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  • Lun 30 Oct - 20:09
    Du rififi à la frontière [Léonora] Ahmed-10


    ~~~~oOo~~~~


    “Soldats de la Huitième. Les ordres viennent de tomber. Colonel …”

    Le Colonel Frusquin se gratta la barbe et s’avança sur l’estrade montée ce matin à partir de deux caisses de matériel à peine arrivé au campement. Il jaugea rapidement le nombre de troupiers présents dans le carré de rassemblement. Une compagnie … soit 500 hommes. C’était tout ce qu’ils avaient pu récupérer en si peu de temps. Il s’éclaircit la voix et tonna :

    “Ecoutez-moi bien ! Nous marchons vers le Goulet. Le Colonel Molosse a requis notre présence immédiate à la frontière du Reike. Nos ordres sont de rejoindre l’avant-poste immédiatement. Nous partons dans l’heure. Escouades de cavalerie, vous partez immédiatement et baliserez notre chemin jusqu’à la forteresse frontalière. Troupiers, en ordre de marche et protection des trains de bagages. Départ dans une heure. Centurion Sifflote, votre centurie se charge des engins et des munitions. Je veux que ces balistes soient démontées fissa et chargées dans ces chariots. Capitaine Savon, capitaine Limande, capitaine Bocle ; corvée balistes avec vos escouades ! Le reste de la centurie, vous chargez les munitions et les vivres dans les chariots. Vous avez vos ordres !”

    Il y eut des grognements dans l’assemblée et des pièces furent échangées. Les paris pour les affectations faisaient partie de la tradition républicaine et la Huitième Légion ne faisait pas exception. Les soldats de la Huitième se mirent en branle et montèrent les munitions dans les chariots tandis que les machines étaient rapidement démontées par les escouades désignées. La tension était palpable au sein du campement. La mobilisation rapide des effectifs n’avait permis que de rassembler 500 hommes de la Légion. Impossible, en l’état actuel des affectations, d’en mobiliser plus … Cela aurait signifié de vider les frontières et de mettre en difficulté certaines zones de la République.

    Frusquin descendit de l’estrade et donna quelques ordres complémentaires à ses aides de camp avant de rejoindre le lieutenant Noirvitrail. Le vieux briscard jaugea la demoiselle avec circonspection. Le lieutenant Noirvitrail n’était pas tout à fait ce à quoi il attendait en matière d’officier supérieur, mais au moins, elle ne perdait pas son temps en paroles inutiles et ses décisions étaient claires. A ses yeux, ce n’était guère qu’une gamine, mais la bougresse était autrefois l’assistante de Greywind … Première Légion … Probablement pas un lapereau …

    Il haussa les épaules. Au pire, si elle déconnait, elle finirait dans un ruisseau. C’était le lot quotidien des officiers supérieurs. Ceux qui avaient le tort de déplaire aux troupiers finissaient par avoir de drôles d’accidents. Le précédent colonel qui occupait le poste de Frusquin avait eu le tort de faire un peu trop le malin. Il avait malencontreusement trébuché dans le seau d’un onagre … et avait fait plusieurs centaines de mètres au-dessus des arbres avant d’être récupéré en morceaux épars le lendemain. Frusquin avait été promu dans la foulée … Et il avait tout de suite gagné le respect des gars en promettant d’honorer la mémoire du précédent colonel par plusieurs tonneaux d’un bon cru payé sur ses propres deniers.

    Il se rendit vers son cheval, où l’attendait son paquetage. L’alezan l’attendait paisiblement, mâchant du foin dans l’auge qui pendait autour de son cou. Il retira l’auge, au grand damn de son destrier, qui le regarda comme s’il venait d’assassiner une famille entière … Il lui flatta l’encolure. Brave bête.

    Frusquin était un Colonel prudent. Les années passées au service de la République lui avaient appris à retirer ses troupes au bon moment et à éviter de perdre des hommes bêtement en chargeant comme un idiot dans la mêlée. Sa prudence était moquée par ses pairs, mais louée par ses soldats, qui voyaient en lui un homme plutôt bien dimensionné au travail que l’on attendait de lui : de l’efficacité, mais pas de zèle. Au moins, lui, avait dépassé la quarantaine. La plupart de ses détracteurs gisaient désormais au fond d’un trou … les imbéciles.

    L’homme vérifia une dernière fois la selle de son cheval et détacha la bride avant de l’enfourcher. Le destrier renâcla un peu, comme de coutume, puis se laissa guider. Observant ses troupes d’un air soucieux, il repensa à ce qui s’était dit sous la tente de commandement et sur les raisons d’un tel mouvement de troupes. Si ce qui avait été écrit par Molosse était vrai … il était probable que la Huitième combatte véritablement cette fois-ci. Cette pensée fit vibrer ses os … cette vibration qui ne l’avait pas quitté depuis qu’il avait vu les Titans et leurs sbires en action. Il chassa ce souvenir et cracha au sol, ordonnant à sa monture de se diriger vers la sortie du campement. Avec un peu de chance, ils atteindraient le fort en moins de huit heures de marche …

    Forteresse frontalière entre le désert du Reike et la République, le Goulet était l’une de ces forteresses qui jusqu’à présent avait fait très peu parler d’elle. Positionnée à la frontière du désert, à plusieurs jours de Kyouji, le Goulet était l’un des points de passage obligés pour quiconque voulait longer la côte et se rendre vers les terres de Shoumeï. Bien que la forteresse ne fusse pas des plus fournies, elle disposait d’une garnison entraînée et capable de gérer des interventions sur plusieurs lieues à la ronde sans aucun problème.

    Frusquin connaissait le commandant de la forteresse de réputation. Molosse était une commandante expérimentée, qui avait fait ses classes avec Frusquin du temps où il traînait ses guêtres à l’académie militaire. La maraude avait fait du chemin, pour se retrouver commandante de sa propre forteresse frontalière ! Ce n’était pas une tendre, mais si elle demandait de l’aide à la Huitième, c’était que la situation ne devait pas être bien jolie à voir …

    Faisant trotter son cheval, il passa devant la tente de commandement. La Lieutenante n’avait pas communiqué les détails de la mission … Et au vu de son regard, il valait mieux.. Frusquin avait une vague idée de ce qu’il se tramait à la frontière et ses os tremblaient à l’idée que ses prédictions se révèlent exactes. Il se gratta la barbe. La Lieutenante avait jugé bon ne pas expliquer aux soldats les raisons d’un tel déplacement et c’était plutôt malin de sa part. Si on ne parlait pas de désertions, nombre de soldats pouvaient tout simplement “ne pas trouver le chemin” de la forteresse si d’aventure ils estimaient que les risques étaient trop grands. En maintenant les détails secrets, la Lieutenante jouait sur une corde sensible : le besoin d’argent. Il n’avait fallu qu’un regard pour que Frusquin surprenne Pelote et Miche en train de parier sur la nature de l’alerte. Les pièces étaient en train de tourner et les usuriers se régalaient d’avance. Tout le monde semblait avoir hâte … pas de se battre bien évidemment … mais de savoir si ses prédictions se révélaient exactes. Il y aurait sûrement un bon petit pactole à la clef qui attendait les parieurs les plus chanceux.

    “Hey, soldat !”

    Frusquin héla une jeune soldate qui se trouvait à côté des chariots d’approvisionnement. La demoiselle semblait suffisamment capable pour s’acquitter d’une petite mission.

    “De nouveaux ordres pour toi. Tu prends le caporal Pelote et le caporal Miche avec toi. Vous allez prendre une route annexe …”

    Il gribouilla hâtivement un ordre de mission et le signa.

    “Allez me récupérer l’escouade de Boulotte à Montflanquin. C’est un patelin pas loin. Vous le reconnaîtrez facilement : c’est un petit gros avec des taches de rousseur. Cet enfoiré doit garder plusieurs caisses de grésilles, s’il a pas tout refourgué à la piraterie. Vous lui dites de ramener son gros cul au Goulet avec ses joujous fissa sinon sa permission, il pourra se la mettre où j’pense.”

    Sans en dire plus, il fourra son papier dans la main de la soldate et partit au galop vers le Goulet. Le caporal Miche et le caporal Pelote se regardèrent l’air interdit. Pelote renifla et réajusta son casque en forme de saladier.

    “Et bordel … Bon … on y va, chef ?”



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  • Sam 6 Jan - 16:00
    « Ecoutez-moi bien !... »

    Comme tous, Léonora tourna la tête vers l’homme grimpé sur deux caisses en équilibre. On les avait rassemblé sans leur dire quoique ce soit. Comme de bons soldats, ils avaient obéi sans trop poser de questions ou alors discrètement, entre eux, au risque de se prendre trois semaines de trous au vu de la mine tendue des gradés. Cependant, les avis étaient allés de bon train. Les détails précis de la mission ne leur étaient pas fournis, sauf que le départ était prévu dans une heure puis chaque régiment fut affecté à sa mission avant de plier bagages. En bref, il n’y avait pas de temps à perdre.

    En général, lorsqu'une mission militaire est annoncée, les soldats reçoivent des instructions détaillées sur leur objectif, leurs tâches spécifiques ou d'autres informations pertinentes. Le colonel Frusquin n’en fit rien sauf les équipements nécessaires. Alors les paris allaient bon train. Léonora sera vite avisée lorsqu’elle serait sur place. Autant dire que cela devait être une grosse intervention et qu’ils étaient loin de l’entrainement initial.
    La soldate se préparerait rapidement en rassemblant des caisses de ravitaillement, avant de s’occuper de son propre paquetage qui attendait un peu plus loin. D’autres vérifiaient  leurs armes et en se préparant mentalement pour la mission à venir. Le fait que le départ soit prévu dans une heure souligne l'urgence et l'importance de la mission. Elle ressentit une bouffée d'excitation mêlée à une pointe d'appréhension en réalisant que cette intervention marquerait le début de sa première mission avec son régiment. Les battements de son cœur s'accélérèrent à l'idée de faire partie d'une équipe, de mettre en pratique son entraînement et de contribuer à la mission assignée. Les femmes et les hommes qui l'entouraient devenaient soudainement des partenaires de confiance avec lesquels elle partagerait cette expérience.

    Elle se repassait tout ce qu'elle avait appris au cours de son entraînement militaire, se remémorant les compétences tactiques, les protocoles de communication et les stratégies qu'elle avait étudiés. Elle ressentit à la fois une responsabilité et un sentiment d'honneur envers son régiment, sachant que la réussite de la mission dépendrait de la coordination et de l'effort collectif de chaque membre de l'équipe.
    Malgré son enthousiasme, elle ne peut s'empêcher de ressentir une légère nervosité. Cependant, cette nervosité est contrebalancée par la conviction qu’elle était tout à fait préparée à affronter les défis qui pourraient se présenter. Elle souffla, réajusta son uniforme avec détermination et se joint à ses collègues un peu plus en retrait, prête à faire face à cette première mission avec confiance et dévouement envers son régiment et son Lieutenant Noirvitrail toute aussi secrète sur les raisons de ce déploiement.

    Arrivée à leur hauteur, la jeune soldate observa Frusquin qui était tout près, sur sa monture. Elle ne pouvait ignorer la réputation énigmatique qui entourait le Colonel. Les rumeurs de disparitions suspectes de quelques Lieutenants ou colonel qu’il aurait remplacé au pied levé, circulaient dans les rangs, créant un voile de mystère autour de sa personne. Les soldats murmuraient à voix basse, échangeant des histoires qui semblaient tirées tout droit d'un roman d'espionnage.
    Certains prétendaient avoir vu le Colonel disparaître soudainement, comme s'il avait la capacité de se fondre dans l'ombre. D'autres racontaient des récits plus intrigants, évoquant des missions secrètes et des opérations confidentielles ou plus ou moins officielles dont le Colonel Frusquin était le maître d'œuvre. Ces récits alimentaient le mystère qui entourait ce supérieur. Elle se demandait si ces rumeurs étaient le fruit de l'imagination fertile des soldats ou s'il y avait une part de vérité dans ces histoires. N’y avait-il jamais de fumée sans feu ? Elle se sentait à la fois curieuse et prudente à l'idée de travailler sous les ordres d'un homme aussi énigmatique. La perspective de cette première mission avec le régiment, dirigée entre autre par le Colonel Frusquin, ajoutait une couche supplémentaire de complexité à l'excitation déjà présente, créant une atmosphère de mystère et d'anticipation. Léonora se préparait à découvrir s’il était vraiment à la hauteur de sa réputation intrigante, et comment cette mission allait se dérouler sous sa direction, bien qu’à l’opposé de toutes rumeurs, il avait cette réputation de veiller sur ses troupes et ne jamais ne les envoyer inutilement au casse-pipe, il ne les considérait pas comme de la chair à canons.

    Dans toutes ces réflexions, Léonora qui avait selon elle, trop longtemps posé son regard sur le Colonel, lui tourna le visage vers elle pour l’apostropher et de lui confier une toute autre mission, celui de récupérer troupe et matériels de Boulotte.

    A vos ordres Colonel.

    Dit-elle sans réfléchir et de le saluer comme il se fallait lorsqu’il s’éloigna à vive allure. Elle avait gagné un détour gratuit, accompagnée de deux caporaux… Elle glissa le message dans la poche intérieure de sa veste en questionnant Pelote et Miche tout en attrapant son paquetage.

    Vous connaissez la route qui mène à Montflanquin ?

    Elle leur fit signe de la tête pour qu’ils la suivent pour se procurer trois montures et de les préparer le plus rapidement possible, ce qu’ils firent avant d’enfourcher les chevaux et d’attendre que l’un d’eux ouvre la voie au galop.
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  • Mer 17 Jan - 23:13
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    ________________________________________________

    La bourgade de Montflanquin était de ces petits villages portuaires qui vivaient essentiellement de pêche, de sylviculture et de contrebande d’alcool. Le village, peuplé d’un maximum de trois cents âmes, avait connu un boom d’activité suite à la destruction de Kaizoku. Les survivants, fraichement débarqués sur de frêles esquifs s’étaient massés aux abords de la forêt, construisant à qui mieux mieux des cabanes en attendant que leur situation s’améliore. Les heurts avec les locaux étaient fréquents : bien que la ville soit accoutumée à la piraterie et à la contrebande, personne n’aimait attirer l’attention des Officiers Républicains et de la Grande Armée quand il s’agissait de revendre de l’alcool sous le manteau ou par caisses de dix. Le bourgmestre, un certain Jean Vannier, avait tenté tant bien que mal de calmer le jeu entre les réfugiés et les locaux, mais l’augmentation soudaine de la population avait conduit la Grande Armée Républicaine à stationner quelques escouades sur place pour éviter que la zone ne devienne un nouveau repaire de piraterie.

    Boulotte avait été déployé avec une trentaine de ses gars à Montflanquin pour gérer les réfugiés de Kaizoku et permettre une « intégration républicaine réussie dans le plus grand respect des valeurs républicaines ». Pour un centurion bas du front comme Boulotte, cela voulait essentiellement dire frapper toutes les têtes qui dépassaient avec le plat de son épée et non avec le tranchant. Le maintien de l’ordre, ça, il connaissait Boulotte ! Ses années dans l’Office Républicain payaient dans une institution comme la Grande Armée : il savait frapper sans tuer. Oh, bien sûr, il avait été viré de l’Office à grands coups de pieds dans le derche à la suite d’une sombre histoire avec la femme de son supérieur, mais au final, il ne s’en sortait pas si mal et la vie était plutôt plaisante quand on portait l’écusson militaire. Au moins, ça lui avait évité la pendaison.

    Boulotte n’était pas un mauvais gars – du moins, selon son propre aveu – mais ce n’était pas une foudre de guerre. Son truc à lui, c’était le social ! Savoir tirer les bons fils, savoir qui vendait quoi et à quel prix et connaître à la perfection les entrelacements de l’administration républicaine pour savoir quand et comment récupérer la bidoche au nez et à la barbe des cuisiniers des officiers. Alors quand Frusquin lui avait demandé de « faciliter l’intégration des réfugiés de Kaizoku », dans la tête de Boulotte, ce fut le jackpot ! La Huitième Légion le remercierait grandement s’il parvenait à sécuriser des contacts avec les locaux et à devenir le principal pourvoyeur de gnole de la légion. Il ne serait pas promu, loin de là, mais au moins, il jouirait d’une vie tranquille et serait probablement placé sur la ligne de fond pour le préserver, lui et son réseau.

    Boulotte et ses gars avaient débarqué à Montflanquin il y a quelques semaines et posé les bases d’une « collaboration efficace dédiée à l’optimisation des ressources et des forces vives de la nation ». L’expression n’était pas de lui. Cela venait directement d’un sénateur, qu’il avait surpris à l’époque où il trainait dans les bordels. Il ne comprenait pas vraiment toutes les implications de cette expression, mais elle avait pour qualité de faire croire aux péquins moyens qu’il savait de quoi il parlait et généralement, les gugusses l’écoutaient doctement. En tout cas, le bourgmestre, lui, semblait avoir compris et il se pliait désormais en quatre pour accéder à tous les besoins de la Grande Armée.

    Les gars de Boulotte occupaient l’ancienne caserne de la bourgade, qu’ils avaient transformé en petit nid douillet. De là, ils s’étaient attelés à la tâche la plus importante de leur mission : expliquer qui c’est qui commande. C’était dans le manuel des Officiers Républicains et la tactique était éprouvée depuis des générations. Quand on arrivait quelque part, il fallait identifier le costaud du coin et lui mettre la misère pour montrer qui était le patron. Dans le cas où le costaud était trop costaud, ou accompagné de plein de gens costauds, la prudence nécessitait un changement d’approche : se mettre le costaud du coin dans la poche.

    Fort heureusement pour Boulotte et ses gars, le costaud du coin, un ancien de la piraterie nommé Gamelle l’Affamé, venait de perdre aux jeux d’argent le soir où l’armée avait débarqué. Boulotte, Pelisse et Foutraque lui étaient tombés dessus dans une ruelle et l’avaient copieusement rossé puis suspendu par les pieds sur la place publique, à poil. Le message n’était peut-être pas des plus clairs, mais il donnait le ton : la Grande Armée était dans les parages et quand elle te tombait sur le râble, tu prenais cher, donc autant être dans ses petits papiers.

    Les escouades de Boulotte avaient passé les derniers jours à réorganiser la vie de Montflanquin pour éviter que les réfugiés ne transforment la ville en un havre de piraterie diffusant la gnole ailleurs que dans les entrepôts de la Grande Armée. Quelques coups de pelle et quelques poignées de main avaient suffi à mettre tout le monde d’accord sur le principe d’une « participation active au bien-être des représentants des forces militaires actives » -, ce qui impliquait concrètement la création d’une intense activité de production d’alcool que la Huitième rachèterait.

    Les travaux étaient supervisés par Pelisse, la grande sœur de Foutraque. La grande blonde avait pas mal travaillé dans les brasseries avant de finir dans l’escouade de Boulotte et ce dernier savait parfaitement employer ses talents pour la fermentation. Pelisse avait du flair pour ces choses-là et si elle n’avait pas été prompte à foutre son poing dans la figure de quiconque emmerdait son petit frère, elle aurait pu être une bonne gestionnaire d’entreprise. Foutraque, lui, tenait les comptes et estimait les gains et les profits potentiels. Leur association s’était révélée particulièrement profitable dans l’escouade de Boulotte et avec leurs différents coups, ils avaient amassé un petit pécule qui leur assurerait de bons jours sur les îles une fois leur contrat terminé.

    Les jours s’étaient écoulés paisiblement depuis leur affectation à Montflanquin et tout le monde semblait y trouver son compte. Mais la petite vie tranquille de Boulotte allait être chamboulée …

    « Centurion Boulotte ! Trois soldats sur le chemin ! » cria l’une de ses sentinelles postée sur l’une des tours de Montflanquin.

    - Quelle légion ?!
    lui hurla-t-il du bas de la tour avant d’émettre un rot sonore avec sa bière à la main.

    - Huitième !


    Le centurion pesta et remonta son froc pour paraître un peu présentable et resserra sa cape autour du cou. Il fit quelques signes et se dirigea vers l’entrée de Montflanquin avec trois de ses gars. Il espérait que ce n’étaient pas des officiers supérieurs avec des ordres …


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  • Mar 5 Mar - 17:11
    Léonora appréciait la tranquillité de la campagne qui défilait autour d'elle pendant qu'elle chevauchait vers Montflanquin. Elle se concentre sur le paysage, laissant le vent caresser son visage et le rythme régulier du cheval sous elle la porter vers sa destination.

    Le paysage était d'une beauté à couper le souffle. Les vastes champs verdoyants s'étendaient à perte de vue, ponctués par endroits par de petites collines tapissées de fleurs sauvages aux couleurs vives. Au loin, grâce au ciel très dégagé, les sommets des montagnes se découpaient contre le ciel azur, ajoutant une touche majestueuse à l'horizon. Sans encore le savoir, elle était bien loin de ce qui l’attendait à la frontière.
    Les discussions grivoises de Pelote et Miche étaient un fond sonore qu'elle pouvait facilement ignorer. Elle se concentra sur le paysage, laissant le vent caresser son visage et le rythme régulier du cheval sous elle la porter vers sa destination. Ils traversèrent des ruisseaux, qui bientôt se jetteront dans la mer. Ils créaient une symphonie naturelle qui enveloppait tout le paysage d'une atmosphère paisible. Le calme avant la tempête qui les attendrait.

    À l'approche de Montflanquin, Léonora remarqua trois personnes qui les attendaient à l'entrée du village. Le cheval de Léonora ralentit à mesure qu'ils se rapprochaient, et elle s'arrêta aux côtés de Pelote et Miche. Les trois individus, des soldats de la huitième ne sont guère chaleureux et accueillants. Léonora les salue d'un signe de tête respectueux. L’un d’entre eux, correspondait parfaitement à la description de Boulotte. Mais des petits gros aux tâches de rousseurs, cela pouvait être un autre. Pour ne pas commettre d’impair, il valait mieux rester prudente.

    Soldate Hengebach, J’ai un message du Colonel Frusquin de la plus haute importance à remettre au Centurion Boulotte. Où puis-je le trouver ?

    Elle observa attentivement la réaction de l'homme qui prit la parole.

    C’est moi. Dit-il en tendant la main en réclamant le dit message.

    Elle démonta sa monture, salua Boulotte, imitée par Pelote et Miche. Elle s’approcha de l’homme qui tentait de se montrer à la hauteur de son grade avec médiocrité.
    Léonora sortit de sa poche intérieure de son uniforme poussiéreux, le morceau de papier griffonné pour le lui tendre.

    Vous devez immédiatement venir au Goulet, avec votre escouade et les caisses de grésilles, sans quoi vous pourrez vous asseoir sur votre permission.

    Nan, il a dit  que cet enfoiré qui pactise avec les pirates devait ramener son gros cul au Goulet sinon sa permission, il pourra se la mettre dedans. Rectifia Miche qui devait être fier de lui.

    Leonora secoua  légèrement la tête en relevant les sourcils.

    C’est ce que j’ai dit.

    Boulotte arracha le papier des mains de Léonora, agacé par la situation, surtout par l’ordre qui venait de lire si elle se référait au grognement qu’il venait de lâcher et donna l'ordre de rassembler tout le monde.
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  • Sam 4 Mai - 22:33
    Le Centurion Boulotte considéra quelques instants les propos de la jeune soldate, de plusieurs rangs sa subordonnée. Bordel, mais ces recrues n’avaient plus l’respect d’la hiérarchie ces jours-ci. S’il n’avait pas été en compagnie de ses hommes, il aurait foutu une bonne raclée à cette gamine. Mais taper les femmes, ça ne se faisait pas. Ca faisait mauvais genre. Et Boulotte, lui, ça le dérangeait de frapper les femmes. Il se disait lui-même très « gentilhomme » à ses heures perdues ! Alors, comme tout bon gentilhomme, il sera les dents quand il l’entendit répéter les ordres de ce trou du cul de Frusquin. Il claqua de la langue quand il entendit ces mêmes ordres répétés par le dénommé Miche, qui descendait à peine de son cheval.

    Bordel … y’a des claques qui s’perdent dans c’t’armée !

    Boulotte se gratta le ventre et prit l’air du Centurion qu’il aurait aimé être s’il avait été au moins deux fois plus discipliné et replia le morceau de papier dans son veston frappé des symboles de la Huitième. Sa sentinelle, toujours appuyée sur le parapet de la tour de guet, observait tout ce petit monde avec ses yeux de chouette.

    « Bienvenus à Montflanquin, fleuron de notre programme d’intégration républicaine pour la racaille pirate, déclara le rouquin avec emphase. Ici, on transforme le cul-salé en cul-terreux bien de chez nous. Venez, on doit avoir encore cescaisses de grésilles dans l’coin. Placide ! Descend ton cul de cette tour et amène les chevaux à l’écurie. C’est un ordre de ton Centurion. »

    Il se retourna alors vers les trois arrivants et sourit.

    « Y’a du laisser-aller dans c’t’armée, moi j’vous l’dis. Heureusement que les Centurions veillent au grain … Allez. C’est par ici. Ordre de Frusquin, hein ? On va voir ce qui nous reste. »

    Les villageois semblèrent à peine remarquer la présence des soldats qui venaient d’arriver. Appuyés contre les murs ou en train de jouer aux cartes, les escouades dirigées par Boulotte prenaient du bon temps. Être dans la Grande Armée avait du bon, pour peu que l’on s’y trouve un coin au chaud pour passer la belle saison. Le bord de l’océan, c’était un cadre sympa. Boulotte se dirigea vers ses quartiers. La caserne était active et les soldats, bien qu’au repos, restaient vigilants. Un œil attentif aurait pu remarquer qu’aucun soldat n’était visible dans une arme à son flanc. Les habitudes ont la vie dure, même dans l’armée, … et la trahison de Kaizoku avait rendu les soldats méfiants avec les insulaires. Mieux valait rester armé .. sait-on jamais.

    Boulotte héla l’un de ses soldats et lui ordonna de rapporter la caisse de grésilles. Ni une ni deux, ce dernier ramena la caisse de la réserve et la posa sur l’une des tables installées dehors, sous l’appentis qui servait à la détente. Après l’avoir ouverte, Boulotte attrapa à l’intérieur un des globes de terre cuite frappé du sceau des armureries républicaines.

    « Pas mal hein ? C’est Républicain. Ces petites saloperies sont suffisamment volatiles pour foutre le feu à un champ entier si on vise bien. »

    Les grésilles étaient des globes de terre cuite à mèche, remplis de feu grégeois fabriquée dans les armureries républicaines. Placées sur un carreau d’arbalète et allumées, elles fusaient dans les airs puis éclataient sur leurs cibles dans un crépitement enflammé, qui se répandait aux alentours en consumant les chairs des ennemis. Les alchimistes républicains ne chômaient pas pour trouver des applications toujours plus mortelles à leurs trouvailles. Ces petites furies étaient suffisamment embêtantes pour causer le chaos dans les rangs ennemis. L’escouade de Boulotte avait conservé la sienne depuis près de quatre ans. Elle les suivait un peu partout et n’avait jamais été utilisée. Au final, elle les encombrait plus qu’autre chose, aussi était-il bien content de pouvoir s’en débarrasser. Il toisa la soldate … Et il y en avait cinq autres dans la réserve.

    « J’prends dix de mes hommes pour les acheminer au Goulet avec vous. Servez vous dans les stocks de nourriture. On a de la viande séchée et de la bière. Mes autres escouades resteront ici. On a une affaire qui marche bien et il faudrait pas que tout notre boulot soit foutu par terre parce qu’on s’absente. Le Goulet c’est ça ? Encore une foutue forteresse frontalière … »



    Du rififi à la frontière [Léonora] Signat12

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