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Zelevas ausculte son reflet dans la glace, pendant qu’un homme tamponne délicatement d’un poupon empoudré ses pommettes pour sécher la transpiration et relever le teint. Son regard exigeant inspecte sa coupe de cheveux impeccable, plaqués en arrière, il observe attentivement ses traits même si cette fois il n’est pas soucieux de ne pas paraître trop fatigué, le sentiment d'abattement n’est pas seulement général, il devient un symbole d’unité entre lui et le peuple. Le Sénateur époussette son manteau une dernière fois, assure la prise de ses mains dans ses gants de coton blanc, corrige ultimement les positions de ses broches honorifiques sur son col et vérifie la tenue de son ceinturon. L’assistant qui le maquille s’écarte enfin de lui en lui faisant un signe du pouce, et Zelevas s’écarte de la glace pour regarder les différentes personnes présentes dans la pièce. Contrairement à d’habitude, les visages portent des expressions mitigées, si certains de ses collaborateurs ont dans leurs yeux une excitation palpable propre aux opportunistes pragmatiques, la plupart des faciès sont bien plus sombres que d’accoutumée, les mines graves, les traits exténués par le deuil de la nation mais aussi par cette campagne présidentielle à rallonge. L’homme politique s’avance vers un trio de personnes en vive discussion devant un recueil de papiers, et après quelques encouragements, trois poignées de mains et un “bonne chance Monsieur”, le d’Élusie avance vers les marches séparant les coulisses de la scène en tenant les feuillets calés sous son aisselle. Il inspire, expire, évacue le poids du stress de son système et se prépare mentalement, quand il se sent prêt, il repousse d’un bras l’épais rideau rouge devant lui.
Monter sur scène devant une foule, qu’importe le nombre de fois qu’on ait pu le faire, c’est toujours un rodéo grisant d’intenses émotions, il y a d’abord la peur liminaire, le trac qui vous saisit soudainement, à quelques secondes du moment décisif. Cette poigne au ventre explose ensuite dans un bref instant similaire à une tétanie, on se sent paralysé, saisit par l’envie de disparaître, mais cette courte sensation amène justement au plus bas pour ensuite s’épanouir en un florilège euphorique. Cette fois encore, comme à chaque apparition publique de Zelevas, ça ne rate pas. Lorsqu’il pose le pieds de l’autre côté du rideau rouge et se dévoile à l’amassement des cinq cents soixante trois personnes venues au rassemblement du FRN dans le Théâtre du Lys d’Or, le candidat à la présidentielle déclenche une envolée d’applaudissements des fervents partisans du Front. Une nuée de sifflements enjoués et de clameurs de soutien s’élève pour accompagner les pas de leur idôle jusqu’au pupitre. Bien que ce n’est pas l’envie qui lui manque de se laisser entraîner par la foule et de galvaniser les passions en retour, il se retient, les circonstances ne sont pas à l’allégresse. Les gens qui l’accueillent avec cette ferveur quasi-religieuse ne le font pas par pure adoration de sa personne ou de ses idéaux, ils le font parce que dans une telle situation de crise, ils ont besoin d’un échappatoire. D’un sauveur. Et là, sous la lumière des lustres incandescents et de l’éclat des dorures du Théâtre, il ressemble bien au salut qu’ils attendent.
Zelevas fait signe de son bras libre à la foule, les saluant d’un aller-retour de la main, il vient se placer devant le pupitre et fait mine d’organiser ses papiers en attendant que la clameur populaire retombe, puis il lève un regard sur l’assemblée, parcourant du regard les balcons, la cour et le jardin remplis à rabord de gens désespérés, de soldats et d’officiers poussés à bout par l’épuisement et les affrontements d’il y a quelques jours, d’honnêtes citoyens républicains qui sont revenus à la capitale après la bataille pour voir leur maison en ruine ou leur commerce dévasté. L’expression de Zelevas est celle d’une heure grave, celle d’un tournant décisif dans l’histoire du pays, et cette période de crise en a à juste titre tout les aspects. Juste en bas de l’estrade, au niveau de la fosse, un alignement d’Officiers Républicains syndiqués au parti montent la garde, préférant assurer la protection d’un des candidats au post vacant de Président plutôt que de courir le risque de laisser un fanatique ou un infiltré de l’Assemblée lui porter atteinte, mais Zelevas ne s’en fait pas, Mortifère n’est de toute façon pas très loin.
Accordant un dernier regard à la foule, il baisse ensuite ses yeux dont le bleu ressortent avec une teinte plus chaude sous l’éclairage des bougies, et il contemple ses mains gantées, ce discours sera particulièrement plus pénible que les autres. Un sourire craque ses lèvres lorsqu'il pense qu'il n'a peut-être pas sa bague enchantée, mais qu'il possède un autre anneau magique à portée de main. Une petite pensée pour la vieille. Il tousse brièvement pour se râcler la gorge avant de commencer:
”Citoyens de la République.” Pas de cher, pas de concitoyen non plus pour marquer une certaine forme de froideur dans son discours, il commence d’amblée en posant le ton grave des évènements récents. ”Il y a quelques jours à peine, le pays essuyait la plus grande attaque jamais portée à son intégrité, sur son propre sol. Nous l’avons vu. Nous l’avons tous vu. Nous étions là.” Il accentue cette fois l’unité de leur galère, il aurait pu se vanter d’avoir été aux premières lignes, mais il souhaitait mettre l’accent sur la solidarité du peuple républicain. ”Sur notre sol, un groupe terroriste est né, il a prospéré, il a évolué, s’est implanté, a grandi jusqu’à développer une influence suffisante pour atteindre même nos institutions pourtant prétendument les plus défendues. Sur notre sol ils nous ont attaqué, devant nos portes, à Liberty. Au coeur non seulement de la République, mais des républicains eux-mêmes. Les crimes qu’ils ont commis ne sont cependant pas restés impunis, chaque Sorcière qui a participé à l’assaut mené contre notre capitale, a trouvé la mort des mains des forces de l’ordre.” Il marque une pause, une faible levée d’applaudissements vient marquer l’accomplissement doux-amer qu’il met en lumière. ”Malheureusement cette victoire se voit teintée de la perfidie de nos adversaires, qui ont emportés dans leur trépas les vies de notre Présidentes Mirelda Goldheart, et de notre Vice-Présidente Koraki Exousia. Ces femmes ont luté avec acharnement contre les différentes problématiques qui ont gangréné notre pays ces dernières années, elles ont fait de leur mieux, et ont échoué.” Une rumeur de stupéfaction parcours presqu’immédiatement la salle, le peuple est outré par le manque de tact dont fait preuve Zelevas quelques heures à peine après qu’il ait été vu entrain de se recueillir devant les cercueils des défuntes.
Il se râcle la gorge un instant parce que sa gorge n'a plus l'habitude d'un tel exercice, et fait un mouvement de son bras pour intimer à la foule le silence, avant de développer:
”Prenons le SCAR, qui a été un programme de renseignement infructueux rendu obscur non seulement au peuple, mais aussi aux autres membres du Gouvernement. La seule position de Vice-Présidence pouvait asseoir son droit de regard sur l’institution et sur les informations qui transitaient dans leurs bureaux. L’État-Major ne possédait qu’un accès restreint aux résultats de l’organisation et de la même façon que son commandement ne s’opérait que par le haut, la coordination des renseignements s’effectuait de façon hermétique par un homme déjà débordé.” Il laisse son regard courir sur la foule en parlant, ne laissant personne à part. ”Le SCAR souffre de sa nouveauté, mais aussi de l’inexpérience de ses dirigeants et de ses têtes pensantes, composé en grande partie des réseaux d’espionnages des Grandes Familles, l’institution a souffert de problèmes internes dû à la différence drastique de son fonctionnement avec les systèmes non-officiels en place.” La salle entière reprend un brouhaha dissonant, les propos tendancieux du Sénateur provoquent la discorde, mais il réussit visiblement à provoquer la réflexion d’une grande partie de l’assistance. ”N’allez pas croire qu’il s’agisse là du seul problème du SCAR. Que solutionner ce litige là, va miraculeusement redresser la barre. Non! En réalité il ne s’agit là que d’une des innombrables problématiques posées par l’organisation de ce service, il est a-ppa-rent que sa conception, sa gestion et sa tenue ne peuvent être gérés sans une expérience et un savoir-faire qui ne s'acquièrent pas sur les bancs des écoles, mais dans la tourbe du terrain.”
Sa main dont l’index tendu martèle le plat du pupitre, rythme chacun de ses mots pour appuyer l’impact du point. La foule exclame son approbation et Zelevas marque un temps de pause pour reposer sa voix et passer à la suite.
”Prenons la GAR, dont le programme de réinsertion d’aide contre la pauvreté a affaiblit les rangs en les gonflant artificiellement d’un nombre peu instruit, peu qualifié et aux perspectives d’évolution faible. Prenons l’Office, dont les effectifs surentraînés semblent justifier le manque de matériel et de ressource qui leur est affecté via un budget qui s’amenuise d’année en année.” Le peuple dont les mémoires sont encore trop marquées par la fraicheur des horreurs de l’attaque, commence à suivre Zelevas dans son raisonnement, le sentiment d’injustice face à l’assaut de l’Assemblée se transforme en une colère que le Sénateur manipule à son avantage. ”Prenons les Effraies dont les capacités ont été amputées par l'ingérence présidentielle dans sa conception.” La foule explose dans un tumulte indigné, le vieil homme encourage la foule à se révolter avec de grands gestes et parle par dessus l’intense ferveur. ”PRENONS LES EN MARTYRS, CAR EN DÉPIT DE NOTRE ÉCHEC, ILS ONT DONNÉ LEUR VIE POUR NOUS!”
Le Théâtre du Lys d’Or s’approche maintenant plus d’une arène reikoise tant les hurlements du peuple témoignent d’une véritable catharsis, la foule assiste au combat invisible de Zelevas, un combat qu’il a à l’insu de tous déjà gagné en portant le coup de grâce à un adversaire qu’il a combattu la moitié de sa carrière. L’homme politique laisse les gens crier leur colère pendant plusieurs dizaines de secondes, avant de rappeler au calme en reprenant la parole:
”La sécurité… S’il vous-plaît. S’il vous-plaît… La sécurité de la nation, est une priorité des plus importantes, mais elle n’est pas intransigeante. La République est, et restera, la Ré-pu-blique.” Il désigne chaque tiers de la foule d’une syllabe en scandant le nom, pour bien le marquer. ”Certains me prêtent des intentions belliqueuses, il n’en est rien. Nous sommes une nation, de paix. Certains me prêtent la volonté d’atteinte aux libertés individuelles, alors que nous sommes une nation, de souveraineté. CERTAINS, me prêtent une politique extrémiste et intolérante, alors que nous sommes une NATION. DE. PROGRÈS!” La foule écoute avec une attention avide, les cris de soutien fusent à chaque assertion, validant les propos de leur candidat avec toute la détermination dont les partisans sont capables. ”Le passé de la République est un passé d’opulence, de philosophie, de prospérité, d’éducation et d’élitisme. L’avenir de la République n’en sera pas différent.” Silence. ”Cependant le monde change, Sekaï n’est plus le même, et si le pays veut préserver ses valeurs, il doit paradoxalement changer ses méthodes.” Zelevas lève les bras comme pour s’innocenter. ”J’aime ce pays avec le même amour que vous tous, notre République a survécu intact dans ses préceptes pendant cinq mille ans, et je lui souhaite d’en voir ainsi cinq mille de plus. Mais pendant cinq mille ans, il n’a jamais eu affaire aux Titans, pendant cinq mille ans, jamais notre ennemi n’est venu jusqu’à nos portes, écrouler nos murailles, ravager nos rues et a-ssa-ssi-ner notre Présidente!” Zelevas écoute le silence consterné de la foule, un mutisme gêné provoqué par l’assaut de son discours contre l’amour-propre des gens, en pointant du doigt le gain de cause de l’Assemblée. ”Il est l’heure, de changer cela. Les élections présidentielles ont été suffisamment repoussées pour permettre à la Nation de se préparer à l’attaque, avant-hier encore nous nous battions, hier encore nous pleurions nos morts, aujourd’hui, nous devons reconstruire notre avenir pour que DEMAIN, la LIBERTÉ se tiennent FIÈRE ET DEBOUT.”
Quelques personnes du public se lèvent, aussitôt suivi par leurs voisins puis par l’ensemble de la salle. Zelevas à bout de souffle contourne le pupitre et avance de quelques pas de plus sur le devant de la scène, son bras dressé en l’air, avec un poing fermé qu’il tend à plusieurs reprise au rythme du peuple qui se met à scander le mot Li-ber-té.
”Longue vie à la République, longue vie aux héros qui la défendent, et que les Gardiens aient l’âme des martyrs qui se sont donnés pour la Nation. Ensemble nous avançons, ensemble nous marcherons et nous feront face. Notre République est cosmopolite, elle accueille des gens, de toutes les classes, donne la parole, à tout les horizons, elle fait rêver toutes les têtes et elle divise tout les esprits. Mais malgré tout ceci c’est l’unité de son peuple qui a toujours prévalu sur tout les obstacles que nous avons affronté, ENSEMBLE.” Anticipant maintenant son dire, Zelevas n’a même pas besoin de le prononcer que l’assemblée se met déjà à acclamer ”U-NI-TÉ! U-NI-TÉ!” sur ce rythme ternaire qui a ponctué la campagne de Zelevas tout ces derniers mois.
Saluant l’assistance une dernière fois, le d’Élusie quitte l’estrade pour descendre au niveau de la fosse et s’approche de la masse barrée par la ligne d’Officiers, il serre les mains qui se tendent à lui à travers les agents de l’ordre, prononce quelques paroles rassurantes aux gens qui l’appellent, en cet instant, il se prend pour un Titan. En cet instant il se sent inarrêtable, capable de tout. Il ne pense pas à l’épée de Damoclès qui se joue en ce moment même dans le bureau de l’enquête sur la mort de Mirelda, pas plus qu’il ne pense à la menace divine qui pourrait venir les annihiler d’un instant à l’autre dans ce grand moment de faiblesse. Il n’y a que lui. Parvenant au bout de l’allée escorté par les différents agents de l’OR, Zelevas regagne les coulisses du Théâtre et s’entretient rapidement avec ses nègres et ses conseillers, échangeant quelques notes et recommandations sur les prochaines dates de parcours. Quelqu'un lui donne au passage une bouteille de thé au miel chauffé à l'âtre, une douceur pour protéger ses cordes vocales qui viennent d'en prendre un coup. Le vieillard traverse les corridors, ressort du bâtiment par l’entrée des artistes qu’il avait emprunté plus tôt et aperçoit Mortifère posté près de sa diligence. Il rejoint le Premier-Né avec un pas énergique et lui donne un signal de la main pour marquer le départ, remontant dans la voiture, suivi par son garde du corps. La diligence roule quelques moments pendant qu’ils s’extirpent du labyrinthe de Liberty et passent les murailles, et Zelevas sent tout le poids de l’adrénaline qui retombe sur ses épaules. Le Sénateur pose sa tête contre l’appui capitonné du dossier de la banquette, fermant les yeux un instant pour apprécier le contact doux du velour contre sa peau. Après une petite dizaine de minutes de silence, le vieux d’Élusie rompt enfin la glace et il le fait en abordant un sujet plus que sérieux, un sujet qu’il n’avait pas eu le temps d’aborder en toute discrétion avec Mortifère depuis les évènements de la bataille:
”Maintenant que nous sommes intraçables par transe, et comme je suis très fatigué et que j’aimerai bien faire une sieste avant ce soir…” Il redresse la tête et plonge son regard bleu-acier dans le regard mi-magique du soldat. La prédominance grise de l’acier dans ses pupilles est maintenant beaucoup plus visible sous la lueur hivernale de l’après-midi nuageux. ”... on va s’organiser maintenant. Koraki est morte, les cartes ont été complètement rebattues. Je n’ai pas eu l’occasion de te le dire mais je ne voulais de toute façon pas que nous lui fassions confiance après que nous ayons tué Mirelda. Il va falloir que nous nous préoccupions surtout de cette enquête désormais, c’est le point le plus important à traiter actuellement, tes entraînements psycho-magiques, ça en est où?” Son regard vaque dans le vide, il parle de façon décousue, l’épuisement de la journée dans son ensemble ainsi que l’effervescence de sa réflexion semblent rendre le train de ses pensées trop rapide pour que son discours ne suive. ”Je ne sais pas encore qui est sur le coup, mais de ce que j’ai entendu c’est Soren qui dirige le groupe d’investigation, en tout cas c’est à son nom que l’accréditation a été demandée pour voir le cadavre de Mirelda. Azura et de Rockraven ne sont pas impliquées, du moins pas directement de ce que j’ai entendu.” Zelevas revient darder ses yeux dans ceux de Mortifère. ”de Rockraven, c’est elle la plus dangereuse, il est primordial de la tenir écartée le plus possible de l’enquête…” Il passe ses doigts dans sa barbe, pensif. ”... mais comment faire?”
Il réfléchit longuement, puis une pensée parasite sa réflexion et il revient vers le soldat:
”Tes prothèses du quinze sont toujours dans la malle n’est-ce pas? Il va falloir les détruire pour de bon, c’est la première chose qu’on doit faire en arrivant. Et qu’est-ce que tu penses de Phtonia ou de la Fou? La Fou avait une arme à la main, volée à un des Cents.” Zelevas pince les lèvres, affrontant la réalité avec lucidité. ”Je doute cependant que nous ne parvenions à les lancer sur de fausses pistes. Je me demande si étouffer l’enquête et les paralyser ne serait pas mieux que de les tromper…”
Citoyen de La République
Abraham de Sforza
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Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal Mauvais
Rang: C
Le voyage n'était rythmé que par les sons irréguliers des secousses subies par le carrosse du Sénateur lors du trajet. Les yeux rivés sur un fin interstice entre le cadre et le rideau de la fenêtre, Mortifère observait d'un œil absent l'évolution du décor tandis que Zelevas profitait de quelques instants de calme bien mérités après des semaines particulièrement riches en émotion. Le silence régnait dans l'habitacle et ce n'était pas pour déplaire au colosse mécanisé qui, lui aussi, avait beaucoup de pensées parasites à traiter. Du fait d'un planning particulièrement chargé, le Lion n'avait pas eu l'occasion de s'entretenir convenablement avec son garde du corps. Si le jeune soldat avait trouvé capital de savoir au plus vite sur quel pied danser en vue de l'étendue du drame et des innombrables implications qui l'accompagnaient, il avait respectueusement laissé à son supérieur hiérarchique le temps de la réflexion ainsi que de l'apaisement.
Il aurait voulu lui dire qu'il avait adoré son discours, mais il préféra accorder au Sénateur le repos dont il avait besoin.
Comme à son habitude, Zelevas vint brusquement rompre le calme et s'engagea dans le sujet avec une diligence aussi soudaine que surprenante. La tête de Mortifère pivota abruptement sur le côté et il fit face au vieil homme qui venait tout juste d'ouvrir les paupières. Lorsque l'on travaillait pour le Sénateur, il fallait toujours rester sur le qui-vive et se préparer à passer du rien au tout en un quart de seconde. C'était un trait plutôt amusant en règle générale, un aspect du métier qui ne déplaisait pas particulièrement à Mortifère mais qui, en de telles circonstances, avait suscité jusqu'à cette prise de parole de nombreuses angoisses. Se penchant légèrement en avant pour indiquer qu'il était à l'écoute et qu'il traitait le sujet avec un absolu sérieux, Mortifère se fit aussi attentif que possible et hocha la tête suite à la première affirmation, avant de répondre sommairement à la question que lui posait le Sénateur :
"En bonne voie, Sénateur. Nous avons repris contact avec le Docteur. Le budget alloué aux nouveaux implants a été versé à ses hommes et le matériel requis dans le cadre des opérations a probablement déjà été livré, à l'heure qu'il est. Les interventions pourraient avoir lieu demain comme la semaine prochaine, selon les disponibilités que vous m'accordez."
Il y avait dans le fait d'aborder un sujet aussi effroyable un détachement du concerné tout à fait usuel. Les fameuses "interventions", déjà planifiées et organisées depuis quelques temps, n'avaient été repoussées que pour éviter d'avoir à contrer des complications éventuelles lors de la crise prévue par l'annonce de la venue du Titan des océans. Cette décision s'était avérée plus que raisonnable car l'opération que devait supposément subir Mortifère impliquait un retrait intégral de son dernier œil organique ainsi qu'une implantation somme toute très intrusive d'éléments technomagiques destinés à renforcer corps et esprit. De telles manœuvres alimentaient naturellement un sentiment d'inquiétude chez le militaire mais en vue de son obsession pour le devoir, il relativisait sans mal cet effort attendu.
Il n'avait pas le droit de céder à ses faiblesses, pas en ce moment.
Zelevas révéla ensuite une part de la composition de l'équipe supposée enquêter sur l'assassinat de Mirelda Goldheart. L'angélique Sénateur avait visiblement pris la tête de l'opération, chose particulièrement problématique en vue de la forte implication personnelle du concerné et de ses facultés d'analyse connues pour êtres tout bonnement hors norme. Soren n'allait pas se contenter d'une réponse à demi-justifiée et remuerait ciel et terre pour dénicher un coupable. De toute évidence, il allait se constituer un véritable escadron d'enquêteurs triés sur le volet et probablement dotés de facultés surnaturelles pour les assister dans le cadre de leurs recherches. Le sujet suivant fut amené sans transition et lorsque le nom de Dame de Rockraven fut évoqué, Mortifère enchérit d'un ton monotone :
"De Rockraven va sans doute être très affairée suite à l'intrusion des sorcières dans la Salle du Souvenir. Nous pourrions tâcher de la faire accuser de négligence ou de complicité avec l'ennemi pour l'évincer mais je doute de la réussite d'une telle manœuvre et surtout de son intérêt. Elle sera tôt ou tard interrogée vis-à-vis du projet Palladium. Pourquoi l'estimez vous si dangereuse ? Je ne comprends pas quels risques elle alimente, mis à part au niveau des informations qu'elle pourrait livrer à mon sujet."
Il n'eut pas l'occasion de s'étendre davantage sur le sujet, car l'arme du crime fut évoquée immédiatement. Les prothèses, le seul élément des pièces à conviction à demeurer pleinement sous leur contrôle. Tout en hochant lentement la tête, Mortifère écarta les doutes concernant ce problème :
"Mes prothèses ayant été partiellement détruites lors de la défense de la cité, leurs restes ont été entreposés dans l'un de nos centres de recherche. Elles doivent probablement déjà avoir été détruites. Le cœur amplificateur dont elles sont équipées devient instable lorsqu'il est fracturé, elles constituent donc un danger qu'il est légitime d'avoir écarté. Pas d'inquiétude à ce niveau, je suppose."
A l'évocation des premiers suspects potentiels, Mortifère répondit instantanément, démontrant ainsi qu'il avait longuement étudié la question au lendemain de l'acte irréparable :
"Je n'ai pas eu l'occasion d'étudier Phtonia, mais elle est une coupable toute trouvée. Elle est venue de l'étage où se trouve le bunker, dispose d'une force surhumaine octroyée par ses traits monstrueux et a tout à fait pu utiliser l'arme d'un milicien pour assassiner la Présidente. Du fait de son... histoire, elle a également un bon mobile pour s'être montrée aussi revancharde. Les eaux ayant tout emporté, la disparition de l'arme du crime est un mystère qui peut tout à fait rester entier.
La "Fou" est drapée de davantage d'interrogations, mais il a été établi toutefois qu'elle disposait d'aptitudes martiales extraordinaires lors de son duel contre moi, ainsi que d'une capacité à se métamorphoser tout en combattant. Puisqu'elle a été aperçue et affrontée sous la forme d'un Cent Doré, il est possible qu'elle ait d'abord profité du chaos pour tuer Mirelda en jouissant d'un camouflage similaire."
Puis, après une brève pause, il proposa une idée profondément sinistre, une nouvelle preuve irréfutable de son inébranlable volonté d'agir pour le bien du Sénateur en dépit de sa propre intégrité :
"Ne pourrions nous pas... altérer mes souvenirs des évènements ? Ainsi, même une étude magique de ma mémoire corroborerait notre version des faits. Nous pourrions faire dire tout et n'importe quoi à la "Fou"."
Cela fait, il ajouta une ultime note :
"Concernant les Cent Dorés qui ont survécu à cette bataille, avez-vous prévu quelque chose ? Ils semblent avoir disparu dans la nature, mais nous ne pouvons pas nous permettre de les laisser évoluer librement avec les informations dont ils disposent."
Il aurait voulu lui dire qu'il avait adoré son discours, mais il préféra accorder au Sénateur le repos dont il avait besoin.
Comme à son habitude, Zelevas vint brusquement rompre le calme et s'engagea dans le sujet avec une diligence aussi soudaine que surprenante. La tête de Mortifère pivota abruptement sur le côté et il fit face au vieil homme qui venait tout juste d'ouvrir les paupières. Lorsque l'on travaillait pour le Sénateur, il fallait toujours rester sur le qui-vive et se préparer à passer du rien au tout en un quart de seconde. C'était un trait plutôt amusant en règle générale, un aspect du métier qui ne déplaisait pas particulièrement à Mortifère mais qui, en de telles circonstances, avait suscité jusqu'à cette prise de parole de nombreuses angoisses. Se penchant légèrement en avant pour indiquer qu'il était à l'écoute et qu'il traitait le sujet avec un absolu sérieux, Mortifère se fit aussi attentif que possible et hocha la tête suite à la première affirmation, avant de répondre sommairement à la question que lui posait le Sénateur :
"En bonne voie, Sénateur. Nous avons repris contact avec le Docteur. Le budget alloué aux nouveaux implants a été versé à ses hommes et le matériel requis dans le cadre des opérations a probablement déjà été livré, à l'heure qu'il est. Les interventions pourraient avoir lieu demain comme la semaine prochaine, selon les disponibilités que vous m'accordez."
Il y avait dans le fait d'aborder un sujet aussi effroyable un détachement du concerné tout à fait usuel. Les fameuses "interventions", déjà planifiées et organisées depuis quelques temps, n'avaient été repoussées que pour éviter d'avoir à contrer des complications éventuelles lors de la crise prévue par l'annonce de la venue du Titan des océans. Cette décision s'était avérée plus que raisonnable car l'opération que devait supposément subir Mortifère impliquait un retrait intégral de son dernier œil organique ainsi qu'une implantation somme toute très intrusive d'éléments technomagiques destinés à renforcer corps et esprit. De telles manœuvres alimentaient naturellement un sentiment d'inquiétude chez le militaire mais en vue de son obsession pour le devoir, il relativisait sans mal cet effort attendu.
Il n'avait pas le droit de céder à ses faiblesses, pas en ce moment.
Zelevas révéla ensuite une part de la composition de l'équipe supposée enquêter sur l'assassinat de Mirelda Goldheart. L'angélique Sénateur avait visiblement pris la tête de l'opération, chose particulièrement problématique en vue de la forte implication personnelle du concerné et de ses facultés d'analyse connues pour êtres tout bonnement hors norme. Soren n'allait pas se contenter d'une réponse à demi-justifiée et remuerait ciel et terre pour dénicher un coupable. De toute évidence, il allait se constituer un véritable escadron d'enquêteurs triés sur le volet et probablement dotés de facultés surnaturelles pour les assister dans le cadre de leurs recherches. Le sujet suivant fut amené sans transition et lorsque le nom de Dame de Rockraven fut évoqué, Mortifère enchérit d'un ton monotone :
"De Rockraven va sans doute être très affairée suite à l'intrusion des sorcières dans la Salle du Souvenir. Nous pourrions tâcher de la faire accuser de négligence ou de complicité avec l'ennemi pour l'évincer mais je doute de la réussite d'une telle manœuvre et surtout de son intérêt. Elle sera tôt ou tard interrogée vis-à-vis du projet Palladium. Pourquoi l'estimez vous si dangereuse ? Je ne comprends pas quels risques elle alimente, mis à part au niveau des informations qu'elle pourrait livrer à mon sujet."
Il n'eut pas l'occasion de s'étendre davantage sur le sujet, car l'arme du crime fut évoquée immédiatement. Les prothèses, le seul élément des pièces à conviction à demeurer pleinement sous leur contrôle. Tout en hochant lentement la tête, Mortifère écarta les doutes concernant ce problème :
"Mes prothèses ayant été partiellement détruites lors de la défense de la cité, leurs restes ont été entreposés dans l'un de nos centres de recherche. Elles doivent probablement déjà avoir été détruites. Le cœur amplificateur dont elles sont équipées devient instable lorsqu'il est fracturé, elles constituent donc un danger qu'il est légitime d'avoir écarté. Pas d'inquiétude à ce niveau, je suppose."
A l'évocation des premiers suspects potentiels, Mortifère répondit instantanément, démontrant ainsi qu'il avait longuement étudié la question au lendemain de l'acte irréparable :
"Je n'ai pas eu l'occasion d'étudier Phtonia, mais elle est une coupable toute trouvée. Elle est venue de l'étage où se trouve le bunker, dispose d'une force surhumaine octroyée par ses traits monstrueux et a tout à fait pu utiliser l'arme d'un milicien pour assassiner la Présidente. Du fait de son... histoire, elle a également un bon mobile pour s'être montrée aussi revancharde. Les eaux ayant tout emporté, la disparition de l'arme du crime est un mystère qui peut tout à fait rester entier.
La "Fou" est drapée de davantage d'interrogations, mais il a été établi toutefois qu'elle disposait d'aptitudes martiales extraordinaires lors de son duel contre moi, ainsi que d'une capacité à se métamorphoser tout en combattant. Puisqu'elle a été aperçue et affrontée sous la forme d'un Cent Doré, il est possible qu'elle ait d'abord profité du chaos pour tuer Mirelda en jouissant d'un camouflage similaire."
Puis, après une brève pause, il proposa une idée profondément sinistre, une nouvelle preuve irréfutable de son inébranlable volonté d'agir pour le bien du Sénateur en dépit de sa propre intégrité :
"Ne pourrions nous pas... altérer mes souvenirs des évènements ? Ainsi, même une étude magique de ma mémoire corroborerait notre version des faits. Nous pourrions faire dire tout et n'importe quoi à la "Fou"."
Cela fait, il ajouta une ultime note :
"Concernant les Cent Dorés qui ont survécu à cette bataille, avez-vous prévu quelque chose ? Ils semblent avoir disparu dans la nature, mais nous ne pouvons pas nous permettre de les laisser évoluer librement avec les informations dont ils disposent."
Il avait simplement posé la question pour que le principal concerné lui apporte la confirmation de ce qu’il pensait être juste, que les préparatifs aient été avancés avec le Docteur pour l’opération était un détail qu’il avait relégué au second plan et dont il avait soudainement douté en y repensant à l’instant. Il faut dire que ces dernières semaines puis ces derniers jours lui avaient donné tant d’autres choses auxquelles penser qu’il n’était plus tout à fait sur de ne pas occulter de détails importants.
”Bien. Très bien.”
Il écoute également la réponse du Premier-Né quant au problème concernant la Grande Mécène, mais les suppositions avancées par le colosse d’acier le laissent de marbre, peu convaincantes.
”La Grande Mécène… Pourquoi je la trouve dangereuse?” Zelevas agrippe la tringle sous le toit au niveau de la portière, tire dessus pour décoller son séant de la banquette et soulevant cette dernière, il fouille dans les documents entreposés dans le compartiment. ”Parce que vois-tu, j’ai eu l’occasion de discuter à plusieurs reprises avec cette femme. Je sais qu’elle et moi avons une vision similaire du pragmatisme politique bien que le fond de nos idées divergent, c’est pour commencer une femme redoutablement intelligente. Tu n’as pas lu les rapports falsifiés que nous avons communiqué à son ministère concernant Palladium mais moi oui, et je peux te dire une chose, elle sait qu’ils sont faux. À ton avis pourquoi n’a-t’elle pas fouillé plus loin? Parce qu’elle était simplement occupée? Non! Parce qu’elle… Non, non… non c’est pas ça…” Il fouille dans des liasses de papiers à la recherche de celle qui concerne la ministre. ”Non, non non non, oui? Non. Ah c’est celle là, je disais du coup euh… oui! Je disais que si elle n’a pas fouillé plus loin c’est uniquement parce qu’elle ne le considérait pas comme une priorité en plus du fait qu’elle voit Palladium sous un oeil curieux, mais c’est une femme droite, si on lui donne une raison de mettre son nez dans nos affaires, elle le fera, et ça, ça c’est un problème.” Brandissant une vieille fiche de renseignement de Garde des Sceaux, Zelevas montre sous le nez de Mortifère un rapport d’informations datant de l’An -12. ”Fortes capacités magiques psycho-analytiques. Là. On peut tout à fait ralentir l’obtention d’un mandat de lecture psychique jusqu’à ce que ce ne soit plus un problème, mais si c’est la Grande Mécène en personne qui débarque chez nous pour te sonder le crâne, je ne pourrai pas y faire grand chose. Nous devions se méfier d’elle comme de la peste, bien qu’elle puisse nous être utile et toujours représenter une alliée de choix selon les circonstances. D’accord?”
Il range les documents dans un état un peu plus ordonné que lorsqu’il les avait sorti, et referme la banquette pour se rasseoir dessus. Son regard se promène ensuite vers le paysage alors que la diligence continue de les ballotter au gré des nids de poule dans le chemin. Quand Mortifère reprend ensuite la parole pour soulever une certaine possibilité, le Sénateur ne peut s’empêcher de lancer un regard appuyé au soldat. L’existence même d’une telle requête marque pour Zelevas une part d’échec certaine qui vient entacher la réussite du Projet Palladium, enfin selon lui. Il est le créateur et le principal acteur financier de l’expérience, mais il n’en est pas le seul moteur, d’après le Docteur la dernière phrase prononcée par le sujet témoignerait sans doute d’une franche réussite et d’une porte ouverte vers un potentiel scientifique et médical hors du commun, mais pour Zelevas qui n’était intéressé que par l’application martiale des aptitudes de Mortifère en tant que militaire, le degré de détachement de sa cognition et de ses émotions est trop élevé pour être de bonne augure. Un soldat qui n’éprouve rien pour ce qu’il défend n’a pas plus de raison de se battre pour son camp que pour celui d’en face, si ce n’est que le bras qui le commande porte un brassard d’une certaine couleur plutôt qu’une autre. Le vieil homme craint donc tout naturellement que l’attachement de Mortifère envers pas seulement la République mais aussi son peuple et ses valeurs ne soit conditionné que par les carcans psychologiques mis en place par le Projet, et non pas par un amour simple de la glorieuse Nation Bleue. Il dévie donc son regard en coin des yeux dépareillés du Cerbère et retourne perdre ses propres bleus-aciers dans le défilement des arbres et des collines ravagées de Liberty.
”Soit. C’est une possibilité.” Un silence pesant s’installe, dure quelques minutes, le temps que le Sénateur pèse le pour et le contre. ”Modifier tes souvenirs présente un intérêt, mais il a ses limites. J’ignore encore totalement jusqu’où les capacités du Doc’ s’étendent, mais en admettant qu’il soit capable de réécrire ta mémoire, nos deux versions mémorielles des faits deviendraient dissonantes, et de plus, une telle modification ne serait autrement justifiable que par du recel d’information et donc une entrave grave à la justice si je dois être inculpé. Cette enquête est une partie d’échec subtile Mortifère, et elle se joue sur deux plateaux, il ne s’agit pas seulement de s’assurer que ces petits curieux ne remontent pas jusqu’à nous, mais aussi que dans l’éventualité où il le feront, ce qui a des chances non négligeables d’arriver, je sois aussi acquittable que possible. Nous devons éviter au mieux le nombre de mesures qui aggraveraient mon plaidoyer.”
Il se penche en avant, accordant cette fois toute son attention au colosse tandis que celui-ci en fait de même. Comme pour augmenter d’un cran le sérieux de leur échange, Zelevas baisse légèrement le ton en s’adressant à Mortifère.
”Justement tu parles des Cents Dorés, mais je n’ai eu aucune nouvelles ni confirmations de mes contacts à l’Office ou dans la GAR qu’ils aient été retrouvés, les deux qui manquent à l’appel parmis les cadavres je veux dire. Il est difficile pour moi de mobiliser mon réseau maintenant, surtout pour lancer une chasse à l’homme après des mercenaires aussi connus et renommés que des membres des Cents, je me mettrai en porte à faux à me lancer à leur poursuite, mais tu vois j’ai bien réfléchi à la situation et j’ai ressassé la scène encore et encore, et il y a beaucoup de points qui jouent en fait en notre faveur.” Dans la banquette, contre le compartiment-coffre figure un petit tiroir dans lequel le Sénateur garde toujours de quoi griffonner des rappels, prendre des notes, esquisser des calculs rapides ou simplement lister des informations, il trace donc une frise chronologique vulgaire et l’annote au fur et à mesure de ses explications, ”Parce que, Mirelda nous a privé de tout moyen de défense en premier lieu n’est-ce pas? Toi et moi sommes au courant de ça, elle a fait appel au pouvoir de l’Anneau alors même que nous n’avions montré aucun signe d’une quelconque hostilité, hors c’est ce qu’elle a fait après m’avoir insulté n’est-ce pas? Bien, et bien sache qu’il y a une prescription, plus tôt dans la journée j’ai indiqué à de Rockraven que j’avais l’impression que Mirelda pouvait profiter du chaos pour nous faire disparaître, et celle-ci a même été d’accord avec moi. Il n’y avait dans cette chambre forte, aucune menace potentielle qui aurait remis en cause son intégrité physique n’est-ce pas? Et pourtant elle a décidé de neutraliser mon garde du corps, et tu as les accréditations en plus, toute attaque sur ta personne, constitue une atteinte à la mienne. Présidente ou non.”
Zelevas tamponne le papier du plat de la plume.
”Il y a légitime défense dans le fait que je lui ai tranché le doigt, sans tentative d’atteinte à sa vie, j’ai simplement prononcé une condamnation qui ne devait pas avoir de valeur juridique, en abusant du titre honorifique de Haut-Juge, c’est là en fin de compte mon réel chef d’inculpation. La Vice-Présidente est encore plus incriminable que je ne peux l’être. Je pense… je pense que tout est encore jouable. Surtout avec la déclaration en main.”
Ce papier, ce papier de déclaration d’état-d’urgence qui était la principale raison pour laquelle Zelevas avait perdu toute confiance en l’ancienne cheffe de l’état dans la chambre forte. Ce papier qui avait marqué le tournant décisionnel chez le Sénateur, ce papier qui était maintenant dans la doublure de sa veste.
”C’est jouable.”
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Les longues pauses que marquaient Zelevas entre leurs échanges ne présageaient rien de bon et laissaient sans mal entrevoir l'étendue de tout son épuisement. Le poids des remords vis-à-vis du meurtre de Mirelda ne devaient pas peser bien lourd sur ses épaules mais l'intensité des réflexions qui y étaient associées, elles, avaient de quoi assaillir la volonté supposément inébranlable du Lion. S'il consentit à envisager la possibilité d'une altération mémorielle chez son garde du corps, le silence intense qu'il laissa au préalable ne manqua pas de le ramener à la conversation qu'ils avaient tenu concernant un thème plutôt similaire, à savoir l'élimination pure et simple des émotions de Mortifère.
De toute évidence, la vilaine grimace que faisait sans le vouloir le Sénateur traduisait en partie cet état de fait. Etait-il si déçu de voir l'homme s'effacer au profit du monstre de métal ? C'était un aspect du projet sur lequel Mortifère et son façonneur ne s'étaient jamais compris car le soldat lui-même ne percevait que difficilement l'intérêt d'une conservation de cette part de faiblesse qui endiguait l'obtention de plus impeccables résultats. Toujours désireux néanmoins de se montrer aussi droit que possible en présence de son mentor, Abraham se gardait du mieux qu'il pouvait d'évoquer le sujet, sachant à quel point il avait tendance à agacer le vieil homme.
Les yeux rivés sur son vis-à-vis, Mortifère assimila au mieux l'entièreté des informations que lui communiquait Zelevas, hochant régulièrement la tête en guise de confirmation sans interrompre le discours de son supérieur. Plus endiablé et moins décousu qu'au départ, l'explication s'était faite plus concise et surtout autrement plus rassurante. Inspectant avec attention le document rédigé à la hâte par le Sénateur, Mortifère confirma silencieusement les dires de ce dernier par un énième signe de tête et crut voir, dans cette explication, l'espoir d'une fin heureuse pour la survie de leurs idéaux. Loin d'être pleinement en confiance, le soldat s'apaisa néanmoins un peu et vint enfoncer son dos vouté contre le dossier de sa propre banquette.
"Je vous fais confiance, Sénateur. Concernant Mirelda, il est vrai que son attaque subite m'a... décontenancé. Je savais qu'elle ne portait aucun amour à notre projet mais..."
Pensivement, il accorda à l'un des assortiments de cisailles qui constituait sa main droite un bref regard puis fit claquer les articulations mécaniques avant de reprendre :
"...je n'aurais pas cru toutefois qu'elle s'en serait aussi directement prise à moi dans un élan de colère. Le dégout et la rage dans son regard, je... j'aurais bien du mal à les oublier."
Maintenant qu'il y repensait, tout s'était passé si vite. A peine avaient ils pénétré le bunker que les deux politiciens s'étaient lancé dans une joute verbale. En moins de temps qu'il n'en aurait fallu pour le dire, Mortifère avait été projeté à terre par l'impulsion d'anti-magie qu'avait délivré Mirelda et la suite, évidemment, s'était avérée sanglante. Avait elle entrevu leurs projets ? Qu'aurait elle fait, si ni Zelevas ni son garde du corps n'avaient décidé de prendre les choses en main et d'adopter cette léthale riposte ? Tant de questions qui, malheureusement, ne trouveraient jamais leur juste réponse.
Abraham inspecta momentanément l'extérieur de l'habitacle, s'attardant sur le paysage. Cela faisait longtemps désormais qu'il avait réfléchi à l'autre sujet, celui justement qu'il refusait d'amener de peur de s'attirer les foudres de son mentor mais, face à l'urgence de la situation et à sa résignation au sujet des futures opérations menées sur le corps du soldat, le concerné décida d'exprimer ce qu'il ressentait vraiment sur ce point qu'il avait si longuement étudié :
"Sénateur, il y a un sujet dont vous m'aviez interdit de parler pendant au moins trois ou quatre mois, pour reprendre vos termes..."
Un fin sourire se dessina sur les lèvres du soldat. N'était ce pas là son premier trait d'humour depuis leur rencontre ?
"Le temps est écoulé, n'est-ce pas ?"
L'affaire avait en vérité déjà été ramenée sur le tapis, les livraisons de matériel et les planifications du Docteur en témoignaient. Ces préparatifs s'étaient néanmoins effectués sans que de nouvelles discussions aient lieu entre le Sénateur et sa chimère et, tant par correction que du fait de son éternel désir de reconnaissance, Abraham éprouvait le besoin d'avoir davantage d'informations délivrées honnêtement concernant le positionnement de Zelevas :
"J'y ai beaucoup réfléchi, comme vous l'aviez demandé."
Il se pencha en avant, croisant ses griffes pour adopter une posture démontrant son sérieux :
"J'ai compris, je pense, ce que vous vouliez me communiquer. Ce que vous vouliez, c'était créer un surhomme et non une bête aveugle, seulement mue par les ordres dictés par une quelconque baguette. Vous désiriez coupler la fierté d'un noble représentant républicain avec la puissance implacable de nos avancées technomagiques..."
Son sourire s'effaça et, après avoir difficilement dégluti, il riva ses yeux sur ceux du politicien, avant de lui livrer la triste vérité :
"Je ne suis pas l'homme qu'il vous fallait, Sénateur."
Avec une certaine émotion, il reprit après une brève pause :
"Mes convictions sont toujours entières et l'amour que je porte à notre Nation grandit de jour en jour. Je n'ai malheureusement à vous offrir que cette ferveur car les faits ont prouvé, à maintes et maintes reprises, que je suis incapable de vous servir convenablement du fait de mes imperfections. Les interventions m'ont affaibli mentalement, elles ont érodé mon esprit, bien plus que je n'ai su l'admettre. J'ai croisé lors de la commémoration la fameuse sirène à l'origine de tous mes doutes. Face à elle, j'ai... j'ai fui. Je suis extraordinairement faible, indigne de vous."
Mortifère se racla la gorge, puis conclut avec une détermination ébranlée :
"A une heure où même les erreurs les plus minimes représentent pour votre œuvre un danger majeur, je ne peux me permettre de défaillir lors d'un moment capital. Anéantir cette humanité en moi ne constituera certainement pas un renouveau. Cette intervention aura toutefois le mérite de vous accorder une arme fiable, digne et inviolable, bien au delà de ce que vous pouvez espérer obtenir en gardant mon esprit... intact."
Une dernière note, plus dure encore à livrer que le reste :
"Je suis désolé. Je ne suis pas à la hauteur. J'ose espérer que le Cerbère de fer le sera, lui."
Faire le deuil de soi n'était pas chose aisée.
Si Mortifère parvenait encore à s’étonner d’un défaut de Mirelda, c’était pour deux raisons, la première étant qu’en raison de son jeune âge, il n’avait pas connu cette époque où la jeune milliardaire s’échinait à racheter l’immobilier républicain à travers le pays en usant de méthodes prédatrices pour asseoir sa main sur des quartiers entiers de banlieues. La deuxième, c’est qu’en raison de son statut, il n’avait pas connu la Goldheart quand elle s’échinait à acheter sa place parmis la noblesse républicaine à travers les soirées mondaines en usant de méthodes brusques pour asseoir son nom à la table des Six Grandes Familles.
”Mmhmm… il fallait s’y attendre.”
Les raisons qui poussaient Zelevas et Mirelda à s’en vouloir avec une aussi véhémente intensité étaient ancrées profondément dans le coeur du vieillard, et quelque part sa mort aussi rapide et chaotique ne permettraient jamais au d’Élusie de lui extorquer les aveux qu’il aurait voulu lui tirer, tant pis. Il y a des secrets qui iront jusqu’à la tombe et au delà. Continuant de réfléchir aux différents facteurs qui déterminent actuellement le futur de la nation toute entière, Zelevas se sent pris au piège dans un inextricable jeu à la complexité démente. Entre les intérêts économiques de certains acteurs, le Directorat de la SSG, le Conseil Constitutionnel, la situation par rapport à Azura et…
Il ressort de ses pensées quand la voix âpre de Mortifère retentit à nouveau dans l’habitacle du véhicule, et cette fois sa première phrase suffit déjà à semer sur le visage du Sénateur un mur de marbre et un regard pesant. Avant même que le Premier Né ne développe, Zelevas sait déjà autour de quoi la conversation va tourner, ces derniers mois avaient été particulièrement éprouvants pour le soldat et en qualité de garde du corps il n’y avait de toute façon que très peu de sujet que le vieillard avait interdit d’évoquer au jeune homme. Sans dévier sa tête de la fenêtre de la diligence, il oriente son regard vers Mortifère, le toisant ainsi de biais avec un air blasé qui démontrait bien sa désapprobation quant aux mots qui allaient sortir des lèvres fendillées du soldat. Aller vas-y. Dis le, qu’on en finisse.
Il écoute ainsi sans un bruit le mea culpa du Cerbère, et il ne dit rien. Il ne dit rien quand celui-ci lui avoue se sentir trop faible, il ne laisse même pas un hochement de tête indiquer un quelconque avis sur la question, Zelevas reste stoïque pendant que son précieux prodige lui explique également vouer une loyauté envers son créateur si forte, à tel point qu’il en vient à choisir le sacrifice de son humanité restante pour ne pas risquer son oeuvre. Et il ne dit rien. Tout ce dont Mortifère doit se contenter, tout ce dont ses attentes, ses craintes et ses doutes ne peuvent se nourrir, ce n’est que de ce regard lourd. Ce n’est que de ces yeux gris dénués d’empathie, de ces sourcils imperceptiblement froncés pour donner un air grave à cette pesante oeillade, de cette tête légèrement inclinée à l’opposée de Mortifère, lui faisant regarder le Cerbère de haut avec une légère émotion, un mélange indéchiffrable de mépris, de déception ou de dépit. Lorsque de sa conclusion, le jeune homme sombre dans une attente insoutenable de la réaction du Lion, celui-ci fixe quelques instants de plus la lentille magique dans le même mutisme avant de cligner des yeux et de dévier son regard, vers le décor enneigé de la campagne républicaine. Un soupir subreptice souffle de son nez sans qu’aucune grimace ne le déforme, et alors que les épaules du d’Élusie se soulèvent et s’abaissent profondément, il finit par se pencher en avant, accordant un regard de plus au soldat qui croit peut-être être sur le point d’obtenir une réponse mais à la place, le Sénateur se lève carrément de la banquette en ouvrant la porte de la diligence en route, il se tient à la barre, pose un pieds sur la marche du garde-boue et en passant la moitié de son torse à l’extérieur, il tapote de sa main gauche le toit du véhicule. Le cocher assis sur son siège se retourne en entendant le bruit:
”Oui Sénateur? On s’arrête?”
”Non.” Il frotte ses yeux de sa main gantée libre en disant par dessus le vacarme des sabots et des roues, ”Le labo.”
”De… d’accord, pas de problème Sénateur.”
Tirant sur son bras droit pour revenir à l’intérieur, il se réinstalle sur la banquette de la diligence, cette fois dans une position bien plus avachie alors que le siège bascule vers l’avant, et il croise ses bras fermement, mains calées sous les aisselles. Il évite le regard de Mortifère tandis qu’il cale son menton contre son torse et ferme les yeux, une expression toujours désabusée sur le visage à cause de ses rides assombries et ses mâchoires serrées. La sieste allait être difficile à trouver alors qu’il venait tout juste d’accuser le coup, l’échec manifesté par le Cerbère l’affecte en réalité bien plus qu’il ne pourrait le formuler avec des mots, puisqu’après un succès aussi retentissant des performances du Docteur, la défaite de Mortifère face à sa propre psychée constituait cette fois une défaite de Zelevas envers lui-même. Ce n’est pas qu’une simple question d’égo, ou plutôt c’est l’égo mais de toute une vie, d’avouer que le Projet Palladium n’a pas abouti comme il l’aurait souhaité. Faisant mine de roupiller pour s’acheter un semblant de tranquillité, le Fraternitas ne sait même plus à quoi se raccrocher pour continuer d’avancer, tout le lâche, tout lui fait défaut, prendre sur soi et persévérer ne devient plus une volonté mais un choix imposé, et il ne sait pas combien de temps il pourra encore tenir à ce rythme alors un peu de repos aussi factice qu’il soit ne sera pas de refus.
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Ce détournement de regard couplé à ce silence profond. Alors que Mortifère venait tout juste de subir ce traitement plus cruel encore que ne l'avaient été les innommables tortures dont il avait été victime, il savait déjà tout au fond de lui que jamais il n'oublierait cette déclinaison dans la lueur animant le regard glacial du Sénateur. Il venait de se rendre responsable du pire : amenuiser l'espoir déjà chancelant de celui qu'il considérait à bien des égards comme un véritable père.
Il avait raison, après tout. Que dire, face à un tel échec ?
Loin de vraiment espérer une réponse réconfortante après une si pathétique démonstration d'impuissance, Mortifère observa sans mot dire le Sénateur lorsque celui-ci intima à leur chauffeur de changer de direction et, de la même manière, il demeura de marbre lorsque Zelevas retourna à son assise pour venir s'installer au fond de son fauteuil, l'air interdit et les bras croisés contre son torse. Le soldat ne quitta pas son mentor des yeux lorsque ce dernier vint clore ses paupières en affichant une indescriptible expression puis, après quelques instants passés à se morfondre intérieurement, Abraham vint lui aussi se rabattre en arrière, tournant la tête vers la gauche pour ne montrer que son œil mécanisé, ce dernier ayant l'avantage indéniable de ne pas pouvoir se border de larmes.
Bercé malgré les tourments qui enserraient son cœur par le bruissement des sabots martelant les sentiers boueux, Mortifère parvint, après de longues minutes passées à se repencher sur ses révélations attendues qu'il venait de formuler à haute voix; à sombrer par épuisement dans un sommeil agité. Lorsque la conscience s'affaiblit aux profit de rêveries taillées dans la toile de ses regrets, il eut au moins le loisir de jouir, peut être une dernière fois, de ce que lui offraient ses fantaisies. Avait-il espéré mieux ? Pas vraiment, en définitive.
_
Le véhicule s'immobilisa enfin et lorsque les chevaux ralentirent la cadence, Abraham s'extirpa presque instantanément de son endormissement trop léger. Avant même de pouvoir jeter un oeil par la fenêtre, il sut qu'il avait retrouvé ce foyer qu'avait été le sien, comme si l'air qui encernait les lieux possédait une saveur différente de celle du reste du monde. Les remugles des charognes et l'odeur des malades n'étaient pas perceptibles jusqu'ici mais, telle une bête alerte, le soldat parvenait à ressentir sans tout à fait le comprendre la profonde détresse qui émanait des confins de son ancien logis.
Il ne prit pas la peine de s'assurer que Zelevas était réveillé et usa de sa télékinésie pour faire pivoter la poignée de l'habitacle, quittant ensuite le véhicule avec une diligence hors-norme en vue de la gravité des évènements. Face à l'horreur du traitement qu'il s'apprêtait à subir, il avait au moins la décence de démontrer un invariable courage. Les arbres, comme la dernière fois qu'il les avait vu, semblaient figés et sépulcraux. Il se dégageait de l'immense manoir une atmosphère lugubre mais pourtant étrangement rassurante aux yeux de celui qui était parvenu en dépit des atrocités qui y étaient commises à dénicher là-bas quelques souvenirs heureux.
La fierté, la larme s'écoulant sur la joue de Zelevas lorsqu'il parvint à occire les bêtes enragées que l'on avait placé face à lui. C'était un temps meilleur, un temps de promesses et d'accomplissements grandioses.
Mortifère tendit une paume d'acier en direction de la grille, ouvrant ainsi par une impulsion magique l'accès au domaine. Le portail usé offrit au soldat un sinistre grincement aux faux airs de lamentations et Mortifère, sans même attendre le Sénateur, s'avança sur le sentier de la perdition. Pourquoi se presser pour se jeter tête la première à l'abattoir ? Parce que le Docteur, lui, le comprendrait. Il lui avait envoyé Isolde à sa rencontre justement à cette fin : pour lui prouver l'évidence.
D'un pas rapide, il escalada les marches qui le séparaient de sa propre mort et poussa la porte d'entrée d'une nouvelle vague magique, seulement pour être accueilli par une servante masqué qui le salua d'une humble courbette, avant de le saluer d'une voix mielleuse :
"Bon retour parmi nous, Mortifère."
Sans fioriture, le soldat balaya le hall d'entrée des yeux, avant de lancer :
"Tout est prêt ?"
"Bien entendu."
Il y eut un bref flottement, puis il reprit :
"L'exérèse; peut-elle aussi être effectuée aujourd'hui ?"
S'il ne pouvait distinguer les traits de l'hôtesse derrière son masque, il crut discerner dans ses légers mouvements une certaine surprise. Stupeur ou enchantement ? Dur à dire.
"Je suppose. Le Docteur va nous rejoindre."
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"Et vos précieux conseils m'ont manqué, Docteur."
Un sourire timide se fraya un chemin sur les lèvres pincées et blafardes du militaire. N'étant pas né de la dernière pluie, il savait que le praticien de l'ombre avait œuvré dans l'ombre, de temps à autre, pour s'assurer de faire évoluer sa création dans le bon sens, la poussant sur un sentier ténébreux qu'elle était contrainte d'arpenter. Ce qu'il y avait de plus surprenant, en revanche, c'était que Mortifère n'éprouvait pas la moindre once de ressentiment à l'égard du Docteur ni même de la cruelle demoiselle qu'il avait dépêché pour lui nuire. Peu porté sur la parlotte inutile, le Docteur était un pionnier de la science et avait tendance à privilégier les démonstrations plutôt que les explications. Il avait, évidemment, prouvé ce qu'il souhaitait amener.
Cela faisait des lustres qu'il n'avait pas ressenti ce frisson dans l'échine qu'accompagnait la télépathie du Docteur mais, puisqu'il y avait lourdement été accoutumé, il ne sourcilla pas face à la seconde intrusion, pas plus qu'il n'avait réagi à la précédente. L'expert profita de la proximité avec son engeance mécanisée pour détailler l'état des prothèses de seconde génération et Mortifère offrit son bras pour permettre une étude plus approfondie des armes. Disposant d'une allonge réduite par rapport aux excroissances habituelles, elles demeuraient néanmoins redoutables en combat et avaient le mérite d'être à la fois plus élégantes et discrètes.
"Oui, le Sénateur m'a accompagné. Je..."
Abraham tourna la tête pour accorder un regard à la porte d'entrée. Zelevas n'avait-il même pas pris la peine de le suivre jusqu'à l'intérieur de l'édifice ? Sa déception était donc si grande ?
Tâchant de ne pas s'interroger davantage sur ce sujet, le jeune homme pivota pour se reposter face au Docteur qui, visiblement, avait déjà conclu son examen des membres mécanisés. Il hocha fébrilement la tête lorsque le scientifique masqué lui intima de le suivre et s'exécuta sans enjouement :
"Il nous rejoindra."
Les silhouettes des deux géants s'enfoncèrent dans les escaliers menant aux sous-sols et une nouvelle brise faite de souvenirs monstrueux s'immisça dans les pensées du soldat. Il se remémora les fosses, les combats incessants contre des expériences ratées et des cobayes rendus fous par des substances intoxicantes. Il visualisa les charniers infernaux et les masses de chair informe que l'on avait flanqué à des crochets comme de misérables morceaux de viande. Il vit les tuyaux de fer et de verre, l'écoulement des liquides à la composition blasphématoire qui parcouraient en tout temps ses veines viciées.
Sa tanière, la vraie. N'était ce pas curieux que de ressentir un tel apaisement alors que la Mort personnifiée nous guidait dans les méandres de son royaume abyssal ?
Talonné par des laborantins qui repoussaient chariots sur lesquels avaient été entreposés divers ustensiles ayant pour point commun de ressembler davantage à des instruments de mort que de soin, Mortifère pénétra à la suite du Docteur dans la pièce exiguë où la vraie magie, à de nombreuses reprises, avait opéré. Mortifère n'eut besoin d'aucun rappel et lorsque deux assistants se postèrent à ses côtés, il releva machinalement ses coudes pour accueillir les mains gantées des deux individus tout en actionnant par télékinésie les verrous servant de point d'ancrage à ses membres. Délesté du poids des membres métalliques, il se redressa et inspira profondément avant de se tourner dos à la table sur laquelle il vint s'assoir s'aidant de ses pieds pour adopter une posture adéquate. On le délesta de son épais manteau ainsi que de la chemise dont il était vêtu, exposant ses innombrables fêlures du passé de même que les plus récentes, à savoir celles dont il avait hérité lors de l'attaque de Liberty.
Le soldat s'allongea doucement, puis enfonça l'arrière de sa tête contre le linge déposé à l'emplacement prévu à cet effet puis, alors que tous s'affairaient pour les préparatifs de dernière minute, il répondit sobrement à la question "attentionnée" de son interlocuteur masqué :
"Comme un homme qui vit ses derniers instants."
En la compagnie du praticien, Mortifère retombait dans ses anciens travers et traitait ses propres émotions avec cette cruelle distanciation. Spectateur de sa propre existence, il commentait ses états d'âme comme si ces derniers le concernaient qu'à peine.
"J'ai peur, une réponse sans doute adaptée face à l'anéantissement des fonctions superflues de mon corps imparfait. J'ai mis ma vie entre vos mains une fois, il est donc normal que je vous confie également la responsabilité d'assurer la conclusion de ce chapitre ainsi que l'ouverture du suivant, n'est-ce pas ?"
Son expression traduisait, étrangement, un fascinant mélange de tristesse et d'espérance. Il tâcha toutefois de sourire, car décevoir un père de substitution lui avait suffi et parce qu'il savait à quel point le Docteur avait attendu ce jour. Les pas de Zelevas se firent entendre au bout du couloir menant à la salle d'opération et Mortifère ajouta, avant l'arrivée de ce dernier :
"Je suis prêt, en tout cas."
Il expira, réalisant tout juste qu'il avait retenu son souffle depuis près d'une minute.
Un sourire timide se fraya un chemin sur les lèvres pincées et blafardes du militaire. N'étant pas né de la dernière pluie, il savait que le praticien de l'ombre avait œuvré dans l'ombre, de temps à autre, pour s'assurer de faire évoluer sa création dans le bon sens, la poussant sur un sentier ténébreux qu'elle était contrainte d'arpenter. Ce qu'il y avait de plus surprenant, en revanche, c'était que Mortifère n'éprouvait pas la moindre once de ressentiment à l'égard du Docteur ni même de la cruelle demoiselle qu'il avait dépêché pour lui nuire. Peu porté sur la parlotte inutile, le Docteur était un pionnier de la science et avait tendance à privilégier les démonstrations plutôt que les explications. Il avait, évidemment, prouvé ce qu'il souhaitait amener.
Cela faisait des lustres qu'il n'avait pas ressenti ce frisson dans l'échine qu'accompagnait la télépathie du Docteur mais, puisqu'il y avait lourdement été accoutumé, il ne sourcilla pas face à la seconde intrusion, pas plus qu'il n'avait réagi à la précédente. L'expert profita de la proximité avec son engeance mécanisée pour détailler l'état des prothèses de seconde génération et Mortifère offrit son bras pour permettre une étude plus approfondie des armes. Disposant d'une allonge réduite par rapport aux excroissances habituelles, elles demeuraient néanmoins redoutables en combat et avaient le mérite d'être à la fois plus élégantes et discrètes.
"Oui, le Sénateur m'a accompagné. Je..."
Abraham tourna la tête pour accorder un regard à la porte d'entrée. Zelevas n'avait-il même pas pris la peine de le suivre jusqu'à l'intérieur de l'édifice ? Sa déception était donc si grande ?
Tâchant de ne pas s'interroger davantage sur ce sujet, le jeune homme pivota pour se reposter face au Docteur qui, visiblement, avait déjà conclu son examen des membres mécanisés. Il hocha fébrilement la tête lorsque le scientifique masqué lui intima de le suivre et s'exécuta sans enjouement :
"Il nous rejoindra."
Les silhouettes des deux géants s'enfoncèrent dans les escaliers menant aux sous-sols et une nouvelle brise faite de souvenirs monstrueux s'immisça dans les pensées du soldat. Il se remémora les fosses, les combats incessants contre des expériences ratées et des cobayes rendus fous par des substances intoxicantes. Il visualisa les charniers infernaux et les masses de chair informe que l'on avait flanqué à des crochets comme de misérables morceaux de viande. Il vit les tuyaux de fer et de verre, l'écoulement des liquides à la composition blasphématoire qui parcouraient en tout temps ses veines viciées.
Sa tanière, la vraie. N'était ce pas curieux que de ressentir un tel apaisement alors que la Mort personnifiée nous guidait dans les méandres de son royaume abyssal ?
Talonné par des laborantins qui repoussaient chariots sur lesquels avaient été entreposés divers ustensiles ayant pour point commun de ressembler davantage à des instruments de mort que de soin, Mortifère pénétra à la suite du Docteur dans la pièce exiguë où la vraie magie, à de nombreuses reprises, avait opéré. Mortifère n'eut besoin d'aucun rappel et lorsque deux assistants se postèrent à ses côtés, il releva machinalement ses coudes pour accueillir les mains gantées des deux individus tout en actionnant par télékinésie les verrous servant de point d'ancrage à ses membres. Délesté du poids des membres métalliques, il se redressa et inspira profondément avant de se tourner dos à la table sur laquelle il vint s'assoir s'aidant de ses pieds pour adopter une posture adéquate. On le délesta de son épais manteau ainsi que de la chemise dont il était vêtu, exposant ses innombrables fêlures du passé de même que les plus récentes, à savoir celles dont il avait hérité lors de l'attaque de Liberty.
Le soldat s'allongea doucement, puis enfonça l'arrière de sa tête contre le linge déposé à l'emplacement prévu à cet effet puis, alors que tous s'affairaient pour les préparatifs de dernière minute, il répondit sobrement à la question "attentionnée" de son interlocuteur masqué :
"Comme un homme qui vit ses derniers instants."
En la compagnie du praticien, Mortifère retombait dans ses anciens travers et traitait ses propres émotions avec cette cruelle distanciation. Spectateur de sa propre existence, il commentait ses états d'âme comme si ces derniers le concernaient qu'à peine.
"J'ai peur, une réponse sans doute adaptée face à l'anéantissement des fonctions superflues de mon corps imparfait. J'ai mis ma vie entre vos mains une fois, il est donc normal que je vous confie également la responsabilité d'assurer la conclusion de ce chapitre ainsi que l'ouverture du suivant, n'est-ce pas ?"
Son expression traduisait, étrangement, un fascinant mélange de tristesse et d'espérance. Il tâcha toutefois de sourire, car décevoir un père de substitution lui avait suffi et parce qu'il savait à quel point le Docteur avait attendu ce jour. Les pas de Zelevas se firent entendre au bout du couloir menant à la salle d'opération et Mortifère ajouta, avant l'arrivée de ce dernier :
"Je suis prêt, en tout cas."
Il expira, réalisant tout juste qu'il avait retenu son souffle depuis près d'une minute.
”Dame Oberon.”
Zelevas hoche la tête en saluant la femme qui sort tout juste de la bibliothèque du rez-de-chaussée. Après que Mortifère soit descendu précipitamment de la diligence pour s’élancer à toute vitesse vers le laboratoire comme un enfant blessé qui court chez ses parents, le vieil homme était resté quelques instants de plus assis dans la voiture, à regarder à travers la vitrine de la portière la silhouette du soldat s’éloigner. Il avait pincé son nez plissé en lâchant un long soupir défaitiste, accablé par le monde qui se profile devant lui, le Sénateur se force à réfléchir une petite minute. Dans l’absolu immédiat, ils ne pouvaient pas faire grand chose si ce n’était camoufler au mieux l’opération de Mortifère malgré son poids, et préparer le Manoir à la venue potentielle d’Azura. Il fallait également ranger le doigt de Mirelda et l’Anneau Goldheart en lieu sûr et s’occuper du cas de Soren, mais ça viendrait plus tard. Pour l’heure son regard morne se perd dans les tuiles de la toiture du laboratoire et il se force enfin à rassembler un peu d’énergie pour sortir de là, avec l’aide du cocher il descend prudemment les quelques marches du véhicule, récupère sa canne de marche et s’emmitoufle dans son manteau en soufflant de la froideur hivernale.
”On aurait dû le cacher sur une plage ce putain de labo, pas dans les montagnes.” maugré-t’il entre ses dents.
”Et encore même sur une plage hein, j’ai ma cousine qu-” rebondit le cocher.
”Fermez là.”
La gravité du moment ainsi que la fatigue excessive qu’il ressent depuis le début des préparatifs à l’attaque… non, depuis le début de sa campagne présidentielle, ont raison de sa patience et de sa politesse. Si son cocher n’est pas capable de se cantonner à son travail et se sent forcé de lui raconter sa vie alors que Mortifère va bientôt encore plus mériter son nom, ce n’est pas son problème. Avançant d’un pas lent vers la demeure, il rentre dans la bâtisse lugubre où il a passé beaucoup trop de temps l’an dernier pour échouer aujourd’hui, et pourtant c’est ce qu’il est entrain de faire. La porte déjà ouverte par Mortifère lui laisse entrevoir la cage d’escalier qui descend vers les sous-sols insalubres du centre d’expérimentation, et alors que Zelevas pénètre à l'intérieur, il rencontre la seconde du Docteur dans le Projet Palladium, enfin il s’agit plutôt de la seule chercheuse à ne pas avoir jeté l’éponge en cours de route.
”Bienvenue Sénateur, je suis heureuse de voir que vous nous revenez sain et sauf de Liberty.”
”Oui oui, aller, épargnez-moi vos larmes de crocodiles, où sont le Doc’ et Mortifère?” fait-il sèchement.
”Déjà en bas.” La laborantine esquisse un sourire condescendant face à l’aigreur du mécène du Projet. ”Est-ce que tout va pour le mieux Sénateur?”
”Non.” Celui-ci a déjà commencé à se diriger vers les marches des souterrains avant de s’arrêter et de se retourner subitement vers la scientifique. ”Oh d’ailleurs, Professeur Oberon, avez-vous bien reçu les dernières prothèses Noirvitrail?” et suite à un hochement de tête approbateur il continue, ”Et nettoyez le labo, je veux qu’il soit impeccable le plus vite possible, il va sans doute y avoir un contrôle du Ministère dans les semaines qui suivent alors soyez prêts.”
”Ce sera fait Sénateur.”
Le vieillard descend les marches, le bois de sa canne frappe les pierres froides en résonnant dans les couloirs, la réverbération du son lui donne un aspect sentenciel, rythmé au pas de Zelevas comme l’horloge fatidique du destin qui va se jouer dans les salles glaciales et mal éclairées. Chaque expiration de Zelevas délivre un nuage de vapeur qui virevolte après lui, disparaissant dans les ombres du plafond en cherchant un échappatoire inexistant que beaucoup des âmes damnées dans ces lieux sont mortes sans trouver. Il avance lentement, passant devant les portes métalliques qui ont été changées en novembre les cognant machinalement de sa canne, et malgré le neuf certaines sont tout de même maculées des traces des plus récentes expériences du Docteur. Le d’Élusie regarde droit devant lui, non pas parce qu’il se refuse à contempler certains reliquats de l’horrible projet qu’il avait lancé lui-même, mais à l’inverse parce qu’il en connaît justement déjà toute la teneur. Il avait suivi de près les avancées de Palladium, les méthodes et les horreurs que le Doc avait mis en pratique pour repousser toujours un peu plus loin les limites des sujets, de la science et indirectement de l’éthique, il n’avait juste pas besoin de regarder à travers les volets des portes fermées pour se souvenir des atrocités qui y avaient pris place. Comme la mort d’Artorne, comme ses manipulations sur Séraphin, Hengebach, Dosian, comme l’assassinat de Mirelda, tout ça est encore terriblement frais dans son esprit. Il n’oublie pas. Il n’en oublie aucun. C’est justement cette mémoire qui lui permet d’avancer, qui lui donne la force de continuer, s’il baisse les bras il dénue de sens tout ces agissements et rend les morts et la souffrance dérisoire.
Il ne peut pas abandonner.
Pas comme Mortifère l’a fait.
Mais Mortifère n’est pas Zelevas, et le vieillard arrive enfin avec un air sombre devant la porte de la salle d’opération. Il ouvre la porte sans un mot et rentre à l’intérieur, n’accorde même pas un regard au jeune homme manchot allongé sur le billard non, ses yeux bleus aciers sont rivés dans les lentilles fumées du masque corbin qui se relève à son apparition, et un silence pesant tombe sur la pièce. Le Docteur ne bouge pas, arrêté dans ce qu’il était entrain de faire, il se contente simplement de renvoyer au Sénateur le regard de son costume inexpressif, un regard auquel le vieux ne s’était jamais vraiment habitué mais aujourd’hui les circonstances étaient bien différentes. Il fronce les sourcils, rompt le contact visuel avec le savant et se dirige vers le lavabo creusé dans le mur.
”Vous avez intérêt à arrêter de sourire Doc’...” Zelevas commence à se laver les mains en utilisant le désinfectant du praticien et un peu d’eau, il rejette un regard noir au soigneur. ”... et ne me dites pas ‘Je vous l’avais dit’ parce que je ne vais pas vous envoyer que la serviette à la tête.” Il finit de s’essuyer les mains et toujours avec une humeur massacrante, il arrive jusqu’au cabinet d'outillage et en extirpe un verre pour se servir un peu d’eau au robinet. Une fois assis sur une chaise dans un coin de la salle, il regarde pour la première fois Mortifère et dis à l’adresse du savant, ”Exérèse, mais pas que. À Liberty on s’est retrouvé lui et moi dans la chambre forte en seul à seul avec la Présidente Goldheart, je l’ai condamné à mort, la Vice-Présidente Exousia est rentrée à ce moment là et a ordonné à Mortifère de l’exécuter. Faites marcher votre génie comme vous voulez, mais ses souvenirs ne doivent pas être accessibles chez Mortifère, les miens peuvent rester intacts il ne retourne pas de la même accréditation pour sonder un Sénateur qu’un garde du corps.”
En prononçant de tels mots à voix haute, il aurait pu prendre le risque qu’ils ne soient découverts par l’utilisation d’une transe et utilisés pour constituer un aveux, mais Zelevas se tient dans la chambre d’opération du laboratoire qui avait donné naissance au Premier-Né, si un mage spécialisé en transe venait à pénétrer ici, une simple phrase était dérisoire en comparaison de tout ce qu’il y avait d’autre à voir. Il boit une gorgée d’eau et observe se dérouler devant lui la fin d’un homme et le début de quelque chose d’incertain.
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"Je suis prêt."
Jamais un plus gros mensonge n'avait quitté les lèvres du jeune militaire. Lorsque la première toxine fut inoculée, les effets ne tardèrent pas à se faire sentir et Mortifère put entrevoir lorsque le Docteur lui posa gentiment une main sur l'épaule que jamais, ô grand jamais, il n'avait vécu une expérience pouvant s'assimiler de près ou de loin à celle qu'il s'apprêtait à subir. Le gant du praticien, posé sur sa peau dénudée, lui procura des sensations si exacerbées qu'elles témoignèrent à elles seules des infinies souffrances qu'il allait pouvoir vivre. C'était donc cela, sacrifier son humanité, voilà le prix que personne ou presque n'avait la volonté de payer.
L'esprit embrumé par l'océan de de peine et d'affliction auquel venait se mêler des illusions évocatrices de souvenirs perdus, le peu d'Homme encore cintré dans la caboche meurtrie du Cerbère s'éveilla, trouvant son renouveau dans la folie la plus totale. Avait on déjà fait sombrer plus vite un individu dans une aliénation d'une telle envergure ? C'était peut être une première, peut être pas. Le Docteur en avait vu d'autres...
D'une voix étouffée s'extrayant à grande peine d'une gorge noyée dans un sang rendu boueux par l'excès de substances alchimiques qui suintaient par tous les orifices de son corps massacré, Abraham mugit et cracha quelques mots, des vérités secrètes jetées avec véhémence à la face de son supposé père adoptif :
"Voyez, Sénateur ! Voyez ce que vous faites des martyrs qui se vouent corps et âme à votre cause ! J'ai tout donné pour vous, tout donné pour votre projet ! Il ne reste rien à offrir, plus le moindre cadeau, plus la moindre once de chair à livrer... Pourtant, même sans ces yeux dont on m'a délesté, je sens encore la cruelle froideur des regards que vous m'adressez ! N'ai-je pas assez... Qui d'autre que moi aurait pu tant sacrifier ? QUI ?"
La démence gagna du terrain, s'insinuant en lui comme un feu dévorant. De cette tête à demi arrachée qu'était la sienne, un rire dissonant résonna contre les parois rocailleuses du laboratoire abritant tous les vices du Monde. Il ajouta, dans un marmonnement à peine audible que venaient interrompre de régulières quintes de toux :
"Je... et pourtant je continue à croire... jusqu'à la fin, j'y croirai."
Croire en quoi ? Il fut incapable de le dire et le peu de sens que l'on pouvait encore accorder à ses paroles confuses se perdit dans un nuage d'inconscience où seuls des mots décousus et dépourvus de valeur se faisaient encore entendre. Son baroud d'honneur, pas moins pitoyable que ne l'avait été le reste de son existence.
Mort, ou presque.
Le vieillard ne relève pas la pique du Docteur en allant s’asseoir, déjà parce que ce petit fils de pute avait, a eu et a raison, et ensuite parce qu’en dépit de son énervement le Sénateur sait faire preuve de suffisamment de discipline pour ne pas se laisser emporter alors que le praticien s’apprête à charcuter le restant d’homme allongé devant lui. Dans la pénombre de la salle il est quasiment impossible de dénoter le bleu des iris de Zelevas, seuls les reflets les plus gris sont perceptible et accentuent la noirceur de son regard assombri par l’échec cuisant qui l’amène ici. L’investisseur du Projet regarde le Premier-Né commencer à subir les premières transformations de l’invasive exérèse, de multiples injections, des incisions de plus en plus sévères, les ablations ne tardent pas à se faire sanglantes tandis que le sujet se fait rapidement maculer de son propre carmin. Zelevas en a vu des horreurs au fil de sa longue vie, et s’il n’est pas aussi désensibilisé que le Docteur infâme à ce sujet, il ne peut s’empêcher de frogner le nez devant l’odeur cuivrée nauséabonde qui envahit la pièce et la vue de la viande sectionnée d’Abraham.
Tout comme monter sur scène devant une foule, regarder quelqu’un se faire charcuter, qu’importe le nombre de fois qu’on ait pu le faire, c’est toujours un mélange morbide d’intenses émotions. Il y a d’abord l’indifférence liminaire, l’impression initiale que ce qu’on voit est supportable et ne nous dérange pas réellement, qui dure quelques secondes après le moment décisif. Cette boule à la gorge explose ensuite dans un bref instant similaire à de l’écoeurement, on se sent révulsé, comme si l’estomac se retournait tel une poche pour vider son sac à l’intérieur de soi, comme si les couilles remontaient se cacher entre les reins pour ne pas voir l’horreur, c’est toujours un moment désagréable. Ensuite seulement vient le déni, le refus catégorique de l’esprit d’accorder une pensée supplémentaire à ce qui est vu pour n’en laisser que la perception visuelle première sans traiter l’information, sans l’analyser d’une quelconque façon parce que si les pensées s’y attardent, là vient le réel dégoût. C’est à ce moment précis que le cerveau se berce de l’illusion naïve que ce qu’il observe ne l’impact pas du tout, qu’il se mure derrière cette idée absurde qu’en niant la gravité de la scène il dénigre ainsi son impact. Zelevas regarde Mortifère avec des yeux aussi froids que les murs du laboratoire en plein hiver, aussi froids que les eaux glacées qui ont envahi la capitale, aussi froids que son propre coeur.
Quand le savant pénètre une nouvelle fois l’esprit du Sénateur en prononçant une sorte d’augure transhumaniste, le genou du vieillard se met à sautiller frénétiquement en faisant danser le coude posé dessus par extériorisation de sa nervosité. Oui c’est vrai, il ne manquait plus que ça. Il y avait ça aussi, cette interrogation qu’il avait copieusement ignoré jusqu’à présent concernant la nature fondamentale du Docteur, tant que ça servait bien ses intérêts il s’était éperdument fichu de savoir si le génie controversé qui avait officié sur Mortifère était un simple être humain, un Démon, un Spectre incarné ou quelque chose de plus obscure encore… mais maintenant que l’étau se resserrait autour de Zelevas la question prenait une pertinence soudaine dont il doit maintenant se questionner, l’information est-elle maintenant nécessaire? Est-ce que la nature du Docteur pourrait lui porter préjudice? À quel point les petits fouineurs de merde pourraient remuer la vase? Les rapports officiels portaient le nom de Dame Oberon un peu partout, n’évoquant l’inscription de “Dr.Azuri” qu’occasionnellement, mais si l’enquête venait à remonter jusqu’à lui concernant le meurtre de Mirelda il était possible que le nez de la Mécène s’intéresse d’un peu plus près à Palladium, et si c’était le cas et qu’on découvrait que le Docteur était une entité dangereuse pour la République de par une nature obscure…
Zelevas cesse de fixer un point vague du sol pour recentrer son attention sur ce qui est entrain de se dérouler dans la pièce, entre les hurlements gutturaux d’Abraham et les sons répugnants de la chair travaillée, il ne s’entend même plus penser. La réelle identité du Docteur est sans doute un problème qu’il pourra régler plus tard, s’il en arrive au stade où c’est un point d’intérêt majeur alors c’est qu’il aura déjà perdu. Le râle télépathique se fait de nouveau entendre pour l’informer de sa chance à propos de la surveillance relâchée du SCAR ces derniers jours. Et pourquoi tu crois qu’ils n’ont jamais rien investigué. Ils étaient pas là juste pour tes beaux yeux Doc’. Ceux de Zelevas se fixent sur le chirurgien avec un air sombre pendant que le soldat convulse en contrebas dans une nouvelle effusion de toux pourpre et de mugissements spasmodiques. Bordel de merde. Ça n’a plus de sens. Il n’avait jamais perdu de vue son objectif, pas une seule fois il n’avait douté de leurs démarches collectives pendant l’ensemble du Projet Palladium, et pourtant cette fois tout était différent, ils n’explorent plus les limites possibles de l’être humain, il n’y a plus d’humain, Zelevas ne parvient même plus à considérer le tas de rouages rougeoyants et de muscles à nus comme étant un homme. Anthropomorphe il peut le concéder, mais ce n’est plus Abraham, c’est la personnification des défaites que le politicien a accumulé les unes après les autres. Mâchoires serrées, Zelevas se retient de répondre acerbement à la question finale du Docteur. Ça ne lui suffit pas de triturer Morti avec son bistouri, il faut aussi qu’il remue le couteau dans la plaie. Le Sénateur passe péniblement une main sur son front en repensant à la montagne d’incertitudes qui plane sur lui, aux retombées imprévisibles vers lesquelles ils se dirigent. Sa cheville rythme toujours son anxiété de façon ostensible et les cris du soldat se font de plus en plus pénible à supporter, non pas à cause de l’horreur de ce qu’ils impliquent mais parce que Zelevas les prend personnellement comme les preuves martelantes de ses propres défaillances.
Il décide enfin de se lever de sa chaise, ne supportant pas de rester en place plus longtemps, mais c’est à ce moment là que dans son délirium agonisant, Mortifère laisse entrevoir une dernière trace de l’homme sous la techno-magie, le Sénateur écarquille les yeux sans desserrer les dents, restant implacablement silencieux devant l’accusation juste du Premier-Né. Ce n’est cette fois pas le stoïcisme du politicien imperturbable, mais plutôt l’immobilisme tétanique d’effroi causé par l’aperçu d’une vérité qui le hante. Mortifère a tout donné pour la cause, tout comme les innombrables autres sujets qui ont trouvé la mort aux mains du Docteur, tout comme Artorne Fraternitas qui ne fut qu’un dégât collatéral de ses manigances contre les Humanistes, tout comme Tantale Ironsoul morte pour… pour rien du tout, l’Assemblée qu’il cherchait à affaiblir s’est suicidée toute seule dans une attaque kamikaze pour laquelle il n’a pas eu à lever le petit doigt, tout comme Séraphin, Soren, Sixte, Dosian, Dorylis, Koraki, Mirelda, Léonora qui ont tous été pris dans les engrenages de ses machinations insensibles… tout comme Azura à qui il a menti à répétition et manipulé parfois à l’encontre de ses idéaux…
”Je… et pourtant je continue à croire… jusqu’à la fin, j’y croirai.”
Cette fois, Zelevas crois presque que ses molaires vont se fissurer sous son propre effort à force de les serrer ainsi, il se détourne de la table d’opération et sort de la pièce sans un mot, sans un bruit, en refermant la porte derrière lui pour étouffer les hurlements du martyr. La main toujours sur la poignée il a les yeux rivés sur le métal lisse de la porte, sa respiration s’accélère, il se sent paradoxalement trop léger pour la boule qui noue sa gorge et son bas-ventre. Le d’Élusie se retourne et se précipite dans la pièce en face du bloc opératoire, fébrile, ses mains tremblantes se posent sur le premier meuble venu et l’agrippent férocement. Qu’est-ce qui m’arrive? Ressaisi-toi bon sang de bois. ZELEVAS! et en dépit de ses efforts il ne peut que céder face à l’intrusion dérangeante de cette possibilité longtemps occultée.
Et si il avait déjà perdu?
Tout les alliés qu’il avait construit autour de lui avaient peu à peu été blessé ou s’étaient éloignés de lui au fil du temps, tout les gens avec qui il avait travaillé, tout ceux qui le fréquentaient… mais qui le fréquentait réellement? Personne. Il n’y a absolument personne qui ne passe de temps avec lui pour des raisons autres que le travail, la politique ou l’économie. Y a-t’il seulement quelqu’un qui me connaisse encore? Son esprit élancé le foudroie de cette réalisation, il y a une idée de Zelevas d’Élusie Fraternitas, une image populaire, un concept, mais l’homme n’existe pas. Nul ne peut en attester. Absolument personne. Le haut le coeur le prend d’un seul coup et il se vomit dans la bouche avant de ravaler avec dégoût, haletant, la bouche acide et puante, il se maintient uniquement debout à la force chancelante de ses bras contre le meuble tandis qu’il sent ses yeux piquer. Tout ce qu’il a fait, il l’a toujours fait pour atteindre l’idéal républicain qui n’existe que dans sa tête, il s’est toujours autorisé les pires atrocités, livrés au plus basses besognes et perdu aux exactions les plus sombres sous prétexte que ça en vaudrait la peine, et pourtant, maintenant qu’il contemplait l’échec ultime se profiler devant lui, maintenant qu’il avait contemplé les yeux dans les yeux l’avortement de ses espoirs, il voit se profiler l’indéniable vérité: tout ce qu’il a fait n’a aucun sens.
Toutes les morts.
Toute la souffrance.
Tout les sacrifices.
Toutes les abnégations.
Tout les déshonneurs.
Toutes les pertes.
Rien n’a de sens s’il perd.
Putain de”MERDE! BORDEL DE MERDE!”
Il éclate dans une crise incontrôlable de sanglots, sa main vient instinctivement couvrir sa bouche, il est lui-même surpris par son effarement imprévisible, ne pouvant pas se rappeler de la dernière fois où il a versé une larme, où son coeur de crocodile a ressenti une émotion de cette nature. À quel point était-il aliéné? À quel point s’était-il éloigné de ce qu’on définissait communément comme un être humain? Il devient fou. Est-ce qu’il devient fou? Est-ce qu-il l’est déjà? Il ne saurait le dire, Zelevas voit sa main tremblante toujours sur rivée sur le bois virer au blanc cassé à force de serrer les bords du meuble, et s’il avait réellement pactisé avec le mal incarné en la personne du Docteur, est-ce que… est-ce que son meilleur sujet, l’homme au coeur inexpressif froid comme l’acier, c’est celui debout au milieu des prothèses N-II, ou celui entrain de passer sous le scalpel allongé sur le billard?
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La nouvelle question du Docteur atteignit à peine les oreilles de Mortifère dont les tympans avaient été éprouvés tant par ses propres cris que par les incessants craquements de ses os fragmentés. Presque incapable désormais de conceptualiser ce qu'était la réalité, plus proche qu'il était de la mort que de la vie, le soldat réduit en charpie par le tortionnaire auquel il vouait un culte morbide ne pouvait plus articuler convenablement et devait concentrer ses ultimes forces pour ne pas s'étouffer dans ses propres déjections sanguinolentes. Des laborantins s'affairaient pour palier à ce problème, bloquant au coin de sa gueule ouverte des tubes supposés drainer l'excédent de liquide et les quelques morceaux de chair qui se glissaient malencontreusement dans sa bouche verrouillée en un cri silencieux.
"Je..."
Le reste de sa réponse se perdit dans un gargouillis guttural. Ayant d'autres inquiétudes que celle d'éventuellement vexer le Docteur en une situation si unique en son genre, Abraham s'étrangla brièvement et se mit à convulser furieusement lorsque l'air se mit à manquer, ajoutant à son univers fait d'absolue douleur la peur primale et instinctive de la suffocation. S'agitant nerveusement tout en balbutiant, il aurait sangloté s'il avait encore été doté d'yeux mais ne put émettre que des sifflements rauques en guise de protestation face à l'innommable traitement qu'il subissait.
Tel un discours évangéliste, les mots du corbeau annonciateur d'apocalypse touchaient encore leur cible, tout homoncule de chair viciée qu'elle fut devenue. Cette symphonie, ces dissonances dont parlait le praticien avec un entrain presque audible par delà le lien télépathique, Mortifère percevait cet ensemble décrit par son maître, ces accords divins auxquels il ne pouvait que se raccrocher pour survivre dans cet océan tumultueux qui ne cherchait qu'à dévorer son ersatz de raison. Entre deux quintes spasmodiques, il articula à grande peine :
"R... Renouveau."
Le masque fut scellé dans une cacophonie amplifiée par les échos vibrants qui parcouraient son crâne meurtri. Il pleura, rugit à s'en décrocher la mâchoire et prit alors conscience, non sans une certaine surprise, qu'il se dissociait comme il avait l'habitude de le faire de son actuelle expérience. La souffrance, bien que toujours aussi vive, lui échappait comme si elle n'était plus tout à fait la sienne. Ses cris paniqués devinrent ceux d'un autre, ses sanglots affolés lui semblèrent infiniment lointains. Témoin de sa propre perte, il vogua sur les flots de son irraison, l'esprit embrumé par cette accumulation d'émotions qu'un homme ne pouvait porter seul.
Ses nouveaux yeux lui furent accordés, un bien maigre cadeau que la vue dans cet enfer où plus rien n'avait de sens. Son supposé bienfaiteur le reniait, vomissant ses tripes en quittant une pièce dans laquelle l'air lui était irrespirable, les chercheurs avides s'attroupaient autour de lui comme des sages-femmes accourant autour d'un nouveau-né anormalement petit et son maître masqué, ce corbin glouton dont les appétits n'étaient pas ceux des mortels, exultait face au tourment de celui qui le considérait comme un père. Cet amour qu'il avait tant rêvé de connaître, cette reconnaissance pour laquelle il avait tout abandonné et tout combattu, il n'en découvrirait pas une goutte. Une piteuse conclusion pour une histoire qui ne valait même pas d'être posée sur un parchemin, voilà tout.
Un martyr, ni plus grand ni plus triste que ne l'avaient été les précédents. On ne se recueillerait pas en chérissant sa mémoire, nul n'approuverait ses décisions hâtives et son esprit patriote frôlant l'idiotie intégrale. Lorsqu'à sa mort, son âme humaine cèderait sa place à la cruelle bête d'acier et de dispositifs runiques, il n'obtiendrait ni tombeau ni médaille. On l'oublierait, plus vite encore qu'un quelconque exilé shoumeïen ou qu'un ange délesté de ses plumes. Il n'allait rien rester de lui dans une poignée de minutes et s'il avait été capable de tout arrêter maintenant, il l'aurait sans doute fait.
Son appel à l'aide fut noyé dans les vaporeuses sensations qui lui parvinrent lorsqu'un nouveau produit diabolique lui fut administré.
"Prépare toi"
La magie suivit, inversant le courant dans un vortex d'une telle puissance que le corps du militaire défait de son humanité s'électrisa à nouveau, foudroyant cette fois-ci des ustensiles qui volèrent des mains de leurs porteurs, faisant basculer des plateaux impeccables et des contenants sur lesquels avaient été entreposés de massives piles de cotons imprégnés de sang mauve. Le Docteur, protégé de ces impulsions qui semblaient pourtant projetées au hasard, ne cilla pas et continua sa procédure avec une ferveur religieuse.
Haletant comme une bête éventrée, Mortifère put un instant établir le contact avec les yeux qu'il peinait à identifier comme étant les siens. Son éloignement mystique avec la réalité s'effrita et il sentit une boule de nerf étreindre sa gorge lorsqu'il reprit le contact avec son corps. Prisonnier de sa propre tête, il vit la scie glaciale glisser contre sa peau rougie et subit la vague de terreur la plus insurmontable qu'il ait eu l'horreur de connaître. Trop faible pour implorer, il fut paralysé par cette frayeur extraordinaire et lorsque l'outil barbare glissa hors de son champ de vision pour mordre ailleurs, il n'eut même pas la force de murmura et marmonna avec le calme d'un condamné :
"Achevez moi, par pitié. C'est trop... je peux pas. Je peux plus."
Les larmes ne pouvaient plus couler. Même cette expression d'infantile terreur lui avait été arrachée. Il tourna la tête vers la porte de la salle d'opération et, comme il l'avait escompté, il ne vit pas Zelevas réapparaître. Il mourrait donc sans lui, sans pouvoir lui dire adieu.
Bien.
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