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À l’approche de l’année électorale il est de plus en plus rare pour Zelevas d’effectuer des journées complètes de travail en tant que Directeur de la Societas, pourtant ce lundi en était une. Il avait effectué un inventaire complet des dernières transactions des comptoires de grandes villes républicaines et ça lui a siphonné la quasi totalité de son temps, en ressortant du bureau du Gouverneur de Courage il passe dans le hall d’entrée du grand bâtiment administratif qui abrite le Comptoir de la cité, et en profite pour relever les correspondances en transit, on ne sait jamais des fois que quelque chose le concerne. Zelevas commence à discuter avec l’employée en charge des communications quand une voix l’interpelle derrière lui.
”Monsieur le Directeur!”
En entendant le timbre si particulier de cette voix usée par les années de tabac et la fumée acariâtre des cigars, Zelevas se retourne en cherchant le Sous-Gouverneur du regard, jusqu’à trouver le petit gobelin trapu qui trottine en sa direction, traînant avec lui sa lourde bedaine. Un type compétent que le vieux Sénateur connait depuis qu’il est en service à la SSG, son seul problème étant sa propension disgracieuse à se laisser aller dans les excès, notamment quand il s’agit d’épicurisme.
”Holmes.”
Le gobelin à la peau marronâtre s’immobilise devant lui, rattrapant son souffle dû à sa descente précipitée des escaliers, il est en nage, il semble avoir déjà couru depuis un moment. Une fois son haleine récupérée, il tends une lettre à son supérieur.
”Huff, vous allez à la réunion du conseil dans trois jours n’est-ce pas?”
”Bien sûr. Pourquoi donc?” Le vieil homme saisi machinalement la lettre qu’on lui tend, inspectant le sceau des Sept Gardiens à la cire rouge sur l’enveloppe et le nom du Directeur de l’Expédition. ”Voulez-vous que je donne ça à…”
”Ouais, hhaaa, ouais ouais, c’est urgent alors je lui env… enverrai une copie aussi à son domicile mais faut vrai… vraiment qu’il vienne…” Le ton alarmé de sa voix ne présage rien de bon augure.
”Que se passe-t’il? Vous avez l’air paniqué Holmes.” Si tant est qu’il est autorisé à en prendre connaissance, le problème n’est pas forcément de son domaine si c’est l’Expédition qui est demandé.
”On a…” Cette fois la pause n’est pas due à la fatigue mais à la réflexion. ”Oh et puis merde vous êtes Directeur aussi hein, on a des marchandises illégales et elles sont dangereuses au transport mais on a eu un problème avec leur stockage et leur livraison.” Puis, devant le sourcil levé d’interrogation de Zelevas, il enchaîne. ”Si vous avez un peu de temps, je peux vous montrer.”
Le Sénateur grimace en entendant la proposition, et après un soupir de dépit, il finit par acquiescer à la requête de son employé, entre les différentes casquettes qu’il a à porter il est toujours débordé et le peu de temps qu’il parvient à passer avachi chez lui dans un fauteuil au coin du feu à lire un livre est toujours précieux à ses yeux, mais quand le travail appelle, il faut répondre.
”Allez. Montrez moi ça.”
Ils font route ensemble à l’extérieur du bâtiment pour sinuer les rues du bord de la ville. Il n’est pas encore trop tard, mais le soleil s’est déjà couché depuis une heure dans ces courtes journées hivernales. Bien emmitouflé dans le lourd manteau en fourrure qu’il ne quitte jamais en publique, Zelevas n’a pas autant froid que le gobelin simplement vêtu d’un tabarro par dessus sa fine chemise en cotton. Des trois grandes villes de République, Courage est celle que le Sénateur militariste apprécie paradoxalement le moins, que ce soit son passé militaire qui revienne au galop en marchant dans les rues pavées sinueuses du bastion de la nation, ou parce que l’architecture étriquée et entortillée des allées produit une sensation claustrophobe en comparaison de Liberty ou de Justice, il ne s’y trouve pas à l’aise. Fort heureusement présence militaire conséquente dans la ville signifie aussi que c’est un des endroits de République dont les bas-quartiers, près des ports, sont également les plus sécurisés, et le duo ne craint pas vraiment de faire de mauvaises rencontres quand bien même le noir domine les cieux et conquit la mer. Arrivé devant les portes de l’entrepôt principal de la Societas, ils empruntent un passage étroit entre le bâtiment aux tuiles rouges et le mur qui le sépare de la rue, pour passer derrière et rejoindre une deuxième maison de stockage, réservée aux marchandises spéciales et/ou compromettantes. Si la SSG ne fait officiellement pas dans le trafic illégal, il leur arrive parfois de ne pas s’interroger plus que ça sur le contenu de certaines cargaisons tant que l’argent est versé dans les bonnes mains et que la nature des chargements évite tout problème à ceux qui les transporte. Ici, ils semblent avoir été mordus par le retour du bâton. Le gobelin s’approche d’une des portes de service destinées au personnel et sort un trousseau pour en déverrouiller la serrure, l’intérieur est éclairé par des lampes magiques de Melorn, et derrière la porte deux autres gros bras les attendent, des servants de l’entrepôt dont les muscles sont mis à profit pour bouger les caisses, sacs, paniers et opérer les grues de chargement.
”Allez suivez moi, on va avoir besoin de vous.”
Les types obéissent en grommelant et Zelevas les suit un peu en retrait, déviant son regard sur les caisses, les coffres, les toiles empilées de matériaux exotiques et précieux, les objets disposés sur des étagères dont il ne peut identifier la fonction, si elle n’est décorative ou magique, et les diverses piles de tapis et autres objets de luxe. En tant que Directeur de la Comptabilité, il ne voit ces richesses étalées qu’une fois qu’elles sont éparpillées et parvenues chez les clients de la Societas, mais voir ainsi de ses yeux un tel concentré de marchandises précieuses est impressionnant pour quelqu’un qui n’a que l’habitude de jongler avec les chiffres abstraits qu’elles représentes. Il laisse un petit sourire amusé prendre place sur son visage, mais pas pour longtemps, il s’efface bientôt quand son nez repère une odeur effroyable qui vient soulever ses tripes avec des souvenirs peu plaisants.
Une odeur de mort.
Une fragrance qu’il n’avait pas eu l’occasion de sentir depuis des jours de Limier qu’il avait joyeusement rangé derrière lui, cette pestilence qui l’écoeure ramène à la surface les souvenirs d’enquête, découvrir des scènes macabres au passage d’une porte entrebâillée, en entrant dans une maison trop silencieuse, en déterrant une terre trop fraîche. En passant dans le Razkaal même devant une cellule trop calme. Les yeux de Zelevas se plissent alors qu’il fronce les narines, renfrognant un peu plus les rides de son visage déjà nombreuses à cause de son âge. L’odeur se renforce encore lorsqu’ils arrivent enfin au fond de l’entrepôt. Une caisse de transport de la SSG gît sur le sol, fracassée par terre et répandant son contenu à l’air libre, devant le regard horrifié du Sénateur. Lorsqu’il fait son commentaire, sa voix est plus maîtrisée que l’expression écarquillée de ses yeux.
”Lugubre.”
Au milieu des planches de bois éventrées, des squelettes humanoïdes entiers, ornés du peu de chair qui leur reste, reposent sur le sol en vrac. Leurs membres décharnés se sont disloqués dans la chute du conteneur et il ne se demande pas plus loin d’où vient l’odeur de putréfaction. Il remarque tout de même la peinture violette sur le bois déchiré de la caisse.
”Que signifie la peinture?”
”Marchandise perdues. Je vous ai dit ce sont celles qu’on a récupéré sur le bâteau fantôme y’a à peine deux semaines, on les a ramené ici parce que c’était la destination du navire mais visiblement l’ordre de livraison s’est perdu ou le carnet était incomplet parce qu’on a pas de destinataire pour tout ça. On aurait pas su ce qu’il y avait dedans s’ils avaient pas fait tombé la caisse en la rangeant.” Holmes désigne les deux gaillards à ses cotés.
”Tout ça? Y’en a d’autres?”
Holmes pointe vers la droite de Zelevas, désignant une rangée d’autres caissons en apparence similaires, tous marqués du sigle violet de la Liberum Armada.
”Vous allez m’ouvrir tout ça, et vous en débarrasser si leurs contenus sont du même gabarit que celui-ci.”
Les deux gorilles qui les accompagnent saisissent tout deux des pieds de biche et s’approchent d’une autre caisse, les clous sautent, le bois grince, le couvercle tombe et immédiatement tous ont un mouvement de recul. Fraternitas porte un mouchoir à son nez, respirant par la bouche pour éviter de se faire assaillir encore plus par l'éruption de puanteur macabre qui a soudainement envahi l’air. À l’intérieur, un autre corps, cette fois armuré et casqué, mais tout aussi mort que les précédent, présentant même des marques de mutilation.
”Bordel de mer-”
***
Son mal de crâne lui vrille les tempes. Pourtant ce n’est pas quelque chose qui le cloue ordinairement au lit, l’influence de la forteresse du Razkaal et la corruption continuelle de ses gardiens l’avait rodé et il en faut plus qu’une simple migraine pour réellement le déranger. Cependant il souffre sans doute de plus qu’une simple migraine, parce qu’on ne meurt généralement pas, d’une migraine. Cloîtré chez lui dans le Manoir des Fraternitas à Justice, Zelevas ressent une torpeur qu’il n’avait pas éprouvé depuis extrêmement longtemps, il avait rarement craint pour sa vie, bravant souvent les menaces de mort de ses confrères politiciens ou de simples malades fous à lier en les écartant d’un revers de la main. Aujourd’hui, abattu par la maladie, transpirant de sueur et d’épuisement, il applique continuellement des linges mouillés sur son front et ses tempes en espérant que le spécialiste ne tarde pas plus à venir. Quels cons ils avaient été, quel imprudence. Quelle imprudence! L’équipage fantôme ça aurait dû leur mettre la puce à l’oreille putain, retrouver un navire en haute mer, sans personne à bord, avec toutes les marchandises encore dans la calle. Maintenant ils savaient ce qui leur était arrivé. L’équipage du navire qui avait ramené les chargements perdus avaient succombé à la maladie à leur tour, terrassé en deux semaines par un mal étrange, et maintenant c’était au tour de Zelevas, Holmes et des équipiers de l’entrepôt de ressentir les premiers symptômes. Par soucis de le préserver, le Sénateur avait refusé qu’Himir son secrétaire ne s’occupe de lui à son chevet, préférant plutôt le lancer à la recherche du meilleur médecin possible. Il avait eu deux noms. Le premier est Nineveh de Basiléia qui n’était malheureusement pas disponible à ce moment là, et le deuxième… ce n’était même pas un nom en fait.
Vautré dans son canapé, faible, il entends le heurtoir de la porte d’entrée résonner et sa céphalée lui fait l’effet qu’on frappe directement dans son crâne, chaque coup provoquant un vacarme assourdissant dans sa tête. Il se redresse en s’aidant de ses mains sur les accoudoirs du meuble, craquant son dos rouillé et appuyant salement sur ses genoux douloureux. Ça au moins ce n’est pas dû à la maladie, simplement à son âge avancé. Ironique. Il se traîne lentement, sa forme est méconnaissable, le Sénateur d’habitude très soigneux de son apparence publique est mal rasé, ses cheveux usuellement plaqués en arrière retombent sur les côtés de son visage sale. La poussière omniprésente dans le Manoir délabré lui colle au visage à cause de la transpiration. Sa stature normalement toujours droite et impeccable, aux larges épaules dont l'importance est renforcée par la carrure de son manteau, a disparue au profit de son dos recroquevillé de convalescent en peine. Il traîne ses pieds dans ses chaussons à travers le séjour mal éclairé, tant pis mais il n’a pas la force d’ouvrir les rideaux, il passe dans le vestibule et ouvre enfin la porte.
Oubliant complètement sa maladie devant ce qui lui fait face, il se demande s’il est entrain d'halluciner à cause de la fièvre.
Citoyen de La République
Nahash
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Assis dans un fauteuil à la manufacture douteuse, j'observais différents écrits sur la médecine. Récupérés via des contacts de la pègre et directement issus de Magic, ces derniers me permettaient de voir à quel point les institutions républicaines étaient en retard sur l'art miraculeux de la science médicale et de l'alchimie. Quelque part, une profonde tristesse venait s'installer dans ma poitrine. Un gâchis. Tant de ressources jetées par dessus bord et gaspillées par une académie au financement infini. Tout cela au nom de l'éthique. Comme si c'était cette dernière qui était le vecteur du progrès. Comme si recoudre les chairs déchirées n'était pas salissant. Une médecine propre. Imbéciles. Voila ce qu'ils étaient. Des ignorants se croyant savants alors qu'ils se refusaient aux méthodes les plus efficaces et aux expériences pourtant nécessaires à la progression de la technique. Comme s'il n'avait pas fallu disséquer un corps pour en comprendre l'emplacement des organes. Comme s'il n'avait pas fallu observer le poison pour en créer l'antidote. Hypocrisie. Voila tout ce à quoi ils me faisaient penser. Repliant les papiers, je rangeais ces derniers dans ma sacoche dans un léger soupir à peine perceptible derrière mon masque. Si les écrits étaient attardés, ils n'en demeuraient pas moins des œuvres de science qui méritaient un respect minimum et je ne me voyais pas les jeter simplement ou les offrir au premier gougnafier m'approchant. En vérité, et malgré mes critiques, la nation bleue avait du potentiel. Elle se retrouvait moins "moralisatrice" que sa consœur reikoise. Enfin. Au moins à l'égard de son propre peuple. Peut-être était-ce à cause de leur mentalité s'articulant autour du profit? Ou bien était-ce grâce à l'influence grandissante de la pègre et des différents syndicats criminels? Je n'aurais sut le dire mais, dans mon cas précis, cela faisait bien mes affaires.
Une fois les papiers rangés, je me redressais doucement pour commencer à préparer diverses concoctions et autres potions de soins. Sans être capables de refermer les plaies, il s'agissait surtout de désinfectant, d'anesthésiant et d'autres anti inflammatoires. Cela faisait quelques temps que j'étais arrivé dans ce nouvel atelier de fortune. Un bâtiment modeste, sans réelle prétention et suffisamment proche de différentes commodités pour me permettre d'avoir une clientèle régulière. Malheureusement, ce dernier ne disposait pas de sous-sol me permettant d'œuvrer convenablement. De lancer de nouvelles expériences. Alors, je me contentais de réaliser ce que je savais faire. De renforcer ma technique déjà parfaite. Et si cela n'était pas des plus passionnants, je pus ainsi développer ma renommée au sein de la cité. C'est ainsi qu'on vint frapper à ma porte. En plein cœur de la nuit. Me dirigeant doucement vers l'entrée de mon atelier, j'ouvrais finalement à cet étranger qui se présentait à moi. Visiblement épuisé, le jeune coursier me fixait d'un regard empli de crainte et de satisfaction. Un savant mélange qui traduisait sa fierté d'avoir trouvé mon atelier, et d'une peur liée à ma stature et ma tenue. Un autre enfant égaré et au cervelet mal formé. Comme si mon atelier était si difficile à localiser... Enfin. Je prenais tout de même la lettre qu'il me tenait. Vu l'heure tardive, il était évident que la demande était importante. Sans ménagement, et sans même donner le moindre sou au gosse des rues, je fermais ma porte pour commencer à lire ce qu'on m'avait envoyé. S'il y eu probablement un commentaire du pauvre bougre, ce dernier ne rencontra que le bois épais de l'entrée. Mes yeux glissèrent donc rapidement sur la lettre, étirant sur mes lettres un léger sourire tandis que j'imaginais déjà via les descriptions faites l'origine du mal. Prenant mes affaires, je m'assurais d'être prêt avant de quitter par la suite mon laboratoire, tombant de nouveau sur le petit coursier qui me fixait d'un œil accusateur. Lui tapotant la tête, je lui tendais une petite bourse tout en lui pointant du doigt la lettre que je tenais. Son esprit, certes réduit par la crasse qu'était son quotidien, put néanmoins relier les deux points et c'est ainsi qu'il commença à me guider dans la ville en direction de l'expéditeur du courrier.
Une bonne heure plus tard, nous arrivâmes finalement à ce qui ressemblait un grand manoir. Au niveau de l'entrée du domaine, un homme semblait attendre silencieusement mon arrivée. Très probablement, il s'agissait de l'expéditeur ou, au moins, de son serviteur. Remerciant d'un hochement de tête le jeune coursier, je m'approchais de celui qui se présenta comme "Himir" et qui m'expliqua rapidement la situation dans laquelle se trouvait son "employeur". Peu m'importait l'importance de mes patients ou leur nature, seulement je devais reconnaître que les patients à forte notoriété avaient tendance à m'apporter plus de liberté et de champs d'actions par la suite. Alors, il valait mieux pour moi me mettre rapidement à l'œuvre et, surtout, faire en sorte que ce Fraternitas reste en vie. Une fois les explications faites, je laissais ce "majordome" sur place pour me diriger vers la porte de la demeure, un petit papier rédigé par Himir en main à l'intention de Zelevas. Une fois à la dite porte, j'actionnais le heurtoir avant d'attendre sagement que mon futur patient ne daigne se montrer. Quand enfin il se révéla à moi, un de mes sourcils s'haussa presque instinctivement. Non pas à cause de l'âge avancé de ce sujet. Ni de son air cadavérique ou de sa posture, mais plutôt à cause des symptômes que je pouvais dès lors apercevoir. Lui tendant le papier silencieusement, j'attendais qu'il termine sa lecture et m'invite à entrer pour commencer à bouger. Quand la porte se referma derrière moi, je pus enfin commencer mon travail. Et ce dernier débutait par une auscultation nécessaire.
Marchant au devant de mon hôte comme si sa demeure était mienne, j'avançais jusqu'à une pièce ressemblant à un salon et où étaient disposés un grand canapé, une table et deux petits fauteuils près de l'âtre d'une cheminée active. N'attendant pas réellement, je déposais sur la table différents outils d'auscultations ainsi que quelques petites fioles, invitant de la main le vieil homme à se poser dans le canapé. A vrai dire, je me préoccupais assez peu des potentiels commentaire que ce dernier pouvait faire ou bien de ses potentielles protestations. Sa vie était, de ce que j'observais, menacée et le temps extrêmement compté. Aussi, se perdre dans de grandes explications n'aurait eu comme effet que d'accélérer la mort de ce vieillard. Lui faisant signe d'ôter sa chemise, j'attrapais un stylet que je venais plaquer sur son corps maigre afin d'étudier l'avancée de la maladie. Puis, me décidant enfin à prendre la parole, je m'introduisais dans son esprit tout en tentant de ne pas trop l'effrayer.
* Bien. Tout d'abord, ne prenez pas peur. Il s'agit de moi. La personne en train de vous ausculter. Vous pouvez m'appeler le Docteur. Je vais faire vite, afin de vous éviter trop d'efforts et de trop torturer votre esprit. Depuis quand ressentez-vous le mal de crâne et les sueurs? Avez-vous constaté la présence de petits gonflements violacés, même dans des endroits indiscrets comme vos parties génitales? Je marquais une petite pause, déposant le stylet pour prendre un abaisse-langue. Ouvrez la bouche je vous prie et faites "ah". *
Observant la gorge, puis l'appendice précédemment aplati, j'écoutais ensuite la réponse de mon patient tout en griffonnant rapidement mes observations sur mon carnet. Si j'avais déjà pu observer ce mal frapper des hommes lors de la dernière guerre, je ne pensais pas voir de nouveau ces maux surgirent, notamment en plein cœur de la République. Fouillant dans ma sacoche, je sortais une fiole que je tendais à Zelevas, espérant que son mal de crâne ne le rende pas trop délirant.
* Buvez. *
Je me retournais alors pour repliez les outils puis ensuite déplacer les potions préalablement déposés. Le liquide avait surtout des propriétés calmantes. Un peu de datura distillée avec du pavot. Rien de très fort cependant, la fiole était présente surtout pour que mon patient puisse encaisser l'annonce qui suivait.
* Bien. Maintenant, voila mon diagnostic. Vous êtes affligé d'un mal mortel. Dans un jour, vos membres tourneront à l'indigo et tomberont. Puis, vous supplierez pour qu'on ne vous achève, tant le délire psychique et vos sueurs seront insupportables. Il n'existe à ce jour qu'une seule solution permettant votre survie. Je claquais des mains, m'approchant de lui. Moi. Cela sera douloureux cependant, je vous préviens. Fort heureusement, ce que vous venez de boire vous permettra de le supporter. Vous êtes prêt? *
Sans laisser le temps à mon sujet de répondre, je posais mes mains sur son torse dénudé pour laisser mon don agir sur son corps et le mal qui le rongeait. Il n'y avait aucune lumière chaleureuse, aucun sentiment agréable qui se répandait à l'intérieur de Zelevas. Seulement la désagréable sensation d'un million d'aiguilles qui venaient piquer l'intérieur de son corps. Chaque tissus, chaque organes. Rien n'y échappait. Des tressaillements. Suivis d'une terrible sensation de froid. A l'instar d'une paralysie désagréable issue d'un empoisonnement. Et, enfin. Le rien. Une absence de douleur qui venait comme une force libératrice et comme la plus douce des femmes. Sentant mon énergie s'épuiser, je cessais enfin de laisser mon pouvoir agir en me reculant doucement. Retournant vers la table, j'y attrapais une décoction que je lançais sur le canapé où se trouvait le vieil homme.
* Le mal de crâne devrait avoir disparu à présent. Vous êtes normalement tiré d'affaires. Buvez cela. Le gout est similaire à de l'huile de foie de morue, mais c'est un énergisant. Il vous fera récupérer les forces que la fièvre vous avait ôté. *
Satisfait de mon œuvre, mon regard glissa sur tout le manoir tandis que mes pensées ne parvenaient pas à se détacher de la raison qui pouvait expliquer l'apparition de ce mal chez l'homme d'affaires. Craquant ma nuque tandis que je reportais finalement mon attention vers le vieillard tout en croisant les bras, dans l'attente d'explications. Maintenant qu'il était tiré d'affaire, il allait falloir qu'il me parle des conditions qui l'avaient mené à cet état et, surtout, du paiement qu'il me devait et de comment il comptait procéder. Mes services possédaient des prix variables mais soigner une maladie aussi rare était très, très couteux. Et mes travaux avaient diablement besoin de financement.
Payer les officiers républicains pour qu'ils détournent les yeux, ce n'était pas gratuit.
Une fois les papiers rangés, je me redressais doucement pour commencer à préparer diverses concoctions et autres potions de soins. Sans être capables de refermer les plaies, il s'agissait surtout de désinfectant, d'anesthésiant et d'autres anti inflammatoires. Cela faisait quelques temps que j'étais arrivé dans ce nouvel atelier de fortune. Un bâtiment modeste, sans réelle prétention et suffisamment proche de différentes commodités pour me permettre d'avoir une clientèle régulière. Malheureusement, ce dernier ne disposait pas de sous-sol me permettant d'œuvrer convenablement. De lancer de nouvelles expériences. Alors, je me contentais de réaliser ce que je savais faire. De renforcer ma technique déjà parfaite. Et si cela n'était pas des plus passionnants, je pus ainsi développer ma renommée au sein de la cité. C'est ainsi qu'on vint frapper à ma porte. En plein cœur de la nuit. Me dirigeant doucement vers l'entrée de mon atelier, j'ouvrais finalement à cet étranger qui se présentait à moi. Visiblement épuisé, le jeune coursier me fixait d'un regard empli de crainte et de satisfaction. Un savant mélange qui traduisait sa fierté d'avoir trouvé mon atelier, et d'une peur liée à ma stature et ma tenue. Un autre enfant égaré et au cervelet mal formé. Comme si mon atelier était si difficile à localiser... Enfin. Je prenais tout de même la lettre qu'il me tenait. Vu l'heure tardive, il était évident que la demande était importante. Sans ménagement, et sans même donner le moindre sou au gosse des rues, je fermais ma porte pour commencer à lire ce qu'on m'avait envoyé. S'il y eu probablement un commentaire du pauvre bougre, ce dernier ne rencontra que le bois épais de l'entrée. Mes yeux glissèrent donc rapidement sur la lettre, étirant sur mes lettres un léger sourire tandis que j'imaginais déjà via les descriptions faites l'origine du mal. Prenant mes affaires, je m'assurais d'être prêt avant de quitter par la suite mon laboratoire, tombant de nouveau sur le petit coursier qui me fixait d'un œil accusateur. Lui tapotant la tête, je lui tendais une petite bourse tout en lui pointant du doigt la lettre que je tenais. Son esprit, certes réduit par la crasse qu'était son quotidien, put néanmoins relier les deux points et c'est ainsi qu'il commença à me guider dans la ville en direction de l'expéditeur du courrier.
Une bonne heure plus tard, nous arrivâmes finalement à ce qui ressemblait un grand manoir. Au niveau de l'entrée du domaine, un homme semblait attendre silencieusement mon arrivée. Très probablement, il s'agissait de l'expéditeur ou, au moins, de son serviteur. Remerciant d'un hochement de tête le jeune coursier, je m'approchais de celui qui se présenta comme "Himir" et qui m'expliqua rapidement la situation dans laquelle se trouvait son "employeur". Peu m'importait l'importance de mes patients ou leur nature, seulement je devais reconnaître que les patients à forte notoriété avaient tendance à m'apporter plus de liberté et de champs d'actions par la suite. Alors, il valait mieux pour moi me mettre rapidement à l'œuvre et, surtout, faire en sorte que ce Fraternitas reste en vie. Une fois les explications faites, je laissais ce "majordome" sur place pour me diriger vers la porte de la demeure, un petit papier rédigé par Himir en main à l'intention de Zelevas. Une fois à la dite porte, j'actionnais le heurtoir avant d'attendre sagement que mon futur patient ne daigne se montrer. Quand enfin il se révéla à moi, un de mes sourcils s'haussa presque instinctivement. Non pas à cause de l'âge avancé de ce sujet. Ni de son air cadavérique ou de sa posture, mais plutôt à cause des symptômes que je pouvais dès lors apercevoir. Lui tendant le papier silencieusement, j'attendais qu'il termine sa lecture et m'invite à entrer pour commencer à bouger. Quand la porte se referma derrière moi, je pus enfin commencer mon travail. Et ce dernier débutait par une auscultation nécessaire.
Marchant au devant de mon hôte comme si sa demeure était mienne, j'avançais jusqu'à une pièce ressemblant à un salon et où étaient disposés un grand canapé, une table et deux petits fauteuils près de l'âtre d'une cheminée active. N'attendant pas réellement, je déposais sur la table différents outils d'auscultations ainsi que quelques petites fioles, invitant de la main le vieil homme à se poser dans le canapé. A vrai dire, je me préoccupais assez peu des potentiels commentaire que ce dernier pouvait faire ou bien de ses potentielles protestations. Sa vie était, de ce que j'observais, menacée et le temps extrêmement compté. Aussi, se perdre dans de grandes explications n'aurait eu comme effet que d'accélérer la mort de ce vieillard. Lui faisant signe d'ôter sa chemise, j'attrapais un stylet que je venais plaquer sur son corps maigre afin d'étudier l'avancée de la maladie. Puis, me décidant enfin à prendre la parole, je m'introduisais dans son esprit tout en tentant de ne pas trop l'effrayer.
* Bien. Tout d'abord, ne prenez pas peur. Il s'agit de moi. La personne en train de vous ausculter. Vous pouvez m'appeler le Docteur. Je vais faire vite, afin de vous éviter trop d'efforts et de trop torturer votre esprit. Depuis quand ressentez-vous le mal de crâne et les sueurs? Avez-vous constaté la présence de petits gonflements violacés, même dans des endroits indiscrets comme vos parties génitales? Je marquais une petite pause, déposant le stylet pour prendre un abaisse-langue. Ouvrez la bouche je vous prie et faites "ah". *
Observant la gorge, puis l'appendice précédemment aplati, j'écoutais ensuite la réponse de mon patient tout en griffonnant rapidement mes observations sur mon carnet. Si j'avais déjà pu observer ce mal frapper des hommes lors de la dernière guerre, je ne pensais pas voir de nouveau ces maux surgirent, notamment en plein cœur de la République. Fouillant dans ma sacoche, je sortais une fiole que je tendais à Zelevas, espérant que son mal de crâne ne le rende pas trop délirant.
* Buvez. *
Je me retournais alors pour repliez les outils puis ensuite déplacer les potions préalablement déposés. Le liquide avait surtout des propriétés calmantes. Un peu de datura distillée avec du pavot. Rien de très fort cependant, la fiole était présente surtout pour que mon patient puisse encaisser l'annonce qui suivait.
* Bien. Maintenant, voila mon diagnostic. Vous êtes affligé d'un mal mortel. Dans un jour, vos membres tourneront à l'indigo et tomberont. Puis, vous supplierez pour qu'on ne vous achève, tant le délire psychique et vos sueurs seront insupportables. Il n'existe à ce jour qu'une seule solution permettant votre survie. Je claquais des mains, m'approchant de lui. Moi. Cela sera douloureux cependant, je vous préviens. Fort heureusement, ce que vous venez de boire vous permettra de le supporter. Vous êtes prêt? *
Sans laisser le temps à mon sujet de répondre, je posais mes mains sur son torse dénudé pour laisser mon don agir sur son corps et le mal qui le rongeait. Il n'y avait aucune lumière chaleureuse, aucun sentiment agréable qui se répandait à l'intérieur de Zelevas. Seulement la désagréable sensation d'un million d'aiguilles qui venaient piquer l'intérieur de son corps. Chaque tissus, chaque organes. Rien n'y échappait. Des tressaillements. Suivis d'une terrible sensation de froid. A l'instar d'une paralysie désagréable issue d'un empoisonnement. Et, enfin. Le rien. Une absence de douleur qui venait comme une force libératrice et comme la plus douce des femmes. Sentant mon énergie s'épuiser, je cessais enfin de laisser mon pouvoir agir en me reculant doucement. Retournant vers la table, j'y attrapais une décoction que je lançais sur le canapé où se trouvait le vieil homme.
* Le mal de crâne devrait avoir disparu à présent. Vous êtes normalement tiré d'affaires. Buvez cela. Le gout est similaire à de l'huile de foie de morue, mais c'est un énergisant. Il vous fera récupérer les forces que la fièvre vous avait ôté. *
Satisfait de mon œuvre, mon regard glissa sur tout le manoir tandis que mes pensées ne parvenaient pas à se détacher de la raison qui pouvait expliquer l'apparition de ce mal chez l'homme d'affaires. Craquant ma nuque tandis que je reportais finalement mon attention vers le vieillard tout en croisant les bras, dans l'attente d'explications. Maintenant qu'il était tiré d'affaire, il allait falloir qu'il me parle des conditions qui l'avaient mené à cet état et, surtout, du paiement qu'il me devait et de comment il comptait procéder. Mes services possédaient des prix variables mais soigner une maladie aussi rare était très, très couteux. Et mes travaux avaient diablement besoin de financement.
Payer les officiers républicains pour qu'ils détournent les yeux, ce n'était pas gratuit.
”Que-”
Ça y est, il perds la boule, c’est venu plus vite qu’il ne l’aurait cru mais son attache à la réalité avait soudainement dérapé, le frisson de sueur froide qui coulait dans son dos douloureux et ses tempes exacerbant une pression ineffable sur son crâne ne sont rien en comparaison du choc hallucinatoire qui fait face à Zelevas. Bien qu’il soit recroquevillé sous la maladie, il lui était rare de regarder les gens de bas, mais la figure qui le domine bien d’une tête en cet instant le tétanise. Une vision de mort, une apparition qui vient le chercher pour l’emmener dans le Royaume des Gardiens, voilà ce qu’il croyait avoir en face de lui, la grande silhouette entièrement drapée de noir et camouflée derrière un masque lugubre et omineux de ténèbres le dévisage derrière deux lentilles fumées dont l’obscurité opaque lui renvoie le reflet de sa propre expression affaiblie. Devant la peur qui s’ajoute à sa céphalée, le sol se met à tanguer lentement, comme s’il tombait sur le côté et qu’il voyait la ligne d’horizon s’incliner tandis que sa tête semble tourner, il sent un déséquilibre le saisir et il s’appuie un peu plus contre la poignée de la porte qu’il a toujours en main, tandis que le sol se remet abruptement en place avant de recommencer à inexorablement pencher, vers la droite en plus, c’est bien, même dans son malaise il est cohérent avec sa politique. Il amorce un pas de recul, se sentant soudainement frêle face au destin qui vient littéralement toquer à sa porte, mais visiblement le destin a d’autre plan pour lui que l’ultime voyage parce qu’il lui tend une feuille de papier repliée dont il reconnait le grain familier. Est-ce que?
Est-ce que c’est réel? Le vieux malade fronce ses sourcils, respirant une grande bouffée d’air un peu trop frais qui lui déclenche une vague de frissonnements fiévreux, osant enfin réagir, comme si sont esprit a soudainement été rappelé de force dans le moment présent par ce geste anodin, il tend maladroitement une main pour attraper le morceau de lettre qu’on lui donne. Le Messager de la Mort ne fait rien, il ne bouge pas, il se contente juste de se tenir là, debout, menaçant. L’esprit de Fraternitas part en vrille, se demandant dans une montée crescendo de panique ce qui va lui arriver, est-ce que c’est là son dernier instant sur Sekaï? Est-ce que… Est-ce qu’il est déjà mort? Il n’a jamais été croyant, comme la plupart des Républicains sa religion est celle de la liberté, du profit et de la science, mais là tout de suite, il se demande s’il ne devrait pas profiter du peu de temps qu’il lui reste pour se mettre à genou devant le Passeur et prier. On ne sait jamais, des fois que ça rattrape son retard. Il ouvre le papier provenant de son propre cabinet, certainement son cerveau qui brode son hallucination à partir de ce qu’il connaît, et l’écriture d’Himir lui rappelle la mission dont il a chargé son secrétaire, choqué par l’apparence hétéroclite de son sauveur et décontenancé par sa condition physique il l’avait complètement oublié.
M.Fraternitas, la présente est délivrée par le médecin que je vous ai fait parvenir. Il ne possède pas de nom, ceux qui me l’ont conseillé l’appellent simplement
‘Le Docteur’.
J’ai dû passer par vos contacts les moins recommandables pour le trouver mais ceux ci m’ont juré qu’il n’y avait pas meilleur que lui, même dans le monde légal. Il a été difficile à retrouver, son laboratoire n’était pas au 97 comme on me l’avait dit, mais au 22 rue de la Campaldon.
Himir.
Relevant des yeux ébahis vers celui qui s’invite déjà chez lui en passant la porte sans y être invité, Zelevas s’adosse contre le mur de l’entrée, il manque presque de tomber mais se rattrape contre la porte qui se ferme toute seule sous son poids. Qu’est-ce que ça signifie? Il est existe bien alors? Il est réellement là. Le vieux fait quelques pas de plus pour apparaître dans le cadre de la porte du salon et observe toujours un peu stupéfait ce fameux Docteur. Il cligne des yeux avec force, comme pour finir de se persuader que ce qu’il voit n’est pas le fruit de sa fièvre mais bien de la lumière qui passe sa cornée. Le mal de crâne s’estompe légèrement, il reprend un semblant de lucidité et se rend compte qu’il s’agit bien de son soigneur, il avait déjà vu des masques comme ça, rarement, mais ça lui revenait, lors d’une visite officielle dans les hôpitaux de Liberty. Un geste de la main l’invite à prendre place, et Zelevas se retrouve surpris à ne pas savoir où se mettre, pour un politicien qui a plus que l’habitude de faire des apparitions en publique, de donner des discours devant des foules et de convaincre ses pairs via des discours rhétoriques, il se retrouve dans ce cadre mal-à-l’aise où il perd tout ses moyens, est-ce qu’il doit se présenter? Le Docteur n’a pas l’air d’en avoir quelque chose à faire, il a déjà commencé à déballer ses outils sur la table, et le cliquetis du métal contre le bois du meuble finis de donner la nausée à Zelevas. Il va juste faire ce qu’on lui dit, ce sera sans doute bien. Le vieux se traîne donc jusqu’à son canapé, tombant dedans de tout son poids plutôt que s’y asseyant réellement, incapable de se réfreiner, il ouvre ensuite sa chemise et dévoile son torse nu et rabougri de sexagénaire pour que le soigneur puisse l’ausculter. Il le regarde un peu penaud procéder à ses manipulations, et c’est soudainement qu’une voix pénètre son esprit même, usant de télépathie. En temps normal il n’en aurait cure, son passif de Limier et les quelques fois où il a eu affaire à des communicateurs psychiques pendant sa carrière ou bien de Juge ou bien de politicien, il avait finit par s’habituer à la sensation singulière de quelqu’un qui parle directement dans ses pensées, mais avec son mal de tête actuel c’est autre chose, chaque parole du Docteur lui fait l’effet d’un béhémoth qui charge contre son crâne, comme si les mots de son soigneur cherchaient à sortir de sa tête par la force. Il finit quand même par se présenter, certifiant ce qui était déjà écrit sur le papier, Docteur. Il écoute bredouille les instructions et les questions et commence d’abord par écarter la bouche et faire aaah, sa respiration se fait un peu sifflante, sa langue avait effectivement enflé dernièrement et l’angle avec sa nuque quand il penche la tête en arrière comprime maintenant sa voie respiratoire à cause du muscle tuméfié. Lorsqu’enfin le soigneur le laisse refermer la bouche, il tousse douloureusement. Après avoir repris son souffle il finit par répondre:
”Trois… trois jours. Les maux de tête, les sueurs un peu moins.” Il respire bruyamment, ses épaules dessinant des haut en bas sous l’effort que son corps maigre produit pour parler, sans compter la fatigue du coup de l’émotion. ”Les gonflements, oui, aux articulations surtout. Là, là, et là aussi.” Il désigne ses coudes, ses aisselles et ses hanches.
Le mal de tête le reprend encore plus violemment cette fois, la percussion rythmée par son coeur battant la chamade l’attaque une fois de plus, le faisant délirer, il est fatigué, il veut juste que ça cesse, que la douleur le laisse tranquille, cette fois c’est de l’énervement amplifié par la présence du Docteur sensé le soigner. Bordel, c’est pas bientôt fini? La frustration le gagne et se transforme en autre chose, il commence à paniquer une fois de plus quand le Docteur lui tend une fiole remplie d’un liquide vert laiteux. Vert? Il devient paranoïde l’espace d’un instant, est-ce que ce fils de pute tente de l’empoisonner? Les yeux vrillent vers l’individu qui finalement n’a pas tant l’air d’un médecin que ça, tout de noir vêtu, d’une apparence étrange, pas de nom. Pas de nom. Pas de putain de nom, intraçable le gars. Mais le mot d’Himir alors? C’est bien son écriture sur la lettre, alors comment se peut-il qu’il lui ait donné une lettre écrite par le jeune homme? Il devait avoir utilisé une forme de contrôle mental, c’est ça, il avait corrompu Himir. Et maintenant il voulait le tuer.
C’est quand même dommage qu’il soit autant aux prises avec sa paranoïa, parce que si Zelevas avait été un peu plus lucide, la phrase singulière d’Himir sur l’adresse du médecin lui aurait certifié que la lettre était authentique et qu’il l’avait écrite de bonne foi. Le 97 correspondait à l’année du whiskey de Maximilan le père du Sénateur, une information que seul Zelevas connait, et qu’il a donné à Himir il y a des années pour que celui ci puisse l’utiliser dans des messages de manière anodine afin de garantir l’intégrité de leurs échanges. Un code simple, mais qu’ils n’utilisent que très rarement, raison pour laquelle cette fois, avec la fièvre qui l’assaillait, il n’avait pas relevé son utilisation.
Débouchant la fiole de poison il applique un doigt sur le bouchon de la fiole et profite que le Docteur ait le dos tourné pour renverser son contenu de l’autre côté du canapé sans un bruit, le liquide imbibant le tapis qui couvre le parquet en dessous du meuble en coulant à travers son pouce. Il finissait de verser les dernières gouttes du liquide mortel tandis que la voix du Doc’ faisait une fois de plus une irruption fracassante dans son crâne, faisant exploser son front et ses tempes dans une palpitation frénétique à chaque syllabe. Il finit juste à temps de s’en débarrasser avant que la figure menaçante se retourne pour lui faire de nouveau face. Le type se met à lui raconter n’importe quoi, mais Zelevas ne tombera pas dans sa machination sordide et ne se laisserait pas faire non plus, son assassin appose ses mains sur sa poitrine, et immédiatement l’ancien Limier et soldat de la GAR lui montre de quel bois il se chauffe. Il a beau être vieux, il avait huit ans d’expérience en combat, et pour palier à son absence de magie, il s’était rompu au combat mano a mano. Saisissant vivement le poignet du Doc’, Zelevas tire sur le bras pour déséquilibrer le soigneur, de sa main libre il saisit fermement la cape noire au niveau de la poitrine et en poussant sur ses jambes, il envoie le canapé basculer à la renverse, entraînant le faux médecin avec lui dans sa chute mais par effet centrifuge, celui ci arrive s’écraser contre le parquet plus fort encore que le Sénateur malade.
Enfin ça c’est le plan dans sa tête. La réalité est bien différente, et en l’absence de calmant, plus douloureuse. Dès que le Docteur avait apposé ses mains sur le ventre du vieil homme, le Fraternitas avait tout juste eu le temps de lever un poignet avant qu’il ne retombe mollement sur le côté, tétanisé par le souffle hivernal qui pénètre chaque fibre de son être. Un geste que le soigneur interprètera comme la protestation de son patient face à son absence d’attente pour le soigner quand il lui a demandé s’il se sentait prêt. Immédiatement au contact, l’esprit de Zelevas était parti. Ses paupières se froncent sporadiquement et ses yeux commencent à se révulser lentement, gagnant progressivement le haut de ses orbites et dépassant douloureusement dans l’obscurité de son crâne. Il se sent couler. Envahi par le supplice.
An -43, un jeune homme de vingt et un an ayant tout juste accompli son service militaire se présentait aux examens d’entrée des gardiens du Razkaal. La jeune recrue avait déjà passé les épreuves théoriques avec un énorme succès et il savait que les épreuves psychiques et physiques seraient bien plus ardues dû à son absence de magie, il était donc déterminé à banquer le plus possible sur toute source de points qu’il pourrait obtenir de manière normale, et sa détermination était sans faille à accomplir son but. Il était dans une salle du complexe militaire près de Courage, encadré par les instructeurs, debout, en face d’un puit évidé dans lequel une corde descendait. Il est complètement nu. Sur le visage du jeune homme, aucune peur, mais de l'appréhension. Il agrippe fermement la corde d’une main et l’enroule autour de ses jambes, entamant sa descente dans le gouffre obscure tout en s’éloignant de la lumière de l’embouchure. Arrivé en bas, il fait claquer la corde pour donner le signal, il ramasse le tuyau d’arrivée d’air en caoutchouc qui traîne au fond et l’enfonce dans sa bouche, avant d’attraper solidement les poignées de métal qui sont ancrées dans le fond du puit. Les mages examinateurs se mettent au travail, un levier est activé. Des bruits résonnent à l’intérieur de la pierre qui borde les parois du puit, des dalles pivotent et de l’eau glacée jaillit à l’intérieur du trou à pleine puissance, arrosant violemment le candidat sous la pression des jets. Rapidement il se retrouve accroupi dans plus d’un mètre de flotte givrée, montant encore plus pour rejoindre le haut du puit. Le militaire respire difficilement à travers le tuyau, appelant l’air avec peine sous la pression montante, mais ce n’est pas le souffle court qui est son principal problème c’est le froid. Les mages de glace à la surface ne chôment pas, la température de l’eau descend en chute libre et la mort s’insuffle dans son corps, lentement, insidieusement, il sent ses muscles se paralyser sous l’absence abyssale de chaleur. Il a l’impression que le temps ralentit jusqu’à un point d’arrêt, sa peau est complètement rigide, toute élasticité s’est rétractée sous l’effet du gel. Le poids de l’eau et celui du froid lui comprime sa cage thoracique, sa peau le brûle, partout, il sent une irradiation mordante s’emparer de lui et le pétrifier complètement. Il lâche sa main mais ses sens engourdis ne lui donnent aucun retour de sensation, à tel point qu’il n’est même pas sûr d’avoir bougé, tatônnant dans le noir à la recherche de la poignée suivante, il entends une dalle se déplacer. La connection entre le puit et le tunnel est maintenant ouverte, il doit le traverser coûte que coûte pour réussir son épreuve. Ses doigts ne sentent même pas les rebords du passage, il utilise le plat de ses membres qui sont gagnés moins vites par le froid pour s’assurer du sens de sa progression. Lentement, il sent sa conscience ralentir, il ne doit pas paniquer. Il avance.
Zelevas ouvre les yeux, les flammes du feu à l’âtre dansent chaleureusement en faisant crépiter la mousse sèche sur les bûches, projetant occasionnellement une étincelle dans les airs à travers le petit pare-feu. Il tourne la tête pour se regarder, sa chemise déboutonnée et à moitié enfournée dans son pantalon lui montre son abdomen flasque et imbibé de sueurs, il passe une main chevrotante sur sa peau découverte. Qu’est-ce qu’il venait de se passer au juste? Une décoction atterrit sur sa poitrine, roulant dans son élan pour se faufiler entre lui et le dossier du canapé, et tandis qu’il la cherche maladroitement d’une main il jette un coup d’oeil en direction de la provenance de la fiole. Le Docteur est là, faisant le tri dans sa sacoche, son esprit est maintenant complètement clair, il se sent juste fatigué, physiquement et psychiquement. Il passe une main sur son front, ne croyant toujours pas à tout ce qui venait de se passer malgré ses pensées lucides et sa rémission soudaine, il réalise maintenant toute l’absurdité de ce qui vient de se passer, et quelque part il se sent extrêmement stupide d’avoir jeté le liquide que le Doc’ lui avait tendu précédemment. Cette fois le breuvage qu’on lui a donné est un poil moins visqueux mais ressemble à de l’huile un peu brune, et quand il ouvre le flacon pour sentir son odeur avant de l’approcher de ses lèvres sur invitation de son praticien, il a la confirmation de ce que c’est. Le goût rance et âcre sent le poisson pourri à plein nez, et la boisson sirupeuse s’infiltre partout dans son palais, collant à l’intérieur de ses joues, il l’avale cependant sans discuter mais sort naturellement une grimace en tirant sur les traits de sa gorge.
”Beuhhf Aah…”
Épuisé, il se redresse en position assise et rends la fiole vide au soigneur avant de déposer ses coudes sur ses genoux, avachis sur lui-même. Lavé. En remontant son regard vers son sauveur, il voit le Docteur le fixer avec ses lentilles mystérieuses, l’absence de réaction ou d’expression lui donne un aspect un peu effrayant. Le vieux prends enfin la parole, sa voix ayant repris son timbre naturel grâce à sa langue résorbée et sa gorge de nouveau libre:
”Je vous remercie Docteur, sincèrement. Pour le paiement votre prix sera le mien, dans la limite du raisonnable bien sûr. Il reste encore trois autres de mes employés qui auraient également besoin de vos services, ils sont placés sous quarantaine à Courage mais…” Les engrenages ont encore un peu de mal à tourner dans son cerveau. Il a l’impression d’avoir redémarré une vieille machine. ”...vous m’avez dit que je n’en avais plus que pour quelques jours non? Nous avons tous été contaminés en même temps alors nous seront peut-être trop tard pour leur parvenir, mais nous devons quand même y aller. Vous serez compensé comme il se doit pour votre temps bien sûr.”
Zelevas se relève, sentant une soudaine chute de tension le saisir dans le mouvement, il décide de sagement se raviser et se rabaisse sur le canapé.
”Nous partirons dès que vous serez prêt, je dormirai un peu pendant le premier jour de voyage, et après que j’ai regagné un peu de ma contenance. Laissons l’huile de foie morue faire effet n’est-ce pas? Haha…” Il ricane de manière un peu forcée, mais la réaction stoïque du Docteur qui ne produit pas même un bruit en retour le coupe dans son élan. Son sourire s’efface de ses lèvres. Bon. ”Pour le paiement, quel monnaie convoitez-vous?”
Citoyen de La République
Nahash
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Fixant mon interlocuteur, je l'écoutais silencieusement pendant qu'il reprenait enfin de sa contenance. Enfin. Autant de contenance qu'un vieillard pouvait avoir. Quoique j'étais peut-être un peu dur avec lui. Peu de personnes étaient capables de se relever aussi vite après un mal aussi féroce. Encore moins de garder une stature relativement correcte à leur âge avancé. Enfin, je n'étais après tout pas réellement présent pour un état de santé mais plutôt pour réparer des actes stupides et empêcher un drame à grande échelle. Ahhh, et dire que personne n'en saurait rien si je parvenais à stopper cela. Le drame constant des médecins et autres hommes de l'ombre. Enfin. En vérité la gloire m'importait peu. Tant que je pouvais pratiquer. D'ailleurs, sa mention du paiement me raccrocha à la réalité et une fois qu'il eut enfin fini, je pouvais m'adresser à lui.
* Je ne suis pas intéressé par la moindre richesse. De ce fait, aucune monnaie ne me convient réellement. Idéalement, j'aimerais pouvoir me prendre un laboratoire situé près de Justice. Un atelier sur deux étages et un sous-sol. Pour ce dernier, il faudrait pratiquer la création de grands tiroirs dont l'intérieur serait tapissés de carbonite. Notamment pour préserver les corps en cas de nécessité d'autopsie. Vous comprenez? Pour le reste, il ne me faudrait rien d'autres, et nous reparlerons de toutes façons de cela par la suite. Si j'ai bien compris, il va nous falloir voyager pour sauver potentiellement vos employés? En ce cas, je pense qu'il vaut mieux nous mettre en route dès maintenant. Nous discuterons du reste des modalités plus tard. Vous n'êtes pas contagieux, donc si vous devez contacter des gens pour organiser le voyage, c'est le moment. *
Sans véritablement prêter attention aux potentiels détails, j'attrapais les dernières fioles trainant et autres potentiels outils que je n'avais pas encore rangé. Ceci fait, j'accompagnais ensuite mon nouvel "employeur". Notamment pour m'assurer que le mal était bel et bien totalement parti et qu'il ne risquait aucune rechute. Et puis cela me permettait également de voir un peu comment ce personnage fonctionnait. Quand nous entrâmes dans le carrosse chargé de nous transporter jusqu'à Courage, j'avoue que je commençais à me rendre compte de l'importance du personnage. Tant mieux, ainsi ma demande réalisée plus tôt serait donc plus facilement réalisée. Naturellement, nous avions au préalable effectué un léger détour vers mon bureau de fortune pour que je récupère quelques notes et divers ingrédients. Si Courage disposait de tout ce qu'il me faudrait, je préférais m'assurer d'avoir au moins de quoi rebondir en cas de péripéties lors de notre voyage.
Bien installé, j'observais donc de nouveau en silence le sénateur dont j'ignorais presque tout se placer devant moi et, comme il me l'avait promis, s'endormir pour récupérer des forces. C'est ainsi que passa notre première journée dans la diligence. D'ailleurs, j'en profitais pour noter diverses observations quant à la récupération de mon patient. Le moindre haussement de poitrine anormal, le moindre ronflement était notifié afin de m'assurer un meilleur rapport. De temps en temps, je venais même vérifier le pouls, cherchant au passage à ne pas réveiller Zelevas. Après tout, vu son âge avancé, les accidents pouvaient subvenir vite et il aurait été particulièrement délicat pour moi d'expliquer aux personnels nous réceptionnant à Courage que leur grand patron, que j'avais d'ailleurs sauvé d'une maladie mortelle, venait de mourir de vieillesse. Pour sûr, cela m'aurait encore attiré des problèmes. Comme cette fois où l'on m'avait reproché la mort d'une pucelle idiote qui s'était enfoncée une branche dans la poitrine après un saut périlleux qui cherchait à impressionner ses amis. La branche avait été extraite avec brio, mais malheureusement la patiente souffrait d'un situs inversus. De fait, le retrait du pieux avait ainsi causé des dégâts terribles sur le foie et la rate de la jeune femme. Un drame humain qui me força à quitter la ville rapidement à cause de sa famille influente, mais un cas très intéressant d'un point de vue médicale. Un cœur situé à droite. Cela me força à moi même porter quelques analyses sur ma personne, histoire d'être sûr.
Au deuxième jour, lorsque le sénateur fut en meilleur état de parler, nous pûmes enfin échanger sur divers sujets. Si les premiers étaient d'un ennui profond et sans saveur, ne provoquant chez moi que des réponses très courtes et sans rebond, je décidais finalement d'ouvrir un peu ma vision des choses pour pouvoir au moins communiquer convenablement avec ce vieil homme. Et je devais l'admettre, il avait au moins l'intelligence de chercher à évoquer des sujets intellectuels. Même si je supposais qu'il avait compris que la politique évoquait chez moi la même considération qu'une femme infidèle avait pour son mari trop absent.
* Concernant la cargaison. Qui est si j'ai bien compris ce que vous m'avez dit la cause de votre maladie. Comment en êtes-vous devenus le propriétaire? Pouvez-vous me décrire exactement ce qui se trouvait à l'intérieur et surtout l'état de ce qui s'y trouvait? Cela me permettra de préparer potentiellement une solution. Il me faudrait également connaître les personnes ayant été en contact avec la caisse. Leurs noms, ainsi que leur race, âge et condition physique. Je me soucie assez peu du sexe ou de leur origine. Je vais également être honnête avec vous, les chances pour que le mal soit trop avancé pour pouvoir être guéri sont grandes. En ce cas, j'aimerais avoir votre autorisation pour pratiquer les autopsies et éventuellement l'études des organes contaminés. Cela permettra à la médecine d'en apprendre plus. Et, également, de pratiquer au besoin les amputations nécessaires. Je marquais une pause, sortant mon carnet pour y noter les remarques potentielles de mon interlocuteur. Je préfère m'assurer du cadre légal de notre coopération étant donné l'influence dont vous semblez faire preuve. Et comme je sais que payer une pension à des estropiés est parfois pénible pour les républicains, je m'assure ainsi d'avoir votre accord en cas... De... Soulagement, du patient. *
De nouveau, j'écoutais la réponse de Zelevas, refermant mon carnet une fois les potentiels commentaires réalisés. Puis, comme depuis le début du voyage, je reprenais mon observation silencieuse. Après tout, comme dit précédemment, je n'étais pas encore assuré que le vieillard ne fasse une rupture d'anévrisme impromptue. Il nous restait encore une journée de voyage, et je préférais personnellement qu'il attende au moins notre arrivée pour cela.
* Je ne suis pas intéressé par la moindre richesse. De ce fait, aucune monnaie ne me convient réellement. Idéalement, j'aimerais pouvoir me prendre un laboratoire situé près de Justice. Un atelier sur deux étages et un sous-sol. Pour ce dernier, il faudrait pratiquer la création de grands tiroirs dont l'intérieur serait tapissés de carbonite. Notamment pour préserver les corps en cas de nécessité d'autopsie. Vous comprenez? Pour le reste, il ne me faudrait rien d'autres, et nous reparlerons de toutes façons de cela par la suite. Si j'ai bien compris, il va nous falloir voyager pour sauver potentiellement vos employés? En ce cas, je pense qu'il vaut mieux nous mettre en route dès maintenant. Nous discuterons du reste des modalités plus tard. Vous n'êtes pas contagieux, donc si vous devez contacter des gens pour organiser le voyage, c'est le moment. *
Sans véritablement prêter attention aux potentiels détails, j'attrapais les dernières fioles trainant et autres potentiels outils que je n'avais pas encore rangé. Ceci fait, j'accompagnais ensuite mon nouvel "employeur". Notamment pour m'assurer que le mal était bel et bien totalement parti et qu'il ne risquait aucune rechute. Et puis cela me permettait également de voir un peu comment ce personnage fonctionnait. Quand nous entrâmes dans le carrosse chargé de nous transporter jusqu'à Courage, j'avoue que je commençais à me rendre compte de l'importance du personnage. Tant mieux, ainsi ma demande réalisée plus tôt serait donc plus facilement réalisée. Naturellement, nous avions au préalable effectué un léger détour vers mon bureau de fortune pour que je récupère quelques notes et divers ingrédients. Si Courage disposait de tout ce qu'il me faudrait, je préférais m'assurer d'avoir au moins de quoi rebondir en cas de péripéties lors de notre voyage.
Bien installé, j'observais donc de nouveau en silence le sénateur dont j'ignorais presque tout se placer devant moi et, comme il me l'avait promis, s'endormir pour récupérer des forces. C'est ainsi que passa notre première journée dans la diligence. D'ailleurs, j'en profitais pour noter diverses observations quant à la récupération de mon patient. Le moindre haussement de poitrine anormal, le moindre ronflement était notifié afin de m'assurer un meilleur rapport. De temps en temps, je venais même vérifier le pouls, cherchant au passage à ne pas réveiller Zelevas. Après tout, vu son âge avancé, les accidents pouvaient subvenir vite et il aurait été particulièrement délicat pour moi d'expliquer aux personnels nous réceptionnant à Courage que leur grand patron, que j'avais d'ailleurs sauvé d'une maladie mortelle, venait de mourir de vieillesse. Pour sûr, cela m'aurait encore attiré des problèmes. Comme cette fois où l'on m'avait reproché la mort d'une pucelle idiote qui s'était enfoncée une branche dans la poitrine après un saut périlleux qui cherchait à impressionner ses amis. La branche avait été extraite avec brio, mais malheureusement la patiente souffrait d'un situs inversus. De fait, le retrait du pieux avait ainsi causé des dégâts terribles sur le foie et la rate de la jeune femme. Un drame humain qui me força à quitter la ville rapidement à cause de sa famille influente, mais un cas très intéressant d'un point de vue médicale. Un cœur situé à droite. Cela me força à moi même porter quelques analyses sur ma personne, histoire d'être sûr.
Au deuxième jour, lorsque le sénateur fut en meilleur état de parler, nous pûmes enfin échanger sur divers sujets. Si les premiers étaient d'un ennui profond et sans saveur, ne provoquant chez moi que des réponses très courtes et sans rebond, je décidais finalement d'ouvrir un peu ma vision des choses pour pouvoir au moins communiquer convenablement avec ce vieil homme. Et je devais l'admettre, il avait au moins l'intelligence de chercher à évoquer des sujets intellectuels. Même si je supposais qu'il avait compris que la politique évoquait chez moi la même considération qu'une femme infidèle avait pour son mari trop absent.
* Concernant la cargaison. Qui est si j'ai bien compris ce que vous m'avez dit la cause de votre maladie. Comment en êtes-vous devenus le propriétaire? Pouvez-vous me décrire exactement ce qui se trouvait à l'intérieur et surtout l'état de ce qui s'y trouvait? Cela me permettra de préparer potentiellement une solution. Il me faudrait également connaître les personnes ayant été en contact avec la caisse. Leurs noms, ainsi que leur race, âge et condition physique. Je me soucie assez peu du sexe ou de leur origine. Je vais également être honnête avec vous, les chances pour que le mal soit trop avancé pour pouvoir être guéri sont grandes. En ce cas, j'aimerais avoir votre autorisation pour pratiquer les autopsies et éventuellement l'études des organes contaminés. Cela permettra à la médecine d'en apprendre plus. Et, également, de pratiquer au besoin les amputations nécessaires. Je marquais une pause, sortant mon carnet pour y noter les remarques potentielles de mon interlocuteur. Je préfère m'assurer du cadre légal de notre coopération étant donné l'influence dont vous semblez faire preuve. Et comme je sais que payer une pension à des estropiés est parfois pénible pour les républicains, je m'assure ainsi d'avoir votre accord en cas... De... Soulagement, du patient. *
De nouveau, j'écoutais la réponse de Zelevas, refermant mon carnet une fois les potentiels commentaires réalisés. Puis, comme depuis le début du voyage, je reprenais mon observation silencieuse. Après tout, comme dit précédemment, je n'étais pas encore assuré que le vieillard ne fasse une rupture d'anévrisme impromptue. Il nous restait encore une journée de voyage, et je préférais personnellement qu'il attende au moins notre arrivée pour cela.
La respiration de Zelevas est laborieuse, chaque seconde qui passe lui fait un peu plus prendre conscience de l’état de fatigue qui pèse sur ses épaules, ses paupières sont soudainement lourdes avec la réalisation que sa maladie est derrière lui. Le vieillard passe une main dans ses cheveux pour venir les ramener vers l’arrière, rabattant les mèches dans le droit chemin qu’elles ont l’habitude de suivre, ses yeux se relèvent en direction de l’homme qui vient de lui sauver la vie… Enfin homme. Est-ce que c’est un homme? Impossible de le dire en réalité, non pas que le Z est raciste mais c’est bizarre, il n’y a strictement aucun indice visuel qui permette au patient de déterminer la race de son soigneur. En soi, tant qu’il fait son travail, ce n’est pas important. Il écoute le tarif particulier que lui demande le Docteur, un atelier à plusieurs étages, une cave, de la carbonite, des cadavres, des lingots d’or et la présidence. Onéreux, mais comme il venait de réchapper à une mort certaine des mains de cet énergumène, le Directeur de la SSG sait se montrer étrangement généreux envers ceux qui ont eu la patience de raffiner leurs ars pour devenir compétents, c’est ce qu’il cultive autour de lui, alors loin de là l’idée de ne pas payer à juste titre le médecin. Il fait un geste du doigt pour acquiescer à la demande, et comme son interlocuteur est prêt à partir, ils vont ensuite retrouver Himir à la sortie pour le charger de préparer leur départ. En s’asseyant à l’intérieur de l’habitacle de sa diligence, Zelevas s’écroule figurativement sur le siège de sommeil et s’allonge sur le siège capitonné pour somnoler, ne se réveillant que lorsque le Docteur lui signal leur arrivée à une auberge de relai pour la nuit.
La Societas Septum Gardianorum est subdivisée en plusieurs département, notamment parmis eux la Logistique et l’Expédition, ces deux bureaux sont les chargés de tout les transits sur le territoire républicain. La plus grande entreprise du monde a donc érigé à interval régulier le long des routes reliant les trois plus grandes villes de la nation, des maisons d’hôte servant de point de relai pour leurs nombreux convois, si leur utilisation est complètement défrayée par la Societas pour les employés et les chargements de la SSG, il est payant et fortement tarifé pour les civils, mais leurs confort est à la hauteur des prix. Pressés par le temps en raison de la nature de leur déplacement, le cocher de leur véhicule a poussé leurs chevaux à parcourir plus de distance et à fatiguer un peu leur monture, leur voyage ne durera que quelques jours tout au plus selon les intempéries, la neige et la température, donc l’endurance des bêtes de traits importe peu. En raison de tout ça, ils ne se sont pas arrêté dans un des bâtiments de la SSG mais plutôt dans une auberge qu’ils ont trouvé bien une fois que les destriers avaient impérativement besoin de repos. Zelevas ayant dormi toute la journée pendant le trajet ne pense pas parvenir à retrouver le sommeil, pourtant après un repas fade mais nourrissant il se sent de nouveau suffisamment fatigué pour glisser dans les draps de sa chambre. Lui avait mangé silencieusement devant le Docteur qui avait dit ne pas avoir faim tandis qu’ils avaient brièvement discuté de la situation à Courage qui avait contaminé le vieillard.
Le lendemain matin, ses yeux s’ouvrent tout seuls aux premières lueurs de l’aube qui pointent à travers la fenêtre, une corneille à l’extérieur laisse son cri aigu et perçant accompagner le vieil homme qui se redresse, pas sûr de savoir si c’est l’animal qui a produit ce son ou les vertèbres de son dos. Il sent immédiatement le contre-coup des mauvaises lattes du sommier l’assaillir quand il s’assied sur la couche, il a une fois de plus l’impression malheureusement trop récurrente que ses côtes sont à la vertical en se réveillant, et il grimace en grommelant.
”Ooorfh. Pfouuf, dur.”
Zelevas ferme ses yeux un instant, laissant passer la douleur, son bras gauche est un peu raide, il a dû mal dormir dessus. En finissant tant bien que mal par s’extirper des draps pour venir se poster devant le miroir accroché au mur, il inspecte sa mine, insolite de se dire qu’hier encore à la même heure il contemplait la mortalité de sa condition d’homme, et que maintenant il ne donnait pas même l’air d’avoir été convalescent. Sa vision est encore trouble, donc il plonge ses mains dans l’eau froide du baquet à ses pieds et s’asperge le visage, appréciant la fraîcheur sur sa peau et tapotant un peu ses joues pour finir de réveiller ses muscles fasciaux. Il se rhabille et sort de sa chambre où il trouve le Docteur déjà debout, assis sur une chaise à l’attendre, vêtu d’exactement le même accoutrement qu’hier. Au son de la porte qui s’ouvre, le médecin qui griffonnait dans son calepin relève son bec et Zelevas fronce les sourcils:
”Il me semble que je ne suis plus contagieux non? Le masque n’est plus nécessaire.”
”Vous… vous euh… vous pouvez le retirer.”
”Non?” Il détourne le regard, se grattant la tête d’un doigt.
Mal à l’aise, Zelevas se contente juste de tourner la tête vers la tenancière qui peine à démarrer le fourneau et lui règle son dû pour la nuit, le repas et les deux chambres, puis lui et le Docteur remontent dans la voiture afin de poursuivre plus loin leur voyage. La forêt d’arbres dénudés s’éclaircit progressivement au fur et à mesure qu’ils se rapprochent des chaînes montagneuses. Pendant toute la durée du trajet depuis ce matin, l’étrange soigneur n’a pas fait un seul bruit, il dévisage parfois le Sénateur du regard sans dire un mot, avant de retourner gratouiller son calepin. Afin de pallier à la gêne qu’il ressent à côté de la présence muette du Docteur, il souhaite tenter un brin de conversation, espérant égayer un peu leur voyage. L’objectif est aussi d’en apprendre un peu plus sur l’étrange personnage, il n’a de toute façon rien de mieux à faire et il doit avouer que malgré le profond malaise que lui inspire l’individu, il éprouve une fascination morbide pour la personne en face de lui, cette même curiosité qui pousse à soulever le rideau pour regarder les coulisses. Il amorce avec une banalité, croisant les jambes en même temps qu’il prend la parole:
”Dommage que la literie de l’auberge n’était pas à la hauteur de leur isolation, il faisait chaud mais les les lattes m’ont mit en vrac.”
*Oui.*
”Et vous avez goûté à leur cuisine? Le ragoût était étonnement bon pour un gîte perdu sur un bord de route.”
*C'est vrai.*
Dubitatif, le Sénateur regarde le bec du masque immobile qui le regarde fixement, sans rien rajouter. Une expression circonspecte se dessine progressivement sur le visage de Zelevas. Peut-être qu’il se prêtera au jeu en tâtonnant sur des sujets susceptibles de l’intéresser.
”J’espère que la route se fera rapidement, le mal dont mes employés souffrent est similaire à celui dont vous m’avez soulagé…”
Cette fois un simple hochement de tête.
Décontenancé, Zelevas se met juste à réfléchir à haute voix, si le Docteur n’était pas de la conversation, il la mènerait tout seul alors.
”Courage est une ville très conservative, comparativement aux autre grandes cités républicaines, si Justice est le bastion des réformateurs et des humanistes, et que Liberty est la pépinière de toutes les philosophies, Courage est un coffre-fort traditionnaliste, j’espère juste que nous n’aurons aucun problème avec les forces de la ville…”
Ce qui le préoccupait grandement c’est l’identité de son fameux Docteur, plus il y accorde de pensée et plus il ne peut s’empêcher de se douter de quelque chose. Himir lui a dit qu’il était passé par ses contacts les moins recommandables pour le trouver, le Docteur cache vraisemblablement son nom et son masque n’a visiblement pas pour seule fonction de filtrer l’air. Son côté bizarroïde dans ses interactions avec son patient lui donne également la puce à l’oreille qu’il y a une grosse anguille sous une roche déjà suspecte. Au moment où Zelevas s’apprête à demander un arrêt, le Doc’ décide enfin de lui parler pour aligner plus de trois mots. Cette fois, il s’intéresse au contexte de la cargaison qu’ils avaient ouvert une semaine plus tôt, c’est soulagé d’enfin parler normalement comme deux êtres sensés que le vieux lui répond:
”En ce qui concerne la cargaison en elle-même, il y a quelques temps nous avions perdu un des bateaux de la Liberum Armada affrété au transport de marchandise et en provenance de Shoumeï, le navire s’était simplement volatilisé, pas de nouvelles des différents ports, rien. Et puis un de nos bâtiment militaire en patrouille aux alentours des îles paradisiaques a retrouvé le navire il y a à peu près deux ou trois semaines je crois. Trois. Quand on a ramené au port le chargement qui était encore intact, on les a archivé mais il y a eu un accident à l’entrepôt et une des caisses s’est ouverte. Il y avait des corps décomposés à l’intérieur, des ossements, certains habillés d’autres non. L’odeur était pestilentielle mais je ne pense pas que c’était exclusivement dû aux corps, la plupart d’entre eux étaient trop avancé pour sentir comme ça, il y avait aussi de la terre dans les caisses, je ne sais pas si c’était pour les lester ou une idée similaire mais c’était sans doute la terre qui puait autant.”
Il pose sa tête contre le carreau de la diligence, la vibration au rythme des sabots des chevaux n’est pas désagréable.
”Pour les personnes exposées, à part moi il n’y a eu que Holmes, un gobelin, je dirai dans la cinquantaine? Il a un bon embonpoint mais il n’est pas obèse non plus, et les deux autres étaient des humains que je ne connaissais pas, dans la fin de vingtaine sans doute, début trentaine, bonne condition physique, c’étaient des manutentionnaires du port, des gros bras habitués au travail éprouvant. Ils sont sans doute moins susceptibles que moi aux maladies, mais l’équipage du vaisseau qui a ramené ces maudites marchandises l’était également ça ne les a pas empêché de tous mourir.” Il marque une pause, se penchant en avant en joignant les mains devant lui, croisant les doigts et les coudes au dessus des genoux il scrute obstinément les verres fumés du masque du Docteur, il devient soudainement plus que sérieux. ”La Societas préfère éviter un tollé avec la Mairesse de Courage, cette vieille peau acariâtre est une véritable plaie en affaire, et plus loin je me tiens d’elle mieux je me porte. Si nous partons à Courage Docteur, ce n’est pas seulement pour que vous soigniez les malades, c’est aussi pour que vous nous aidiez à dissimuler et à confiner l’incident. La SSG ne doit pas s’entacher comme la responsable d’un début d’épidémie dans une des grandes cités, et encore moins à Courage.” En s'adossant dans le doux rouge capitonné, il conclu donc. ”Le cadre légal, ne s’applique plus. Nous serons déjà dans l’illégalité en ne déclarant pas les cas rapportés. Ce n’est pas une question d’argent Docteur, mais d’image.”
Reprenant un sourire plus chaleureux, Zelevas tente d’amadouer le médecin pour en apprendre un peu plus sur lui et discuter de son fameux laboratoire.
”Ce laboratoire que vous convoitez, je vous l’offrirai, ne serait-ce que pour les services que vous m’avez déjà rendu personnellement, mais quel genre d’exposition souhaitez-vous envisager? Dois-je faire construire l’endroit ou acheter un bâtiment existant? Et dans quel genre de voisinage? Le ‘Docteur’ a-t’il le plus besoin de calme, ou de clientèle?”
La Societas Septum Gardianorum est subdivisée en plusieurs département, notamment parmis eux la Logistique et l’Expédition, ces deux bureaux sont les chargés de tout les transits sur le territoire républicain. La plus grande entreprise du monde a donc érigé à interval régulier le long des routes reliant les trois plus grandes villes de la nation, des maisons d’hôte servant de point de relai pour leurs nombreux convois, si leur utilisation est complètement défrayée par la Societas pour les employés et les chargements de la SSG, il est payant et fortement tarifé pour les civils, mais leurs confort est à la hauteur des prix. Pressés par le temps en raison de la nature de leur déplacement, le cocher de leur véhicule a poussé leurs chevaux à parcourir plus de distance et à fatiguer un peu leur monture, leur voyage ne durera que quelques jours tout au plus selon les intempéries, la neige et la température, donc l’endurance des bêtes de traits importe peu. En raison de tout ça, ils ne se sont pas arrêté dans un des bâtiments de la SSG mais plutôt dans une auberge qu’ils ont trouvé bien une fois que les destriers avaient impérativement besoin de repos. Zelevas ayant dormi toute la journée pendant le trajet ne pense pas parvenir à retrouver le sommeil, pourtant après un repas fade mais nourrissant il se sent de nouveau suffisamment fatigué pour glisser dans les draps de sa chambre. Lui avait mangé silencieusement devant le Docteur qui avait dit ne pas avoir faim tandis qu’ils avaient brièvement discuté de la situation à Courage qui avait contaminé le vieillard.
Le lendemain matin, ses yeux s’ouvrent tout seuls aux premières lueurs de l’aube qui pointent à travers la fenêtre, une corneille à l’extérieur laisse son cri aigu et perçant accompagner le vieil homme qui se redresse, pas sûr de savoir si c’est l’animal qui a produit ce son ou les vertèbres de son dos. Il sent immédiatement le contre-coup des mauvaises lattes du sommier l’assaillir quand il s’assied sur la couche, il a une fois de plus l’impression malheureusement trop récurrente que ses côtes sont à la vertical en se réveillant, et il grimace en grommelant.
”Ooorfh. Pfouuf, dur.”
Zelevas ferme ses yeux un instant, laissant passer la douleur, son bras gauche est un peu raide, il a dû mal dormir dessus. En finissant tant bien que mal par s’extirper des draps pour venir se poster devant le miroir accroché au mur, il inspecte sa mine, insolite de se dire qu’hier encore à la même heure il contemplait la mortalité de sa condition d’homme, et que maintenant il ne donnait pas même l’air d’avoir été convalescent. Sa vision est encore trouble, donc il plonge ses mains dans l’eau froide du baquet à ses pieds et s’asperge le visage, appréciant la fraîcheur sur sa peau et tapotant un peu ses joues pour finir de réveiller ses muscles fasciaux. Il se rhabille et sort de sa chambre où il trouve le Docteur déjà debout, assis sur une chaise à l’attendre, vêtu d’exactement le même accoutrement qu’hier. Au son de la porte qui s’ouvre, le médecin qui griffonnait dans son calepin relève son bec et Zelevas fronce les sourcils:
”Il me semble que je ne suis plus contagieux non? Le masque n’est plus nécessaire.”
”Vous… vous euh… vous pouvez le retirer.”
”Non?” Il détourne le regard, se grattant la tête d’un doigt.
Mal à l’aise, Zelevas se contente juste de tourner la tête vers la tenancière qui peine à démarrer le fourneau et lui règle son dû pour la nuit, le repas et les deux chambres, puis lui et le Docteur remontent dans la voiture afin de poursuivre plus loin leur voyage. La forêt d’arbres dénudés s’éclaircit progressivement au fur et à mesure qu’ils se rapprochent des chaînes montagneuses. Pendant toute la durée du trajet depuis ce matin, l’étrange soigneur n’a pas fait un seul bruit, il dévisage parfois le Sénateur du regard sans dire un mot, avant de retourner gratouiller son calepin. Afin de pallier à la gêne qu’il ressent à côté de la présence muette du Docteur, il souhaite tenter un brin de conversation, espérant égayer un peu leur voyage. L’objectif est aussi d’en apprendre un peu plus sur l’étrange personnage, il n’a de toute façon rien de mieux à faire et il doit avouer que malgré le profond malaise que lui inspire l’individu, il éprouve une fascination morbide pour la personne en face de lui, cette même curiosité qui pousse à soulever le rideau pour regarder les coulisses. Il amorce avec une banalité, croisant les jambes en même temps qu’il prend la parole:
”Dommage que la literie de l’auberge n’était pas à la hauteur de leur isolation, il faisait chaud mais les les lattes m’ont mit en vrac.”
*Oui.*
”Et vous avez goûté à leur cuisine? Le ragoût était étonnement bon pour un gîte perdu sur un bord de route.”
*C'est vrai.*
Dubitatif, le Sénateur regarde le bec du masque immobile qui le regarde fixement, sans rien rajouter. Une expression circonspecte se dessine progressivement sur le visage de Zelevas. Peut-être qu’il se prêtera au jeu en tâtonnant sur des sujets susceptibles de l’intéresser.
”J’espère que la route se fera rapidement, le mal dont mes employés souffrent est similaire à celui dont vous m’avez soulagé…”
Cette fois un simple hochement de tête.
Décontenancé, Zelevas se met juste à réfléchir à haute voix, si le Docteur n’était pas de la conversation, il la mènerait tout seul alors.
”Courage est une ville très conservative, comparativement aux autre grandes cités républicaines, si Justice est le bastion des réformateurs et des humanistes, et que Liberty est la pépinière de toutes les philosophies, Courage est un coffre-fort traditionnaliste, j’espère juste que nous n’aurons aucun problème avec les forces de la ville…”
Ce qui le préoccupait grandement c’est l’identité de son fameux Docteur, plus il y accorde de pensée et plus il ne peut s’empêcher de se douter de quelque chose. Himir lui a dit qu’il était passé par ses contacts les moins recommandables pour le trouver, le Docteur cache vraisemblablement son nom et son masque n’a visiblement pas pour seule fonction de filtrer l’air. Son côté bizarroïde dans ses interactions avec son patient lui donne également la puce à l’oreille qu’il y a une grosse anguille sous une roche déjà suspecte. Au moment où Zelevas s’apprête à demander un arrêt, le Doc’ décide enfin de lui parler pour aligner plus de trois mots. Cette fois, il s’intéresse au contexte de la cargaison qu’ils avaient ouvert une semaine plus tôt, c’est soulagé d’enfin parler normalement comme deux êtres sensés que le vieux lui répond:
”En ce qui concerne la cargaison en elle-même, il y a quelques temps nous avions perdu un des bateaux de la Liberum Armada affrété au transport de marchandise et en provenance de Shoumeï, le navire s’était simplement volatilisé, pas de nouvelles des différents ports, rien. Et puis un de nos bâtiment militaire en patrouille aux alentours des îles paradisiaques a retrouvé le navire il y a à peu près deux ou trois semaines je crois. Trois. Quand on a ramené au port le chargement qui était encore intact, on les a archivé mais il y a eu un accident à l’entrepôt et une des caisses s’est ouverte. Il y avait des corps décomposés à l’intérieur, des ossements, certains habillés d’autres non. L’odeur était pestilentielle mais je ne pense pas que c’était exclusivement dû aux corps, la plupart d’entre eux étaient trop avancé pour sentir comme ça, il y avait aussi de la terre dans les caisses, je ne sais pas si c’était pour les lester ou une idée similaire mais c’était sans doute la terre qui puait autant.”
Il pose sa tête contre le carreau de la diligence, la vibration au rythme des sabots des chevaux n’est pas désagréable.
”Pour les personnes exposées, à part moi il n’y a eu que Holmes, un gobelin, je dirai dans la cinquantaine? Il a un bon embonpoint mais il n’est pas obèse non plus, et les deux autres étaient des humains que je ne connaissais pas, dans la fin de vingtaine sans doute, début trentaine, bonne condition physique, c’étaient des manutentionnaires du port, des gros bras habitués au travail éprouvant. Ils sont sans doute moins susceptibles que moi aux maladies, mais l’équipage du vaisseau qui a ramené ces maudites marchandises l’était également ça ne les a pas empêché de tous mourir.” Il marque une pause, se penchant en avant en joignant les mains devant lui, croisant les doigts et les coudes au dessus des genoux il scrute obstinément les verres fumés du masque du Docteur, il devient soudainement plus que sérieux. ”La Societas préfère éviter un tollé avec la Mairesse de Courage, cette vieille peau acariâtre est une véritable plaie en affaire, et plus loin je me tiens d’elle mieux je me porte. Si nous partons à Courage Docteur, ce n’est pas seulement pour que vous soigniez les malades, c’est aussi pour que vous nous aidiez à dissimuler et à confiner l’incident. La SSG ne doit pas s’entacher comme la responsable d’un début d’épidémie dans une des grandes cités, et encore moins à Courage.” En s'adossant dans le doux rouge capitonné, il conclu donc. ”Le cadre légal, ne s’applique plus. Nous serons déjà dans l’illégalité en ne déclarant pas les cas rapportés. Ce n’est pas une question d’argent Docteur, mais d’image.”
Reprenant un sourire plus chaleureux, Zelevas tente d’amadouer le médecin pour en apprendre un peu plus sur lui et discuter de son fameux laboratoire.
”Ce laboratoire que vous convoitez, je vous l’offrirai, ne serait-ce que pour les services que vous m’avez déjà rendu personnellement, mais quel genre d’exposition souhaitez-vous envisager? Dois-je faire construire l’endroit ou acheter un bâtiment existant? Et dans quel genre de voisinage? Le ‘Docteur’ a-t’il le plus besoin de calme, ou de clientèle?”
Citoyen de La République
Nahash
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Notant dans mon carnet les derniers mots de mon nouvel employeur, je parvenais difficilement à contenir mon excitation. Aucun cadre légal. Enfin, un homme suffisamment savant pour me permettre de travailler librement et de ne pas s'arrêter à des choses aussi stupides que l'éthique, ou le respect des corps. Refermant ce dernier subitement, je le replaçais dans ma sacoche tout en reportant mon attention sur Zelevas.
* Le laboratoire peut être intégrer à un bâtiment déjà existant, même si je crains que les spécificités de ma "chambre froide" ne force trop de travaux pour que cela soit tenable. De fait, une nouvelle construction me va tout autant. Pour le reste, il faudrait quelque chose d'isolé, mais accessible. Je n'ai pas envie d'avoir de voisins trop curieux mais il faut que mes patients puissent atteindre mon atelier. Je ne parle pas non plus des risques de contaminations selon les types de maladies, justifiant de fait l'isolement partiel du laboratoire. *
J'attendais quelques instants, ne serait-ce que pour que Zelevas comprenne la chose et la note à son tour. Si j'avais appris une chose, au cours de ma vie, c'était que les hommes et femmes de pouvoirs promettaient souvent bien plus qu'ils n'offraient réellement. C'était vrai dans bien des domaines, d'ailleurs. Quittant mes pensées pour en revenir au politicien, je sortais alors un masque similaire au mien. Bien que de moins bonne facture et à l'apparence moins menaçante, il s'agissait d'un masque à la protection tout de même efficace.
* Lorsque nous arriverons à Courage, et que nous approcherons de vos employés, ou de votre entrepôt. Veuillez porter ceci. Et ne toucher rien de vos mains directement. Utilisez une canne, et portez des gants. La propagation de la fièvre noire peut se faire extrêmement rapidement et, surtout, je ne suis pas certain que vous puissiez survivre à une nouvelle infection compte tenu de votre âge et de votre fatigue dû à votre état convalescent. Oh et, naturellement, lorsque je pratiquerais, vous m'écoutez. Si je vous dis de partir, partez. Il en sera probablement une question de vie ou de mort, le cas échéant. *
Je ne mentais même pas. Cette maladie était une véritable plaie, et je savais que mon don particulier trouvait ses limites relativement rapidement si l'utilisais trop intensément. Me retrouver dans un état de fatigue absolu était hors de question, surtout vu le nombre de patients déjà atteints et le risque de propagation à grande échelle. Combien de morts y aurait-il, si nous laissions ce mal se répandre? Combien de cas à traiter et de potentielles mutations? Il me fallut de nouveau contenir mon excitation. Cela aurait été non professionnel et, surtout, j'avais été spécifiquement mandaté pour que cela n'arrive pas. De fait, j'allais probablement déjà avoir largement de quoi m'occuper dans les jours à venir.
* Concernant vos employés, c'est vers eux que nous nous dirigerons en premier. Etant donné votre état, je préfère m'assurer soit qu'ils sont soignables, soit qu'ils sont déjà morts. Dans tous les cas, notre urgence se trouve dans leurs personnes. Les caisses de l'entrepôt, elles, ne devraient normalement pas bouger. A part si la sécurité de vos bâtiments est aussi mauvaise que le niveau de criminalité à Kaizoku. *
Je ressortais alors mes notes, commençant à écrire divers hypothèses quant à la provenance de l'étrange cargaison. Pourquoi des hommes auraient-ils sortis de terre des cadavres? Pour quels sombre projets pouvaient-ils acheminer des corps sans user de la moindre protection? Etait-ce, à l'instar de ma mission actuelle, une question d'images? Ou bien le mandataire de l'équipage perdu avait-il cherché à assouvir ses plus bas instincts dans un acte nécrophile? Et surtout, ce qui m'agaçait le plus, comment diable avaient-ils fait pour réaliser tout cela sans la supervision d'un soigneur ou d'un homme de science qui aurait pu leur fournir les protocoles élémentaires pour se préserver de cette infection? Il y avait tant de questions sans réponses. Tant d'options que nous ne pouvions pas exploiter. Car pour l'heure, la priorité se trouvait encore une fois dans le fait de sauver ce qui pouvait l'être, et de se débarrasser à notre tour de ce qui ne le pouvait pas. Le reste du voyage se passa ainsi, dans un calme relatif où mon interlocuteur m'expliquait les quelques spécificités de l'entrepôt ou du fonctionnement de la SSG. Je devais l'admettre, il n'était pas un mauvais bougre. Mais sa volonté de vouloir échanger et parler éveillait chez moi une profonde lassitude. Peut-être était-ce là une habitude de vieille personne? Il était vrai que la plupart de mes patients âgés avaient tendance à me raconter leur vie. "Mes petits enfants ne me donnent plus de nouvelle." "Le Reike était mieux sous la gouvernance des parents de l'impératrice." "A mon époque, on pouvait violer nos chèvres sans qu'elles nous donnent un fils." Tellement de propos aussi insignifiants que rébarbatifs. Fort heureusement pour moi, nous arrivâmes dans la cité de Courage un peu plus tôt que prévu.
Quittant donc la diligence tandis que Zelevas s'occupait de remercier le conducteur, je remerciais pour ma part le destin de ne pas avoir fait mourir le pauvre homme. A présent, personne ne pouvait me jeter de fausses accusations concernant la mort précoce d'un innocent. Enfin. Si. Mais pas pour le sénateur. Frottant doucement mon grand manteau de cuir, je demandais par la suite au politicien de m'amener directement vers la demeure du gobelin. Cette dernière, contrairement à ce que je pouvais penser, se trouvait être d'une grandeur remarquable. Frappant à la porte avec insistance, j'attendais que quelqu'un nous ouvre. Ce fut la femme du petit homme vert qui ouvrit alors soudain la porte et quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvrais devant nous une grande elfe élancée aux formes plantureuses et au regard rubis. L'argent achetait vraiment tout. Enfin, peu m'importait puisque déjà, Zelevas nous présentait tandis qu'il enfilait enfin le masque que je lui avais fourni. Dans les yeux de la brune elfique, je pouvais lire l'inquiétude et la tristesse. Même si je n'étais pas certain de la véracité de ses sentiments, étant donné le potentiel héritage qu'elle toucherait si son mari venait à mourir. Dans un soupir, elle nous guida cependant rapidement dans les couloirs de sa maison pour nous mener jusqu'à la chambre où se reposait le fameux "Holmes".
- Je ne peux vous mener plus loin. Le voir dans cet état me remplit de chagrin et je dois bien avouer que depuis qu'il...
N'écoutant pas toutes ces spécificités inutiles et ne voulant pas spécialement en apprendre plus sur la vie ennuyeuse d'une femme au foyer j'ouvrais la porte et entrait finalement dans la pièce du malade. Je laissais ainsi le soin au sénateur de parler avec l'elfe et d'apprendre probablement que son amant l'avait consolée dès que le gobelin était tombé dans son état fiévreux. Comme le reste de la demeure, la chambre se trouvait relativement bien décorée et possédait une superficie largement suffisante pour que je puisse y évoluer sans la moindre gêne. A peine conscient, le pauvre gobelin me fixa de ses pupilles mi closes tandis que je déposais mes outils sur le lit directement. Ce qui était bien, c'est qu'au moins ses petites jambes ne pouvaient pas me gêner dans cette tâche. Attrapant stylets et autres abaisse-langue, j'entamais mon auscultation cette fois sans même donner la moindre instruction à mon nouveau patient. De toutes façons, ce dernier ne pouvait probablement plus m'entendre, étant donné son front brûlant et les nombreux bubons violacés qui recouvraient certains de ses membres. De ce que je pouvais inspecter, trois orteils de la main gauche, deux du pied droit ainsi que le sexe du peau-verte avaient gonflés et pris une teinte indigo. Ou alors les gobelins étaient bien mieux fourni que ce que mes livres d'anatomie m'avaient appris. La langue aussi avait entamé ce gonflement nauséabond et le cou de ce Holmes se voyait écrasé au niveau de l'artère par une excroissance abjecte. Pour éviter à ce dernier de ne périr plus rapidement que prévu et avant même que ne réalise mes soins, je sectionnais doucement le gonflement afin de permettre un écoulement du pus et octroyer un dégonflement suffisamment efficace pour que l'afflux sanguin se refasse convenablement dans le cerveau du gobelin. D'autant que, visiblement, le crâne du pauvret avait déjà entamé sa transformation finale. Quelques heures de retard et ce dernier serait sans doute déjà en train de baver sur lui tout en teintant ses draps d'urine lors de longues phases d'agonie où il aurait supplier qu'on ne l'achève. Enfin. Plus fréquemment que là. Ouvrant la bouche du gobelin sans me soucier de potentielles observations ou commentaires, je tirais la langue à l'aide d'une pince pour verser dans le gosier de mon patient la même décoction que j'avais prévu pour Zelevas il y a quelques jours. De quoi lui éviter des douleurs inutiles. Puis, enfin, je concentrais ma mana pour lancer mon sort de guérison. Comme pour le sénateur, ma magie s'étendit dans le corps fiévreux du peau-verte, arrachant la maladie comme un paysan sortant des betteraves de son champ. Une purge violente et non enrobée de sucre. Mais une purge efficace.
Quand cessait enfin mon pouvoir, je retirais mes mains gantées de la poitrine du gobelin et prenait de suite un scalpel pour pratiquer de nouvelles incisions. Contrairement à mon employeur, l'état de Holmes était plus avancé et malgré la disparition de la maladie, les restes nauséabond des gonflements se trouvaient encore existants ici et là. Il fallait donc inciser rapidement et permettre l'évacuation des liquides jaunâtres, tout en surveillant l'activité cardiaque et la respiration du patient. Si je n'avais pas réellement prêter attention au temps passé, la pratique de ces petites coupures, du nettoyage des plaies et l'application des bandages ainsi que l'administration du stimulant dut facilement nous occuper pendant une bonne heure. Mais, enfin, le patient se voyait "tirer d'affaires". Car commençait alors pour lui une convalescence terrible. Non pas physique, mais mentale. L'approche de la mort était souvent un facteur perturbant pour les mortels mais, couplée à la folie et à la douleur, cela pouvait changer aisément une personne bienveillante en profond égoïste. Même si, à vrai dire, je me moquais bien du statut psychologique du gobelin, je lui souhaitais tout de même mentalement bien du courage, car déjà Zelevas semblait vouloir lui poser quelques questions.
Me redressant doucement, j'observais le politicien qui se terrait derrière son masque de fortune et lui faisait un signe de tête approbateur. Le gobelin pouvait parler, même si je ne promettais pas la meilleure des locutions. Pour le reste, il fallait bien s'assurer que les caisses étaient laissées sous surveillance, et savoir si les deux gros bras étaient bien rentrés chez eux. Car déjà, je repensais à eux et au fait que nous devions aussi nous hâter pour les retrouver. Rangeant rapidement mes affaires, je reprenais finalement ma sacoche et quittait la pièce sans un bruit, indiquant simplement à Zelevas mentalement qu'il faudrait brûler les draps et les bandages afin d'éviter véritablement tout risque infectieux. Et même si le politicien était sans danger, je m'amusais cependant à ne lui indiquer cela que lorsqu'il s'était enfin rapproché.
En dehors de la chambre, la femme du patient attendait visiblement anxieuse. D'un signe de tête, je lui faisais comprendre que la jeune pousse de brocoli était tirée d'affaire. Son air inquiet se mua alors en un profond soupir d'apaisement et ses traits se détendirent tandis qu'elle reprenait un peu de contenance. S'approchant de moi, elle joignit alors ses mains près de ses hanches, fixant les lentilles de mon masque d'un air lubrique tandis que sa poitrine se levait doucement.
- Si... Si je peux faire quoi que ce soit pour vous remercier... Docteur... N'hésitez pas. Je saurais me montrer très... Généreuse.
Zelevas. Par pitié, venez rapidement. Ou je serais contraint de devoir anesthésier l'épouse de votre ami.
* Le laboratoire peut être intégrer à un bâtiment déjà existant, même si je crains que les spécificités de ma "chambre froide" ne force trop de travaux pour que cela soit tenable. De fait, une nouvelle construction me va tout autant. Pour le reste, il faudrait quelque chose d'isolé, mais accessible. Je n'ai pas envie d'avoir de voisins trop curieux mais il faut que mes patients puissent atteindre mon atelier. Je ne parle pas non plus des risques de contaminations selon les types de maladies, justifiant de fait l'isolement partiel du laboratoire. *
J'attendais quelques instants, ne serait-ce que pour que Zelevas comprenne la chose et la note à son tour. Si j'avais appris une chose, au cours de ma vie, c'était que les hommes et femmes de pouvoirs promettaient souvent bien plus qu'ils n'offraient réellement. C'était vrai dans bien des domaines, d'ailleurs. Quittant mes pensées pour en revenir au politicien, je sortais alors un masque similaire au mien. Bien que de moins bonne facture et à l'apparence moins menaçante, il s'agissait d'un masque à la protection tout de même efficace.
* Lorsque nous arriverons à Courage, et que nous approcherons de vos employés, ou de votre entrepôt. Veuillez porter ceci. Et ne toucher rien de vos mains directement. Utilisez une canne, et portez des gants. La propagation de la fièvre noire peut se faire extrêmement rapidement et, surtout, je ne suis pas certain que vous puissiez survivre à une nouvelle infection compte tenu de votre âge et de votre fatigue dû à votre état convalescent. Oh et, naturellement, lorsque je pratiquerais, vous m'écoutez. Si je vous dis de partir, partez. Il en sera probablement une question de vie ou de mort, le cas échéant. *
Je ne mentais même pas. Cette maladie était une véritable plaie, et je savais que mon don particulier trouvait ses limites relativement rapidement si l'utilisais trop intensément. Me retrouver dans un état de fatigue absolu était hors de question, surtout vu le nombre de patients déjà atteints et le risque de propagation à grande échelle. Combien de morts y aurait-il, si nous laissions ce mal se répandre? Combien de cas à traiter et de potentielles mutations? Il me fallut de nouveau contenir mon excitation. Cela aurait été non professionnel et, surtout, j'avais été spécifiquement mandaté pour que cela n'arrive pas. De fait, j'allais probablement déjà avoir largement de quoi m'occuper dans les jours à venir.
* Concernant vos employés, c'est vers eux que nous nous dirigerons en premier. Etant donné votre état, je préfère m'assurer soit qu'ils sont soignables, soit qu'ils sont déjà morts. Dans tous les cas, notre urgence se trouve dans leurs personnes. Les caisses de l'entrepôt, elles, ne devraient normalement pas bouger. A part si la sécurité de vos bâtiments est aussi mauvaise que le niveau de criminalité à Kaizoku. *
Je ressortais alors mes notes, commençant à écrire divers hypothèses quant à la provenance de l'étrange cargaison. Pourquoi des hommes auraient-ils sortis de terre des cadavres? Pour quels sombre projets pouvaient-ils acheminer des corps sans user de la moindre protection? Etait-ce, à l'instar de ma mission actuelle, une question d'images? Ou bien le mandataire de l'équipage perdu avait-il cherché à assouvir ses plus bas instincts dans un acte nécrophile? Et surtout, ce qui m'agaçait le plus, comment diable avaient-ils fait pour réaliser tout cela sans la supervision d'un soigneur ou d'un homme de science qui aurait pu leur fournir les protocoles élémentaires pour se préserver de cette infection? Il y avait tant de questions sans réponses. Tant d'options que nous ne pouvions pas exploiter. Car pour l'heure, la priorité se trouvait encore une fois dans le fait de sauver ce qui pouvait l'être, et de se débarrasser à notre tour de ce qui ne le pouvait pas. Le reste du voyage se passa ainsi, dans un calme relatif où mon interlocuteur m'expliquait les quelques spécificités de l'entrepôt ou du fonctionnement de la SSG. Je devais l'admettre, il n'était pas un mauvais bougre. Mais sa volonté de vouloir échanger et parler éveillait chez moi une profonde lassitude. Peut-être était-ce là une habitude de vieille personne? Il était vrai que la plupart de mes patients âgés avaient tendance à me raconter leur vie. "Mes petits enfants ne me donnent plus de nouvelle." "Le Reike était mieux sous la gouvernance des parents de l'impératrice." "A mon époque, on pouvait violer nos chèvres sans qu'elles nous donnent un fils." Tellement de propos aussi insignifiants que rébarbatifs. Fort heureusement pour moi, nous arrivâmes dans la cité de Courage un peu plus tôt que prévu.
Quittant donc la diligence tandis que Zelevas s'occupait de remercier le conducteur, je remerciais pour ma part le destin de ne pas avoir fait mourir le pauvre homme. A présent, personne ne pouvait me jeter de fausses accusations concernant la mort précoce d'un innocent. Enfin. Si. Mais pas pour le sénateur. Frottant doucement mon grand manteau de cuir, je demandais par la suite au politicien de m'amener directement vers la demeure du gobelin. Cette dernière, contrairement à ce que je pouvais penser, se trouvait être d'une grandeur remarquable. Frappant à la porte avec insistance, j'attendais que quelqu'un nous ouvre. Ce fut la femme du petit homme vert qui ouvrit alors soudain la porte et quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvrais devant nous une grande elfe élancée aux formes plantureuses et au regard rubis. L'argent achetait vraiment tout. Enfin, peu m'importait puisque déjà, Zelevas nous présentait tandis qu'il enfilait enfin le masque que je lui avais fourni. Dans les yeux de la brune elfique, je pouvais lire l'inquiétude et la tristesse. Même si je n'étais pas certain de la véracité de ses sentiments, étant donné le potentiel héritage qu'elle toucherait si son mari venait à mourir. Dans un soupir, elle nous guida cependant rapidement dans les couloirs de sa maison pour nous mener jusqu'à la chambre où se reposait le fameux "Holmes".
- Je ne peux vous mener plus loin. Le voir dans cet état me remplit de chagrin et je dois bien avouer que depuis qu'il...
N'écoutant pas toutes ces spécificités inutiles et ne voulant pas spécialement en apprendre plus sur la vie ennuyeuse d'une femme au foyer j'ouvrais la porte et entrait finalement dans la pièce du malade. Je laissais ainsi le soin au sénateur de parler avec l'elfe et d'apprendre probablement que son amant l'avait consolée dès que le gobelin était tombé dans son état fiévreux. Comme le reste de la demeure, la chambre se trouvait relativement bien décorée et possédait une superficie largement suffisante pour que je puisse y évoluer sans la moindre gêne. A peine conscient, le pauvre gobelin me fixa de ses pupilles mi closes tandis que je déposais mes outils sur le lit directement. Ce qui était bien, c'est qu'au moins ses petites jambes ne pouvaient pas me gêner dans cette tâche. Attrapant stylets et autres abaisse-langue, j'entamais mon auscultation cette fois sans même donner la moindre instruction à mon nouveau patient. De toutes façons, ce dernier ne pouvait probablement plus m'entendre, étant donné son front brûlant et les nombreux bubons violacés qui recouvraient certains de ses membres. De ce que je pouvais inspecter, trois orteils de la main gauche, deux du pied droit ainsi que le sexe du peau-verte avaient gonflés et pris une teinte indigo. Ou alors les gobelins étaient bien mieux fourni que ce que mes livres d'anatomie m'avaient appris. La langue aussi avait entamé ce gonflement nauséabond et le cou de ce Holmes se voyait écrasé au niveau de l'artère par une excroissance abjecte. Pour éviter à ce dernier de ne périr plus rapidement que prévu et avant même que ne réalise mes soins, je sectionnais doucement le gonflement afin de permettre un écoulement du pus et octroyer un dégonflement suffisamment efficace pour que l'afflux sanguin se refasse convenablement dans le cerveau du gobelin. D'autant que, visiblement, le crâne du pauvret avait déjà entamé sa transformation finale. Quelques heures de retard et ce dernier serait sans doute déjà en train de baver sur lui tout en teintant ses draps d'urine lors de longues phases d'agonie où il aurait supplier qu'on ne l'achève. Enfin. Plus fréquemment que là. Ouvrant la bouche du gobelin sans me soucier de potentielles observations ou commentaires, je tirais la langue à l'aide d'une pince pour verser dans le gosier de mon patient la même décoction que j'avais prévu pour Zelevas il y a quelques jours. De quoi lui éviter des douleurs inutiles. Puis, enfin, je concentrais ma mana pour lancer mon sort de guérison. Comme pour le sénateur, ma magie s'étendit dans le corps fiévreux du peau-verte, arrachant la maladie comme un paysan sortant des betteraves de son champ. Une purge violente et non enrobée de sucre. Mais une purge efficace.
Quand cessait enfin mon pouvoir, je retirais mes mains gantées de la poitrine du gobelin et prenait de suite un scalpel pour pratiquer de nouvelles incisions. Contrairement à mon employeur, l'état de Holmes était plus avancé et malgré la disparition de la maladie, les restes nauséabond des gonflements se trouvaient encore existants ici et là. Il fallait donc inciser rapidement et permettre l'évacuation des liquides jaunâtres, tout en surveillant l'activité cardiaque et la respiration du patient. Si je n'avais pas réellement prêter attention au temps passé, la pratique de ces petites coupures, du nettoyage des plaies et l'application des bandages ainsi que l'administration du stimulant dut facilement nous occuper pendant une bonne heure. Mais, enfin, le patient se voyait "tirer d'affaires". Car commençait alors pour lui une convalescence terrible. Non pas physique, mais mentale. L'approche de la mort était souvent un facteur perturbant pour les mortels mais, couplée à la folie et à la douleur, cela pouvait changer aisément une personne bienveillante en profond égoïste. Même si, à vrai dire, je me moquais bien du statut psychologique du gobelin, je lui souhaitais tout de même mentalement bien du courage, car déjà Zelevas semblait vouloir lui poser quelques questions.
Me redressant doucement, j'observais le politicien qui se terrait derrière son masque de fortune et lui faisait un signe de tête approbateur. Le gobelin pouvait parler, même si je ne promettais pas la meilleure des locutions. Pour le reste, il fallait bien s'assurer que les caisses étaient laissées sous surveillance, et savoir si les deux gros bras étaient bien rentrés chez eux. Car déjà, je repensais à eux et au fait que nous devions aussi nous hâter pour les retrouver. Rangeant rapidement mes affaires, je reprenais finalement ma sacoche et quittait la pièce sans un bruit, indiquant simplement à Zelevas mentalement qu'il faudrait brûler les draps et les bandages afin d'éviter véritablement tout risque infectieux. Et même si le politicien était sans danger, je m'amusais cependant à ne lui indiquer cela que lorsqu'il s'était enfin rapproché.
En dehors de la chambre, la femme du patient attendait visiblement anxieuse. D'un signe de tête, je lui faisais comprendre que la jeune pousse de brocoli était tirée d'affaire. Son air inquiet se mua alors en un profond soupir d'apaisement et ses traits se détendirent tandis qu'elle reprenait un peu de contenance. S'approchant de moi, elle joignit alors ses mains près de ses hanches, fixant les lentilles de mon masque d'un air lubrique tandis que sa poitrine se levait doucement.
- Si... Si je peux faire quoi que ce soit pour vous remercier... Docteur... N'hésitez pas. Je saurais me montrer très... Généreuse.
Zelevas. Par pitié, venez rapidement. Ou je serais contraint de devoir anesthésier l'épouse de votre ami.
La réponse du Doc’ confirme plus ou moins les suspicions de Zelevas à son sujet, le praticien n’est effectivement pas toujours quelqu’un de droit vis à vis de la Loi. Le politicien récupère du papier et un nécessaire d’écriture dans un des tiroirs en dessous de la banquette, se gardant bien de montrer ostensiblement les quelques documents qu’il n’avait pas pris la précaution de ranger avant leur départ au regard potentiellement indiscret du Docteur. Il commence ensuite à prendre des notes, non pas sur sa rémission à l’instar de son accompagnateur mais sur un devis des coûts approximatifs que la construction d’un tel labo allait lui coûter. Le Sénateur est riche, en tant que Fraternitas, Directeur de la SSG depuis douze ans, ancien Garde des Sceaux et Juge à succès, il avait amassé une fortune qui ne se reflétait absolument pas dans l’état de son manoir familial. Il conserve surtout son pécule afin de financer ses projets ambitieux et servir sa carrière, et il estime que le laboratoire d’un soigneur aussi talentueux que le Docteur pourrait à terme ouvrir quelques portes qu’il serait content d’avoir plus tard, peut-être même lui donner des solutions à des problèmes épineux de nature plus… sombres. Son sauveur lui tend un masque similaire au sien, en lui indiquant de le porter une fois qu’ils entreraient dans les zones de confinement, tendant une de ses mains gantées pour saisir la protection qu’on lui offre, Zelevas inspecte l’objet, à bien y regarder il n’est pas exactement le même que celui du Docteur, mais regarder dans les lentilles qui le fixent maintenant depuis ses deux mains lui jette quand même un froid dans le dos. Leur discussion continue avec cette fois un peu plus de réserve de la part de son compagnon de route, le Sénateur sent qu’une fois cette interlude médical terminé, il a de nouveau perdu l’attention du médecin hétéroclite.
Pour l’instant le portrait qu’il dresse de ce curieux personnage reste encore assez abstrait, c’est visiblement un homme de grande connaissance dans son domaine, si tant est que c’est un homme. Depuis qu’il voyage en sa compagnie Zelevas ne l’a jamais vu prendre de pause pour uriner, boire ou manger, en ce qui le concerne, il ne l’a jamais vu dormir non plus, et la totalité de sa peau étant recouverte par ses accoutrements épais, il ne saurait même dire si le Docteur était à plume, à écaille ou à pois jaune sur fond bleu. Il faisait peut-être route avec un démon, mais tant que c’était un démon qui faisait ce pour quoi il était payé, tout lui allait.
L’arrivée à Courage se fait sans embûche, pas d’attaque à mi-chemin de brigands mal-avisés, pas d’arrêt prolongé dû aux intempéries et encore moins de calcination intempestive de leur moyen de locomotion à cause de belettes sauvages. Une fois arrivés à destination devant la jolie maison du Sous-Gouverneur de la ville, le Doc’ prend les devants en allant directement toquer à la porte du gobelin, si tant est qu’il est encore en état de venir ouvrir. Dans le pire des cas ils pourront toujours s’introduire autrement dans la petite bâtisse, en passant par l’arrière qui laisse deviner un jardin bien entretenu. Normalement les consignes de Zelevas quant à l’ébruitement de l’affaire étaient claires, hors de question que la SSG soit tenue pour responsable de l’origine d’une vague de maladie mortelle à Courage, toutes les personnes en contact avec la maudite cargaison c’est à dire Zelevas, Holmes et les deux gorilles, devaient se cloîtrer chez eux, seuls, et uniquement le personnel médical de la Societas ne seraient autorisés à entrer. Pas de famille, pas d’amis. La raison d’une telle quarantaine était bien plus diplomatique qu’elle n’était sanitaire, aussi quand la porte du gobelin s’ouvrit sur une elfe aux yeux rougis et fatigués, le Directeur cru que son coeur allait s’arrêter, ce qui aurait été dommage après avoir fait tant de chemin et survécu à la fièvre noire. Fort heureusement son choc ne parut jamais aux yeux du joli bout de femme qui les accueille grace au masque que le Docteur lui avait donné et qui couvre entièrement ses expressions faciales, peut-être qu’il devrait le garder pour venir avec à la Chambre Bleue, on ne le verrait pas dormir quand les Humanistes présenteraient une énième loi sur l’écologie dont tout le monde se foutait. Fouillant un peu dans ses souvenirs pendant que l’elfette les mène à travers la maison jusqu’à la chambre de son employé, Zelevas tente de se remémorer si Holmes l’avait déjà informé du nom de sa conjointe, sans succès. Laissant donc le Docteur aller directement au chevet du malade, il désobéit aux instructions du soigneur de ne rien toucher en se permettant de saisir l’épaule de la femme en désarroi, protégé quelques peu par son gant en coton, pour l’attirer à l’écart vers la cuisine. Toujours avec sa main dans son dos, demeurant respectueusement au dessus de l’omoplate, le Sénateur invite la maîtresse de maison à prendre place à une des chaises pendant que son mari entame le processus curatif en bonnes mains. Une fois installée, l’elfe semble vouloir prendre la parole mais son inquiétude refais surface et elle se retient de sangloter.
”Tout va bien se passer madame, ne vous inquiétez pas. Le Docteur qui s’occupe de votre mari est le plus compétent que je connaisse, il m’a guérit en un rien de temps alors que je souffrais du même mal qui affecte Holmes actuellement, et vu mon âge, c’est vous dire s’il a plus de chances de s’en tirer que moi.” Un demi mensonge compte tenu de l’avancée plus importante de la pathologie qu’il avait pu apercevoir dans le cadre de la porte de la chambre tantôt. ”S’il me parle souvent de vous, il n’a cependant jamais précisé votre prénom, comment vous appelez-vous?”
”Han-Hangie, enchanté.” La voix chevrotante de l’elfette se fait un peu plus forte alors qu’elle reprend espoir.
”Hangie Holmes? C’est joli, il y a un timbre musical à prononcer votre nom n’est-ce pas?”
”Haha, oui, mes amis m’en font souvent la remarque.” Son rire triste force une larme à s’écouler, mais elle l’essuie d’un revers de la main et semble regagner un peu de sa composition.
”Je dois dire que je suis jaloux de mon collègue, si j’avais eu la chance de passer ma convalescence en compagnie d’une aussi ravissante épouse la maladie m’aurait été bien moins éprouvante...”
”Oh ça l’est quand même pour lui vous savez, il est complètement fou, je ne le reconnais plus.” Sa voix se brise à ces mots, et elle prends quelques secondes à trouver le courage de continuer. ”Il est agressif, très violent, ce n’est pas comme lui, du tout. Non. Oh là non! D’habitude il est toujours si doux, si affectueux, c’est quelqu’un qui mange la vie vous savez.”
”Littéralement même. Je connais bien Holmes, il est dans la Societas depuis plus longtemps que moi, je me rappelle d’un banquet de célébration en moins cinq où il avait mangé douze huîtres avant de me dire de ne pas m’y attarder parce qu’elles n’étaient pas bonnes. Sacré Holmes. Héhéhé.”
Un sourire timide s’affiche sur le visage de la femme pendant qu’une valkyrie passe dans la conversation, emplissant la pièce d’un silence patient. Des sons étouffés leur parviennent du fond du couloir menant à la chambre, visiblement le Docteur avait entamé le processus de guérison et le gobelin en ressentait les effets. Un frisson glacial se répand dans les tripes de Zelevas au souvenir encore un peu trop frais de la sensation qu’il avait lui-même ressenti quelques jours auparavant.
”Vous pensez vraiment qu’il va s’en sortir?”
”Bien sûr. Je le crois fermement. Je vous l’ai dit, il n’y a pas meilleur que le Docteur.”
”Comment s’appelle-t’il?”
”Euh… hum, vous n’aurez qu’à le lui demander.” C’est probablement la meilleure réponse qu’il peut donner à cette question. ”Comment s’est passé la convalescence de Holmes jusqu’à présent?”
”Et bien, plutôt mal hein, les premiers jours ça allait encore en comparaison, il n’avait qu’un mal de tête mais il s’en plaignait vraiment énormément. Il m’a dit de ne pas sortir de chez nous et de ne voir personne. Il était insistant là dessus.”
”Oui ce n’est que la procédure de la Societas pour les maladies de travail.” Mensonge éhonté, mais vu l’intelligence de la femme qui lui faisait face, ce serait amplement suffisant. ”Et vous avez respecté ce protocol?”
”Oui bien sûr, je ne suis pas sortie, je n’ai même pas pu écrire à mes amis pour les tenir au courant de l’état de santé de Holmes, il n’a pas voulu que j’en parle. Alors bon, je suis sûr que les gens s’inquiètent à son sujet, et même ses parents ne sont pas au courant. Vous vous rendez compte?”
”C’est une situation difficile oui, mais c’est bientôt terminé, le Docteur ressortira de cette chambre et votre mari ira mieux. Ne vous faites pas de mouron là dessus.” La mine empathique de Zelevas était en réalité une moue de satisfaction, ainsi la nana avait gardé le silence sur la condition de son mari, tant mieux. ”Les soigneurs de la Societas sont-ils déjà passés?”
”Oui mais ils n’ont pas été très utiles, ils m’ont dit qu’ils ne pourraient rien faire et qu’ils allaient faire venir de l’aide plus potente. Je suis heureuse que vous soyez finalement arrivés.”
”Naturellement.”
Ils continuent ainsi à discuter pendant que le Docteur finalise les soins dans la salle d’à côté, échangeant mondanité sur mondanité, parlant de la vie, du temps, du coût des fruits et de recettes de cuisine. Au bout de plusieurs quarts d'heures, Zelevas finit par se relever de la chaise en prétextant aller prendre des nouvelles du patient, intimant à l’ennuyeuse ménagère de ne pas le suivre à cause de potentiels risques de contamination. Il marche à travers le couloir en ouvrant la porte entrebâillée pour voir le Doc’ concentré sur sa magie, afin de ne pas le déranger le Sénateur demeure adossé contre un mur, préférant le silence religieux de la pratique scientifique plutôt que les discussions dénuées d’intérêt du petit peuple. Lorsqu’enfin le soigneur cesse son incantation, il ne s’écarte pas du patient comme il l’avait fait pour lui mais attrappe plutôt une lame avec laquelle il pratique plusieurs incisions, puis il complète les soins. Le pus répugnant se déverse sur les linceuls en traçant des trainées jaunâtres, les impuretés s’écoulent et emportent un peu de sang avec elles, c’est parfaitement écoeurant, heureusement que le vieux Fraternitas a le coeur bien accroché avec ses années de service au Razkaal et passées à traquer les individus les plus dérangés de la République parce qu’il aurait sinon rendu son déjeuner sur le parquet. Décroisant les bras pour venir s’avancer à hauteur du médecin une fois qu’il vit le gobelin reprendre peu à peu conscience, Zelevas se penche à côté du Docteur pour lui demander s’il est déjà capable de répondre à quelques questions. Quand celui ci acquiesce et les laisse seul à seul, il ajoute également que les draps présentent encore un risque de contagion, générant un sursaut de recul de la part du vieil homme comme si le lit était soudainement brûlant.
”Holmes. Holmes tu m’entends? C’est Fraternitas.”
Le visage hagar du gobelin balade son regard sur le plafond, si on omet l’état déplorable du reste de son corps on aurait simplement pu croire qu’il est en plein voyage hallucinogène. Le Sénateur insiste:
”Holmes tu m’entends?”
”Diii-Directeu’?”
”Oui Holmes, je suis là.” Le patron de la SSG fait cours pour gracier la conscience visiblement vacillante du Sous-Gouverneur. ”Est-ce que quelqu’un d’autre est au courant pour ta maladie à part ta femme?”
”N-Nnon Directeur, pourquoi?”
C’est tout ce qu’il désire savoir, retournant immédiatement ses talons, Zelevas sort de la chambre en fermant précautionneusement la porte et aperçoit un peu plus loin dans le cadre de l’entrée qui sépare le couloir de la cuisine, le Docteur qui semble être assaillit par l’elfette. Sans pour autant connaître la teneur de la proposition que la femme vient de faire au médecin, c’est la mine grave sous son masque que le Sénateur marche doucement vers l’aguicheuse qui lui tourne le dos. Pendant les quelques pas qui le sépare des deux personnes, il ne réfléchit pas particulièrement à ses actions, se contentant simplement de retirer son bras droit de la manche de son manteau en le laissant pendre à son bras gauche, et retroussant doucement celle de sa veste rouge. Une légère déviation du bec du Docteur lui indique que ce dernier a remarqué sa venue, et juste avant que la femme n’ait le temps de se rendre compte du retour de Zelevas, le Sénateur passe sa main droite fermement pliée autour de la gorge de la femme, suivant la ligne dessinée par son menton en remontant de l’autre côté de son fragile petit cou, pour ensuite faire pression de ses biceps autour des côtés de la nuque. Il verrouille enfin la clé de bras en attrapant la fontanelle de l’elfette de sa main gauche et en forçant la tête de sa victime à basculer vers l’avant, étouffant complètement l’afflux sanguin de sa cible à son cerveau. Sa main droite agrippe enfin son bras son coude gauche pour s’assurer qu’elle ne puisse pas se défaire de sa prise, et la femme se débat faiblement.
Vingt ans de services, bon et loyaux, à monter en grade. Vingt ans, et une seule erreur peut tout foutre en l’air, c’est dommage, Holmes était un bon élément, mais le début de période électoral signifiait trop d’enjeux pour que Zelevas puisse entacher sa campagne d’une négligence de la SSG aussi grave qu’un risque d’épidémie. Il l’avait pourtant bien précisé que les malades devaient demeurer seuls, ce n’était vraiment pas par soucis de santé des proches. Cette femme, stupide comme elle l’est en plus, n’aurait jamais tenu sa langue, c’était le manque de respect d’Holmes qui amenaient ces conséquences sur lui et sa compagne, tant pis. L’image de la SSG et celle de son Directeur importaient plus à la République que la vie de deux péquenauds. Une vie qui s'effiloche lentement entre les bras du vieillard, s’il est déjà bien plus solide que n’importe qui de son âge et que cette clé de bras, bien exécutée, est plus facile à maintenir qu’elle n’en a l’air, il n’en demeure pas moins affaibli par le poids des années et du laisser-aller de sa forme physique. Heureusement pour lui l’elfette n’est ni rompue à l’auto-défense ni de forte stature, et elle ne peut qu’agripper les membres de Zelevas qui l’étouffe à défaut d’agripper le membre du Docteur et de s’étouffer dessus. Rapidement, son cerveau privé d’apport sanguin éteint la lumière et tandis que seuls ses réflexes primaires la font encore résister, elle perds la force dans ses jambes. Sous le poids soudain qu’il ne peut soutenir, Fraternitas l’accompagne dans sa chute, tombant lourdement au sol sur sa victime en maintenant sa prise, jusqu’à ce qu’il la sente inerte, et il attends une minute de plus avant de relâcher, histoire qu’elle ne se réveille pas tout de suite. Pendant qu’il maintient encore la clé sur sa victime, Zelevas relève la tête et dévisage le Docteur.
”Je me suis assuré qu’Holmes n’ait parlé de sa maladie à personne de plus, c’est vraiment dommage que vous n’ayez pas réussi à sauver sa vie, qui aurait pu prédire que sa maladie fut autant avancée n’est-ce pas?” Il se releva péniblement, le souffle court de l’effort soudain, époussetant un peu la saleté sur son manteau avant de remettre correctement la manche libre à son bras. ”Il va falloir faire du ménage.”
Il indique d’un mouvement de tête la chambre derrière lui et d’un geste de la main pour imiter une gorge tranchée, il invite le Docteur à effectuer une dernière opération sur le gobelin à peine lucide.
Pour l’instant le portrait qu’il dresse de ce curieux personnage reste encore assez abstrait, c’est visiblement un homme de grande connaissance dans son domaine, si tant est que c’est un homme. Depuis qu’il voyage en sa compagnie Zelevas ne l’a jamais vu prendre de pause pour uriner, boire ou manger, en ce qui le concerne, il ne l’a jamais vu dormir non plus, et la totalité de sa peau étant recouverte par ses accoutrements épais, il ne saurait même dire si le Docteur était à plume, à écaille ou à pois jaune sur fond bleu. Il faisait peut-être route avec un démon, mais tant que c’était un démon qui faisait ce pour quoi il était payé, tout lui allait.
L’arrivée à Courage se fait sans embûche, pas d’attaque à mi-chemin de brigands mal-avisés, pas d’arrêt prolongé dû aux intempéries et encore moins de calcination intempestive de leur moyen de locomotion à cause de belettes sauvages. Une fois arrivés à destination devant la jolie maison du Sous-Gouverneur de la ville, le Doc’ prend les devants en allant directement toquer à la porte du gobelin, si tant est qu’il est encore en état de venir ouvrir. Dans le pire des cas ils pourront toujours s’introduire autrement dans la petite bâtisse, en passant par l’arrière qui laisse deviner un jardin bien entretenu. Normalement les consignes de Zelevas quant à l’ébruitement de l’affaire étaient claires, hors de question que la SSG soit tenue pour responsable de l’origine d’une vague de maladie mortelle à Courage, toutes les personnes en contact avec la maudite cargaison c’est à dire Zelevas, Holmes et les deux gorilles, devaient se cloîtrer chez eux, seuls, et uniquement le personnel médical de la Societas ne seraient autorisés à entrer. Pas de famille, pas d’amis. La raison d’une telle quarantaine était bien plus diplomatique qu’elle n’était sanitaire, aussi quand la porte du gobelin s’ouvrit sur une elfe aux yeux rougis et fatigués, le Directeur cru que son coeur allait s’arrêter, ce qui aurait été dommage après avoir fait tant de chemin et survécu à la fièvre noire. Fort heureusement son choc ne parut jamais aux yeux du joli bout de femme qui les accueille grace au masque que le Docteur lui avait donné et qui couvre entièrement ses expressions faciales, peut-être qu’il devrait le garder pour venir avec à la Chambre Bleue, on ne le verrait pas dormir quand les Humanistes présenteraient une énième loi sur l’écologie dont tout le monde se foutait. Fouillant un peu dans ses souvenirs pendant que l’elfette les mène à travers la maison jusqu’à la chambre de son employé, Zelevas tente de se remémorer si Holmes l’avait déjà informé du nom de sa conjointe, sans succès. Laissant donc le Docteur aller directement au chevet du malade, il désobéit aux instructions du soigneur de ne rien toucher en se permettant de saisir l’épaule de la femme en désarroi, protégé quelques peu par son gant en coton, pour l’attirer à l’écart vers la cuisine. Toujours avec sa main dans son dos, demeurant respectueusement au dessus de l’omoplate, le Sénateur invite la maîtresse de maison à prendre place à une des chaises pendant que son mari entame le processus curatif en bonnes mains. Une fois installée, l’elfe semble vouloir prendre la parole mais son inquiétude refais surface et elle se retient de sangloter.
”Tout va bien se passer madame, ne vous inquiétez pas. Le Docteur qui s’occupe de votre mari est le plus compétent que je connaisse, il m’a guérit en un rien de temps alors que je souffrais du même mal qui affecte Holmes actuellement, et vu mon âge, c’est vous dire s’il a plus de chances de s’en tirer que moi.” Un demi mensonge compte tenu de l’avancée plus importante de la pathologie qu’il avait pu apercevoir dans le cadre de la porte de la chambre tantôt. ”S’il me parle souvent de vous, il n’a cependant jamais précisé votre prénom, comment vous appelez-vous?”
”Han-Hangie, enchanté.” La voix chevrotante de l’elfette se fait un peu plus forte alors qu’elle reprend espoir.
”Hangie Holmes? C’est joli, il y a un timbre musical à prononcer votre nom n’est-ce pas?”
”Haha, oui, mes amis m’en font souvent la remarque.” Son rire triste force une larme à s’écouler, mais elle l’essuie d’un revers de la main et semble regagner un peu de sa composition.
”Je dois dire que je suis jaloux de mon collègue, si j’avais eu la chance de passer ma convalescence en compagnie d’une aussi ravissante épouse la maladie m’aurait été bien moins éprouvante...”
”Oh ça l’est quand même pour lui vous savez, il est complètement fou, je ne le reconnais plus.” Sa voix se brise à ces mots, et elle prends quelques secondes à trouver le courage de continuer. ”Il est agressif, très violent, ce n’est pas comme lui, du tout. Non. Oh là non! D’habitude il est toujours si doux, si affectueux, c’est quelqu’un qui mange la vie vous savez.”
”Littéralement même. Je connais bien Holmes, il est dans la Societas depuis plus longtemps que moi, je me rappelle d’un banquet de célébration en moins cinq où il avait mangé douze huîtres avant de me dire de ne pas m’y attarder parce qu’elles n’étaient pas bonnes. Sacré Holmes. Héhéhé.”
Un sourire timide s’affiche sur le visage de la femme pendant qu’une valkyrie passe dans la conversation, emplissant la pièce d’un silence patient. Des sons étouffés leur parviennent du fond du couloir menant à la chambre, visiblement le Docteur avait entamé le processus de guérison et le gobelin en ressentait les effets. Un frisson glacial se répand dans les tripes de Zelevas au souvenir encore un peu trop frais de la sensation qu’il avait lui-même ressenti quelques jours auparavant.
”Vous pensez vraiment qu’il va s’en sortir?”
”Bien sûr. Je le crois fermement. Je vous l’ai dit, il n’y a pas meilleur que le Docteur.”
”Comment s’appelle-t’il?”
”Euh… hum, vous n’aurez qu’à le lui demander.” C’est probablement la meilleure réponse qu’il peut donner à cette question. ”Comment s’est passé la convalescence de Holmes jusqu’à présent?”
”Et bien, plutôt mal hein, les premiers jours ça allait encore en comparaison, il n’avait qu’un mal de tête mais il s’en plaignait vraiment énormément. Il m’a dit de ne pas sortir de chez nous et de ne voir personne. Il était insistant là dessus.”
”Oui ce n’est que la procédure de la Societas pour les maladies de travail.” Mensonge éhonté, mais vu l’intelligence de la femme qui lui faisait face, ce serait amplement suffisant. ”Et vous avez respecté ce protocol?”
”Oui bien sûr, je ne suis pas sortie, je n’ai même pas pu écrire à mes amis pour les tenir au courant de l’état de santé de Holmes, il n’a pas voulu que j’en parle. Alors bon, je suis sûr que les gens s’inquiètent à son sujet, et même ses parents ne sont pas au courant. Vous vous rendez compte?”
”C’est une situation difficile oui, mais c’est bientôt terminé, le Docteur ressortira de cette chambre et votre mari ira mieux. Ne vous faites pas de mouron là dessus.” La mine empathique de Zelevas était en réalité une moue de satisfaction, ainsi la nana avait gardé le silence sur la condition de son mari, tant mieux. ”Les soigneurs de la Societas sont-ils déjà passés?”
”Oui mais ils n’ont pas été très utiles, ils m’ont dit qu’ils ne pourraient rien faire et qu’ils allaient faire venir de l’aide plus potente. Je suis heureuse que vous soyez finalement arrivés.”
”Naturellement.”
Ils continuent ainsi à discuter pendant que le Docteur finalise les soins dans la salle d’à côté, échangeant mondanité sur mondanité, parlant de la vie, du temps, du coût des fruits et de recettes de cuisine. Au bout de plusieurs quarts d'heures, Zelevas finit par se relever de la chaise en prétextant aller prendre des nouvelles du patient, intimant à l’ennuyeuse ménagère de ne pas le suivre à cause de potentiels risques de contamination. Il marche à travers le couloir en ouvrant la porte entrebâillée pour voir le Doc’ concentré sur sa magie, afin de ne pas le déranger le Sénateur demeure adossé contre un mur, préférant le silence religieux de la pratique scientifique plutôt que les discussions dénuées d’intérêt du petit peuple. Lorsqu’enfin le soigneur cesse son incantation, il ne s’écarte pas du patient comme il l’avait fait pour lui mais attrappe plutôt une lame avec laquelle il pratique plusieurs incisions, puis il complète les soins. Le pus répugnant se déverse sur les linceuls en traçant des trainées jaunâtres, les impuretés s’écoulent et emportent un peu de sang avec elles, c’est parfaitement écoeurant, heureusement que le vieux Fraternitas a le coeur bien accroché avec ses années de service au Razkaal et passées à traquer les individus les plus dérangés de la République parce qu’il aurait sinon rendu son déjeuner sur le parquet. Décroisant les bras pour venir s’avancer à hauteur du médecin une fois qu’il vit le gobelin reprendre peu à peu conscience, Zelevas se penche à côté du Docteur pour lui demander s’il est déjà capable de répondre à quelques questions. Quand celui ci acquiesce et les laisse seul à seul, il ajoute également que les draps présentent encore un risque de contagion, générant un sursaut de recul de la part du vieil homme comme si le lit était soudainement brûlant.
”Holmes. Holmes tu m’entends? C’est Fraternitas.”
Le visage hagar du gobelin balade son regard sur le plafond, si on omet l’état déplorable du reste de son corps on aurait simplement pu croire qu’il est en plein voyage hallucinogène. Le Sénateur insiste:
”Holmes tu m’entends?”
”Diii-Directeu’?”
”Oui Holmes, je suis là.” Le patron de la SSG fait cours pour gracier la conscience visiblement vacillante du Sous-Gouverneur. ”Est-ce que quelqu’un d’autre est au courant pour ta maladie à part ta femme?”
”N-Nnon Directeur, pourquoi?”
C’est tout ce qu’il désire savoir, retournant immédiatement ses talons, Zelevas sort de la chambre en fermant précautionneusement la porte et aperçoit un peu plus loin dans le cadre de l’entrée qui sépare le couloir de la cuisine, le Docteur qui semble être assaillit par l’elfette. Sans pour autant connaître la teneur de la proposition que la femme vient de faire au médecin, c’est la mine grave sous son masque que le Sénateur marche doucement vers l’aguicheuse qui lui tourne le dos. Pendant les quelques pas qui le sépare des deux personnes, il ne réfléchit pas particulièrement à ses actions, se contentant simplement de retirer son bras droit de la manche de son manteau en le laissant pendre à son bras gauche, et retroussant doucement celle de sa veste rouge. Une légère déviation du bec du Docteur lui indique que ce dernier a remarqué sa venue, et juste avant que la femme n’ait le temps de se rendre compte du retour de Zelevas, le Sénateur passe sa main droite fermement pliée autour de la gorge de la femme, suivant la ligne dessinée par son menton en remontant de l’autre côté de son fragile petit cou, pour ensuite faire pression de ses biceps autour des côtés de la nuque. Il verrouille enfin la clé de bras en attrapant la fontanelle de l’elfette de sa main gauche et en forçant la tête de sa victime à basculer vers l’avant, étouffant complètement l’afflux sanguin de sa cible à son cerveau. Sa main droite agrippe enfin son bras son coude gauche pour s’assurer qu’elle ne puisse pas se défaire de sa prise, et la femme se débat faiblement.
Vingt ans de services, bon et loyaux, à monter en grade. Vingt ans, et une seule erreur peut tout foutre en l’air, c’est dommage, Holmes était un bon élément, mais le début de période électoral signifiait trop d’enjeux pour que Zelevas puisse entacher sa campagne d’une négligence de la SSG aussi grave qu’un risque d’épidémie. Il l’avait pourtant bien précisé que les malades devaient demeurer seuls, ce n’était vraiment pas par soucis de santé des proches. Cette femme, stupide comme elle l’est en plus, n’aurait jamais tenu sa langue, c’était le manque de respect d’Holmes qui amenaient ces conséquences sur lui et sa compagne, tant pis. L’image de la SSG et celle de son Directeur importaient plus à la République que la vie de deux péquenauds. Une vie qui s'effiloche lentement entre les bras du vieillard, s’il est déjà bien plus solide que n’importe qui de son âge et que cette clé de bras, bien exécutée, est plus facile à maintenir qu’elle n’en a l’air, il n’en demeure pas moins affaibli par le poids des années et du laisser-aller de sa forme physique. Heureusement pour lui l’elfette n’est ni rompue à l’auto-défense ni de forte stature, et elle ne peut qu’agripper les membres de Zelevas qui l’étouffe à défaut d’agripper le membre du Docteur et de s’étouffer dessus. Rapidement, son cerveau privé d’apport sanguin éteint la lumière et tandis que seuls ses réflexes primaires la font encore résister, elle perds la force dans ses jambes. Sous le poids soudain qu’il ne peut soutenir, Fraternitas l’accompagne dans sa chute, tombant lourdement au sol sur sa victime en maintenant sa prise, jusqu’à ce qu’il la sente inerte, et il attends une minute de plus avant de relâcher, histoire qu’elle ne se réveille pas tout de suite. Pendant qu’il maintient encore la clé sur sa victime, Zelevas relève la tête et dévisage le Docteur.
”Je me suis assuré qu’Holmes n’ait parlé de sa maladie à personne de plus, c’est vraiment dommage que vous n’ayez pas réussi à sauver sa vie, qui aurait pu prédire que sa maladie fut autant avancée n’est-ce pas?” Il se releva péniblement, le souffle court de l’effort soudain, époussetant un peu la saleté sur son manteau avant de remettre correctement la manche libre à son bras. ”Il va falloir faire du ménage.”
Il indique d’un mouvement de tête la chambre derrière lui et d’un geste de la main pour imiter une gorge tranchée, il invite le Docteur à effectuer une dernière opération sur le gobelin à peine lucide.
Citoyen de La République
Nahash
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Dans un silence de mort, j'observais le sexagénaire étouffer la pauvre elfette. Il n'y eut aucun commentaire sur la technique. Aucune remarque sur la moralité potentielle de l'acte. Pour dire vrai, j'étais un peu surpris par l'attitude de mon employeur. Si j'avais sut que la femme représentait un tel "danger" pour sa réputation, alors j'aurais sectionné sa carotide d'un geste rapide pour créer une mort rapide. Tandis que le pauvre vieillard maintenait sa clé, je l'observais au travers de mes lentilles opaques, me demandant la véritable raison de cette opération. Avait-il été, lui aussi, l'un des nombreux amants de la jeune femme? La chair était faible après tout. Et avec un peu de magie ou les bons produits, j'étais certain que même Zelevas pouvait lever le soldat chauve. Quand la demoiselle aux oreilles pointues cessa enfin de bouger, je soupirais doucement tout en rangeant la seringue que j'avais préparé dans ma sacoche. Dommage. J'avais vraiment envie de tester ce nouvel anesthesiant. Puis, le sénateur prit la parole. Des mots prononcés avec une légereté étrange, compte tenu du risque que cet homme venait de prendre en tuant devant moi. D'une certaine manière, je me retrouvais agacé par le fait d'avoir sauvé la vie d'un gobelin que j'allais ensuite devoir tuer. C'est donc le plus naturellement du monde que je joignais mes mains tout en fixant mon employeur, lui indiquant.
* Voulez-vous que cela passe pour un accident? Ou une mort naturelle? A vrai dire, peu importe. Je m'en occupe. *
Un sourire enjoué glissa sur mes lèvres alors que je me penchais vers l'elfe pour attraper sa tignasse. Sans réel effort, je trainais par la suite son corps inconsciente dans le couloir, sous le regard de Zelevas que j'ignorais royalement. Ce dernier m'avait indiqué que le cadre légal ne s'appliquait pas mais, je devais l'avouer, jamais je ne me serais douté que je ne serais pas le premier à agir illégalement.
Arrivant finalement devant la chambre, je laissais le corps choir lamentablement sur le sol avant de me diriger vers mon patient qui semblait en corps un peu sous l'effet de la drogue administrée plus tôt. Fixant le gobelin, je me posais alors la question. Comment procéder? Une incision de trop et cela passait évidemment pour un meurtre. Un poison pouvait être détecté et surtout cela ne ferait aucun sens. Personne n'avait été mis au courant de sa maladie, aussi j'étais libre sur la manière d'agir. Tout ce qu'il fallait, c'était que ces deux tourtereaux meurent. Alors j'allais faire en sorte que cela soit un minimum mis en scène. Quittant la pièce pour reprendre le corps de la demoiselle, je la trainais de nouveau nonchalamment dans la chambre, sous le regard à moitié embrumé du peau verte qui semblait peiner à rester ancré dans notre réalité. Soulevant son épouse, je la déposais sur fauteuil près de la coiffeuse avant de lui retirer ses affaires. Une fois nue, je la laissais quelques instants ici puis me retournais vers le pauvre Holmes. Quelle tristesse d'échapper ainsi à une mort presque salvatrice pour ensuite passer sous ma main. Fort heureusement, le fait de devoir "maquiller" sa mort lui évitait de subir trop de... Manipulations. M'approchant donc du petit gobelin, je le tirais sobrement par les jambes pour le traîner hors du lit. Quand son petit corps endolori s'écrasa contre le sol, le peau verte lâcha un petit hoquet de douleur tandis que je me penchais sur lui pour lui faire respirer une petite drogue verte. Une poudre synthétique et de ma fabrication, issue d'une drogue que j'avais pu découvrir lors de mes pérégrinations au sein de la République. Les effets hallucinogènes provoquaient généralement de grandes phases d'apathie et d'extase abusive. Environ dix fois plus que d'autres produits tels que l'opium ou le lait de pavot. Observant le gobelin qui se tortillait en ricanant doucement, je me retournais pour attraper les draps souillés par le pus. Enroulant ces derniers, je sortais alors de la chambre pour les jeter aux pieds du sénateur.
* Comme j'ai dit. Il faudra brûler les draps. *
N'attendant aucune réponse, je retournais alors dans la chambre pour installer de nouveaux tissus sur le lit. Puis, j'allongeais l'elfe sur le lit, dos contre le matelas. Observant son corps pourtant parfait, je soupirais doucement tandis que je prenais une seringue au liquide écarlate. M'approchant d'elle, je lui ouvrais la bouche pour enfoncer l'aiguille directement dans son palais. Pressant sur le mécanisme, j'observais le liquide quitter son récipient. Un concentré de fleur du diable et de champignon étoilé. Un mélange particulièrement nocif, utilisé habituellement afin de provoquer un arrêt cardiaque chez mes "sujets involontaires". Retirant finalement la seringue, je regardais de nouveau la jeune elfe qui se mit à tressaillir quelques instants avant de reprendre son sommeil, cette fois éternel. Par pur soucis du détail, je sortais de nouveau de la poudre que je saupoudrais sur ses lèvres et ses narines, mélangeant à sa salive un peu de cette drogue vicieuse. Puis, enfin, je me retournais vers Holmes. Attrapant le gobelin, je le redressais pour venir le placer entre les jambes de son ancienne épouse. Attrapant son sexe avec la main de l'elfe, je m'assurais de le rendre "prêt et motivé" tout en profitant de son hallucination, avant de forcer un coït avec l'elfe droguée. Quand les deux appareils génitaux étaient enfin mêlés, j'injectais directement dans son cœur via sa poitrine le même mélange que pour sa femme, m'assurant d'enfoncer l'aiguille dans un grain de beauté. Dans un nouveau tressaillement, le gobelin hallucinant s'effondra contre le corps de la jeune femme. Comme pour l'oreille pointue, je prenais un peu de poudre que je badigeonnais sur ses nasaux et ses lèvres, laissant de nouveau une bave verdâtre quitter sa bouche. Ainsi mêlés, les deux individus donnaient l'impression d'avoir succombé à une surutilisation de drogues néfastes. Comme une dernière étreinte lubrique ayant mal tourné. M'approchant de la coiffeuse, je tirais du tiroir la boite à bijoux de l'elfe dont j'ignorais le nom pour en récupérer un petit pulvérisateur à parfum. Ouvrant ce dernier, je répandais un peu de son contenu sur les draps et cou de la demoiselle avant de saupoudrer encore un peu plus de poudre, cette fois dans le flacon. La scène était posée. A présent, nous pouvions partir. Me retournant vers Zelevas, je prenais ainsi la parole.
* Voila. Vous ne devriez pas être inquiété par quoique ce soit à présent. Pouvons nous aller voir vos deux autres collègues? Que je sache si je peux les sauver, ou bien s'il me faut là aussi.... Purger. *
D'un geste exagéré, j'invitais ainsi le politicien à sortir avec moi de la demeure. Nous avions encore du travail. Tout du moins, il me fallait impérativement voir l'état des deux gros bras. Nous nous en allâmes alors vers d'autres maisons, cette fois bien plus humbles et modestes que celle de l'accidenté Holmes. Cette fois, aucune elfe en chaleur pour nous accueillir. Seulement la pauvreté des bas-fonds et la mauvaise odeur qui l'accompagnait. Des regards à la fois curieux et inquiets à notre égard. Comme si nous représentions une menace similaire à l'office républicaine. La république et ses règles... Des fois, je prenais le temps de m'arrêter et de penser à tout le paradoxe d'une loi punissant des sans abri en leur prenant encore plus d'argent. Zelevas m'indiqua alors une maison spécifique, d'un état un peu plus "propre" que les autres. M'approchant du seuil de la porte, je toquais à cette dernière dans l'attente d'une réponse. Quelques secondes de battements plus tard, je tournais le bec vers mon employeur, comme pour avoir son aval. Quand je l'eus, j'enfonçais prestement la serrure afin de nous permettre d'entrer. Et aussi amusant que cela pouvait être, personne dans les rues n'en fut étonné. Vraiment... Les bas-fonds avaient des règles qui lui étaient propres. Soit cela était monnaie courante, soit les deux bougres étaient mêlés à des gens peu recommandables. Me rappelant alors que mon nouvel employeur avait étranglé devant moi la femme d'un de ses employés, j'haussais simplement les épaules amusé. A l'intérieur, et une fois que le politicien avait refermé la porte et placé une chaise pour gêner l'ouverture, il ne fut pas difficile de sentir dans l'air la putréfaction qui régnait. Et surtout, d'entendre les gémissements plaintifs des deux hommes. Combien de temps leur restait-il? Impossible à dire pour le moment. Me tournant donc vers le sénateur, j'étirais sous mon masque un grand sourire tandis que j'apercevais une chambre et un salon, desquels les cris s'élevaient.
* Nous ne pourrons sauver les deux. Enfin. "Nettoyer" les deux en même temps. Contrairement à votre ami de plus tôt, je peux maquiller la chose ou non. Personne ne s'étonnera d'un incendie dans les bas-quartiers mais.... Autant s'assurer de leur "sommeil" auparavant. Alors, je vous laisse le choix pour celui dont vous vous occuperez. Chambre, ou salon? *
* Voulez-vous que cela passe pour un accident? Ou une mort naturelle? A vrai dire, peu importe. Je m'en occupe. *
Un sourire enjoué glissa sur mes lèvres alors que je me penchais vers l'elfe pour attraper sa tignasse. Sans réel effort, je trainais par la suite son corps inconsciente dans le couloir, sous le regard de Zelevas que j'ignorais royalement. Ce dernier m'avait indiqué que le cadre légal ne s'appliquait pas mais, je devais l'avouer, jamais je ne me serais douté que je ne serais pas le premier à agir illégalement.
Arrivant finalement devant la chambre, je laissais le corps choir lamentablement sur le sol avant de me diriger vers mon patient qui semblait en corps un peu sous l'effet de la drogue administrée plus tôt. Fixant le gobelin, je me posais alors la question. Comment procéder? Une incision de trop et cela passait évidemment pour un meurtre. Un poison pouvait être détecté et surtout cela ne ferait aucun sens. Personne n'avait été mis au courant de sa maladie, aussi j'étais libre sur la manière d'agir. Tout ce qu'il fallait, c'était que ces deux tourtereaux meurent. Alors j'allais faire en sorte que cela soit un minimum mis en scène. Quittant la pièce pour reprendre le corps de la demoiselle, je la trainais de nouveau nonchalamment dans la chambre, sous le regard à moitié embrumé du peau verte qui semblait peiner à rester ancré dans notre réalité. Soulevant son épouse, je la déposais sur fauteuil près de la coiffeuse avant de lui retirer ses affaires. Une fois nue, je la laissais quelques instants ici puis me retournais vers le pauvre Holmes. Quelle tristesse d'échapper ainsi à une mort presque salvatrice pour ensuite passer sous ma main. Fort heureusement, le fait de devoir "maquiller" sa mort lui évitait de subir trop de... Manipulations. M'approchant donc du petit gobelin, je le tirais sobrement par les jambes pour le traîner hors du lit. Quand son petit corps endolori s'écrasa contre le sol, le peau verte lâcha un petit hoquet de douleur tandis que je me penchais sur lui pour lui faire respirer une petite drogue verte. Une poudre synthétique et de ma fabrication, issue d'une drogue que j'avais pu découvrir lors de mes pérégrinations au sein de la République. Les effets hallucinogènes provoquaient généralement de grandes phases d'apathie et d'extase abusive. Environ dix fois plus que d'autres produits tels que l'opium ou le lait de pavot. Observant le gobelin qui se tortillait en ricanant doucement, je me retournais pour attraper les draps souillés par le pus. Enroulant ces derniers, je sortais alors de la chambre pour les jeter aux pieds du sénateur.
* Comme j'ai dit. Il faudra brûler les draps. *
N'attendant aucune réponse, je retournais alors dans la chambre pour installer de nouveaux tissus sur le lit. Puis, j'allongeais l'elfe sur le lit, dos contre le matelas. Observant son corps pourtant parfait, je soupirais doucement tandis que je prenais une seringue au liquide écarlate. M'approchant d'elle, je lui ouvrais la bouche pour enfoncer l'aiguille directement dans son palais. Pressant sur le mécanisme, j'observais le liquide quitter son récipient. Un concentré de fleur du diable et de champignon étoilé. Un mélange particulièrement nocif, utilisé habituellement afin de provoquer un arrêt cardiaque chez mes "sujets involontaires". Retirant finalement la seringue, je regardais de nouveau la jeune elfe qui se mit à tressaillir quelques instants avant de reprendre son sommeil, cette fois éternel. Par pur soucis du détail, je sortais de nouveau de la poudre que je saupoudrais sur ses lèvres et ses narines, mélangeant à sa salive un peu de cette drogue vicieuse. Puis, enfin, je me retournais vers Holmes. Attrapant le gobelin, je le redressais pour venir le placer entre les jambes de son ancienne épouse. Attrapant son sexe avec la main de l'elfe, je m'assurais de le rendre "prêt et motivé" tout en profitant de son hallucination, avant de forcer un coït avec l'elfe droguée. Quand les deux appareils génitaux étaient enfin mêlés, j'injectais directement dans son cœur via sa poitrine le même mélange que pour sa femme, m'assurant d'enfoncer l'aiguille dans un grain de beauté. Dans un nouveau tressaillement, le gobelin hallucinant s'effondra contre le corps de la jeune femme. Comme pour l'oreille pointue, je prenais un peu de poudre que je badigeonnais sur ses nasaux et ses lèvres, laissant de nouveau une bave verdâtre quitter sa bouche. Ainsi mêlés, les deux individus donnaient l'impression d'avoir succombé à une surutilisation de drogues néfastes. Comme une dernière étreinte lubrique ayant mal tourné. M'approchant de la coiffeuse, je tirais du tiroir la boite à bijoux de l'elfe dont j'ignorais le nom pour en récupérer un petit pulvérisateur à parfum. Ouvrant ce dernier, je répandais un peu de son contenu sur les draps et cou de la demoiselle avant de saupoudrer encore un peu plus de poudre, cette fois dans le flacon. La scène était posée. A présent, nous pouvions partir. Me retournant vers Zelevas, je prenais ainsi la parole.
* Voila. Vous ne devriez pas être inquiété par quoique ce soit à présent. Pouvons nous aller voir vos deux autres collègues? Que je sache si je peux les sauver, ou bien s'il me faut là aussi.... Purger. *
D'un geste exagéré, j'invitais ainsi le politicien à sortir avec moi de la demeure. Nous avions encore du travail. Tout du moins, il me fallait impérativement voir l'état des deux gros bras. Nous nous en allâmes alors vers d'autres maisons, cette fois bien plus humbles et modestes que celle de l'accidenté Holmes. Cette fois, aucune elfe en chaleur pour nous accueillir. Seulement la pauvreté des bas-fonds et la mauvaise odeur qui l'accompagnait. Des regards à la fois curieux et inquiets à notre égard. Comme si nous représentions une menace similaire à l'office républicaine. La république et ses règles... Des fois, je prenais le temps de m'arrêter et de penser à tout le paradoxe d'une loi punissant des sans abri en leur prenant encore plus d'argent. Zelevas m'indiqua alors une maison spécifique, d'un état un peu plus "propre" que les autres. M'approchant du seuil de la porte, je toquais à cette dernière dans l'attente d'une réponse. Quelques secondes de battements plus tard, je tournais le bec vers mon employeur, comme pour avoir son aval. Quand je l'eus, j'enfonçais prestement la serrure afin de nous permettre d'entrer. Et aussi amusant que cela pouvait être, personne dans les rues n'en fut étonné. Vraiment... Les bas-fonds avaient des règles qui lui étaient propres. Soit cela était monnaie courante, soit les deux bougres étaient mêlés à des gens peu recommandables. Me rappelant alors que mon nouvel employeur avait étranglé devant moi la femme d'un de ses employés, j'haussais simplement les épaules amusé. A l'intérieur, et une fois que le politicien avait refermé la porte et placé une chaise pour gêner l'ouverture, il ne fut pas difficile de sentir dans l'air la putréfaction qui régnait. Et surtout, d'entendre les gémissements plaintifs des deux hommes. Combien de temps leur restait-il? Impossible à dire pour le moment. Me tournant donc vers le sénateur, j'étirais sous mon masque un grand sourire tandis que j'apercevais une chambre et un salon, desquels les cris s'élevaient.
* Nous ne pourrons sauver les deux. Enfin. "Nettoyer" les deux en même temps. Contrairement à votre ami de plus tôt, je peux maquiller la chose ou non. Personne ne s'étonnera d'un incendie dans les bas-quartiers mais.... Autant s'assurer de leur "sommeil" auparavant. Alors, je vous laisse le choix pour celui dont vous vous occuperez. Chambre, ou salon? *
La lèvre inférieure légèrement retroussée, crispée en un arc de ciel descendant, bouché-bée par un mélange de dégoût et de surprise, les sourcils froncés mais les yeux écarquillés, les narines remontées tandis que l’arête nasale se froisse de plis, telle est l’expression d’écoeurement qui s’affiche sur le visage du Sénateur. Il avait dit qu’il fallait nettoyer, mais il ne s’attendait pas à ça, à vrai dire il avait cru que le médecin se contenterai de simplement faire disparaître les corps, de les découper en petit morceaux pour qu’ils les enterrent à l’arrière de la propriété par exemple. Zelevas ne sait pas vraiment ce qu’il pensait obtenir comme résultat, mais clairement le macabre simulacre n’aurait jamais croisé son esprit. Mais qu’ai-je donc amené sur les terres de Courage exactement? La question tombe à point nommé, entre le nom, les agissements suspects, le comportement étrange du Docteur depuis le début de leur rencontre, la demande de laboratoire particulière et la question sur le cadre légal, Fraternitas n’avait eut plus aucun doute sur le fait que le soigneur ne considérait pas la Loi comme une limite, mais il n’aurait jamais cru que cette entité venue d’un autre monde était à ce point dépourvue de morale. Benêt, il décide de le laisser faire, de toute façon qu’est-ce qu’il allait faire? Venir le voir et lui dire “Excusez moi monsieur le médecin, je pense qu’il serait préférable de ne pas gentiment masturber un drogué hallucinogène pour placer son sexe dans le vagin de sa défunte femme?”. Le Doc’ est un taré, c’est un fait, ou un démon, un fantôme, un spectre, ou quelque chose d’autre, et le Sénateur n’a pas plus l’envie que ça de remuer la fourmilière avec un bâton tant que ce quoi que ce soit fut de son côté. De manière plutôt ironique c’est sans doute celui qui se fait appeler le Docteur qui est sans doute le plus grand malade dans cette pièce, et afin de ne pas rester là les bras ballants à témoigner de son ‘expertise’ il obtempère plutôt à ce qu’on lui demande. Il vient saisir une serviette, attrape les draps que le soigneur lui a jeté aux pieds et va les placer dans l’évier de la cuisine en les tenant à bout de bras. Il place le bouchon au fond du récipient en pierre et va saisir une des allumettes sur le rebord de la cheminée pour mettre le feu aux tissus, une fois entièrement consumés, il ouvre la valve à bille du robinet et laisse un fond d’eau se déverser à l’intérieur, juste un tout petit peu. Il récupère une cuillère en bois et mixe vivement le mélange de cendres et d’eau pour obtenir une mixture pâteuse qu’il ramasse à l’aide de la serviette, pour ensuite venir la déverser juste devant une des fenêtres sur les fleurs qui bordent la maison. Ni vu ni connu, les cendres sont souvent utilisées pour fertiliser la terre et il rince la serviette et l’évier pour finir de faire disparaître les traces. Quand il retourne enfin voir le Docteur, celui ci a presque terminé de maquiller la scène de crime en appliquant des touches de drogue sur les victimes, un rictus de répugnance s’affiche sur le visage du vieil homme.
”Les doigts aussi. Les drogués n’utilisent pas d’outils pour s’administrer leurs substances et les Officiers sauront que ce sont des preuves plantées s’il n’y en a pas sur leurs doigts.”
Ce n’est qu’un détail, et la plupart des officiers républicains sont tellement incompétents par rapport aux enquêteurs acharnés du Razkaal qu’ils ne relèveront probablement pas l’incohérence, et même s’ils la notent, n’en feraient rien. Malgré cette touche manquante il doit reconnaître que la précision des précautions mises en place par son partenaire est si exacte, que son esprit soulève beaucoup trop de questions auxquelles il ne veut absolument pas avoir la réponse. Une fois les touches finales apportées, le Doc passe à côté de lui dans le couloir en disant qu’il n’avait plus à s’inquiéter. D’un scandale non, effectivement, mais de vous, oui. Il emboîte le pas du médecin spécial vers la sortie de la maison pour remonter dans la diligence qui les attends, et après un trajet en silence vers un quartier plus populaire de la cité, il en redescendent. Zelevas laisse dans le véhicule le manteau qui le rend si identifiable, ne conservant que sa veste certe rouge mais que les gens ont moins tendance à associer avec sa personne, sachant que le masque de peste finit de dissimuler ses traits. Ils enfoncent la porte de la maison, ou plus précisément il hoche la tête et son acolyte éventre la porte, et rentrent à l’intérieur pour se rendre à l’évidence que les deux gorilles sont mal en point. Le vieil homme referme la porte avec une chaise en quinconce pour s’acheter un peu de discrétion et répond au guérisseur qui a visiblement bien compris qu’il n’est plus là pour sauver des vies.
”Inutile de fournir autant d’efforts cette fois, personne ne va se préoccuper de la disparition de deux prolétaires dont tout le monde se fout dans un quartier où les gens ont déjà trop d’emmerdes pour fourrer leur nez dans des affaires qui ne les regardent pas. Un incendie suscitera une réponse de la part des forces de l’ordre, une simple volatilisation par contre, je ne suis même pas sûr qu’ils feront le déplacement.” Il dévisage les deux verres noirs dont il commence à croire que l’opacité reflète l’âme de leur porteur. S’apprêtant à lui donner sa bénédiction. ”Faites ce que vous voulez de vos patients. Tant que leurs corps tiennent dans un sac à la fin, et puisque vous avez autant d’entrain à la tâche, je vous laisse vous charger des deux.”
Le Sénateur tire une des chaises autour de la table dans la pièce de l’entrée, y prend place et tente d’ignorer les bruits en provenance des pièces voisines pendant que le Docteur fait son office. Ce genre de pourriture, ce genre de personnes… Il avait vu des choses qui auraient marqué les esprits faibles, mais il ne fait pas partie de cette catégorie. C’est justement grâce à sa détermination et sa résilience mentale qu’il avait réussi à intégrer les Limiers sans magie, qu’il avait pu être Juge dans des affaires où la pression a été suffisante pour en faire plier plus d’un, qu’il avait endossé sa mission de Garde des Sceaux dans un des gouvernements les plus violents de ces derniers siècles. Aujourd’hui c’est cette même détermination qui ne le fait pas hésiter une seule seconde pour condamner à mort des gens que les tribunaux déclareraient complètement innocents, au profit de ses ambitions, de ses plans pour la République. Ce qu’il entrevois comme avenir est un dessein plus grand que l’échelle des hommes, une vision glorieuse d’une nation forte, et surtout d’une nation où l’équilibre règne en maître. Les quelques sacrifices qui sont fait en ce jour sont les marches nécessaires pour bâtir cet autel, qu’importe le prix, le pouvoir ne vient pas à ceux bien nés ou bien entraînés, ce pouvoir là est une illusion de puissance. Le vrai pouvoir vient à ceux qui sont prêt à tout sacrifier, pour l’obtenir.
Derrière le masque de Zelevas, ses yeux fixent le vide en y voyant les flammes du brasier duquel il forgera sa République.
”Les doigts aussi. Les drogués n’utilisent pas d’outils pour s’administrer leurs substances et les Officiers sauront que ce sont des preuves plantées s’il n’y en a pas sur leurs doigts.”
Ce n’est qu’un détail, et la plupart des officiers républicains sont tellement incompétents par rapport aux enquêteurs acharnés du Razkaal qu’ils ne relèveront probablement pas l’incohérence, et même s’ils la notent, n’en feraient rien. Malgré cette touche manquante il doit reconnaître que la précision des précautions mises en place par son partenaire est si exacte, que son esprit soulève beaucoup trop de questions auxquelles il ne veut absolument pas avoir la réponse. Une fois les touches finales apportées, le Doc passe à côté de lui dans le couloir en disant qu’il n’avait plus à s’inquiéter. D’un scandale non, effectivement, mais de vous, oui. Il emboîte le pas du médecin spécial vers la sortie de la maison pour remonter dans la diligence qui les attends, et après un trajet en silence vers un quartier plus populaire de la cité, il en redescendent. Zelevas laisse dans le véhicule le manteau qui le rend si identifiable, ne conservant que sa veste certe rouge mais que les gens ont moins tendance à associer avec sa personne, sachant que le masque de peste finit de dissimuler ses traits. Ils enfoncent la porte de la maison, ou plus précisément il hoche la tête et son acolyte éventre la porte, et rentrent à l’intérieur pour se rendre à l’évidence que les deux gorilles sont mal en point. Le vieil homme referme la porte avec une chaise en quinconce pour s’acheter un peu de discrétion et répond au guérisseur qui a visiblement bien compris qu’il n’est plus là pour sauver des vies.
”Inutile de fournir autant d’efforts cette fois, personne ne va se préoccuper de la disparition de deux prolétaires dont tout le monde se fout dans un quartier où les gens ont déjà trop d’emmerdes pour fourrer leur nez dans des affaires qui ne les regardent pas. Un incendie suscitera une réponse de la part des forces de l’ordre, une simple volatilisation par contre, je ne suis même pas sûr qu’ils feront le déplacement.” Il dévisage les deux verres noirs dont il commence à croire que l’opacité reflète l’âme de leur porteur. S’apprêtant à lui donner sa bénédiction. ”Faites ce que vous voulez de vos patients. Tant que leurs corps tiennent dans un sac à la fin, et puisque vous avez autant d’entrain à la tâche, je vous laisse vous charger des deux.”
Le Sénateur tire une des chaises autour de la table dans la pièce de l’entrée, y prend place et tente d’ignorer les bruits en provenance des pièces voisines pendant que le Docteur fait son office. Ce genre de pourriture, ce genre de personnes… Il avait vu des choses qui auraient marqué les esprits faibles, mais il ne fait pas partie de cette catégorie. C’est justement grâce à sa détermination et sa résilience mentale qu’il avait réussi à intégrer les Limiers sans magie, qu’il avait pu être Juge dans des affaires où la pression a été suffisante pour en faire plier plus d’un, qu’il avait endossé sa mission de Garde des Sceaux dans un des gouvernements les plus violents de ces derniers siècles. Aujourd’hui c’est cette même détermination qui ne le fait pas hésiter une seule seconde pour condamner à mort des gens que les tribunaux déclareraient complètement innocents, au profit de ses ambitions, de ses plans pour la République. Ce qu’il entrevois comme avenir est un dessein plus grand que l’échelle des hommes, une vision glorieuse d’une nation forte, et surtout d’une nation où l’équilibre règne en maître. Les quelques sacrifices qui sont fait en ce jour sont les marches nécessaires pour bâtir cet autel, qu’importe le prix, le pouvoir ne vient pas à ceux bien nés ou bien entraînés, ce pouvoir là est une illusion de puissance. Le vrai pouvoir vient à ceux qui sont prêt à tout sacrifier, pour l’obtenir.
Derrière le masque de Zelevas, ses yeux fixent le vide en y voyant les flammes du brasier duquel il forgera sa République.
Citoyen de La République
Nahash
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Autant d'efforts? Est-ce que ce sexagénaire artéritique venait de classifier l'œuvre précédemment réalisée comme un "effort"? Savait-il réellement ce que je pouvais faire comme "préparation" et comment je pouvais altérer une scène pour la rendre propre ou au contraire abjecte? Et surtout, pensait-il réellement qu'avoir fait tout cela m'avait été désagréable? Enfin. Je m'emportais peut-être un peu. Peut-il qu'il ne s'agissait que de maladresse et d'une envie de ne pas trop traîner dans les bas-quartiers. Après tout le vieil homme avait une réputation à protéger, ainsi qu'une apparence qui pouvait clairement lui faire rencontrer des coupe-jarrets un peu stupides et envieux. Fort heureusement, tant qu'il portait ce masque, les chances de se faire remarquer étaient infimes. Enfin, j'étais encore dans mes pensées que, déjà, Zelevas était allé poser son fessier sur une chaise miteuse.
* Vous savez que cette chaise pourrait être infec... Laissez tomber. *
Je quittais mon accompagnant sans réellement me préoccuper de la suite. Il y avait un temps pour le travail et un temps pour l'amusement. Et l'amusement appelait. Marchant d'un pas décidé au travers du couloir, j'ouvrais la porte pour observer l'intérieur. Quel ne fut pas ma déception lorsque je constatais amèrement que cette dernière était vide. Rien. Aucun sujet. Aucune trace de maladies ou de sang. Dans un soupire las, j'en inspectais tout de même les recoins afin de m'assurer de ne louper aucun détail. Si j'avais bien entendu les gémissements provenir du salon, j'avais au moins espérer que les deux gros bras avaient eu la décence de se séparer lorsqu'ils tombèrent malade. Mais non. Il avait fallu qu'ils restent ensemble. L'espace d'un instant, je m'amusais à imaginer la tête du sénateur si je reproduisais le même schéma que chez le gobelin Holmes. Enfin, "nous n'avons pas le temps Docteur". "J'ai une compagnie à sauver et des preuves à effacer Docteur". "La vision des cadavres de mes employés simulant un coït ne m'amuse pas Docteur". Toujours les mêmes esprits manquant d'imagination. Même dans les bas-fonds, des meurtres pouvaient éveiller les soupçons. Enfin. Les paroles du patron faisaient loi. Alors... Pas de simulation cette fois.
Entrant finalement dans le dit salon, mon regard se posa sur les deux formes étranges et grossières qui siégeaient dans la pièce. Sur le canapé, un corps aux membres boursoufflés et violacés peinait à respirer et glapissait lamentablement tandis qu'en face de lui, sur le tapis et près de la cheminée, le corps de l'autre gros bras gisait. Ses membres semblaient également partiellement gonflés mais, contrairement au premier sujet, sa raison semblait encore présente. Bien, je m'occuperai donc de lui en dernier. Avançant doucement, je venais déposer sobrement ma sacoche sur la table de la pièce tout en fixant les deux individus de temps en temps. Je devais faire "vite". Oui. Mais le temps était une ressource relative. Surtout dans ce genre de cas où je devais m'assurer que la mort était réelle, et qu'elle ne risquait pas de venir contaminer les quartiers environnants. Une fois mes outils préparés, je me rendais vers les nombreux tiroirs et armoires du salon afin d'en fouiller le contenu, trouvant de nombreuses bouteilles de rhum, vins et autres alcools de mauvaise qualité. Je venais de trouvais notre "voie de sortie". Déposant donc l'alcool sur la table dans un silence morbide, je m'avançais finalement vers le plus atteint des deux hommes. D'un geste vif, je retirais ce qu'il restait de ses vêtements - c'est à dire pas grand chose - et observais l'étendu de la maladie. Bubons gonflés et violets au niveau de l'intérieur des cuisses. Appareil reproducteur entièrement déformée. Ah non. C'était naturel. Pieds détendus et également gonflés. La gorge semblait boursoufflée et même sans abaisse-langue je devinais déjà dans quel état elle pouvait être. Tout comme le sujet, le canapé se retrouvait recouvert de sueur et de pus séché. L'odeur dans la pièce était pestilentiel. Ce qui n'était pas étonnant, quand on remarquait que le pauvre homme s'était fait dessus. Pour le reste, son front portait la marque de nombreux coups reçus. Ou plutôt, auto-infligés.
- Gasun nadir valoka
Appuyant doucement ma main sur le front du sujet, j'ignorais complètement sa tentative de communication. Je comprenais, aux nombreuses irrégularités sur la peau que le pauvre homme avait sans doute tenté de mettre fin à ses jours en s'éclatant le crâne sur l'un des murs. D'ailleurs, cette hypothèse était confirmée par la grande tâche séchée qui se trouvait de l'autre côté du salon. Décidant qu'il en était assez, j'allais chercher ma scie à os, m'approchant du corps malade tandis que l'autre gros bras me fixait d'un œil écrasé par une paupière violette trop gonflée.
- Lai... Laissez-le, pit...Pitié.
Penchant la tête sur le côté, je laissais quelques secondes de suspend, ma scie déposée contre la gorge du sujet le plus atteint.
- C'es... C'est mon frère... Soi...Soignez... le.
Nouveau mouvement de tête. Nouveau temps de battement. Il est vrai que j'aurais pu sauver son frère. Il est vrai que j'aurais pu pratiquer et, potentiellement, permettre à ce dernier de survivre. Oui. J'aurais pu. Mais je ne le fis pas. D'un geste vif, ma scie glissa sur la gorge du pauvret, propulsant dans l'air une gerbe de sang abjecte et malodorante. De grandes giclées tombèrent sur le canapé et sur le corps gonflé du sujet qui émettait un soubresaut, la douleur l'ancrant finalement à la réalité. Derrière nous le moins malade des deux condamnés émettait de pitoyables sanglots tandis que ses yeux abimés laissaient des larmes salées couler sur ses joues tuméfiés. Oui. Désolé, pauvre imbécile. Ton sort n'était plus entre tes mains le jours où tu fis l'erreur de rejoindre la compagnie commerciale d'un homme cruel. Peut-être, aurais-tu postuler à Magic et tenter de devenir un énième politicien grassouillet, ou vieillissant. Et, peut-être, aurais-tu été celui qui m'aurait donné l'ordre de mettre fin aux souffrances d'un pauvre malade. Continuant donc mes va et vient, je sentis assez rapidement une légère raideur contre mon outil. L'os. Fixant mon sujet, je remarquais que la teinte violacée de son visage bourru s'était légèrement blanchie. La mort. Toujours présente dans le sillage de la médecine. Reprenant mon œuvre, je terminais de sectionner la tête du gros bras avant de saisir cette dernière pour la lancer vers mon dernier patient. L'appendice roula dans un bruit humide, pour achever sa course juste devant la tête du pauvre homme qui laissa de nouveaux gémissements plaintifs sortir de sa gorge écrasée. Quel dommage que Zelevas ait décidé de couper toutes les mèches allumées. Ces hommes auraient pu vivre un jour de plus. Et quel dommage, que dans sa décision, il veuille à présent que le travail soit fait rapidement.
M'approchant de l'inconnu condamné, je ne prenais même pas la peine d'essuyer la lame crantée que je gardais en main. Me penchant tel un vautour sur le futur cadavres, j'arquais finalement mes jambes pour me rapprocher de l'individu. Sur ses traits boursoufflés, sous ses larmes et sous sa peine, je pouvais deviner une pointe de rage et d'incompréhension. Oui. Tu pouvais me haïr pauvre débardeur. Tu pouvais me détester de tout ton cœur. Me maudire et espérer me voir sombrer dans les limbes du néant. Cela n'enlevait en rien ce que j'avais fait à ton frère, et ce que j'allais te faire. Car nous n'étions que dans un monde imparfait. Et dans ce monde, la morale n'était qu'un luxe. Et un handicap.
- Pou.. Pourri...
* Silence. *
Le peu de santé mentale de cet homme venait de voler en éclat. Lorsque ma voix télépathique résonna dans sa tête, toute la combattivité de ce pauvre patient s'en alla tandis qu'il comprenait que ce qui lui faisait face n'était pas un humain lambda, ou un criminel au cœur froid. J'étais plus. Et lui, il n'était rien. Sans doute, se demandait-il pourquoi il avait choisit de porter ces caisses. En vérité, peut-être s'était il posé cette question les premiers jours. A présent, il n'avait plus qu'à accepter la mort. Car elle venait vers lui comme une charmante épouse réconfortante. Et grâce à elle, il ne souffrirait plus, et retrouverait son frère. Après tout, ce dernier venait de prendre un peu d'avance. Tapotant donc doucement la joue du débardeur alors que je me relevais, je posais ma botte contre la gorge du pauvret. Pitoyablement et mollement, ce dernier tenta de lutter en vain. C'est ainsi que dans un geste fort, je venais écraser sa glotte et sa trachée. Un nouveau gargarisme accompagné d'un lamentable glapissement. Sans doute avais-je fait éclater le bubon boursoufflé qui s'était logé à l'intérieur de sa gorge. Peu importait.
Je restais donc là, analysant le corps malade qui tentait de se tordre de manière grotesque pour chercher de l'air qui n'arriverait pas. Penchant de nouveau la tête, je fixais mon expérience d'un air un peu désabusé. Vraiment, il était dommage que je ne puisse prolongé cette affaire. Enfin. La maladie pouvait se répandre. Au final, peut-être que mon patron spécialisé troisième âge n'était pas si gâteux. Un léger soupire quitta ma gorge tandis que je rangeais ma scie. Sortant ma dague, j'enfonçais cette dernière en plein milieu de la poitrine du sujet sans la moindre hésitation. La lame s'enfonça dans un bruit humide, traversant le derme, les muscles, puis le cœur de la victime. Un léger tressaillement, tandis que l'individu comprenait enfin que la mort venait le prendre. Retirant ma lame, je remarquais le sang qui s'expulsait de son torse gonflé et reprenait ma scie, n'attendant pas plus pour découper tout de même la tête puis les membres de mon patient. Au moins, lui, n'avait pas souffert physiquement avant de mourir. Enfin. Si. Mais à cause de la maladie, pas de ma mise à mort. Et psychologiquement. Bon. Qui se souciait de la psychologie à part des médecins ratés? Mon travail finalement achevé, je rangeais tous mes outils puis attrapais rapidement les différentes bouteilles d'alcool. Afin d'aller plus vite, j'appelais Zelevas afin qu'il m'aide à déverser tout l'alcool sur les amoncellements. Car, en vérité, ce n'était plus des corps que le sexagénaire allait trouver. Des troncs, déformés par la maladie et recouverts d'alcools et des membres découpés de leur propre corps. Au dessus de ces tas sanguinolents, les têtes des deux hommes avaient été placés afin qu'ils se regardent l'un l'autre. Mon côté poétique, peut-être.
Après un arrosage intensif et nous être assurés que la chaire était bien imbibée, je demandais à mon patron de redescendre. Idéalement, je préférais éviter de voir mon nouveau mécène périr dans un retour de flamme accidentel ou trébucher dans le couloir pour se briser le col du fémur. C'est donc seul que j'actionnais mon briquet pour allumer un morceau de torchon arraché qui trempait dans une bouteille de whisky. Quand la feu prit, je jetais nonchalamment cette dernière sur le tas morbide et observais alors les flammes qui commençaient à lécher les corps. Puis à les dévorer dans des gerbes iridescentes et ardentes. Comme souhaité, le feu se répandit à un trait d'alcool et d'huile jusqu'aux rideaux et autres meubles de bois. En quelques minutes, à peine, le salon se transforma en un brasier étouffant. C'est assuré que la chair commençait à fondre et que les bougres n'étaient plus reconnaissables que je me détournais enfin. Après m'être assuré de jeter une marmite suspendu et quelques vêtements près de la cheminée. Même si personne ne remonterait la piste d'un incendie dans les bas quartiers, la prudence ne faisait pas de mal tout comme le fait de "maquiller" un minimum la scène.
Rejoignant donc finalement le sénateur dans la rue, nous nous retournâmes pour observer quelques secondes les flammes qui se répandaient maintenant au second étage. Avec de la chance, ces dernières se répandraient également au voisinage, occupant suffisamment les autorités pour qu'elles en oublient la source et se préoccupent plus de sauver les concitoyens républicains qu'une demeure embrasée et malodorante. Sur ma grande tenue de cuir, le sang avait à présent séché et si la totalité de ce dernier n'avait pas été nettoyé, cela ne poserait aucun souci pour la suite. Après tout, il était normal pour un Docteur de se salir un peu, n'est-ce pas? Me retournant donc vers le politicien, je lui tendais un mouchoir propre afin qu'il puisse lui aussi éventuellement essuyer quelques gouttes écarlates irréductibles.
A présent, il nous faudrait avancer vers notre prochaine destination.
* Vous savez que cette chaise pourrait être infec... Laissez tomber. *
Je quittais mon accompagnant sans réellement me préoccuper de la suite. Il y avait un temps pour le travail et un temps pour l'amusement. Et l'amusement appelait. Marchant d'un pas décidé au travers du couloir, j'ouvrais la porte pour observer l'intérieur. Quel ne fut pas ma déception lorsque je constatais amèrement que cette dernière était vide. Rien. Aucun sujet. Aucune trace de maladies ou de sang. Dans un soupire las, j'en inspectais tout de même les recoins afin de m'assurer de ne louper aucun détail. Si j'avais bien entendu les gémissements provenir du salon, j'avais au moins espérer que les deux gros bras avaient eu la décence de se séparer lorsqu'ils tombèrent malade. Mais non. Il avait fallu qu'ils restent ensemble. L'espace d'un instant, je m'amusais à imaginer la tête du sénateur si je reproduisais le même schéma que chez le gobelin Holmes. Enfin, "nous n'avons pas le temps Docteur". "J'ai une compagnie à sauver et des preuves à effacer Docteur". "La vision des cadavres de mes employés simulant un coït ne m'amuse pas Docteur". Toujours les mêmes esprits manquant d'imagination. Même dans les bas-fonds, des meurtres pouvaient éveiller les soupçons. Enfin. Les paroles du patron faisaient loi. Alors... Pas de simulation cette fois.
Entrant finalement dans le dit salon, mon regard se posa sur les deux formes étranges et grossières qui siégeaient dans la pièce. Sur le canapé, un corps aux membres boursoufflés et violacés peinait à respirer et glapissait lamentablement tandis qu'en face de lui, sur le tapis et près de la cheminée, le corps de l'autre gros bras gisait. Ses membres semblaient également partiellement gonflés mais, contrairement au premier sujet, sa raison semblait encore présente. Bien, je m'occuperai donc de lui en dernier. Avançant doucement, je venais déposer sobrement ma sacoche sur la table de la pièce tout en fixant les deux individus de temps en temps. Je devais faire "vite". Oui. Mais le temps était une ressource relative. Surtout dans ce genre de cas où je devais m'assurer que la mort était réelle, et qu'elle ne risquait pas de venir contaminer les quartiers environnants. Une fois mes outils préparés, je me rendais vers les nombreux tiroirs et armoires du salon afin d'en fouiller le contenu, trouvant de nombreuses bouteilles de rhum, vins et autres alcools de mauvaise qualité. Je venais de trouvais notre "voie de sortie". Déposant donc l'alcool sur la table dans un silence morbide, je m'avançais finalement vers le plus atteint des deux hommes. D'un geste vif, je retirais ce qu'il restait de ses vêtements - c'est à dire pas grand chose - et observais l'étendu de la maladie. Bubons gonflés et violets au niveau de l'intérieur des cuisses. Appareil reproducteur entièrement déformée. Ah non. C'était naturel. Pieds détendus et également gonflés. La gorge semblait boursoufflée et même sans abaisse-langue je devinais déjà dans quel état elle pouvait être. Tout comme le sujet, le canapé se retrouvait recouvert de sueur et de pus séché. L'odeur dans la pièce était pestilentiel. Ce qui n'était pas étonnant, quand on remarquait que le pauvre homme s'était fait dessus. Pour le reste, son front portait la marque de nombreux coups reçus. Ou plutôt, auto-infligés.
- Gasun nadir valoka
Appuyant doucement ma main sur le front du sujet, j'ignorais complètement sa tentative de communication. Je comprenais, aux nombreuses irrégularités sur la peau que le pauvre homme avait sans doute tenté de mettre fin à ses jours en s'éclatant le crâne sur l'un des murs. D'ailleurs, cette hypothèse était confirmée par la grande tâche séchée qui se trouvait de l'autre côté du salon. Décidant qu'il en était assez, j'allais chercher ma scie à os, m'approchant du corps malade tandis que l'autre gros bras me fixait d'un œil écrasé par une paupière violette trop gonflée.
- Lai... Laissez-le, pit...Pitié.
Penchant la tête sur le côté, je laissais quelques secondes de suspend, ma scie déposée contre la gorge du sujet le plus atteint.
- C'es... C'est mon frère... Soi...Soignez... le.
Nouveau mouvement de tête. Nouveau temps de battement. Il est vrai que j'aurais pu sauver son frère. Il est vrai que j'aurais pu pratiquer et, potentiellement, permettre à ce dernier de survivre. Oui. J'aurais pu. Mais je ne le fis pas. D'un geste vif, ma scie glissa sur la gorge du pauvret, propulsant dans l'air une gerbe de sang abjecte et malodorante. De grandes giclées tombèrent sur le canapé et sur le corps gonflé du sujet qui émettait un soubresaut, la douleur l'ancrant finalement à la réalité. Derrière nous le moins malade des deux condamnés émettait de pitoyables sanglots tandis que ses yeux abimés laissaient des larmes salées couler sur ses joues tuméfiés. Oui. Désolé, pauvre imbécile. Ton sort n'était plus entre tes mains le jours où tu fis l'erreur de rejoindre la compagnie commerciale d'un homme cruel. Peut-être, aurais-tu postuler à Magic et tenter de devenir un énième politicien grassouillet, ou vieillissant. Et, peut-être, aurais-tu été celui qui m'aurait donné l'ordre de mettre fin aux souffrances d'un pauvre malade. Continuant donc mes va et vient, je sentis assez rapidement une légère raideur contre mon outil. L'os. Fixant mon sujet, je remarquais que la teinte violacée de son visage bourru s'était légèrement blanchie. La mort. Toujours présente dans le sillage de la médecine. Reprenant mon œuvre, je terminais de sectionner la tête du gros bras avant de saisir cette dernière pour la lancer vers mon dernier patient. L'appendice roula dans un bruit humide, pour achever sa course juste devant la tête du pauvre homme qui laissa de nouveaux gémissements plaintifs sortir de sa gorge écrasée. Quel dommage que Zelevas ait décidé de couper toutes les mèches allumées. Ces hommes auraient pu vivre un jour de plus. Et quel dommage, que dans sa décision, il veuille à présent que le travail soit fait rapidement.
M'approchant de l'inconnu condamné, je ne prenais même pas la peine d'essuyer la lame crantée que je gardais en main. Me penchant tel un vautour sur le futur cadavres, j'arquais finalement mes jambes pour me rapprocher de l'individu. Sur ses traits boursoufflés, sous ses larmes et sous sa peine, je pouvais deviner une pointe de rage et d'incompréhension. Oui. Tu pouvais me haïr pauvre débardeur. Tu pouvais me détester de tout ton cœur. Me maudire et espérer me voir sombrer dans les limbes du néant. Cela n'enlevait en rien ce que j'avais fait à ton frère, et ce que j'allais te faire. Car nous n'étions que dans un monde imparfait. Et dans ce monde, la morale n'était qu'un luxe. Et un handicap.
- Pou.. Pourri...
* Silence. *
Le peu de santé mentale de cet homme venait de voler en éclat. Lorsque ma voix télépathique résonna dans sa tête, toute la combattivité de ce pauvre patient s'en alla tandis qu'il comprenait que ce qui lui faisait face n'était pas un humain lambda, ou un criminel au cœur froid. J'étais plus. Et lui, il n'était rien. Sans doute, se demandait-il pourquoi il avait choisit de porter ces caisses. En vérité, peut-être s'était il posé cette question les premiers jours. A présent, il n'avait plus qu'à accepter la mort. Car elle venait vers lui comme une charmante épouse réconfortante. Et grâce à elle, il ne souffrirait plus, et retrouverait son frère. Après tout, ce dernier venait de prendre un peu d'avance. Tapotant donc doucement la joue du débardeur alors que je me relevais, je posais ma botte contre la gorge du pauvret. Pitoyablement et mollement, ce dernier tenta de lutter en vain. C'est ainsi que dans un geste fort, je venais écraser sa glotte et sa trachée. Un nouveau gargarisme accompagné d'un lamentable glapissement. Sans doute avais-je fait éclater le bubon boursoufflé qui s'était logé à l'intérieur de sa gorge. Peu importait.
Je restais donc là, analysant le corps malade qui tentait de se tordre de manière grotesque pour chercher de l'air qui n'arriverait pas. Penchant de nouveau la tête, je fixais mon expérience d'un air un peu désabusé. Vraiment, il était dommage que je ne puisse prolongé cette affaire. Enfin. La maladie pouvait se répandre. Au final, peut-être que mon patron spécialisé troisième âge n'était pas si gâteux. Un léger soupire quitta ma gorge tandis que je rangeais ma scie. Sortant ma dague, j'enfonçais cette dernière en plein milieu de la poitrine du sujet sans la moindre hésitation. La lame s'enfonça dans un bruit humide, traversant le derme, les muscles, puis le cœur de la victime. Un léger tressaillement, tandis que l'individu comprenait enfin que la mort venait le prendre. Retirant ma lame, je remarquais le sang qui s'expulsait de son torse gonflé et reprenait ma scie, n'attendant pas plus pour découper tout de même la tête puis les membres de mon patient. Au moins, lui, n'avait pas souffert physiquement avant de mourir. Enfin. Si. Mais à cause de la maladie, pas de ma mise à mort. Et psychologiquement. Bon. Qui se souciait de la psychologie à part des médecins ratés? Mon travail finalement achevé, je rangeais tous mes outils puis attrapais rapidement les différentes bouteilles d'alcool. Afin d'aller plus vite, j'appelais Zelevas afin qu'il m'aide à déverser tout l'alcool sur les amoncellements. Car, en vérité, ce n'était plus des corps que le sexagénaire allait trouver. Des troncs, déformés par la maladie et recouverts d'alcools et des membres découpés de leur propre corps. Au dessus de ces tas sanguinolents, les têtes des deux hommes avaient été placés afin qu'ils se regardent l'un l'autre. Mon côté poétique, peut-être.
Après un arrosage intensif et nous être assurés que la chaire était bien imbibée, je demandais à mon patron de redescendre. Idéalement, je préférais éviter de voir mon nouveau mécène périr dans un retour de flamme accidentel ou trébucher dans le couloir pour se briser le col du fémur. C'est donc seul que j'actionnais mon briquet pour allumer un morceau de torchon arraché qui trempait dans une bouteille de whisky. Quand la feu prit, je jetais nonchalamment cette dernière sur le tas morbide et observais alors les flammes qui commençaient à lécher les corps. Puis à les dévorer dans des gerbes iridescentes et ardentes. Comme souhaité, le feu se répandit à un trait d'alcool et d'huile jusqu'aux rideaux et autres meubles de bois. En quelques minutes, à peine, le salon se transforma en un brasier étouffant. C'est assuré que la chair commençait à fondre et que les bougres n'étaient plus reconnaissables que je me détournais enfin. Après m'être assuré de jeter une marmite suspendu et quelques vêtements près de la cheminée. Même si personne ne remonterait la piste d'un incendie dans les bas quartiers, la prudence ne faisait pas de mal tout comme le fait de "maquiller" un minimum la scène.
Rejoignant donc finalement le sénateur dans la rue, nous nous retournâmes pour observer quelques secondes les flammes qui se répandaient maintenant au second étage. Avec de la chance, ces dernières se répandraient également au voisinage, occupant suffisamment les autorités pour qu'elles en oublient la source et se préoccupent plus de sauver les concitoyens républicains qu'une demeure embrasée et malodorante. Sur ma grande tenue de cuir, le sang avait à présent séché et si la totalité de ce dernier n'avait pas été nettoyé, cela ne poserait aucun souci pour la suite. Après tout, il était normal pour un Docteur de se salir un peu, n'est-ce pas? Me retournant donc vers le politicien, je lui tendais un mouchoir propre afin qu'il puisse lui aussi éventuellement essuyer quelques gouttes écarlates irréductibles.
A présent, il nous faudrait avancer vers notre prochaine destination.
Perdu dans ses pensées obscures, Zelevas se fait tirer de ses réflexions de grandeur pour redescendre dans la dure réalité par la voix du Docteur qui résonne dans sa tête. Besoin d’un petit coup de main pour aller plus vite? Le Sénateur va devoir accepter de se salir les mains une fois de plus aujourd’hui… il suivit la silhouette de corvidé jusqu’au salon où il trouve en entrant un spectacle certes foncièrement plus violent que la macabre mise en scène chez Holmes, mais paradoxalement moins dérangeante. Le vieillard est plus désensibilisé à la boucherie pure et dure qu’à l’aperçu tordu et psychotique dans les esprits malsains, et la pile cadavérique de membres découpés en un petit tas compact au centre de la pièce ne le dérange pas plus que ça, par contre l’odeur…
”Eurf, je croyais que le masque filtrerait la pestilence.” Il vérifie l’ajustement de son masque sur son visage pour être sûr qu’il n’y a pas de trou par lequel l’air passerait, mais non. Il n’ose pas imaginer la puanteur sans.
Lorsque le Doc’ lui tend une bouteille de whiskey, il ne saisit pas immédiatement ce que le médecin funeste attend de lui, se contentant d’un simple “non merci” en opposant une paume tendue. Il réfléchit ensuite quelques secondes de plus en voyant que le bras du soigneur est toujours dressé vers lui, son masque au lentilles fumées le regardant droit dans les siennes, et il se rend compte que l’alcool serait de toute façon contaminé, aucune chance que le Docteur vienne donc de lui proposer de boire pour encaisser le spectacle… mais alors… qu’est-ce qu’il voulait faire de l’alcool… le regard de Zelevas alterne entre la bouteille de liquide inflammable, le drap dressé au sol, le tas de cadavre, et si les rouages sont aussi lents c’est parce qu’il croyait bien qu’il s’était montré clair en proscrivant l’incendie tantôt.
”Docteur, vous ne m’aviez pas entendu? J’avais bien spécifié qu’un incendie est trop ostentatoire.”
…
”Je suppose que c’est à cause des spores n’est-ce pas?”
…
Zelevas regarde avec un pincement aux lèvres la fumée s’accumuler derrière la vitre du deuxième étage. Le temps que le Docteur sorte, ils contemplent tout les deux leur oeuvre, admirant derrière leurs masques de peste l’explosion des carreaux sous la pression et les gens qui commencent à paniquer dans la rue en remarquant la déclaration de l’incendie. Sans s’éterniser pour assister à la fournaise, ils repartent à pieds pour retrouver l’endroit où ils ont laissé la voiture stationnée du Sénateur. Une fois de plus, sans son manteau ni ses vêtements rouges habituels et avec ses cheveux en bataille il est difficilement reconnaissable, c’est donc l’esprit tranquille qu’il retire son masque à bec de corbeau pour respirer goulûment de l’air frais et qu’il récupère le mouchoir que lui tend le Doc’ pour tamponner son front moite. Les gens ne trouvent pas ce qu’ils ne cherchent pas, alors pour les quelques passants qui commencent à courir dans les rues pour venir voir l’origine des fumées et les officiers républicains qui accourent avec des seaux d’eau accrochés à leurs hallebardes, il n’est qu’un vieillard en compagnie d’un bien étrange guérisseur. Une fois qu’ils eurent tout deux regagné la diligence, Zelevas indique au cocher la direction à suivre pour atteindre l’entrepôt dans lequel il avait mit les pieds deux semaines plus tôt et monte rejoindre le Docteur à l’intérieur du véhicule.
”Dernière destination, l’entrepôt, nous devons encore nettoyer cette maudite cargaison et de mon côté, je vais devoir enquêter sur l’identité de l’expéditeur, nous recevons régulièrement des colis piégés mais ils sont plutôt à l’adresse de ceux qui les ouvre, pas de ceux qui les transportent.”
Il formule sa pensée à voix haute afin de préparer le terrain pour celle qui va suivre.
”Je pourrai bien utiliser les compétences d’un spécialiste pour m’épauler dans mes recherches, je ne suis pas très calé en cadavres mais plus expérimentés avec ceux qui les laissent derrière eux. Est-ce que vous avez affaire pressante à regagner à Justice Docteur?”
Tandis que la voiture continue sa route et les trimballe sur les pavés des routes de Courage, Zelevas observe attentivement l’entité assise en face de lui, admettant pleinement qu’il pourrait tout aussi bien s’agir d’un homme, d’un petit Oni ou même d’un démon à ce stade et l’explication surnaturelle était celle qui collait le mieux au gabarit du Docteur. Les appétences du soigneur étaient intéressantes pour le vieillard, mais avant qu’il ne se projette plus loin il devait non seulement être sûr de l’étendue de ses compétences, mais aussi apprendre à connaître un peu mieux la chose sous le masque avant de se lancer avec lui dans des entreprises quelconques. Quand enfin leur diligence s’arrête prêt du bâtiment condamné, ils descendent à l’intérieur de l’espace confiné du dock et marchent jusqu’à la porte sur laquelle une croix de peinture rouge signifie la restriction temporaire mise en place autour de l’entrepôt. Remettant son masque, Zelevas ouvre la porte et mène le Docteur jusqu’au fond du bâtiment, ils y trouvent planqué derrière un grand rayon de marchandises les fameuses caisses, une d’entre elle ayant été remplacée et son contenu qui avait été renversé au sol il y a quelques temps, transvasé dans une nouvelle boîte. Leur état est globalement le même que lorsque Zelevas les avait laissé là, les squelettes sont vieux, les os nus depuis bien trop longtemps pour être possiblement décédés récemment, et si Zelevas serait bien en peine de dire précisément de quel genre ils sont sans parler d’identifier la race, il sait reconnaître les quelques ornements shoumeïens qui décorent les ossements au niveau des dents, des ongles et qui trainent un peu partout dans la terre humide qui tapisse le fond des caissons. L’odeur est cent fois plus insupportable que chez les deux frères des bas fonds qu’ils viennent d’incinérer et Zelevas sent ses yeux légèrement larmoyer à travers le masque de rechange du Docteur, lui provoquant un hoquet de relent, comme une terrible odeur de moisissure et d’humidité, il faut dire que la proximité de l’océan n’arrange pas vraiment la conservation de tout ce fatras. Zelevas va chercher un pieds de biche et en marchant vers son partenaire pour le lui passer, il prend la parole:
”Je dois d’abord récupérer le maximum d’informations concernant ces restes, de la race à leur âge en passant par leur habitude alimentaire si c’est possible. Ensuite on va se débarrasser de tout ça, discrètement si possible, et désinfecter l’entrepôt.” Et alors qu’il dépose l’outil dans la main du Docteur, il ne le lâche pas, attirant son regard vers lui pour être sûr cette fois de bien se faire comprendre. ”Sans le brûler.”
Pendant que le Docteur se mettait au travail, Zelevas se dirige vers l’entrée de l’entrepôt où repose un bureau dans lequel il commence à fouiller à la recherche des registres d’exportations qui avaient été récupéré sur le navire fantôme.
Citoyen de La République
Nahash
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Une fois dans la diligence, je sortais naturellement mon carnet pour reprendre l'écriture de diverses notes. La façon qu'avaient eu les chairs malades de brûler, l'éclatement des cloques face à la chaleur, la résistance osseuse, fibreuse et musculaire des malades... J'avais beaucoup de choses à inscrire qui pourraient potentiellement sauver de nouvelles vies à l'avenir. Ou, tout du moins, m'aider dans mon éternelle soif de connaissances scientifiques. Mon écriture fut cependant brouillée par l'intervention de mon partenaire de voyage. Là, devant moi, le sexagénaire me dévisageait tandis qu'il déblatérait ses mots. Un voyage. Après l'entrepôt. Hum. Voila qui devenait intéressant. Refermant subitement mon carnet, je replaçais ce dernier dans ma sacoche tandis que je tournais mon bec en direction du politicien.
* Je n'ai pas d'affaires pressantes, non. Et je dois vous avouer qu'il me sera plus intéressant de découvrir ces corps et leurs origines plutôt que de retourner soigner la goutte ou la syphilis dans les rues crasseuses de Justice. *
Et d'arracher les organes à un enfant malade afin de voir combien de temps ce dernier mettait avant de rendre l'âme. Mais c'était un détail qui n'avait pas d'importance. En vérité, il fallait admettre que l'offre était intéressante. De plus, outre le laboratoire, ce voyage prolongé augmentera aussi le financement que Zelevas m'offrira. Mes méthodes peu orthodoxes semblaient tout de même satisfaire le vieillard et je devais avouer que cela était plaisant de pouvoir travailler dans de telles conditions. Trop souvent, mes employeurs ou patients s'offusquaient de mes travaux. De ma façon de faire. Là, au moins, je pouvais agir librement. Je n'échappais pas au jugement, aux moues dégoutées ou à l'inquiétude, mais ces choses là ne m'atteignaient pas. Pire encore, elles m'amusaient presque.
Nous arrivâmes finalement au niveau du lieu où tout a commencé. Approchant des portes, mon regard se posa sur toutes les structures nous entourant et plus particulièrement les conditions d'entretien. Si la zone n'était naturellement pas d'une propreté extrême et si on se doutait aisément qu'il s'agissait d'un lieu de dépôt plutôt que d'une demeure de régent, je devais reconnaître que tout était en ordre. Surtout à l'intérieur de l'entrepôt. Rapidement, nos pas nous menèrent au niveau de la caisse où différents cadavres gisaient dans une terre molle et toujours humide. Je n'avais même pas besoin d'ouvrir la caisse pour savoir ce qui s'y trouvait. L'odeur à elle seule était suffisante. Il fallait avouer que la proximité de l'eau y était sans doute pour beaucoup, augmentant la putréfaction déjà avancée des restes. Me doutant que les caisses dans lesquelles les corps se trouvaient n'étaient pas les contenant d'origine, je compris rapidement que c'était probablement en déplaçant les cadavres que tout ce petit monde était tombé malade. Me tournant rapidement vers le sénateur après qu'il m'ait indiqué ses directives, je montrai la caisse de ma main gantée.
* Personne d'autre n'a pu entrer en contact avec ces corps, nous sommes d'accord? *
Un hochement de tête, et l'insistance sur l'incendie à éviter. Oui. J'avais compris. Je ne comptais pas bruler tout courage non plus. Enfin. Pas gratuitement. Lui confirmant donc à mon tour que j'étais en phase avec ses demandes, je quittai ma position pour me rendre vers la caisse la plus proche. D'un coup sec, je faisais sauter le dessus de cette dernière, projetant sans ménagement la plaque de bois pour observer les restes se trouvant dans l'objet de mon arrivée. Recroquevillés dans la terre, un squelette semblait m'observer de ses orbites vides. Glissant mes mains dans la terre, je fouillais un peu avant de retirer subitement le crâne de la victime. Soupesant cette dernière, j'observai sa structure globale avant de la redéposer dans la terre. La taille. Le poids. La forme des dents. La largeur des hanches, de la cage thoraciques. Même la couleur des os avait son importance. Pour les personnes lambdas, il était assez facile de déterminer s'il s'agissait d'un squelette masculin ou féminin. La magie altérait beaucoup de chose mais lorsque la mort frappait, on en revenait à cette triste réalité naturelle. Nous n'étions alors plus que des squelettes à la structure pré établie et nous étions tout aussi identifiable que via n'importe quel procédé arcanique. Continuant donc ainsi mon inspection, je passais mes mains gantées sur les différents reliefs, tout en en profitant griffonner sur mon carnet les différentes remarques qui me venaient à l'esprit.
S'il était évident que les corps provenaient de Shoumeï, ne serait-ce qu'a cause des différents ornements présents, ces derniers offraient également de précieux renseignements, surtout lorsqu'ils se trouvaient mélangés à la forme des tibias ou des mains. Les fermiers avaient souvent des mains caleuses et l'usage des outillages agricoles avaient la fâcheuse tendance à abimer les métacarpes. Parfois, on pouvait même constater des gros problèmes au niveau des phalanges distales qui se voyaient raccourcies ou simplement absentes. Les accidents arrivaient vite et il n'était vraiment pas rare que ces extrémités se retrouvent broyées par les différents mécanismes ou tranchées par un mauvais coup de serpe. Pour le reste, mon analyse se porta naturellement sur les os iliaques, les articulations sacro-iliaques et coxo-fémorales et enfin la symphyse pubienne. Cette tâche me fut d'ailleurs relativement pénible, certaines parties des corps étant bien enfouis dans les amas terreux. Chaque fois cependant, je m'efforçais de réaliser mon analyse, allant parfois jusqu'à ressortir les corps pour les reconstituer à même le sol. Sans les ligaments, les tendons et tout ce qui les liaient entre eux, les ossements avaient la fâcheuse tendance de se balader. Dans mon expertise, je prenais également le temps de m'attarder sur les côtes ainsi que les cervicales. La moindre trace de lame, ou de choc, était un indice important qu'il ne fallait pas délaisser. Chaque fois, et lorsque l'analyse d'une caisse était achevée, je replaçais les corps dans les contenants avant de reposer les couvercles dessus. Il y avait peu de chance que le mal ayant frappé Zelevas et feu ses pauvres collègues ne puisse se répandre de manière incontrôlée tant que les corps ne se faisaient pas sur-manipuler.
Je terminai d'analyser un énième corps lorsque le sénateur fit de nouveau son apparition, sortant du bureau où il était allé s'enterrer. Me redressant, je rangeais le corps avant d'à nouveau refermer la caisse. Sans totalement me retourner, j'attendais qu'il n'arrive assez près avant de lever un doigt pour lui intimer de ne plus s'approcher. Cela n'était pas véritablement pour le risque de transmission. Il y avait comme mentionné plus tôt assez peu de chance d'attraper de nouveau la maladie, surtout compte tenu du temps de dépôt des corps. Non, c'était tout simplement car s'il continuait d'avancer, le sénateur risquait de marcher sur un os capité ou autre scaphoïde que j'aurais pu oublié dans mes rangements. J'en doutai, mais la proximité avec le sexagénaire n'était somme toute pas vitale non plus.
* Vingt-et-un corps. Voila le nombre total de macchabés qui se trouvaient dans ces caisses. Sept femelles, quatorze mâles. Les âges sont variés, mais aucun ne semble dépasser la cinquantaine, les usures osseuses ne correspondent pas. Vient ensuite les races. Compte tenus de certaines cornes et griffes retrouvées... J'en arrive à cette conclusion. Sur le total des corps, j'ai déterminé une majorité d'humains. Quinze corps pour être précis. Les six autres regroupent deux hybrides, un drakyn, deux nains et enfin un elfe. Les dentitions indiquent globalement que tous les sujets étaient omnivores. Naturellement, les canines du drakyn et des hybrides étaient plus pointues et plus longues. Ces derniers étaient probablement une hybridation entre des hommes et des chiens, si j'en crois les ossements. Je marquai alors une pause, laissant à mon interlocuteur le temps d'assimiler les informations. Vient ensuite leur statut social. La plupart des corps portent des ornements funéraires de bonne qualités. Certains ont même encore sur eux des bijoux. L'usure permet également de confirmer qu'il ne s'agit pas de paysans ou de membres du bas peuple. Probablement de la petite noblesse ou de la bourgeoisie. Quant à la cause de la mort... Ils ont tous été exécutés. *
Marquant une nouvelle pause, je tapotais le couvercle d'une des caisses avant d'observer le sol pour vérifier la dite présence de petits ossements. Constatant avec plaisir que rien n'était présent, je reprenais mon discours.
* Les impacts sur les cervicales et les côtes sont formelles. Des coups donnés par des dagues ou des petites lames. Rien de très grand ou trop destructeur. Tenant compte des troubles internes ayant frappé l'ancienne nation shoumeienne, ou bien les multiples cultes présents. Il peut tout aussi bien s'agir d'une famille noble déchue et massacrée, ou bien de pauvres sacrifiées au nom d'une quelconque déité. *
Arrêtant mes mots, je venais adopter une posture droite face à mon interlocuteur, croisant mes bras dans mon dos.
* Bien, à présent, pour ce qui est de s'occuper des corps. Si l'incinération n'est pas une option, comment comptez-vous procéder? La mise en terre ne me semble pas être une idée judicieuse, surtout vu le nombre de pilleurs de tombes qui pullulent en ces terres. Pour nettoyer l'entrepôt, en revanche, cela ne sera pas très compliqué, le danger vient principalement des corps et une fois que nous nous en serons débarrassés, un simple nettoyage sera suffisant. Egalement, j'aimerai savoir... Notre future destination a-t-elle été trouvée? *
* Je n'ai pas d'affaires pressantes, non. Et je dois vous avouer qu'il me sera plus intéressant de découvrir ces corps et leurs origines plutôt que de retourner soigner la goutte ou la syphilis dans les rues crasseuses de Justice. *
Et d'arracher les organes à un enfant malade afin de voir combien de temps ce dernier mettait avant de rendre l'âme. Mais c'était un détail qui n'avait pas d'importance. En vérité, il fallait admettre que l'offre était intéressante. De plus, outre le laboratoire, ce voyage prolongé augmentera aussi le financement que Zelevas m'offrira. Mes méthodes peu orthodoxes semblaient tout de même satisfaire le vieillard et je devais avouer que cela était plaisant de pouvoir travailler dans de telles conditions. Trop souvent, mes employeurs ou patients s'offusquaient de mes travaux. De ma façon de faire. Là, au moins, je pouvais agir librement. Je n'échappais pas au jugement, aux moues dégoutées ou à l'inquiétude, mais ces choses là ne m'atteignaient pas. Pire encore, elles m'amusaient presque.
Nous arrivâmes finalement au niveau du lieu où tout a commencé. Approchant des portes, mon regard se posa sur toutes les structures nous entourant et plus particulièrement les conditions d'entretien. Si la zone n'était naturellement pas d'une propreté extrême et si on se doutait aisément qu'il s'agissait d'un lieu de dépôt plutôt que d'une demeure de régent, je devais reconnaître que tout était en ordre. Surtout à l'intérieur de l'entrepôt. Rapidement, nos pas nous menèrent au niveau de la caisse où différents cadavres gisaient dans une terre molle et toujours humide. Je n'avais même pas besoin d'ouvrir la caisse pour savoir ce qui s'y trouvait. L'odeur à elle seule était suffisante. Il fallait avouer que la proximité de l'eau y était sans doute pour beaucoup, augmentant la putréfaction déjà avancée des restes. Me doutant que les caisses dans lesquelles les corps se trouvaient n'étaient pas les contenant d'origine, je compris rapidement que c'était probablement en déplaçant les cadavres que tout ce petit monde était tombé malade. Me tournant rapidement vers le sénateur après qu'il m'ait indiqué ses directives, je montrai la caisse de ma main gantée.
* Personne d'autre n'a pu entrer en contact avec ces corps, nous sommes d'accord? *
Un hochement de tête, et l'insistance sur l'incendie à éviter. Oui. J'avais compris. Je ne comptais pas bruler tout courage non plus. Enfin. Pas gratuitement. Lui confirmant donc à mon tour que j'étais en phase avec ses demandes, je quittai ma position pour me rendre vers la caisse la plus proche. D'un coup sec, je faisais sauter le dessus de cette dernière, projetant sans ménagement la plaque de bois pour observer les restes se trouvant dans l'objet de mon arrivée. Recroquevillés dans la terre, un squelette semblait m'observer de ses orbites vides. Glissant mes mains dans la terre, je fouillais un peu avant de retirer subitement le crâne de la victime. Soupesant cette dernière, j'observai sa structure globale avant de la redéposer dans la terre. La taille. Le poids. La forme des dents. La largeur des hanches, de la cage thoraciques. Même la couleur des os avait son importance. Pour les personnes lambdas, il était assez facile de déterminer s'il s'agissait d'un squelette masculin ou féminin. La magie altérait beaucoup de chose mais lorsque la mort frappait, on en revenait à cette triste réalité naturelle. Nous n'étions alors plus que des squelettes à la structure pré établie et nous étions tout aussi identifiable que via n'importe quel procédé arcanique. Continuant donc ainsi mon inspection, je passais mes mains gantées sur les différents reliefs, tout en en profitant griffonner sur mon carnet les différentes remarques qui me venaient à l'esprit.
S'il était évident que les corps provenaient de Shoumeï, ne serait-ce qu'a cause des différents ornements présents, ces derniers offraient également de précieux renseignements, surtout lorsqu'ils se trouvaient mélangés à la forme des tibias ou des mains. Les fermiers avaient souvent des mains caleuses et l'usage des outillages agricoles avaient la fâcheuse tendance à abimer les métacarpes. Parfois, on pouvait même constater des gros problèmes au niveau des phalanges distales qui se voyaient raccourcies ou simplement absentes. Les accidents arrivaient vite et il n'était vraiment pas rare que ces extrémités se retrouvent broyées par les différents mécanismes ou tranchées par un mauvais coup de serpe. Pour le reste, mon analyse se porta naturellement sur les os iliaques, les articulations sacro-iliaques et coxo-fémorales et enfin la symphyse pubienne. Cette tâche me fut d'ailleurs relativement pénible, certaines parties des corps étant bien enfouis dans les amas terreux. Chaque fois cependant, je m'efforçais de réaliser mon analyse, allant parfois jusqu'à ressortir les corps pour les reconstituer à même le sol. Sans les ligaments, les tendons et tout ce qui les liaient entre eux, les ossements avaient la fâcheuse tendance de se balader. Dans mon expertise, je prenais également le temps de m'attarder sur les côtes ainsi que les cervicales. La moindre trace de lame, ou de choc, était un indice important qu'il ne fallait pas délaisser. Chaque fois, et lorsque l'analyse d'une caisse était achevée, je replaçais les corps dans les contenants avant de reposer les couvercles dessus. Il y avait peu de chance que le mal ayant frappé Zelevas et feu ses pauvres collègues ne puisse se répandre de manière incontrôlée tant que les corps ne se faisaient pas sur-manipuler.
Je terminai d'analyser un énième corps lorsque le sénateur fit de nouveau son apparition, sortant du bureau où il était allé s'enterrer. Me redressant, je rangeais le corps avant d'à nouveau refermer la caisse. Sans totalement me retourner, j'attendais qu'il n'arrive assez près avant de lever un doigt pour lui intimer de ne plus s'approcher. Cela n'était pas véritablement pour le risque de transmission. Il y avait comme mentionné plus tôt assez peu de chance d'attraper de nouveau la maladie, surtout compte tenu du temps de dépôt des corps. Non, c'était tout simplement car s'il continuait d'avancer, le sénateur risquait de marcher sur un os capité ou autre scaphoïde que j'aurais pu oublié dans mes rangements. J'en doutai, mais la proximité avec le sexagénaire n'était somme toute pas vitale non plus.
* Vingt-et-un corps. Voila le nombre total de macchabés qui se trouvaient dans ces caisses. Sept femelles, quatorze mâles. Les âges sont variés, mais aucun ne semble dépasser la cinquantaine, les usures osseuses ne correspondent pas. Vient ensuite les races. Compte tenus de certaines cornes et griffes retrouvées... J'en arrive à cette conclusion. Sur le total des corps, j'ai déterminé une majorité d'humains. Quinze corps pour être précis. Les six autres regroupent deux hybrides, un drakyn, deux nains et enfin un elfe. Les dentitions indiquent globalement que tous les sujets étaient omnivores. Naturellement, les canines du drakyn et des hybrides étaient plus pointues et plus longues. Ces derniers étaient probablement une hybridation entre des hommes et des chiens, si j'en crois les ossements. Je marquai alors une pause, laissant à mon interlocuteur le temps d'assimiler les informations. Vient ensuite leur statut social. La plupart des corps portent des ornements funéraires de bonne qualités. Certains ont même encore sur eux des bijoux. L'usure permet également de confirmer qu'il ne s'agit pas de paysans ou de membres du bas peuple. Probablement de la petite noblesse ou de la bourgeoisie. Quant à la cause de la mort... Ils ont tous été exécutés. *
Marquant une nouvelle pause, je tapotais le couvercle d'une des caisses avant d'observer le sol pour vérifier la dite présence de petits ossements. Constatant avec plaisir que rien n'était présent, je reprenais mon discours.
* Les impacts sur les cervicales et les côtes sont formelles. Des coups donnés par des dagues ou des petites lames. Rien de très grand ou trop destructeur. Tenant compte des troubles internes ayant frappé l'ancienne nation shoumeienne, ou bien les multiples cultes présents. Il peut tout aussi bien s'agir d'une famille noble déchue et massacrée, ou bien de pauvres sacrifiées au nom d'une quelconque déité. *
Arrêtant mes mots, je venais adopter une posture droite face à mon interlocuteur, croisant mes bras dans mon dos.
* Bien, à présent, pour ce qui est de s'occuper des corps. Si l'incinération n'est pas une option, comment comptez-vous procéder? La mise en terre ne me semble pas être une idée judicieuse, surtout vu le nombre de pilleurs de tombes qui pullulent en ces terres. Pour nettoyer l'entrepôt, en revanche, cela ne sera pas très compliqué, le danger vient principalement des corps et une fois que nous nous en serons débarrassés, un simple nettoyage sera suffisant. Egalement, j'aimerai savoir... Notre future destination a-t-elle été trouvée? *
Le gros livre de registre de l’entrepôt fait un bruit mat en s’affalant sur le pupitre tandis que les doigts fripés de Zelevas parcourent ses pages à la recherche de la consigne la plus récente. Dix-huit, dix-neuf, vingt, non toujours pas… vingt-trois Décembre!
”Alors voyons voir…”
Les yeux suffisamment chanceux du Sénateur pour ne pas porter de lunettes à son âge glissent entre les différentes lignes de marchandises de luxe conservées ici. Caisses de tentacules d’Aboleth, sculptures de Millefeuilles résinées, tapisserie en fibre de Maggi, lattes de noyer noir… rien. Le poing du Directeur de l’établissement s’abat de frustration sur les épaisses pages du livre. Comment est-ce possible? Ces abrutis n’ont pas pensé à renseigner la carg-. Quand son regard se pose sur un autre cahier déposé au fond du tiroir du pupitre, les pensées de Zelevas s’interrompent. Le vieillard se penche pour le ramasser et l’examiner, la couverture verte délavée a clairement prit la flotte et la couleur est passée à certains points, les feuilles à l’intérieur sont collées et gondolées, et le tout possède une rigidité moite anormale. Normalement ce genre de cahier n’aurait rien à faire ici, son épaisseur relativement fine en comparaison de l’épais registre lui indique qu’il s’agit sans doute du journal de bord du bateau de marchandise qu’ils ont récupéré, et en l’ouvrant il obtient sa réponse grâce au symbole dilué dans le papier de la Liberum Armada. Un froncement de nez plus tard il arrache les pages simplement en les tournant, et Zelevas arrive rapidement aux dernières entrées, fort heureusement pour lui, les pages concernées se retrouvaient au milieu d’un amas de feuilles collées et si l’encre a certe un peu bavé un pouvait encore y distinguer les écrits d’origine. Saisissant donc le carnet avec autant de délicatesse que possible, Zelevas se retourne vers le fond du bâtiment où il a laissé le Docteur et commence à revenir vers lui doucement tandis qu’il déchiffre les informations. Il lève son nez du cahier juste à temps pour voir le Doc’, un doigt tendu en signe de défense d’approcher, lui ordonner de rester là où il est, et en écartant les feuilles de devant son visage, il remarque quelques os ici et là que le praticien s’affaire à ranger avant de finalement se livrer à un rapport plus que complet sur les cadavres en question. Non seulement le soigneur a été capable de lui donner les races et les sexes, mais aussi une ébauche d’hypothèse d’après la façon dont ces personnes sont mortes. Le vieillard reste un instant immobile, ses doigts gantés caressant sa barbe en jouant avec quelques mèches de poil tandis que les méninges s’agitent dans sa tête.
Le Shoumeï est une nation fantôme maintenant, et le nom qui figure sur le cahier de transport, Port-Aurya, est une des rares communautés encore debout grâce à son éloignement des théâtres de guerre d’il y a quelques années. Le problème, c’est l’absence d’autorité supérieure stable qui règne sur l’endroit, Port-Aurya possède un pouvoir tournant et fragile qui navigue alternativement entre les résidus des figures d’autorité de l’ancien pays, les cellules de culte religieux qui sévissent dans la région et les groupuscules de malfrats désorganisés. Il y a bien un comptoir là bas qui parvient à demeurer hors-limite grâce à la menace potentielle des représailles de la République sur la cité sans foi ni loi, mais est-ce qu’ils pouvait réellement se permettre d’aller mettre pieds là bas?
”Mmh…”
L’affaire était plus complexe qu’il n’y paraissait, si la famille de bourgeois qui croupissait dans les caisses expédiées avaient réellement été exécutée comme des chiens, d’un seul coup la fièvre noire qui en émanait était le dernier de leurs soucis. Ce n’était plus un danger immédiat, c’était un message. Tout en songeant, il s’assieds pour réfléchir quelques secondes sur un solide tonneau à côté de lui, les mains jointes à son menton et les coudes sur les genoux. Port-Aurya ne fait pas partie du territoire Républicain, et la cité n’est sous aucune juridiction, même le Reike ne peut prétendre avoir la main basse dessus, dans les faits la petite ville n’est rien d’autre pour la République qu’un partenaire de commerce de denrées occidentales rares. Le problème étant donc que ni la GAR, ni les instances républicaines n’y feront quoi que ce soit, c’est le problème de la SSG, et par extension, de la Liberum. Est-ce que c’est à lui d’y aller cela dit? Quelle question, bien sûr que c’était forcément à lui d’y aller, et de ne pas consigner ou rapporter leurs agissement en plus de ça, il venait de liquider Holmes! Toute l’opération devait se faire dans la meilleure discrétion possible. Se relevant donc de son siège improvisé, Zelevas regarde le Docteur et apporte enfin une réponse à son attente:
”Des cercueils marins. On va laisser l’océan s’occuper de nos problèmes.” S’assurant une fois de plus que son masque est bien mis, il reprend. ”Je pars pour Port-Aurya dans deux jours, c’est un endroit dangereux et la cité y est plus qu’hostile, je ne vous oblige pas à venir mais… sait-on jamais que la maladie y soit également présente, j’apprécierais vos services.”
Après une courte pause:
”Payés. Cela va de soi.”
Tandis que le Docteur acquiesce, le Sénateur pointe du doigt les caisses de cadavre et dit:
”Vous pouvez laisser tout ça ici pour le moment, nous reviendrons plus tard, il va déjà falloir acheter les cercueils et les faire venir ici. Je ferai passer ça pour une exportation vers Kaizoku en secret.” Zelevas se met à marcher vers la sortie, enfouissant soigneusement le cahier détrempé dans la doublure de sa veste tout en incitant le guérisseur morbide à le suivre. ”Je vais demander à ce que la Liberum mette à ma disposition un bâtiment et son équipage.”
La porte de l’entrepôt claque en replongeant les marchandises dans l’obscurité.
Les cercueils marins, une tradition maritime dûment honorée par les loups de mers et les servants de gallions, chaque homme ayant été pris par la mer et qui souhaite retourner à la mer décide de son vivant d’être abandonné aux vagues post-mortem. Un simple caisson en bois d’une soixantaine de centimètres, suffisamment grand pour qu’on puisse y fourrer n’importe qui en pliant le corps en trois en position foetale, attaché à un tonneau creux et étanche par une corde en fibre d’algues. Le principe est simple, le caisson immergé renferme le corps, lesté avec du sable, il est accroché au tonneau honorifique dont les décorations indiquent les haut-faits de la personne inhumée, le tout est équipé d’une ancre de fond en tissus frugal qui attrape le contre-courant sous la surface pour emmener le tout au large plutôt que le laisser s’échouer sur une plage. La corde entre le tonneau et le cercueil est faite en fibre d’algues pour attirer les poissons qui grignotent progressivement l’attache, libérant ainsi le caisson pour le laisser s’enfoncer dans les abymes une fois que le tout aura vogué un petit peu. En général les caissons d’immersion sont d’une simplicité extrême, six planches de bois commun comme du cèdre ou du pin, tandis que les tonneaux portent des couronnes fleuries, des fourragères pour les militaires et différents hameçons pour les civils. Une fois l’ordre placé par Zelevas des commandes pour tout les cercueils, le Docteur attendit l’arrivage des matériaux et disposa les ossements dans les caissons pendant que le Directeur de la SSG jouait de ses ficelles pour affréter un navire à son bon vouloir le plus vite possible. Il lui fallait récupérer un capitaine, un équipage de navigation et si possible une escouade de combattants. Après avoir passé ses ordres au Comptoir de Courage, il rejoignit enfin le Docteur pour l’assister à installer les cercueils dans les grues de chargement et les larguer un par un dans la mer.
Une fois fait, Zelevas épuisé finit par présenter une main tendue au Docteur, et après une dernière poignée, ils ressortent ensemble avant de se séparer, se donnant rendez-vous dans deux jours pour embarquer.
Douze canons de six livres, six sur chaque bord du navire équipés au pont intermédiaire, deux balistes de tir montées sur les ponts supérieurs, destinées au tirs de projectiles à chaîne ou incendiaires, des oxybèles d’abordage pour les munitions à corde afin d’immobiliser les navires lors des abordages et enfin la plateforme centrale sur le pont d’espar possédant un trébuchet. Tel est l’armement redoutable du navire de guerre sur le pont d’embarquement duquel, Zelevas attend patiemment que le Docteur pointe le bout de son masque. À l’avant, la figure de proue représentant une ancre inversée dont les bras étoilés ornent les débuts de bastingages trône fièrement pour fendre les flots, décorée de plusieurs crânes de cuivre et de sculptures boisées. L’Hermione est prête à quitter le port, n’attendant que l’arrivée de son dernier passager et le signal du Sénateur. En laissant son regard se perdre dans les cordages et les voiles repliées du puissant trois-mâts, le Directeur de la Societas se demande s’il ne vise pas un peu trop gros, un tel joyau de la navale est capable de déployer une sacré puissance tant par son armement et sa robustesse que par le couple de sa navigation, mais d’un autre-côté… Si Port-Aurya est véritablement tombée dans mains fanatiques et écervelées, n’importe quelle aide ne sera pas de trop. La situation diplomatique pourrait potentiellement rapidement dégénérer en bain de sang. Si on en venait là, combien des cinquantes membres d’équipage y survivraient? Et la potentialité d’une épidémie en arrivant sur place n’était pas non plus à écarter, mais pour ce soucis là, la solution venait justement de poser son pieds sur le pont d’embarquement tandis que les marins commencent à beugler les ordres pour couvrir le son du vent et des vagues. Une fois les affaires du Docteur chargées et le Doc’ lui même à bord de l’Hermione, le Sénateur le laisse découvrir ses quartiers et retourne lui même dans sa propre cabine.
La première journée de voyage se déroule sans évènement, ce n’est que le lendemain que Zelevas vient retrouver le Docteur, éternellement vêtu de son accoutrement de médecin de la peste malgré l’air humide de l’océan. Le Sénateur suppose qu’au moins ces vêtements doivent lui tenir chaud, sachant que pour sa part son lourd manteau est à peine suffisant pour couvrir le froid du large plus mordant encore que sur la terre ferme. Après avoir toqué à la porte de la cabine de l’étrange soigneur, le vieillard ouvre la porte sans attendre de validation télépathique et entre en ronchonnant à moitié dans sa barbe blanche.
”Bonjour Docteur, dites vous n’auriez pas quelque chose contre les rhumatismes? J’ai l’impression que mes articulations m’hurlent dessus à chaque fois que je m’assieds.” et comme pour illustrer son propos, il place une main à ses lombaires en grimaçant tandis qu’il se pose délicatement sur la chaise de chevet, l’autre main soudée au dossier pour accompagner sa descente. ”Petites vicissitudes de la vie à part, j’aimerai en apprendre un peu plus sur votre personne Docteur…” Il se retourne et tend l’oreille à la porte comme pour vérifier que personne n’a la mauvaise idée de les espionner. ”Himir m’avait informé qu’il avait obtenu votre contact par mes réseaux les plus officieux, après ce que nous avons fait à Courage, je souhaiterai en savoir un peu plus sur la personne que j’embarque dans cette excursion.” Il se penche un peu plus vers le masque de médecin de la peste, frémissant légèrement à l’élancement qu’il ressent dans les vertèbres. ”Ma première question pour vous Doc’, où est votre coeur? Qu’est-ce qui vous anime? Quelles sont les valeurs qui conduisent vos actions?” Il se redresse ensuite, bien calé dans sa chaise avant de poursuivre. ”J’aimerai ensuite savoir comment vous avez appris la médecine, bien que je ne sois pas tout à fait sûr d’avoir tant envie que ça d’en connaître la réponse. Tant qu’à faire j’aimerai également en apprendre un peu plus sur votre passé, notamment ce qui concerne votre citoyenneté, êtes vous républicain de naissance? Melornois? Reikois peut-être même? Si je pose la question ce n’est pas pour remettre en cause notre présente collaboration, mais plutôt pour savoir ce que j’aurai besoin de faire comme couverture administrative… par rapport à votre futur laboratoire.”
”Alors voyons voir…”
Les yeux suffisamment chanceux du Sénateur pour ne pas porter de lunettes à son âge glissent entre les différentes lignes de marchandises de luxe conservées ici. Caisses de tentacules d’Aboleth, sculptures de Millefeuilles résinées, tapisserie en fibre de Maggi, lattes de noyer noir… rien. Le poing du Directeur de l’établissement s’abat de frustration sur les épaisses pages du livre. Comment est-ce possible? Ces abrutis n’ont pas pensé à renseigner la carg-. Quand son regard se pose sur un autre cahier déposé au fond du tiroir du pupitre, les pensées de Zelevas s’interrompent. Le vieillard se penche pour le ramasser et l’examiner, la couverture verte délavée a clairement prit la flotte et la couleur est passée à certains points, les feuilles à l’intérieur sont collées et gondolées, et le tout possède une rigidité moite anormale. Normalement ce genre de cahier n’aurait rien à faire ici, son épaisseur relativement fine en comparaison de l’épais registre lui indique qu’il s’agit sans doute du journal de bord du bateau de marchandise qu’ils ont récupéré, et en l’ouvrant il obtient sa réponse grâce au symbole dilué dans le papier de la Liberum Armada. Un froncement de nez plus tard il arrache les pages simplement en les tournant, et Zelevas arrive rapidement aux dernières entrées, fort heureusement pour lui, les pages concernées se retrouvaient au milieu d’un amas de feuilles collées et si l’encre a certe un peu bavé un pouvait encore y distinguer les écrits d’origine. Saisissant donc le carnet avec autant de délicatesse que possible, Zelevas se retourne vers le fond du bâtiment où il a laissé le Docteur et commence à revenir vers lui doucement tandis qu’il déchiffre les informations. Il lève son nez du cahier juste à temps pour voir le Doc’, un doigt tendu en signe de défense d’approcher, lui ordonner de rester là où il est, et en écartant les feuilles de devant son visage, il remarque quelques os ici et là que le praticien s’affaire à ranger avant de finalement se livrer à un rapport plus que complet sur les cadavres en question. Non seulement le soigneur a été capable de lui donner les races et les sexes, mais aussi une ébauche d’hypothèse d’après la façon dont ces personnes sont mortes. Le vieillard reste un instant immobile, ses doigts gantés caressant sa barbe en jouant avec quelques mèches de poil tandis que les méninges s’agitent dans sa tête.
Le Shoumeï est une nation fantôme maintenant, et le nom qui figure sur le cahier de transport, Port-Aurya, est une des rares communautés encore debout grâce à son éloignement des théâtres de guerre d’il y a quelques années. Le problème, c’est l’absence d’autorité supérieure stable qui règne sur l’endroit, Port-Aurya possède un pouvoir tournant et fragile qui navigue alternativement entre les résidus des figures d’autorité de l’ancien pays, les cellules de culte religieux qui sévissent dans la région et les groupuscules de malfrats désorganisés. Il y a bien un comptoir là bas qui parvient à demeurer hors-limite grâce à la menace potentielle des représailles de la République sur la cité sans foi ni loi, mais est-ce qu’ils pouvait réellement se permettre d’aller mettre pieds là bas?
”Mmh…”
L’affaire était plus complexe qu’il n’y paraissait, si la famille de bourgeois qui croupissait dans les caisses expédiées avaient réellement été exécutée comme des chiens, d’un seul coup la fièvre noire qui en émanait était le dernier de leurs soucis. Ce n’était plus un danger immédiat, c’était un message. Tout en songeant, il s’assieds pour réfléchir quelques secondes sur un solide tonneau à côté de lui, les mains jointes à son menton et les coudes sur les genoux. Port-Aurya ne fait pas partie du territoire Républicain, et la cité n’est sous aucune juridiction, même le Reike ne peut prétendre avoir la main basse dessus, dans les faits la petite ville n’est rien d’autre pour la République qu’un partenaire de commerce de denrées occidentales rares. Le problème étant donc que ni la GAR, ni les instances républicaines n’y feront quoi que ce soit, c’est le problème de la SSG, et par extension, de la Liberum. Est-ce que c’est à lui d’y aller cela dit? Quelle question, bien sûr que c’était forcément à lui d’y aller, et de ne pas consigner ou rapporter leurs agissement en plus de ça, il venait de liquider Holmes! Toute l’opération devait se faire dans la meilleure discrétion possible. Se relevant donc de son siège improvisé, Zelevas regarde le Docteur et apporte enfin une réponse à son attente:
”Des cercueils marins. On va laisser l’océan s’occuper de nos problèmes.” S’assurant une fois de plus que son masque est bien mis, il reprend. ”Je pars pour Port-Aurya dans deux jours, c’est un endroit dangereux et la cité y est plus qu’hostile, je ne vous oblige pas à venir mais… sait-on jamais que la maladie y soit également présente, j’apprécierais vos services.”
Après une courte pause:
”Payés. Cela va de soi.”
Tandis que le Docteur acquiesce, le Sénateur pointe du doigt les caisses de cadavre et dit:
”Vous pouvez laisser tout ça ici pour le moment, nous reviendrons plus tard, il va déjà falloir acheter les cercueils et les faire venir ici. Je ferai passer ça pour une exportation vers Kaizoku en secret.” Zelevas se met à marcher vers la sortie, enfouissant soigneusement le cahier détrempé dans la doublure de sa veste tout en incitant le guérisseur morbide à le suivre. ”Je vais demander à ce que la Liberum mette à ma disposition un bâtiment et son équipage.”
La porte de l’entrepôt claque en replongeant les marchandises dans l’obscurité.
***
Les cercueils marins, une tradition maritime dûment honorée par les loups de mers et les servants de gallions, chaque homme ayant été pris par la mer et qui souhaite retourner à la mer décide de son vivant d’être abandonné aux vagues post-mortem. Un simple caisson en bois d’une soixantaine de centimètres, suffisamment grand pour qu’on puisse y fourrer n’importe qui en pliant le corps en trois en position foetale, attaché à un tonneau creux et étanche par une corde en fibre d’algues. Le principe est simple, le caisson immergé renferme le corps, lesté avec du sable, il est accroché au tonneau honorifique dont les décorations indiquent les haut-faits de la personne inhumée, le tout est équipé d’une ancre de fond en tissus frugal qui attrape le contre-courant sous la surface pour emmener le tout au large plutôt que le laisser s’échouer sur une plage. La corde entre le tonneau et le cercueil est faite en fibre d’algues pour attirer les poissons qui grignotent progressivement l’attache, libérant ainsi le caisson pour le laisser s’enfoncer dans les abymes une fois que le tout aura vogué un petit peu. En général les caissons d’immersion sont d’une simplicité extrême, six planches de bois commun comme du cèdre ou du pin, tandis que les tonneaux portent des couronnes fleuries, des fourragères pour les militaires et différents hameçons pour les civils. Une fois l’ordre placé par Zelevas des commandes pour tout les cercueils, le Docteur attendit l’arrivage des matériaux et disposa les ossements dans les caissons pendant que le Directeur de la SSG jouait de ses ficelles pour affréter un navire à son bon vouloir le plus vite possible. Il lui fallait récupérer un capitaine, un équipage de navigation et si possible une escouade de combattants. Après avoir passé ses ordres au Comptoir de Courage, il rejoignit enfin le Docteur pour l’assister à installer les cercueils dans les grues de chargement et les larguer un par un dans la mer.
Une fois fait, Zelevas épuisé finit par présenter une main tendue au Docteur, et après une dernière poignée, ils ressortent ensemble avant de se séparer, se donnant rendez-vous dans deux jours pour embarquer.
***
Douze canons de six livres, six sur chaque bord du navire équipés au pont intermédiaire, deux balistes de tir montées sur les ponts supérieurs, destinées au tirs de projectiles à chaîne ou incendiaires, des oxybèles d’abordage pour les munitions à corde afin d’immobiliser les navires lors des abordages et enfin la plateforme centrale sur le pont d’espar possédant un trébuchet. Tel est l’armement redoutable du navire de guerre sur le pont d’embarquement duquel, Zelevas attend patiemment que le Docteur pointe le bout de son masque. À l’avant, la figure de proue représentant une ancre inversée dont les bras étoilés ornent les débuts de bastingages trône fièrement pour fendre les flots, décorée de plusieurs crânes de cuivre et de sculptures boisées. L’Hermione est prête à quitter le port, n’attendant que l’arrivée de son dernier passager et le signal du Sénateur. En laissant son regard se perdre dans les cordages et les voiles repliées du puissant trois-mâts, le Directeur de la Societas se demande s’il ne vise pas un peu trop gros, un tel joyau de la navale est capable de déployer une sacré puissance tant par son armement et sa robustesse que par le couple de sa navigation, mais d’un autre-côté… Si Port-Aurya est véritablement tombée dans mains fanatiques et écervelées, n’importe quelle aide ne sera pas de trop. La situation diplomatique pourrait potentiellement rapidement dégénérer en bain de sang. Si on en venait là, combien des cinquantes membres d’équipage y survivraient? Et la potentialité d’une épidémie en arrivant sur place n’était pas non plus à écarter, mais pour ce soucis là, la solution venait justement de poser son pieds sur le pont d’embarquement tandis que les marins commencent à beugler les ordres pour couvrir le son du vent et des vagues. Une fois les affaires du Docteur chargées et le Doc’ lui même à bord de l’Hermione, le Sénateur le laisse découvrir ses quartiers et retourne lui même dans sa propre cabine.
La première journée de voyage se déroule sans évènement, ce n’est que le lendemain que Zelevas vient retrouver le Docteur, éternellement vêtu de son accoutrement de médecin de la peste malgré l’air humide de l’océan. Le Sénateur suppose qu’au moins ces vêtements doivent lui tenir chaud, sachant que pour sa part son lourd manteau est à peine suffisant pour couvrir le froid du large plus mordant encore que sur la terre ferme. Après avoir toqué à la porte de la cabine de l’étrange soigneur, le vieillard ouvre la porte sans attendre de validation télépathique et entre en ronchonnant à moitié dans sa barbe blanche.
”Bonjour Docteur, dites vous n’auriez pas quelque chose contre les rhumatismes? J’ai l’impression que mes articulations m’hurlent dessus à chaque fois que je m’assieds.” et comme pour illustrer son propos, il place une main à ses lombaires en grimaçant tandis qu’il se pose délicatement sur la chaise de chevet, l’autre main soudée au dossier pour accompagner sa descente. ”Petites vicissitudes de la vie à part, j’aimerai en apprendre un peu plus sur votre personne Docteur…” Il se retourne et tend l’oreille à la porte comme pour vérifier que personne n’a la mauvaise idée de les espionner. ”Himir m’avait informé qu’il avait obtenu votre contact par mes réseaux les plus officieux, après ce que nous avons fait à Courage, je souhaiterai en savoir un peu plus sur la personne que j’embarque dans cette excursion.” Il se penche un peu plus vers le masque de médecin de la peste, frémissant légèrement à l’élancement qu’il ressent dans les vertèbres. ”Ma première question pour vous Doc’, où est votre coeur? Qu’est-ce qui vous anime? Quelles sont les valeurs qui conduisent vos actions?” Il se redresse ensuite, bien calé dans sa chaise avant de poursuivre. ”J’aimerai ensuite savoir comment vous avez appris la médecine, bien que je ne sois pas tout à fait sûr d’avoir tant envie que ça d’en connaître la réponse. Tant qu’à faire j’aimerai également en apprendre un peu plus sur votre passé, notamment ce qui concerne votre citoyenneté, êtes vous républicain de naissance? Melornois? Reikois peut-être même? Si je pose la question ce n’est pas pour remettre en cause notre présente collaboration, mais plutôt pour savoir ce que j’aurai besoin de faire comme couverture administrative… par rapport à votre futur laboratoire.”
Citoyen de La République
Nahash
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Deux jours. Deux longues journées à préparer un voyage maritime en direction des terres de Shoumeï. Si je n'étais pas de nature impatiente, je n'appréciais pas spécialement le fait de devoir rester à ne rien faire. Il y avait tant de travaux qui m'attendaient. Tant d'expériences à mener. Et même si je n'avais alors aucun laboratoire à ma disposition, les ateliers à louer ne manquaient pas. Mon nouveau patron, sûrement occupé à préparer notre expédition était à présent loin de moi et, en attendant que les quarante huit heures ne passent, j'allai donc d'auberge en auberge, proposant mes services ici et là afin de traiter divers maux. La goutte, la tuberculose, la chaude pisse... Les villes portuaires recelaient toujours un nombre de maladies incalculables. Si l'hygiène globale était catastrophique, le manque d'éducation des marins l'était sans doute plus encore. Trop souvent, les badauds venaient me voir afin de demander de l'aide sans être pourtant capable d'expliquer leurs propres symptômes. Alors, je me devais de les ausculter, et de réserver une pièce pour cela. Il m'était alors difficile d'aménager l'espace convenablement et, surtout, de pouvoir dresser des séances régulières. Alors, les patients étaient traités à la va-vite, usant bien trop souvent de mes dons plutôt que de médicaments afin de gagner du temps. Puis, enfin, les deux jours arrivèrent à leur fin. Me permettant de rejoindre le port, et le navire affrété par le sénateur.
Le bâtiment réquisitionné était de toute beauté. Ses planches, impeccables et soignées, allaient de concert avec des voiles parfaites et sans accroc. L'armement était aussi bien présent et permettrait en cas d'altercations non désirées de se défendre aisément face aux ennemis potentiels. Montant à bord tandis que j'observai le navire, je donnai sans grande cérémonie mes affaires à un matelot chargé de les placer dans mes quartiers. Puis, après avoir salué Zelevas, je continuai mon analyse technique. Je n'étais pas un expert en navigation maritime mais, même moi, je pouvais aisément concevoir toute la beauté et technicité du navire sur lequel je me trouvais à présent. Mon "inspection" terminée, je me dirigeai finalement vers ma cabine et en inspectait l'intérieur. Naturellement, cette dernière n'était pas d'une taille impressionnante mais elle avait le mérite d'offrir tout le confort nécessaire à un repos salvateur, ainsi qu'à quelques phases d'écriture, un grand bureau siégeant contre l'un des murs de bois. Satisfait de ma chambre, je pus enfin retourner sur le pont tandis que les voiles étaient détachées et l'ancre levée. Nous prenions la mer, direction un port à la réputation douteuse et d'où provenaient surement les cadavres que j'avais pu reconstituer deux jours auparavant.
La première journée de voyage se passa donc sans événement notable, mis à part quelques mousses peu habitués à la vie maritime et qui, entre deux tâches, venaient vomir par dessus bord la pitance qu'ils avaient avalé le matin même. Par mesure de sécurité, et surtout pour éviter la propagation de maladies potentielles, je vins m'occuper d'eux le plus rapidement possible, leur offrant diverses petites concoctions à la préparation rapide afin de les assister dans leurs maux le temps que leur corps ne s'habituent au flux et reflux des vagues contre la coque. Pour le reste, je pus également discuter un peu avec le capitaine du bateau. Un certains Nills. Un homme particulièrement charmant. Ancien militaire et natif de kaizoku, le capitaine n'en était pas à sa première expédition. Sur son visage bourru, quelques cicatrices venaient témoigner d'une vie rude tandis que son regard d'acier était le signe évident d'une grande détermination. Ce dernier me narra quelques éléments de sa vie, notamment des passages sur le dureté des premiers voyages et des différentes épidémies qui furent présentes sur son premier navire. Si son histoire m'intéressait assez peu, je devais reconnaître que les explications sur les maladies étaient fortement sympathiques. Pour le reste, le bougre me présenta son navire un peu plus en détails, comme un enfant fier d'un dessin qu'il présentait à ses parents. Il était vrai que l'Hermione possédait un arsenal impressionnant. Qui plus est, ses voilures impeccables et son gouvernail fraîchement installé en faisaient un navire à la pointe de la technologie et de l'efficacité. M'arrêtant quelques instants tandis que j'étais pris dans un tourbillon je me tournai vers lui afin de prendre la parole.
* Ce navire est effectivement incroyable mais... Quand est-il de sa résistance face aux incendies et autres brulots? Du bois sous la ligne de flottaison? *
- Ah! Cela pourrait être un problème, mais les pirates que nous affrontons n'ont généralement avec eux que des balistes ou des oxybèles. De plus, ils sont généralement trop nombreux pour représenter une menace de choix. Avec notre armement et notre équipage, nous pouvons aisément affronter une frégate sans craindre de véritables répercussions, croyez-moi.
* Je vous le souhaite capitaine, car les risques pour que nous devions utiliser vos armes ne sont pas nuls. *
L'excès de confiance. Une source d'inspiration pour les subordonnés du capitaine, de la folie pour un oeil observateur. A plusieurs endroits, le bateau possédait des faiblesses évidentes. Les bords de la proue, alourdies par la figure, représentaient une faille exploitable tout comme les voiles en tissu et le pont trop brillant. Le navire pouvait sans aucun doute encaisser aisément des carreaux simplistes et les autres joyeusetés que les pirates avaient, mais je doutais franchement de la réussite de son entreprise face à des navires plus audacieux. Enfin. Il serait préférable qu'aucun d'eux ne se présent pour le moment. Nager jusqu'à Courage me serait fortement désagréable.
Lorsque vint la seconde journée, je me retrouvai à griffonner doucement sur mon carnet diverses opérations effectuées sur l'équipage la veille. Des interventions bégnines, servant à recoudre de petites blessures résultantes de mauvaises manipulations sur les cordages et autres mouvements hasardeux provoqués par la houle nocturne. Aussi, lorsque le sénateur frappa à ma porte pour finalement entrer, je n'émis aucune remarque ni opposition. Au moins, sa compagnie allait pouvoir m'occuper un temps. J'espérai juste, au fond de moi, qu'il ne venait pas pour à son tour me décrire à quel point l'Hermione était le fleuron de la flotte républicaine. A l'évocation de ses rhumatismes, un léger sourire glissa sur mes lèvres tandis que je sortais une décoction de romarin et de reine des prés. Tendant la fiole à mon bienfaiteur, je laissais mon esprit résonner dans le sien.
* Prenez ceci. Une gorgée tous les matins. Vos douleurs sont sans doute amplifiées par l'air marin et le confort relative du bateau. La décoction permettra probablement de vous soulager. Si cela ne fonctionne pas, je vous préparerai quelque chose de plus fort. *
Je marquai alors une courte pause, écoutant ses mots avec intérêt. En savoir plus sur moi. Maintenant que nous étions embarqués en direction de Shoumeï pour une mission délicate et que j'avais déjà abattu plusieurs hommes pour lui. Pour peu, cela aurait pu être extrêmement invasif et menaçant. Fort heureusement, je pensai alors qu'il ne s'agissait que de curiosité et de besoin de savoir avec qui il travaillait. Ce qu'il confirma, d'ailleurs, par ces tournures de phrases et puis finalement, par ses derniers mots.
* Je vous aurais bien répondu "sur une étagère" mais étant donné votre question, cela aurait été de mauvais gout. Pour faire dans la simplicité la plus absolue, mes motivations vont à la Science. Et à la médecine. Je me préoccupe assez peu des besoins et motivations des gens m'entourant. Tout ce que je souhaite, c'est participer au progrès. Pouvoir expérimenter de nouvelles choses et définir plus efficacement les secrets de l'alchimie, de la science et des procédés médicaux. Je ne me dresse aucune limite, car la science se préoccupe bien peu des morales et ambitions d'une nation. Une courte pause, puis la reprise de mes explications. Pour ce qui est de mon passé. De mon apprentissage... Cela est difficile à répondre. J'ai l'impression d'avoir toujours été ce que je suis aujourd'hui. Je n'ai aucun souvenir véritable de ma potentielle enfance et aussi loin que mes souvenirs vont, j'arpentais déjà les routes afin de pratiquer. Mon savoir médical est ancré en moi aussi intensément que votre cœur manque un battement toutes les deux heures. D'ailleurs, si cela devient trop fréquent, j'aurai surement quelque chose à vous donner. Un sourire se dessina derrière mon masque. Pour ma citoyenneté, je n'ai donc aucune réponse à vous fournir. Cependant, aussi loin que je me souvienne, il me semble avoir tout d'abord foulé le sol républicain. Mes pérégrinations au Reike et en Shoumeï furent relativement récentes. Peut être une dizaine d'années, environ. *
Je refermai alors doucement mon carnet, portant l'entièreté de mon attention sur le sénateur. Mes réponses avaient été larges, sans précision véritable mais... Aussi étrange que cela pouvait être, je n'avais pas véritablement menti. Dans mon esprit, seules quelques rares souvenirs refaisaient parfois surface pour m'ancrer à une vie que j'avais l'impression de n'avoir même pas vécu. Mis à part mes travaux et ce que je menais à bien, j'avais l'impression de ne rien posséder.
* Mis à part les souvenirs liés à mon travail, je pense n'avoir jamais été rien d'autre que le Docteur qui vous fait face. *
Léger haussement d'épaules, démontrant tout mon manque d'inquiétude quant à cet égard. Peut-être que cela inquiéterait encore plus mon interlocteur, peut être pas. Peu importait. Replongeant mon regard sur le faciès du vieillard, je passai à mon tour aux questions.
* Et vous, Zelevas. Parlez moi un peu de vous. De votre statut et de vos ambitions. Vous avez fait appel à mes services en raison d'une situation désespérée mais...A présent, je vois clairement que cela va plus loin que de la simple solution à un problème épineux. Quels sont vos projets, vos envies pour la République? Quel parcours avez-vous mené pour en arriver à votre statut actuel et, enfin, qu'attendez-vous de moi et de notre collaboration exactement? *
Le bâtiment réquisitionné était de toute beauté. Ses planches, impeccables et soignées, allaient de concert avec des voiles parfaites et sans accroc. L'armement était aussi bien présent et permettrait en cas d'altercations non désirées de se défendre aisément face aux ennemis potentiels. Montant à bord tandis que j'observai le navire, je donnai sans grande cérémonie mes affaires à un matelot chargé de les placer dans mes quartiers. Puis, après avoir salué Zelevas, je continuai mon analyse technique. Je n'étais pas un expert en navigation maritime mais, même moi, je pouvais aisément concevoir toute la beauté et technicité du navire sur lequel je me trouvais à présent. Mon "inspection" terminée, je me dirigeai finalement vers ma cabine et en inspectait l'intérieur. Naturellement, cette dernière n'était pas d'une taille impressionnante mais elle avait le mérite d'offrir tout le confort nécessaire à un repos salvateur, ainsi qu'à quelques phases d'écriture, un grand bureau siégeant contre l'un des murs de bois. Satisfait de ma chambre, je pus enfin retourner sur le pont tandis que les voiles étaient détachées et l'ancre levée. Nous prenions la mer, direction un port à la réputation douteuse et d'où provenaient surement les cadavres que j'avais pu reconstituer deux jours auparavant.
La première journée de voyage se passa donc sans événement notable, mis à part quelques mousses peu habitués à la vie maritime et qui, entre deux tâches, venaient vomir par dessus bord la pitance qu'ils avaient avalé le matin même. Par mesure de sécurité, et surtout pour éviter la propagation de maladies potentielles, je vins m'occuper d'eux le plus rapidement possible, leur offrant diverses petites concoctions à la préparation rapide afin de les assister dans leurs maux le temps que leur corps ne s'habituent au flux et reflux des vagues contre la coque. Pour le reste, je pus également discuter un peu avec le capitaine du bateau. Un certains Nills. Un homme particulièrement charmant. Ancien militaire et natif de kaizoku, le capitaine n'en était pas à sa première expédition. Sur son visage bourru, quelques cicatrices venaient témoigner d'une vie rude tandis que son regard d'acier était le signe évident d'une grande détermination. Ce dernier me narra quelques éléments de sa vie, notamment des passages sur le dureté des premiers voyages et des différentes épidémies qui furent présentes sur son premier navire. Si son histoire m'intéressait assez peu, je devais reconnaître que les explications sur les maladies étaient fortement sympathiques. Pour le reste, le bougre me présenta son navire un peu plus en détails, comme un enfant fier d'un dessin qu'il présentait à ses parents. Il était vrai que l'Hermione possédait un arsenal impressionnant. Qui plus est, ses voilures impeccables et son gouvernail fraîchement installé en faisaient un navire à la pointe de la technologie et de l'efficacité. M'arrêtant quelques instants tandis que j'étais pris dans un tourbillon je me tournai vers lui afin de prendre la parole.
* Ce navire est effectivement incroyable mais... Quand est-il de sa résistance face aux incendies et autres brulots? Du bois sous la ligne de flottaison? *
- Ah! Cela pourrait être un problème, mais les pirates que nous affrontons n'ont généralement avec eux que des balistes ou des oxybèles. De plus, ils sont généralement trop nombreux pour représenter une menace de choix. Avec notre armement et notre équipage, nous pouvons aisément affronter une frégate sans craindre de véritables répercussions, croyez-moi.
* Je vous le souhaite capitaine, car les risques pour que nous devions utiliser vos armes ne sont pas nuls. *
L'excès de confiance. Une source d'inspiration pour les subordonnés du capitaine, de la folie pour un oeil observateur. A plusieurs endroits, le bateau possédait des faiblesses évidentes. Les bords de la proue, alourdies par la figure, représentaient une faille exploitable tout comme les voiles en tissu et le pont trop brillant. Le navire pouvait sans aucun doute encaisser aisément des carreaux simplistes et les autres joyeusetés que les pirates avaient, mais je doutais franchement de la réussite de son entreprise face à des navires plus audacieux. Enfin. Il serait préférable qu'aucun d'eux ne se présent pour le moment. Nager jusqu'à Courage me serait fortement désagréable.
Lorsque vint la seconde journée, je me retrouvai à griffonner doucement sur mon carnet diverses opérations effectuées sur l'équipage la veille. Des interventions bégnines, servant à recoudre de petites blessures résultantes de mauvaises manipulations sur les cordages et autres mouvements hasardeux provoqués par la houle nocturne. Aussi, lorsque le sénateur frappa à ma porte pour finalement entrer, je n'émis aucune remarque ni opposition. Au moins, sa compagnie allait pouvoir m'occuper un temps. J'espérai juste, au fond de moi, qu'il ne venait pas pour à son tour me décrire à quel point l'Hermione était le fleuron de la flotte républicaine. A l'évocation de ses rhumatismes, un léger sourire glissa sur mes lèvres tandis que je sortais une décoction de romarin et de reine des prés. Tendant la fiole à mon bienfaiteur, je laissais mon esprit résonner dans le sien.
* Prenez ceci. Une gorgée tous les matins. Vos douleurs sont sans doute amplifiées par l'air marin et le confort relative du bateau. La décoction permettra probablement de vous soulager. Si cela ne fonctionne pas, je vous préparerai quelque chose de plus fort. *
Je marquai alors une courte pause, écoutant ses mots avec intérêt. En savoir plus sur moi. Maintenant que nous étions embarqués en direction de Shoumeï pour une mission délicate et que j'avais déjà abattu plusieurs hommes pour lui. Pour peu, cela aurait pu être extrêmement invasif et menaçant. Fort heureusement, je pensai alors qu'il ne s'agissait que de curiosité et de besoin de savoir avec qui il travaillait. Ce qu'il confirma, d'ailleurs, par ces tournures de phrases et puis finalement, par ses derniers mots.
* Je vous aurais bien répondu "sur une étagère" mais étant donné votre question, cela aurait été de mauvais gout. Pour faire dans la simplicité la plus absolue, mes motivations vont à la Science. Et à la médecine. Je me préoccupe assez peu des besoins et motivations des gens m'entourant. Tout ce que je souhaite, c'est participer au progrès. Pouvoir expérimenter de nouvelles choses et définir plus efficacement les secrets de l'alchimie, de la science et des procédés médicaux. Je ne me dresse aucune limite, car la science se préoccupe bien peu des morales et ambitions d'une nation. Une courte pause, puis la reprise de mes explications. Pour ce qui est de mon passé. De mon apprentissage... Cela est difficile à répondre. J'ai l'impression d'avoir toujours été ce que je suis aujourd'hui. Je n'ai aucun souvenir véritable de ma potentielle enfance et aussi loin que mes souvenirs vont, j'arpentais déjà les routes afin de pratiquer. Mon savoir médical est ancré en moi aussi intensément que votre cœur manque un battement toutes les deux heures. D'ailleurs, si cela devient trop fréquent, j'aurai surement quelque chose à vous donner. Un sourire se dessina derrière mon masque. Pour ma citoyenneté, je n'ai donc aucune réponse à vous fournir. Cependant, aussi loin que je me souvienne, il me semble avoir tout d'abord foulé le sol républicain. Mes pérégrinations au Reike et en Shoumeï furent relativement récentes. Peut être une dizaine d'années, environ. *
Je refermai alors doucement mon carnet, portant l'entièreté de mon attention sur le sénateur. Mes réponses avaient été larges, sans précision véritable mais... Aussi étrange que cela pouvait être, je n'avais pas véritablement menti. Dans mon esprit, seules quelques rares souvenirs refaisaient parfois surface pour m'ancrer à une vie que j'avais l'impression de n'avoir même pas vécu. Mis à part mes travaux et ce que je menais à bien, j'avais l'impression de ne rien posséder.
* Mis à part les souvenirs liés à mon travail, je pense n'avoir jamais été rien d'autre que le Docteur qui vous fait face. *
Léger haussement d'épaules, démontrant tout mon manque d'inquiétude quant à cet égard. Peut-être que cela inquiéterait encore plus mon interlocteur, peut être pas. Peu importait. Replongeant mon regard sur le faciès du vieillard, je passai à mon tour aux questions.
* Et vous, Zelevas. Parlez moi un peu de vous. De votre statut et de vos ambitions. Vous avez fait appel à mes services en raison d'une situation désespérée mais...A présent, je vois clairement que cela va plus loin que de la simple solution à un problème épineux. Quels sont vos projets, vos envies pour la République? Quel parcours avez-vous mené pour en arriver à votre statut actuel et, enfin, qu'attendez-vous de moi et de notre collaboration exactement? *
Une petite fiole au liquide mousseux mais limpide, en l’agitant entre ses doigts Zelevas en tire au moins la satisfaction qu’il ne s’agit pas d’une huile au vue de la viscosité du produit qui remue contre le verre, bien que ça n’indique rien sur l’odeur et le goût de la décoction. Il boira ça plus tard, pour l’instant c’est le Docteur qui l’intéresse, pas les rugissements sauvages de ses vertèbres lombaires. Le soigneur prend enfin la ‘parole’, expliquant ce qui le motive et ce qui l’amène à suivre son employeur dans ses actions les plus radicales sans objecter. Zelevas est obligé de reconnaître que la ferveur religieuse du guérisseur envers la science et la médecine pousse à l'admiration, il n'est pas vraiment surpris d'ailleurs quand son interlocuteur masqué prétend être peu intéressé par les personnes d'autrui, à en juger par le manque abyssal de conversation qu'il était parvenu à tirer du Docteur en cinq jours, il n'a pas besoin d'aide pour en être convaincu. Ce qui est un peu plus singulier et l'interpelle, c'est cependant le pseudo-trait d'humour du bec de corbeau concernant son cœur, ceci couplé à l'absence de souvenirs de sa vie juvénile, le Sénateur se demande s'il vient d'avoir l'aveu que le Doc' est un Démon ou s'il ne s'agit que d'un lunatique surdoué avec plus de pathologies mentales que de doigts aux mains.
”Je suppose donc que vous n'avez pas de papiers d'identification. Si c'est un problème je peux sans doute profiter de la construction du laboratoire pour vous affubler d'une identité factice. Ça pourrait vous servir… plus tard.”
L'autre point qui suscite cette fois l'étonnement du Sénateur est la curiosité du Docteur à son égard, pour quelqu'un qui vient froidement d'énoncer qu'il se soucie peu des préoccupations d'autrui, l'enchaînement des deux prises de parole est amusant. La tournure de la fin de phrase du Doc' est cependant explicite, il ne s'enquiert certainement pas des ambitions de Zelevas par pur intérêt pour sa personne, mais sans doute pour mieux comprendre quel but il aura lui même à jouer dedans. La science n'est-ce pas? Ha! Zelevas n'a rien d'un scientifique, la seule chose qui l'en rapproche sont les mathématiques des chiffres qu'il fait danser sur les registres de compte, pourtant il y a bien quelque chose qui attire le Fraternitas dans les possibilités qu'offre la recherche, c'est l'opportunité de transposer dans la réalité ce qui n'aurait autrement été qu'une idée sur du papier. Pour le moment, néanmoins, il conserverait ses idées pour lui tant qu'il ne serait pas sûr de la fiabilité de son accompagnateur, les projets les plus fous ont besoin des bons collaborateurs pour pouvoir fonctionner proprement, et le vieillard compte bien rentabiliser cette excursion à Port-Aurya en l'utilisant comme un examen. Après avoir glissé la fiole du Doc' dans la poche de sa veste, d'Élusie souffle un peu du nez en haussant les épaules avant de répondre à l'entité masquée:
”J'ai dédié toute ma vie à la République, j'ai d'abord été soldat, puis Limier, puis Juge. Près d'une vingtaine d'années qui m'ont permis de voir depuis les premières loges la folie et la violence qui rongent notre nation. C'est cette lie de l'humanité que je me suis juré d'élever de son terreau pourri, moi aussi je crois au progrès Docteur, le progrès scientifique entre autre, mais aussi social. Je veux faire de la République un État fort, une fierté pour chacun de ses citoyens, qu'importe leur classe. Je compte purger cette nation de ses parasites qui lui tètent le sein maladivement.”
Tout en parlant, il sort sa pipe de la poche de son pantalon, un bel outil au bec marbré noir et à la chambre en bois de Peltogyne violacé, d'un petit étui il défait également une touffe de tabac après avoir retiré son gant, puis une autre, et encore une, les bourrant délicatement à l'intérieur de la pipe. Récupérant du feu sur la bougie posée sur le bureau du Docteur, il poursuit:
”Suis-je hypocrite de condamner la corruption quand moi-même je n'hésite pas à bafouer la loi? Absolument. Cependant là où je vous rejoins Doc, c'est que moi aussi, dans l'accomplissement de mon objectif, je ne me dresse ni limite, ni morale. Le progrès, le vrai progrès, ne se mesure pas à l'effort des acteurs qui y travaillent, mais à ce qu'ils sont prêts à sacrifier pour l'obtenir.” L'épaisse fumée qui sort de ses lèvres passe devant ses yeux, obscurcissant l'espace d'un instant l'éclat de ses yeux bleus aciers à la lueur de la flamme. ”J'abandonne ma vie, pour cette cause. Directeur de la Societas, ex-Garde des Sceaux, Sénateur, tout ça, je l'ai fait pour la République, pour le progrès. J'ai envoyé des gens en prison, j'ai tué et fait tuer pour permettre à ce pays de prétendre à une rédemption. Je compte bien la lui donner un jour.” Les braises rougissent dans la pénombre quand il tire sur le bec, les étincelles meurent une par une, s'éteignant dans le bouquet de tabac, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'une. Une minuscule lueure incandescente, au milieu d'un cercle de cendres.”La Présidence. Ça ne sera que la première marche.” Les volutes de fumée s'étiolent en montant vers le plafond de la cabine, prisonnières de la chambre, un très fin voile trouble se forme en haut, mais la vision du Sénateur ambitieux est parfaitement claire. Il se relève et entre-ouvre la porte pour sortir. ” Vous voyez juste Docteur, vous m'intéressez, nous pourrons discuter plus amplement de la portée de notre collaboration une fois de retour à Justice, j'aurai peut être quelque chose à vous montrer.”
Alors qu'il disparaît derrière la porte, sa tête repasse brièvement dans le cadre pour apporter une précision évidente, mais qui a son importance:
”Oh, pour rappel, Port-Aurya n'est pas un territoire républicain, la cité portuaire n'est sous aucune juridiction, considérez qu'il n'y a simplement pas de loi.” Ce n'est que partiellement vrai, il y a bien des règles qui dictent la vie de ces survivants du Shoumeï, ce sont celles de qui que ce soit qui ait réussi à asseoir son séant sur le trône de la ville à un instant T.
La nuit est calme sur le pont de l'Hermione, il n'y a pas de vent, les vagues sont assoupies aussi, fatiguées d'avoir violenté toute la journée la coque du navire qui glisse maintenant silencieusement sur l'océan. Quelques fils grisonnants d'exhalaisons virevoltent en suivant la déambulation tranquille du Sénateur sur le pont supérieur, la lune sublime la fumée en diffractant la lumière argentée dans les reflets anthracites. Zelevas s'accoude au bastingage, sa pipe pincée entre les lèvres et ses cheveux aussi blancs que le sel marin, il aurait l'air d'un de ces vieux loups de mer qui hantent les tavernes portuaires de Courage si le reste de son corps était un peu plus robuste. Assis en cercle autour d'un feu allumé dans un brasero, des servants de la Liberum discutent en riant et les échos de leur conversation parviennent aux oreilles de leur Directeur.
”...ché net, là vlà tout à deux clics de mon nez. Et quand j'volteface sur la bleu, j'l'ai vu, il était là aussi vrai que j'vous zieute, il canait vite, la tête dans les scélérates comme un souin j'vous sermonne que c'est vrai. Son bois brillait comme la nac', vert, vert comme la jade et les voiles flottaient c'tait d'la soie. Il a empalé not'rafiot il l'a claqué net j'ai pas eu l'temps d'compter mes sous qu'on était d'jà par le fond à siffler les jupes des méduses. J'étais pile sur sa voie, j'me suis accroché au bois comme bébé à maman et y'avait tout qui gueulait autour de moi VRAA VLAA CRAC j'me suis accroché et quand j'ai lâché j'ai fait une coulée pic sur quat'cin' foulées, j'me suis rétamé dans l'bleu et y m'est passé d'ssus.”
”Terrible.”
”Bobard un peu non? Il a coulé le Mortpeste, moi je dis foutaises.”
”J'te jure que non, tu vois ce chtar? C'est la tête du Mortpeste qui m'l'a saigné, un peu plus et j'laissais l'oeil avec comme une barbaque sur une pique.”
L'éclat de rires qui suit ce constat parvient aussi à faire sourire Zelevas, il cogne doucement la chambre de la pipe sur la rambarde pour faire tomber l'excès de cendres et décide de rentrer dans son propre quartier, histoire de dormir un peu vu l'heure tardive.
Le reste de la navigation se fit sans anicroche jusqu'aux eaux de l'ancienne nation sainte, un voyage autrement plus tranquille que le ton donné par l'approche des côtes disputées de Port-Aurya. En arrivant à portée de vue de la marina, le galion republicain, fanon baissé, remonta ses voiles pour ralentir son allure, le Sénateur échange un regard concerné avec le Capitaine de l'Hermione devant le tableau inquiétant qui se profile. Plusieurs bâtiments de taille imposante avaient mouillé l'ancre dans la crique même de Port-Aurya, plutôt que d'accoster à quai, un nombre trop grand de navire restant éloignés de la cité pour que ce ne soit pas un mauvais augure.
”Il y a un monde non nul où nous ne pouvons simplement pas poser pieds à terre, aucun de ces vaisseaux n'ont de drapeaux identifiables.”
En réponse, le Capitaine crache un morceau de chique par dessus bord et râle de façon inintelligible, il sort ensuite juste sa longue vue et commence à inspecter d'abord les quais au loin, avant de regarder les autres bateaux stationnaires.
”Y'a de drôles de gaillards qui campent sur les docks”
”Et le Comptoir?”
”Toujours debout, visiblement les gars sont aux aguets, ils se regardent en chien de faïence avec ceux d’en face. Moi ce sont les autres rafiots qui m’inquiètent le plus.”
”Que comptez-vous faire?”
”On va leur parler, voir un peu ce qu’il se passe ici.”
L’Hermione se rapproche donc doucement d’un des navire marchand stationné dans la crique, le grincement des mâts, le battement des rames et l’ambiance pesante qui règne à bord du bâtiment contribue à renforcer le climat de tension palpable qui grimpe inéluctablement le long de la nuque de Zelevas. Une fois qu’ils arrivent à distance raisonnable du “Ombrasse-moi II”, les passagers de l’Hermione lâchent un soupire de soulagement collectif en voyant le drapeau blanc s’agiter depuis le pont arrière. Un Ombra dont l’embonpoint suffit à faire plier la passerelle tendue entre les deux navires s’avance lourdement pour venir à leur rencontre, sa démarche de pingouin provoquant une réaction épidermique chez Zelevas, comment peut-on se permettre de se laisser aller au point de ne plus pouvoir se déplacer librement? Il ne le comprendra jamais, l’épicurisme est une chose, le culte de l’oisiveté en est une autre… dire qu’il trouvait déjà qu’Holmes était gros.
”Je reconnais un navire républicain quand j’en vois un, j’aurai parié mon poids en or là dessus!”
Après un échange formel de poignées de mains, l’Ombra continue:
”Honnêtement, je n’ai rien à y gagner si ce n’est une faveur plus tard, mais je serai vous j’irai faire demi-tour et accoster au Doreï.”
”Nous avons les vivres pour. Mais qu’est-ce qu’il se passe ici?”
”La cité est dans un chaos permanent, y’a tout le monde qui s’amuse à danser la digue autour du contrôle de la ville. Vous comptez quand même accoster?”
”Nous venons au nom de la République pour régler une affaire importante.” C’est suffisamment vague pour ne rien divulguer sans que ça ne soit faux.
”La plupart des bateaux dans cette crique sont là parce qu’ils ont encore des membres d’équipage coincés dans la ville, si jamais on vous demande si vous connaissez un Melkor, c’est que ce sont mes hommes, une petite extraction ne serait pas de refus, j’ai des marchandises à échanger contre la vie de mes moussaillons.”
Sentant la discussion dévier de ses objectifs principaux, Zelevas s’empresse de prendre la parole devant le Capitain qui s’apprêtait à acquiescer et dit:
”Nous sommes en missions officielle, nous avons des ordres à suivre, mais bien sûr si nous pouvons rendre un service par la même occasion nous n’y manqueront pas. Nous comptons bien accoster, le Comptoir de la Societas nous servira d’ambassade temporaire, il y a normalement un quai qui lui est rattaché et qui fait donc partie du territoire républicain, normalement…”
***
Almonde Ledocien est une femme solide, ses cheveux roux descendent en tresses jusqu’à sa taille pour s’épanouir dans le bas de son dos et ses yeux verts émeraudes pourraient éblouir un aveugle, des lèvres roses et une peau pâle complètent son apparât pour faire d’elle un objet de convoitise de la plupart des amateurs de femme. Et malgré cet atout imparable, ce n’est pas pour sa beauté que les gens se souviennent d’elle, c’est sa fortitude. Sa capacité à négocier efficacement lui a permis jadis de se hisser jusqu’à la place de Gouverneur dans le Comptoir de Porte-Aurya, aujourd’hui c’est cette même aptitude à encaisser la pression qui lui a permis de plus simplement survivre, elle et les employés du Comptoir, dans le coupe-gorge qu’est devenu la ville portuaire. Toutefois, tout ouvrage fortifié ne peut résister à l’érosion inévitable du temps, même la meilleure des digues finira par céder sous l’assaut répété des vagues. C’est à cause de cette érosion que la main d’Almonde est secouée mollement dans une faible poignée fatiguée lorsqu’elle salue le Sénateur qui débarque tout juste sur le quai de la SSG.
”Madame Ledocien, je vous présente le Docteur. Avec un ‘D’ majuscule. C’est un expert médical qui m’accompagne aujourd’hui dans ma venue. ”
”Médical? Vous allez avoir du travail mon garçon, ou ma fille, je ne sais pas. Y’a de la maladie partout dans cette cité faut pas respirer trop fort en marchant dans la rue tient.”
”Mais enfin, qu’est-ce qu’il se passe ici?”
”On va d’abord rentrer, il n’est pas bon de trop traîner dehors. Suivez moi. OH EH PAS LA PEINE DE DÉCHARGER HEIN! FAITES LES MOUILLER DANS LA CRIQUE COMME LES AUTRES. Pardon, je disais suivez moi.”
Ils marchent ensemble le long du quai avant de rentrer dans l’établissement même du Comptoir, Port-Aurya aurait pu être désertée depuis des mois si ce n’était pas pour une ressource rarissime à Shoumeï qui en fait un centre d’intérêt de premier choix pour les habitants: ses constructions en pierre et en brique. La ville épargnée par l’ire des Titans possède encore de nombreux édifices solides et entre ses remparts qui la protège des monstres nomades, ses quartiers de résidence et ses ateliers de pêche et de troc, le tout génère une activité qui attire la plupart des tribus environnantes, les habitants de l’ancienne nation sainte ainsi que les criminels en vadrouille. L’intérieur du Comptoir est un bordel sans-nom, la salle principale a été reconvertie en campement temporaire aménag, les couches improvisées se jouxtant au milieu d’employés mornes et sans-énergie. Le silence dans une pièce aussi grande est notoire, troublé uniquement par une quinte de toux occasionnelle de la part d’une des personnes qui erre sans but dans la salle. Des tables sont disposées le long d’un des murs avec des traces évidentes de cuisine à la débrouille et des restes de plats, quelque part à côté d’une rangée de cannes de pêches et d’outils bricolés pour ne pas durer. Zelevas a l’impression de voir un des camps de réfugiés shoumeïen qui avait été établi prêt de Liberty suite au terrassement de Bénédictus, la comparaison est terrible. Ils s’installent à l’étage dans le bureau sobre et simpliste de madame Ledocien.
”Alors?”
”Alors par quoi je commence? C’est l’enfer, c’est juste l’enfer sur Sekaï.” Elle se masse déjà les tempes avant même de vider son sac. ”Il y a deux mois les Divinistes de l’Ordre Parfait ont pris le pouvoir à Port-Aurya après avoir tué le chef auto-proclamé de la cité qui était là depuis un an, ils ont commencé à génocider les étrangers pour un oui pour un non. C’est à partir de ce moment là qu’on s’est cloîtré dans le Comptoir, ça fait depuis huit semaines qu’on est bloqué là, les gars ne peuvent pas sortir du Comptoir sinon on se faisait égorgés à vue. ”
”La République ne lèvera pas le petit doigt pour un crime commis hors de sa juridiction.”
”Mmh. Du coup on a commencé à vivre ici, sauf qu’il y a deux semaines ce sont les séparatistes reikois qui ont trucidé le taré de fanatique et ses copains de l’OP. Le génocide des étrangers à laissé place à la chasse aux divinistes, vraiment je vous jure qu’on s’amuse, mais les bâtards dérangés du bulbe ont lâché tout un tas de saloperie maladives sur la ville. Donc là c’est le chaos, on a faim, soif, on est malade, et je pris constamment pour que la persuasion que le territoire du Comptoir est hors-limite continue de marcher sur les écervelés qui courrent partout.”
Zelevas jette un coup d’oeil au Docteur, puis de nouveau vers Almonde:
”Nous sommes venus pour résoudre les problèmes de la Societas, nous allons aider.”
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