Encore une journée vaine. Ces jours sans saveur, collés à une routine qui trompe le temps lui-même et, dont le processus ne connaît pas le moindre bouleversement. Les jours vains sont perdus à jamais. Le temps est précieux et inutile à la fois. Mes yeux bleus transpercent les silhouettes lointaines plus qu'ils ne les observent. Je m'ennuie. Je suis en quête d'une distraction plus que d'une proie, ou peut-être des deux à la fois.

Mon antre, le grand théâtre, se remplit lentement de spectateurs venus assister à l'une des pièces les plus populaires et les plus barbantes à la fois. La pièce raconte les exploits du grand Tensai Ryssen et de sa brillante épouse Ayshara dans leur guerre féroce face aux horribles Titans. Faute de figurants, on a oublié les personnages secondaires, la viande qui fut destinée à pourrir dans la boue qu'on a gentiment renommée "les pertes", pour se focaliser sur le glorieux couple royal. Bien évidemment, parce qu'il s'agit du Reike et d'une fiction glorifiant l'histoire encore fraîche, la prise de liberté pour faire briller les protagonistes plus que le soleil lui-même est assez sidérante... Quand je dis que cette journée est vaine...

Mon odorat est très peu développé. Ce n'est pas ma façon de procéder, disons. Pourtant, je me surprends à ce que tous mes sens soient en quête de quelque chose qui viendrait à mon secours puis, sans surprise, ce sont mes yeux qui finissent par capter son auréole. Mon éternelle frustration est telle, que quand je vois de la lumière, je veux instantanément l'éteindre. Mais, rangé et civilisé jusqu'à ma prochaine glissade, je me décide plutôt à me laisser aller vers cette lumière, tel l'insecte que je suis à moitié.

- "Je ne m'attendais pas à voir une luciole dans mon propre théâtre..." Commence-je à sa droite. Je m'étais approché discrètement, silencieusement, n'ayant aucun mal à me fondre dans ma seconde demeure. Lorsque ses yeux d'une douceur qui me fera défaut à jamais viennent sur moi, je lui souris vaguement, comme pour lui indiquer que je n'ai aucune mauvaise attention. - "Rare de croiser le chemin d'un Lumina..." Soufflais-je plus pour moi, mon regard allant vers la droite, les lèvres perdant tout sourire. - "Même si vous vous êtes installé à un endroit stratégique, vous risquez d'attirer des regards capricieux et contrariés, lorsque toutes les lumières seront éteintes... Néanmoins, en tant que directeur de cet endroit, je peux vous offrir un siège plus en hauteur, là où aucun regard ne viendra vous reluquer." Proposais-je d'une voix neutre.

Il y a des sièges prestigieux, en hauteur, et en absence d'invités ou de nobles chieurs, il se trouve qu'une douzaine de sièges vides trônent juste au-dessus de nous. Les êtres lumineux, ne préfèrent-ils pas voir le monde d'en haut ?