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    Anonymous
  • Jeu 1 Fév - 0:24
    Le lit, le lit, le lit. Fauna aime les lits. C’est sa passion les lits. Surtout quand ils sont moelleux comme celui-ci, douillet, avec un oreiller plein de plumes douces, une couverture bien chaude, et la tête qu’elle fourre dans le coussin alors que ses bras l’entourent avec force, que ses jambes s’agitent sous les draps, parce que c’est le matin, qu’elle a oublié de fermer les volets de la chambre d’auberge, ses pieds dépassent pas au moins, c’était pas pareil dans la forêt, il y a quelques mois, ou peut-être années ? Elle n’a pas de notion du temps, mais elle sait que chaque minute passée en République la rapproche d’une mort certaine, car parfois elle se croit assez intéressante, assez importante pour qu’on la recherche comme une dangereuse criminelle. Non, Fauna, tu n’est qu’une hybride insignifiante qui a déjà disparu de l’esprit de « ces gens », soulagés de t’avoir vue partir au loin, vers des contrées inexplorées par ton esprit ignorant.

    Fauna petit grain de sable dans l’univers de la République, dans l’univers de ce monde qu’elle découvre petit à petit, pas après pas, c’est pas facile car elle n’est pas seule, elle n’est plus seule et voilà des méchants qui lui mettent des bâtons dans les roues, elle crie, elle n’est pas contente, les gens ne sont pas si gentils, finalement. Pire que ce type ? Fauna est convaincue que ce n’est pas possible, mais ses pérégrinations la mettront en contact avec de véritables démons. Enfin, la race démoniaque, elle ne la connaît pas, elle espère ne jamais la rencontrer, mais y’a définitivement des gens qui s’en rapprochent dangereusement. Elle a tout le temps de profiter des méfaits cruels, là elle profite de son lit qu’elle a payé en comptant de toutes ses forces, ce n’est pas facile car elle n’est pas érudite, on a bien veillé à ce qu’elle ne puise pas dans le savoir ancestral, alors lire, compter, écrire, ça lui passe par-dessus la tête mais elle se rend bien compte que désormais, dans le véritable monde, c’est pas la même chose. Elle a pas d’impact, mais elle veut réussir dans la vie.

    Ce n’est qu’une petite marchande de thé qui ne possède pas encore sa propre roulotte, elle s’assoit par terre, secoue la théière, les feuilles elle les trouve elle-même et elle n’a pas de lait, ni de topiaco. Tout est nature, ici, enfin ça le sera dans le futur également, mais elle n’y songe pas, enfin si peu, elle a des rêves mais ils sont stériles. On lui a raconté des histoires petites, et parfois elle y songe encore. Princesse, chevalier, un beau mariage, de beaux enfants, bientôt elle comprendra la supercherie et l’impossibilité de sa condition. Mais l’amour, c’est quoi au juste ? C’est sur ces interrogations qui n’ont pas lieu d’être qu’elle déjeune rapidement après s’être rincée à l’eau claire, un peu de pain, de la confiture, elle salue l’aubergiste qui déjà a été payé, tout est réglé, ses sacs sur le dos, elle repart à l’aventure en République.

    Fauna, les catastrophes ne sont jamais loin. Elle s’en rend pas forcément compte de sa connerie, de sa bêtise, de sa maladresse. C’est jour de marché, et l’hybride veut acheter une pomme, ou peut-être deux. Le marchant lui vante les qualités de sa marchandise, et Fauna, qui s’y connaît parfaitement, touche et examine. Puis prend un fruit, et s’en va. C’est pas un vol, enfin pas exactement, juste elle a oublié de le reposer et c’est tout à fait honnête et sincère. Elle croque dedans, les pensées ailleurs, mais ça court derrière elle, c’est une voleuse maintenant, et elle comprend pas tout de suite ce qui se passe, elle observe d’autres étals délicieux, évite ceux qui vendent de la viande – de chèvre – et on lui lance des regards courroucés. Pour une pomme. Les hommes ne sont plus très loin, et Fauna se rend compte bien tard de son erreur de débutante. Elle fuit de toutes ses forces, les petites jambes qui galopent vers une destination inconnue. Une hybride, ça pose évidemment des problèmes, on murmure sur son chemin. Le trognon est lâché, bien rongé, et c’est contre un homme qu’elle s’abat soudain, sans trop l’avoir vu alors qu’il est grand, imposant, un peu effrayant. Ça fait presque mal d’ainsi buter contre une autre âme, tête relevée, il ne semble pas courroucé. Mains jointes en signe de supplication, on prend presque les fourches pour lui piquer les fesses et Fauna de se lamenter : « Monsieur, Monsieur ! Ces vilains hommes veulent me faire du mal car j’ai oublié de reposer la pomme que je regardais, et puis je l’ai mangée mais j’ai vraiment pas fait exprès ! » c’est promis, c’était pas intentionnel, alors pourquoi ils sont tous furieux contre elle ?
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