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  • Lun 21 Aoû - 23:19
    « Chez Boris », le nom de la taverne semblait si ridicule que Willow n’en revenait pas qu’un établissement avec un nom pareil puisse ouvrir dans les beaux quartiers de Liberty. Sans posséder le luxe doré des restaurants prestigieux, ni le charme précieux des salons de thé du coin, la devanture ne manquait cependant pas de soin. Une odeur de sauce de rôti s’échappait d’une fenêtre ouverte, mais aucune fragrance graisseuse ne se mêlait à ce fumet. L’enseigne n’était pas rongée par la rouille, aucune odeur d’urine n’était à relever des coins de la façade. De même qu’aucun individu peu recommandable ne répandait ses boyaux sur les pavés en sortant par la porte ; si bien que l’endroit avait l’air de tenir plus du bistrot propret que du stéréotype de la taverne que le moindre quidam se construit. Adossé contre le mur du bâtiment faisant face à la taverne, le comptoir d’un apothicaire d’où sortaient exclusivement des personnes âgées, Willow observait d’un œil perçant la clientèle qui allait et venait. Les hommes qui y entraient avaient l’air d’artistes bourgeois au style bohème insupportable tandis que les femmes y venaient toujours accompagnées. Le croassement d’un corbeau se fit alors entendre. Un corvidé fit effectivement son apparition, émergeant par-dessus le toit de la taverne. Battant des ailes, il se posa aux pieds de Willow avant de lever le bec vers lui.

    - Y a des chambres aux étages supérieurs. Celles que j’ai trouvées occupées, c’était pas juste pour dormir. Le Boris il doit bien faire du bonus avec les courtisanes en supplément.

    - Il a peut-être un partenariat avec une maison close, pas loin. Répondit discrètement Willow en baissant les yeux vers son compère à plumes.

    - Et donc elle bosse ici ? Tsss… Elle doit sûrement faire partie du service de chambre pour avoir ses infos, ça doit parler sur l’oreiller.

    - Ah ça, elle ne doit pas obtenir quoi que ce soit en servant des tranches de rôti et du pétillant de sureau.

    - C’est quoi le plan du coup ? Tu vas aller la maudire ? Si tu l’attires dehors je pourrai lui arracher des cheveux, ou la griffer, pour te ramener de quoi.

    - Espérons que cette éventualité ne se présentera pas, mais on ne sait jamais. Tiens toi prêt, et reste à l'affût.

    Jamil s’envola à nouveau et repartit en direction des toitures. Willow, de son côté, dû attendre qu’une diligence à louer ne passe afin de pouvoir traverser la rue, quittant le mur de l’officine. S’approchant de la porte de Chez Boris, le magicien put entendre de nombreux éclats de voix provenant de l’intérieur. La taverne devait être assez fréquentée à cette heure de la journée ; après tout, c’était l’heure du déjeuner. La plupart des gens travaillant dans les cabinets du quartier devaient prendre leur pause et se retrouver ici. L’odeur du rôti ne s’en faisait que plus forte, se mêlant à celle de pommes de terre braisées. Le parfum, qui n’était qu’une fine chatouille, devint une vive caresse pour les narines du jeune homme alors qu’il poussait la porte, pénétrant à l’intérieur. Comme il s’y attendait, la plupart des tables étaient occupées par des clercs et hommes de bureau convenablement habillés. La très grande majorité d’entre eux avaient dressé des serviettes sur leurs pourpoints pour éviter les taches de jus de viande ou de gras. Sur la plupart des tables, en plus des assiettes de rôti, des planches croulaient de charcuterie, pain et fromage, bien postées aux côtés de bouteilles de vin rouge, de cidre ou de poiret. Willow ne s’embarrassa ni de chercher une, ni de parcourir l’assistance du regard, il avait déjà vu où il devait se rendre. Fendant la foule, il passa aux côtés d’une bonne femme dont le chapeau croulait sous les plumes, assise en face d’un gentilhomme aux favoris bien drus. Un garçon de cuisine aux joues écarlates esquiva le mage afin de ne pas renverser sur le sol une assiette creuse remplie de tripes baignant dans une sauce assaisonnée de carotte, oignon et poireau. Willow arriva au comptoir derrière lequel s’affairait une demoiselle brune aux boucles chatoyantes.

    - Bonjour, dit-il d’un ton grave. Je veux voir une certaine « Liz ».

    Il remarqua Jamil se poser sur le rebord d’une fenêtre proche, observant la scène depuis derrière la vitre. L’arcaniste reprit :

    - Et, non, ce n’est pas pour réclamer ces « services », fit-il avec une moue écœurée.

    La barmaid ne semblait pas particulièrement intéressée par ce que lui disait Willow. Le regard de cette dernière était rivée sur le dosage d’un alcool sirupeux qu’elle s’apprêtait à mélanger avec un jus pressé baignant dans un grand verre. Courroucé de son manque d’attention, Willow plissa les yeux en direction du verre. Le récipient se renversa d’un seul coup, une pluie de glaçon se répandant sur le sol, la serveuse laissant échapper un cri de surprise. Elle s’empressa d’attraper un torchon pour tout nettoyer, laissant le magicien de nouveau bredouille. Dans la salle, il n’y avait que le garçon de cuisine, le seul, qui allait et venait d’une porte discrète pour servir ce qu’on lui commandait ainsi que la serveuse distraite. Willow remarqua un escalier, dans un coin, qui montait vers les étages. Liz était peut-être là-haut ? Il n’allait pas s’attarder et se décidait à monter, faisant un bref signe à Jamil vers la fenêtre qui s’envola pour tenter de le retrouver une fois en haut.

    Bien, allons régler nos affaires communes...

    Willow grimpa les escaliers quatre à quatre. Au sommet, il tomba nez à nez avec un chat au pelage rouquin, d’un joli blond d’été. Dressant ses oreilles triangulaires sur sa petite tête, le félin miaula dans sa direction. Saisissant sa chance, Willow se décida de lui demander son aide :

    - Tu vis ici, l’ami ?

    Le chat eut un mouvement de recul, surpris que quelqu’un puisse s’adresser à lui.

    - Oui, Boris c’est moi, lui répondit-il prudemment.

    - Logique… Quand un chat vit quelque part, il est toujours le vrai propriétaire des lieux.

    - Ça, tu l’as dit ! Tu… viens pour une fille ?

    - J’en cherche une, mais pas pour ce que tu penses. J’ai des comptes à régler. Tu peux me guider ?

    - D’accord, mais vite, je dois aller chiper du rôti. Tu cherches qui ?

    - Liz.

    - Suis moi, elle doit pas être bien loin celle là ! On va la trouver…
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  • Jeu 24 Aoû - 14:24
    Liz était satisfaite de la taverne dans laquelle elle travaillait depuis presque quatre ans. Boris Sizain était un homme bon et, même si certains de ses employés se retrouvaient bien souvent avec la jupe relevée ou le pantalon détroussé pour le bon plaisir de sa riche clientèle, il avait toujours défendu les intérêts de celles et ceux qui l’aidaient à remplir les caisses de l’établissement. Cette rentrée d’argent supplémentaire lui permettait de mettre à l’affiche les meilleurs produits de la région et certains soirs affichaient complet des jours à l’avance lorsqu’il avait pour idée d’engager, pour quelques heures, une artiste vedette du moment. La République aimait étaler qu’elle était plus raffinée et ouverte au monde des arts que ses voisins, Monsieur Sizain l’avait bien compris. Le seul point contrariant pour la jeune femme restait que cette vie n’était pas celle qu’elle avait choisie et dans laquelle elle s’était projetée. Condamnée à être l’éternelle serveuse, voire plus si affinités, elle maudissait chaque jour de son existence et, lorsqu’elle réussissait à s’endormir, les visages des membres de la famille Nahesa venaient la hanter.

    Midi était passé et l’agitation atteignait son paroxysme. De nombreux employés couraient à droite et à gauche pour servir le déjeuner. Ce n’était pas le cas de Liz, qui ne prenait son service qu’en début de soirée. Même si elle ne logeait pas ici, elle avait passé la nuit avec un vieux politicien qui était aussi vif que son programme était intéressant à ses yeux ; c’est-à-dire pas du tout. Réveillée depuis une quinzaine de minutes, elle venait à peine de réussir à s’asseoir sur les étoffes précieuses du lit à baldaquin quand un chat roux – habitué des lieux et qu’elle connaissait bien – rentra sans la moindre hésitation dans la pièce. Dans son élan, il poussa la porte entrouverte et la lumière naturelle qui inondait le couloir aveugla Liz, si bien qu’elle n’eut pas d’autres choix que de fermer les yeux et de frotter ses paupières avec force. Elle n’en voulait pas au félin et tenta même de l’amadouer.

    - Ginger… Pscht, pscht, pscht, tu viens ?

    Le chat découvrit les dents et feula pour toute réponse, avant de s'approcher pour se frotter aux jambes de Liz en réclamant des caresses. Une de ses collègues, qui savait parler aux animaux, lui avait dit que le chat s’appelait Boris – comme leur patron – et qu’il détestait qu’on l’appelle autrement. Seulement, personne ici ne la croyait. Par expérience, elle s’était rangée à l’avis de la majorité et l’appelait donc comme tout le monde ici ; Ginger. Ce qui n'était pas très original, nous en conviendrons. Après avoir répondu aux exigences du matou, elle se releva en s’étirant de toute sa longueur et avec pour seul accoutrement des sous-vêtements en dentelles. Lorsque ses yeux s’ouvrirent enfin pour affronter la journée qui l’attendait, elle tomba nez-à-nez avec un illustre inconnu qui l’observait en silence mais dont le regard trahissait l’impatience. La première pensée qui lui vint fut qu'elle était bien contente de ne pas être entièrement nue. Ce n’est pas parce qu’elle vendait son corps qu’elle n’était pas pudique. Mais elle était difficilement impressionnable, ainsi nul cri ne franchit la barrière de ses lèvres et elle pencha même la tête sur le côté pour le mirer en retour. Légèrement plus grand qu’elle et avec les cheveux en bataille, c’était un beau garçon qui semblait bien bâti. Cependant, un petit quelque chose dans son attitude lui indiquait qu’il ne débarquait pas dans cette chambre pour qu’elle s’occupe de lui. Elle avait appris à identifier les signes et il ne cochait aucune des cases de sa liste mentale. Venait-il pour des informations ? Ce n’était pas impossible, bien que ce ne soit pas la façon la plus conventionnelle de l’aborder dans ce cas de figure.

    - Bonjour, je peux vous aider ? Vous avez besoin de quelque chose ou quelqu’un en particulier ? Demanda-t-elle, les coins des lippes relevés pour laisser paraître un sourire de façade.

    Elle ne le connaissait pas, elle en avait la certitude. Son visage ne lui rappelait pas un quelconque ragot ou une information digne d’intérêt, ses vêtements n’aidaient pas à deviner s’il appartenait à un groupe en particulier. Elle devrait se contenter d’attendre que le jeune homme daigne lui en révéler davantage. Peu charmée à l’idée que son corps soit sous les yeux d’un inconnu en dehors de son temps de travail, elle se dirigea vers la coiffeuse qui faisait face au lit pour enfiler une tunique blanche qu’elle coinça dans une longue jupe vert d’eau aux motifs discrets. Puis, elle attrapa un peigne à grosses dents et entreprit de démêler sa chevelure en se regardant dans le miroir. Avec ce point de vue, elle ne manquait aucun des gestes du nouvel arrivant et, malgré les apparences, l’écoutait avec la plus grande attention. Le chat semblait aussi suivre la conversation, comme s'il était curieux de voir ce qui allait se jouer dans cette pièce. Il s'était posé sur les draps et suivait du regard les protagonistes de l'histoire du jour.

    - Si vous permettez. Je viens juste de me réveiller. Je ne sais pas si je peux correctement vous aiguiller, mais nous pouvons toujours essayer, ajouta-t-elle en reposant le peigne sur la surface en bois laqué du petit meuble. Alors, cher Monsieur, que voulez-vous ?

    S'il était à l'étage, il ne voulait pas profiter du service de restauration. Il y avait peu de chance qu'il se soit perdu, personne ne montait les escaliers par hasard. S'il ne venait pas pour elle ou l'une de ses collègues, il avait sans doute profité de l'agitation pour se glisser en douce dans les chambres dans le but de chaparder quelques objets pour les revendre au marché noir. À cette pensée, elle se prépara mentalement à se défendre. Elle n'était pas encore très forte mais elle avait payé suffisamment cher pour maîtriser quelques techniques bien utiles. Si besoin, elle pouvait aussi faire appel à l'élément qu'elle maîtrisait depuis sa plus tendre enfance, l'air. Rompue à l'art des négociations et des coups de bluff, elle conservait un visage de marbre et un sourire qui, à force d'avoir été travaillé, était assez naturel pour que n'importe qui puisse la penser simple potiche si elle le voulait. Seuls ses muscles légèrement tendus et sa posture féline ne pouvaient pas le berner et servaient d'avertissement.

    S'il l'attaque, elle ripostera.
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  • Jeu 24 Aoû - 20:56
    - Ce chat ne s’appelle pas Ginger, siffla Willow en pinçant les lèvres. Insulter le maître des lieux n’est pas une bonne idée, surtout dans votre position.

    Willow fit quelques pas pour entrer dans la chambre de la demoiselle, quittant l’encadrure de la porte à demi ouverte. Le chat roux, émettant un bref roucoulement s’étira en levant son postérieur, sortant les griffes de ses pattes avant pendant quelques secondes avant de pétrir le tissu des draps. Le corps du félin reprit sa forme initiale avant qu’il n’ouvre une gueule béante, laissant apparaître croc et gosier pour bailler. Au milieu de sa bouche, sa langue pourpre était immobile, petit ruban rugueux bien installé dans son écrin, juste devant un abysse insondable. Sa queue, rousse striée de brun, battait la mesure derrière lui, traduisant de son humeur mutine. Il ne suffisait que d’un instant pour qu’il ne mette en charpie les étoffes sur lesquelles il trônait, avant de s’attaquer aux coussins. Visiblement, il avait changé d’avis et ne voulait plus aller chaparder du rôti aux cuisines. Peut-être attendait-il simplement que le pauvre commis débordé le lui apporte lui-même ?

    En pénétrant dans la chambre, Willow claqua des doigts pour que la porte se referme toute seule derrière lui. Il voulait annoncer clairement qu’il maîtrisait les arts de la magie, même si la manœuvre n’était pas des plus impressionnante. Il n’allait cependant pas faire valser l’ensemble de la pièce, bien qu’il en eut le pouvoir. À la fenêtre, il aperçut Jamil se poser sur son rebord, l’ayant enfin trouvé. En le voyant, Boris ne put s’empêcher d’enchaîner feulements et crachats, ses poils dressés sur son petit corps. Le corbeau ne parut pas impressionné pour deux sous, ne lui accordant aucune attention depuis son perchoir. Le rouquin n’était visiblement pas le seul félin de la pièce ; face à Willow, la serveuse prenait la pose alors qu’elle lui demandait ce qu’il désirait. Si elle essayait d’user de ses charmes, la pauvre allait avoir bien du mal ; l’arcaniste n’était en aucun cas sensible aux tentatives suborneuses des enjôleuses et autres succubes.

    - Ce que je veux dépendra de vous, reprit-il en reposant les yeux sur son interlocutrice. On va pas commencer dans les faux semblants. Et arrêter les courbettes aussi, à en juger par votre mine au réveil vous avez l’air d’en avoir besoin.

    Boris se roula en boule sur un des oreillers du lit, observant les deux humains la tête en bas, ses deux oreilles pointues à moitié aplaties par le support duveteux.

    - Je sais à propos de votre petit business. N’essayez pas de nier, mes indics sont formels, et je suis moi même parti tirer les vers du nez de quelques personnes dans les Boyaux pour avoir confirmation.

    Willow avait découvert l’existence de Liz alors qu’il avait demandé à Jamil de prendre en filature un entrepreneur bourgeois qu’il soupçonnait de braconnage. Mais, au lieu de finir dans un bordel, ce riche avait fini avec la brune qui lui faisait face. Le mage avait ensuite appris que l’information de braconnage avait ensuite fuité, pile suivant sa rencontre avec l’inconnue à peau sombre. Willow avait un certain pressentiment et se disait qu’elle n’était peut-être pas qu’une simple courtisane. Voulant en avoir le cœur net, il était descendu dans les Boyaux, un des quartiers les plus mal famés de Liberty, pour voir si ses connaissances en savaient davantage. Son instinct ne l’avait pas trahi ; après tout, il jouait à ce jeu depuis qu’il était enfant.

    - Willow Knight. Je récolte moi même plusieurs centaines de secrets en tissant ma toile. D’ordinaire, je ne vous aurais pas accordé d’attention, mais là vous marchez sur mes plates-bandes, et je n’aime pas cela.

    Willow soupira nonchalamment, passant une main désinvolte dans sa chevelure en bataille.

    - Je viens donc simplement vous demander de cesser. Est-ce que je viens vous volez vos clients, moi ? Non, déjà cela serait écœurant vu ô combien ils sont laids. Il serait sans doute temps de revoir vos standards ; vous pouvez faire bien mieux qu’un gros braconnier vite fait riche et un bistrot gentrifié.

    Faisant un pas de plus, Willow tendit son bras gauche en l’air et agita élégamment ses doigts vers le mur à côté de lui.

    - Charta illudere.

    Le magicien aurait pu prendre plus de temps pour tisser son illusion sans prononcer de formule, mais il avait appris à être plus rapide en usant de mots de pouvoir pour canaliser certains de ses sorts. Sur le mur, une image de Liberty vue du ciel se forma alors, plus vraie que nature. Il fit alors le focus vers l’université Magic et ses alentours avant de s’en retourner vers Liz.

    - Ma toile couvre tout Magic et les quartiers alentours, que je phagocyte doucement. Je tisse petit à petit pour étendre mon territoire, mais voici son étendue actuelle.

    Willow éloigna alors son focus, sans pour autant retirer la mise en valeur de sa toile qu’il avait appliqué en filtre son illusion. Cette fois, il s’éloigna de Magic pour s’en aller vers Chez Boris.

    - Comme vous pouvez le constater, vous n’êtes pas sur ma toile. Ce qui nous amène au dilemme suivant : vous continuez sur votre lancée, et la suite des événements ne sera pas forcément jolie à voir. Mais… avant de monter sur vos grands chevaux, laissez moi continuer mon explication.

    Le jeune homme avait prononcé ces mots en pointant un doigt en l’air, comme pour retenir l’attention d’une assistance.

    - Je vais être honnête, je suis foncièrement un connard. Ma première pensée ce matin était de lancer mes « esprits » à votre poursuite et vous lancer une malédiction ; vous auriez été aussi laide que vos clients.

    Derrière la fenêtre, Jamil émit un petit croassement amusé.

    - Mais… j’ai eu une autre idée. Dans ma panoplie de méchant maléfique de conte j’ai le familier corbeau, magie et pouvoir, de merveilleuses intentions, mais pas de sirène qui attire le marin pour le noyer. Et ça m’intéresse plutôt de voir mon portefeuille s’agrandir, si vous voyez où je veux en venir ?
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  • Mer 30 Aoû - 20:09
    En l’espace de quelques instants, il avait réussi à capter toute son attention et, malgré quelques tours de passe-passe qui avaient fait arc-bouter l’un de ses sourcils pour marquer sa suspicion, elle s’était détendue au fur et à mesure qu’il expliquait ses motivations. Cette journée promettait d’être encore plus riche en rebondissements qu’elle ne l’avait été jusqu’à présent – quand bien même elle n’avait débuté que huit minutes plus tôt pour la serveuse. Elle avait délaissé tout son attirail de beauté et de faux-semblants, son peigne à dents larges négligemment posé sur la coiffeuse, pour prêter une entière attention à l’illusion parfaite qui avait été générée sur l’un des murs de la chambre. Elle ne maîtrisait pas les arcanes qu’il avait mentionnés ou montrés, illusion, malédiction et télékinésie, et elle jugeait plus sage de ne pas révéler les multiples talents qu’elle avait accumulés au fil des années. Le nom de Willow Knight ne lui disait encore rien. Elle avait beau avoir tissé un large réseau de contacts, Liberty était une grande ville et la République une faction encore plus vaste que ses aptitudes n’avaient pas encore réussi à cercler complètement. Elle estimait même qu’à moins d’une intervention divine, il lui faudrait toute une vie humaine pour réussir à traquer le moindre être vivant foulant le sol républicain et sûrement le triple si elle comptait l’étendre au Sekai tout entier. L’idée de compter un allié pour faire fleurir et prospérer son commerce était alléchante, seulement elle ne comptait pas se reposer sur une gueule d’ange et un air partagé entre la nonchalance et la grandiloquence.

    Après avoir fermé la porte pour leur permettre d’avoir plus d’intimité, elle s’approcha de la carte et, d’un geste habile et maîtrisé, effleura les alentours de l’Université. Une proie de choix, inaccessible et bien protégée grâce à son statut qui lui conférait une parfaite autonomie. Cette infrastructure trônait presque au centre de la plus grande ville civilisée de ce monde et bon nombre de secrets et de manigances devaient se tramer en son sein. Elle imaginait les multiples cœurs battants de concert pour alimenter cette formidable usine et qui étaient tous, quotidiennement, épluchés au peigne fin pour savoir s’ils avaient le droit de fouler cette quasi-forteresse. Son sourire devint carnassier et ses prunelles se mirent à briller d’une de ces obscures lueurs qui l’animait parfois quand elle se plongeait dans des réflexions où elle entrevoyait une partie de sa vengeance progresser à grandes enjambées.

    - Votre proposition est intéressante, Willow Knight. Je vous remercie d’être venue me voir directement et de ne pas avoir lancé une quelconque malédiction. Puisque vous êtes là, vous n’êtes pas sans savoir que baiser est l’art que je maîtrise le mieux pour récolter les secrets. Même si certains ne sont pas regardants et que j’ai des moyens de, disons, pressions, pour les faire craquer, c’est plus simple lorsque la vie nous a gâtés. Je suis sûre que vous êtes de mon avis. Vous devez faire craquer quelques minettes par chez vous, ou quelques minets.

    Ginger – ou Boris – fit battre la mesure encore plus intensément à mesure que l’échange verbal se poursuivait entre les deux individus. Liz ne remarqua pas le corbeau qui s’était posé à la fenêtre, n’ayant pas encore compris que le jeune homme possédait l’art de parler avec les animaux. Il lui fallait étudier plus en profondeur celui qui se tenait face à elle et, bien qu’elle l’observât avec de plus en plus d’attention à mesure que le temps s’écoulait, rien dans sa posture ne le trahissait. Ce fait ne l’étonnait pas vraiment. S’il était l’araignée qui tissait sa toile, il avait pris soin de le faire loin des regards indiscrets pour que le premier inconnu ne puisse pas venir la détruire d’un coup de balai. Devait-elle comprendre que, si son terrain de jeu était l’Université, il y officiait d’une manière ou d’une autre ? Le meilleur moyen de le découvrir restait encore de jouer franc jeu. Si une alliance s’établissait entre les deux protagonistes, une confiance mutuelle devrait se tisser au fil de la discussion. Même si on ne faisait jamais véritablement confiance en quiconque, encore moins quand on avait arpenté les boyaux de la cité.

    - Est-ce que je dois aussi comprendre que vous êtes à temps plein à l’Université ? Vous n’êtes pas professeur. Sans vouloir vous vexer, j’y ai passé quelques mois et vous ne ressemblez tout bonnement pas à quelqu’un qui dispense des cours. Non, de toute façon, pour tisser un réseau aussi complexe au sein d’une telle structure, il faut être un élément moins important. Quelqu’un qu’on ne regarde pas, à qui on ne fait pas attention… Un élève ? Mais, dans ce cas, pourquoi ne seriez-vous pas en train d’apprendre vos leçons pour décrocher votre prestigieuse branche ? Si vous en aviez déjà une, vous seriez sûrement ravi de l’afficher juste là, sur votre poitrail. Ils le sont tous, impatients de le faire.

    Durant son monologue, elle s’était approchée de Willow sans jamais le quitter du regard un seul instant. La moindre de ses réactions étaient évaluées. Elle s’était arrêtée car ils n’étaient plus qu’à quelques centimètres de distance l’un de l’autre et que son index s’était délicatement posé sur l’endroit qu’elle avait verbalement désigné, celui où se serait trouvé son prestigieux trophée. Ce contact physique était important, c’était son domaine, des deux elle le maîtrisait le mieux. Serait-il dérouté par leur proximité ? Chercherait-il à fuir ou soutiendrait-il son regard ? Dans tous les cas, elle était aussi prête à s’immiscer dans l’esprit du jeune homme pour lui faire dire la vérité.

    - Je ne t’ai pas fait l’affront de te révéler mon prénom, je pense que tu le connais déjà très bien. Ce qui me déplaît, c’est de ne pas savoir précisément ce que tu sais et ce que tu ne sais pas sur moi. Tu me places dans une situation délicate où je n’ai même pas la possibilité de mentir, car cela rendrait caduc notre accord. Maintenant, tu es ici chez moi et tu joues sur mon terrain de chasse. Je préfère que les choses soient claires entre nous : aucun faux-semblant et aucun mensonge entre nous. Je suis prête à te révéler quelques-unes de mes facettes mais j’exige la même chose en retour.

    Le tutoiement était voulu. Liz avait cessé de s’embarrasser des étiquettes et elle pressentait que ce comportement ne serait pas pour déplaire à son interlocuteur. De son doigté expert, l’index de sa senestre remonta jusqu’à l’une des mèches rebelles du jeune homme, qu’elle s’amusa à entortiller avant de la relâcher et de reculer d’un pas, pour lui permettre de reprendre, si besoin, contenance mais aussi de lui prouver la sincérité de ce qu’elle s’apprêtait à ajouter.

    - J’ai bien compris que tu es insensible à mes charmes et, quand bien même je pourrais utiliser un soupçon de ce qu’on appelle magie pour forcer cet aspect, ce n’est pas ce que je sous-entends lorsque je te dis vouloir établir une confiance réciproque entre nous. Je suis même plutôt lasse de ces hommes qui ne pensent que par le prisme de ce qu’ils ont entre les jambes. J’ai le sentiment que tu es plus intéressant que ça, Willow.

    Une lueur désormais facétieuse dans le regard, elle l’invita à s’approcher de la fenêtre et l’ouvrit, sans prendre gare au corbeau qui croassa de mécontentement et battit des ailes pour se poser un peu plus loin, toujours à proximité de celui qui était pratiquement son maître. Elle s’appuya contre le rebord de l’ouverture et désigna d’un signe de tête le quartier qui s’étendait à perte de vue sous leurs yeux. C’était un quartier où la richesse était omniprésente et qui l’affichait aussi bien dans son architecture raffinée, ses décors de marbre et d’or ou encore sa population. Mais ce n’était pas pour admirer le paysage qu’elle l’avait fait venir ici. Elle voulait surtout illustrer ce qu’elle racontait.

    - Si tu m’as proposé ce marché, c’est bien que tu es intéressé par ce qui se passe ici. Il était facile pour toi de viser juste avec Magic – qui ne voudrait pas avoir un interlocuteur privilégié qui se balade entre ces murs – mais toi, qu’est-ce que tu cherches à y gagner ? Simplement étendre ta toile ou ferrer un plus gros poisson ?

    Puis, après un court instant de réflexion, elle ajouta.

    - Personne ne se lance dans ce business sans une idée précise en tête. Libre à toi de me la révéler maintenant ou d’attendre de voir si un partenariat entre nous peut tenir la route. De toute façon, tu sais bien qu’une fois notre conversation terminée je n’hésiterai pas à contacter certains de mes collaborateurs pour savoir ce qu’ils auront à me raconter sur Monsieur Knight.
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  • Mer 6 Sep - 19:25
    - Ce que j’ai à y gagner ? Rétorqua Willow en arquant un sourcil. Tout ce que j’ai déjà perdu, à vrai dire ; mes intentions ne sont pas un secret.

    D’un geste volontairement mécanique, Willow monta une de ses mains jusqu’à son crâne pour replacer les mèches que Liz avait trituré, à l’aide de juste deux doigts. Malgré le chaos de sa tignasse, il préférait que ce désordre soit placé selon son bon vouloir et son aisance. La courtisane au teint chocolat l’avait frôlé, une approche qui aurait pu faire frissonner de désir la plupart de la gente masculine. Sa démarche, son allure, la manière dont elle se mouvait comme un chat. La façon dont elle rejetait ses boucles de jais, jusqu’au sommet de sa croupe galbée, son décolleté savamment arrêté, proche de sa poitrine impeccablement exposée. L’arcaniste constatait que, à juste titre, son interlocutrice maîtrisait l’art de la séduction, tel un violoniste virtuose entamant son concerto. Le fait qu’elle usait de cet art en travaillant comme prostituée dans un bistrot bourgeois constituait déjà moult non dits pour Willow. Il voyait en cela un conte déjà bien triste d’une femme qui n’avait pas eu le choix, une femme qui, malgré ses airs de duchesse, semblait aussi prisonnière de sa situation qu’un oiseau en cage. Ou alors était-ce ce qu’elle désirait montrer ? Un énième postiche, un autre coup de fard ?

    - Je veux que le moindre de mes murmures fasse frémir les puissants de la République, être celui qui chuchote en coulisses aux oreilles de ceux qui arborent la couronne. Je veux que les hôtels de ce quartier aient l’air de bicoques pouilleuses en comparaison de mon cocon. Et qu’en entrant dans un établissement comme le vôtre, tous les bourgeois déjeunant à ses tables tombent à mes pieds.

    L’illusion qu’avait conjuré Willow vacilla subitement, l’émotion qu’il ressentait à en répondant à Liz lui faisait perdre le contrôle du sort qu’il maintenait en place. La carte de Liberty se brisa. La magie, volatile, se détacha du mur. Les rues devinrent des constellations, les bâtiments, de grosses taches diaphanes ressemblant à des nébuleuses. Le tout flottait autour de Willow, aura sibylline que le chat roux essayait de toucher, en vain, ses minuscules pattes toutes douces passant au travers.

    - Je veux que leurs genoux se brisent sur le marbre à force de ramper, et que mon nom redevienne source d’envie pour toutes les têtes dorées de la République et, cette fois, au-delà. Est-ce réellement trop demander ?

    Les lueurs dansantes s’estompèrent en clignotant comme des lucioles, disparaissant peu à peu, à la grande déception du félin qui ne parvint jamais à mettre ses griffes sur quoi que ce fut. La passion de Willow retomba ; il poussa un long soupir alors que, dehors, Jamil croassa tout doucement.

    - Je ne suis pas un vulgaire trafiquant d’informations ; je récolte des secrets, et il n’existe rien de plus puissant que cela. Je veux simplement ce que je mérite, et prendre ma revanche sur le destin. N’est-ce pas ce que les gens comme nous désirent tous ?

    Boris repointa son museau en direction du sorcier, ses vibrisses frémissant alors qu’il remuait sa truffe en reniflant vers lui. Willow reprit, d’un ton bien plus calme, et plus mutin :

    - Ceci étant, on ne va pas arriver à grand-chose en se roulant les pouces dans cette chambre ; ça sent un peu trop l’essence de rose d’ailleurs, un peu agressif.

    Faisant quelques pas, le jeune homme se posa à son tour sur le lit, sous le regard indigné du chat, qui pensait que le boudoir serait son propre trône. Il croisa les jambes, éventant son visage à l’aide d’une main, levant le nez vers un coin du plafond. Là-bas, une peluche de poussière entrée par la fenêtre voletait sans but, éclairée par un puissant rayon de soleil.

    - Je ne suis pas uniquement dans le quartier pour une visite de courtoisie. Je suis là pour forcer un restaurant à mettre la clé sous la porte ; rien à voir avec votre bistrot, non, un véritable restaurant gastronomique. Je pourrais le faire seul, mais cela me prendrait plus de temps. J’ai l’impression qu’à nous deux nous serions suffisamment puissants pour nous en charger en un battement de cils !

    Faire fermer un restaurant ne constituait pas un jeu pour Willow, mais avait une fin stratégique. Il voulait repositionner les congrégations d’aristocrates gourmets pour les faire converger à nouveau plus prêt de son territoire. Il espérait attiser l’intérêt de la courtisane. Après tout, cela ferait tomber un de leurs concurrents proches, le succès pouvait être au rendez-vous pour son enseigne, et donc lui attirer quelques clients.

    - Des travaux pratiques seront bien plus parlant qu’un simple échange, nous verrons concrètement s’il est possible de travailler ou non ensemble. Alors, partante ?
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  • Sam 16 Sep - 17:34
    Ainsi, il voulait du pouvoir. Être celui qu'on adule, qu'on admire. Un dessein auquel elle n'était pas insensible, encore moins s'il s'agissait d'une revanche à prendre sur le destin. Willow Knight et Liz Nahesa avaient sûrement plus que la récolte de secrets en commun, tous deux animés par une passion qui pouvait aussi bien forger leur avenir pour inscrire leurs noms dans l'Histoire que les consumer pour les faire retourner à la poussière. Loin d'être impassible face à son engouement, une myriade de frissons parcourut son être et elle hocha la tête à plusieurs reprises, sourcillant à peine lorsque l'illusion vola en éclats. Mieux que quiconque, elle le comprenait et elle partageait son ressenti. À la fin de son discours, elle leva les mains pour l'applaudir.

    - Ça alors ! Le coup de l'illusion, le poing serré, le corbeau qui croasse derrière toi ; pas mal du tout. Tu m'as presque convaincue de ne pas utiliser plus qu'il n'en faut mes charmes sur toi, déclara-t-elle en désertant le rebord de la fenêtre.

    Elle avait beau pensé ce qu'elle disait, ça ne l'empêcha pas de lui renvoyer un regard noir lorsqu'il commenta l'odeur de la pièce et, pour toute réponse, attrapa son flacon de parfum pour en remettre une dose sur elle.

    - Personne ne vient ici pour des visites de courtoisie. Si tu veux, je te présenterai quelques-uns de mes collègues. Ils pourraient t'aider à apaiser ta colère, de temps en temps, petit prince.

    Il lui sembla entendre une nouvelle fois le croassement d'un corbeau, mais la suite promettait d'être un peu plus intéressante. Alors comme ça, il voulait qu'un concurrent du coin mette la clé sous la porte ? Ce n'était pas pour déplaire à son business, bien au contraire. Elle voyait bien les avantages qu'elle pourrait tirer de cette situation mais ses bénéfices à lui étaient un peu plus flous, sûrement une étape dans un plan de plus grande envergure. « On s'en fout, Liz, c'est plus tes oignons » souffla une petite voix dans sa tête, qu'elle décida d'écouter parce qu'elle avait toujours été de bon conseil et lui avait permis de rester en vie, jusqu'à présent. Elle s'approcha de l'armoire et se changea une nouvelle fois, la jupe ne lui paraissant pas appropriée pour la suite des opérations. Il fallait qu'elle soit plus libre de ses mouvements et les fibres de coton du pantalon qu'elle enfila sous les yeux du petit prince étaient tout indiqué.

    Spoiler:

    Willow ne manquait pas de mordant et de piquant, lui aussi. Toute cette haine qu'il devait avoir accumulé durant des mois (des années?) avait probablement été moteur dans le modelage de son caractère. Même si elle essayait de s'assagir, la serveuse aimait jouer avec le feu et se mordit la langue à plusieurs reprises pour ne pas l'irriter plus que nécessaire. Inutile de se tirer dans les pattes avant même que ça commence.

    - C'est quoi le nom de ton restaurant ? Au cochon qui dore ? Pomme du verger ? Histoire sans faim ? L'empreinte savoureuse ? C'est que la République fourmille de ce genre d'établissements. Et, puisque tu m'en parles, c'est aussi que tu dois avoir un plan derrière la tête, non ?

    Elle ajusta son gantelet de cuir, son unique moyen de défense si ses attraits et sa beauté n'étaient pas suffisants : plan B. Elle s'était déjà trouvée dans des situations où son utilisation n'avait pas été une option, même si ça ne lui plaisait pas. Aussi, Liz ne passait pas son temps à batifoler dans des draps de soie, c'était une femme de terrain qui se plaisait à remonter la source de ses informations pour en établir la véracité. Si elle faisait partie des trafiquantes les plus fiables de cette partie du monde, c'était bien grâce à son implication. Et, quelques fois, elle se retrouvait à arpenter les rues de la capitale républicaine pour effectuer de basses besognes qui serviraient ses intérêts. Si les Nahesa lui avaient bien appris une chose, c'est qu'elle ne serait jamais mieux servie que par elle-même.

    - Tu m'expliqueras ça en marchant. Je pense que ni toi ni moi on a toute la journée devant nous pour s'en occuper et que plus vite on sera rentrés, mieux on se portera. Ils ont pas un couvre-feu à Magic ou une connerie du genre ? Ou ils s'en foutent, du moment que tu rates pas les cours ? Ça fait si longtemps que je n'y ai plus mis les pieds.

    Lui jetant un coup d’œil furtif pour voir s'il la suivait bien, elle le guida pour le mener vers une autre porte dérobée qui leur permettrait d'atteindre l'extérieur, sous le regard du chat roux qui, en comprenant que plus rien ne se passerait ici, se leva et s'étira de tout son long pour sauter avec grâce sur le parquet et s'éloigner en direction des cuisines. Liz ne se cachait pas, plus c'était gros et mieux ça passait en règle générale. Le truc, c'était d'avoir toujours l'air sûr d'elle et de ne pas laisser transparaître le moindre signe d'hésitation. Ses doigts s'enroulèrent autour du bras de Willow lorsqu'ils passèrent devant une porte entrebâillée d'où s'échappaient les brides d'une conversation animée, et elle rapprocha son corps du sien pour les apparences. Elle pouvait presque sentir son souffle dans sa nuque et, à plusieurs reprises, sa cuisse frôla la sienne. Enfin, ils arrivèrent dehors et elle l'entraîna dans un petit escalier en colimaçon qui les fit rejoindre la terre ferme. Alors seulement elle relâcha son bras et, le sourcil gauche relevé, elle tourna sa figure vers lui pour l'interroger du regard.
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  • Lun 18 Sep - 19:18
    - Vous vous inquiétez pour ma scolarité ? S’écria Willow, impertinent. Mignon, mais inutile. J’ai beau être avec vous, mais ne louper aucune miette de mes leçons.

    Tout récolteur de secret qui se respecte un tant soit peu assurait constamment ses arrières pour être certain de ne pas perdre son temps. Si les animaux lui permettaient de découvrir les secrets des êtres pris dans sa toile, ils lui permettaient également de toujours garder un œil sur les cours auxquels il n’assistait pas. Sans plus de cérémonie, Willow et Liz quittaient la taverne pour sortir dans la rue. Derrière eux, Boris le chat trottinait nonchalamment, ayant décidé de lui-même qu’il n’avait rien de mieux à faire. Il ne faisait nul doute que le félin avait bien entendu qu’ils allaient se rendre dans un grand restaurant ; une aubaine pour lui, désireux de mettre la patte sur un met des plus délicats. Dans le ciel, Jamil avait déployé ses ailes, volant à bonne distance pour ne pas les perdre et avoir une bonne vision des alentours. Le corvidé regardait le duo remonter la rue, passant devant la librairie Cavendish, à l’enseigne dorée, à l’armature surchargée de feuilles de lierre et de fleurs. Devant la vitrine, un groupe de demoiselles drapées dans de magnifiques étoles damassées. L’une d’elle, coiffée d’un imposant escoffion, enrubanné de gaze de soie et piqueté de perles rutilantes, menait la conversation en commentant à ses comparses la merveille qu’avait été sa lecture du nouveau roman exposé en évidence.

    Willow et Liz avait dépassé le groupe de lectrices, traversant la rue en esquivant une diligence pressée pour rejoindre l’autre trottoir. Là-bas, ils devaient entreprendre la traversée d’un square aux haies savamment taillées et aux buissons sculptés de telle sorte pour former des figures animales. Une fois de l’autre côté, ils pourraient facilement rejoindre le restaurant que Willow voulait faire fermer. Le Percevent était un établissement dirigé par un natif de Kaizoku. Ancien maître coq pour le compte de l’armée républicaine, le grand chef Taiwo avait décidé de raccrocher son uniforme pour se consacrer à ce qui menait sa vie depuis qu’il savait se tenir sur ses deux pieds : la cuisine. Malgré ses 55 ans de vie il demeure un jeune oni, mais se comporte comme un homme vénérable qui en aurait vécu le triple. Depuis une dizaine d’années, il a décidé de s’installer à Liberty, faisant petit à petit son bonhomme de chemin sur la scène culinaire. Son dernier restaurant ouvert, le Percevent, nommé en l’honneur du bâteau sur lequel il avait servi, vit sa popularité grimper en flèche au sein de l’aristocratie, et est rapidement devenu synonyme d’excellence.

    - C’était pas bien dur de dénicher tout ça, les journaux en ont fait leur coqueluche quand son resto a percé. J’ai juste eu à consulter quelques archives.

    Alors qu’ils passaient sous une arche de glycine, Willow sortit une brochure qu’il tendit à Liz, faisant la publicité du Percevent. La salle pouvait accueillir jusqu’à une dizaine de convives. Entre chaque plat, le maître d’hôtel altérait la décoration afin d’offrir aux visiteurs une expérience visuelle et auditive extraordinaire, en plus de la nourriture servie. Sous le restaurant, on trouvait une vaste cave à vin, réputée spectaculaire, où chaque table était invitée à descendre une à une pour choisir, sous les conseils avisés du sommelier, les bouteilles qui agrémenteront leur repas. La brochure ne décrivait aucune carte, le menu était constitué de toute une ribambelle de services dont les plats étaient choisis par le chef en personne. La variété et la surprise ne faisait que renforcer l’aspect novateur de la maison, tout en forgeant ses lettres de noblesse. Le chef Taiwo avait compris ce qui plaisait aux aristocrates, et évoluait avec aisance sur leur scène. Néanmoins, Willow avait la ferme intention de faire découvrir à cet oni insulaire que même une araignée pouvait chasser sous l’eau.

    - En plus du chef, qui est vieux de loup de mer malgré son jeune âge, il faut se méfier de tout le personnel. Le maître d’hôtel est un illusionniste, pour commencer, qui sait ce dont est capable le reste ? Ils sont tous à la botte de Taiwo comme des soldats de plomb.

    Le reste allait devoir faire partie de l’opération. Ils sortirent du square pour se trouver dans la rue, face au Percevent. La façade aurait été d’une rare sobriété si ce ne fut pour son enseigne. Cette dernière ressemblait à la proue d’un navire, une sirène ailée tenant une conque de laquelle tombaient une myriade de guirlandes de perles et de pampilles. Entre chacune de ses écailles, on pouvait distinguer des pierres précieuses de seconde facture briller de mille feux, colorant sa queue d’une multitude de couleurs chatoyantes. Les plumes de ses ailes, peintes d’or, d’argent et de vermeil, encerclaient le bois de pin du bateau, recouvert de noir et de vernis. Discrète, on pouvait lire le nom du restaurant en de fines lettrines attachées, juste au-dessus de l’épaule de la sirène. Les deux compères traversèrent la rue et le jeune homme poussa la porte du restaurant. Il fut presque immédiatement accueilli par le maître d’hôtel, surpris de voir une personne arriver à une heure pareille, le Percevent ne servant que le soir.

    - Puis-je vous aider, monsieur ? fit-il d’un nom quelque peu pédant.

    Le maître d’hôtel du Percevent était un grand homme. La peau très pâle, il possédait un visage émacié et une stature particulièrement osseuse. Avec ses longs doigts rachitiques, ses mains ressemblaient à deux araignées crabes prêtes à fondre sur leurs proies. Ses fines lèvres rosées étaient la seule trace de couleur sur son visage blafard, en plus des prunelles topaze de ses yeux de renard. Il était habillé d’un costume savamment cintré constitué d’un pourpoint plus noir que de l’encre, de bas si serrés qu’on se demandait comment le sang pouvait encore couler au sein de ses jambes, et de souliers pointus à talonnettes. Sous son œil droit, on pouvait distinguer un grain de beauté en forme de cœur, rendant son allure encore plus intrigante tandis que ses cheveux, d’un blond de cendres, étaient bien plaqués à l’arrière de son crâne. Il dévisagea tour à tour Willow et Liz, comme s’il cherchait à sonder leur âme.

    - Nous ne vous dérangerons pas longtemps, je venais simplement vérifier si ma réservation de ce soir était toujours maintenue ?

    Les yeux du maître d’hôtel se plissèrent légèrement tandis que ses fossettes se creusaient minutieusement, prenant des airs de rictus.

    - Mais bien entendu, monsieur. Puis-je me permettre de vous demander votre nom ?

    - Knight, et voici mon invité, au nom de Renmyrth.

    L’interlocuteur de Willow fit quelques pas maniérés vers un pupitre avant d’ouvrir un livret de cuir. Il tourna quelques pages pour arriver jusqu’à celle dans laquelle était coincé un signet avant de relever le nez vers le duo, son sourire se faisait subitement plus accueillant :

    - Votre nom est toujours sur notre liste, nous avons grande hâte de vous accueillir ce soir.

    - Merci bien.

    Sur ces entrefaites, Willow fit signe à Liz de la suivre et les deux sortirent du restaurant afin de retourner dehors. Boris le chat les attendait sur le trottoir, assis tranquillement à regarder les passants d’un air des plus méprisants. L’animal roux se mit à suivre les humains lorsqu’ils se mirent à remonter la rue.

    - J’ai réussi à avoir une réservation en faisant jouer une vieille dette, expliqua Willow à l’intention de Liz. Un brocanteur friqué qui voulait dénicher une vieillerie qui se trouvait au marché noir, je l’ai aidé, et en retour j’ai banqué en lui exigeant de me céder sa place, ce soir.

    L’arcaniste s’arrêta subitement et se plaça face à son interlocutrice, croisant les bras. Depuis le ciel, Jamil descendit pour se poser sur un rebord de fenêtre, juste au-dessus de son maître.

    - Bien, en attendant ce soir, on va aller se chercher des tenues d’aristocrates tellement pleins aux as qu’ils en chieraient du mithril. Non pas que votre corset ne vous va pas, mais ces guenilles ne remplissent pas tellement le code vestimentaire.

    Jamil ne put réprimer un croassement moqueur du haut de son perchoir.

    - Le plan de ce soir sera le suivant : isoler le chef Taiwo d’une façon ou d’une autre, en toute discrétion, passer ses défenses et son armée, et me permettre de l’approcher le plus près possible. J’ai juste besoin de lui attraper un cheveux, ou du sang. Ensuite, je le maudirai à ne plus pouvoir servir que de la merde. La réputation du Percevent s’écroulera comme un château de cartes.

    Au sol, Boris entreprenait de se léchouiller une patte.

    - Aller, Renmyrth, on va se faire beaux pour le grand soir !
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  • Dim 24 Sep - 13:48
    Il lui avait offert un bon aperçu de l'étendue de son ingéniosité, ne restait plus qu'à voir ce qu'il en était de son talent. S'il pouvait réellement maudire les autres, les cartes à jouer devenaient multiples et, pensa-t-elle en son for intérieur, infiniment plus drôles et divertissantes. Il n'avait certainement pas appris ces tours à Magic. Alors, où ? Un point qu'elle voudrait creuser plus tard, si leur collaboration du jour portait ses fruits. Cependant, un soupir imperceptible lui échappa face à la énième pique du petit prince. Elle était persuadée qu'il ne le faisait pas exprès, c'était juste sa façon d'être et de s'exprimer. Par chance, elle était assez patiente aujourd'hui pour ne pas rebondir sur chacune d'entre elles ; par chance et par appât du gain. Elle hocha simplement la tête et commença à avancer en direction d'une rue parallèle. Pour ce qui était des vêtements d'aristocrate, elle savait déjà vers qui se tourner. L'avantage de côtoyer des gens plus ou moins fortunés à longueur de journée. Ils étaient toujours suivis par Jamil et Boris et, bien que la présence du premier ne l'ait pas encore réellement frappée – surtout parce qu'il se contentait de rester perché en hauteur – elle commençait quand même à s'interroger sur celle du chat roux. Elle était plus ou moins certaine que ce n'était pas elle qu'il suivait. Comme toutes les autres mains de la taverne, elle le nourrissait, le cajolait et jouait avec, mais ça s'arrêtait là. La métisse n'avait pas vraiment développé de liens affectifs avec lui, Ginger. Elle jeta un coup d’œil vers Willow, qui marchait nonchalamment à côté d'elle, puis un nouveau vers le félin. Elle s'y reprit à deux fois, clignant des yeux en voyant qu'il tenait dans la gueule une cuisse de poulet grillé. Comment est-ce qu'il venait de chopper ça aussi rapidement ? Préférant se concentrer sur le cœur du sujet, elle chassa le matou de ses pensées et replaça une de ses boucles noires derrière son oreille.

    - Le plan me convient. Je n'aurais pas de mal à distraire l'équipe pour te laisser le champ libre. Je suis pas certaine d'avoir bien saisi ce que tu voulais dire par « servir de la merde », tu veux dire littéralement ou que ça sera simplement dégueulasse ?

    Elle avait froncé ses sourcils. En réalité, elle se foutait de ce que le chef pouvait bien servir à la fin de cette soirée mais la première option lui filait la gerbe. Ce serait une très mauvaise pub pour l'établissement. Il lui faudrait sûrement des semaines pour s'en remettre. S'il ne portait pas plainte contre X – ou une connerie de ce genre –, ce qui nécessitait donc un travail en aval auprès des flics pour faire étouffer l'affaire. Ils avaient peut-être développé une nouvelle branche pour leur permettre de remonter à la source d'une activité magique. Et, s'il remontait jusqu'à Knight, il pouvait remonter jusqu'à elle. Elle frotta machinalement l'arrière de sa nuque en songeant à tous les embranchements possibles, ses pas les guidant automatiquement vers la boutique qu'elle avait en tête, Royal Oenna. C'était le magasin de couture où se rendre quand on voulait être chic et à la mode. Elle avait plutôt des bons rapports avec la gérante, Olenna Brando. Une belle et grande femme qui, par sa simple présence et ses tenues splendides, faisait baisser les yeux à n'importe quel type qui la regardait un peu trop.

    - Tu penseras à arranger tes cheveux et on passera par la case maquillage. Même pour toi, oui. Tu suis une routine beauté ? J'ai l'impression que ta peau est pas assez hydratée, ajouta-t-elle en venant attraper la joue de Willow pour tester l'élasticité de sa peau. Beaucoup de travail. Sinon, je pensais aussi aux conséquences de ton lancer de malédiction. S'il porte plainte, tu comptes faire comment ? Les officiers républicains pourront sûrement remonter jusqu'à toi. Surtout que tu as donné ton véritable nom, Knight. À moins que ce ne soit pas ta véritable identité ?

    Elle s'arrêta devant la porte du Royal Olenna, faisant volte-face pour planter son regard dans celui du jeune homme. Un sourire amusé avait relevé l'un des coins de ses lippes.

    - Mais, heureusement pour toi, je suis dans l'équipe et j'ai aussi des contacts là-bas. Faudra juste allonger la monnaie, t'as intérêt d'avoir de quoi payer, il est hors de question que je sois la seule à sortir les pièces.

    Et, sans lui laisser l'occasion de répondre, elle poussa la porte et ils entrèrent sous le « dring » caractéristique d'une clochette en pierre précieuse. Deux choses attiraient le regard : les innombrables portants qui exposaient des ensembles tous plus ravissants et somptueux les uns que les autres et les plantes, tout aussi innombrables, qui ornaient l'intérieur. Elles se déclinaient en toutes sortes et offraient aux yeux et narines non avertis une véritable explosion de couleurs et de senteurs. Le chat roux se glissa juste à temps dans l’embrasure de la porte, avant que celle-ci ne se referme derrière Knight. Dame Brando se matérialisa alors devant eux.

    - Entrez, entrez, bienvenue chez Royal Olenna ! Qu'est-ce que je peux faire pour...

    Elle s'était interrompue en voyant la dégaine des deux compères qui avaient osé souiller son entrée. Elle rabattit son éventail d'un claquement sec, soupira, se prépara à leur demander de sortir quand Liz s'avança d'un pas et inclina légèrement la tête pour la saluer.

    - Dame Brando, je suis ravie de vous voir.
    - Oh, si ce n'est pas Liz ! J'ai failli ne pas te reconnaître dans cette épouvantable tenue. Veuillez essuyer vos pieds avant d'entrer et, tenez... Non, attendez... Je vais le faire moi-même...

    Elle attrapa un flacon de parfum et embauma Nahesa et Knight, sans leur demander leur avis, recula d'un pas avec une légère grimace et attendit qu'ils aient bien essuyé leurs pieds sur le paillasson. Les traits de son visage se détendirent. Olenna avait fait appel à Liz à plusieurs reprises. La couturière lui était donc redevable de quelques services, la serveuse ayant jugé préférable de garder dans sa manche un atout aussi précieux. Ce jour lui montrait qu'elle avait eu raison de ne pas réclamer de l'argent. Mais elle savait aussi que Dame Brando était fourbe et perfide, ce n'était que par l'urgence de la situation qu'elle avait décidé de les conduire ici.

    - C'est pour toi et ton... Ami ? Demanda-t-elle en reluquant le petit prince de haut en bas puis de bas en haut.
    - Oui, nous aimerions des vêtements sur mesure. Nous dînons dans un établissement chic ce soir. J'ai besoin que tu utilises tes doigts de fée sur nous pour nous rendre méconnaissables.
    - Tu me demandes beaucoup de boulot, soupira la confectionneuse, mais je vais voir ce que je peux faire. Vous là, prenez place ici, je vais prendre vos mesures.

    Willow et Liz se prêtèrent à l'exercice périlleux qu'était celui de se faire tourner autour par Olenna Brando et son mètre ruban. Elle rouspétait sans arrêt, pinçait ses lèvres en émettant des claquements de langue réprobateur puis opinait soudain de la tête avec un sourire satisfait. Au bout d'une quinzaine de minutes, elle leur demanda de patienter dans un élégant petit salon à l'arrière. Liz prit volontiers place dans l'un des poufs moelleux, non sans laisser entendre une légère plainte. Dame Brando n'y était pas allée de main morte et elle appréhendait déjà l'étape où ils devraient affronter ses aiguilles pour ajuster les étoffes sur leur corps.

    - J'espère que ça te satisfait, lança-t-elle à Willow en croisant ses jambes l'une contre l'autre et en étalant ses bras sur les accoudoirs. Tiens, dis-moi, le temps qu'elle revienne, tu ne voudrais pas m'en dire plus sur tes histoires de malédiction ? C'est que je suis assez... Curieuse de savoir comment elles fonctionnent. Quand tu m'en as parlé, Chez Boris, j'ai cru à du bluff. Il semblerait que je me sois trompée. Ah, et tu n'es pas capable de changer totalement les apparences, à tout hasard ?

    Elle se pensait couteau suisse avec les capacités qu'elle avait développées au fil des années, mais il l'était peut-être davantage.
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  • Mer 27 Sep - 16:43
    Olenna Brando était une véritable légende vivante pour tout passionné de mode qui se respectait. Si les couturiers et créateurs devaient avoir une papesse, alors Miss Brando était celle qui en portait la tiare. Ambitieuse et visionnaire, Olenna donnait le la sur toutes les tendances, et ne s’arrêtait jamais. Elle haïssait tout ce qui pouvait avoir de près ou de loin, dans le monde du textile, une veine conservatrice. Avant-gardiste, intelligente, et déterminée, son talent l’avait même fait connaître des plus grandes bapontes de la République. Si bien que tout le monde s’accordait à dire que, si Olenna Brando décrétait quelque chose était passé de mode, alors il était bon à jeter. L’élégante allait et venait, évoluant comme une reine dans son établissement de gaze et de taffetas, prenant leurs mensurations comme un général partant en guerre. Willow et Liz patientaient à présent dans un petit salon, la maîtresse de céans partie chercher des tenues qui, d’après son expertise, leur seraient parfaites. Alors que son équipière du jour prenait ses aises sur un des fauteuils, cette dernière se montra étonnamment curieuse quant aux pouvoirs du magicien, en particulier sur sa faculté de maudire.

    - Avec un simple échantillon, comme un cheveux, du sang, un ongle, je peux lancer ma malédiction, expliqua le jeune homme. Je suppose que vous visualisez les méchantes enchanteresses de contes qui endorment les princesses ? C’est plus ou moins la même chose.

    Faisant quelques pas, Willow se posta devant une psyché, non pour admirer son reflet mais pour inspecter les détails de son cadre peint de vermeil. Son bois avait été taillé dans le but d’évoquer des branches de ronces avec, par endroits, de proéminentes épines.

    - Je maudis ma cible, mais je dois également prévoir une manière de la briser, aucune n’est absolue. C’est, en quelque sorte, un mariage entre l’alchimie et l’enchantement, visant directement l’âme. On réécrit la réalité, mais on permet toujours au destin de retourner au statu quo. C’est la raison pour laquelle il faut être rusé ; on doit permettre à la malédiction d’être brisée, mais nos conditions peuvent être… exigeantes.

    Willow se détourna du miroir, faisant les cent pas avant de s’arrêter, cette fois, devant une tenture sur laquelle une carpe illusoire remontait un courant de pans et de damas. Arrivée au milieu du tissu, les écailles du poisson s’illuminèrent pour éclater en un millier de paillettes et devenir un majestueux dragon, disparaissant dans les nuages du plafond.

    - Un des exemples les plus célèbres en matière de malédiction fut celle du mage Ecthelion sur dame Carambelle, il y a une paire de siècles. Ecthelion avait maudit Carambelle, qui avait refusé ses avances, à devenir une vieille femme et le demeurer jusqu’à ce qu’elle parvienne à danser sur la lune. Carambelle trouva refuge chez le rival d’Echtelion, Margyt, qui en fit la gouvernante de sa propriété. Un soir de fête, en ville, Margyt emmena son logis festoyer et dansa en compagnie de Carambelle sur la place des Constellations, sur laquelle se trouve une mosaïque représentant la lune. La malédiction fut brisée et Carambelle retrouva son apparence originelle.

    Son récit terminé, Willow s’en retourna vers la courtisane, partant s’asseoir sur le fauteuil à côté d’elle. L’arcaniste ne prit cependant pas une position aussi lascive que son interlocutrice, se contentant de croiser les jambes et poser les pointes de ses coudes sur le matelas des accoudoirs.

    - L’erreur d’Echtelion fut de penser que jamais Carambelle ne pourrait danser sur la lune, croyant que sa malédiction visait uniquement l’astre lunaire. Le phrasé d’une malédiction se doit d’être impeccable ; sinon, il faut être conscient que le sort possédera une nature incertaine, et qu’il pourra être plus simple de la briser. C’est le faux pas de beaucoup de mages

    Willow expliquait autant pour Liz que pour lui-même ; le jeune magicien n’avait pas encore décidé de ce qu’il allait exactement exiger pour briser la malédiction. Il comptait sur ses talents en magie illusoires et ses prouesses en télékinésie pour passer les défenses du chef Taiwo ; le plus grand danger qu’ils risquaient d’affronter étant, sans doute, le maître d’hôtel. Mais, une fois face à lui, Willow devait également faire attention. Tout du long, ils se devaient de demeurer discrets et de ne pas se faire voir, autrement leur plan serait défait, et n’aurait servi à rien, en plus de les percer à jour. Quelle condition devait-il apposer pour contraindre le chef oni à demeurer maudit ? Se tromper et penser sa malédiction imperméable, comme Ecthelion, était une erreur si commune et pourtant si simple à faire. Aussi, il allait falloir mettre la main sur un échantillon de cheveux ou de sang du chef. Willow se disait qu’avec tous les couteaux et ustensiles de cuisine, cela ne serait pas la partie la plus complexe. Peut-être que Jamil et Boris pouvaient s’avérer utiles dans cette entreprise ? Il faudrait, dans cette optique, trouver un moyen de les faire entrer dans le restaurant…

    Un bon incendie, sinon, ça fait toujours l’affaire, songea Willow, détaché, en haussant les épaules.

    Olenna Brando revint bien vite en une tornade de pans de robe, emmenant avec elle un délicat parfum de jasmin printanier. Décidant de briser les codes, la couturière commença par donner à Willow sa nouvelle tenue, l’intimant de se changer dans une cabine dissimulée derrière un mur qu’elle fit coulisser en tapotant dessus à l’aide d’une baguette. Lorsque l’arcaniste ressortit de la cabine, il était vêtu d’une tunique cintré, au col asymétrique. Sur fond d’armure de satin noir, la tunique était damassée de motifs autant irisés qu’argentés, évoquant de longues branches de saule. Autour de la taille, il avait passé une ceinture de cuir de lanconda, luisante comme de l’obsidienne, à fermoir en électrum en forme de vipère. Sur les branches des damas, on pouvait distinguer de petites araignées évoluer de feuille en feuille, tissant parfois des fils de soie pour descendre ou remonter. L’illusion avait été savamment élaborée par la couturière, discrète mais constituant un véritable travail d’orfèvre. Olenna s’approcha de Willow avec deux étoles de fourrure, afin de parfaire son ensemble. L’une était d’un rubis sombre, relativement drue, mais semblait aussi douce et voluptueuse qu’un nuage. La seconde, plus classique mais impérieuse, possédait un pelage d’un blanc neigeux, piqueté de petites taches noires éparses et irrégulières. Tout naturellement, Willow pivota pour attraper la seconde, sous le regard satisfait de Miss Brando qui, visiblement, estimait qu’il avait fait le bon choix.

    - Le dalmatien est in, le comble du chic cette saison !

    - J’ai un petit passif avec la fourrure, je m’y connais un peu

    Willow se demanda comment ses parents, s’ils avaient encore été en vie, auraient devisé avec Olenna Brando. Ces derniers, fourreurs, auraient sans doute tout fait pour demeurer dans les petits papiers de la couturière. Il passa l’étole en dalmatien par-dessus une épaule, l’épinglant à l’aide d’une fine broche, délicate, en forme d’achillée, les bourgeons taillés dans de minuscules diamants. Le mage sentait, en portant des vêtements aussi distingués, qu’il pouvait aisément se faire à pareil luxe, avide de pouvoir se parer de la sorte chaque jour. Ainsi vêtu comme un prince, il jeta un œil en direction de Liz :

    - À votre tour, je suppose qu’il faudra prendre un peu de temps également pour les retouches. J’espère que vous avez faim, en tous cas, ce soir vous allez manger comme une reine
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  • Mer 11 Oct - 18:11
    Liz écouta avec intérêt les explications du petit prince sur les malédictions. Elle-même n'avait fait qu'effleurer la surface de la pratique des arcanes noirs. Elle avait appris quelques tours de passe-passe, de quoi survivre et se débrouiller dans les rues de Liberty (note pour le futur : ce ne serait pas suffisant) et elle pensait, à ce jour, qu'elle n'avait pas besoin d'en développer davantage mais Willow avait attisé sa curiosité. Cette bonne vieille ennemie de la métisse qui l'avait déjà placé dans un nombre de situations bien inconfortables. Installée à son aise sur le fauteuil rembourré, elle leva les yeux vers le plafond pour y chercher l'inspiration et attrapa une mèche de cheveux rebondie pour tirer dessus et jouer avec en réfléchissant. Il leur faudrait trouver la combinaison idéale pour maudire le chef cuisinier. Le moindre faux pas et toute leur machination aurait été vaine. Cette simple idée la révulsait, l'échec n'était pas envisageable. Avec deux encéphales, ils trouveraient bien quelque chose d'ici ce soir. Willow n'était pas au courant des capacités de Liz : elle ne maîtrisait pas l'art de la télékinésie et des malédictions, mais elle savait obtenir ce qu'elle voulait des esprits faibles devant la chair humaine, se rendre invisible, contrôler l'air et, au besoin, contrôler les esprits et matérialiser une image de sa propre personne dans un lieu qu'elle connaissait bien. Un panel de compétences sympathiques, inutiles en combat, mais bien efficaces dans ce genre de situation. Et puis, elle se disait aussi que le petit prince n'avait probablement pas fini de la surprendre sur ses capacités. Rien que l'étonnante décontraction avec laquelle il lui avait assuré qu'il suivait les cours tout en se trouvant avec elle. Il était capable de se dédoubler et de rester aussi frais et vivant alors qu'ils étaient éloignés de l'Université ? Surprenant. Ce devait être autre chose, mais quoi ?

    Elle émit un sifflement ravi lorsque Willow enfila sa tenue. Il était resplendissant, un véritable aristocrate comme ceux qu'elle avait l'habitude de côtoyer – même si ceux-là ne gardaient jamais bien longtemps leurs vêtements, elle se rappelait les soirées mondaines chez ses parents. Olenna Brando avait frappé juste, son ciseau et son génie avaient fait des merveilles. Elle garda pour elle cette réflexion, inutile de trop les encenser, elle en entendrait parler pendant des mois. Ce fut à son tour d'être transformée et, encore une fois, la couturière avait fait juste. La robe de Liz épousait parfaitement chacune de ses formes. Le charme oriental de l'étoffe ajoutait du cachet à la tenue. Elle avait la beauté d'une impératrice. Les coutures étaient recouvertes par des fils d'or, qui s’entremêlaient avec les motifs féeriques qui rappelaient les paysages des contes. Là aussi, les fleurs exotiques semblaient se mouvoir, illusion d'optique parfaitement réalisée par la maîtresse des lieux. La couleur du tissu relevait la couleur tannée de sa peau, qui avait aussi pris des reflets dorés. Liz fit quelques pas, appréciant la texture légère et la fluidité de la robe qui était comme une seconde peau. Elle aussi eut le droit à son étole de fourrure, pour être parfaitement accordée avec Willow. Olenna ne fournissait pas les bijoux, mais elle lui apporta un élégant petit sac à main qu'elle glissa sous son bras. Pour finir, Olenna plaça Willow et Liz côte-à-côte, elle les inspecta pendant de longues minutes, ajusta ici et là ce qui n'allait pas en mettant quelques épingles puis déclara :

    - J'ai terminé ! Vous allez pouvoir vous rhabiller. Ce sera prêt pour ce soir. Pour le chat aussi.
    - Le... Chat? Interrogea Liz en fronçant les sourcils, avant de décider qu'elle ne demanderait pas plus d'éclaircissements sur ce point car Willow n'avait pas l'air surpris. Merci, Dame Brando, puis se tournant vers l'étudiant, ce qui nous laisse largement le temps de parfaire notre tenue en passant chez le coiffeur et en récupérant quelques bijoux. C'est parfait.

    Les deux compères sortirent de la boutique, toujours suivis par le chat roux, qui semblait aux anges. Par les divins, qu'est-ce que Dame Brando avait bien pu vouloir dire par : « Pour le chat aussi » ? Liz questionna Willow sur le sujet, lui demandant s'il avait une idée de ce que ça voulait bien vouloir dire.

    - ... Et pourquoi est-ce qu'il nous suit comme ça depuis tout à l'heure !

    Puis ils arrivèrent là où Liz avait jeté son dévolu. Elle lui demanda de l'attendre ici et, la seconde suivante, elle disparaissait entièrement de son champ de vision pour revenir au bout de quelques minutes, les bras chargés de trésors en tout genre. Elle s'était introduite chez un de ces riches clients qui, au fil du temps et sans vraiment s'en rendre compte, lui avait révélé tout ce qu'elle avait besoin de savoir pour se servir chez lui. Il fallait bien quelques avantages à son activité. Et puis, elle ne volait pas, elle ne faisait qu'emprunter.

    - Il ne se rendra même pas compte de leur disparition, ils reviendront à leur place cette nuit, demain matin au plus tard.

    Elle haussa les épaules, puis elle l'emmena se faire pomponner. Cette fois, ils durent sortir leur portefeuille. La vie n'était quand même pas aussi simple pour les bons jeteurs de sorts qu'ils étaient, et puis il fallait qu'ils se préservent s'ils ne voulaient pas utiliser toute leur réserve magique avant ce soir. Elle avait bien remarqué que, quand elle en abusait trop, elle avait soudain une irrésistible envie de dormir et un sacré mal de tête ; le lot de tous les lanceurs de sortilèges.

    - J'ai l'impression que tu n'as pas fait grand-chose à tes cheveux, confia-t-elle à Willow.

    Elle-même était métamorphosée. Elle avait opté pour une coiffure élégante, faite de multiples tresses et torsions qui révélaient les traits de son visage. Ces mêmes traits qui avaient été modifiés à outrecuidance par le maquillage, elle était méconnaissable avec cette tonne de poudre sur le visage et cette méthode du « contouring », qui consistait à travailler la lumière et les ombres de sa figure ; de ce qu'elle avait compris. Il était temps de retourner chez Dame Brando récupérer leurs tenues et se rendre au restaurant. Elle était affamée et, au fur et à mesure du temps passait avec Willow, elle commençait de plus en plus à apprécier sa compagnie. Les muscles de ses joues lui indiquaient qu'elle avait beaucoup souri, aujourd'hui.
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  • Dim 15 Oct - 14:43
    Le soir était enfin venu. C’est en arborant leurs somptueuses tenues que Willow et Liz s’avançaient vers le Percevent. Au-dessus de leurs têtes, Jamil volait, invisible dans le ciel nocturne, suivant son mettre des yeux et prêt à baliser le périmètre autour du restaurant. Les bijoux que Liz avait subtilisé scintillaient presque plus que les étoiles du firmament, et avaient l’air de peser lourd autour de son cou fin. La porte du Percevent était déjà ouverte, encerclée par deux servants figés comme des statues ; ils tenaient entre leurs mains des globes de verre dans lesquels voletaient des insectes lumineux ressemblant à des lucioles. Dans l’encadrement de la porte, une domestique les accueillit avec, entre les mains, un rouleau de parchemin qu’elle consultait régulièrement à l’aide de binocles pincées sur son nez. Willow lui transmit son invitation et, lui, Liz, et Boris purent pénétrer dans le Percevent. Le restaurant interdisait aux animaux de compagnie de pénétrer de près ou de loin des cuisines, ou de la salle de réception, mais ils pouvaient accompagner leurs maîtres et rester dans une antichambre. Autour du cou du chat roux, on lui avait passé un ruban de satin corail avec une gemme cristalline à la couleur changeante. Des paillettes avaient été passées dans sa fourrure pour lui donner une allure féerique, si bien que le félin avançait avec une prestance digne d’un empereur.

    Willow et Liz pénétrèrent dans un hall d’attente après que la domestique eut récupéré son papier d’invitation. Le hall était une vaste pièce au parquet ciré, agrémenté de divans, fauteuils et méridiennes comme un luxueux fumoir. Au mur, on trouvait des tentures de brocart et, à la place de tableaux, des flotteurs de pêche en verre turquoise suspendus à des cordelettes. À l’intérieur, de minuscules flammèches bleues luisaient comme des diamants, conférant à la pièce une ambiance légèrement tamisée. Deux autres convives patientaient déjà dans la salle et levèrent le nez lorsque le duo arriva à son tour. La première était une femme d’âge mûr aux rides discrètes mais à l’air terriblement austère. Son chignon grisonnant était savamment dissimulé sous un énorme chapeau, sur lequel trônait fièrement un oiseau de paradis ébouriffé de plumes multicolores. Sa robe de velours vert bouteille avait été agrémentée d’une étole de fourrure noir de jais et ses mains aux ongles longs et acérés comme des serres de rapace avaient été magnifiées grâce à des rivières diamantées. Willow reconnut Brunthilda Düsseldorf, grande critique culinaire fortement prisée à la capitale, publiant chaque année un livre répertoriant ses critiques des grandes tables du Sekai. Tous les chefs et restaurateurs étaient terrifiés à l’idée que Brunthilda ne passe leur porte, et elle en avait parfaitement conscience. Le second convive était, pour l’arcaniste, parfaitement inconnu. Il s’agissait d’un nain à la barbe drue, d’un charmant blond cendré, qu’il avait tressé, piquetée de perles et lacée de rubans. Autour de son cou, il avait passé une grande fraise sur laquelle on pouvait noter la présence de lamelles et broderies d’or. Son pourpoint, d’un bleu royal, était parfaitement cintré et agrémenté, à la boutonnière, d’une broche de rubis et grenat évoquant une fleur de radiance.

    Le nain les salua poliment d’un signe de tête qui prit des allures de révérence. De son côté, la Düsseldorf ne leur accorda aucune politesse et se contenta de froncer le nez. Liz et Willow prirent place sur les divans tandis que des serveurs discrets versèrent à tout le monde des flûtes de crémant de groseille. Alors qu’ils ne faisaient que tremper leurs lèvres dans un silence de cathédrale, de nouveaux convives firent leur entrée. Les deux premières furent un duo d’actrices, habillées de robes rose pastel surchargées de rubans et de dentelles. Jumelles, elles avaient le teint si poudré qu’on aurait juré avoir affaire à deux spectres tant leur teint était cadavérique. Elles emboîtèrent le pas à Dàibhidh Alastair, vieux loup commissaire priseur qui, pourtant sobrement vêtu, eut droit à l’esquisse d’un sourire de la part de Brunthilda. Alors qu’Alastair sondait la pièce du regard à la recherche d’un quelconque objet d’art ou artefact d’intérêt, le groupe dû patienter cinq minutes avant l’arrivée des derniers invités. Ce quatuor fut ouvert par un aristocrate quelconque, mais qui était accompagné de Misty Song, une des courtisanes de luxe les plus connues de Liberty. Cette dernière portait une tenue sulfureuse qui laissa échapper un petit cri de surprise aux jumelles poudrées. Le couple fut suivi d’un rekois habillé à la mode de Kyouji, sa barbiche impeccablement taillée ; Alastair le reconnut aussitôt et présenta, de sa propre initiative, l’individu comme étant Afzal Al Hakim, un brocanteur émérite. Ce défilé hétéroclite fut achevé par une figure qui étonna toute l’assistance. Il s’agissait d’un enfant, haut comme trois pommes, ressemblant à un petit chérubin. Ses yeux grossis par une paire de lunettes en cul-de-bouteille le faisaient ressembler à un insecte ; et il avait sur son crâne des bouclettes si blondes qu’on aurait dit de l’or pur. Il n’était pas seul ; derrière lui se tenait, discret comme une ombre, un serviteur drapé dans une cape ténébreuse, son visage dissimulé derrière un masque de mascarade blanc ivoire, en forme de tête de chouette effraie.

    Mais qui est ce gosse ?! pensa Willow, incapable de reconnaître ce gamin.

    Le magicien ne put inciter des présentations de la part du blondinet ; le maître d’hôtel du Percevent, celui que Liz et lui-même avaient rencontré plus tôt dans la journée, était entré dans le hall d’attente. Joignant ses mains osseuses, il annonça qu’il était temps de passer à table, et que le dîner s’apprêtait à pouvoir commencer. Tous les convives se levèrent, leurs séant quittant les confortables revêtements des ottomanes, pour suivre le maître d’hôtel. Ce dernier les fit traverser un long corridor uniquement éclairé par des chandeliers muraux, ressemblant à des êtres en pleine lamentation, tenant les bougies entre leurs mains. La salle à manger dans laquelle ils arrivèrent était une vaste pièce ronde au sol dallé, au plafond mis en relief par des moulures étranges, savamment peintes d’ocre et de gris souris pour en accentuer les ombres et l’intensité. Plusieurs tables avaient été disposées ça et là, permettant aux convives de s’installer. Willow et Liz avaient dû laisser Boris dans le hall où ils avaient patienté ; le chat s’étant confortablement installé sur une méridienne pour y somnoler. Ils s’assirent ensemble et observèrent les autres s’installer également. Le mystérieux enfant avait sorti de sa poche une sucette qu’il léchait déjà goulument, avant même que le repas n’eut commencé, fixé par le maître d’hôtel qui semblait désapprouver grandement. Une fois tout le monde assis, le majordome fit claquer ses mains arachnéennes. Toute une rangée de commis et de cuisiniers émergèrent depuis un discret rideau blanc crème. Ils s’alignèrent tous comme des légionnaires partant en guerre et, après trois secondes durant lesquelles un silence pesant s’installa, le chef Taiwo apparut. Se postant devant sa petite armée tel un général, le grand oni bleu de nuit avait ses mains jointes dans le dos et regardait l’assistance d’un air sévère. Sur sa tête, l’une de ses cornes avait été coupée nette ; quant à l’autre, étrangement petite, paraissait ridicule devant sa toque de chef, véritable couronne posée sur son crâne. Ses prunelles d’un jaune topaze étaient si intenses qu’on aurait pu les croire capable de produire des éclairs. Sa prestance fit effet sur toute l’assemblée, sauf le garçonnet qui continuait de lécher sa confiserie. Les deux femmes poudrées s’éventèrent à l’aide d’éventails de plumes fuschia tandis qu’Afzal Al Hakim arborait un sourire des plus narquois.

    - Je vous souhaite à toutes, et à tous, la bienvenue au Percevent, tonna-t-il de sa voix de stentor.

    Il ne criait pourtant pas, se contentant de bouger légèrement les lèvres, mais sa voix portait et résonnait dans toute la salle à manger.

    - Vous allez vivre ce soir une expérience de vie unique. Le menu va vous être apporté, vous décrivant le voyage auquel vous prendrez part. Pour tout besoin, je vous intime de ne pas hésiter à solliciter tout membre du personnel. Je vous souhaite un excellent appétit.

    Le chef Taiwo s’inclina, de même que toute son équipe. La critique Düsseldorf eut un sourire impérieux, comme ravie d’être traitée de la sorte. Précédé par le chef, le personnel repartit en cuisine en passant par le rideau, ne laissant dans la salle que quelques serveurs et le maître d’hôtel. Pendant que les domestiques passaient de table en table pour y déposer le menu, le maître d’hôtel annonça une mise en bouche avant l’arrivée de l’entrée. Les serveurs se figèrent à nouveau pour se remettre au garde-à-vous ; le maître d’hôtel tapa trois fois des mains et une illusion vint altérer l’ensemble de la pièce. Le plafond fit place à un ciel étincelant d’azur, dans lequel des nuages cotonneux semblaient glisser langoureusement. Les murs se transformèrent en un paysage montagnard aussi champêtre que rustique tandis que, sur le sol, on ne voyait plus aucune dalle mais de longues tiges d’herbe grasse, des boutons de fleurs sauvages ainsi que de fausses abeilles allant et venant à leur gré. Misty Song, la courtisane, laissa échapper un cri de surprise émerveillé en même temps que le nain fraisé, qui ne put s’empêcher d’applaudir. Willow comprenait à qui ils avaient affaire, ce majordome n’était pas juste un employé de maison connaissant de simples tours, c’était un véritable maître illusionniste.

    - Pour cet amuse-bouche, le chef Taiwo vous propose une bouchée d’algues à l’écume de coriandre, accompagnée d’un cannelé de betterave au konjac et d’un espuma de pomme au pépites d’écorce d’orange.

    Leur longue soirée débutait, le repas avait commencé.
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