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  • Mer 11 Oct - 13:41
    Les derniers jours avaient été frénétiques.

    Dans une taverne proche de l’exploitation minière sur laquelle elle collectait des informations depuis plusieurs jours, Althéa attendait. Une bière à la main, encapuchonnée pour préserver son identité et son apparence au plus grand nombre, elle la consommait lentement pour éviter de se laisser intoxiquer par l’ivresse du doux breuvage. Son oeil balayait la pièce, alors qu’elle faisait mine de tenir des comptes commerciaux depuis sa table en coin de taverne, et ses oreilles traînaient à l'affût du moindre ragot ou de la moindre information utile. A une table voisine, des contremaîtres en fin de service balayaient le stress de leur journée de labeur à maltraiter des esclaves en la noyant dans une quantité phénoménale d’alcool. Leurs voix noyaient presque tout le raffut naturel de la taverne à elles seules, alors que leurs phrases avaient arrêté de faire sens il y a déjà bien deux heures de cela.

    Alors que la porte de la taverne pivota, révélant un court instant les quais et l’océan tout proche, l'œil de la sirène se releva vers la nouvelle arrivante un bref instant. Son regard perçant analysa la blonde en un clin d'œil avant que son attention ne se reporte calmement sur sa fausse paperasse. Néanmoins, l’image qu’elle s’en était faite sembla comme lui parler, lui rappeler un événement de son passé. Cela ne faisait aucun doute pour Althéa qu’il était ancien, et ne revêtait pas forcément d’une immense importance. Du moins, pour elle. Mais elle décida tout de même de fouiller dans sa mémoire comme précaution, elle pouvait être une ennemie, et était même peut-être liée à l’exploitation toute proche. Peut-être une ancienne associée des écailles écarlate les ayant trahis? Pourtant Althéa en avait déjà analysé un grand nombre et son nom et son visage ne lui revenaient définitivement pas… A moins que...

    ₪₪₪

    Dans les profondeurs de l’océan se coulait une sirène aux cheveux rouges, ses deux yeux ennuyés observant mollement les fonds marins monotones de cette partie des côtes Républicaines. Ennuyée, elle slalomait entre les massifs rocheux à la recherche d’une occupation. La rouge voulait à la base se vider un peu l’esprit, loin de la piraterie et des manigances de sa famille, mais à chaque minute elle réalisait à quelle point sa vie pouvait parfois être monotone. Seule la chasse aux navires et la vision d’une cale débordante de richesses dorées semblaient vraiment réussir à faire battre son cœur…

    La météo extérieure n’était pas des plus clémentes, le vent battant la surface de l’océan et l’aidant à créer des vagues puissantes venant se briser sur les rochers et les récifs. Pourtant, une silhouette semblait rivée vers l’océan depuis la surface. La sirène s’approcha discrètement, découvrant les traits de porcelaine d’une petite elfe, une comme elle n’en avait jamais vue auparavant. Ses traits avaient ce petit quelque chose qui l’intriguaient, et puis, il était vrai qu’elle avait un petit creux. Un frisson parcourut son échine alors qu’elle observait discrètement la blonde depuis les profondeurs. Et cette drôle de sensation fit battre son coeur d’un intérêt inespéré.

    Elle se faufila doucement jusqu’au rivage rocheux de l’endroit, alors qu’une douce mélopée commença à traverser ses lèvres. Discrète au milieu des éléments, étouffée par les flots et les vagues, elle se renforça doucement, lentement, chant envoûtant d’une sirène étrangement intéressée. Elle émergea doucement à quelques mètres de l’elfe, le regard pétillant de malice alors que les notes de sa mélopée continuaient de percer ses lèvres, laissant le doux chant des sirènes envahir ce petit bout de côte isolé…

    ₪₪₪

    Discrètement, sous son manteau, les traits de la sirène se mirent à changer. Profitant de sa métamorphose pour prendre l’apparence d’un homme dans la trentaine, brun, barbe courte et bien entretenue, une cicatrice sur la joue, remontant jusqu’à un de ses yeux toujours couvert par le cache-oeil de la sirène. Seul son œil valide restant resta inchangé, curieuse d’approcher cette réminiscence de son passé incognito dans un premier temps. Elle, ou plutôt il maintenant, rangea ses papiers dans un petit sac avant de se lever, et, depuis le bar, de ramener un verre à la blonde qui s’était installée. Peu importait si ce brave homme passait pour un gros lourd, Althéa pouvait toujours annuler sa transformation et rendre ça subitement très intéressant. Et elle se sentait joueuse, un peu comme à l’époque…

    « Bonsoir madame, puis-je vous offrir un petit verre? »

    Sa voix plus grave sortant des cordes vocales modifiées de la sirène était toujours chantante, ayant tout de même gardé un peu de cette particularité de sa race initiale, alors que son regard s’était dirigé vers celui de la blonde. Un fin sourire qui se voulait rassurant étirait les lèvres de l’homme, qui semblait bien parti pour s’installer à sa table si elle ne l’arrêtait pas. Même si elle avait cette impression qu’elle ne serait pas aussi facile à convaincre qu’à l’époque… Et elle ne préférait pas utiliser son chant ici. Pas de suite, du moins.
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    Sixte V. Amala
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  • Jeu 12 Oct - 22:53
    Cela faisait plusieurs jours maintenant que Sixte s’était établie dans le nord du Reike. Elle qui avait espéré n’y rester qu’un jour ou deux, avait vu ses plans fort contrariés. L’aube du septième jour s’était levé depuis bien longtemps quand elle avait pénétré dans la taverne, a vrai dire le soleil déclinait déjà. De toute façon ici, il faisait toujours sombre. Le froid y était mordant.  Les terres plus tempérées et moins hostiles de République lui manquaient cruellement. Tout comme sa population. Non pas qu’elle put être qualifiée de sociable, mais il y avait toujours eut quelque chose chez les Reikois et leurs terres qui lui hérissait le poil. Ou peut-être était-ce simplement de la pure mauvaise foi et un peu de racisme. En tout cas, elle avait suffisamment profité des embruns et de l’humidité pour aujourd’hui. Après avoir abandonné Seed au chaud dans l’écurie de son auberge, dessellé et avec une belle portion de foin, elle revêtit sa cape jusqu’à ses oreilles avant de s’enfoncer dans la brume épaisse qui émanait de la ruelle adjacente. Au moins ici, il faisait chaud. Le sol était toujours boueux, les odeurs de poissons et de marées ne cessaient d’agresser ses sens mais les murs en pierres ainsi que les cheminées crachant une épaisse fumée blanche lui permirent de se réchauffer un peu.

    Elle dévala ainsi l'artère principale de la ville jusqu’au petit port, puis elle longea les quais non sans lancer des regards obliques en direction de quelques marins fortement avinés. Enfin, ses pas s’arrêtèrent face à une porte de fer rongée par le sel et de bois. L’odeur de la sueur mêlée au ragoût de poisson était déjà prenante et si ce n’était pas ragoutant Sixte avait fini par s’y faire. Elle poussa la lourde porte, esquivant de justesse un poivrot qui sortit en tourbillonnant sur lui-même pour aller s’échouer sur un tas de filet quelques mètres plus loin. Un petit sourire amusé aux coins des lèvres, elle entra.

    Sans surprise l’endroit était bondé. La mer avait, sommes toutes, était clémente et les pêcheurs venaient fêter cela dignement. Il y avait également ci et là, quelques âmes peu recommandables. Quelques marins plus aguerris également qui attendait sans doute le retour de leur capitaine afin de pouvoir repartir au large. Depuis plusieurs jours qu’elle était là, Sixte n’attirait plus vraiment les regards curieux, elle s’était en quelque sorte fondue dans le paysage. D’étrangère elle était devenue plante verte. C’était exactement l’effet recherché. Il ne lui restait plus qu’à récupérer une ultime cargaison et elle pourrait enfin filer sur la route pour rallier sa nation. Bien que personne ne l'y attendit.

    D’un coup d'œil avisé, elle repéra une table encore vide. Avec agilité elle se glissa entre quelques grand gaillards, esquiva une pauvre jeune femme qui semblait sur le point de s’endormir debout et se faufila enfin jusqu’à la chaise tant attendue. Elle était prête à soupirer d’aise lorsqu’une voix vibrante l’arracha à son semblant de paix.

    C’était un homme. Pas des plus laid, mais qui avait manifestement jeté sur elle son dévolu. Sixte n’était pas de nature à se laisser amadouer par le premier venu, c’était certain, toutefois elle n’hésitait que rarement à profiter des imbéciles qui voulait s’y essayer. Détachant lentement sa cape dont elle avait déjà dévêtit ses cheveux, elle hocha la tête et désigna du menton la chaise sur laquelle il avait visiblement l’intention de s’asseoir.

    - Je prendrais un verre de vin.

    Tandis qu’elle attendait la réponse de l’homme, Sixte l’observa. Il n’avait rien de plus que les autres, toutefois il avait un œil en moins. Quelque chose de suffisamment rare pour qu’elle y prête attention. Son intérêt se porta ensuite sur son iris valide. D’un bleu outre-mer, aussi brillant que les mers du sud. Quelque chose s’agita dans sa mémoire, comme un poisson tentant de percer une fine surface de glace. Des rides marquèrent son front brièvement puis avec plus de sévérité.
    L’air charriait une odeur déplaisante, âpre. Sa mémoire s’agita de plus belle. Rouge, rouge, rouge, rouge, rouge, mugit fébrilement instinct, obscurcissant sa vision un bref instant.

    Instinctivement, ses doigts coururent sur la garde de sa dague sans qu’elle ne laisse son inquiétude transparaître. Pourtant, elle en était certaine, une ombre du passé se tenait là quelque part.  Hasard ou embuscade. Elle était bien incapable de le deviner. Elle n’était cependant pas mécontente de la présence de l’homme à ses côtés. S’il n’était pas dissuasif, au moins serait-il un élément perturbateur si quelqu’un venait à s’en prendre à elle.

    - Et vous ? Ajouta-t-elle en se fendant d’un sourire aussi grand que faux. Quitte à être là, autant qu’il soit utile. Et machinalement, elle se mit à observer chaque recoin de la pièce comme si le monstre qu’elle cherchait pouvait apparaître à chaque instant.  
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  • Sam 21 Oct - 15:14
    Avec son visage découvert, cela ne faisait plus aucun doute qu’il s’agissait bien d’elle. Cela faisait longtemps, pour elle, mais sa proie n’avait pas changé du tout en ces quelques années. Elle était la même, identique, tout comme elle l’avait rencontré ce premier soir d’automne alors qu’un vent puissant balayait la surface de l’océan. Elle envisagea un court instant que son esprit pu lui jouer des tours, mais sa réaction, si pas particulièrement hostile, sembla lui indiquer qu’elle avait certainement raison. Comme si son instinct s’était éveillé devant elle sans que sa mémoire ne puisse vraiment savoir pourquoi cet homme pouvait la mettre mal à l’aise. Pourtant, elle ne refusa pas sa présence.

    Il commanda un verre de vin au bar - l’un de leur meilleur, rapidement servi. Le patron derrière le comptoir, un peu débordé, ne sembla même pas réellement remarquer le changement d’apparence d’une de ses clientes. Althéa ramena le verre à la table de la blonde, le déposant avec élégance devant elle, tout en profitant d’un verre de bière de son côté. La rouge déguisée savait parfaitement que la qualité de l’endroit n’était pas spécialement au rendez-vous, mais cela n’empêchait pas ce trou à rats d’avoir quelques bonnes bouteilles pour que les marins de passage puissent profiter de grandes occasions. Et la sirène n’avait pas peur de dépenser un peu plus que nécessaire, si cela lui permettait de s’amuser par la suite.

    Il s’installa en face d’elle, calmement, laissant les pieds usés de sa chaise racler brièvement contre le sol légèrement sale de l’endroit.

    « Je vais rester avec un petit verre de bière, on ne dirait pas comme cela, mais c’est certainement l’endroit où ils la font le mieux dans la région. Ce qui ne veut pas dire grand chose, je vous l’accorde, quand on sait la concurrence si médiocre… »

    Il avait terminé sa phrase un ton plus bas, comme si cela était une simple confidence, une astuce, et comme s’il connaissait la région. Alors qu’en réalité, il n’en était rien, Althéa avait juste récupéré cette pièce d’information inutile de la part de locaux. Enfin, pas si inutile que cela, du coup, si cela pouvait donner un peu de profondeur à une identité qui n’en avait par définition aucune, puisque parfaitement fausse.

    « D’ailleurs, je m’appelle Merrick. Capitaine de l’Azalée, marchand et négociant en étoffes. Enchanté, et vous? »

    Le regard du capitaine resta principalement dirigé vers la blonde, même s’il suivait parfois discrètement le sien. Elle n’avait pas l’air spécialement à l’aise. Cherchait-elle de l’aide avec son regard fuyant? Le prenait-elle pour un individu mal intentionné? Il fallait dire que l’art de la séduction n’était pas particulièrement le fort de la sirène - à quoi bon s’emmerder quand une petite chansonnette mettait la majorité des gens dans sa poche? Mais d’un autre côté, elle aurait pu simplement refuser son verre, et l’envoyer paître ailleurs.

    Il fallait dire que l’ambiance locale n’était peut-être pas la plus accueillante pour les personnes isolées, l’endroit étant peuplé de marins avinés pouvant se révéler assez lourds. Ou d’autres gardes ou contremaître à la force physique très caricaturale du Reike et certainement à la puissance cérébrale pour aller avec ce même stéréotype. L’ambiance dans la taverne restait bonne, et Althéa n’avait pas été importunée avant, certainement intimidante avec sa capuche remontée qu’elle avait baissée sous les traits de Merrick il y a quelques instants. Et de manière générale, Althéa n’avait pas spécialement peur des gorilles, ayant parfaitement l’arsenal nécessaire pour se retrouver avec son pied dans leurs bourses au besoin - et pas celles contenant de l’or.

    « Qu’est-ce-qui vous amène ici, d’ailleurs? Un bon verre? Le poisson grillé local qui est ma foi plutôt réussi? »

    De la petite discussion sur l’endroit, surtout pour voir si elle était capable de produire des réponses qui dépassaient les deux syllabes, ce qui n’était pas vraiment le cas pour le moment. Elle essayait en tant que Merrick de la mettre un peu en confiance alors même qu’elle ne semblait en avoir aucune pour le moment. Sympathique, pas plus insistant que cela, il n’était pas du genre à répéter les questions, juste de passer pour un type intéressé par les traits fins et harmonieux de la blonde. Un fin sourire étira d’ailleurs les lèvres du marchand, qui se voulait peut-être rassurant, mais qui laissait aussi peut-être transparaître un léger amusement dans cette situation en la voyant si perdue. Il se demandait déjà quand et comment faire tomber son déguisement, quoi lui dire… Peut-être pas au milieu de la taverne. Encore que…
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  • Lun 23 Oct - 21:49
    Respire, ne cède pas à la panique, respire, il n’y a rien à gauche. Pas plus à droite. Tout va bien. Ça doit être les entrées maritimes. Tenta vainement de se convaincre Sixte alors que quelque chose au fond d’elle se débattait comme un beau diable. Un instinct immuable et animal qui lui hurlait de prendre ses jambes à son cou. Elle aurait été tentée de le suivre, si elle avait eu une petite centaine d’années de moins. A l’époque elle était bien plus facilement impressionnable qu’elle ne l’était aujourd'hui et prenait toujours grand soin d’éviter toute altercation. Ce qui avait légèrement changé depuis. Loin d’être devenue subitement suicidaire ou d’exceller dans l’art du combat, elle refusait de se laisser emporter par des émotions aussi grotesque que la peur. Pas tant qu’elle n’avait pas de raison valable. Ses dernières années d’existence s’étaient résumées à fuir toujours plus loin, des ennemis toujours plus redoutables. A se cacher du mieux qu’elle le pouvait en espérant que personne ne réussirait à lui mettre la main dessus. Elle ne tenait plus à être cette personne et s’enfuir avec pour seule explication une odeur ravivant de vieux souvenir, ne lui semblait pas suffisant. Elle s’obstina donc à rester le séant vissé sur sa chaise, offrant quelques vagues sourire à son interlocuteur tout en hochant la tête.

    - Sixte. Répondit-elle simplement après qu’il se soit présenté.

    L’avantage avec Merrick c’est qu’au delà d’être plutôt bel homme, il semblait aussi capable de faire la conversation à lui tout seul. Ce qui n’était pas une mauvaise chose étant donné que Sixte était de bien piètre compagnie. Ni bavarde, ni douée pour lancer des conversations, il lui était bien plus confortable de se laisser porter par autrui.

    - Qui irait se perdre au fin fond du Reike pour un bon verre et un morceau de poisson ? Ne put-elle s’empêcher de retorquer en riant. - Les Reikois font peut-être de la bonne bière mais d’aucun sait que c’est à Melorn que l’on trouve le meilleur vin. Pour ce qui est du poisson je suis sûre que Kaizoku se placerait largement en tête. Et il y fait moins froid. Tout juste se retint-elle d’ajouter que tout serait mieux qu’ici, après tout elle ne savait pas vraiment à qui elle avait à faire. - Je suis là pour porter des messages.  Et vous alors  ? Je m’y connais pas des masses en négoce et encore moins en tissus, étoffes et autres joyeusetés mais je suis sûre que ce n'est pas ici que vous allez trouver vos meilleurs clients. Elle désigna du menton la ribambelle de pochard sans le sous qui les entourait. - Cela dit, vu le temps, j’aimerais pas mettre les pieds dans l’eau ou sur un bateau. Et elle n’aimerait pas les y mettre même si il faisait quarante degrés à l’ombre.

    Rapidement son attention se reporta à nouveau sur la salle, ses yeux ne pouvaient s’empêcher d’aller et venir, de décortiquer chaque personne qu’elle apercevait. Chaque fois que la porte s’ouvrait, elle était incapable de ne pas lui lancer un coup d’oeil. Finalement, elle jeta son dévolu sur son verre avant de s'intéresser à nouveau à Merrick. C’était toujours le même homme que dix minutes auparavant. Sa joue était toujours balafrée, sa barbe toujours bien entretenue et il lui manquait toujours un œil. Sixte était certaine de ne l’avoir jamais rencontré pourtant quelque chose ne cessait de la titiller, comme lorsque l'on a oublié une chose sans savoir qu’est-ce. Elle se décida finalement à poser la question :

    - Est-ce qu’on se connaît ? Je veux dire, est-ce qu’on se serait pas déjà rencontré, ailleurs ? Ca sonne probablement stupide mais d’une certaine façon, j’ai l’impression de vous avoir déjà rencontré… Tout en réfléchissant, elle avala une grande gorgée de vin qui aurait pu la détendre si seulement cette fragrance menaçante ne cessait de s’enrouler autour d’elle comme un serpent.
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  • Mar 31 Oct - 21:14
    Voilà qu’elle arrivait à tirer un peu de discussion de la part de la blonde, sans vraiment forcer sur la discussion. D’un côté, cela l’arrangeait de ne pas avoir à recourir directement à la grande révélation, de doucement gagner sa confiance pour mieux la briser ensuite. Sadique? Assurément, mais pour cette fois la sirène ne souhaitait pas faire d’elle son casse-croûte, la rouge avait changé depuis toutes ces années.

    Elle s’amusa tout de même à sa première réplique, répondant avec un petit rire. Elle-même n’aimait pas vraiment se retrouver ici, donc elle pouvait parfaitement comprendre le dédain de Sixte pour ce lieu, assurément partagé, mais qui lui disait aussi qu’elle n’était pas entièrement là de son désir. Comme beaucoup d’autres, le travail, une messagère. Un métier qu’elle était bien trop curieuse pour faire, chaque sceau se retrouverait briser dés que le message contenu dans celui-ci lui semblerait un peu trop important. Néanmoins, elle se demandait bien si ce message n’était pas lui-aussi destiné au domaine minier quelques kilomètres au nord d’ici. Certainement. C’était la plus grosse concentration d’argent de l’endroit, et certainement le poumon économique de cette région désolée.

    « Non, non, en effet. »

    Merrick éclata d’un nouveau petit rire, ayant détourné momentanément son attention sur les pochtrons de l’endroit, avant de les reporter sur le visage angélique en face d’elle.

    « Mais il y a une exploitation minière au nord d’ici, pas bien loin, très imposante, vous ne l’avez certainement pas loupée. C’est même certainement là bas que vous avez dû porter votre missive, non? Toujours est-il qu’ils font des bons clients, beaucoup de gardes, et “d’employés à salaires compétitifs” qui ont besoin de nouveaux vêtements pour l’hiver approchant. »

    La présence d’esclaves dans l’exploitation minière n’était pas vraiment un secret, tout le monde ici le savait, et même les visiteurs n’avaient que besoin de quelques heures en général pour en être mis au courant d’une façon ou d’une autre. Le Reike avait après tout gardé une partie d’esclavage légale pour les criminels les plus virulents, même si la pratique semblait être sur le déclin dans le grand Empire du désert.

    « Pourtant, la mer est souvent le moyen le plus rapide de transmettre des messages, lorsque le vent nous sourit. Et comment profiter des délicatesses de Kaizoku sans un fidèle navire? »

    Difficile à dire pour la sirène si cette remarque sur l’eau était dû à leur passé commun tumultueux - ou simplement un inconfort lié à ce mode de transport plus viscéral, dans les deux sens du terme. Étrange, pour une messagère qui lui parlait d’ailleurs de Kaizoku juste avant. Mais il était vrai que les tempêtes pouvaient en décourager certains de voyager.

    Le marchand éclata d’un nouveau petit rire à la question de la blonde, qui était pourtant parfaitement sérieuse. Dans son œil, une flamme, celle d’un intérêt, oui, mais pas vraiment romantique, juste un simple jeu où elle était la seule à réellement s’amuser. Et cela lui confirmait bien qu’il s’agissait certainement de la bonne personne et que sa mémoire ne lui faisait pas défaut.

    « Peut-être est-ce le Destin? Que cette rencontre était écrite? »

    Merrick avait prononcé ces mots presque mélodiquement, d’une façon qui semblait presque parodique. Il aurait pu pousser ce romantisme exagéré bien plus loin, mais le sourire amusé qui étirait les lèvres du marchand se dissipa en partie, pour lui offrir une réponse un peu plus sérieuse, après avoir bu une nouvelle rasade de bière.

    « Plus sérieusement, je voyage beaucoup, et j’imagine que vous aussi. Ce n’est pas tout à fait impossible, mais j’imagine que si c’était le cas je me serai certainement souvenu de vos magnifiques traits. »

    Il releva un instant les yeux vers le plafond sombre et mal éclairé de la taverne, où quelques toiles d’araignées siégeaient fièrement.

    « A moins que cela ait été lors d’une soirée bien arrosée, dans un certain sens du terme? Je ne sais pas pourquoi mais les nuits orageuses et venteuses comme celles-ci lorsqu’on ne peut pas naviguer sont toujours propices à ce genre de banquets où l’on en vient à perdre un peu l’esprit, et où les souvenirs se font flous, un peu comme si l’on se retrouvait sous l’océan non? »

    Le marchand frotta sa barbe de quelques jours, avant de reporter son unique œil valide vers sa camarade de tablée. Intéressé. Mais peut-être pas de façon si romantique que ça, toujours.

    « J’évite dernièrement, ce n’est pas très bon pour les affaires ni les économies. Mais il faut aussi savoir fêter les grandes occasions. »
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    Sixte V. Amala
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  • Dim 5 Nov - 14:56
    Les yeux de Sixte se plissèrent. C’était une sensation encore au-delà de son instinct. Son être tout entier hurlait de terreur. Pourtant son esprit refusait de se soumettre. Il n’y avait aucune raison valable. N’est-ce pas ? Merrick venait de lui indiquer qu’ils ne se connaissaient pas, même en étant deux grands voyageurs, les chances qu’ils se soient déjà rencontrés étaient quasi nulles. Alors, par les divins, pourquoi cette sensation ne cessait de grandir. Au-delà de la peur, l’impression de déjà vu se faisait plus grandissante encore. Elle était en train de louper quelque chose, elle en était certaine. Pendant de longues secondes, elle continua d’observer le jeune homme avant de répondre :

    - Je ne suis pas friande de voyage en bateau. Ni de la mer en général. Ses doigts s’étaient naturellement crispés sur son verre dont elle faisait tournoyer le contenant pour tenter de réfréner les ardeurs de son esprit. - Je tiens plutôt bien l’alcool si vous voulez mon avis, les soirées arrosées ne suffisent pas à me faire oublier un visage. De nouveau ses yeux vinrent accrocher celui qui lui faisait face. - Je ne vois pas en quoi ce genre de nuits serait plus propice à… Ce fut comme se prendre une gifle en plein visage. Si son gobelet était en verre, il n’aurait sans doute pas tenu le choc de la poigne que l’Elfe lui imposa. Les yeux grands ouverts, bouche bée, Sixte se retrouva soudainement catapultée plusieurs années en arrière.

    Un vent tempétueux balayait depuis plusieurs jours déjà les mers du sud, clouant tous les bateaux à quai, fracassant de gigantesques vagues sur les rochers, inondant les places qui donnaient sur la jetée. Sixte quant à elle n’était que de passage, elle logeait dans une auberge non loin de là. Les temps orageux avaient toujours eu son affection, les zébrures qui sabraient le ciel de violet et de bleu avaient toujours eu le don de la fasciner. Le temps promettait ce soir-là un spectacle grandiose, c’est donc naturellement qu’elle avait emprunté le chemin qui menait sur les falaises bordant la plage puis avait emprunté le sentier qui menait à l’une de ces criques peu fréquentée. Mais ce qui devait être une soirée agréable s’était transformé en un cauchemar terrifiant. Suffisamment pour laisser en Sixte une cicatrice qu’elle n’était jamais parvenue à refermer.

    Son visage pâlit à mesure que les pièces du puzzle s’imbriquaient les unes dans les autres, son regard s’assombrit et sa gorge devint aussi sèche que les dunes du désert Rekois. Pendant quelques instants, elle resta imobile incapable de parler ou de réfléchir.

    - Cela dit, vous avez sans doute raison. Trancha-t-elle d’une voix plus ébranlée qu’elle ne l’aurait voulu. - En parlant de soirée arrosée, je dois reprendre la route demain. Tôt. Ajoutant le mouvement à la parole, elle s’arracha à sa chaise et abandonna son verre sans le terminer, de crainte que quelque chose y ait été glissé. - Je vous remercie pour le verre, j’ose espérer que les flots seront plus enclins à la navigation demain. Bonne soirée. Et sans demander son reste elle tourna les talons.

    “Plus vite” s'époumona-t-elle intérieurement alors que la porte de sortie semblait s’éloigner à mesure qu’elle avançait vers elle. Les murs lui firent l’effet d’un piège à ours, près à se refermer sur elle dès qu’elle toucherait la poignée de la porte. Dans son dos, elle était certaine de sentir le regard de Merrick. Ou de cette chose, qui se faisait passer pour lui.

    - Putain de merde. Jura-t-elle à voix basse. Plus que deux pas et elle serait enfin dehors.  
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