Invité
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Pour que brûle à jamais l'ennui
Feat. Amadeo Genova ▬ An 4
« Ma Dame, vous avez rendez-vous à 20h30. »
Rim jura tandis qu’elle sautillait sur un seul pied, parvenant bon gré mal gré à fixer l’attache de son escarpin.
« Très bien, reprit-elle dans un claquement de talons satisfait. Envoyez immédiatement un coursier prévenir mes chers parents. Qu’ils trouvent une excuse pour ne pas venir, n’importe laquelle. »
« Ce sera fait. »
« Merci Salem, vous pouvez disposer. »
« Ce sera fait. »
« Merci Salem, vous pouvez disposer. »
Sa secrétaire s’inclina et fit volte-face pour mener à bien les consignes qui lui avaient été transmises, laissant sa maitresse aux mains empressées d’une camériste inquiète.
« Ne bougez pas trop. Cessez de vous embroussailler les cheveux durant vos soirées. Surtout ne marchez pas sur le jupon et... »
« C’est un bal masqué dansant. Comment puis-je ne pas bouger et danser tout en même temps ? »
« C’est un bal masqué dansant. Comment puis-je ne pas bouger et danser tout en même temps ? »
Elle eut une moue espiègle Ô combien crainte par sa domestique. Cette dernière la connaissait toutefois trop bien pour savoir qu’il était inutile de négocier plus avant.
« Vous êtes certaine de ne pas vouloir la robe bleue ? opta-t-elle plutôt pour un changement de sujet, grimaçant à la perspective de voir sa création capillaire se faire assurément massacrer durant la nuit qui s’annonçait. »
« Ce soir je ne représente pas la République, mais les Casris. Je porterai mes propres couleurs. »
« Ce soir je ne représente pas la République, mais les Casris. Je porterai mes propres couleurs. »
Elle passa pensivement la pulpe de son pouce sur la matière satinée de son masque. Il avait été sculpté à l’effigie d’un phoenix bien sûr, allant de pair avec les couleurs enflammées de sa tenue. Le tissu avait été brodé de cuivre et de fils d’or, quelques perles opalines réhaussant son bustier de dentelles noires. Le tout enserrait sa taille d’un écrin tout à fait seyant. Elle se sentait beaucoup plus wyvern que maudit piaf à vrai dire, mais un masque agressif n’aurait probablement pas plu au public qu’elle s’apprêtait à dompter ce soir. Son propre enfer personnel uniquement composé de personnes âgées radotantes et pour la plupart persuadées de se tenir au centre du monde. Un plaisir infini. Elle soupira et recomposa sa posture. Allons, cette soirée ne serait pas inintéressante. Elle était d’ailleurs auréolée d’un certain mystère, en cela qu’il s’agissait du premier bal mondain donné par la famille Ridherelac. Ces riches commerciaux venaient tout juste de faire fortune et de se projeter par mégarde au cœur du grand bassin, lorgnant d’un œil avide sur la noblesse environnante dans l’espoir de briguer ce statut. Ils étaient malheureusement difficilement ignorables en cela que leurs activités marchandes faisaient fureur en ce moment et que la sphère politique n’était pas exactement une zone de paix ces derniers mois.
Elle tira les rideaux de sa diligence et observa distraitement la foule des badauds tandis qu’ils s’éloignaient de l’activité bruyante du centre de Liberty. La cause principale de son déplacement n’était autre que les élections qui approchaient. Les murmures, hypothèses et plans futurs étaient sur toutes les lèvres – pour ne pas dire que chacun aiguisait ses couteaux. Or, les Ridherelac s’affichaient ouvertement Optimates, opinions qu’elle ne partageait guère mais dont elle se devait de tenir compte. Son invitation à leur soirée était tout sauf anodine… Des informations qu’elle avait pu glaner, presque aucune personne réellement importante ne viendrait ce soir, ce qui témoignait d’une volonté certaine de remettre à leur place les Rhiderelac avant que l’ambition ne les gagne et qu’ils ne s’attaquent à des eaux trop hostiles pour eux. Conclusion, ils se serviraient assurément de sa venue. Et elle s’y rendait précisément pour s’emparer de leur jeu, de même que pour s’assurer de la bonne entente de chaque participant. Hé, n’était-elle pas Diplomate avant toute chose ? Et puis, aussi en partie parce qu’elle était une insatiable dévoreuse d’êtres vivants, rongée par la curiosité et la simple possibilité d’une personnalité croustillante à se mettre sous la dent.
« Nous sommes arrivés. »
Elle descendit d’une souple enjambée les marches de la diligence et releva les prunelles sur l’ample demeure qui avait poussé là en un rien de temps. Elle esquissa un sourire, heureusement masqué par l’obscurité croissante et les plumes sculptées de son masque. La façade de la résidence était parcourue de nombreuses fenêtres auréolées de verdures, distillant alentour les lueurs éclatantes de la fête qui battait son plein à l’intérieur. Une allée de larges dalles permettait aux invités de ne pas s’enfoncer dans les graviers sournois du jardin, joyau de verdure qui avait été très justement travaillé pour répondre à tous les critères d’une parfaite fiction de romance. Rim y apercevait entre autres un labyrinthe de haies taillées, accompagné de surcroit par les rires étouffés d’un ou deux couples qui avaient de toute évidence déjà décidé de l’entériner. Elle ne s’étonna guère d’y voir l’éclat noir de jais qui caractérisait la chevelure de la jeune héritière Saugun, celle-ci étant bien la dernière encore persuadée que son petit jeu de charme avec l’un de ses courtisans demeurait secret. Par certains aspects, la demeure était magnifique. Par d’autres, elle manquait terriblement de charme et réverbérait par trop la lueur de la lune, ses murs ruisselant d’une nouveauté évidente. Elle avait sans doute été construire ou rénovée une kyrielle de mois auparavant. Elle répondait du moins à tous les critères voyants et risibles d’une bourgeoisie désireuse d’épater. Enfin, non pas que ce soit l’apanage des bourgeois, se corrigea-t-elle… Elle connaissait plus d’un noble qui n’avaient pas acquis la moindre once de rationalité.
La décoration intérieure ne la détrompa point de sa première impression, malgré la succession de révérences soigneuses qu’elle dut accomplir pour saluer les invités présents, un sourire placardé sur les lèvres. Elle n’eut fort heureusement que peu de temps pour s’appesantir sur cette question, presque aussitôt enlevée par une connaissance de longue date qu’elle savait férue de potins en tout genre.
« Tu n’as pas appris la nouvelle ?? »
Oh, elle trépignait sur place, ses petites boucles blondes tressautant assez drôlement le long de son visage ovale. Qu’à cela ne tienne, il n’en fallut pourtant pas davantage pour piéger la flamme dévorante de curiosité qui s’agitait déjà dans la poitrine de Rim, un fin sourcil sceptique haussé en guise d’invitation à parler.
« L’un des fils Genova, lâcha-t-elle dans un seul souffle, presque comme s’il allait lui coûter l’entièreté de son espérance de vie. Un Genova va venir à cette soirée. »
Laureline était dangereuse en cela qu’elle raffolait des commérages et n’avait aucune loyauté. Elle était tout autant susceptible d’être une alliée que de mordre l’instant suivant. Aussi Rim se contenta-t-elle de lui renvoyer l’étendu d’un regard impénétrable, son esprit se perdant immédiatement en de multiples conjectures. Finalement, le pragmatisme l’emporta. Allons, songea-t-elle en coulant un regard ennuyé sur la foule voisine, le champagne n’allait pas suffire à la distraire ce soir au vu du public disponible. Peut-être qu’un fils Genova aurait l’avantage d’apporter une pointe d’esbroufe à ce triste dîner mondain ? Elle lui souhaitait bien du courage. L’assemblée était particulièrement récalcitrante – elle avait de l’empathie subite pour ce jeune fils prodigue soudainement retrouvé par son père. Les mégères telle que Laureline avaient fait gorge chaude de l’apparition miraculeuse de l’héritier Genova et les rumeurs sur ses origines allaient chaotiquement à la manière d’un feu de forêt. Peut-être ferait-il un bon danseur ? Oh, comme elle adorerait entre-apercevoir la moue déconfite des Ridherelac, ignorés à leur propre soirée par le clou du spectacle… N'avaient-ils pas qui plus est une fille à marier... ?
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