Et qui es-tu toi ? Demanda un jour un malandrin, attendant le retour de son patron, lorgnant avec dédain sur le petit lézard au service de la brute à écailles qui leur pourrissait leurs affaires bien installées. Qui je suis moi ? Avais répondu le reptile humanoïde. Ses mires rosées avaient pétillé sous l'effet de la réflexion, et bien des réponses lui étaient venues, sur le bout de sa langue fourchue.

Il était l'éclaireur de la géante, allant là où elle ne pouvait, rabattant proie et ennemi vers elle. A son service sans flancher, toute sa vie, ayant déjà manqué la perdre dans l'affaire, l'ayant déjà vu risquer gros pour lui.

Il était un magicien. Aux compétences limitées, la faute à une formation éclaire grâce à un échange de bon procédé entre la truande et un mage embourbé dans des affaires douteuses. Mais un mage quand même. Même s'il ne se voyait pas porter un chapeau pointu.

Il était l'assassin que l'on ne redoutait pas. A part inspirer du dégoût aux grandes peaux nues, son apparence ne les impressionnait guère. Et pourtant... La vie difficile dans la jungle, les affaires douteuses où l'autre pouvait s'esclaffer avec vous comme tenter de vous planter, il en avait vu son content plus que bien des petits écailleux. Au point de s'en mêler, en vrai. D'apprendre à prendre par surprise, à trouver le point fragile, à être la petite mort que l'on a pas vu venir, et qui vous tire une dernière grimace avant le grand noir.

Il était... Un gamin. Dans l'ombre de la grande écailleuse, l'ayant redouté bien longtemps, l'adorant à présent, l'ayant prise pour un monstre, la considérant un peu comme sa mère maintenant. En ayant vu trop à cause d'elle, voulant en voir plus avec elle. Mais jamais seul, car le monde lui parait bien vaste, loin de la gueule garnie de crocs où il trouvait refuge quand il était encore assez petit. Et quand bien même il œuvre parfois loin de sa patronne, il n'en est que plus content de lui revenir, pour la voir satisfaite.

Il était Lyu. C'était beaucoup, et pas assez, en un sens.

Parce que tu sais toi ? Avais-t-il fini par répondre en se grattant une écaille. Et peut-être fut-ce la brutale sincérité de son ton, ou la difficulté que le gars rencontra à lire un faciès pas assez humain à son goût, mais tous deux se regardèrent un instant, tels deux poissons ayant fermé la bouche, les yeux grands ouverts sur l'immensité d'une existence chaotique. Lyu ne pouvait loucher, mais le gars lui, le fit.