Un fantôme damné, destiné à toujours vagabonder. Une pureté souillée par l'ordinaire, car de sa noblesse, ne demeure plus qu'un reflet terne. Elle avait été autrefois une peau de lumière, un diamant arrogant. On avait convoité son teint frais, ses lèvres à la rougeur virginale. Par les Titans, il fallait s'imaginer le tableau antique de l'Ange charmante, toute drapée, le corps paré et cerclé de bijoux, la grâce émouvante du cygne. C'était une mélodie, une merveille, un songe descendant les marches du ciel divin, épanché de la puissance de ses maîtres. Son regard est un feu pur, éclatant et son sein, agité, juste aperçu derrière le tissu céleste, une dune éblouissante qui se montre et dérobe à l’œil impur de l'Homme. Elle marche vers sa destinée comme l'épouse s'avance au devant de l'autel. Le visage beau et serein, ses traits purs comme le lys et son sang Saint, riche. Une robe pâle, un voile azurant qui soulève l'Enfant, ses courbes magnifiées, et la porte vers son dessein.

Le plus beau, chez elle, fut un jour ses ailes. Immenses, majestueuses, plus vigoureuses encore que les vœux des Guerriers du Monde. On lui envia, jalousant leur gloire céleste jusqu'à venir les lui arracher pour la punir de ses crimes, le plus impardonnable de tous eut été son intégrité.


Sans doute avait-elle été plus belle à regarder pour son bourreau une fois fragile, brisée et possédée. Sans doute le Monde avait-il été trop cruel. Nul doute que les Titans l'avaient forgé ainsi. Ange, elle était devenue créature déchue, poupée démantelée de sa grandeur, statue de marbre dont la tragédie fut offerte à contempler et à apprécier. L'ironie du sort l'avait condamnée à l'obscurité, quand elle avait été destinée à briller sur ces terres. De ses lèvres vivantes, de son regard rayonnant, ne se dispute dorénavant qu'une ombre sombre abritant encore ses démons. Martelés par la cruauté de son tyran, de son esprit vertueux et de l'Amour qu'elle avait un jour porté en son sein, ne subsistait qu'une coquille endurcie et épuisée par les tourments.

Malgré tout, la volonté au fond de ses yeux résiste. L'espoir dans le creux de son âme demeure.
Toujours, le souvenir de ses ailes et les cicatrices dans son dos, dans lesquelles Siame enfonce éternellement ses ongles griffus, noircis de sang, pour que jamais, jamais, elles ne se referment. Ces caresses pugnaces sont un memento inscrit inlassablement dans sa chair, sur son corps, et la douleur, elle, est une victoire. D’une froideur héritée, et sans réelle individualité : elle est la création énigmatique de sa maîtresse titanide avant toute chose. Les interminables années passées enfermée dans sa statue de marbre lui ont permis de vagabonder auprès des Hommes sous projection astrale. Observatrice silencieuse, elle vit à travers eux : elle est témoin de leurs craintes, tolère leurs peines et supporte leurs désirs les plus sombres. Forgeant ses opinions par la voie de leurs expériences, l'Ange se laisse toucher par la chaleur et la sensibilité humaine que ses “hôtes” démontrent au fil de leur existence. Pour eux, Siame est une page blanche, un miroir reflétant leurs travers, dans lequel basculer pour s'évader du réel.

Once upon a time

Ère des mortels : - 10 000 ans
Sur les terres du Sekai

Va, mon enfant. Propage sur le monde la beauté de ton âme en mon nom.
Tu parleras la langue de tous les Hommes et tes mots seront pour eux bénédiction.

Siame naît, embrassée par Aurya, envoyée pour la représenter sur les terres du Sekaï. Créée pour anéantir l'ignominie et le vice du Monde, l’Ange vole, traverse les cieux, foule les terres aux côtés de ses Sœurs et répand les volontés mystérieuses de sa maîtresse... Quand l'Homme engendre, Siame vient poser son index sur les lèvres de sa progéniture, chasse l'abîme du vice des mémoires du nourrisson et l'invite à venir au monde, pur et sain, béni par la grâce divine. Ce n'est que lorsque que ses visions lui décrivent une âme noire, un futur pavé d'infamies, que l'Ange emporte l'enfant.

Ère des mortels : - 5 000 ans
Royaume du Reike

Les murmures de sa créatrice deviennent paroles lointaines, inaudibles. Des mots soufflés, oubliés. Des mots sans queue ni tête, inscrits en elle comme une litanie, comme un cauchemar. Elle se laisse bercer par son passé, revit sans cesse l'humiliation d'avoir failli à sa mission, la honte de s’être laissée duper par une créature des Ombres. Son bourreau enferme son corps dans le marbre, taille la pierre de l'amertume et de la tristesse de sa muse, modèle ses traits dans les méandres de son désespoir. Il n'y a pas beauté sans laideur, pas plus qu'il n'y a de bonté sans violence. Elle assiste aux supplices rigoureux qui lui sont infligés, découvre avec curiosité et horreur les instincts cruels, émouvant son tortionnaire, troublant son esprit. Les pensées raides, les idées laides empoisonnant son âme.

Ses ailes reposent devant elle dans une flaque d'un sang sombre et épais. Il les a caressées, aimées, connaît leur exquise douceur dans ses moindres recoins. Il a imprimé cette sensation dans le bout de ses doigts, quand il les lui a arrachées. Une main tendre effleure la joue de Siame. Elle collecte la larme chaude roulant sur le velours de sa peau froide, changée en marbre à l’issue d'un long processus.

Son précieux sang est vendu aux créatures assoiffées, offert comme cru délicat aux fastes vampiriques pour assouvir les palais les plus raffinés. Ses ailes, qui firent un jour sa gloire et sa beauté, sont exposées aux enchères, symbole inestimable de son indigne chute. Elles trouvèrent acheteur chez un riche collectionneur reposant une génération entière dans son opulente demeure, avant d’être à nouveau revendues à leur prochain (et non dernier) possesseur.



Sa statue accueille pendant 2 000 ans les visiteurs de la demeure. 2 000 ans que son image hante l’esprit bilieux et irascible de son propriétaire, un jour bourreau. C’est un regard de haine qu’il pose sur celle qui l’observe religieusement jour et nuit. Son mutisme éternel fait monter en lui l’angoisse, aggrave son état d’année en année. Un soir de tempête, la statue est arrachée de son socle et jetée au-delà des dunes, voyage jusqu’au-delà des falaises. Son histoire est oubliée et ses traits de marbre sombrèrent inévitablement dans l’inconnu. Les vies défilent autour d’elle : celle d’un pécheur reikois démuni, d’un pirate républicain audacieux, d’un fanatique bénédictin ou encore d’un détenu sanguinaire du Razkaal. L’idole déshonorée, sans nom et sans auteur, pérégrine sur les terres du Monde, de Melorn à Kaizoku, et Siame hante les âmes qu’elle croise, autant que celles-ci l'obsèdent en retour. Dans les songes des Hommes, l’Ange perdue erre, provoquant folie destructrice, ou enseignant le chemin de la lumière. Privé de liberté, son fantôme vagabonde au gré des désirs de ceux qui possèdent un jour sa statue, et l’Ange n’est jamais plus consciente du Monde qui l’entoure qu’à ce présent jour.

Retour des Titans : l'An 1
Sols de Shoumei

Éveille toi, ma douce messagère des cieux, mon humble servante.
L’aurore chante et ta grâce illumine ce jour nouveau, va.
Elle contemple le retour des Titans sur les terres du Sekai, dans son antre de marbre, enchaînée depuis tant d’années. Dans l'oubli des âges, sa voix et ses pouvoirs se sont éteints et ce n’est que grâce à la présence de ses maîtres que l’Ange engourdie parvient à se défaire de sa geôle personnifiée, abandonnant ses pleurs cristallins et l’écho de sa peine à son cénotaphe de pierre. Ils reviennent enfin… Mais ses pouvoirs affaiblis, sa force endormie, Siame ne répond pas à l’appel de sa maîtresse. Elle tente de retrouver le royaume divin, toutefois, toujours privée de ses ailes, incapable de s’envoler vers les cieux d'où elle vient, l’Ange ne voit d’autres solutions que de fuir la folie de la guerre.

Actuellement : l'An 3
Royaume du Reike

Les titans de nouveau chassés avant qu’elle ne puisse retrouver sa félicité, Siame est contrainte à errer à nouveau sur les terres mortelles, son âme en larmes et sa lumière amère. Seule, elle se nourrit de l’espoir de retrouver ses ailes et de la crainte de se savoir peut-être traquée par ceux vouant une haine viscérale aux divins et à leurs loyaux serviteurs.

Chronologie simplifiée

- 10 000 ans – Naissance de Siame, servante de la titanide Aurya.

- 10 000 ans à - 5 000 ans – Siame parcourt Sekai en qualité d'accoucheuse : elle bénit les enfants à la naissance ou les "emporte" lorsqu'elle croit leur âme pervertie.

- 5 000 ans – Capturée sur les terres Reikoises, elle est torturée et ses ailes lui sont arrachées. Maudite et changée en statue de marbre par son bourreau.

- 5 000 ans à l'an 1 – Privée de sa liberté, des pouvoirs de sa maîtresse chassée à la fin de la guerre, Siame reste prisonnière de son "tombeau" durant 5 000 ans. Ses ailes et son sang sont vendus au plus offrant et trouverons plusieurs propriétaires au fil des années. Sa statue restera en possession de son bourreau pendant 2 000 avant d'être, elle aussi, revendue. Tout comme ses ailes, elle voyagera partout dans le monde, passera entre les mains de différents propriétaires : de riches collectionneurs, à temples religieux, elle restera même quelques années à décrépir sur l'île du Razkaal, avant de finir sa route sur le territoire de Shoumei. L'Ange usera du peu de pouvoir qu'il lui reste pour tenter de communiquer télépathiquement ou par projection astrale avec ceux qui l'entourent.

An 1 – À l'aube de la nouvelle guerre, les Titans de retour sur les terres mortelles, Siame retrouve suffisamment de force pour se défaire de sa prison de marbre. Encore trop affaiblie par ses années passées en captivité, elle fuit la guerre.

An 4 – Abandonnée par ses maîtres et délaissée de son bourreau, Siame erre sans autre but que celui de retrouver ses ailes, et par la même occasion, sa gloire d'antan.

Culte des ombres / Cultisme – Fuyante, vindicative. Torturée et emprisonnée par l'un de ses adeptes, elle accuse l'impureté de leur âme.

Divinisme / Le Nouvel Ordre– Curieuse, aimante. Considère leur foi différente des sentiments qu'elle éprouve envers ses maîtres, mais bénie et respecte leur engagement.

Piraterie / La Pègre– Observatrice. Un jour transportée sur leurs navires, un jour vendue comme objet d'art sur le marché noir, elle assiste silencieusement à leur existence.

Lutte contre les titans / Gardiens du Berceau – Fuyante. Trop faible pour les confronter, elle est réduite à les fuir.