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  • Ven 29 Déc - 22:16
    A en juger par la grimace qu'avait laissé apparaître Pancrace, l'idée de l'éradication pure et simple des menaces ne lui convenait qu'à moitié. Tout de même désireux de ne pas se mettre un capitaine à dos malgré les trop nombreux passe-droits dont il jouissait déjà, Mortifère sentit venir le début d'un malaise palpable et tâcha au mieux de rattraper le coup. Après avoir symboliquement tourné sept fois sa langue dans sa bouche, puis encore sept fois dans l'autre sens histoire d'être sûr, il reprit d'un air passablement confus :

    "Non mais éliminer... éliminer, le mot est peut être un peu excessif, j'admets. Je voulais dire que... j'agirai avec plus de prudence et qu'on va maintenir une distance de sécurité un peu plus élevée avec les potentiels malfrats, histoire d'éviter le pire et d'assurer qu'on s'en tire sans blessure supplémentaire, tu vois ?"

    Un très gros et très vilain mensonge. Fort heureusement, le Docteur ne lui avait pas collé au milieu du visage un nez télescopique. Il s'était tout à fait bien exprimé la première fois et l'officier avait parfaitement bien compris ce qu'il sous-entendait. Faire machine arrière paraissait compliqué, voir même compromis, mais tenter le coup ne coûtait pas grand-chose, foutu pour foutu. Voilà d'ailleurs que Pancrace, dans une tentative clairement désespérée de répartir la faute pour en faire une affaire commune, décrétait que le coup d'essai s'était effectué en eaux un peu trop troubles.

    "Tu as raison. On a sûrement eu les yeux plus gros que le ventre."

    C'était parfaitement faux également, mais Mortifère n'aimait pas avoir à assumer ses bêtises. Se devant d'être parfait en toutes circonstances, il préférait de loin taire les erreurs qui pouvaient être camouflées et planquer les conséquences sous le tapis plutôt que de se coller les remontrances et les conséquences qui les accompagnaient. Mortifère sentit malgré l'absence de nerfs que son épaule mécanique était doucement cognée par son compère dans un tintement d'acier creux et il perçut ce geste amical comme étant honnête. C'était un bon début, Pancrace ne semblait pas encore décidé à l'abandonner à son sort.

    "J'aimerais mieux qu'on reste sur la version où tout s'est passé comme prévu et qu'on a pas eu le choix, que je suis extrêmement polyvalent et parfaitement à même de me contrôler. C'est peut-être pas entièrement vrai pour l'instant, mais je vais tâcher d'y remédier pour que ça le soit dans les plus brefs délais. Nos financeurs, vois-tu, attendent un soldat dénué de défaut et non pas un chien fou."

    Réalisant ce qu'il venait de demander, il soupira longuement puis ajouta :

    "On ne se connait qu'à peine et je t'en demande beaucoup, je sais. Sois sûr que si tout se passe bien pour moi grâce à toi, le Sénateur en sera informé. La compensation pourrait s'avérer plus grasse que prévue."

    Très cavalier de sa part, mais mieux valait jouer carte sur table pour se tirer de là sans souci. La conversation au sujet de leurs carrières respectives allait de toute façon connaître une petite pause, car la foule se faisait plus dense à mesure qu'ils approchaient des tavernes où était supposé se trouver le fameux fripon qu'ils recherchaient. Leurs recherches furent relativement longues et infructueuses au point d'inquiéter un peu Mortifère mais au prix d'un peu de persévérance, ils finirent par flairer la piste de leur cible et parvinrent à découvrir où il se terrait.

    Ce fut dans un calme tout relatif que la discussion entre les représentants de l'ordre et la colossale fripouille se déroula. Mortifère ne lâchait pas leur vis-à-vis du regard et, tel un chien de garde dressé pour le mordant, il restait sur les flancs de son camarade et paraissait monté sur ressort, paré qu'il était à bondir pour frapper au moindre signe d'agression. Sans doute un peu trop expérimenté pour se montrer aussi sauvage, l'orc était contrairement aux attentes du militaire d'un calme olympien en vue de sa situation.

    Bien que surpris par la tournure que prenaient les évènements, Mortifère se contenta donc d'obtempérer en silence lorsque Pancrace proposa une sortie de l'établissement afin de régler les comptes convenablement. Une certaine confusion s'installait dans l'esprit du soldat mais, voyant que le Capitaine n'était pas troublé le moins du monde par la démarche, il haussa les épaules et se posta bêtement face à son adversaire tout désigné. Le jaugeant à l'aide de son oeil mécanisé, il prit enfin la parole sans grande conviction :

    "C'est vrai que vous êtes fichtrement costaud. La nature a été clémente avec vous."

    Avec une curieuse sympathie et un respect des codes du duel très étrange en vue de sa supposée profession, l'orc laissa échapper un rire tranquille et vint posément se délester de son épais manteau de cuir dont les dimensions n'étaient pas sans évoquer celles d'une traditionnelle tente de campement. Pliant l'habit en carré avec un soin parfaitement inadapté au contexte, il déposa la veste sur un tonneau plaqué contre le mur de l'établissement qu'ils venaient de quitter et rétorqua ensuite :

    "T'es plutôt bien loti aussi, mon garçon. Par contre t'as une bien vilaine voix. Gros rhume ?"

    Des bandages désormais bien apparents étaient placés sur les jointures de ses poings. A en juger par les marques et les éraflures qui en dépassaient, il s'en servait régulièrement. Suite à la remarque d'E’hrark, Mortifère pouffa discrètement et l'un des verrous maintenant sa cape en place céda par magie. Dans une série de claquements, l'entièreté du lourd tissu noir fut chassé de son support et tomba derrière le soldat, révélant ainsi au grand jour la bizarrerie de son anatomie artificielle. Tout en faisant tournoyer ses articulations mécaniques, il lança alors :

    "Détrompez-vous, on ne m'a rien accordé à la naissance. Pour vous égaler, j'ai dû me battre contre la nature elle-même. Concernant ma voix, je me soigne."

    Si l'orc en avait vu d'autres, il sembla inévitablement décontenancé par l'apparence atypique de son adversaire. Après un soupir de lassitude, il fronça les sourcils et parla directement à Pancrace en ignorant passagèrement la présence du monstre de métal qui lui faisait face.

    "Et du coup, c'est vous le camp du bien, c'est ça ? L'ordre et la justice ? Vous avez pondu un truc pareil et vous vous prenez pour les gentils ? J'vous le dis moi, la République est vraiment partie dans tous les sens..."

    Cela aurait sans doute donné matière à réflexion aux plus impressionnables, mais les convictions de Mortifère étaient un peu trop tenaces pour être effleurées par si peu. Après un reniflement sonore, l'orc désabusé comme pas deux s'affaissa légèrement sur lui-même pour adopter la garde d'un combattant de rue, puis il lâcha avec dédain entre ses crocs :

    "M'enfin, pour ce que j'en dis moi. Vas-y bidule, envoie."

    Il ne fallut pas lui dire deux fois.

    Fondant en avant avec agilité, le cerbère républicain se jeta au contact sans plus attendre. Ses griffes d'acier se déployèrent comme les serres d'un rapace se préparant à saisir sa proie et de petits arcs électriques commencèrent à crépiter à mesure qu'il approchait. Loin d'être né de la dernière pluie, E’hrark vut le piège à con venir et ne tomba pas dans le panneau. Resserrant ses poings en reculant d'un pas, il se prépara pour réceptionner le militaire et lorsque ce dernier voulut refermer les cisailles électrifiées sur lui, l'orc passant en dessous des griffes artificielles et décocha un puissant uppercut en plein dans la mâchoire du militaire, ce avec une force suffisante pour le décoller partiellement du sol.

    Contraint à un petit bond en arrière, le géant déséquilibré rabaissa sa tête projetée en arrière tandis que s'actionnaient dans son dos une série de pistons, de rouages et de ressorts divers. Un peu sonné pour cette entrée bien corsée, Mortifère se mit à secouer la tête et capta du coin de l'œil le regard inquisiteur de son camarade. Un peu vexé, il glissa donc :

    "Ne juge pas. Il est rudement rapide pour sa taille."

    Nouvelle charge, les deux géants se rencontrèrent et parvinrent à se toucher mutuellement au visage. Mortifère recula, encore une fois partiellement déboussolé par l'impact mais cette fois-ci, E’hrark en avait lui aussi bavé. Plutôt que de lui administrer un coup de poing en règle, le militaire avait laissé ses doigts crochus griffer le faciès déjà bien disgracieux du colosse qui lui faisait face. Les éraflures étaient bien peu profondes mais inévitablement sanguinolentes en vue de l'emplacement de la blessure. Un peu aveuglé par le sang qui s'écoulait dans ses petits yeux, l'orc un peu essoufflé lança encore à l'attention de Pancrace :

    "Une vraie saloperie, votre monstre. Y'en a qu'un comme ça, ou vous en avez chié plusieurs ?"
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  • Sam 6 Jan - 11:36

    Marrant, quand même, que l’orc accepte avec autant de philosophie la situation. J’peux pas m’empêcher de me dire que y’a quelque chose derrière, dessous, anguille sous roche, bref, que le collègue nous aurait pas tout dit. Ou alors qu’il est diablement peu informé des causes réelles qui font que l’indic’ veut plus trop travailler avec lui. Y’a sûrement une raison autre qu’une forme de snobbisme vis-à-vis des officiers républicains, pour la simple et bonne raison que c’est jamais une bonne chose de s’embrouiller avec nous.

    Après tout, on nous appelle pas les cognes pour rien, et les lois de la République regorgent de moyens de faire chier ses habitants.

    J’suis distrait de mes pensées par le premier échange entre l’orc et Mortifère, au désavantage de ce dernier. S’il est plus rapide que ça en a l’air, c’est rudement inquiétant, pasque j’le trouvais déjà pas lent. Avec le senseur magique, j’sais qu’il a pas triché, et c’est d’autant plus surprenant. A la place de l’arme du vieux sénateur, j’aurais pas fait le malin non plus, et la différence de gabarit fait que j’aurais été au tapis direct. Autant dire que le prestige de l’office en aurait pris un coup.

    D’un autre côté, on serait venu à dix avec des arbalètes chargées, normalement, pour alpaguer un bestiau pareil.

    Mais j’dis rien, j’reste juste prêt au cas où pour balancer un p’tit coup de main, l’air de rien. Pour l’instant, j’suis adossé au mur, les bras croisés, en train d’admirer le spectacle. Là, ce sera mieux pour pondre un rapport. Le deuxième échange est plus équilibré, et la vue de l’orc un brin gênée par le sang qui lui coule dans les yeux. Puis ça fera de belles cicatrices pour intimider ceux qui seront au trou avec lui, si tant est que c’était nécessaire. Vu la musculature, pas dit.

    « Franchement, j’en ai pas la moindre idée. Moi, on m’a donné que celui-là. P’tet que les suivants sont encore mieux. »

    A la réflexion, j’ai dû mal à savoir si je suis bien enthousiaste à avoir plein de petits Mortifères qui courent les rues de nos villes. Certes, c’est le prototype, il a eu des soucis de santé j’suppose et ils en ont fait ça. Il est en vie, et il pouvait p’tet pas en demander autant. Mais si toute sa famille se met à buter des civils dans les rues, enfin, les ‘’éliminer’’, va y avoir une sale ambiance. Finie, la police de proximité avec ses défauts et ses à-côtés juteux, bonjour les massacres dès qu’on vole une pomme.

    Je suis à peine de mauvaise foi.

    Les échanges continuent, et basculent petit à petit à l’avantage de l’arme méchanico-magique de la République, et j’suis soulagé, quelque part : s’il avait perdu à la régulière contre un simple semi-criminel, pas dit que d’Elusie aurait adoré au moment de payer la facture. Et, à mesure que mon colosse à moi se fait de plus en plus insistant, l’orc devient visiblement plus inquiet : ça se sent dans le pli de sa bouche, sa posture davantage défensive, sa tendance à reculer au point que j’doive bouger mon gros cul pour pas me retrouver trop éloigné.

    « En vrai, tu veux pas juste te rendre, E’hrark ? Le capitaine voulait juste parler avec toi, personne a jamais parlé de te mettre au trou pour l’instant. Enfin, on sait pas si t’as des choses à te reprocher, après... »

    J’aurais dû me douter qu’il faisait pas n’importe quoi au pif : il était trop réfléchi depuis le début, y’avait pas de raison qu’il se mette à reculer autant brusquement. D’un autre côté, quand les gens se sentent coincés, ils sont pas forcément rationnels, même avec sept ans d’études à Magic ou pour entrer à l’office républicain. C’est le cas de tout le monde, et j’ai un bref souvenir de Kaizoku, du bruit, du chaos, du sang. J’cligne des yeux pour revenir dans les rues de Liberty, et voir l’indic’ se faire la malle en courant dans la ruelle la plus proche.

    J’soupire. J’me téléporte au bout et j’lui assène une attaque mentale qui le fait trébucher et tomber au sol. Puis Mortifère lui tombe dessus, lui fait une clé de bras. J’me gratte la joue. Mes menottes passent pas le tour de ses poignets énormes, et il peut pas bouger alors qu’il se remet difficilement du choc psychique.

    « Attends, j’vais essayer de nous trouver de la corde. J’reviens dans quelques minutes, j’fais vite. »

    Y’avait une boutique pas loin d’ici, de mémoire... Au pas de course, j’enquille quelques rues jusqu’à reconnaître une enseigne familière, et j’fouille dans le bric-à-brac proposé à la vente jusqu’à en trouver une relativement courte, bien tressée et surtout très épaisse : pas envie que l’autre la brise juste en contractant ses avant-bras. J’balance une poignée de piécettes sur le comptoir, j’adresse un signe de tête au patron bien content de pas rendre la monnaie, et j’reviens à mes deux colosses.

    Faut juste que Mortifère l’ait pas à nouveau tué.
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    Abraham de Sforza
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  • Mer 10 Jan - 3:30
    Lorsque Mortifère prit sur son adversaire un net ascendant, les rémanences d'angoisses passées s'évaporèrent un peu plus pour chaque coup porté avec succès. Dominant désormais E'hrark avec une aisance évidente, l'homme de métal s'approchait irrémédiablement d'une absolue victoire. Rabattu sur la défense au détriment des ripostes avec lesquelles il avait pourtant savaté Mortifère non sans un certain brio, l'orc colossal réalisait sans pouvoir convenablement l'expliquer qu'il ne faisait pas face à l'habituel combattant de rue qu'il avait l'habitude d'envoyer au tapis en quelques baffes bien senties; mais à un véritable soldat, entraîné et drogué à tant de substances qu'il s'abandonnait à son bellicisme sans craindre l'os fêlé, l'organe écrasé voir même l'idée pourtant plausible d'une mort bête faisant suite à un vilain coup à la gorge ou au menton. Face à cet être qui n'avait rien d'autre pour lui que sa fonction de chien de garde, l'indic' peu scrupuleux n'avait décemment pas la moindre chance.

    L'orc finit par employer sa seule issue viable, à savoir la fuite, mais Pancrace ne l'entendait semblait-il pas de cette oreille. S'il s'était pour l'heure contenter d'observer sans intervenir lors de l'affrontement entre les deux énormes bestiaux qui se cognaient dessus frénétiquement, le capitaine républicain ne paraissait pas très client d'une version où lui et son mécanique compère revenaient les mains vides deux fois d'affilée. Au grand soulagement de Mortifère, le filou aux yeux ambrés se téléporta à une vitesse surprenante et vint interrompre l'escapade du grand gaillard en usant d'une obscure magie dont les effets débilitants furent aussi efficaces qu'instantanés. De si longues années de formation payaient pas mal, finalement.

    Mortifère s'était lui-même élancé à la poursuite du suspect en fuite et lorsque ce dernier s'était écroulé comme une masse en plein cœur d'une ruelle, le colosse mécanisé eut quelques difficultés à concevoir par quel stratagème son allié avait pu se débarrasser de la menace avec une telle facilité. Ne s'offrant pas le luxe de l'hésitation, il accourut tout de même vers la cible initiale, qu'il immobilisa ensuite en la maîtrisant au sol. Récupérant partiellement ses facultés motrices, l'orc bagarreur tenta bien de se débattre mais du fait de son épuisement et de ses nombreuses blessures, il ne se montra pas trop sauvage lorsque Mortifère commença à forcer un tantinet fort sur l'articulation liant son épaule et son bras. Ce fut à cet instant qu'un nouveau souci s'imposa. Bien moins dangereux qu'une pluie de flèches ou qu'une gamine trop naïve pour son propre bien, il était cette fois-ci question d'un défaut de matériel idiot, mais inadmissible au demeurant. Des menottes trop petites ? N'y avait-il que des gobelins et des elfes aux poignets fins qui méritaient des arrestations en ces temps troublés ? Mortifère retint un soupir d'agacement et laissa le capitaine se charger d'apporter un substitut en matière de liens :

    "T'en fais pas, je l'tiens."

    Il y eut un court moment de lutte désespérée entre les deux fauves monstrueux mais rien à faire, Abraham conservait indubitablement l'ascendant sur sa seule prise du jour et ne comptait pas la lâcher. E'hrark se risqua tout de même à tenter une rotation sur le flanc et cette fois-ci, en l'absence de témoins directs, Mortifère s'autorisa une petite sortie de piste afin de passer l'envie au captif de se rebiffer. Les griffes de métal se resserrèrent d'un cran autour de la peau du géant vert puis, dans une impulsion continue d'une relativement faible intensité, Mortifère fit passer un peu de magie dans le corps de sa proie, lui envoyant un choc électrique qui fit convulser l'ensemble de ses muscles et ne manqua pas de lui arracher un cri rendu saccadé par l'électrochoc.

    "Tenez-vous tranquille, bon sang."

    "Va te faire enculer, le monstre."

    "Charmant."

    Malgré les quelques gifles échangées, ils s'étaient pourtant montrés plutôt courtois l'un envers l'autre. Etait-ce le coup de jus porté en traître qui avait abrogé toute forme de contrat de politesse ? Sans doute, mais Mortifère s'autorisa néanmoins un deuxième service. Cette fois, cela ne servait aucun but particulier, il s'agissait purement d'un peu de ce sadisme qu'une part de lui encore trop humaine à son goût lui accordait. Jurant entre ses crocs démesurés, l'orc combattait simultanément les résidus du vilain mal de crâne que lui avait fait subir Pancrace ainsi que les fourmillements désagréables qui se faisaient sentir dans l'entièreté de ses membres. La tête penchée sur le côté, E'hrark venait pourtant contre toute attente de sourire à pleines dents et offrait à Mortifère un regard en biais ô combien inquiétant. Des bruits de pas se firent entendre dans le dos du cerbère et le prévenu se mit à ricaner, avant d'ajouter d'un ton goguenard :

    "Avec le raffut qu'on a fait, je crois que tu t'es attiré l'attention de certains de mes copains."

    "Il semblerait, en effet."

    Très peu porté sur la plaisanterie, Mortifère tourna la tête pour découvrir qu'une belle troupe de malfrats aux mines patibulaires s'étaient rassemblés et qu'ils n'avaient pas trop l'intention de laisser couler, après la correction que le chien de garde du Sénateur venait de coller à leur confrère. Armés pour la plupart d'armes endommagées ou clairement récupérées à l'instant, ils avaient tout de même des carrures relativement impressionnantes et leurs rictus carnassiers constituaient d'excellents indicateurs quant à leurs probables intentions. La lentille mécanique cliqua lorsqu'elle effectua une mise au point sur le visage de l'individu au centre qui, d'une manière assez amusante, ressemblait pas mal à Pancrace lui-même. Un parent éloigné, un cousin peut-être ? Son portrait craché. Cela l'amuserait sans doute un peu, à son retour. Un peu trop loin des deux géants pour réaliser que l'un d'entre eux était équipé d'un matériel pour le moins original, le faux Pancrace adressa une grossière salutation au soldat avant d'entamer la conversation :

    "Dis-voir mon grand, t'as l'air sacrément mal installé. Tu veux pas lever tes fesses du dos de mon ami ? Si t'obéis, tu repars simplement avec les genoux en miettes. T'en fais pas, on te laisse tes doigts pour que tu puisses continuer à écrire des rapports, ça te changera pas beaucoup de ton quotidien. T'en dis quoi ?"

    Un discours bien rôdé, sûrement travaillé torse nu face au miroir. Peu impressionnant, au demeurant. Sans relâcher son emprise sur sa proie, Mortifère fut pris d'un infime spasme, juste assez pour faire trembler sa tête en agitant sa longue chevelure raide. Dans son dos, un petit rouage venait tout juste de s'imbriquer dans un autre par télékinésie, suscitant une réaction en chaînes qui lancèrent à terme un piston en avant. Ce dernier poussa dans le système sanguin de Mortifère une mixture fluorescente et l'œil du cerbère s'illumina subitement, ce qui força les bandits à un pas en arrière. Avec une froideur étrange, le militaire se contenta de répondre :

    "Fermez les yeux. Ce n'est pas léthal, mais ça a tendance à cramer la rétine."

    Ne comprenant absolument pas la mise en garde, le concerné n'eut le temps que d'articuler un "Je... quoi ?" parfaitement adapté à la bizarrerie de la situation, mais néanmoins tout à fait inutile. Un tonitruant bourdonnement se fit entendre et l'entièreté de la ruelle fut noyée dans un océan de lumière bleutée tandis que d'innombrables arcs électriques émanaient du corps du soldat pour se diriger vers ses nouveaux ennemis.

    Des cris de douleur s'élevèrent et se perdirent en écho que les oreilles de Pancrace perçurent évidemment. Lorsqu'il s'activa un peu pour retourner là où il avait laissé son collègue, il découvrit une scène aussi improbable qu'anxiogène. Mortifère, dans un silence mortuaire, trônait sagement sur le dos de l'orc précédemment interpelé et partout autour de lui, des corps inanimés gisaient. Détail curieux, leurs armes avaient été projetées à toute allure par l'explosion électrique qu'avait déclenché le monstre, elles avaient ensuite achevé leurs parcours en venant s'empaler dans les murs adjacents. Levant son séant du pauvre E'hrark, qui était tout aussi inconscient que les autres, Mortifère s'épousseta les genoux avant de lancer :

    "Je sais ce que tu penses, sache cependant que c'est bien moins grave que ça en a l'air. Quelques blessés légers, mais pas un seul mort à déclarer. J'imagine que t'as pas ramené assez de cordes pour une telle équipe ? A défaut, on ferait peut être mieux d'appeler des renforts pour trimballer tout ce beau monde..."

    S'approchant un peu du capitaine, il fit rouler ses épaules mécaniques avant de conclure :

    "Et avant que tu me demandes pourquoi j'ai pas fait pareil la fois précédente... la présence de citoyens innocents m'en empêchaient. On est jamais à l'abri d'un accident, pas vrai ?"

    Dépassant son collègue pour aller vérifier que personne n'avait été blessé à l'autre bout du croisement, il fit une dernière note :

    "Oh ! T'avais raison, le quartier était un peu plus tranquille que l'autre. Ceux-là ont eu la décence de causer avant de me tirer dessus."
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  • Dim 21 Jan - 12:17
    Hé bah putain, si on m’avait dit ça y’a dix minutes, je l’aurais pas cru. Mais y’a l’orc et, visiblement, tous ses potes, qui sont sagement allongés par terre, dans les vapes. Aucune idée de savoir combien de temps ça va durer, mais y’en a aucun qu’a canné, et j’ai clairement ni assez de menottes, ni assez de cordes. Mortifère m’avertit qu’il va falloir ramener tout ça au poste, et j’suis plutôt d’accord. Heureusement, j’ai encore un autre tour dans la besace.

    « Euh, ouais, j’demande une... deux, plutôt, escouades au plus vite. Et... bien joué. »

    Aucune idée de comment il a vraiment fait ça, mais pour le coup,c ‘est le genre d’actions que les chefs aiment bien : ça fera très joli dans la gazette ou le journal du soir, de voir écrit ‘’Un membre des forces de l’ordre a appréhendé un gang d’une vingtaine de criminels sans dommage collatéral et sans victimes à déplorer. Nul doute que nos rues seront plus sûres une fois tous ces hors-la-loi derrière les barreaux. Ils attendent un procès qui se déroulera du... ‘’

    Bon, dans la pratique, pas dit qu’on réussisse à aller jusque-là, surtout pour les petites frappes pas vraiment connues de nos services. Ils vont faire quelques jours au trou avant de ressortir. Mais j’espère que ça les fera réfléchir à deux fois avant de revenir nous chier dans les bottes. Le plus ironique, bien sûr, c’est que Mortifère n’est absolument pas un officier républicain, et que je doute qu’il en devienne un un jour. Ils vont plutôt le déployer dans la GAR, m’est avis, où il pourra faire montre de ses talents contre les reikois, ou les pirates, ou quoi.

    Quoi qu’il rouillerait p’tet en mer ? Bref.

    J’m’assieds contre un mur, et j’fais signe d’attendre quelques secondes. Puis, une pensée plus loin, ma forme spectrale apparaît devant Croco, qui a abandonné l’idée de faire semblant pour juste ne pas faire. Les mains croisées sur sa bedaine, les pieds sur le bureau, il somnole au point d’avoir un filet de bave à la commissure des lèvres. Tout doucement, je me place juste à côté de son oreille. Puis j’me racle la gorge, et, de ma plus belle voix de stentor, je gueule :

    « Capitaine Croco, au rapport ! »

    Le voir tomber de sa chaise tout en faisant un garde-à-vous raté au point qu’il se fourre le doigt dans l’oeil, jure, se relève rapidement, pour finir par voir mon sourire adorablement taquin (il paraît), juste à nouveau et me fusille du regard est quasiment suffisant pour refaire ma journée.

    « Putain, Pancrace, reviens pas ici, sinon...
    - Ouais, ouais, sinon quoi ? »

    Il se tait quelques instants. Ses années de vrai cogne sont loin, et j’laisse pas trop peser le silence.

    « Allez, on a trouvé ton informateur, et on l’a appréhendé. Par contre, on a ramassé toute sa bande aussi, donc faudrait que t’envoies deux escouades pour les récupérer.
    - Deux escouades ? Mais ils sont combien ?
    - Dix-sept précisément.
    - Et pour quel motif ?
    - Refus d’obtempérer, agression d’un dépositaire de l’autorité publique, entrave à action de maintien de l’ordre, outrage...
    - Ah ouais, la classique totale, quoi.
    - Ouais. Puis ça fera bien dans le dossier.
    - Pourquoi je te rendrais ce service ?
    - Parce que sinon je demande de l’aide à Gator, qui, lui, rechignera pas. Alors que là, j’mettrai dans le rapport que t’as participé en fournissant des informations capitales et en participant à l’interpellation finale.
    - Bon point.
    - Sans rancune ?
    - On verra.
    - Allez, boude pas, on se retrouve à côté de la taverne. »

    Il commence à râler dans sa barbe, mais j’suis déjà parti, et j’réintègre mon corps. Mortifère a sécurisé le périmètre, et si sa dégaine effraie tout le monde, au moins, les gens restent à distance. C’est un peu le bon côté, sans compter que mon insigne d’officier républicain que j’agite en l’air les rassure que le fait qu’on n’est pas des voyous. J’attrape les gus sous les épaules et j’les traîne tous dans un coin, où on pourra surveiller un peu tout le lot avec un peu moins de difficultés. L’orc dont j’ai déjà oublié le blase est le premier à commencer à remuer, mais c’est aussi le premier que j’ai attaché avec la corde récupérée un peu plus tôt, donc il a l’air bien malin, surtout quand il voit tous ses p’tits potes.

    Il ferme sagement sa bouche et baisse les yeux, le meilleur moyen de pas agraver son cas.

    Puis les renforts arrivent au pas de course, et embarque tout ce beau petit monde au commissariat. Et on se retrouve tous seuls en plan dans la ruelle : j’ai décliné de les accompagner au poste, vu que ça servait pas à grand-chose, et que c’était la carotte que j’avais laissée à Croco. Donc j’me tourne vers la sympathique abomination avec le sourire.

    « Tu penses que ça sera bon, du coup ? Pour la nana, j’m’occuperai du rapport. Pour là, hésite pas à dire que t’as mis l’orc en fuite, puis que t’as choppé tout son gang tout seul. C’est, d’une, la vérité, et de deux, ça présentera les choses sous un jour favorable. Si, avec ça, d’Elusie et sa clique sont pas contents, moi, je sais pas quoi dire. Pasque, de tête, j’ai du mal à trouver un officier républicain qui aurait pu être aussi efficace. »

    J’me pose quelques instants. Si j’encense trop le gus, est-ce qu’on court le risque de se faire remplacer ou de devenir des machines comme lui ?

    « J’préciserai probablement juste qu’il faut mettre l’accent sur la formation, pasque c’est important pour maintenir l’ordre, tout ça... Cinq ans minimum... »

    Ouais, pas la moindre envie de chercher un nouveau taf maintenant, ou de devoir gérer une escouade de Mortifères.
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    Abraham de Sforza
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    Info personnage
    Race: Humain
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    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t2391-mortifere-la-prouesse-republicaine-termine
  • Jeu 25 Jan - 23:43
    "Bon ? Bel euphémisme."

    Amenant ses griffes au masque de cuir qu'il décrocha doucement, Mortifère révéla le sourire que dissimulait son accessoire. L'opération ne s'était certainement pas déroulée comme il l'avait initialement escompté, mais ce coup d'éclat de dernière minute avait le mérite de rattraper les erreurs de leur précédente expédition. Comme l'avait signifié Pancrace lors de la montée d'angoisse du géant de fer, il était fort probable que la mort de la jeune héroïne soit maquillée derrière la réussite triomphale de cette ultime prise. Dissimuler l'assassinat d'une demoiselle un peu trop idéaliste sous une pile de criminels interpelés était sans doute peu glorieux, mais le résultat était là et Mortifère s'en contentait amplement. Survolant distraitement du regard la foule apeurée qui l'observait de loin, le soldat finit par pivoter vers Pancrace et lui glissa :

    "Merci. J'oublierai pas."

    Ne pas oublier, c'était sacrément vague. Après une telle aventure, c'était bien évidemment la moindre des choses. Mortifère ne manqua pas de se faire cette réflexion et réalisa alors que malgré son aisance à chanter les louanges des représentants de la Haute Société, il était étrangement bien moins verbeux lorsqu'il s'agissait de remerciements plus sincères et, pour le coup, franchement plus humains. Après avoir tourné sept fois sa langue dans sa bouche pour éviter de ressortir une flagrante banalité, il ajouta :

    "Tu peux t'attendre à une nouvelle recommandation ainsi qu'à une prime conséquente. Ca vaudra sûrement pas les louanges que tu as reçu après Kaizoku, mais ça ne fait pas de mal."

    Etrangement, Mortifère ne sentait pas trop la fibre "hautes sphères" chez Pancrace. Le mystérieux bonhomme avait l'air assez terre-à-terre, pas tout à fait porté sur l'administratif ou les grandes causes républicaines. De la maigre analyse que pouvait formuler le militaire après avoir passé un peu de temps en compagnie de l'officier, il estimait surtout que ce dernier avait appris à jouer avec les ficelles du système de la Nation Bleue avant tout pour se protéger des éventuelles affectations miteuses et des soucis trop nombreux qui attendaient ceux qui se portaient garants de la sécurité de l'Etat. Le concerné fit une dernière remarque sur les formations que devraient suivre le soldat et ce dernier ricana un peu avant de rétorquer :

    "Ne t'en fais pas, on me balade constamment de formations en formations. T'imagines bien qu'un tel investissement se fait pas sans certaines... exigences."

    Car c'était tout ce qu'il était, un investissement. Etrangement lucide quant à se propre condition, Mortifère arborait pourtant une notable fierté et semblait bien s'accommoder de cette monstruosité qu'avaient fait jaillir en lui les chercheurs à l'éthique douteuse. Les criminels transportés à la chaîne passèrent devant le duo d'agents et les membres de l'escorte apportèrent pour la plupart un salut cordial ou respectueux à Pancrace tout en évitant du regard le cerbère se trouvant à ses flancs.

    "Quoi qu'il en soit, travailler avec toi s'est avéré très instructif."

    Bien léger pour montrer sa reconnaissance, mais ils feraient avec. Dans une tentative d'humour un peu bizarre, Mortifère effectua brièvement un simulacre de salut militaire et conclut :

    "Au plaisir, Capitaine."
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