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  • Jeu 4 Avr - 17:21
    La tête posée le cadre lustré d'une fenêtre du quartier des domestiques, Mortifère observait distraitement la coulée de la pluie battante contre les carreaux désormais impeccables du manoir nettoyé à la hâte. S'habituant progressivement à la mécanisation de ses nouveaux yeux, il constatait avec une certaine surprise qu'à la différence de ses premières prothèses, il intégrait plutôt parfaitement la présence de ces nouveaux éléments anatomiques. Dépossédé d'une part de son âme lors de la précédente intervention, il ressentait un vide intérieur massif mais de cet anéantissement de son humanité naissait toutefois une accalmie spirituelle bienvenue, en ces temps particulièrement troublés.

    Loin de la guerre menée sur plusieurs fronts contre les Titans et rebelles républicains, Mortifère et son supérieur hiérarchique faisaient face aujourd'hui à une menace d'une toute autre nature : celle qui venait de l'intérieur. Cible prioritaire de l'enquête concernant la disparition de la Présidente, le soldat mécanisé était plus au centre des luttes intestines de son pays qu'il ne l'avait jamais été. Cela l'aurait inquiété, en temps normal, mais les implants diaboliques dont on l'avait doté rendait son esprit moins sujet à ces considérations. Plus assez humain pour éprouver des angoisses à ce sujet ci, il ne voyait dans son éventuelle perdition qu'une étape dans l'accomplissement de desseins plus grands que lui.

    Zelevas ainsi qu'Azura étaient de sortie, sans doute pour atténuer un peu la noirceur encernant l'usuelle lumière dont était pourvue la douce Consule. En l'absence de son père de substitution, Mortifère était relégué comme l'arme qu'il était sur un humble présentoir, à l'ombre de tous regards. Le silence demeurait pesant mais les pensées d'Abraham, assourdissantes par nature, étaient bien assez animées pour que l'ennui ne l'assaille jamais. Tâchant du mieux qu'il pouvait de ne pas se pencher inutilement sur les parcelles détruites de sa mémoire fragmentée, il décida que s'occuper les mains constituait une convaincante alternative.

    Usant d'une paire de jambes qu'il ne côtoyait que depuis peu, il se dressa dans une série de claquements mécaniques et fit les cent pas dans cette pièce trop grande et vide à son goût. Ses griffes d'ébène glissèrent sur la surface des quelques décorations qui cassaient bien difficilement l'austérité des lieux et, par de timides impulsions électriques, il foudroya une paire de toiles d'araignées ayant réussi à échapper au crible passé lors du précédent nettoyage. Son examen approfondi des infimes saletés résiduelles fut toutefois interrompu lorsqu'à sa grande surprise, il aperçut par la fenêtre un carrosse richement orné qui se frayait un chemin sur le sentier menant à la bâtisse.

    Informé de l'ensemble des entretiens prévus par le Sénateur, Abraham fut légèrement surpris par cette arrivée inopinée. Le véhicule s'immobilisa non loin de la grande porte du domaine et un homme quitta l'habitacle, portant sous son bras un parapluie qu'il vint empoigner puis ouvrir avant de tendre une main vers l'intérieur en vue d'aider un second individu à descendre. La stupeur du soldat mécanisé se réhaussa d'un cran lorsqu'il comprit que celle qui rendait visite à Zelevas n'était autre qu'Hélénaïs de Casteille, une notable avec laquelle le vieux Lion entretenait une relation presque familiale. Loin d'avoir pour attribution l'accueil de visiteurs, Mortifère sut toutefois qu'il eut été pour le moins inconvenant de feindre une absence car si la demoiselle avait pris le temps de venir jusqu'ici, c'était sans doute pour porter un message ayant une certaine importance.

    Cessant son inspection pour apercevoir son propre reflet, qu'il avait occulté jusqu'à présent, Mortifère réalisa qu'aussi sublime fut-il, il avait de quoi effrayer depuis la dernière intervention ceux dont il croisait le regard. Il ajusta au mieux le col de sa chemise, rabaissa la capuche de toile sous laquelle il dissimulait sa longue chevelure brune et s'ébouriffa un peu par réflexe avant de vérifier ses boutons de manche, ce en s'approchant de l'escalier menant à la porte d'entrée qui, déjà, venait d'être frappée par trois fois.

    Ce ne fut qu'à mi-parcours qu'il se rappela que l'esthétique importait peu, la nouvelle venue étant atteinte d'une cécité quasi-intégrale...

    Un mince sourire illumina le visage du Premier-Né et, après avoir pris une longue inspiration, il agrippa la poignée puis ouvrit la porte pour se présenter face à Hélénaïs ainsi qu'à l'homme au parapluie qui l'avait accompagné jusqu'ici. L'angoisse se lut immédiatement dans l'œil du domestique mais la demoiselle aveugle, quant à elle, demeura de marbre.

    "Madame de Casteille, enchanté ! Le Sénateur Fraternitas s'est absenté, je suis navré."

    Aveugle, mais pas sourde. Le timbre caverneux et les échos métalliques de sa voix morbide avaient sans doute de quoi surprendre. Avec toute l'amabilité que pouvait offrir un cadavre dans ses meilleurs jours, le militaire reprit :

    "Puis-je faire passer un message ou vous offrir l'hospitalité en attendant son retour ?"

    Réalisant qu'il manquait à tous ses devoirs, il amena une main contre son torse et fit une brève révérence malgré l'inutilité probable du geste.

    "Je me présente : Mortifère. Garde du corps du Sénateur."
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  • Sam 6 Avr - 0:05

    Cela faisait plusieurs jours que les combats avaient cessés et autant de temps que l’eau avait commencé à évacuer les rues. Laissant dans son sillage boue et macchabés ainsi qu’une odeur désagréable d’iode, de renfermé et de pourriture. Ce fut l’une des rares fois de son existence où la jeune sénatrice se félicita de ne pouvoir voir ce qui l’entourait, elle n’était pas certaine qu’elle aurait supporté la vue de tous ces hommes et ces femmes, parfois des enfants,  qui n’avaient pu réchapper de ce désastre. Mais elle avait entendu ses domestiques, elle avait perçu leurs hoquets lorsqu’ils avaient dû retourner dans la maison de la jeune De Casteille. Même si Hélénaïs ne voyait pas, elle avait su à chaque instant de son parcours ce qui se trouvait sur leur chemin. Cependant, elle n’avait pas demandé de descriptions et personne n’avait songé à le lui proposer. C’était très bien ainsi.

    Hélénaïs tournait comme un lion en cage dans ce qu’il restait de sa maisonnée. Les combats l’avaient réduit à peau de chagrin et il ne restait désormais que ses appartements et sa bibliothèque personnelle. Le rez-de-chaussée qui n’avait été qu’inondé était désormais recouvert d’une épaisse couche de vase qui prendrait plusieurs jours à nettoyer. Sans parler des boiseries qu’il faudrait remplacer, des murs et des teintures qu’il faudrait rafraîchir ou encore des meubles qu’elle se devrait de racheter. Comme si cela ne suffisait pas, sa demeure avait également été amputée d’une partie de son aile ouest qui s’était probablement effondrée à cause du bois vieillissant et humide. Mais ce n’était pas cela qui mettait la jeune femme en rage. Évidemment, elle avait été attristée de voir cette demeure ancestrale endommagée de la sorte mais elle n’était pas sans le sous et son domaine au De Casteille lui assurait une rente confortable. Cela prendrait du temps mais elle retrouverait bien assez vite un logis tout à fait honorable.

    Non, ce qui mettait en rage la fille de Bastian, c’était son incompétence et son inutilité. Depuis cette bataille, Hélénaïs était hantée par une frustration et une colère d’elle-même si puissante qu’elle lui avait plusieurs fois coupé la respiration. Tous. Tous sans exception, vieux grabataire comme consule. Les grands pontes de République s'étaient tenus face à ce qui menaçaient leur cité. Elle ? Hélénaïs, avait été forcée de s’enfuir la queue entre les jambes comme beaucoup d’autres. Mais elle se fichait des autres, tout ce qu’elle voyait c’était ses propres incapacités. C’était la première fois de sa vie que son handicape se révélait véritablement en être un. Ni les lunettes en cul de bouteille, ni le rejet de ses premières fiançailles, ni même la perte complète de sa vue n’avaient été un coup aussi dur à encaisser que celui-là.

    - Ne devriez vous pas aller voir…
    - Tu l’as déjà dit, Emérée. Trois fois. Quatre si je compte ta suggestion d’hier soir.
    - Et vous n’en faites rien.
    - Je ne suis pas hypocrite.
    - Nous le sommes tous. Répondit Emérée.

    De quelques années sa cadette, la demoiselle était depuis maintenant quatre longues années les yeux de la sénatrice. Vive d’esprit, franche et doté d’un verbe qui pouvait s’avérer aussi aiguisé qu’une lame de rasoir, elle avait rapidement su se faire une place à ses côtés. Tant et si bien que de simple suivante, elle était devenue une amie et une conseillère. Depuis c'était elle qui la suivait à la trace et l’accompagnait en -presque- toutes circonstances. Elle était également une conscience sur son épaule qui lui soufflait ce qu’elle savait mais ne voulait point entendre. Comme aujourd’hui.

    - Cette bataille a redistribué les cartes. Vous devriez rendre visite au sénateur d’Elusie.
    - Je sais… Dit-elle dans un souffle.

    Ainsi, elle avait laissé sa demeure aux bons soins de son personnel de maison et avait rejoint Justice pour quelques jours. Être loin de la morosité de la cité engloutie ne pourrait pas lui faire de mal. Mais ce voyage n’était qu’un prétexte pour rencontrer son vieil ami, exactement comme le lui avait conseillé Emérée. Si elle n’était pas convaincu du bien fondé de cette entrevue, elle devait admettre une chose ; Zelevas serait sans doute de bon conseil. Cependant elle n’oubliait pas que leur dernière confrontation lui avait laissé un goût amer et cela même après qu’ils eurent partagé un bref repas lors de l’élection d’Azura. Pourtant, il ne lui avait jamais réellement causé de tort. Son esprit se perdait dans ses réflexions, bercé par le clapotis de l’eau sur la voiture, lorsqu’elle s’arrêta en douceur.

    - Nous sommes arrivés. Lança la voix du cocher en ouvrant la porte. Hélénaïs ne se fit pas prier, descendit de l'habitacle et se laissa guider jusque sur le perron avant de toquer plusieurs fois à la porte. Le silence fut sa première réponse. L’espace d’un instant, elle crut que la porte resterait close mais alors qu’elle s'apprêtait à toquer une ultime fois, elle entendit le cliquetis d’une poignée que l’on tourne. Prenant une grande inspiration pour se donner du courage en regrettant de ne pas avoir demandé à Emérée de l’accompagner, elle serra fermement sa canne ébène entre ses doigts. La porte s’ouvrit en silence et elle découvrit que la voix de l’entrée avait un grain si particulier qu’elle était presque certaine de pouvoir la reconnaître entre mille. C’était là, l’une des capacités étranges qui s’était développée chez elle quand sa vue avait décliné ; retenir les choses anodines qui lui permettait d'identifier ses pairs avec exactitude.

    Hélénaïs cilla.

    “Mortifère, quel nom lugubre…” Songea-t-elle. L’étonnement affecta ses traits un instant avant qu’elle ne se fende d’un sourire désolé. Ses yeux, d’un blanc laiteux sous lequel on devinait le noisette d’autrefois, semblaient fixer le jeune homme comme s’ils pouvaient voir à travers lui.

    - Je suis désolée de me présenter ainsi sans prévenir, j’aurais dû me faire annoncer. Pour cela, Hélénaïs aurait pu se gifler, c’eut été la moindre des choses que de prévenir de sa venue mais elle avait purement et simplement oublié de le faire et elle n’avait même pas l’ombre d’une excuse pour le justifier. - Enfin, je dois admettre que j’ai eu plus que ma dose d’humidité pour les dix prochaines années. Elle rit doucement. - Je vous serais reconnaissante de me permettre d’attendre le sénateur à l’intérieur, si ça ne dérange pas.

    Cela ne semblait pas être le cas puisqu’un grincement lui laissa deviner qu’il avait ouvert la porte un peu plus grand. La jeune femme congédia son chauffeur puis s’engagea dans l’entrée tout en se guidant de sa canne de vision.

    “Je n’aurais peut-être pas dû venir.” Après tout, qu’allait-elle dire à Zelevas ? Qu’elle était terrifiée par son incapacité à protéger sa patrie comme ils l’avaient tous fait ? Qu’elle jalousait leurs capacités ? Qu’elle voulait de l’aide ? Grandir ? “Maudites sois-tu, Emérée, vile sorcière.” Pesta-t-elle intérieurement.

    - Comment se porte le sénateur ? Demanda-t-elle sur le ton de la conversation en avançant devant elle, balayant le sol pour ne pas buter sur un meuble dans cette maison qu’elle ne connaissait que trop peu. - Je ne savais pas qu'il avait prit un garde du corps. D'ailleurs, j’ai entendu dire que les combats ont été rudes. C’était peu de le dire, la présidente et sa vice-présidente y avaient laissé plus que des plumes. Finalement, Hélénaïs finit par s’arrêter, incapable de savoir où elle devait aller. Dès que l’homme l’eut rejoint, elle tourna la tête dans sa direction comme si elle pouvait le voir. - J’ose espérer que ma question ne vous froissera pas mais… Mortifère, est-ce votre prénom ? Par tous les dieux du Sekaï ce n’était, définitivement, pas une question à poser mais elle lui brûlait les lèvres depuis qu’elle l’avait entendu se présenter.
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  • Sam 6 Avr - 3:19
    Après avoir salué le domestique d'Hélénaïs d'un humble hochement de tête, Mortifère referma la porte derrière la demoiselle avant de s'engager à nouveau dans le hall. Le calme pesant de la demeure de Zelevas couvrit les sons rythmés de la pluie battante et seuls le bruit des bottes tapant contre le carrelage ainsi que des prothèses mécaniques du militaire donnèrent un semblant de repère sonore à la jeune femme. Elle brisa son mutisme en lui posant une question somme toute attendue, une entrée en matière courtoise pour amorcer de futures interrogations sans doute bien plus profondes, en vue de l'aspect très cavalier de cette visite inopinée.

    "Il se porte aussi bien que la situation le lui permet."

    Réalisant d'une manière purement intellectuelle que cette réponse pouvait sembler trop froide, il ajouta avec un illusoire enjouement :

    "Vous savoir indemne illuminera sa soirée, j'en suis convaincu."

    L'effort qu'il apportait pour sourire vainement s'amenuisa et son faciès à peine humain reprit sa parfaite neutralité. La Dame lança ensuite le sujet du drame de Liberty et, tout en s'avançant, Mortifère se saisit par télékinésie d'un balai qui avait été abandonné en plein milieu du couloir afin de replacer convenablement l'objet dans le placard entrouvert où il aurait dû se trouver. Cela fait, il referma la porte d'une main et répondit à la question qu'elle venait indirectement de lui poser au sujet des affrontements :

    "Particulièrement rudes, en effet. La menace a néanmoins été écartée et la République, comme toujours, a vaincu. N'est-ce pas l'essentiel ?"

    Il accéda au salon, dans lequel il vint rabattre une paire de rideaux tandis que patientait son invitée. La présence de la Consule ayant été anticipée, les stocks de vivres généralement très frugaux avaient été suffisamment renforcés pour pouvoir composer des repas entiers et appétissants, bien loin des habitudes du Sénateur qui avait tendance à négliger son alimentation au profit de son devoir. Se surprenant un instant à penser que la présence d'Azura constituait un apport bénéfique aux conditions de vie de son supérieur, Mortifère esquissa un sourire pour lui-même tout en vaquant à ses préparatifs, avant d'être interpelé par la demoiselle qui patientait non loin de lui en attendant qu'il revienne vers elle. Quelque peu interloqué par la question, il demeura silencieux une paire de secondes, avant de répondre le plus naturellement du monde :

    "Pardonnez cette confusion. Je me nomme en vérité Abraham de Sforza, madame, mais j'ai pour coutume d'user en priorité du nom de code qui m'a été attribué."

    Depuis sa prise de fonction, repos et loisirs avaient été particulièrement espacés. Le Sénateur étant constamment en déplacements professionnels, il était usuellement accompagné par son garde du corps lors de ses escapades aux quatre coins du pays et, par conséquent, le militaire avait donc pris l'habitude se s'introduire en tant que protecteur ou éventuellement en représentant du projet Palladium, dans les exceptionnelles circonstances où la question lui était posée.

    "Installez vous, je vous en prie. Me permettez vous de vous aider ?"

    Elle offrit sa main pour obtempérer et Mortifère glissa sa paume métallique sous la sienne. La peau d'Hélénaïs rencontra l'acier glacial de la dextre prosthétique et, lorsqu'il ressentit lors de ce contact un infime mouvement de recul, il amena le plus naturellement du monde :

    "N'ayez crainte."

    Elle n'avait certes rien d'une petite chose fragile, mais il était évident qu'une telle découverte avait de quoi surprendre une personne atteinte de sa condition. Après l'avoir guidée jusqu'au fauteuil, Mortifère se redressa prestement puis fit une démonstration de la courtoisie qu'on lui avait enseigné pour le rendre présentable :

    "Puis-je vous offrir un rafraîchissement ainsi qu'une collation ? Du thé, une boisson alcoolisée peut être ? Le Sénateur a un peu de tout."

    Après avoir pris note de ses quelques doléances, il opina du chef et fit volte-face pour se diriger vers les cuisines, laissant sciemment à la demoiselle le soin de préparer mentalement ses futures questions, puisqu'il savait déjà que l'attente du Sénateur n'allait pas s'effectuer en silence. Dépassant des casseroles abandonnées ainsi que des bouteilles de blanc portant justement le nom "Château de Casteille." L'amusante coïncidence aurait pu pousser le soldat à en ramener un exemplaire, mais il n'en fit rien. Il se contenta pour sa part d'un très sobre verre d'eau et rien d'autre.

    Il vint réunir sur un plateau l'ensemble des éléments demandés par Hélénaïs puis les achemina tranquillement jusqu'au salon où elle l'attendait. Il déposa le tout sur la table basse située devant la demoiselle puis prit place face à elle, sur une seconde assise légèrement plus décrépie que celle qu'il avait proposé à cette invitée de marque.

    "Bien. J'espère que cela sera à votre convenance."

    Lui laissant le loisir de se servir, il s'enfonça un peu dans le dossier de son fauteuil et porta l'une de ses mains métalliques à sa tête afin de la soutenir. Ses yeux luminescents se rivèrent avec intensité sur le visage de son interlocutrice et il reprit la parole sans gêne :

    "Puis-je connaître les raisons de votre venue ? Il m'est plaisant de pouvoir vous rencontrer en chair et en os mais je sais aussi que vous n'êtes pas du genre à rendre visite au Sénateur à l'improviste. S'agit-il d'une urgence ?"

    Cavalier, mais il s'en moquait.

    "Inutile de vous en faire. Je suis présent lors de la majeure partie des entrevues du Sénateur et bien peu de détails de sa vie m'échappent. Vous pouvez me parler librement, sauf si la question que vous souhaitez aborder est trop personnelle pour être évoquée en ma présence, cela va de soi."
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  • Mer 10 Avr - 21:39
    “L’essentiel certainement, la finalité probablement pas.” Songea amèrement la sénatrice tout en tendant l’oreille aux étranges sons qui lui parvenaient, que ce fut une porte claquant doucement ou le grincement métallique qui raisonnait à intervalles réguliers. Inspirant profondément, elle se gorgea de l’odeur de cette maison, celle des livres et du cuir, du velours et de la poussière ainsi que celle qui accompagnait la vieillesse. Elle était déjà venue ici,  il y avait de cela bien longtemps. Mais à cette époque, c'était les fragrances du jardin qui avait surpris son nez aiguisé ; terre humide, géraniums, hostas et campanules s’étaient disputées ses narines jusqu’à la faire éternuer. Elle avait ensuite écopée d’un rhume des foins pendant presque tout son séjour et avait fini avec le nez si irrité et rouge que Bastian l’avait comparé à un clown en se moquant allègrement. C’était tout ce dont se souvenait Hélénaïs du haut de ses quelques années, le reste s’était dérobé à sa mémoire comme la flamme d’une bougie sur laquelle on aurait soufflé. Les souvenirs se fondaient dans l’obscurité jusqu’à ce qu’un jour, il n’en reste plus rien.

    La jeune De Casteille devina la présence de Mortifère non pas aux mouvements d’air qu’il produisit en s’approchant mais à l’étrange mélange de parfum et d’huile qui l’accompagnait. C’était une odeur étrange pour un homme et bien qu’elle n’en dit rien, sa curiosité fut piquée et le silence qui suivit sa question ne fit qu’empirer la chose.

    - C’est un beau prénom. Répondit-elle d’un hochement de tête mais non sans penser : “Et bien moins macabre.” - Je vous suis. Sa main se leva prête à rencontrer celle d’Abraham mais ce fut à la place un métal glacial qui effleura la pulpe de ses doigts. Machinalement, elle la recula, tournant la tête en direction de son accompagnateur. - Qu’est-ce… ? Hésitante, elle reposa toutefois sa main dans la sienne et se laissa guider jusqu’à un fauteuil dont le cuir sentait -pour elle- atrocement le renfermé. Retenant de justesse la grimace qui allait poindre, elle la dissimula derrière un sourire poli : - Un thé suffira. Elle entendit le crissement caractéristique puis le pas lourd de l’homme s’éloigna.

    Tandis qu’elle attendait, Hélénaïs fit courir ses doigts le long de l’accoudoir de son fauteuil tout en se répétant que sa venue ici, sur un coup de tête, était d’une idiotie sans nom. Son seul réconfort était de savoir qu’elle pourrait, plus tard, négocier une place pour les vins De Casteille avec Arès Wessex. Maintenant qu’elle était assise au sein de la maison de d’Elusie, elle ne pouvait s’empêcher de trouver son excuse risible, immature et parfaitement indélicate et Abraham ne fit que lui donner le coup de grâce lorsqu’il lui posa la question fatidique.

    - Plaisant ? Dit-elle dans un rire aussi franc que surprit. - Je crains que Zelevas ne m’ait jamais moins porté dans son cœur que dernièrement. Ses lèvres se pincèrent légèrement. - Après tout, je me suis opposée à lui durant l’assemblée et il m’a bien fait ressentir son mécontentement. Une grimace déforma ses traits la faisant, pendant un bref instant, ressembler à la petite fille sermonnée d’autrefois. - Alors, ne vous embarrassez pas de flatteries Abraham, je n’en ai nul besoin. Grâce au son produit lorsqu’il avait posé le plateau, Hélénaïs trouva sans difficultée sa tasse de thé dont elle survola le liquide du bout des doigts. Elle l’apporta jusqu’à sa bouche mais se contenta de souffler dessus.

    Un long silence s’installa finalement, seulement brisé par le tic tac ininterrompu d’une horloge.  

    - Il n’y a pas… D’urgence. Pas à proprement parlé en tout cas et la vie de personne n’est en jeu. Admit-elle enfin dans un soupir exaspéré. A nouveau le silence se fit et elle daigna enfin avaler une gorgée de thé, comme pour se donner du courage, songeant qu’elle eut peut-être mieux fait de demander un verre de vin. - J’avais besoin de l’avis de quelqu’un… D’éclairé, de quelqu’un qui me connaisse et il n’y a guère d’autres personnes à qui je pourrais m’adresser. Une triste constatation mais Hélénaïs ne laissa pas entrevoir l’ombre d’une émotion et reprit : -  Vous êtes-vous jamais sentit inutile, Abraham ? Ou imparfait ? Ou… Elle haussa les épaules. - Pas à la hauteur ? Elle pencha la tête sur le côté, son regard filant dans la direction où elle supposait qu’il se trouvait et soupira en reposant sa tasse.

    - Enfin, j’imagine qu’une personne qui à pour nom de code “Mortifère” doit être suffisamment létale pour ne pas être inutile. Elle se fendit d’un rire jaune. - Je ne savais pas qu’il avait eu la nécessité d’un garde du corps… Cette dernière phrase n’était rien d’autre qu’une pensée prononcée à voix haute. - Êtes-vous à son service depuis longtemps ?
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  • Ven 12 Avr - 14:08
    Le sourire paisible de la créature à laquelle l'empathie faisait désormais défaut s'agrandit d'un cran. Mortifère se surprit à constater qu'en l'absence de sentimentalisme parasite, il avait désormais une bien meilleure perception des tics nerveux faisant office d'indicateurs du mal-être de ses vis-à-vis. De toute évidence, Dame de Casteille figurait parmi les meilleures proies possibles pour tester l'étendue de telles aptitudes.

    Appuyant toujours son poing sur sa joue, la tête penchée sur le côté, il s'amusait à décortiquer du mieux qu'il le pouvait les quelques signes laissés involontairement par la demoiselle et se réjouissait de ce qu'il voyait dans ses traits. Faisant mine de faire preuve de sollicitude, il vint rompre le long silence qu'il avait sciemment laissé s'installer pour renforcer passagèrement l'inconfort de son interlocutrice, puis répondit à son allusion au rapport qu'elle entretenait avec le vieux Lion :

    "Allons allons. Ne voyez nulle flatterie exagérée ni mielleuse complaisance de ma part, Dame de Casteille. Sénatrice et détentrice d'un diplôme de Magic, à votre âge ? Votre carrière pousse à l'admiration. Je ne suis pas beaucoup plus jeune que vous et pourtant, je ne suis pour ma part qu'un humble représentant des forces de l'ordre."

    Un peu plus que ça, certes, mais le fait de minimiser ses propres accomplissements constituait une part de sa stratégie. Il soupira brièvement puis ajouta avec un enjouement certain, après s'être autorisé un léger rire :

    "Mais pardonnez moi, mes compliments semblent vous rendre mal à l'aise. Ce que je voulais amener par cette introduction, c'était que Zelevas ne peut porter de désamour à une personnalité aussi talentueuse que vous. Vous vous êtes opposée à lui, j'en conviens, mais savoir prendre ses décisions et assumer ses idéaux sont deux traits qui attirent usuellement son respect. Ne vous inquiétez pas, je suis convaincu que vous restez la bienvenue en ces lieux."

    Son rictus s'affaissa légèrement lorsqu'elle fit bifurquer la conversation sur un sujet plus personnel, une source de tourments autrement plus profonds pour elle comme pour celui avec lequel elle conversait. Elle avait fait mouche et malgré les couches de renforcement psychologique appliquées par ses tortionnaires, Mortifère ressentit une infime pointe d'agacement lorsqu'elle amena sur le tapis le sujet de l'imperfection. C'était précisément ce qui l'avait mené à anéantir une part de sa propre humanité et c'était un point qu'il ne se plaisait pas particulièrement à évoquer, dans sa grandiose arrogance. D'un ton légèrement plus froid, il rétorqua :

    "Je suis au service du Sénateur depuis près d'un an. Maquiller ma présence faisant partie de mes attributions usuelles, il est normal que vous ne m'ayez jamais côtoyé jusqu'à présent. Peu importe où se rend le Sénateur, sachez que je suis là, toujours niché dans son ombre."

    Puis, avec une entreprise presque audacieuse, il fit jouer les mécanismes de sa main libre, rendant ainsi les sons métalliques qu'émettaient occasionnellement ses prothèses aussi aisément audibles que possible. Malgré la cécité de la belle demoiselle, elle avait sans mal compris qu'il n'avait rien d'un soldat classique.

    "J'ai été imparfait, autrefois. Notre nature profonde est selon moi difficilement aliénable et du fait de ma genèse hasardeuse, je n'étais malheureusement promis qu'à un avenir de médiocrité. Fort heureusement, mes convictions avaient quant à elle le mérite d'être grandioses et de par ma résilience et mon inflexible volonté, je suis parvenu à..."

    Sa fierté reprit le dessus et son rictus réapparut, créant ainsi un changement dans les inflexions de sa voix rocailleuse :

    "...A me recréer. Grâce aux efforts couplés des plus grands savants de notre Nation, je suis devenu quelqu'un d'autre, un être en adéquation avec mes souhaits. On ne peut altérer son essence que par des transformations drastiques."

    Ses yeux empourprés se reposèrent sur le visage de la jeune femme, et il ajouta :

    "Mais la question n'était pas pour moi, après tout. Pourquoi estimez vous ne pas être à la hauteur, madame ? Votre histoire prouve pourtant à quel point vous êtes capable, n'est-ce pas ? Même la maladie n'a pas réussi à avoir raison de vous. Quel genre de noirceur alimente donc ces doutes qui vous assaillent ?"
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  • Jeu 18 Avr - 21:40
    A son âge ? Certains étaient en train d'entamer leur second cursus à Magic ou de convoiter un poste prestigieux au sein du gouvernement,  d’autres encore étaient des guerriers aguerris et reconnus pour leurs hauts-faits d'armes. Hélénaïs avait peut-être terminé ses propres études avec un certain brio et marché dans les pas de son père, elle n’en tirait aucune gloire. Cette route avait été tracée pour elle par Bastian et elle n’avait rien fait de plus que de l’emprunter docilement. Elle s’était conformée exactement à ce qu’on lui avait demandé. En cela, elle était étonnamment douée et elle soupçonnait que ce soit également cette qualité que Zelevas avait apprécié chez elle en premier lieu. Sa seule fierté résidait dans le domaine De Casteille auquel elle avait brillamment permis de prospérer. Cependant même cela était en train de partir à vau-l’eau. Elle ne pipa mot mais ses yeux filèrent en direction de la fenêtre et elle regarda vers l’extérieur comme si elle pouvait voir les gouttes rouler sur le verre.

    - Si vous êtes au service du sénateur c’est que vous êtes plus que cela. Je ne me targuerais pas de bien le connaître, ce que je sais cependant c’est qu’il ne s’entoure pas “d’humble représentant des forces de l’ordre”. Et ça je puis vous l’assurer.

    Il ne servait à rien de démentir ce qu’était en train de lui dire Abraham, il ne pouvait probablement pas comprendre et elle préférait encore qu’il l’idéalise plutôt qu’il ne voit en elle qu’une créature fragile cherchant l’approbation d’un inconnu. Après un battement de cil, elle se força à arborer à nouveau ce sourire discrètement nonchalant qu’on ne lui connaissait que trop bien.

    “Depuis près d’un an ?” S’étrangla Hélénaïs en son for intérieur. Elle qui était pourtant attentive à ce qui l’entourait, n’avait jamais remarqué sa présence. Elle s’en assura en activant brièvement son senseur. Non, ça marque de mana ne lui disait absolument rien. Pourtant si cela faisait aussi longtemps que cet homme était au service de Sénateur, leurs chemins avaient forcément dû se croiser à un moment ou à un autre. Hélas, sauf si sa mémoire lui jouait des tours, dans son monde il n’avait jamais existé. Ce qui, d’une certaine façon, était une preuve de son efficacité. Quoi qu’Hélénaïs ne fut certainement pas le genre de personne auquel il devait tenter de se dissimuler.

    La conversation prit, cette fois, une tournure bien différente. Machinalement, la jeune femme se redressa lorsque la voix d’Abrahalm adopta cette inflexion un rien glaciale qui laissait supposer que le sujet provoquait chez lui une réaction. Au même moment, un bruit métallique mêlant des crissements stridents, des claquements et des chuintements lui parvint. Ses sourcils se froncèrent. Elle avait pensé qu’il était un Homme car en république et au service de Zelevas c’eut été presque évident mais peut-être la vérité était-elle tout autre ? Le discours qu’il lui tenait en tout cas la terrifiait autant qu’il la fascinait. Elle y devina un certaine passion mais également quelque chose de plus effacé, de plus enfouis qu’elle fut incapable d’identifier.

    - Mon histoire prouve que je suis capable d’apprendre à lire le braille en un temps record et que je suis suffisamment têtue pour continuer d’étudier lorsque la maladie me guette. Si je peux vous accorder que ce sont des qualités fort utiles, elles ne l’ont guère été lorsque notre nation s’est retrouvée attaquée. Hélénaïs se tenait droite et parlait d’un ton calme mais la raideur dans ses épaules était un témoin silencieux de la colère que cette constatation faisait naître chez elle. - Que ce soit le sénateur Goldheart, D’Elusie, Madame la consule ou même la Grande Mécène, aucun d’eux n’a abandonné la République. J’imagine que vous aussi, deviez être présent. N’est-ce pas ? L’amertume commençait peu à peu à transparaître dans son grain de voix. Elle avala péniblement sa salive et se saisit à nouveau de la tasse de thé. - Je sais que vous allez me dire que mon rôle n’est pas de défendre ou de protéger, pas physiquement du moins et vous auriez raison. Elle soupira bruyamment avant de prendre une gorgée qui n'apaisa pas ses humeurs. “Je ne veux pas me terrer comme un rat d’égoût et je ne veux pas être esclave de mon handicap”. Songea-t-elle sans oser le formuler. Abraham était aimable mais elle ne le connaissait pas et elle lui avait déjà dévoilé une partie du tabou qui l’habitait.  

    Un ange passa ainsi qu’une bonne partie de sa tasse avant qu’elle ne reprenne la parole. Son cœur battait encore fortement contre ses côtes et ses pensées n’avaient de cesse de tourner comme un disque rayé.  Mais à force d’effort elle parvint à les museler, suffisamment pour se recentrer sur Abraham.

    - Comment… Elle sembla hésiter, ses yeux décrivirent à nouveau une courbe vers la fenêtre et revinrent à lui. - Comment ont-ils fait ? Pour vous changer. Hélénaïs n’était pas sans savoir que la magie et la science étaient plus que bien développées en République, toutefois, elle ne parvenait pas à imaginer comment l’on pouvait changer si profondément quelqu’un. - N’avez-vous jamais craint de vous perdre vous-même ? Ajouta-t-elle en se penchant légèrement vers l’avant. En vérité, tout ceci l’intriguait. Au-delà de ses récits, de son surnom morbide et des chuintements qui lui parvenaient, son histoire semblait curieuse, différente, exactement comme lui et il n’en fallait pas plus pour s’attirer son intérêt.

    - Je suis désolée si ma question vous semble déplacée et je vous préviens, elle l’est, mais… Qu’est-ce qui produit cet étrange bruit qui vous accompagne constamment ? Doucement, elle tendit la main. - Pourriez-vous me montrer ? Hélénaïs avait peut-être perdu la vue depuis des années mais cela lui avait permis de développer un toucher particulièrement sensible, une nouvelle manière de voir. Du bout des doigts, elle avait appris à découvrir le monde qui l’entourait d’une manière toute différente. Néanmoins, c’était une méthode qui ne convenait guère au tout venant et il n’était pas rare qu’elle doive essuyer des refus dont elle ne prenait pas ombrage. Abraham ne ferait pas exception.
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  • Sam 20 Avr - 4:21
    Un léger souffle trahit l'amusement du soldat mécanisé. Inspectant avec minutie les changements d'expressions de la demoiselle, il se permit de répondre aussitôt que le compliment fut formulé :

    "Il est vrai."

    Mortifère croyait ressentir chez Hélénaïs un certain inconfort mais ne savait pas comment établir clairement l'origine de ce malaise. Brûlait elle d'envie de trouver en cet étrange inconnu un confident auquel révéler ses états d'âmes ? Cherchait elle en lui ce qu'elle avait cru pouvoir trouver en rendant visite au vieux lion ? La confusion se changea, par un froncement de traits pourtant si doux, en une amertume si ouvertement démontrée qu'elle en devint presque excessive. La politicienne amena le sujet de la bataille sanglante, ce à quoi il rétorqua tout naturellement :

    "Je m'y suis illustré, en effet"

    Enfin, elle lâcha le fiel qu'elle avait sur le cœur et Mortifère, avec la fierté mal placée de savoir qu'il avait visé suffisamment juste pour s'octroyer le droit de percer à jour une personnalité aussi influente, la laissa enchaîner en se refusant à l'interrompre malgré l'invitation à le faire. Elle en disait beaucoup, sûrement bien plus qu'elle ne voulait laisser transparaître. Qu'il devait être dur de vouloir faire preuve de force et de rigueur lorsque l'on s'ouvrait ainsi à un parfait inconnu. Souriant, mais silencieux, il se contenta de ponctuer le discours de la jeune femme d'un son léger, juste pour montrer qu'il l'écoutait :

    "Mh mh."

    La tension se réinstalla et Mortifère ne laissa pas une seule fois ses paupières artificielles cligner. Hélénaïs était un sujet d'étude autrement plus intéressant que ne l'étaient les toiles d'araignée qu'il s'évertuait à brûler afin d'éviter au Sénateur de se casser le dos en les nettoyant. En plus d'être particulièrement enrichissante, cette expérience constituait également un excellent entraînement. Il avait craint de perdre en même temps que son empathie sa faculté à se montrer charmant mais, de toute évidence, il savait encore se montrer assez aimable pour délier les langues. C'était un bon point.

    La voix de la Sénatrice le tira à son introspection et une légère part de surprise s'empara de lui. Son rictus ne fit que s'agrandir et dans un infime cliquetis de mécanismes actionnés, il se pencha en avant pour se rapprocher un peu de son interlocutrice. En voilà, des questions diablement intéressantes. Les images terribles du sordide traitement qu'il avait subi lors de son ultime opération ravivèrent en lui des souvenirs étouffés, poignants mais restreints par son esprit fragmenté que les émotions ne parvenaient aujourd'hui qu'à effleurer. Il rit et, d'une voix qui se voulait affable malgré les raclements métalliques qui résonnaient lorsqu'il prenait la parole, Mortifère répondit :

    "J'ai craint de me perdre et j'ai eu raison, madame. On m'a délesté de toutes mes faiblesses jusqu'à m'ôter, à terme, mon humanité ainsi que mon identité."

    Ses dents se découvrirent et, dans un murmure trop fervent, il ajouta :

    "J'ai été un homme autrefois mais je suis bien plus que cela, aujourd'hui."

    Elle lui tendit sa main, pour mieux le voir et ainsi le comprendre. Elle avait à peine eu le temps de conclure courtoisement sa demande que déjà, le Cerbère avait posé contre la paume de la jeune femme cette dextre métallique dont les serres crochues avaient déjà arraché de nombreuses vies. Afin de lui faire découvrir la complexité de cet outillage unique en son genre, il agita doucement l'articulation de son poignet et fit jouer ses doigts dans le vide. Les audibles cliquetis vinrent traduire le génie de l'enchevêtrement de crans et roues qui animaient ses membres prosthétiques et, avec une fierté certaine, il expliqua alors :

    "Ces prothèses ont été conçues pour permettre aux vétérans républicains de continuer à servir la Nation malgré des blessures irréversibles. En tant que premier porteur de ces dernières, je suis d'ailleurs souvent qualifié de prototype. Le projet ne tardera pas à s'officialiser et à devenir une façade publique de la défense républicaine, vous allez donc tôt ou tard en entendre parler plus régulièrement. Quant à ces sons que vous entendez lorsque je me déplace, ils sont tout simplement les marques de cette métamorphose à laquelle j'ai fait allusion."

    Il lui laissa le soin d'inspecter ses bras sans éprouver la moindre honte et se permit même avec un certain entrain d'effectuer une autre proposition :

    "Souhaitez vous également toucher mon visage ?"

    Il rit avec légèreté, puis lança :

    "Ne vous en faites pas, cela ne risque pas de m'embarrasser. J'ai été exposé à plusieurs reprises face à des assemblées de plusieurs dizaines d'individus et, fort heureusement, je ne suis pas d'un naturel timide."

    Exposé entre des catapultes et des canons runiques, comme une arme parmi tant d'autres.
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  • Sam 20 Avr - 22:38
    Hélénaïs cilla.

    Ce ne fut pas le contact de sa main glaciale et métallique qui lui fit cet effet, ni même sa voix rocailleuse qui la rendait menaçante. C’était les mots qui lui parvenaient et ce qu’ils signifiaient. Qu’entendait-il par là ? Qu’avait-il sacrifié exactement ? Et dans quel but ? Bien qu’elle tenta de n’en laisser rien paraître, l’abnégation du soldat lui semblait terrifiante. Mais elle ressentait également une émotion qu’elle n’aurait pas dû ; de l’intérêt. Qui était-il avant de devenir Mortifère ? C’était là que se trouvait la véritable question. Abraham était-il un homme aussi fragile qu’elle ne l’était ? Aussi inutile ? Ou se trouvaient les faiblesses dont il parlait ? Une myriade de questions sans réponses se formaient dans son esprit et s’entrechoquaient bruyamment, si bien qu’elle garda la main de métal dans la sienne de longues secondes avant de prendre conscience de son poids dans sa paume.

    L’acier était d’un froid mordant qui lui chatouillait la pulpe des doigts. Elle les referma autour du poignet qui se mit à bouger et le regretta amèrement. C’était une épine, probablement pas plus épaisse que celle d’une rose, mais aussi pénétrante qu’une aiguille. Elle arracha sa main à la sienne dans un sursaut et porta son doigt endoloris à ses lèvres.

    - Vous auriez pu me prévenir… Pesta-t-elle tout bas en suçotant la blessure jusqu’à ce qu’elle ne sente plus le goût ferrugineux sur sa langue. Lorsque ce fut fait elle reprit son exploration avec précaution, cette fois.

    Hélénaïs devina la confection complexe à la manière dont la jointure s’articulait. Aucun mouvement ne lui semblait impossible, il n’aurait fallu que la recouvrir d’une couche de peau pour que l’on n’y vit aucune différence. C’est tout du moins ce qu’elle cru avant qu’elle ne se torde dans un angle impossible qui manqua de la faire reculer.  Contractant les mâchoires pour s’obliger au calme, ce fut sa main libre qui poursuivit la découverte, dévalant le dos de la main de métal pour venir caresser les trapèzes -ou apparentés- puis les métacarpes avant de terminer par les phalanges dont les finalités aiguisées comme des lames de rasoir firent courir un frisson le long de son échine. De peur ou d’excitation, cela restait encore à définir. Ce bras tout entier était une arme encore plus mortelle qu’elle n’aurait pu l’imaginer.

    - Votre visage ? Demanda-t-elle, intriguée mais méfiante, cette fois. - Bien. La sénatrice était d’une nature curieuse et bien que sa mère lui eut répété un nombre de fois incalculable que c’était un bien vilain défaut, elle était toujours incapable de s’en défaire. Abandonnant sa canne de vision contre l'accoudoir de son fauteuil, elle se leva pour franchir la distance ridicule qui la séparait d’Abraham.

    - N’est-ce pas étrange ? Ne put-elle s’empêcher de demander alors qu’elle se tenait debout face à lui. Pour toute réponse, il guida sa main sur son front et ses doigts rencontrèrent une fois de plus de l’acier glacial. Hélénaïs resta un instant interdite, le regard rivé sur un point inconnu au-delà de lui et peut-être même du mur du fond. Elle inspira longuement avant que sa dextre ne vienne elle aussi se déposer sur le visage du soldat. D’abord, elle rencontra une fine plaque de métal ouvragée comme un masque puis elle arriva à sa limite. Son sang se glaça et elle baissa soudainement la tête dans sa direction, les yeux grands ouverts comme si elle pouvait le voir, comme si ses iris opaques pouvaient harponner celles rouge sang qui lui faisaient maintenant face. Les émotions se bousculèrent sur son visage, la crainte, la pitié, l’inquiétude.

    - N’aviez vous donc rien à perdre ? Murmura-t-elle alors qu’elle peinait à maîtriser le tremblement de ses doigts. Hélénaïs savait qu’elle aurait dû s’en tenir à cela, qu’elle aurait dû retourner s’asseoir et attendre patiemment le retour de Zélévas. Pourtant, elle suivit la ligne encore légèrement boursoufflée de la plaie où elle devina un point de suture. Elle avala sa salive comme s’il s’était agi d’une pierre et sa main délaissa le front pour venir caresser les abords du nez et ses lèvres se pincèrent quand elle n’y découvrit pas ce qui aurait dû s'y trouver -un peu plus et elle lui aurait mis le doigt dans le nez, littéralement.

    - Si l'on vous a ôté votre humanité, votre identité...Continua-t-elle alors qu'elle avait l'impression que l'on ôtait l'air de ses poumons à la petite cuillère tandis que ses mains découvraient les cicatrices sur ses joues dont le peu de peau qui resté était doux quand elle n’était pas barré de cicatrices épaisses. - Que reste-t-il de vous ? Son chemin se poursuivit avec fébrilité et douceur, autour de sa bouche dont ses doigts épousèrent les contours. Ils atteignirent son cou, frôlèrent les balafres qui le zébraient. - Par tous les saints Abraham, cela en valait-il le prix ? C’était la peur qui prenait le pas sur l’intérêt quant à la renaissance de cet homme.

    Hélénaïs resta debout mais ses mains retombèrent de part et d’autres de son corps.
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  • Lun 22 Avr - 17:52
    "Rien ? Non, j'avais des choses à perdre."

    L'homme qui n'en était plus tout à fait un se redressa sur son assise, dépassant de plusieurs têtes la demoiselle qu'il surplombait par sa hauteur mais surtout par la solidité de ses convictions. Il s'écarta d'elle, la contournant pour se diriger jusqu'à une pièce voisine dans laquelle il savait précisément où chercher ce dont il avait besoin. Levant le ton pour être entendu par son vis-à-vis même de l'autre côté du salon, il ouvrit par télékinésie quelques tiroirs dans lesquels il avait pris soin de bien ranger le matériel médical de la demeure. En cas d'attaque menée contre le Sénateur, il valait mieux être préparé à effectuer quelques sutures d'urgence.

    "Ma ferveur, ma volonté de faire grandir notre Nation au delà de toute limite, mon amour pour l'ordre et la droiture. J'avais tout un tas de choses à chérir, une belle collection de valeurs à protéger contre les heurts et les injustices de notre monde en ruines."

    Refermant sa main sur une trousse de cuir usé dans laquelle il avait rassemblé le nécessaire, il retourna se poster aux côtés d'Hélénaïs puis, avec une entreprise légèrement plus audacieuse qu'auparavant puisqu'elle n'avait pas exprimé de gêne la première fois, il glissa sa paume métallique sous celle de la jeune femme, la guidant doucement vers l'assise sur laquelle il était initialement installé pour ensuite s'agenouiller à ses côtés. Déverrouillant sa trousse pour en extraire une longueur de bandage, il cisailla le ruban en s'aidant de ses griffes visiblement trop affutées tout en reprenant ses explications :

    "Ces fameuses valeurs, je sais précisément comment je les aurais perdues, justement."

    Mortifère passa avec adresse ses doigts glacés sous l'index légèrement blessé d'Hélénaïs et constata que l'orifice, bien que relativement petit, avait fait couler une certaine quantité de sang. Par magie, il imita les manœuvres que l'on avait opéré sur son propre corps chimérique à d'innombrables reprises, imbibant un coton d'un désinfectant fourni par les pairs d'Oberon qu'il vint ensuite passer lentement sur la plaie avant d'appliquer avec vitesse et précision la fine lamelle de bande. Pas trop serrée, pour ne pas freiner la circulation sanguine mais juste assez pour éviter de se tâcher. Cela serait suffisant. Trop occupé par son discours pour se confondre en excuses, il conclut avec diligence :

    "Par l'inaction, madame. L'humain que j'étais n'avait pas la force requise pour entreprendre pleinement ses aspirations. Plutôt que de m'éterniser dans les affres de la médiocrité ou dans la mélancolie, j'ai préféré faire le choix de prendre ma destinée en main et d'adopter la solution la plus radicale, mais aussi la plus efficace pour pallier aux faiblesses de ma chair."

    Satisfait tant par son travail que par ses explications, il tapota son index contre le pansement et sourit tout en se relevant dans une série de claquements mécaniques. Il remarqua alors, sur ses propres prothèses, les quelques gouttes écarlates qui perlaient le long de l'épine ornant son bras et vint, avec un intérêt macabre, racler la coulée à l'aide de ses serres pour ensuite inspecter le liquide si pur et si différent de celui qui coulait dans ses veines viciées. Il ressemblait de plus en plus au Docteur et si cet état de fait pouvait terrifier bien des témoins de sa métamorphose, le concerné savourait quant à lui sa progression vers la grandeur.

    "J'ai payé, mais la récompense s'est avérée immense. Je vis sans doute et sans peur, guidé uniquement par ma conviction. Que demander de plus ?"

    Avec une audace toujours plus impactante, il s'autorisa à se rassoir non pas sur le fauteuil opposé, mais sur l'accoudoir de celui d'Hélénaïs. La tête tournée en sa direction, il se saisit d'un mouchoir situé dans une poche de sa chemise et vint machinalement essuyer le sang qui recouvrait ses doigts pour ensuite demander d'une voix qui se voulait affable :

    "Vous êtes une femme de conviction, vous aussi. Mon sort vous paraît vraiment si pénible ? Ne m'enviez vous pas, ne serait-ce qu'un peu ?"

    Sacrément fouineur, pour un humble garde du corps.
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  • Ven 26 Avr - 21:24
    Hélénaïs était peut-être aveugle mais elle percevait Abraham aussi sûrement que si elle pouvait le voir. Elle sentait son aura écrasante et la masse de son corps qui se déplia face à elle dans une cacophonie de claquements métalliques. Il l’a dépassait aisément, d’au moins une tête mais elle ne lui fit pas l’aumône de relever la tête. Cela n’aurait servi à rien de toute façon et elle ne tenait pas à lui prouver quoi que ce soit. Peut-être même le craignait-elle un peu, quoi que ce n’était pas tout à fait exact. Hélénaïs n’avait pas peur. Elle ne voyait pas les horreurs qui lui faisaient face. Pour elle, Abraham ou Mortifère, n’était qu’un homme dont elle avait redessiné le visage dans son esprit. S’il y avait bien une chose à laquelle elle ne pouvait plus se fier depuis bien longtemps, c’était bien à sa vue. C’est pourquoi il ne l’effrayait pas. Ô bien entendu, elle avait sentit la peau tannée, lacérée, boursouflée et maltraitée mais comment aurait-elle pu imaginer une telle chose ? Non, ce qui avait de l’importance pour la jeune De Casteille c’était la courtoisie et la la prévenance dont il faisait preuve. Il lui permettait d’assouvir sa curiosité et de toucher. Deux choses qui lui étaient précieuses. Néanmoins son instinct, lui, savait. Ce fut lui également qui lui fit serrer la mâchoire avant de transformer sa salive en quelque chose de si épais qu’elle eut l’impression d’avaler un galet et qui la fit aussi ciller lorsqu’elle le sentit la contourner. Son souffle s’affola légèrement lorsqu’elle entendit ses pas dans son dos mais elle s’obligea au calme. S’il avait voulu la tuer, elle serait morte sur l’instant or ce n’était pas le cas.

    “C’est une arme.” Songea-t-elle alors que sa voix rocailleuse lui parvenait d’une autre pièce. “Et elle est létale.” Conclut-elle quand les doigts froids se glissèrent dans la paume de sa main pour la guider jusqu’à un siège. Pour autant, elle ne cessa de se demander ce qu’il était advenu de l’homme et si c’était là, tout ce qu’il avait toujours voulu. C’était sans nul doute des questions qui ne la regardaient pas et si elle ne les posaient pas à voix haute, elle pouvait bien les garder au moins pour elle. Et pour Zelevas si l’occasion se présentait. Mais rien n’était jamais moins sûr avec les lèvres d’Hélénaïs, qui avaient la fâcheuse manie de ne pas savoir quand rester fermée.

    Ses griffes étaient habiles sur sa peau et leur menace, planant sur le tranchant, ne semblait pas lui être destinée. Sa bouche, néanmoins, resta close et elle écouta patiemment tout en ayant pleinement conscience du bandage qui prenait place autour de son doigt. Ce ne fut que lorsqu’elle sentit son poids près d’elle, sur l’accoudoir qu’elle tourna légèrement la tête dans sa direction, sans lever le menton.

    - Si je vous envie… ? C’était une question qu’elle ne s’était pas posée et qu’elle n’aurait jamais osé poser si lui ne l’avait pas fait. - Je… Ses lippes se pincèrent. - Je ne sais pas. Si elle lui jalousait ce qu’il possédait ? C’était certain. Hélénaïs avait toujours eu une âme aventureuse, de celles qui ne s'accommode pas d’une cage dorée, ni de chaînes et dont on peine à calmer les ardeurs. Enfant, elle avait mille fois rêvé à mille vies. Celles d’une aventurière, celles d’un soldat, celles d’une autre… Mais ses parents s’étaient attelés à la modeler pour la faire entrer dans la petite case qui lui était réservée, pas parce qu’ils ne l’aimaient pas ou déniait la personne qu’elle était mais parce que la vie lui avait fait présent d’un fardeau suffisamment lourd pour la faire plier. Ainsi elle était entrée dans cette case de son plein gré. Mais parfois, comme aujourd’hui, elle lui semblait bien trop petite. - Peut-être bien. Finit-elle par admettre alors que le cheminement de ses pensées éloignait la crainte qu’elle aurait dû continuer à ressentir. Quelque part dans la profondeur de son esprit, une lueur se mit à vivoter.

    Le silence s’installa dans la pièce, presque palpable.
    Encore une fois, la jeune femme n’avait que trop bien conscience de la présence d’Abraham tout près d’elle. Elle ne savait sur quel pied danser ni quelles étaient les limites qu’il imposerait à ses questions ; celles de sa curiosité étaient infinies.

    - Si vous vivez sans doute, sans peur, sans humanité, croyez-vous pouvoir servir ? Demanda-t-elle aux termes d’une réflexion qui lui parut éternelle. - Parce qu'au-delà d’un soldat, c’est ce que vous êtes, n’est-ce pas ? Une arme destinée à adorer la République. Mais ne servons-nous pas mieux ceux que nous aimons ? Sa tête se pencha légèrement sur le côté comme si elle se posait la question à elle-même et l'une de ses boucles blanches de lys roula sur sa tempe. - Vous seriez-vous damné pour votre seul plaisir ? Même si la question pouvait sembler ironique, elle la posait avec sérieux. Il lui était impensable de sacrifier sa vie pour une cause qu’elle ne croyait pas juste. - Si vous n’aimez, ni ne craignez rien, où y trouvez-vous votre intérêt, Abraham ? Dans la satisfaction que vous tirez de votre nouvelle puissance, j’imagine. Répondit-elle à sa place. - Mais je me demande, celui que vous étiez autrefois, est-ce ce qu’il voulait ? Cette fois, Hélénaïs leva le menton et tourna ses yeux aveugles vers l’endroit où elle supposait que le visage d’Abraham se trouvait.

    - Votre sort me terrifie. Avoua-t-elle dans un murmure. - Parce que je ne sais ce qu'il révèlerait de moi.

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  • Sam 27 Avr - 6:28
    Il y avait sans doute un aspect empreint d'une profonde perversion à cette volonté presque obsessionnelle qu'était devenue celle de Mortifère. Fixant de ses fausses prunelles le doux visage de la demoiselle qui s'était murée dans un silence prolongée, il se délectait d'une façon tout à fait malsaine des envies aisément perceptibles qui naissaient chez la Sénatrice. Savoir que sa monstruosité pouvait susciter la jalousie chez qui que ce fut constituait pour lui un plaisir immense mais dont il peinait toutefois à identifier les origines. Serait-ce par pure vilénie ou par volonté de faire profiter les autres de son absolue grandeur qu'il incitait cette pauvre jeune femme aveugle à se convertir à son tour en engeance tourmentée mêlant masses de chair tuméfiées et amalgames magiques ?

    C'était peut être encore autre chose. Ne voulait il pas, au fond, corrompre comme lui avait été corrompu ? Ôter à autrui son humanité afin de trouver une appartenance là où il ne s'en dénichait plus nulle part ?

    Soudain, Hélénaïs vint rompre le silence en s'ouvrant à lui, incluant avec audace des interrogations qu'il était sans doute inconvenant d'amener de la sorte mais qui, pour Mortifère, n'était qu'une occasion de plus de faire étalage de la richesse dont il croyait s'être pourvu. Dévorant la politicienne des yeux, il vit son sourire s'étendre et sentit que la conversation déjà grisante se faisait plus formidable encore. Il avait bien fait de lâcher les toiles d'araignées et les moutons de poussière au profit de cette invitée hors du commun. L'écoutant sans sourciller, il laissa planer l'accalmie pour feindre de s'accorder le temps d'une courtoise réflexion, masquant son enjouement du mieux qu'il le pouvait même si les réponses lui venaient tout naturellement. Avec un certain entrain, une fois encore, il répondit enfin :

    "Je suis le plus parfait serviteur de la République, très chère. Incorruptible, imprégné jusqu'à la moelle de l'histoire, de la philosophie et des valeurs de notre Nation. Mon jugement est inaltérable, ma psyché inviolable. Je prends chacune de mes décisions avec fermeté et conviction car rien ne vient obscurcir mes pensées. Comment ne pas aspirer à une telle clarté ?"

    Mortifère sembla pensif, l'espace d'un instant. Il inspecta la demeure de Zelevas et réalisa à quel point il la voyait aujourd'hui pour ce qu'elle était, la simple chaume d'un homme formidable, ni plus ni moins. Il ne ressentait plus l'affolement, l'envie de trop bien faire ou la peur de ne pas renvoyer à son mentor l'image adéquate. Il n'y avait rien, plus un soupçon d'angoisse déplacée ou d'égarement quelconque. Ce vide, en vérité, lui apportait une sérénité des plus profondes.

    "J'aime encore, madame. J'aime notre pays, j'aime son peuple et sa grandeur. J'aime être pour eux ce que je rêvais de devenir : un protecteur aussi inflexible que juste. J'ai certes été délesté d'une immense part de mes émotions superflues mais je ne suis pas pour autant la coquille vide que beaucoup préfèrent voir en moi. Je ne suis plus un homme, mais je ne suis pas qu'une arme."

    Son rictus s'élargit et il se pencha légèrement vers son interlocutrice avant d'ajouter :

    "Heureusement d'ailleurs, étant donné le prix que j'ai coûté à nos mécènes. N'est-ce pas ?"

    Il s'autorisa un rire aussi léger que profondément faux. Tout, chez Mortifère, semblait soit artificiel soit imprégné d'une malice trompeuse. Ce qu'il y avait de plus inquiétant, c'était que l'illusion était convaincante. Reprenant sa contenance trop rapidement, il enchaîna plus posément :

    "Je tire ma satisfaction de cette sensation indescriptible qui me vient en sachant que je suis précisément à ma place. J'œuvre pour rendre l'avenir de nos concitoyens radieux et chacune de mes missions constitue un pas en avant vers cet idéal. D'aucuns diront qu'une servitude dénuée de raison n'est que folie et je leur accorderais, mais les choses sont différentes. Je voulais devenir infaillible et je ne savais pas par où commencer, voyez vous ? Mes façonneurs m'ont ouvert la voie et depuis, je vois quel sentier je dois emprunter pour parvenir à cette fin."

    Puis il ajouta une note plus lugubre tout en apposant ses griffes métalliques sur le dossier du fauteuil dans une foule de cliquetis :

    "Je n'étais rien, madame, rien de plus qu'un médiocre désireux de renaître. Tenez, par exemple... face à une femme aussi impressionnante que vous, je n'aurais fut un temps pas su où me mettre. C'est grâce à cette métamorphose et à l'assurance qu'elle m'a offert que j'ai aujourd'hui la chance d'avoir en votre compagnie cette enrichissante conversation. Celui que j'étais vous aurait installée sur un fauteuil et aurait sans doute passer une paire d'heures à se morfondre dans un coin de la pièce, affecté par une maladive timidité qui l'aurait empêché de vous adresser la parole en attendant le retour du Sénateur Fraternitas. Le temps vous aurait semblé bien long, ne pensez-vous pas ?"

    Les derniers mots d'Hélénaïs, qui l'avaient davantage marqué que les autres, ne tardèrent pas à susciter une fervente réaction de sa part :

    "Par quelle idée êtes vous terrifiée, d'ailleurs ? Celle de supplanter les accomplissements de la femme que vous fûtes jadis ? Vous n'êtes pas définie par les émotions contradictoires et les pensées qui bataillent dans le vortex chaotique qu'est le tumulte spirituel. Vous êtes définie par vos décisions, vos actes et par la portée de ces derniers."

    Des mots lourds de sens, en vue de ce qu'avait commis le Cerbère quelques jours plus tôt, lors de ce fameux affrontement lors duquel il estimait "s'être illustré". Il manqua de poser une main sur l'épaule de la demoiselle mais considéra qu'une intrusion aussi directe dans son espace personnel risquait davantage de l'alarmer qu'autre chose et se ravisa donc pour se contenter de conclure :

    "Vous savez ce que révélerait chez vous une transformation similaire ? Que vous êtes prête à sortir du carcan dans lequel on souhaite vous emprisonner pour accomplir vos véritables desseins. Vous seriez vue par vos pairs comme la battante que vous avez toujours été. Déverrouiller votre plein potentiel ne devrait pas vous effrayer. Vous avez peur, mais vous vous projetez déjà. N'ai-je pas raison ?"

    "Déjà", un moyen peu subtil d'amener implicitement l'idée selon laquelle il avait les moyens de l'y aider.

    Il ricana brièvement :

    "Avec tout le respect que je vous dois, cela va de soi. N'hésitez pas à me faire taire si je me montre trop intrusif."
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  • Sam 27 Avr - 22:42
    Hélénaïs avait l’impression que l’air était en train de manquer à ses poumons. Pour la première fois depuis longtemps elle espérait. C’était une émotion qu'elle ne s'était autorisée car depuis longtemps déjà, elle s’était sut condamnée. L’enfant qu’elle était n’avait jamais craint la maladie, c’était l’adolescente puis l’adulte qui l’avait fait. C’était ses elles du passé qui avaient pleurées, criées et méprisées le monde entier pour son unique malheur. Jusqu’à ce que la jeune adulte se fasse une raison, qu’elle comprenne que c’était ainsi et que ses lamentations n’y changeraient rien. Son enfance avait été occupée à voguer de médecins en guérisseurs, de soigneurs en herboristes. Elle avait visité les quatre coins du Sekaï et ses parents avaient dépensés une véritable fortune dans l’espoir de la soigner. Mais rien n’avait fonctionné, alors Hélénaïs n’avait plus voulu espérer. Elle avait préféré se faire une raison. L’abnégation était un talent rare qu’elle était parvenu à apprivoiser. Peu à peu sa vue s’était mise à décliner jusqu’à ce qu’elle ne la perde complètement. Ce jour, anodin et pourtant prévisible, n’avait pas épargné son esprit. Il lui était impossible de l’oublier, tant et si bien qu’elle n’avait jamais été capable d’en parler à qui que ce soit. Elle ne le voulait pas non plus. Néanmoins, aujourd’hui, dans cette maison ancestrale, un illustre inconnu aux mœurs étranges venait de rallumer les braises d’un feu pourtant éteint.

    - C’est impossible… Souffla-t-elle. Si les plus illustres érudits n’avaient pas réussi presque trente ans auparavant, elle peinait à imaginer comment ils pourraient y parvenir aujourd’hui. De plus elle et Abraham étaient sans aucun doute complètement différents, tout laissait à penser que les parties du corps qui avaient été changées chez lui étaient saines. Médiocres mais saines. Du moins c’était ce qu’elle supposait car elle ne pouvait se fier qu’à son imagination et ce qu’il avait bien voulu lui “montrer”.

    - Je n’ai… Je ne sais pas… Chose rare, Hélénaïs bredouilla.

    Tout se bousculait dans sa tête. Les mots du soldat à ses côtés étaient autant de flèches qui venait se ficher dans la cible qu’elle était, droit au but. Ses phalanges serrèrent machinalement le tissu bleu ciel de sa robe, au niveau de la cuisse, jusqu’à ce que ses jointures ne pâlissent.

    - Mes pairs… Sont des politiciens. Tout comme moi. Ils se fichent bien que je sorte de mon carcan et en sortir ne changera pas ma vie. Vous avez été conçu pour vous battre mais ce n’est pas mon cas… Elle avait parlé d’une traite, si bien qu’elle du prendre une grande inspiration avant de poursuivre. - La paperasse ne nécessite pas de voir. Soupira-t-elle enfin.

    Ses doigts relâchèrent sa robe qu’elle lissa d’un air absent.

    - Les plus grands guérisseurs se sont déjà penchés sur mon cas et s’y sont cassés les dents. Il n’y a rien que l’on puisse faire. C’était une triste réalité mais c’était la sienne, elle devait s’en accommoder. - Cela me convient. C’était un mensonge. - Et quand bien même, je ne suis qu’humaine. Je n’ai pas… Elle eut un rire presque nerveux qui agita ses minces épaules. - Plusieurs décennies devant moi. Je serais incapable d’apprendre quoi que ce soit d’autres et d’y exceller aussi vite. Presque trente ans et il lui semblait pourtant qu’elle n’avait rien accompli. Pourtant son parcours était émérite, quoi qu’il n’avait rien de particulièrement mirobolant. Mais Hélénaïs n’était pas de ces femmes faites pour sortir du lot, elle était dans la moyenne discrète et jusqu’ici, elle avait toujours su composer avec. Jusqu’à ce que son pays, sa ville soit mis à feu et à sang par l'ennemi. D’un mouvement de tête, elle balaya ses pensées, les repoussa de toutes ses forces jusqu’à ce qu’elles ne soient tenu en respect dans un recoin de son esprit qu’elle se força à museler.

    Un silence lourd comme une chape de plomb tomba sur eux. Hélénaïs se contenta de prendre sa tasse mais quand elle posa les lèvres sur le rebord et que le liquide effleura ses lèvres, elle constata qu’il était froid. Elle le reposa sur la table avant de se lever de son siège. La présence d’Abraham lui semblait brusquement écrasante, comme si ses doutes, ses pensées et ses désirs les plus secrets avaient été fait homme.

    - Je suis désolée. C’était inconvenant. Admit-elle après avoir longé le dos du fauteuil en face du sien du bout des doigts, pour se guider jusqu’à la fenêtre où elle percevait aisément le tambour de la pluie sur les carreaux. La fraîcheur du verre était agréable et elle aurait aimé pouvoir y poser le front. Au moins pour apaiser son esprit qui lui donnait l’impression d’être incandescent.

    - Abraham, demanda-t-elle, - Pourquoi auriez-vous eut peur de moi, autrefois ? “Si ça ce n'est pas inconvenant !” Se gourmanda-t-elle avant de chasser la question d’un geste de la main. - Oubliez. Elle se fendit d’un sourire fallacieux, car c’était aussi cela, la politique, un jeu de dupe dont les masques étaient la première armes. - Qui vous a façonné, comme vous le dites ? La véritable question qui lui brûlait les lèvres était “comment” mais elle en craignait la réponse.

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  • Dim 28 Avr - 4:45
    Hélénaïs s'éloigna et le soldat se contenta de la suivre du regard. La cuirasse de la demoiselle se brisait lentement, ce pour le grand plaisir de celui qui se complaisait dans sa propre aliénation. Lorsqu'elle se figea face à la fenêtre contre laquelle la pluie battait à tout rompre, il lui accorda un instant de tranquillité, un bref moment afin de recoller les morceaux de cette contenance qu'il savait ébréchée. Qu'elle l'admette ou non, Mortifère gagnait du terrain à mesure que leur échange progressait et ce qui était plus alléchant encore, c'était qu'elle n'avait pas souhaité pour l'heure mettre un point final à cette discussion qui, pourtant, la heurtait sans l'ombre d'un doute.

    Lorsqu'il entendit son nom d'origine, sa tête pivota légèrement en direction de la jeune femme et sa paire d'yeux rougeoyants vinrent se river sur elle. En effet, elle ne souhaitait pas écourter, sa curiosité dévorante s'étant déjà faite trop grande pour son propre bien. Sa première question, comme les hésitations qui suivirent, ne manqua pas d'éveiller chez le monstre d'acier un nouvel éclat de malice. Il quitta son assise et vint joindre ses mains dans son dos, foulant le sol avec lenteur pour venir se joindre à la Sénatrice auprès de la fenêtre à travers de laquelle, lui, pouvait voir la beauté sauvage du jardin de son mentor.

    Faisant mine d'ignorer d'abord l'interrogation que son interlocutrice déboussolée avait exprimé, il répondit à l'autre à la place, ce avec une filouterie plus qu'évidente ainsi qu'un esprit de jeu contrastant formidablement avec la panique palpable de la politicienne :

    "C'est un secret !"

    Un ricanement furtif lui échappa et, tout en s'approchant un peu plus de la demoiselle, il ajouta un demi-ton plus bas:

    "Je ne communique l'identité de mon père qu'à mes futurs confrères et consœurs."

    Un léger indice concernant le Docteur, un risque que prenait le fauve avec une audace grandissante. Une entité démoniaque par essence, vile comme la plus virulente des pestes et qui se délectait avec une franche voracité du chaos planant sur le Sekaï. Considérant cet être abject comme son plus proche parent, Mortifère avait occulté jusqu'à l'existence de ses véritables géniteurs et se voyait aujourd'hui comme le fils unique du diable au masque corbin. Il n'y eut après ce semblant de révélation couplée à une invitation maquillée qu'un instant de battement et Mortifère reprit, toujours aussi narquoisement :

    "Votre autre demande ne me dérange guère. Je vous y réponds ouvertement..."

    C'était sûrement pour se préserver de la réponse qu'elle avait tenté de lui faire oublier la question et non pas pour égard pour son hôte qu'elle avait fait marche arrière mais celui-ci s'en moquait. Désormais si proche d'Hélénaïs que ses longs cheveux noirs manquaient de toucher l'épaule de la demoiselle, Mortifère lança :

    "L'homme que j'étais refusait d'admettre que les femmes l'effrayaient, ce qui était d'autant plus vrai lorsqu'elles avaient du pouvoir. Anxieux en leur présence, il craignait toujours d'agir de manière inconvenante et redoutait l'hypothèse de pouvoir éventuellement s'attirer leur affection. S'estimant peu méritant, inapte et trop insignifiant, il préférait les fuir que de se confronter à elles."

    S'amusant de sa propre faiblesse, il rit de plus belle avant de conclure sur cette lancée avec goguenardise :

    "Cette peur irrationnelle était sans doute l'un de mes plus grands fardeaux. M'en être débarrassé est une véritable bénédiction."

    Irrationnelle, mais nullement dénuée de source. Les obscures origines de cette frayeur qui avait si longtemps été la sienne étaient un sujet que même aujourd'hui, Mortifère n'évoquait pas sans frustration. Elle constituait l'un des rares vestiges de ses fragilités d'antan, un aspect détestable de sa personne qu'il tâchait de rayer du mieux qu'il le pouvait. Se redressant pour éloigner son visage de celui d'Hélénaïs, il inspecta distraitement les gouttelettes qui achevaient leurs courses contre la vitre ou encore dans quelques pots de fleur laissés à l'abandon par leur propriétaire.

    Le silence demeura, étouffant au point d'en devenir insoutenable mais Mortifère, ne s'imposant pas toujours comme tortionnaire, le brisa subitement :

    "Vos "meilleurs" guérisseurs ne valent pas un clou. Lui, il vous rendrait vos yeux."

    Il bifurqua en sa direction, cherchant à déchiffrer ses réactions, avant d'ajouter :

    "Mon père, je veux dire. Il en serait capable."

    Son ton se fit plus grave, plus intense :

    "Sachez cependant qu'accepter de le rencontrer, c'est aussi accepter de placer votre destin entre ses mains. Il n'y aura pas de retour en arrière."

    Souriant de plus belle, il se tourna à nouveau vers la fenêtre pour écouter la pluie.

    "Pensez y. Vous n'êtes pas faite pour vous battre ? Fort bien. Pour quoi êtes-vous faite, en ce cas ?"
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  • Dim 28 Avr - 22:35
    Il fallait plus qu’une bonne dose de courage à Hélénaïs pour continuer de tourner le dos à Abraham. C’était idiot puisque de face, elle n’aurait rien vu arriver non plus, pourtant elle se sentait vulnérable ainsi et ce fut bien pire lorsqu’elle sentit sa présence toute proche. Les relents d’huile et de parfums étaient fort, son souffle venait heurtait le côté droit de sa nuque dont les cheveux étaient relevés en un chignon désordonné. Mais ce qui aurait dû être de la crainte ne l’était pas complètement. Elle reconnut le frisson de l’excitation au milieu de celui de la peur ; cela la terrifia plus encore. Abraham était en train d’enfoncer des portes qu’elle n’avait jamais osé ouvrir. Il était, par de simples mots, en train de balayer les décisions de toute une vie. Quoique la jeune De Casteille puisse en dire, elle ne pouvait nier que cette conversation avait le pouvoir de changer son existence. Peut-être était-ce déjà le cas, peut-être qu’en écoutant simplement le soldat elle avait mis un pied sur un chemin plus tortueux que celui que l’on avait dessiné pour elle. Cette idée lui plaisait, Hélénaïs n’avait jamais été faite pour la facilité.

    Son cœur battait contre ses côtes avec tellement de force qu’elle avait l’impression que tout le monde pouvait l’entendre. Elle s’obligeait au calme avec peine, calculant chacune de ses respirations pour l’empêcher de s’emballer. Mais la perspective de revoir… Elle secoua la tête comme pour chasser ses pensées. Personne n’avait réussi et personne ne réussirait parce qu’il en allait ainsi avec certaines choses. La magie de ce monde était aussi belle que cruelle, elle était redoutable et Hélénaïs en ferait les frais jusqu’à la fin de ses jours. De plus, elle n’était pas certaine d’avoir les épaules pour payer un prix aussi élevé que l’avait fait Abraham. Il était certain qu’elle n’avait ni le même passé, ni la même force de caractère.

    La flamme de l’espoir sembla brusquement vaciller. Que serait-elle prête à sacrifier pour retrouver la vue ? Elle songea à toutes ces choses qu’elle était en train d’oublier : la couleur du ciel d’été, le visage de ses parents, celui de ses amants, les contours du domaine De Casteille dans l’aube des matins d’hiver, toutes ces choses s’effaçaient jour après jour et si elle tentait péniblement de conserver une image à l’aide de ses doigts, en imprimant les traits des choses qu’elle touchait comme elle l’avait fait avec Abraham ou en utilisant la lecture d’esprit pour voir ce qu’Emérée lui transmettait. Mais tout cela revenait à regarder le monde par la fente d’une minuscule serrure, à grappiller des instants volés chez ceux qui acceptaient de lui faire l’aumône, à se terrer quand tous les autres allaient au front. Et ce n'était rien face à ce qu'elle pourrait accomplir si seulement, elle pouvait voir.

    - Comment le pourrait-il ? Ses mots n’étaient qu’un murmure, si bas qu’elle ne fut pas sûre qu’il puisse l’entendre. Ses mains s’appuyèrent sur le rebord de la fenêtre et elle laissa finalement son front reposer contre la vitre. Une auréole de buée se créa tout autour. “Au diable les convenances !” Pesta-t-elle intérieurement, en sachant pertinemment qu’elle n’en avait, de toutes façons, respectées aucunes. Par les dieux si son père où Zelevas la voyait, que diraient-ils ? Hélénaïs grimaça à cette pensée. Elle préférait ne pas en connaître la réponse. Tout comme celle de sa dernière question. Pour quoi était-elle faite ? La réponse qui lui venait naturellement était : ce qu’elle faisait déjà. Gérer le domaine de feu son père et occuper sa place au sénat. Mais était-ce véritablement sa place ou était-ce son rêve à lui ? Pour la première fois de sa vie, la jeune femme regarda le prisme de sa vie sous un angle différent et ce qu’elle vit ne lui plut guère.

    Hélénaïs arracha son front à la vitre où le dessin de ses cheveux bouclés étaient imprimés sur la couche d’humidité. Elle inspira profondément, ferma les yeux et rassembla laborieusement les morceaux de sa confiance ébréchée. Jamais elle n’aurait imaginé que cette visite puisse se dérouler de cette manière et aussi incongrue fut cette rencontre, elle se rendit compte qu’elle lui avait apporté peut-être plus de réponses que quiconque n’aurait pu le faire mais les questions qu’il avait fait naître étaient plus nombreuses encore.

    Quand elle rouvrit les yeux, la jeune De Casteille arborait à nouveau son sourire nonchalant mais dans ses iris mornes l’on devinait sans peine les fêlures qui venaient de s’y imprimer. Tendant la main, elle la déposa avec douceur sur le bras d’Abraham.

    - Je vous remercie pour cette… Conversation, Abraham. Dit-elle d’une voix plus atone qu’elle ne l’aurait dû. - Peut-être un jour pourriez-vous m’en dire pl…  Mais ses mots moururent sur ses lèvres lorsque le bruit des pas dans le couloir annonça la venue de celui qu’elle attendait. Hélénaïs eut tout juste le temps de se retourner que le porte s’était déjà ouverte.

    - Sénateur, cela faisait longtemps. Comment vous portez-vous ? Demanda-t-elle d'un ton un peu trop précipité et avec un sourire qui ne remontait pas jusqu’aux oreilles. - J’espère que vous me pardonnerez ma visite inopinée.
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  • Lun 29 Avr - 2:34
    La tête d'Hélénaïs se posa contre la vitre glacée. Ses yeux ne pouvaient voir mais demeuraient un parfait miroir de l'âme et reflétaient l'ébranlement de toutes les incomplètes fondations de son existence bancale. Mortifère se plut à lire la profonde confusion dans le regard si fixe de son interlocutrice et, s'étant habitué désormais à la cécité de la demoiselle, il ne prit pas la peine de maquiller le sourire malsain qui voulait tant prendre place sur son faciès monstrueux. Pour la première fois, il était parvenu à insinuer en autrui les germes de sa propre perdition, faisant chuter une autre âme au creux de ce puits sans fond dans lequel il s'était jeté à corps perdu.

    Le silence fut grisant et Mortifère tâcher de conserver son mutisme courtois, laissant à nouveau les réflexions prendre forme dans l'esprit de la politicienne qui, contre toute attente, vint répondre sans le savoir au rictus du dément par une risette absolument radieuse. Charmé par la douceur de ces traits qui, quelques instants plus tôt, avaient paru si troublés par le poids de questionnements déchirants; Abraham haussa un sourcil avec intérêt lorsque la jeune femme se risqua à poser sa main sur la prothèse contre laquelle, pourtant, elle s'était précédemment blessée. La crainte n'avait donc constitué qu'une entrée en matière pour ensuite fleurir en un intérêt évident.

    "Tout le plaisir est pour moi, très chère."

    Il posa aimablement les griffes d'acier au dos de la petite main de la jeune femme, lui offrant un soutien sans doute tout aussi artificiel que le seraient ces yeux qu'il lui faisait miroiter. Elle reprit la parole mais fut coupée au terme de son affirmation par l'arrivée impromptue de l'homme auquel elle était initialement venue rendre visite. Reconnaissant au rythme des pas ainsi qu'au bruit des chausses contre le sol celui qu'il était chargé de protéger le plus clair de son temps, Mortifère retira ses serres de la dextre d'Hélénaïs, la laissant s'éloigner de lui avant qu'elle s'en vienne accueillir le nouvel arrivant.

    Reconnaissant dans sa précipitation ainsi que dans les hautes inflexions de la voix de la politicienne les signaux trahissant son état d'esprit, Mortifère se félicita d'avoir su la "divertir" à sa façon durant cette attente qui, au final, s'était avérée bien plus récréative qu'il ne l'aurait supposé de prime abord. Les iris mécanisés rivés droit sur le dos de la jeune femme qui s'éloignait de lui, Mortifère laissa un léger soufflement nasal lui échapper en s'amusant du résultat de la conversation puis bifurqua, disparaissant dans les ombres de la demeure dans un furtif crépitement électrique pour redevenir le gardien invisible du domaine.

    Les pas du colosse mécanique résonnèrent encore quelques instants puis se firent muets, masquant ainsi toute trace de sa présence. Loin de pouvoir un jour oublier cette fascinante rencontre, le monstre nota intérieurement qu'il serait de bon ton d'informer son façonneur de l'éventuelle venue d'une toute nouvelle cobaye, une jeune femme méritant à n'en pas douter sa plus pleine attention.
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