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  • Mar 26 Mar - 18:08

    ⋯ Sur le futur territoire Reikois, environ - 5 000. ⋯

    Noir.
    Noir autour d'elle, noir dans sa tête.
    Dans la pénombre, résonne le cliquetis d'une porte que l'on verrouille.

    Noir.
    Comme les idées qui se faufilent en elle.
    Tout est flou dans son esprit encore choqué. Que s'est-il passé ? Elle a chuté. Elle se souvient d'avoir chuté.  

    Noir.
    Comme le sang Saint qui coule dans ses veines.
    Ses mains se refermèrent sur le molleton en velours d'un fauteuil dont elle connaît l'odeur. Sa tête dodelina contre le dossier. Siame laissa le temps passer sans le voir, rassurée par la familiarité environnante. Elle avait chuté, et ses jambes douloureuses venaient lui rappeler l'événement. Elle avait chuté, oui, mais elle n'était pas morte. La guerre sévissait déjà depuis plusieurs années sur les terres mortelles, néanmoins, l'Ange n'avait connu que les victoires. Son inconscient refusait d'admettre qu'elle ait pu échouer ; la défaite n'avait jamais fait partie de son vocabulaire, encore moins de celui de ses maîtres.

    Elle reconnaissait ces murs. Comment ne pouvait-elle pas les replacer dans sa mémoire ? Elle y avait été invitée des années auparavant. Elle avait offert des sourires au maître des lieux, avait échangé des moments charmants, s'était essoufflée sur ce même fauteuil. Siame n'avait jamais été dupe, jamais au point de croire ses manières galantes et ses promesses séduisantes. Jamais assez naïve pour se laisser berner par ses pouvoirs puissamment envoûtants, mais suffisamment hardie pour consentir de jouer le jeu.

    De toutes les créatures peuplant ces terres, les vampires étaient de celles qui lui avaient paru les plus singulières. Nées de la main d'un mortel, leur être tout entier avait été façonné pour flamboyer aux yeux du Monde. En ce point, les talents du sorcier qui leur avait donné vie rivalisaient avec ceux de sa maîtresse. C'est peut-être pour cette raison qu'elle s'était retrouvée fascinée par leur existence – car seule leur beauté pernicieuse venait peut-être se mesurer à celles des Anges. Néanmoins, elle ne s'y trompait pas, même les apparences les plus délicates pouvaient cacher les tares les plus indignes.
    Elles : Reines célestes, eux : Princes nocturnes, les vampires avaient été leur oxymore parfait sur ces terres. Siame s'était initiée à leurs intérêts, avait cherché à percer le voile épais des mystères qui les entouraient, notamment en la personne de Corvus, premier du nom. Elle avait été témoin de leurs mœurs, de leurs opinions. De leur orgueil aussi, et de leur ambition érigée sur des fleuves de sang. Ils trompaient hommes et femmes, enviaient la place des rois, vivaient de peu de vertus, mais de grands nombres de vices : à commencer par le besoin compulsif d'asservir les faibles à leurs caprices. Seulement, dans leur vanité, ils étaient aussi esclaves de leur désir, victimes de leur malédiction, et Siame, elle, n'était pas faible. Son désintérêt avait été non seulement évident, mais planifié. Il avait aussi été la conclusion de ses recherches et par la même occasion, de leur collaboration.

    De longues heures s'étaient écoulées avant que le verrou ne cliquette à nouveau, la ramenant à la réalité. Elle savait qu'il viendrait, tout comme elle avait su qu'il se plairait à la faire languir. Il n'allait pas rappliquer immédiatement, et chaque minute qui s'écoulait permettait de satisfaire les arrogances froissées d'un homme à qui on avait un jour osé dire non. Siame se souvenait pourtant d'un temps où il ne prenait pas la peine de démontrer quelconque capacité à dompter : ni son impatience, ni sa faim. Un temps où aucune porte ne lui été fermée. Qui aurait cru qu'un simple "non" fut le plus inexcusable de ses crimes, celui qui serait puni par les châtiments les plus sévères ? Que détourner une telle créature de son appétit fut une offense si formidable que même le temps ne lui avait pas pardonnée ? Relégué au rang d'indésirable, il s'était assuré de se faire désirer, ce jour-ci. En fin bourreau, il lui avait laissé le temps de reprendre un peu de forces, de songer à la suite, à l'air frais qui l'attendait au-delà de ces murs. Aux paysages célestes qu'elle ne reverrait jamais – parce qu'il avait décidé de l'en priver. Tout comme elle l'avait un jour privé de ce que son être désirait, sans se douter qu'il ne fût pas de ces hommes que l'on frustre sans en subir les conséquences.

    Combien de temps comptes-tu me garder enfermée ici, Corvus ? Ses mots étaient chargés d'une pointe d'amertume, et dans son dos, ses ailes claquèrent impatiemment, avec la suffisance d'une créature qui se savait aussi divine qu'intouchable. Mais voilà : la vérité était ailleurs, car en ce monde, cette certitude ne fut qu'une illusion. Personne n'était intouchable.

    À cette heure-ci, alors que les rayons du coucher de soleil transperçaient les vitraux de la pièce, baignant la scène dans une lumière dorée, l'Ange rayonnait encore, digne d'une beauté qu'elle croyait alors indéfectible. Sa peau diaphane, parfaite, son visage angélique, ses traits d'une pureté insolente et la sérénité qui émanait de son être n'étaient - pour les esprits les plus perfides – qu'une invitation à venir l'en défaire. Elle leva les yeux vers lui, intercepta son regard pourpre, constata son impassibilité calculée, trompeuse : celle du fin gourmet. Elle sentit son regard, cette volonté de contrôle de soi, qu'elle reçu comme la plus subtile des intrusions. Un frisson coula le long de son échine. La contenance du vampire poussa les limites de son esprit, l'invita à parler quand lui refusait de le faire.

    Je ne suis pas idiote, je ne sais que tu ne me laisseras pas partir si facilement. Autrement, pourquoi avoir pris la peine de la faire livrer ici, après toutes ces années ? Que veux-tu ?

    La chaleur du crépuscule vint caresser l'Ange, glissa sur elle avec une délicatesse infinie, comme si l'astre même reconnaissait en elle l'essence divine de la créature. Il s'agissait d'un au revoir, d'un adieu peut-être.

    Siame n'avait pas chuté. Pas seulement.
    Elle avait joué, un jour gagné, et aujourd'hui : elle perdait.

    L'orage arrivait…


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  • Mar 26 Mar - 21:57
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    Le soleil, se couchant, rayonnait de sa faible lumière dorée sur la demeure de Sieur Sanariel, alors qu’au loin, s’approchant dangereusement, les nuages noirs annonçaient un violent orage. Les oiseaux, perchés sur les branches de l’arbre situé à côté des fenêtres, prenaient leur envol pour fuir cette tempête menaçante. Seuls les battements de leurs ailes résonnaient en ce lieu, là où un carreau de verre était brisé. Le sol était fait de carrelage, ou du moins, cela s’en rapprochait. Des dalles noires, des dalles blanches, dansant en harmonie. Par ailleurs, cette salle pouvant paraître maudite pour ceux qui n’étaient pas à la bonne place, fleurait le sang frais, le sang dont raffolait tant le propriétaire des lieux. Ses proies se retrouvaient bien souvent là, attachées au centre, sur une chaise de fer rouillée, venant pénétrer leur chair. Derrière la victime, de nombreux instruments de tortures, qui ne seront pas décrits ici.

    Le cliquetis de la serrure résonna au sein de cette pièce macabre, venant briser ce silence mortel et, par la même occasion, réveiller la proie du maître des lieux. Cependant, aucune présence ne s’ajouta à cette pièce. Faisait-il exprès de la faire attendre ? Oui, totalement. Il voulait que l’ange sût où elle se trouvait, avant d’apparaître devant elle. Il voulait la faire souffrir, la punir de son refus passé. Personne, non, personne ne devait se refuser à lui. Il était puissant, il était influant, il était charismatique. Et cela ne lui suffisait pas ? Eh bien, elle trouvera la mort ici-même. Elle se verra baigner dans son propre sang, avant de se faire dévorer vivante par l’être nocturne, ne voulant répandre que le désespoir autour de lui.

    Après quelques minutes à faire patienter sa victime, le vampire entra. Vêtu de son armure de guerrier légendaire, il avança dans cette pièce fleurant le sang. Sur son visage, il portait un masque, arborant des teintes sombres, le noir ébène et le rouge carmin, tout ceci en une forme élégante de tête de dragon, reflétant parfaitement celui avec qu’il combattît durant cette guerre absurde contre les titans. Sa voix ne pouvait être normale, non. Sous ce masque se dessinait le visage d’un homme que l’ange ne connaissait que trop bien, un homme à qui elle avait eu le malheur de se refuser. Les traits du visage de cet homme, encore mystérieux, dessinèrent un léger sourire, alors que son nom fût prononcé par l’être ailé.

    Soudain, la voix du vampire résonna, une voix métallique et rauque, déformée par ce masque d’acier, accompagnée de léger rictus tout aussi insupportable qu’effrayant. « Siame, Siame, Siame. Combien de temps ? Si cela ne tenait qu’à moi, et, malheureusement pour toi, c’est le cas, tu passerais l’éternité ici. L’entièreté de ta misérable vie, qui s’achèvera ici-même. Puisque tu ne repartiras jamais de cet endroit en vie. » déclara-t-il, laissant ses prunelles écarlates glisser le long du corps de sa proie, avec appétit. « Tu m’as vexé, Siame. Que te faut-il de plus ? Je ne le sais pas. Et à vrai dire, je m’en moque. Je vais assouvir mes désirs sur cette chaise, en temps voulu. » souligna-t-il, ce sourire persistant sous ce masque mystérieux. « Arrête donc de jouer avec ces magnifiques ailes, Siame. Évite de les abîmer davantage. » ajouta-t-il, riant de nouveau, un rire machiavélique, effrayant.

    Il s’arrêta net dans sa marche, à quelques mètres seulement de la créature ailée. Il laissa son regard fixé celui de cette-dernière, souriant encore, et encore. Il buvait ses paroles, sa voix était si douce. Et pourtant, cela ne lui suffisait pas. « Ce que je veux ? » Un nouveau rire, puis il s’avança doucement en direction de l’ange. Ses pas résonnaient dans cette pièce paraissant vide pour Siame, mais qui, en réalité, comportait tout ce qui allait la blesser. La lueur dorée du soleil était absorbée par ce masque d’ébène. Un contraste parfait entre l’ange et le vampire. L’une dont la lumière caressait sa peau et l’autre, dont cette lumière disparaissait à son contact.

    À quelque centimètre de l’ange, le vampire retira son masque d’acier, le positionnant au-dessus de sa tête. Ainsi, il dévoilait son visage parfaitement lisse, parfaitement pâle. Sa longue chevelure immaculée descendait en cascade sur ses épaules et, ses prunelles écarlates absorbaient la lumière de l’astre solaire, semblant refléter cette magnifique lumière, pourtant si assassine pour sa peau. Une nouvelle fois, il scruta chaque partie du corps de l’ange de ses prunelles écarlates, puis il les laissa glisser jusqu’aux perles de son interlocutrice. Non, de sa captive. « Je te veux toi, Siame. Je veux ton sang, ton essence. Je veux te voir souffrir, te voir sombrer dans la folie. Je veux que tu regrettes tes paroles, avant de trouver la mort, d’abord psychique et ensuite physique. Tu ne sortiras jamais d’ici en vie. » Sa main gantée d’acier caressa légèrement la douce joue de l’ange. « Je vais m’amuser avec toi tel le vulgaire jouet que tu es. » Puis, il décolla sa main du visage de la créature ailée, avant de reculer.

    « Bien. Commençons notre petit jeu. » s’exclama-t-il, avant de sortir une lame parfaitement blanche de son pourpoint. Puis, il la tendit droit devant lui, laissant le soleil se refléter sur cette-dernière. Soleil qui bientôt, disparaîtrait derrière une épaisse couche de nuage. « Vois-tu cette lame ? L’objectif est de la recouvrir de ton sang. Bien sûr, je ne suis pas si cruel, je vais te laisser choisir l’emplacement de ta plaie. » continua-t-il, s’approchant doucement de sa victime, ses pas résonnant toujours autant. De nouveau, il se baissa, puis caressa le visage de l’ange du dos de sa lame, sans appuyer, afin de laisser cette magnifique peau encore intacte car, il en aurait certainement besoin plus tard. Ses prunelles carmines se détournèrent sur le fond de la salle, scrutant le moindre instrument de torture présent. Il réfléchissait à quel objet utiliser en premier.
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  • Mer 27 Mar - 17:07
    La vue du sang ne l'avait jamais vraiment dérangé. La guerre entre les mortels et les Titans faisait rage à cette époque, et Siame, aussi angélique pouvait-elle apparaître, auréolée de l'aura de sa maîtresse, n'avait pas l'ingénuité d'une enfant de cœur. Les affres de cette ère et les besoins de la guerre ne permettaient ni préciosité, ni simagrées. C'était tuer ou se faire tuer. A cette occasion, le choix était vite fait et l'Ange se retrouvait plus souvent bourreau que victime. Elle s'était accoutumée à la violence qui l'entourait, comme n'importe qui l'aurait fait. Du moins, c'est ce qu'elle croyait être vrai. Malgré les nécessités sanglantes de la guerre, elle n'était jamais l'instigatrice d'abominables tortures. La mort qu'elle offrait était brutale, mais propre et rapide.

    Bien que déformée par le masque qu'il portait, Siame reconnaissait chacune des inflexions de sa voix. Dans sa bouche, son nom prenait une toute nouvelle consistance. Il lui donnait le sentiment écœurant de se l’approprier un peu plus à chaque syllabe, à chacune de ses répétitions. Il le réitéra une fois, deux fois... Puis une troisième, et elle le soupçonnait d'espérer qu'elle se fut sentie flattée de posséder ainsi ses lèvres. Son regard se posa sur ce rictus qu'il lui offrait derrière le masque – et qui s'accentuait au fur et à mesure où ses ongles à elle s'enfoncaient dans les accoudoirs du fauteuil. Elle connaissait le regard qu'il coulait sans pudeur sur son corps, mais ignorait tout du feu nouveau, avide, flambant dans ses prunelles. Ce n'est pas la sensation d'être nue à ses yeux qui la troubla à cet instant, mais celle de se savoir déjà abusée dans son imagination.

    L'Ange se crispa lorsqu'il évoqua ses ailes. Son sang se mit à bouillir dans ses veines. Une plume voleta silencieusement entre eux pour venir choir sur l'un des pavages noir du carrelage et Siame prit conscience de son environnement. La vue du sang ne l'avait jamais dérangée, non. L'odeur non plus.
    Jusqu'à ce jour.
    Ici, en ces lieux, elle était si puissante que l'Ange s'étonna de ne pas l'avoir remarqué plus tôt. Étouffante, l'odeur ferreuse lui prenait les narines, lui saturait la gorge, et ses lèvres s'entrouvrirent malgré elle. Elle détourna la tête, aperçut enfin les instruments qui meublaient la pièce et dut se couvrir la bouche pour éviter de dégurgiter. L'odeur était atroce, mais pas autant que les images morbides qui s'insinuaient en elle. Ce genre de chose ne devait appartenir qu'aux champs de bataille, et pourtant...

    Tu me dégoûtes, Corvus. Elle cracha les mots qui lui brûlaient la bouche.

    Il s'approcha un peu plus, et à nouveau : la caresse dérangeante de ses yeux sur son corps. Celle d'un homme – d'un monstre – habitué à posséder. Elle l'aurait giflé, si elle n'avait pas tant tenu à sa vie. A défaut, l'Ange se contenta de soutenir l'orage de son regard et ses sourires fielleux avec toute la difficulté que cela demandait, quand la gravité de sa voix faisait lentement couler le plomb de sa volonté dans sa poitrine. Ses mots, ses promesses cruelles, étaient aussi intrusifs que s'il les lui avait susurrés à l'oreille. Et quand le froid terrible de sa main gantée mordit la douceur de sa joue, Siame sentit l'éclat coléreux fusionner avec le profond dégoût qu'il lui inspirait. Elle souffla un rire sec par le nez, sa voix prenant des inflexions plus nerveuses.

    Tu croyais quoi ? Que j'allais rappliquer sagement dès que tu le souhaitais ? Que j'allais me soumettre à chacune de tes envies sans jamais contester ? Si l'odeur du sang n'était pas venue lui nouer le ventre, elle aurait certainement gloussé à gorge déployée devant la bêtise d'une telle idée. Elle l'aurait probablement fait, avant d'être rappelé par l'appétit vorace qui semblait consumer son vis-à-vis. Adopte un chien, Corvus.  

    Elle soutenait son regard, manifestant le mépris monumental qu'il lui inspirait alors. Jamais elle n'avait été traitée de la sorte. Elle n'avait pas oublié que ces mêmes lèvres avaient été capables de s'arrondir des promesses les plus délicieuses, celles de lui offrir ce qu'elle désirait. Maintenant, elles lui promettaient de tout lui prendre, de tout lui arracher.

    Tu n'auras rien de moi.

    Maudissant sa voix de ne pas avoir été plus ferme, d'avoir tremblé sur ces derniers mots, elle enragea intérieurement. Si elle ne se mettait pas en colère immédiatement, elle mourrait de honte de se voir ainsi clouée par l'angoisse. Ses bras se mirent à trembler sur les accoudoirs animés d'une furieuse détresse qu'elle ne se connaissait pas encore. Elle sentit son cœur battre dans sa gorge, ses veines pulser sous le coup de l'adrénaline. Un noyau dur vibrait quelque part au fond d'elle, un noyau qu'elle découvrait alors. C'était sa conscience qui refusait de se soumettre à la peur menaçant de la consumer, quand tout était programmé autour d'elle pour la faire flancher : du silence de la pièce, à l'étalage d'instruments de supplice. De l'exubérance des paroles du vampire jusqu'à son regard emplis de haine et de convoitise.

    Quand la lame blanche vint narguer sa peau, l'Ange ravala péniblement sa salive, passa la pointe de sa langue sur ses lèvres et s'en mordit anxieusement la pulpe. Elle s’arrêta avant de se faire saigner.

    Je refuse de jouer à tes jeux de cinglé. Pauvre malade.

    Profitant qu'il détourne son attention, elle se releva subitement. Elle avait travaillé trop dur depuis son arrivée sur les terres du Sekai pour mourir entre les mains d'un fou. Son regard glissa brièvement sur la lame et Siame battit des ailes. Voulu battre des ailes pour se dégager. L'Ange trébucha en avant, ses ailes refusant de lui répondre. Ses appuis étaient affaiblis par sa chute antérieure et par l'angoisse s'insinuant dans chacune des cellules de son corps. Elle bascula en avant, son visage s'écrasant contre le pourpoint du vampire qui la surplombait. Réalisant que ses ailes étaient entravées par des liens en acier, se sentant insultée d'une telle manœuvre, elle eut un rictus mauvais.

    Tu te ramollis Corvus. Tu ne prends même plus la peine de chasser tes proies toi-même, tu te les fais directement livrer enchaînées par tes larbins.

    Lui qui se targuait de tout cet orgueil si masculin, si viril : voilà à quoi il en était réduit. Un gamin capricieux. Incapable de soutenir le poids du fardeau qui lui incombait. Elle releva son visage, ignorant le râpement de sa peau sur l'acier du pourpoint, l'absence de battement à travers cette poitrine. Siame chercha le regard du vampire, le fusillant de la sorte, juste pour venir lui cracher son venin à la figure.

    C'est pathétique.


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  • Jeu 28 Mar - 17:09
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    Le vampire laissa la peau lisse de son visage se déformer légèrement, lorsqu’il entendît les paroles de l’ange. Ainsi, il lui inspirait le dégoût ? Cela ne pouvait que le ravir. Il n’enfermait généralement pas ses proies pour simplement les rendre admiratives de sa personne, non, bien au contraire. Plus celle-ci le détestait, plus il en était heureux, plus il serait cruel. C’est un cercle vicieux qui ne s’arrêtera que lors de la mort d’un des deux protagonistes de cette histoire. Du moins, c’est ce que le guerrier Reikois avait en tête en l’instant, en observant la créature ailée qu’il chérissait autrefois. Rien qu’en regardant son regard, il devinait toute la haine qu’elle ressentait à son encontre. C’était jouissif pour le vampire, qui en demandait davantage.

    « J’aurais préféré que tu te présentes directement à moi. Cela t’aurait évité une situation… disons : désagréable. Bien entendu, tu peux te débattre autant que tu le souhaites, mais, tu en connais le prix, je suppose. Et si ce n’est pas le cas, tu ne tarderas pas à le découvrir. » Cracha-t-il à l’encontre de la créature à la chevelure immaculée. « Un chien ? Il me semble avoir tout ce qu’il me faut juste en face de moi. Bientôt, tu n’auras pas d’autre choix que de m’obéir, si tu tiens tant à ta misérable vie. » ajouta-t-il, sa voix grave résonnant dans toute la pièce. Tout en laissant sa voix s’échapper d’entre ses lèvres, il dessina un léger sourire malsain sur son visage. Un sourire voulant tout dire, venant compléter ses paroles.

    Il gardait ses prunelles écarlates ancrées dans le regard de son interlocutrice. Il ne pouvait s’empêcher de la trouver appétissante, rien qu’à l’odeur de son sang céleste, si précieux pour un être tel que lui. Pensait-elle réellement qu’il n’allait rien obtenir d’elle ? L’espoir fait vivre, après tout. Il ne prit même pas la peine de lui répondre, préférant rire de nouveau face l’absurdité des paroles de l’ange, alors même qu’elle n’était pas en position de force. Prononcer de telles paroles avec la voix tremblante, ce n’était absolument pas crédible, et cela, le vampire le savait aussi bien que son interlocutrice.

    Pauvre Malade ? Intéressant. Il le voyait, elle s’apprêtait à se lever pour s’envoler. Voulant lui ôter tout espoir, il l’en empêcha point. Au contraire, il fit mine d’être attiré par autre chose, alors que sur son visage, un sourire naquit, un sourire sadique. Il voulait qu’elle comprît dans quelle situation elle était. Il voulait qu’elle comprît que les insultes prononcées plus tôt allaient être ses dernières.

    Et c’était en cet instant que l’ange tomba lamentablement sur le torse de Corvus. Le rictus mauvais de la créature ailée ne pouvait que ravir davantage le vampire, qui esquissa un sourire encore plus large sur son visage, tout en écoutant les paroles de son interlocutrice. Il laissait ses prunelles écarlates glisser en direction du regard de Siame, un regard pouvant inspirer la peur pour quiconque le voyait, mais pas pour le vampire, lui qui en tirait de plaisir sadique. De nouveau un rictus, alors que sa main gantée vint caresser la chevelure de l’ange. « Allons, tu te doutes bien que je n’avais pas le temps de te courir après. Et puis, cela n’aurait pas été très intéressant, je n’aurais pas pu résister à l’envie de te tuer. Alors qu’ici, j’ai de quoi m’amuser un peu avec toi. » cracha-t-il, maintenant ce sourire malsain.

    Soudain, la seconde main du vampire se porta sous le menton de l’ange, venant le saisir fermement. Il lui secoua légèrement la tête, puis, la lueur émise par ses rubis s’intensifiait. Quant au cœur carmin de son armure, il se mit à luire, laissant cette douce lueur caresser le visage pâle de l’ange, la rendant encore plus délicieuse. La main auparavant sur la chevelure de Siame se porta sur sa droite, à l’abri du regard de cette dernière. Puis, à l’aide de sa télékinésie, il attira une paire de menottes, complètement rouillées, ainsi qu’un collier de chaînes rouillées rattachées à une corde. Il s’en empara et, sous le regard d’acier de sa proie, il déploya ses ailes draconiques.

    D’un mouvement gracieux et décousu, les ailes se mirent en mouvement, créant une bourrasque soulevant la poussière présente dans la salle de tortures. Puis doucement, les protagonistes quittèrent le sol pour s’envoler à trois mètres du sol, la hauteur sous plafond ne permettant pas d’aller plus haut. Doucement, il souleva le visage de Siame, de manière à ce qu’il fût en face du sien, puis, il ancra son regard carmin dans les prunelles argentées de sa victime. « Sais-tu ce qui est le pire pour une personne de ta race, Siame ? Pour une personne pensant être divine ? » Une question qui, naturellement, n’attendait pas la moindre réponse. « C’est de s’écraser lamentablement au sol, comme si elle n’était rien. » Il marqua une légère pause, rapprochant le visage de Siame du sien, puis, il chuchota légèrement. « Et tu n’es rien d’autre qu’un objet, Siame. Ton existence n’a pour but que de me satisfaire, et rien d’autre. Tu es mon jouet, ma chose et, il est temps pour toi de le comprendre. » Il scrutait le regard de l’ange, pour tenter de déceler ses sentiments en cet instant.

    « Tu n’es qu’une merde. »

    Puis, la main gantée de Corvus lâcha prise sur le menton de Siame, la lâchant pour une chute de trois mètres de haut. Même si cela paraissait ridicule comme hauteur, elle aurait un grand impact pour Siame, ne pouvant s’envoler sans ses ailes. Enfin cela, c’était bien les pensées du vampire. L’ange engageait dès à présent une chute ne durant point longtemps, mais qui pouvait paraître éternel.

    Il profita de l’atterrissage corsé de la créature ailée pour lui appliquer les liens dont il s’était emparé auparavant. Il appliqua d’abord les menottes, serrant extrêmement fort, de manière à ce que sa chair s’arrache si elle tentait de se débattre. La rouille rendant le spectacle encore plus délicieux. Puis, il appliqua le collier autour de son cou, en éclatant de rire. Un rire malsain faisant froid dans le dos à quiconque l’entendait. Il tira sur la corde pour traîner l’ange sur quelques mètres, puis, il laissa ses prunelles glisser sur le corps de la créature, avant de finir leurs courses dans son regard d’argent. « Maintenant Siame, assieds-toi. » cracha-t-il, calmement, avant que la sclère de ses yeux ne virassent au noir et que ses canines ressortissent. Si Siame était suffisamment maligne, elle obéirait.
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  • Ven 29 Mar - 15:23
    Le grondement rauque de sa voix réverbéra contre les murs pour venir s’enfouir au plus profond de la poitrine de l’Ange. Elle se sentit frémir.
    Ses mots faisaient enfler les ressentis de Siame à son encontre, bien sûr. Mais ce n’était rien face au froid glacial qui s’était répandu dans son corps à la caresse sur ses cheveux. Le geste avait été doux, sensible, humain. Déchirant. Elle en fut ébranlée. C’était peut-être la pire chose qu’il pouvait lui faire : balancer son sadisme de tendres – mais trompeuses – attentions à son égard. D’alterner entre haine et douceur, sans que Siame ne sache s’il comptait la prendre dans ses bras ou s’il s’apprêtait à abattre le bâton. Sans qu’elle ne sache réellement où reposait sa sincérité : dans les deux, peut-être. Peut-être s’attisaient-elles même l’une et l’autre.

    Ses insultes, elles, n’étaient rien de plus que des cailloux sur son chemin. Sa vie n’avait jamais été misérable : elle avait été noble, majestueuse, emplie de gloire et de victoires. Mais Siame était plus que certaine qu’il voulait la rendre misérable. Qu’il voulait la voir misérable. Les injures ne l’atteignaient pas, mais les promesses silencieuses dans le fond de ses yeux ? Elle y croyait sincèrement. Il attrapa son menton, releva son visage vers lui, plongea son regard dans le sien et elle sut : il n’allait pas la tuer. La tuer aurait été trop simple, trop facile… Trop rapide.

    Elle voulut se dégager de sa prise d’un mouvement sec. Il lui refusa la possibilité de se dégager, la maintenant fermement entre ses doigts. On entendit le métal des chaînes claquer contre le sol, gifler le carrelage, tout près. Siame aperçut le scintillement de l’acier terminer sa course dans la main du vampire. Quand il la nargua, déployant ses ailes – libres de voler, contrairement aux siennes – pour leur faire quitter le sol, elle s’accrocha tenacement à son bras. Ses mains s’y agrippèrent et s’il n’avait pas porté son armure, ses ongles se seraient enfoncés dans sa chair. La poussière de la pièce lui disait qu’il avait attendu, ô combien patiemment, ce jour précis. Combien de fois avait-il imaginé ce qu’il lui ferait ? Combien de nuits avaient-elles été rythmées par les cruautés qu’il se plaisait à faire subir dans son esprit ? La question qu'il lui posa, la privant de quelconque droit de réponse, raviva l'orgueil de l'Ange.

    Je ne me pense pas divine. Je le suis, rétorqua-t-elle, sifflant entre ses dents. Il n’y a rien que tu puisses me faire, il n’y a rien d’assez vil que ton esprit malade puisse imaginer pour me priver de ça.

    Était-ce seulement vrai ? Sa maîtresse l’avait façonnée pour ressembler à l’Amour même. Elle l’avait doté d’ailes majestueuses, de missions divines… Et pourtant, sa maîtresse était silencieuse, désormais. Siame pouvait sentir les forces qu’elle lui procurait s’amoindrir au fil des minutes. En son for intérieur, l’Ange l’implora.
    Quand le vampire s’approcha de son visage, qu’elle pu sentir le souffle chaud de ses vicieuses déclarations sur sa peau. Elle chassa la sensation de la ligne de son ventre qui se creusait, en réponse, d’une joie inexplicable, déconcertante. S’il s’imaginait triompher d’elle ainsi… De la faire succomber sous le poids de ses désirs et la folie de ses fantaisies sanglantes… La prise sur son menton se relâcha et une panique fugace vida son esprit. Siame ferma les yeux pour qu’il n’y voie pas l’éclat blanc de rage qui y brillait.

    Puis elle chuta. Encore.

    Elle chutait et ses ailes refusaient de lui répondre.
    Elle chutait et sa maîtresse demeurait muette.

    Elle ne chercha pas à se débattre contre les liens emprisonnant ses ailes, signe de capitulation ultime : elle accepta la chute. La douleur transitait dans son corps, c’est pourtant l’abandon de sa maîtresse qui eut raison d’elle. Le corps lourd, accablé, l’Ange ne contesta pas quand il lui passa les menottes, ni lorsqu’il les lui serra jusqu’à l’os. Pas non plus lorsqu’il enserra sa gorge. Elle sentit maintenant l’humiliation rougir sa poitrine et faire chauffer sa nuque, ses joues. Si la chute avait été douloureuse, déshonorante pour la créature céleste, elle n’était rien face au fait de se sentir enchaînée, privée de cette liberté qui lui était dû. Au diable la douleur, rien n’était pire que de se sentir gauche, lourde, faible.
    Rien n’était pire que la honte de ne pas pouvoir se servir de ses ailes.

    Son rire la rappela à la réalité. Elle accueillit de nouveau le regard avide qu'il coulait sur son corps avec mépris. Elle aurait peut-être dû saluer son obstination à posséder sa chair sans jamais la toucher, à contrôler encore les prétentions – de l’avoir pour lui, muselée à ses vicieuses exigences - dont il se vantait. L’ordre qui suivit claqua contre sa volonté. Elle décela le changement pourtant imperceptible de sa voix. Un froid pernicieux coula dans le creux de sa poitrine.

    Va te faire foutre, Corvus.

    Et l’Ange obéit.
    Sa honte si profonde qu’elle éprouva le besoin de la faire dégonfler immédiatement.
    Cette fois-ci, c’était jusqu’au sang qu’elle se mordit la lèvre.

    Au détriment de tout instinct de survie, à l’honneur d’un ego supérieur, encore trop résistant, ravivé par des années de conquêtes et d'assujettissement de nations entières, un sourire moqueur s’accrocha à ses lèvres. Siame perçut la variation de ses pupilles, le feu capricieux qui flambait impérieusement au fond des yeux du vampire. Elle devina le désordre dans son esprit à travers le plissement des traits de son visage, apprécia la crispation de son corps entier. Curieusement, elle se demanda si c’était l’odeur ferreuse de ses lèvres qui l’avait provoqué, ou la constatation qu’elle n’était pas que la salope supposément inaccessible qui l'avait éconduit, qu’elle était tout à fait disposée à obéir aux ordres lorsque sa vie en dépendait.

    Heureux ?

    L'Ange s’était toujours intéressée aux mortels : à leurs craintes – celle de mourir seul –, à leurs ambitions – souvent démesurées, rarement atteintes –, à leurs occupations – douloureusement inutiles. Mais de tout ce qu’elle avait un jour observé, c’étaient leurs désirs sombres qui la fascinaient. Elle se laissait captiver par tout ce qu’il y avait de plus mystique chez eux : leurs vides, leurs néants, le besoin impitoyable de les combler. Siame aimait toutes ces choses qui se cachaient entre le cœur et l’os, entre la morale et la plus brute authenticité d’un être. En ça, il y avait chez le vampire quelque chose de magnétique. Derrière le plaisir évident, elle aurait pu parier qu'il y avait un tout autre enjeu : celui de prouver qu'il était ce qu’il était, et toute l’horreur que cela comprenait. Le prouver à tous, à elle, mais aussi –  surtout –  à lui-même. Puisqu'elle ne voulait pas de lui comme amant dans son histoire, il serait son bourreau. Mais il serait là. Dans les lignes de ses chroniques, dans son esprit, sur sa peau, pour l’éternité.

    Ce besoin irrépressible de ne pas être oublié, d’exister au-delà du temps, elle pouvait le lire derrière le masque du tortionnaire. Elle le devinait à travers les palpitations sensibles de sa gorge – qui pouvaient, ironiquement, lui donner à elle aussi l’envie d’y planter ses crocs. Siame réalisait qu’elle avait devant elle un homme qui se découvrait en même temps que sa haine gonflait. Un homme qui n’avait pas encore été rassasié par la vie, que l’ennui du crime, du criminel de ses vices n’avait pas encore frappé, ni vidé.


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  • Ven 29 Mar - 20:09
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    L’ange, tout en glissant une nouvelle insulte, bien plus légère que les précédentes, obéit à son nouveau maître : Corvus Sanariel, celui qui n’eut aucune pitié pour qui que ce fût. Si la magnifique créature ailée pouvait trouver cela honteux, le vampire lui, trouvait cela pathétique. Quelques instants plus tôt, Siame affirmait être un être divin et, à ce moment, elle n’était plus rien de cela, elle n’était plus qu’un déchet, devenue la possession d’un être odieux et sadique. Ses prunelles écarlates et noires étaient ancrées dans le regard de la créature ailée, puis, il enroula la corde lui servant de laisse autour de son avant de l’attacher à la chaise. De ce fait, elle ne pourrait même plus bouger son délicieux visage. Elle n’avait plus que les mots et, la psyché, pour se défendre. Cela serait-il utile ? Certainement pas. À la vue de l’ange prisonnier, le chasseur nocturne laissa les traits de son visage se déformer en un sourire sadique, avant de faire disparaître ses canines de ses lèvres. « Tu es désormais tenue en laisse, comme la chienne que tu es. »

    Tout en laissant ses mots s’échapper d’entre ses lèvres, le vampire épia son esclave, observant méticuleusement ses lèvres rougir et, dégager une odeur de sang ferreux. À la vue de ce liquide carmin, s’écoulant doucement des lèvres de l’ange, le vampire devint fou. Une goutte coulait le long de son menton, contrastant parfaitement avec sa peau immaculée.  Son cœur s’emballait, tout à coup, il avait envie de la créature ailée, non pas seulement pour son corps et sa satisfaction malsaine, non, il voulait aussi la goûter, la dévorer. Elle était sienne, il en faisait ce qu’il voulait. Mais, pourquoi se faire saigner des lèvres ? S’attendait-elle à voir le vampire la lécher à cet endroit ? Sans réfléchir à ce qu’elle cherchât à faire ? Il n’était pas dupe, loin de là. « Oui, mais, je ne suis pas idiot, Siame. Je suis navré mais, je ne poserai pas ma langue sur tes lèvres, même si, je sais que tu en as l’envie. »

    Doucement, la main gantée du vampire se promena sur la délicate joue de l’ange, enlevant une mèche d’argent se trouvant devant l’une de ses prunelles. Il passa celle-ci derrière son oreille puis, il s’approcha du visage de Siame, posant presque son front contre le sien. Du bout des doigts, il se promenait sur le visage de l’ange, avant de finir sa course sous son menton, soulevant légèrement la tête de la créature ailée. De nouveau, ses canines ressortirent de sa bouche et, ses prunelles se mirent à luire doucement, dans une lueur écarlate. « Tu es mienne Siame. Ne trouves-tu pas cela jouissif ? Je peux faire de toi ce que je veux. C’est exaltant. » déclara-t-il, doucement, dans un souffle brûlant qui caressa le visage de son interlocutrice.

    Le sang coulant des lèvres de Siame se mit à s’envoler en un sillon carmin, tournant autour de Corvus, alors que sur le visage de ce dernier se dessinait un large sourire carnassier. Puis, le sillon sanguin se dirigea délicatement sur les lèvres du vampire, qui y passa sa langue, dégustant le sang de l’ange. Son cœur s’emballa de plus en plus, ce sang, ce goût ferreux, il n’en avait jamais dégusté d’aussi bon. Il leva soudainement la tête, riant aux éclats. Puis, sa tête revient face à celle de Siame. Sa main quant à elle, empoigna le menton de cette dernière. « Donne-m’ en plus Siame. Fais couler plus de sang de tes délicieuses lèvres. Dépêche-toi, obéis. » cracha-t-il, resserrant sa main autour du visage de l’ange, laissant ses griffes acérées pénétrer la première couche de peau de Siame, lui faisant des marques sans pour autant la faire saigner.

    L’ange s’exécuta, offrant davantage de son essence à Corvus. Tout en maintenant sa mâchoire pour éviter une éventuelle morsure, le vampire ne put s’empêcher de passer sa langue sur les lèvres de la créature ailée. Après quelques effluves absorbés par le chasseur nocturne, ce dernier propulsa la tête de Siame en arrière, lâchant son étreinte devenant bien trop forte. Il ne voulait pas l’abîmer, pas maintenant. Lentement, il recula de quelques pas, maintenant son regard envieux et pervers sur Siame. Ses canines se rétractèrent et, ses prunelles elles, redevinrent d’une couleur normale, laissant son écarlate s’entourer d’un blanc immaculé. « Tu m’as bien abreuvé, Siame. C’est exactement ce que j’attends de toi. Que tu me donnes le précieux sang qui coule dans tes veines. Ce liquide si délicieux que seule une poignée d’être vivant possède, ce sang divin. Tu n’imagines pas quelle extase c’est pour moi que de pouvoir me sustenter de ton essence. Je ne m’en lasserai jamais, sois-en certaine. Heureusement, ce n'est pas la seule chose que je te prendrai… » une légère attaque mentale, provoquant quelques picotements dans la tête de l’ange. « Pour les prochains jours. » annonça-t-il, souriant encore et, encore.

    Il usa de sa télékinésie pour faire venir jusqu’à lui une Fourche de l’hérétique. Une tige en acier avec, sur chaque extrémité, deux pics, ce qui faisait penser à une fourche ou une fourchette. Il s’approcha et, l’attacha autour du cou de sa victime, juste au-dessus des chaînes, soulevant légèrement la tête de Siame pour pouvoir mettre en pratique cette horrible torture. « Le soleil se couche, il est temps pour moi de t’abandonner à ton sort jusqu’à demain. » annonça-t-il, finissant d’attacher la sangle en cuir autour du cou de Siame. « Les règles de ce nouveau jeu sont simples, Siame. La fourche supérieure demeure sous ton menton et, l’inférieure contre ton sternum. Elle va s’enfoncer petit à petit dans ce dernier. Et, si tu baisses la tête, elle s’enfoncera dans ta tête, perçant ce délicieux menton, perçant ta langue, ta gorge, provoquant ta mort instantanément. Embêtant n’est-ce pas ? » demanda-t-il, levant légèrement la tête pour surplomber son interlocutrice. « Si par malheur tu venais à t’endormir, alors ta tête se baisserait naturellement. Alors, reste concentrée pour ne pas fermer les yeux, contemple donc ce plafond, depuis lequel tu es tombée, sans la moindre possibilité de t’envoler. Concentre toi sur ta divine chute. » Il déposa ses lèvres contre les siennes. « Bonne nuit, délicieuse créature. » Sa voix résonna une dernière fois dans cette vaste étendue, alors que le vampire disparu subitement dans les ténèbres de la nuit, laissant l’ange sur place, attachée à une chaise, ne pouvant même pas bouger la tête.
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  • Dim 31 Mar - 21:44
    Sa liberté lui semble tout à coup diablement loin, quand il lui fait remarquer la corde qui pend à son cou. Il fallait croire qu’il prenait un plaisir singulier à lui signifier, à la rabaisser de sa nature céleste, divine. Le mot “chienne” s’enrobait, entre ses lèvres, d’une saveur toute particulière et Siame y perçoit la satisfaction vicieuse que cela lui provoque. Ne savait-il donc pas que rabaisser une femme signifiait d’abord se rabaisser soi-même ?

    Mais tout ça, ce n’était rien à côté du changement soudain dans son regard quand ses yeux se posent sur le sang sombre suintant sur son menton. Oh non, toute cette humiliation n’était rien face au caprice fou contre lequel elle le sent lutter intérieurement. Il n’existait pas de spectacle plus exquis qu’un homme bataillant pour résister à ses propres instincts. Ses yeux à elle se font étrangement doux, lorsqu’il lui fait remarquer ce qu’elle sait être faux… Elle ne refuse pas la main qui cueille sa joue, ni le front qui se colle au sien. Elle ne refuse pas non plus les doigts qui courent sur sa peau. Siame les accueille avec une torpeur nouvelle, lascive, invitante. À cet instant, ses yeux sont une promesse chaude, lui donnent tous les noms : mon maître, mon prince, mon roi, mon tout. Ils sont une ode muette aux menottes et à une forme d'enthousiasme déroutante, que l’on avoue qu’en secret. La vue des canines entre ses lèvres provoque en elle une délicieuse satisfaction. Ne trouvait-elle pas cela jouissif ?

    Oui.

    Sa réponse échappe ses lèvres urgemment, dans un même souffle, sans le moindre chi-chi. Oui, simplement oui. Elle hoche la tête, obéissante. C’était l’euphémisme universel, l’aveu incontestable de : je t’appartiens et je me soumets. Siame contemple le spectacle méticuleux, les dispositions délicates qu’il met en place pour goûter son sang. Elle se réfrène de sourire quand elle voit la magie noire au fond de ses yeux. Cette magie sombre, sale et belle à la fois, que seul un mortel avait pu créer. Ses mains se font plus intrusives, possessives, sur son visage, et il n’a pas besoin de demander une seconde fois pour que le sang se répande de plus belle sur sa bouche, sur son menton. Les mots qu’il choisissait la faisaient frémir, réveillant en elle des parties qui lui étaient encore inconnues. Il était plus facile de se conformer, d'obéir. C’est gracieusement qu’elle lui offrit ce qu’il exigea. Et voilà qu’enfin – enfin – il s’approche, et que sa langue vient cueillir le sang chaud sur ses lèvres. Le désir prenait peu à peu le dessus chez lui. Ce n’était pas un simple besoin, comme celui de la faim, mais une compulsion tendue, élastique : l'envie irrépressible de ravager.  L’Ange se prend à sourire triomphalement contre sa bouche, quand elle murmure :

    Tu as raison. Tu n’es pas stupide. Sa voix se fait plus langoureuse, quand elle poursuit dans son sourire de vipère. Tu es prévisible. Ce qui est encore pire. Qui est le chien maintenant, Corvus ? Qui vient léchouiller affectueusement le visage de sa maîtresse ?

    Elle savait qu’il l’avait tenu plus fermement pour l’empêcher de le mordre, – peut-être l’aurait-elle fait, peut-être aurait-elle arraché directement sa langue de sa gorge – mais ça n’enlevait rien à sa victoire. Il restait à savoir qui était le vrai maître de la situation : celui qui prenait, ou celui qui donnait ? Siame ne regrettait aucunement son initiative, ni sa soumission apparente. Inutile de dire qu’elle aussi pouvait se montrer très joueuse et très vilaine. Elle aimait le voir ployer ainsi à des instincts plus forts encore que l’orgueil dont il refusait de se départir. Cette illusion de maîtrise qu’il se donnait était la plus subtile des ironies. Pour l’Ange, ce n’était là qu’une façon pour elle de prendre l’ascendant. Les bêtes bien nourries se comportaient toujours mieux que les saints affamés. Elle défie ses prunelles assombries par le sang qu’il avait bu, et leur éclat vient la saisir plus fermement à la poitrine. C’était ainsi que le monde était fait : les hommes étaient des menteurs, des hypocrites orgueilleux, des lâches, des créatures méprisables et destructrices. Les femmes, elles, étaient toutes des vaniteuses, des tentatrices perfides, curieuses et corruptrices. Quoi de plus sublime et de plus sacré que de les voir ces deux êtres médiocres et affreux finalement rassemblés ? Cet homme lui ferait découvrir qu’elle n’avait pas besoin de remporter toutes les batailles, ni tous les honneurs. Que certaines victoires nécessitaient de s’armer de patience et Siame y consentait parfaitement. Sa maîtresse l’avait créé forte ; Corvus, en la détruisant, la rendait invincible.

    Ton existence est une abomination. Toi et tous ceux de ton espèce, vous n’auriez jamais dû voir le jour.

    Le mépris ne tarde pas à retrouver le coin de ses lèvres, tandis qu’il lui promet de venir se resservir, et de faire pire. Elle retient un gémissement sourd et douloureux quand elle sent sa tête la lancer, et que l’esprit vicieux du vampire vient caresser l’intérieur de son cerveau. À nouveau, un claquement métallique vient la ramener à la réalité, et la voix de Corvus s’insinue en elle. La sangle de cuir claque contre sa nuque, comme ses mots claquent dans son crâne. Encore un jeu. Encore l’un de ses jeux. Il se plaît à lui en expliquer les règles, la questionne, la surplombe de sa superbe, tandis que la fourche contre sa gorge la force à le regarder d’en bas. Les yeux qu’elle rencontre sont aussi rouges qu’ils sont entièrement noirs et dépourvus de toute vie. Elle fixe leur vide, et il lui semble que c’est un abîme sans fond qui la regarde en retour.

    Corvus, murmura-t-elle avant qu’il ne disparaisse, sa voix étrangement sereine, colorée de certitudes. Un jour, ton jugement viendra. Il vient toujours. Et sache alors que, quoi qu’il advienne ici, ce jour-ci, je serai là. Dans tes heures les plus sombres, tes nuits les plus noires, tu penseras à moi. Et toujours, je serais à tes côtés, dans chaque recoin de ton esprit. Mon souvenir sera plus tenace que tous les ravages que tu ne pourras jamais me faire subir. Je te hanterais jusqu’à ton dernier putain de souffle. Un jour viendra où tu frémiras, tu trembleras devant ton jugement, et ce jour-là, tu murmuras mon nom comme une prière.

    Dans ce monde, les femmes se donnaient la mort pour ne pas subir les sévices des hommes. Parfois, quand elles y avaient survécu, elles préféraient partir pour ne plus avoir à revivre ce qu’ils leur avaient fait, pour ne plus avoir à endurer les cauchemars, pour ne plus voir le visage de leur bourreau dans celui de tous ceux qu’elles rencontraient. Les hommes, eux, trouvaient la mort par culpabilité, envers eux-mêmes—de ne pas avoir été capables de mieux, ou envers les autres—pour les crimes qu’ils avaient un jour commis. Même les créatures les plus perfides finissaient par y passer. Tout ce que vous choisissiez de faire en ce monde vous revenez un jour ou l'autre. Sous la forme du jugement dernier, ou sous la forme d'un petit garçon qui n'avait jamais connu ses parents que cruels et remplis de haine, avec un morceau de charbon froid à la place du cœur.

    L’Ange aurait pu passer la nuit entière à considérer si la mort n’était pas préférable au sort qu’il lui réservait. Sur cette chaise en métal, habillée des liens d’acier qui mordaient sa peau diaphane, sa lumière réfractée et sa divinité éclatée. Elle était le portrait sacré de l’Ange finalement tombée. Mais s’arrêter à cette première lecture était une erreur absurde, grossière. C’était refuser de voir la colère ancienne qui bouillait dans ses veines, la résilience immense d’une créature que l’on n’abattait pas sans représailles.

    La nuit serait longue. Le goût froid de ses lèvres contre les siennes se répandait maintenant dans ses entrailles. Siame faisait face au plafond, face aux épreuves qui l’attendaient. Toujours faire face. C’était le seul moyen de s’en sortir.


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  • Lun 1 Avr - 14:52
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    Le lendemain matin, alors que Siame avait passé une nuit sans fermer l’œil, luttant contre une fatigue insoutenable pour ne pas mourir, le soleil vint caresser doucement sa peau immaculée, puis, ses yeux, venant presque lui brûler la rétine. Serait-elle à même de lutter totalement contre l’imposante présence de Corvus, qui ne tarderait pas à se présenter face à elle ? Peut-être. Ou peut-être pas. La fatigue est une chose dévastatrice, s’emparant de l’esprit d’un être, le pliant bien souvent à la volonté de celui qui torture. Voilà, le secret pour soumettre une personne se pensant au-dessus de tout, pensant être intouchable. Une personne joueuse telle que Siame, continuant d’insulter son tortionnaire. Serait-elle capable de continuer ? Devrait-elle passer une nuit de plus sans dormir ? Seule cette dernière avait la réponse.

    Soudain, l’atmosphère entourant l’ange devint bien plus pesante, comme si, une présence venait de s’ajouter, subitement. Tel un spectre flottant dans l’immensité du vide, Corvus s’avança en direction de Siame, par derrière, ses pas étant presque inaudibles. Il était un véritable chasseur, devant une proie ne pouvant que contempler son destin. Ses prunelles sanguinaires ne se détachèrent pas une seule seconde des magnifiques ailes de l’ange, alors qu’il approchât dangereusement de cette dernière. En premier lieu, il rapprocha son visage de l’aile droite, reniflant cette odeur délicate. Puis, de sa main gauche, il vint la caresser, délicatement, méticuleusement, laissant les plumes glisser entre ses doigts. L’acier de son gantelet pouvait paraître froid pour la créature ailée, les griffes du vampire pouvaient paraître acérées, dérangeantes. Puis, d’entre ses lèvres reflétant la lueur du soleil, ces dernières étant humidifiées par la présence récente de sang, le vampire murmura ses quelques mots à Siame, qui était toujours bloqué en direction du plafond. « Ces merveilleuses ailes, bientôt, elles seront miennes. » Une voix pouvant faire frémir l’ange.

    La main de Corvus vint délicatement caresser le visage de Siame, tandis que ce dernier fît un tour autour d’elle, de manière à se placer face à elle, la surplombant de son imposante stature. Un large sourire carnassier naquit sur le visage du bourreau, qui, aujourd’hui, faisait acte de présence sans son masque. Sa main continua sa course jusqu’à la nuque de sa proie, caressant le loquet de la lanière en cuir. « J’espère que tu as passé une agréable nuit, Siame. » Puis, brutalement, il enfonça une griffe dans le loquet, déverrouillant le mécanisme de l’outil de torture, faisant glisser ce-dernier le long des formes de l’ange. Siame était enfin libérée de sa position plus que désagréable. Mais, bien évidemment, Corvus ne la laisserait pas se reposer tranquillement. Il avait d’autre projet pour celle-ci. « As-tu eu le temps de réfléchir à ta situation cette nuit, Siame ? Comprends-tu que je suis ton maître ? Et que toi, tu n'es qu'un vulgaire jouet me servant de passe-temps. Jusqu'à ce que je m'en lasse et que je doive m'en séprarer. » demanda-t-il, sa voix n’étant plus déformée par le masque. Elle n’en restait pas moins grave et effrayante. Une voix que l’ange ne connaissait que trop bien, ayant côtoyé le vampire par le passé.

    Laissant le temps à son interlocutrice de répondre, le chasseur nocturne pivota vers la droite, là où se trouvait un établi sur lequel étaient dressés différents outils pratiques à la torture. Il avança, flottant sur le carrelage de noir et de blanc, son esprit malade ayant déjà tout trouvé. Seuls les bruissements du tissu frottant contre son épiderme se fit entendre, suivi d’un claquement d’acier, signifiant un mouvement du bras. Buis, les crissements des chaînes, de nouvelles chaînes. Lorsqu’il s’en emparât, un sourire sadique se dessina sur son visage, alors qu’aussitôt, il se retourna vers la créature ailée, qui le regardait à l’aide de ses prunelles d’acier.

    D’un pas lourd, résonnant dans l’immensité de la pièce, claquant contre les carreaux, le vampire se dirigea dans le dos de Siame. Plus précisément vers ses délicates mains. Il prit soin d’enrouler les chaînes autour de chacune des mains de Siame, serrant le plus fort possible, tentant de lui arracher un cri de douleur. Puis, il défit les menottes avec lesquelles il eût plus tôt entravé sa proie. De ce fait, cette dernière n’avait plus les mains liées entre elles, non. Il délia ensuite les chaînes qu’elle eût aux pieds, de la chaise.

    Un nouveau sourire carnassier vit le jour sur le visage du vampire, alors que ce dernier déploya ses ailes draconiques afin de prendre de l’altitude. Les battements d’ailes provoquaient des bourrasques balayant la chevelure immaculée de l’ange. Corvus attacha les chaînes de sa proie de manière à la suspendre au plafond. L’acier rouillé claqua contre la pierre, tandis que le vampire descendit lentement, entamant la montée de Siame. Puis, il tira sur les chaînes, provoquant des crissements stridents qui, même pour lui, étaient insupportables. C’était ainsi que Siame, toujours avec ses ailes entravées, fut suspendue au plafond de cette salle de torture.

    Corvus était satisfait, satisfait de son œuvre. Il ne comptait pas laisser une seule seconde de répit à l’ange. Aussi, il reprit son envol pour se diriger face à Siame, suspendue à deux mètres cinquante du sol. Il caressa doucement la joue de celle-ci, tout en lui adressant un sourire sadique. Soudain, une seringue en lévitation arriva dans les mains de Corvus, qui la saisit d’une poigne forte. Son autre main continuait de caresser Siame, descendant juste au-dessus de sa poitrine. Puis, d’un coup sec, il enfonça l’aiguille dans le torse de l’ange. « Ne t’en fais pas, ce n'est pas un poison mortel. Il va simplement te provoquer quelques… hallucinations qui, je suis certain, t’aideront à rester éveillée le temps que j’aille chercher mon prochain jouet. » déclara-t-il, riant légèrement.

    Le poison faisait son chemin dans les veines de l’ange, faisant ressortir ces dernières en une couleur d’un vert extrêmement sombre. Pour la prochaine heure, la créature ailée allait vivre un véritable enfer, tandis que le chasseur nocturne disparu de la pièce.
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  • Mar 2 Avr - 14:28
    Lasse. Elle était lasse. Et lui était un salopard. Celui qui l'avait mis au monde pouvait se vanter d'avoir donné naissance à la plus répugnante des créatures. Éreinté par la fatigue, épuisée, elle n'avait plus aucun titre glorieux à déclamer pour l'opposer. C'est la présence feutrée dans son dos, le gant d'acier sur ses ailes qui la ramena à la réalité. Un long frisson coula entre ses omoplates et Siame les fit rouler pour dissiper la tension qui s'y était créée. Ses ailes, ses si précieuses ailes... Elle remercia silencieusement les Titans qu'il porta des gants à ce moment, car le toucher de ses doigts sur ses plumes aurait été bien plus difficile à supporter. Dans son orgueil, elle avait menti. Il n'y avait rien qu'il pouvait lui faire pour la briser, ou presque. Le tremblement de sa lèvre, lorsqu'il s'appropria ses ailes en constituait une preuve incontestable.

    Elle ferma douloureusement les paupières au contact de la caresse effroyablement douce—au contact du froid mordant des gants sur sa joue. Son cœur s'enfla, repoussant quelconque mansuétude de sa part. Quoi de plus répugnant que l'indulgence de son bourreau ? Si sa nuque n'était pas déjà tendue à craquer, elle se serait contractée davantage. Elle sentit le sang affluer et son cœur battre à tout rompre dans sa gorge. Siame maudit la langueur toute contrôlée avec laquelle il vient apprécier le collier, le temps qu'il prend à la libérer. Quand enfin, il la détache, sa tête retombe lourdement, paraissant avoir toutes les peines du monde à se soutenir elle-même. Son corps entier semblait lui peser le poids d'un âne mort. C'était à croire qu'elle avait baissé les bras, soudainement vidée de toute ferveur. Ses yeux s'ouvrirent à nouveau, les paupières alourdies par la fatigue, quand elle réalisa à sa voix qu'il ne portait pas de masque. Elle s'imagina alors lever la main, enfoncer ses ongles dans ce visage trop blanc, trop parfait—érafler cette peau froide, trop lisse, qu'il ne méritait pas. Soudainement, la liberté lui apparaissait bien pâle tribu face à l’envie viscérale de sentir son pouls s’effacer sous ses doigts.

    C'est ce qui se passe ici ? murmura-t-elle dans une indolence inexpressive. As-tu prévu de me laisser partir une fois que tu te seras lassé de moi ?

    L'éternel sourire venimeux qui lui renvoyait – de toute évidence, le fruit de ses tendances psychopathiques – suffisait à tuer l'espoir au berceau, mais pas à réanimer la fougue qui l'habitait habituellement. L'Ange avait l’œil creusé, le regard lointain, un peu fixe, annonciateur d'un état à venir. Celui qu'elle supporterait les 6 000 prochaines années. Le mot "jouet" dérive au milieu de son cœur sans la brûler. Elle se sentait sale, idiote et pathétique d'avoir posé la question. Son visage, d'ordinaire empreint de détermination, est maintenant marqué par une détresse palpable, ses traits tirés par l'épuisement d'une lutte silencieuse. Autour d'elle, tout s'enchaînait. Il s'empara de ses mains, qu'elle lui laissa avec impuissance. La honte boitait sur ses épaules, mais n'était pas plus intense que la fatigue qu'elle avait accumulée. On distingue la préparation méticuleuse du chef d'orchestre – ou du maniaque – dans cette ambiance maîtrisée, où rien n'est laissé au hasard. Siame réfréna le grognement pénible, minable, qui menaça de s'échapper de ses lèvres lorsqu'il resserra les chaînes autour de ses poignets déjà meurtris, souillés par la rouille et le sang. Il était hors de question qu'elle consente à participer docilement à ce maudit spectacle.

    Et quel spectacle. Il ne lui laisse même pas le temps de se remettre de sa nuit éprouvante. Cette fois-ci, elle est incapable de réprimer un cri de douleur quand les chaînes s'emparent de ses bras et de tout son poids. Les fers, impitoyables, déchiraient la peau de ses poignets. Elle serra des dents, constata avec irritation la satisfaction qu'il exhibait en la rejoignant au-dessus du sol. Sa bouche lui disait qu'elle ne valait rien, mais à cet instant, ses yeux la regardaient comme la huitième merveille du monde. De quel droit prétendait-il faire d'elle sa chose, de pouvoir lui nuire sans en subir aucune conséquence ? Espérait-il qu'elle le supplie, qu'elle invoque sa pitié ? Ce sentiment n'était de toute manière pas compatible avec l'être qu'il était—et qui croyait assurément que quelque part, l'univers l'avait créé – elle – pour son propre bonheur. N'était-ce pas pour cette raison que son sang lui fut si succulent ? Et voilà le châtiment sévère qu'il lui était réservé. Siame refusa de se laisser aveugler par le désespoir, mais la douleur et l'épuisement dans son corps la rappela bien vite à la réalité. Elle était dans un état difficile à peindre, mais pas pour l'esprit malade de Corvus.

    Un nouveau frisson s'empara de sa peau quand sa main s'insinua sur sa gorge. Quand la seringue s’enfonça indignement dans sa chair – car il était de ce genre de scène sale, la monstruosité de la torture ne permettait aucune mesure d'hygiène : pas de garrot, pas de veine que l'on tapotait gentiment, ni d'aiguilles que l'on désinfectait – et la drogue se répandit dans ses veines comme un feu glacial. Elle sentit chaque muscle de son corps se tendre, ses yeux se révulser. Le poison qu'il avait injecté s’empara d'elle si rapidement qu'elle ne l'entendit même pas quitter les lieux. Et comme il l'avait prévu, les hallucinations ne tardèrent pas à s'immiscer insidieusement dans son esprit. Elles se mélangeaient à ses souvenirs sans que Siame ne fût capable d'identifier le vrai du faux.

    Dans son crâne, les fils de la réalité s'embrouillent, laissant place à une confusion sans pareille. Le contrôle de ses visions, qu'elle maîtrise parfaitement d'ordinaire, lui échappe désormais. Des pensées noires, tourmentées s'emparent d'elle. Dans ses yeux vacillent des images inconnues, des fenêtres ouvertes sur des univers multiples où la frontière entre réalité et illusion s'estompent au fil des heures. Elle voit sa sœur, le ventre rond, le visage laid, déformé. Elle entend la colère infernale de sa maîtresse s'emparer de son esprit. Elle éprouve la peine d'un enfant, spectre du passé ou du futur, malmené par des figures indistinctes. Derrière lui, un homme aux traits familiers se dresse, et son regard bienveillant coule en elle une terreur inexplicable... Cette fois-ci, quand elle hurle de douleur, il n'y a personne pour l'entendre.

    × × ×

    La drogue administrée par son bourreau avait fini par se dissiper, en partie. Des cernes profonds s'accrochaient sous ses yeux, témoignant la nuit sans repos et les cauchemars éprouvants qu’elle avait endurés. Elle avait passé de trop longues heures à subir les hallucinations, à démêler le réel de l'imaginaire, à chercher désespérément une emprise sur la réalité. Siame était aussi silencieuse qu'un mort, quand Corvus vint finalement la retrouver. Sa tête dodelinait mollement, comme celle d’une poupée démembrée, ses cheveux encombrant son visage. Il s'approcha pour la rejoindre au-dessus du sol, probablement dans le but de constater les effets de sa drogue. Il portait encore sur lui les preuves de son intempérance. La considérait avec ses yeux qui faisaient frémir.

    Elle était parfaitement immobile, le seul poids de son corps ballottant lentement entre les chaînes d'acier.

    Soudainement, quand il fut suffisamment proche, l'illusion éclata. Il y eut un tressaillement dangereux dans les chaînes—le sursaut de la queue du chat avant qu'il ne bondisse. Ses jambes laissées libres s'enroulèrent fermement autour de la taille du vampire, l'emprisonnant contre elle d'une vigueur démesurée. Elle respira l’odeur du stupre et du crime qui se dégagait de lui ; considéra l’infamité de ce zèle qu’elle rêvait de démolir de part en part. Son âme demandait justice. Avec toute la violence qu'elle possédait, elle fracassa son crâne contre son nez.

    Va crever ! S'époumona-t-elle. Tu es la plus petite bite du monde, Corvus... Détache-moi !!!

    Elle lui cracha à la gueule alors qu'il reculait, libéré de la prise de ses cuisses, un brin hagard, sonné par le coup. L'Ange hurla encore et ne s'arrêta seulement quand sa gorge se mit à brûler. Ses mains s'étaient saisies si fermement des chaînes qu'elle sentit ses jointures craquer. Peut-être aurait-elle dû garder son énergie pour plus tard : mais une fougue nouvelle consumait le fond de ses pupilles. Une fougue traîtresse, noircie par la drogue et l'horreur qu'elle éprouvait d'être ainsi tenue en bride.

    Détache-moi, murmura-t-elle encore, à bout de force, sa voix pathétique, suppliante, désespérée.

    Sa volonté vacilla. Ses cheveux étaient en bataille et ses yeux rougis par les larmes qu'elle avait pleuré. Était-elle seulement plus belle à regarder : féroce et brisée ?


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  • Mar 2 Avr - 20:02
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    Une heure plus tard, alors que le poison s’était immiscé dans tout le corps de Siame, répandant une substance toxique, dessinant comme des branches d’un vert foncé sur tout son corps pâle, Corvus Sanariel, le guerrier reikois, revint en ces lieux. Il s’était simplement absenté pour laisser la créature ailée se ressourcer et profiter un maximum de ce liquide qu’il lui eût injecté dans son corps. Il revint vêtu d’habit léger, un simple justaucorps d’un noir de jais et une cape à l’intérieur rouge sanguin. Le bruissement de sa peau frottant contre les tissus, accompagnés des crissements des chaînes de l’ange, étaient les seuls sons qui résonnaient dans l’immensité de la pièce. Pas de masque cette fois, seulement son visage à découvert et sa chevelure immaculée coulant le long de ses traits.

    Déployant ses ailes draconique, le vampire s’envola, en une bourrasque balayant tout sur son passage. À son ceinturon était attaché une tenaille, faite d’acier, capable de tout trancher sans le moindre mal. Les lames de celle-ci étaient effritées, preuve d’une utilisation courante et, il y eut encore du sang frais qui coulait au bout de celle-ci, les gouttes tombant sur le sol, derrière le vampire. Faisant un court vol, le chasseur de la nuit arriva bien rapidement devant l’ange, passant délicatement sa main sur son corps, puis sur son visage. Elle semblait inerte, peut-être avait-il usé d’une dose trop létale avec le poison ? Soudain, il se retrouva rapidement emprisonné des cuisses de l’ange puis, collé à son corps.  Que voulait-elle ? Avait-elle perdu la tête à agir ainsi ? Une insulte. Puis, un crachat au visage. Le vampire ne pouvait que reconnaître l’audace de sa proie, de sa victime. C’était bien la première fois que cela lui arrivait.

    Dans une nouvelle bourrasque, le vampire recula d’un mètre, ses prunelles devenant d’un rouge carmin pouvant apeurer toutes les pathétiques créatures jonchant les terres du Sekai. Seulement, il ne hurla point, non, il entrouvrit les lèvres et laissa sa voix s’échapper, d’un ton calme et posé, comme si cela ne l’avait pas affecté. « Tu es bien audacieuse, Siame. Serait-ce une provocation ? Désires-tu réellement démentir toi-même tes propos ? Ici et maintenant, alors que tu es suspendu à deux mètres du sol. » Par sa magie sanguine, il entrava les pieds de son interlocutrice, puis se rapprocha d’elle, collant presque son visage contre le sien, et laissant l’une de ses mains se promener sur son corps. « J’avoue que l’idée me paraît assez excitante. » Puis sa main arriva finalement autour du cou de l’ange. Il serra, de plus en plus fort. « Mais, j’ai d’autres projets pour toi, ma chère Siame. » cracha-t-il, donnant une impulsion, faisant balancer l’ange, tel un pendule.

    Une nouvelle bourrasque, alors que le vampire tourna autour de sa victime, se dirigeant dans derrière son dos. Il le savait, elle commençait à craquer, sinon, elle n’aurait pas agi de la sorte. Ses yeux étaient injectés de sang, faute de la fatigue ressentie, l’ange n’ayant pas eu la chance de dormir de toute la nuit. Le vampire stoppa le balancement, s’appuyant sur le dos de Siame, collant son corps contre le sien. Il caressait ses précieuses ailes, puis, il murmura doucement à l’oreille de la créature ailée. Son souffle chaud pouvait la faire frissonner et, encore plus, accompagné de ses paroles terrifiantes. « Il y a une question que je me pose depuis bien longtemps, Siame. Un ange avec une seule aile, peut-il volé ? » Il attendit une réponse de son interlocutrice, puis, il reprit. « Nous allons vérifier cela tout de suite. » cracha-t-il, riant aux éclats.

    Il s’empara de sa tenaille, puis doucement, il la passa sur la base de l’aile droite de l’ange. L’acier froid, accompagné de sang chaud, pouvait faire frémir l’ange. Une scène horrible allait se dérouler, sans que l’ange ne pût faire quoi que ce soit. L’acier claqua une première fois, juste à côté de l’oreille de Siame. Un avant-goût de ce qui allait se dérouler tout de suite. Le vampire ouvrit la tenaille, puis, il la plaça sur le dessus de la base de l’aile de Siame. Appuyant aussi fort qu’il le pût, il ne pénétra que de moitié. Il fallait croire qu’il n’avait pas choisi l’outil le plus aiguisé. Tant mieux. Il recommença, une seconde fois, puis une troisième, et détacha enfin le haut de la base de l’aile de Siame, lui arrachant des cris de douleurs atroces. Les effluves de sang giclaient sur le visage du vampire. Le sang pur de l’ange coulait le long de son corps, passant sur ses formes, continuant sur ses jambes, puis s’échappant de sa peau, s’écrasant au sol.

    Il recommença, entaillant plus de sept fois pour sectionner complètement l’aile de l’ange. Elle s’écrasa au sol, dans une mare de sang, la rendant rougeoyante. Rapidement, le vampire revint devant Siame, un large sourire carnassier aux lèvres. Son visage était couvert du sang de la créature ailée. « J’espère que cela n’était pas trop douloureux, Siame. » Puis, il essuya son visage, retirant du mieux qu’il pût le sang de sa victime. « Je crains de devoir te montrer ce que je deviens lorsque mon instinct de vampire prend véritablement le dessus, lorsque je me prive de sang. » Une nouvelle fois, il passa sa main, puis, il caressa du bout de ses doigts le visage de Siame, laissant une trace de sang. « Mais avant, nous allons faire une expérience, veux-tu. » déclara-t-il, avec un sourire sadique dessiné au coin des lèvres.

    Rapidement, il sectionna la chaîne retenant la main droite de Siame, à l’aide de sa tenaille couverte de sang. La pauvre créature ailée pendant au bout d’une simple chaîne, devant supporter tout son propre poids. Puis, il se dirigea vers la seconde main, portant sa tenaille sur la chaîne qui la retenait. « Bien, voyons si tu sais voler avec une seule aile, Siame. Attention, si tu te rates, je devrais vraiment m’énerver. » déclara-t-il, riant aux éclats, avant de laisser l’acier de sa tenaille claquer. Maintenant, l’ange n’était plus attaché. En bas se trouvait son aile accompagnée d’une chaise en acier et d’une mare de sang.
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  • Mer 3 Avr - 21:10


    La remarque avait fait mouche, c'était une évidence. Mais lorsqu'elle le regarda, c'était avec plus de froideur que de moquerie. Évidemment, l’orgueil masculin s'éveillait aussitôt titillé lorsqu’il s’agissait de leur ô-combien-trop-précieuse pine. Dans de meilleures dispositions, Siame lui aurait sûrement fait remarquer que c’était très certainement pour lui la seule manière de la faire se rapprocher – et se rapprocher seulement – du septième ciel. C’était le genre de petites joutes qui lui plaisait, en temps normal. Mais de peur qu’il y voit un défi là où il n’y en avait pas, elle garda sa raillerie pour elle-même.

    Je ne sais pas comment j’ai pu un jour éprouver la moindre sympathie à ton égard, ajouta-t-elle, ragaillardie par sa bien maigre et bien courte victoire.

    De bons sentiments, il n’en restait pas une seule goutte dans ses veines et le Syndrome de Stockholm lui avait toujours paru être un concept très absurde. “Il n’a pas un si mauvais fond, tu sais…” – Corvus avait un mauvais fond, le pire qu’il soit. “Mais il m’aime…” – Corvus ne l’aimait pas, il n’aimait personne d’autre que lui-même, était parfaitement incapable du moindre sentiment envers autre chose que sa propre personne. Elle en était parfaitement convaincue. Il n'avait jamais voulu l'aimer, il avait uniquement voulu la détruire et la posséder.

    Cependant, dans sa bêtise, le vampire avait au moins l'intelligence de comprendre que ce n'était pas de cette façon qu'il l'emporterait sur elle. L'Ange avait trop longuement observé les hommes pour ne plus se laisser intimider par quelques regards concupiscents ou des idées mal placées—car de ça, ils en étaient bourrés. Toutefois, elle devait tout de même l'admettre, quand sa main s'empara de sa gorge, un frisson de mauvais augure lui coula dans la poitrine. La présence trompeuse de ses doigts sur son cou lui avait d’abord fait l’effet d’une caresse avant de lui paraître soudainement encombrante, étouffante. Le souffle court sous le coup de la surprise – bien que le geste en lui-même ne l’avait étonné qu’à moitié –, elle chassa les sentiments contradictoires qui s’insinuaient traîtreusement en elle.
    Ses oreilles se mirent à bourdonner au même instant où les contours du visage qui lui faisait face se troublèrent. Siame n’avait jamais connu le vertige avant ce moment—non, pas même à mille lieues au-dessus du Monde. Il lui semble qu’une éternité s’écoule, durant laquelle le sentiment de planer effiloche chacune des pensées dans son esprit. Son regard se couvre d’une ombre noire et au bord de sa gorge s’accumule une chaleur bouillonnante.

    Siame redécouvre le monde au moment précis où il relâche la pression sur son cou. C’est une renaissance laide, tâchée d’une angoisse insidieuse qui afflue en même temps que le sang irrigue à nouveau son cerveau. En même temps qu’elle sent sa présence dans son dos, et le froid des tenailles qui vient mordre ses entrailles. Les questions murmurées dans le creux de son oreille lui font l’effet d’un poignard dans le cœur, alors qu’elle comprend ce qu’il s’apprête à lui faire.

    Non. Siame sent la terreur se refermer sur elle comme une eau glaciale. Non… Non, non non. Corvus…. Corvus, Qu’espérait-elle ? Corvus, s’il te plaît, je t’en supplie.

    Son corps entier s’enflamme et des larmes chaudes jaillissent, roulent en torrent sur son visage.

    Prends mes yeux, ma langue, tout, mais pas mes ailes… Je ferais ce que tu voudras me voir faire, je dirais ce que tu voudras entendre… tout mais pas mes ailes.

    Ses lèvres se mettent à trembler et une douleur insoutenable la traverse de la colonne vertébrale jusqu’au crâne quand les dents de la tenaille s’enfoncent une première fois. On entendit un premier cri perçant, un sanglot déchirant inondant la pièce. Elle sentit le sang couler dans son dos, dans le creux de ses hanches, le long de ses cuisses, la rainure de ses genoux… Ses os se brisent comme du bois sous la pression, et la douleur reflue par amas, partout dans son corps. Ses yeux se révulsent, se referment sous la souffrance, et Siame puise dans ses dernières volontés pour lutter contre le flamboiement rouge du calvaire qui lui déchire la chair et le cœur.

    Elle entend à peine ses questions par-dessus le bruit infâme de son aile s’écrasant dans son sang, de la douleur de son dos déchiré par la morsure des tenailles d’acier, de ses mains liées de forces, crucifiées sur une croix invisible par des chaînes qui lui sciaient la peau. De toutes les tortures, il n’existait pas pire que celle-ci.

    La chute, elle, à cet instant, est une bénédiction. Un rappel douloureux : celui d’une enfance où l’on lui avait appris à chuter avant d’apprendre à voler. Et voler, elle ne le ferait plus jamais. Elle se sent si lourde du côté gauche, si vide du côté droit et la sensation lui déchire l’âme de part en part. Siame ignore ses jambes qui se dérobent sous la chute, ignore ses genoux meurtris par le carrelage. Elle se recroqueville sur elle-même, dans le sang, comme au jour de sa naissance, sur cette aile qu’on lui a arrachée dans l'horreur et la douleur—cette part d’elle et de tout ce qu’elle est.

    Elle reste immobile longtemps, son corps secoué par les larmes, jusqu’à ce qu’il ne reste de ses supplications que des sanglots étranglés et ce venin trop froid s'insinuant en elle comme une alchimie noire, qui transformait la souffrance en haine.

    Son sort avait-il été si surprenant finalement ? C’était ainsi qu’allait l’atrocité de la guerre : elle était la porte ouverte aux violences les plus hideuses. Et personne n’était innocent—pas même Siame et sa gueule d’ange. Elle qui avait commis le pire des crimes : celui contre l’humanité elle-même.

    Mais existait-il seulement pire sacrilège envers le divin que celui d’arracher les ailes d’un Ange ? Corvus serait, lui, glorifié pour son sadisme, on louerait un héros de guerre, puisqu’il aurait la chance d’être du “bon” côté. Non seulement celui des vainqueurs, mais aussi celui du puissant—qui dominait, soumettait, enchaînait et pliait à sa volonté par sa seule et unique force. Tout n’avait toujours été qu’une question de force, aussi loin que remontait l’histoire.
    C’était le lion – Roi de la savane – qui chassait la gazelle. C’était le loup – Roi de la forêt – qui traquait la biche. C’était le vampire – Roi de la nuit – qui tenaillait l’Ange, simplement parce qu'il disposait entre ses mains du pouvoir et de la volonté de le faire. Personne n’avait jamais fait l’éloge de la faiblesse. Non, au mieux, elle nourrissait ; au pire, elle inspirait.
    Il n’y avait que l’Histoire pour honorer le triomphe et la grandeur des Hommes. La poésie, la littérature, la musique, elles, trouvaient leurs plus belles muses dans la misère et l’anéantissement de l’être.

    Pourquoi... murmura-t-elle, sans réellement savoir si elle attendait une réponse, sans réellement savoir si une réponse atténuerait le gouffre sans fond laissé dans son âme.

    Le plus cruel était de devoir se résoudre à ne jamais savoir pourquoi. Il fallait simplement accepter que ce fût ainsi : sans que ni paix, ni pardon soit possible.

    Car une chose était sûre : plutôt crever que de vivre sans ses ailes.


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  • Jeu 4 Avr - 16:43
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    D’un battement d’aile violent, Corvus descendit en piqué sur le carrelage, atterrissant directement devant l’ange, étalée sur le sol, une aile manquante. Le souffle provoqué par le vampire, provoqué par son atterrissage, balaya quelques plumes des ailes de Siame, et, avec elles, des effluves de sang écarlate, ce précieux sang dont Corvus avait véritablement envie. Seulement, il ne s’en abreuverait pas, pas maintenant. Les dalles blanches entourant la créature ailée étaient désormais d’un rouge profond, une couleur reflétant parfaitement les prunelles écarlates du chasseur nocturne, comme si, la teinte était la même. Sur son visage naquit un grand sourire, montrant toute la satisfaction qu’il tirât de cet acte cruel. Il ne savait, il ne pouvait pas faire pire pour un ange que de lui retirer ses ailes. Fort heureusement, il y en restait encore une. La douce voix de Siame peinait à rejoindre Corvus, pourtant, il entendit son unique parole. Sa voix rauque résonna à son tour dans l’immensité de la pièce, là où l’œuvre macabre se dessinait.

    « Pourquoi… Ce n’est qu’une punition pour ton comportement envers ma personne. Tu te pensais supérieur à moi puisque tu possèdes des ailes, parce que tu es un être céleste. Mais maintenant que j’ai retiré ce qui te rendait si spécial, penses-tu m’être encore supérieure ? Ou vas-tu finir par simplement admettre que tu es une petite merde ? » Doucement, le vampire ploya un genou et, de sa main droite, il alla chercher le visage de la créature ailée. Il le releva légèrement, permettant à leurs regards de se croiser. Le sang dans l’acier. « Alors, Siame. Admets-le, tu n’es qu’un objet. Un jouet que je peux utiliser comme bon me semble. » ajouta-t-il, riant légèrement, avant de finalement cracher au visage de sa proie, comme elle avait eu l’audace de le faire quelques instants plus tôt.

    Le vampire se releva, puis, il se dirigea sur le côté. Du pied, il poussa le corps vide de la créature ailée, comme si ce n’était qu’un vulgaire obstacle, dégageant l’aile meurtrie. Il se baissa ensuite pour prendre cette dernière dans ses bras, bien qu’elle pesât son poids, ce n’était pas ça qui le dérangerait. Il l’emmena ensuite jusqu’à son établi, où était entreposé tous ses outils, enjambant au passage Siame, accentuant l’humiliation.  Sa cape de jais amassait le sang qui s’était étalé plus tôt sur le carrelage, laissant derrière lui, une traînée écarlate. La monstruosité de la scène ne résidait pas seulement en ses gestes, mais aussi en l’environnement.

    Sur l’établi, Corvus s’empara d’une nouvelle fiole remplie d’un autre poison. Cette fois-ci, le châtiment allait être bien plus horrible. Un sourire malsain, il se tourna vers Siame, alors toujours allongée sur le sol. Puis, d’un pas lourd, il s’approcha, avec comme seule arme ce poison. Il s’empara de la créature ailée, empoignant cette dernière aile, puis, il la tira vers le fond de la pièce. Devant lui se dessinait une immense cage, parfaitement adaptée à un être pouvant être aussi gros qu’un Orc, alors autant dire que Siame y avait sa place. La cage était suspendue au plafond, à un mètre cinquante au-dessus du sol et, les barreaux eux, était assez étirés pour qu’une créature de la taille d’une souris pût se frayer un chemin.

    Sans attendre, le vampire souleva l’ange, tirant sur son aile, lui arrachant de nouveau un cri de douleur. Puis, brusquement, il l’éclata contre les barreaux de la cage, servant d’appui à Siame pour les prochaines heures. « Maintenant, ouvre la bouche. » cracha-t-il, mais l’ange ne fit rien. Brusquement, il lui saisit la mâchoire et, la força à finalement ouvrir la bouche. De son autre main, il ouvrit la fiole emplie d’un poison jaunâtre, puis il en déversa la totalité dans la gorge de l’ange, la forçant à avaler par le biais d’une attaque mentale. Aussitôt le poison ingéré par sa proie, Corvus ferma la cage et enclencha un système simple, mais pourtant efficace.  Un long sourire carnassier s’étira sur son visage pourtant lisse, puis, de nouveau, sa voix rauque résonna dans l’immensité de la pièce.

    « Voilà donc ta prochaine épreuve. C’est très simple. Ce poison que je t’ai fait ingérer, il va te causer brûlures et démangeaisons atroces sur tout le corps, pendant près de douze longues heures. En attendant, si tu bouges de trop, le mécanisme de la cage va s’enclencher et, le fléau suspendu au-dessus de toi tombera. Je te laisse imaginer ce qu’il se passe si, un objet de cette taille de tombe dessus à cette hauteur. Ce ne sera pas seulement ton aile que tu perdras. » Un long rictus, puis, soudainement, il explosa un des carreaux de la fenêtre adjacente à Siame. « On va t’ajouter un peu de compagnie. Comme tu ne bougeras pas, les volatiles comme, les corbeaux par exemple, vont croire que tu es morte. Ainsi, ils viendront te grignoter doucement. » De nouveau, un rictus, alors que les prunelles du vampire s’éclairèrent en une lueur perçant les ténèbres. « Amuse-toi bien. » fit-il, avant de disparaître, suite à une téléportation rapide.
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  • Ven 5 Avr - 22:12
    Siame n'est plus que douleur.
    La plaie dans son dos est un accroc dans la toile du Monde—de laquelle se déverse sa haine et s'échappe ses espoirs.
    Elle est certainement en train de mourir. Si elle ne l'est pas, elle aimerait que ce soit le cas.

    Il n'y a plus rien en elle. Plus rien pour se battre contre les mots acerbes qu'il lui crache dessus, plus rien pour lutter contre ce besoin hargneux de faire le mal. De lui faire du mal. Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même, une femme, ou ce qu'il en reste. Elle est une marionnette usée avec laquelle on a joué trop longuement. Non, Siame n'est plus rien d'autre que cette chose agonisante, recroquevillée dans son propre sang, une chose que l'on médit et sur laquelle on crache sa haine et son venin. L'admettre ? Avait-elle réellement besoin de dire les mots, quand tout son corps le criait ?

    En lui retirant ce qu'elle avait de plus précieux : il la déchirait. Sans ses ailes, sans pouvoir voler, il avait raison, elle n'était rien. Il se venge d'elle, mais pas seulement : il se venge sur elle. Quand se saisit de son visage, que ses prunelles pourpres poignarde les siennes, Siame a un battement de paupières éreinté. Elle ne lit aucune pitié dans son regard. Ses yeux à elle se couvrent d'orage et une pluie douce – les dernières larmes qui lui restent à pleurer – roule pitoyablement sur ses joues. Son rire la traverse comme un spectre.

    Alors qu'elle réalise qu'il n'en a pas fini avec elle, que ses mains s'empare à nouveau de son corps, de son aile restante, elle sent les restes de sa volonté s'évaporer. Il la malmène, et l'Ange ne résiste plus. À quoi bon ? À se battre, elle ne faisait qu'aggraver sa peine : non seulement, elle attisait sa ferveur, mais en plus, elle devait supporter l'échec de ses manœuvres. Il ne la laisserait pas sortir d'ici. Pas vivante, pas avant de l'avoir entièrement et complètement brisée. Ce n'était pas seulement un jeu, comme il se plaisait à le répéter : c'était plus que ça. C'était un tableau, une œuvre, peut-être celle de sa vie, qu'il peignait avec le plus grand soin. À sa façon, il était un artiste. Un artiste à qui on aurait arraché toute part de sensibilité : hormis celle tordue, mais douloureusement méticuleuse du sadique.

    À cet instant, Siame était l'effigie de la douleur et de la fragilité : tout ce qu'elle n'avait pourtant jamais été. Entre les mains de son bourreau, contre les barreaux de cette cage lugubre qui l'enfermerait bientôt—métaphore de plus de l'oiseau privé de sa liberté. Son sang coulait en vague le long de son dos qu'il avait cruellement molesté, le long de ses cuisses qui tremblaient sous la souffrance. Elle avait les plus beaux cheveux, les traits les plus délicats du monde, et on distinguait désormais sur tout son beau visage la douleur imprimée à jamais. Des tourments qui demeureraient pour l'éternité dans le fond de son regard.

    Tu ne sortiras jamais d’ici en vie, Siame.
    Tu n’auras pas d’autre choix que de m’obéir.
    Tu n’es rien d’autre qu’un objet, Siame. Tu es mon jouet, ma chose.
    Maintenant Siame, assieds-toi.
    Tu es mienne Siame...

    "Maintenant, ouvre la bouche."


    Elle frissonne, mais son corps refuse de réagir. Il la contraint malgré elle, sa main s'emparent de sa mâchoire, qui tremble encore, trop fine sous ses doigts. Sous ses doigts qui s'immiscent entre ses lèvres, l'obligent à ouvrir la bouche, et qui force le poison au fond de sa gorge... Son visage entier s'empourpre et à nouveau, des larmes. Des larmes silencieuses, sans sanglots. Avant qu'il ne la relâche, et contre toute attente, les bras de l'Ange s'enroulent autour de sa nuque. Elle l'étreint, le serre contre lui, contre son cœur et ses battements traversent sa poitrine pour s'insinuer dans la sienne, jusqu'à son cœur qui a oublié de battre. Quand elle le regarde, c'est avec les yeux les plus doux du monde. Une douceur terrible, déchirante, affreusement douloureuse. Quelle pire arme que celle-ci contre une créature aussi vile que lui ? Si ces insultes attisent sa haine, qu'en sera-t-il de sa tendresse ? Est-ce que chaque regard chargé de compassion pouvait lui infliger une blessure plus profonde que toutes ses tortures réunies ? Sa bouche se dépose sur le coin de ses lèvres. Et sa voix est la plus miséricordieuse qu'il puisse, lorsqu'elle lui murmure :

    Je te promets, sur le sang que tu as fait couler, sur cette aile que tu m'as arrachée, sur celle que tu me prendras, que le jour où je me relèverais, tu disparaîtras. Toi, ton futur et ton être tout entier. Ta peau, ton odeur, tes mots, ton héritage. Peut-être que je ne saurais jamais effacer ta marque sur mon corps, mais tu disparaîtras de ma mémoire. Ton nom deviendra un souvenir lointain, insignifiant. Je te remercie, Corvus. Pour m'avoir montré la profondeur de ma résilience, la puissance de mon esprit. Peut-être que mon corps est captif de ta volonté, mais mon esprit est libre à jamais. Libre de défier tes ténèbres, libre de résister à ta cruauté. Tu m'as rendue invincible et tu m'as donné la clé pour t'échapper.

    Elle appuie ses lèvres contre sa peau froide.
    C'est un geste très chaste, d'une pureté immense.
    C'est une bénédiction.
    C'est un au revoir.

    L'instant suivant, la serrure de sa cage se referme, et les ailes des corbeaux ne tardent pas à battre tout autour d'elle. Corvus a disparu, lui.
    Les minutes s'écoulent, les heures se confondent, le temps passe et Siame attend patiemment. Elle n'a cure des pinces acérées qui s'enfoncent dans sa chair, des becs qui viennent la pincer,  du poison qui brûle son corps entier. Elle attend, et continue d'attendre.

    Jusqu'à qu'il revienne.
    Ses yeux contemplent le fléau suspendu qu'il lui a indiqué. Elle compte les centimètres qui la séparent, choisit l'emplacement idéal.
    Lorsqu'il reviendra, elle activera le mécanisme.
    Plus jamais il ne poserait une main sur elle.


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  • Lun 8 Avr - 19:32
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    Des mots… Ce n’était que de simples mots sortant des fines lèvres de Siame, s’élevant dans l’atmosphère d’une voix douce. Des mots que Corvus n’écouta point, preuve de son arrogance complète. Non, ce n’était pas de simples mots, c’était une totale mise en garde. Mais, ce n’était pas pour autant que le vampire y prêta la moindre intention. Et, cela ne l’empêcha absolument pas de partir fièrement, sans se retourner, prêt à revenir le lendemain, une fois cette douce nuit passée en compagnie de ses corbeaux. L’ange désormais déchu ne pourrait résister au picorement de ses créatures nocturnes, prêtes à lui arracher la chair, morceaux par morceau, quand bien-même serait-elle prête à la toucher. Et, vu qu’il lui restât encore une aile, le vampire n’en était pas vraiment sûr. Mais, qu’importât, au moins, elle aurait passé une délicieuse nuit en cage, certainement incapable de dormir.

    Au plein milieu de la nuit, alors que le chant des corbeaux résonna en plein cœur de cette maudite pièce et, que les lueurs de la lune venaient doucement caresser la douce peau de Siame, le vampire, Corvus, fit son apparition, juste derrière elle, à l’aide d’une téléportation. Ses pas sourds résonnèrent dans l’enceinte de la salle de tortures, puis, divers objets de tortures, de petits outils servant à blesser à l’aide d’une lame, se mirent à voler tout autour de la cage de Siame. Puis, la voix rauque de Corvus se mit à résonner à son tour, se réverbérant violemment sur les fenêtres à moitié brisées. « Siame. As-tu pu te reposer ? Certainement pas et, au pire, je m’en fiche. Bien, il est temps que te débarrasser de tes ailes. » Des paroles tranchantes. Un sursaut de la part de l’ange, puis, elle se mit à bouger.

    Cela enclencha le mécanisme et, le fléau tomba en direction du visage de Siame. Cette dernière fermait les yeux puis, elle tenta de se protéger à l’aide de ses bras. Seulement, les pics de la boule eurent à peine le temps de pénétrer la délicate peau de l’ange que l’objet se stoppa dans sa chute, retenue par la télékinésie du sadique vampire. « Bien essayé, Siame. Le suicide pour fuir ton destin ? Ne trouves-tu pas cela pathétique ? » cracha-t-il, à l’encontre de l’ange déchu, lui laissant le temps d’émettre une réponse claire, si elle le désirait, avant de reprendre. « Moi, si. C’est minable, même. Pourquoi vouloir mourir ? » demanda-t-il, avant de se téléporter encore plus près de la cage.

    Les doigts du vampire glissèrent le long de la nuque de Siame, passant péniblement entre les barreau, puis, un violent coup de main poussa la cage en rotation. Puis, de son autre main, il attrapa la cage au moment où l’ange se trouva face à lui. Un long sourire carnassier s’étira sur son visage à la pâleur surnaturelle, puis, de nouveau, sa voix rauque résonna. « Tu verrais dans quel état tu te trouves, Siame. Cela fait vraiment peine à voir. » Il leva la main, puis attrapa une tenaille lévitant autour de la cage. Les autres outils tombèrent lamentablement au sol. Une violente attaque mentale fit lancer à l’encontre de la créature ailée. Elle put ressentir une horrible douleur, dévastant son cerveau à chaque seconde. Heureusement pour elle, cela ne dura que le temps que Corvus ne la sortît de cette cage de force.

    Violemment jetée à terre, l’attaque mentale lancée à l’encontre de Siame s’estompa. Il vint enrouler sa main autour de son cou, puis, il la souleva et l’écrasa au sol, ventre contre terre. Il s’assit sur son dos, en califourchon, afin de l’immobiliser totalement. « Bien… Si tu savais tout ce que j’avais en tête en ce moment… tu serais folle. » cracha-t-il une nouvelle fois, avant de se pencher en avant, écrasant l’aile de l’ange contre son ventre. Puis, doucement, il murmura à son oreille, provoquant de léger frisson sur la délicate peau de Siame. « Mais avant. » Un cliquetis résonna. « J’ai encore une chose à faire. » Un large sourire, puis, un nouveau cliquetis résonna.

    Une nouvelle fois, le vampire usa de sa tenaille rouillée, dans l’optique de découper la dernière aile de Siame. Plusieurs cliquetis, accompagnés des hurlements de douleur de Siame, résonnèrent dans l’immensité de cette pièce. La douleur devait être infâme. Une fois dans les airs, une fois à terre. La pire chose possible pour un ange. Mais, ce n’était pas le pire. De sa seconde main, il caressait l’entièreté du corps de l’ange, tout en découpant son aile de l’autre. Un jeu sadique, un jeu pervers, un jeu traumatisant. Il n’avait plus aucune limite, il voulait la faire souffrir. Plus qu’un coup de tenaille et l’aile tomberait. Alors, continuant de caresser le délicat corps de Siame, Corvus se pencha pour murmurer une nouvelle fois à l’oreille de sa proie. « Qui est ton maître, Siame ? » demanda-t-il, une nouvelle fois, de manière tranchante. Il attendit sa réponse, avant de donner l’ultime coups de tenaille.
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  • Ven 12 Avr - 12:56
    tw: v-word.

    Les supplices s’enchaînent sans substance, et il n’existait rien de plus insipide que la torture sans substance. C’était passer à côté de l’essentiel, passer à côté de ce qui importait vraiment : de la beauté de la souffrance, qui transforme la douleur en bonheur—en l’aboutissement de l’être.
    Il pourrait lui faire subir toutes les tortures du monde pour la punir, il resterait toujours un gouffre cruellement vide, obligé de se remplir de l’essence des autres sans jamais réellement y parvenir—un homme qui ne comprend pas ce qu’il prend, pas plus que ce qu’il donne. À la fin, tout ça ne tient qu’à une chose : l’humanité entière est une déception. Et Corvus, lui, est une dinde.

    Il ignore l’épée tranchante du jugement de soi qui pénètre mortellement le siège de l’insoutenable vulnérabilité qu’est le suicide, le désir de transformation qui se tapit dans son antre. Il est l’acceptation face au passé qu’elle ne pourra jamais racheter, à sa chute, à ses ailes qu’elle perd. C’est une question d’honneur, de liberté et de choix. Et il la prive. Il la prive et elle le hait.

    Elle s’écroula face contre terre et ne bougea plus. Les coups influent de la vie à son corps trop pâle—tracent les écritures d’une aventure aux allures obscures. Les blessures sur sa peau sont l’épopée démesurée et incendiée d’une Ange perdue, celle délurée et dévoyée d’une âme infâme. Son corps est dévasté par la drogue, la fatigue, la morsure froide des entailles dans son dos et par la caresse pervertie d’une main qui n’a rien à faire là. Elle trace doucement ses contours, la ligne de son ventre et celle de ses reins, tandis que l’acier mord violemment sa chair.

    Des larmes de rage roulent sur ses joues. Elle pleure et ses sanglots s’entrecoupent d’un rire nerveux : celui de ses nerfs qui lâchent brusquement. Ils craquent à vif sous l’insupportable tension qu’on lui fait subir depuis deux jours. “Qui est ton maître Siame ?” Les mots résonnent sous son crâne.

    Fais-le, murmure-t-elle, fais-le…

    Il y a un temps. Celui de la réalisation, de la transformation.
    Contre toute attente, une douce quiétude s’empare de son corps quand enfin, sa seconde aile tombe. Elle a le sentiment d’avoir accompli quelque chose d’inexplicable, parce qu’elle ne meurt pas, parce que la douleur flambe toujours et partout dans son corps. Elle est vivante, plus que jamais elle est vivante. Il lui retire ses ailes et elle gagne tout. Que lui restait-il de plus à perdre désormais ? La gloire ? À Melorn, ils avaient échoué contre les forces armées elfiques. L’espoir de revoir sa sœur ? Phèdre était certainement morte. Corvus n’était pas plus que le maillon d’une chaîne de cruauté sans fin.

    Siame ferma les paupières. Elle avait toujours eu une façon bien à elle de composer avec ce qui essayait de la détruire. Il paraît que les femmes ne se défendent pas quand elles sont violées. Que les horreurs qui leur sont faites en temps de guerre ne sont rien de plus qu’un dommage collatéral. Si les hommes savaient se gérer eux-même, le monde serait plus doux. Il la touche et c’est un outrage aux bonnes mœurs, au sacré du corps et à la vie, un hymne aux appétits les plus grossiers de l’être humain.  Elle perçoit le souffle désireux dans le creux de sa nuque, les doigts qui tressautent sur sa peau et cette main impatiente qui s’oublie dans ses reins. Il croyait finir de la briser ainsi ? Quelle prétentieuse idée.

    Comment veux-tu être mon maître quand tu n’es même pas maître de toi-même, Corvus ? Sa voix n’est qu’un souffle épuisé.

    Elle subissait ses caresses, mais pas plus que ses coups. Cela lui demande un effort énorme, de puiser dans ses dernières forces, mais la rage était une source inestimable de pouvoir. Parce qu’elle aussi, en a, quelque part tout au fond d’elle. Il y a le bruit du métal qui râpe sur le carrelage, annonciateur. Puis le fracas du fer qui s’écrase contre son crâne à lui. Corvus vacille et Siame s’échappe. Ça ne dure qu’une seconde, qu’une seconde, durant laquelle elle en profite pour se retourner contre lui. Elle ne lui laisse pas le temps de réaliser. Sa main se saisit de l’objet – l’un de ses instruments de torture élaboré ou un pied-de-biche, elle s’en moque. Ça n'a pas d’importance. C’est dur, létal, et c'est dans ses mains. Quand elle lui grimpe dessus, verrouille ses genoux de chaque côté de son bassin, elle n’a plus rien de l’Ange. Ses yeux sont deux abysses. C’est dur, c’est dans ses mains, et ça brise la chair quand elle lui cogne la gueule avec la ferme intention de le tuer. Le premier coup l’assomme, lui. Le second coup l’envahit d’une joie pure, elle. Une délicieuse satisfaction lui prend la poitrine. Siame lâche son arme factice qui tombe et fissure le carrelage. Ses mains se saisissent de sa gorge et elle serre. La douleur était quelque chose de fabuleux. La libération de ne plus rien avoir à perdre encore plus. Puisqu’il la privait de la mort, puisqu’il la privait de ses ailes et du repos éternel…

    Tu as raison. Elle colle son visage au sien, le murmure contre sa peau. La mort est un rêve bien fade, auquel il est affreusement difficile de s’accrocher. Mais la sensation de ton pouls qui disparaît sous mes doigts, ça, putain... Ses paupières se referment dans un battement de cils vaporeux. Ça, c’est la vie. Elle inspire profondément, boit son odeur et ça la dégoûte.

    L’homme qui la violerait n’était pas encore né.

    L’instant suivant, l’Ange s’impose à lui, mord ses lèvres jusqu'à ce que le goût ferreux du sang ne tâche les siennes et enivre ses sens. Sa bouche sourit et court sur la ligne de sa mâchoire qu’elle mord encore dans une toute nouvelle inspiration. Il faut croire que la violence lui va bien. Partout sur lui se dessine l’empreinte humide et sanglante de ses lèvres. Quand ses hanches roulent contre lui, l’écrasent entre elle et le sol, il n’y a aucun désir entre ses cuisses. Seulement la violence et l’envie viscérale de le ravager jusqu’à la mort. La hargne d’une femme qui prend plus qu’elle ne se fait prendre. Et elle serre, toujours. Jusqu’à qu’une main relâche la pression sur sa gorge, et que la seconde vienne lui écraser la gueule contre le carrelage. C’est autour de ses doigts à elle de se perdre sur son corps. Sa main s’insinue entre elle et lui, sans le moindre scrupule. C’est une poigne démesurée pour d’aussi jolies mains, qui se referme sur sa pauvre queue, et elle serre. Ses ongles s’enfoncent à travers le tissu, dans la chair. Et elle serre encore. Jusqu’à lui tirer un gémissement douloureux, jusqu’à lui faire regretter toutes les pucelles qu’il a laissé passer en se disant “une prochaine fois”. C’est un jeu auquel elle jouerait toujours mieux que lui. Un homme qui ne parvenait pas à apprécier le sang qu’il faisait couler, que pouvait-il apprécier des plaisirs de la chair ?

    C’est ce que tu voulais, non ? Sa voix est tranchante dans le creux de son oreille. Elle ne sourit pas quand elle ajoute dans soufflement sec, froid, moqueur : Les hommes et leur impuissance… Voilà là le réel fléau de l’humanité. Elle continue. Je suis l'enfant d'une putain de Titanide, tu crois sincèrement que je vais me laisser asservir par toi ? Je mourrais avant que cela n'arrive.

    L'homme qui la violerait n'était pas né, celui qui la soumettrait non plus.
    Elle n'avait qu'un maître : les Titans.

    Sa langue roule sur le velours de sa gorge et ses dents éraflent dédaigneusement sa peau. Elles se referment sur son lobe d’oreille, s’y enfoncent jusqu’à briser la chair. Dans un mouvement revêche, lui arrache. Le sang gicle, lui coule dans la bouche, sur la gorge. Elle recrache le pauvre morceau dans sa paume. Ses doigts forcent l’entrée de sa bouche et elle lui fourre violemment sa propre viande au fond de la gorge.

    N'est-ce pas ce que ton esprit malade demande, Corvus ? Vas-y. Etouffe-toi dessus comme un con.

    Dans sa haine, Siame s’oublie. Elle voit rouge. Son sang boue dans ses veines et elle déraille, perd les pédales. Ses mains retrouvent son visage et elle enfonce ses deux pouces dans ses yeux, et presse. Elle presse : veut sentir ses globes rouler sous ses paupières, se perdre dans son crâne. Elle veut le tuer. Qu’il crève comme le roi des cons—avec l’immense honneur d’avoir vu l’Ange dans tous ses états. Mais…

    Mais le corps avait ses limites. L’Ange était faible. Elle avait encaissé trop de coups, perdu trop de sang : celui qui ruisselle dans son dos, et coule désormais de ses narines. Sa peau était si pâle qu’elle paraissait transparente. Et la haine l’avait presque autant usée que les supplices. Ses paupières se tâchent d’étoiles. Son souffle s’alourdit et sa prise se fait fébrile. L’instant suivant, elle s’écrase sur lui comme une souche.

    Il gagnerait, mais elle partirait avec la certitude de s'être bien battue.


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