrétion. Avec une vue imprenable sur la porte d’entrée, le jeune homme avait l’occasion de voir toute entrée ou sortie. Par conséquent, remarquer l’arrivée de Rim ne serait pas difficile. Il avait troqué ses habituels tenues raffinées et élégantes qu’il portait à l’Université pour quelque chose de plus pratique et simple, le tout drapé dans un longue cape noire à ample capuchon. En face de lui se tenait Creed, son ami mille-faces, ayant choisi d’arborer face à Willow sa véritable apparence. La véritable figure de Creed avait le teint pâle, tirant vers le verdâtre, sa peau ressemblant plus à de la cire en train de fondre qu’à un réel épiderme. Des cheveux fins comme de la soie d’araignée parsemaient la moitié de son crâne, le reste à vif. Et un unique œil jaune dardait tout ce qu’il pouvait aux côtés d’un imposant cache-œil de cuir. Creed était le genre de personne qui n’avait pas besoin de parler pour terroriser qui que ce fut ; mais, ayant grandi dans la rue avec lui, jamais Willow n’aurait peur de lui.

    - Elle aurait pu choisir un endroit moins moisi. Je sais pas comment c’est possible, mais ma bière est en train de fumer.

    - Tu devrais songer à utiliser cette bière à la place de tes poisons habituels, je paris qu’elle serait plus efficace !

    Creed était tueur à gages, et usait de son don de métamorphe pour se fondre dans la masse et continuer d’opérer en toute impunité.

    - Je suppose qu’elle a fait exprès, reprit Willow en repoussant son verre de cidre. Personne ne viendra la chercher dans un trou à cafards pareil.

    - C’est qui cette fille d’ailleurs ? Une fille de Magic ? Tu sais que je veux pas être fourré dans les affaires des mages. T’es le seul que j’aide, on est amis, mais je veux pas être mêlé aux intrigues des magiciens.

    - Relax, elle est pas de Magic, répondit l’arcaniste ; il allait piocher dans le ramequin d’arachides sur la table mais se ravisa en voyant un insecte en sortir. Elle peut me rapporter gros, et l’affaire qui nous lie est suffisamment digne d’intérêt pour que chacun dans notre petit monde soit en alerte.

    - Développe, écoutait Creed en s’allumant une pipe débordant de tabac.

    - Quelqu’un a réussi à entrer par effraction à Magic.

    Creed ne put dissimuler sa surprise. S’il avait eu des sourcils, on aurait pu les voir se dresser sur son visage aux traits si ridés.

    - Tu veux dire que quelque chose a réussi à percer les fils de ta toile ?

    - Plus ou moins, oui.

    - Et, en quoi cela me concerne ?

    Willow s’apprêtait à lui répondre, mais Rim fit enfin son entrée dans la taverne. Le magicien ne put s’empêcher de froncer les sourcils. Elle s'était teint les cheveux, à sa grande surprise, et les avait coiffé en un chignon serré, ce qui altérait drastiquement son visage. Ses traits en étaient plus durcis, mais Willow reconnut la femme avec qui il avait devisé quelques heures plus tôt. Plutôt qu’une robe d’apparat, l’ambassadrice avait préféré une tunique de cuir bouilli, sanglé par endroits pour rajouter des protections supplémentaires ainsi qu’un support de poitrine plus confortable. Willow ignorait cependant si les étoles de tissu grenat qu’elle avait ajouté à son ensemble étaient là par coquetterie, ou souci de personnage. D’un signe de la main, il attira sa comparse vers leur table tandis que des clients, les plus lubriques d’entre eux, ne manquèrent pas d’admirer ses courbes alors qu’elle entrait. La nouvelle venue ne fut cependant pas au goût de la prostituée qui attendait sa passe. Pauvre Salma, comme on l'appelait, à l’âge indéterminable et dont le maquillage s’encroûtait sur son visage, cracha par terre quand Rim passa à côté. quant à Creed, il ne retint pas un sourire narquois ; Willow remarquait que, comme tous les autres messieurs de l’assistance, elle lui plaisait.

    - Creed, voici Ann, on l’appelle aussi Magellan, jamais compris pourquoi.

    Pour Willow, un nom de code ou un pseudonyme pour Rim allait de soi. Il n’allait pas l’appeler par son véritable nom dans un lieu pareil. Pour lui, il s’en fichait, il avait grandi dans ces quartiers sordides et dangereux, on le connaissait déjà par ici, comme Creed. Il laissait les présentations se faire d’elles même alors que Rim s’asseyait du mieux qu’elle le pouvait sur un des tabourets branlants de leur table. Alors que Creed demandait ce qu’elle désirait boire, Willow l’avertit qu’il valait mieux boire du cyanure que ce que servait la Petite Sœur.

    - Bon, tu vas enfin me dire ce que je fais ici, Will ? recommença Creed en soufflant une bouffée de fumée.

    - Comme je te l’ai déjà dit, quelqu’un est entré à Magic ; effraction non pas dans le but de voler quoi que ce fut de magique, mais de consulter des vieux dossiers d’élèves.

    - Donc, quelqu’un qui avait besoin d’informations… Comment il a passé les défenses de l’école ? Et ton réseau ?

    - Une araignée l’a remarqué, elle a dit avoir vu un serpent se métamorphoser et reprendre une forme humanoïde, à tête porcine. Ce niveau de discrétion, et de maîtrise de la métamorphose, tu vois où je veux en venir, hm ?

    - Un mille-faces, comme moi.

    Creed cessa de tirer sur sa pipe et prit une expression pensive ; on parvenait à la discerner malgré son visage déformé et monstrueux. Il avait l’air à la fois concerné et inquiet, comme si on lui demandait de dénoncer un membre de sa propre famille. Pourtant, les mille-faces ne sont pas une guilde, et ne se connaissent pas forcément. Ils étaient juste un terme, une catégorie voire, pour certains, une anomalie. Creed était doué, très doué ; pourtant, il ne faisait pas partie des mille-faces les plus talentueux. Cela en disait bien long sur le savoir-faire de certains.

    - Quand je suis parti pour travailler autour de Rebirth, j’ai croisé un mille-faces qui se faisait appeler Milady. Il prenait systématiquement des apparences de femme pour commettre ses méfaits, personne ne le soupçonnait ensuite. C’est le seul autre mille-faces que j’ai jamais rencontré ; lui, il en avait déjà vu au moins trois, moi compris. L’un d’entre eux, c’était un type avec une tête de porc, Pyg qu’il s’appelle.

    Willow devinait, en écoutant son ami, qu’il ne décrivait pas un enfant de cœur. Creed n’était pas du genre à se montrer émotif, mais son attachement pour Willow face à celui qu’il nommait trahissait sa crainte de ne pas le voir ressortir en un seul morceau d’une potentielle confrontation.

    - Milady en parlait comme d’un maniaque, un dangereux qui mériterait de finir sous les bottes des limiers.

    - S’il est en ville, alors on doit le trouver, on a besoin de parler à ce Pyg pour savoir pourquoi il fouillait dans les archives de Magic.

    - Ça m’étonne de pas avoir été au courant, ça veut dire qu’en plus de t’avoir échappé, il a dû aussi berner la vigilance des grands requins. Je pense que vous allez pas avoir le choix…

    Willow craignait cette réponse, mais elle était logique, et Rim ne risquait pas non plus de l’apprécier. Le jeune homme répondit de lui-même sans même que Creed n’ait à l’exprimer :

    - On va devoir descendre dans les galeries et catacombes de la ville.

    - Vois le bon côté des choses, ça grouille de rats là-dessous, ils pourront te guider jusqu’à Pyg.

    Creed disait vrai, la vermine animale pullulait dans ces égouts et tunnels, Willow allait pouvoir en tirer bon partie pour traquer leur cible.

    - J’espère qu’il ne s’est pas acoquiné avec la cour des Miracles, ces fous sont imprévisibles. Mais, tant pis pour lui. Navré Creed, mais quand j’en aurai fini avec Pyg, le monde comptera un mille-faces de moins.
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