Vous le voyez arriver ? Enfin, ça ne devrait pas être une surprise.

- Ferme le fion qui t’sert de bouche au lieu de déblatérer d’la merde, sale fils de pute !

L’insecte volant qui parle mal et qui fait des doigts là-bas, c’est noire de jais. Tellement d’énergie dans un si petit corps… et la grande gueule d’un oni de surcroît. Franchement, qu'elle ait survécu aussi longtemps sans se faire écraser comme une vulgaire mouche relève du miracle. Elle peut remercier sa bonne étoile, son ange gardien et les divins en même temps. Une confiance en soi débordante, proche du narcissisme et de l’égocentrisme… Pas étonnant que personne n’arrive à la pifer. Pourtant, on pourrait se dire qu’avec sa taille miniature, elle doit au pire être un petit machin mignon. Mignon ? Ha ! Eh bien, c’est raté. Il n’y a pas plus de mignon chez elle que chez une tique (si vous trouvez ça mignon, sachez que je vous juge). En parlant de parasite, elle en est un, autant pour faire du bruit (et bonjour l’acouphène) que pour survivre sur le dos des plus forts que sa petite personne. Ça, pour utiliser les autres, elle est une championne. C’est une faux-cul par excellence, tellement hypocrite qu’elle devrait être un cas à étudier. Elle se fiche de tout et de tout le monde, car tout ce qui compte, c’est qu’elle s’amuse. Et le jour où elle n’a plus besoin de quelqu’un, rien ne sert d’espérer qu’elle va lui venir en aide. À la revoyure ! Aucune pitié et zéro tact. Sarcastique et moqueuse, elle se fait un malin plaisir à rabaisser ses victimes plus bas que terre. Tout pour passer le temps…



Si elle a été nommée noire de jais, c’est en référence à ses ailes de fae, recouvertes de plumes semblables à celles d’un corbeau. Cela en fait un bel oiseau de malheur, elle aussi. Sa peau, jusqu’à sa chair et même ses entrailles sont en nuances de bleu. D’ailleurs, son sang l’est tout autant. Ses yeux sont deux petits orbes lumineux, aux pupilles de chat.

Trois-cent ans, c’est long, quand il n’y a presque rien d’intéressant à raconter… Il faut savoir qu’à la base, noire de jais s’appelait féline (oui, juste ça). Elle n’était pas toute bleue comme une myrtille, pas plus que ses ailes avaient des plumes. Elle ressemblait davantage à une humaine miniature, avec la peau claire, des cheveux blonds comme les blés et des yeux bleus. Néanmoins, à l’époque ses pupilles étaient déjà fendues comme celles d’un chat, d’où son nom. Elle était altruiste, une fae intelligente et érudite vivant en pleine nature avec sa communauté, dans les alentours de Bénédictus. Elle et les siens ne se mélangeaient pas aux autres races. Ces faes étaient craintives et il était rare d’en apercevoir tellement elles tenaient à protéger leur quiétude. Dans leurs croyances, leur essence vitale était directement liée à celle de l’arbre-monde, faisant qu’elles étaient particulièrement attentives à la divinité qu’elles considéraient comme la "nourricière", mère nature. Il y avait peut-être du vrai là-dedans, puisque l’origine des faes remonte à la nuit des temps et que l’arbre-monde a toujours figuré dans leurs récits. Féline n’avait pas plus de raisons de quitter la forêt, que de se soucier des affaires du reste des mortels. Jusqu’au retour des titans et la corruption des terres sacrées de Shoumei. Les faes comprirent très vite que quelque chose n’allait pas. Certaines réussirent à prendre la fuite, quant aux autres, il était déjà trop tard.



À mesure que leur divinité mère perdait ses feuilles et se tintait de mort, féline et les autres envahies par le désespoir, se voyaient changer irréversiblement. Celles qui avant étaient pacifiques, devinrent agressives, de réelles petites pestes. Elles se laissèrent corrompre progressivement, au point où elles commencèrent même à se jouer des tours les unes aux autres, transformant leur solidarité passée en profond égoïsme (et si jamais vous vous posez la question, contrairement à l’arbre-monde, il n’y a plus de retour en arrière possible pour elles). Après peu de temps, elles furent contraintes de quitter leur foyer meurtri, car tout ce qui restait de vivant dans les environs mis à part elles, étaient les prédateurs nés du retour des titans.



Depuis lors, on retrouve les faes corrompues un peu partout dans le monde, mais surtout à l’ouest où elles sont restées en plus grand nombre. Elles jouent des tours pour les plus inoffensives… Et la plupart d’entre-elles vit aux crochets des races les plus susceptibles de survivre à ce qui les attend depuis le retour des divins. Elles sont cachées dans les recoins les plus sombres et les trous d‘où on peut les entendre courir et rire de leurs voix stridentes. Véritable fléau, beaucoup ont déjà essayé de les exterminer, mais elles se montrent malignes et elles ne sont donc pas à sous-estimer. Si elles envahissent les murs d’une bâtisse, la meilleure chose qu’il reste à faire est de plier bagages et de brûler le lieux, avant de devenir complètement fou. Certaines rumeurs racontent que depuis leur corruption, elles se nourriraient de chair et que seuls les os de propriétaires infortunés auraient été retrouvés dans leur logis infesté par la vermine… Pour ce qui est de noire de jais, elle a décidé de partir à la recherche de ce qui ou qui la fera bien rire, car tout ce qui l’intéresse désormais est de s’amuser aux dépens des autres.

culte des divins, corruption de l’arbre-monde