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  • Lun 1 Aoû - 18:02
     
    A la mémoire du roi
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    Printemps de l'an 3

    Cela faisait une semaine que Rowena était de retour à la Forteresse Noire. Avant de lui confier à nouveau des traques, les Prévôts avaient préféré la garder à l'oeil à domicile pendant quelques temps, histoire de voir s'il s'agissait toujours du soutien le plus stable de leur cheptel. Certains vétérans, parmi la petite poignée de ceux qui étaient là depuis plus longtemps que la sirène, murmuraient que lors du départ du prochain prévôt, c'était elle que les gars éliraient pour lui succéder. Après tout elle avait fédérer un groupe de Limier pour partir au front, tous la connaissait et elle avait la réputation d'être à la fois fiable, inflexible et bienveillante... Ce qui dans leur environnement de travail n'était pas si courant. Elle était aussi originale et parfois loufoque avec ses idées d'artistes proposant des soirées macramés au collègues en garnison, mais cela n'enlevait rien à la légende de la Banshee.

    D'ailleurs, elle la mettait très bien en scène, cette légende. Elle était restée égale, remplissant sa tâche et veillant sur ses collègues avec autant d'abnégation et d'attention qu'autrefois... Même si le cœur, lui, n'y était plus.

    Des Limiers qui étaient parti au Front, bien peu étaient revenus. Parmi eux, aucun ne pouvait se vanter de ne pas avoir laisser la moindre partie de lui sur les terres ensanglantées de Shoumeï. Rare étaient ceux à y avoir laisser à la fois leur cœur, leur avenir et leur beauté.

    En dehors de ses heures de services, lorsque plus personne ne la cherchait, Rowena ne sortait plus sur le quai pour chanter au vent et à la mer grise qui entourait les récifs. Elle furetait par le passage secret du premier sous-sol pour se retrouver au bord de la petite crique aux hauts fonds traitres et aux courants contraires. Là, échouée et ne servant plus à personne, était toujours posée une barque vermoulue, criblée de clous et dont les deux rames étaient entièrement faites d'un métal lourd aux reflets cuivrés. Parfois, la sirène s'asseyait dedans, les yeux posés sur l'océan. Sans un son. Sans même l'ombre d'un fredonnement.

    Le temps semblait toujours mauvais autour de l'îlot maudit. Les nuages ne s'écartaient jamais vraiment. Les courants et les vents chaotiques projetaient des gerbes d'écume le long des arrêtes effilées des rocher d'un noir luisant qui montraient les crocs autour de l'endroit. Le fracas de vagues se mêlait aux aquilons froids qui ne faiblissaient que rarement et trouvaient toujours le moyen de se faufiler entre le col de la cape et le rebord du masque pour agripper la nuque des malheureux qui l'affrontaient.

    La sirène regardait le spectacle pendant des heures, mais n'ouvrait la bouche que lorsqu'une tempête explosait. La chanson était toujours la même, emportée et déformée par les éléments. Ceux qui se trouvaient dans la cour intérieur ou sur le toit pouvaient en entendre des éclats désarticulés, charmés par le chant de la sirène. L'histoire, elle, était celle d'une banshee invoquant une tempête pour ramener auprès d'elle un être cher. Jadis, elle avait bien des interprétations de cette chanson. La naissance d'une banshee. La fin d'une histoire d'amour ou au contraire la façon de surmonter bien des obstacles. Et surtout... Elle pensait être la tempête. Y être chez elle, pouvoir y plonger et en ressortir. C'était sa façon d'être et d'affronter l'adversité.

    ... Mais elle savait aujourd'hui qu'il y avait une tempête qui l'effrayait au delà des mots... Une tempête faite d'ombre, immense et insondable.
    CENDRES
    Invité
    Invité
    Anonymous
  • Lun 1 Aoû - 18:12



    Souvenirs du Front



    Partout la puanteur. Le sang. Les membres décharnées et fracturés qui pendent entre muscles pourris et ligaments déchirés. Partout les visages déformés, sur lesquels on devine encore bien trop les traits de la personne qu'ils ont été. Enfant ou adultes. Guerriers ou érudits. Des lambeaux de tissus crasseux tiennent encore, ondoyant vaguement sous les râles constants et caverneux de l'armée des morts.

    Le flanc percé. Les bras marqués de morsures, elle n'entend plus que ce râle d'outre-tombe qui fait vibrer la moelle de ses os. Partout, une magie d'une puissance indicible sature ses sens. Elle halète mais ne s'en rend plus compte, les mains cramponnées à ses kukris. Une chaine de guerre flotte à ses côtés, prête à recommencer le massacre.

    Ses deux pieds sont encore enfoncés dans la boue et le sang. Le sien. Celui des non-morts.

    Contre son dos se cale une présence robuste. Une autre respiration chaotique qui lui fait prendre conscience de la sienne. Il ne faut que quelques secondes pour que le sifflement de leur expirations difficile se synchronise. Leurs épaules se soulèvent de concert et elle trouve un appuie contre le large dos gainé de cuir.

    - Tu fatigues ? " souffle la voix éreinté d’Elzéar.
    - Parle pour toi !

    Son son masque, elle sourit. Un sourire provoquant et dément. Une ultime bravade à ce qui les entoure. Ils doivent tenir pour donner du temps à leurs camarades. Aucun mort ne doit passer et à eux deux, ils s'assureront qu'aucun mort ne passera.

    - Tu me connais. J'aurai aimé un challenge à la hauteur de mon talent parce que là... C'est à peine si ça peut te mettre un peu sous pression. Je suis encore très loin du compte.
    - Si tu permets, je préfère éviter le concours du nombre de tué.
    - Évidemment ! Tu as suffisamment de jugeote pour savoir que tu n'aurais aucune chance de gagner face à moi.

    Mais à peine les yeux noisette lui on-t-il envoyé un regard de connivence par dessus son épaule qu’une forme immense s’extirpe de la masse. Un être difforme et bipède nimber d'une magie à la puissance ineffable. Un aggloméra inconsistant dont l'ombre glaciale grandit encore...

    ... Encore…

    ... Et encore…

    ... Jusqu'à les engloutir.
    CENDRES
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