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    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t3503-terminee-siame-divine-violencehttps://www.rp-cendres.com/t3542-memoires-de-siamehttps://www.rp-cendres.com/t3626-recits-de-siame
  • Ven 5 Avr - 18:46
    ⋯ Justice, An 4 ⋯

    Siame avait deux problèmes : ses ailes – bien sûr – et le manche à couilles qui se trouvait devant elle.

    — Il y a des noms qu'faut pas prononcer, tu sais, ma puce.

    Il tira sur son cigare du bout des lèvres, et souffla une épaisse fumée blanche, chaude et âcre, dans les narines de l'Ange. Elle la chassa d'un geste agacé. "Ma puce" ? Vraiment ? Qui croyait-il appeler comme ça ? Elle fit mine de ne pas se sentir concernée. Quelle absurdité d’être considéré de la sorte par un mortel. Elle se sentait comme un tigre dans la peau d’un hamster. Trouver sa légitime place parmi les eux n'était pas une mince affaire.

    Et comment je suis supposée le trouver si je ne peux même pas prononcer son nom ? Tête de gland. Elle se garda de ponctuer sa phrase à haute voix d'une insulte fleurie. Ce gars-là méritait de s'étouffer sur son cigare.

    Il haussa nonchalamment les épaules, et le talon de ses chaussures claqua contre le bois du bureau. Il passa les bras derrière son crâne, comme s’il était sorti tout droit de la cuisse de Jupiter.

    — Ça, c'est ton problème, pas le mien.

    Siame désespérait. Ce monde et ses codes lui échappaient. C'était un véritable labyrinthe dans lequel il fallait composer avec l'inimitié ambiante que l'on réservait à ceux qui ne faisaient pas partie de cet univers, et qui, en plus de cela, avaient la mauvaise idée de venir fourrer leur nez là où il ne fallait pas. Et c'était exactement ce qu'elle était en train de faire. Que les puissants menaient leurs opérations aussi illicites qu'immorales dans l'ombre, c'était bien le cadet de ses soucis. Les mortels n'avaient jamais eu besoin d'un prétexte, ni de permission, pour se foutre sur la gueule : on cassait une jambe pour un oui ou un non, on brisait des alliances simplement parce qu'un gars avait eu la bonne idée de regarder la fille du patron, on ruinait un homme pour le petit-déjeuner. Ces types-là se gargarisaient d'inspirer la peur plutôt que le respect.
    Et tout ça, ça la laissait de marbre. La seule chose qui lui importait : trouver ses foutues ailes—et accessoirement, rester en vie. Et ce larbin-là constituait un obstacle plus que compromettant. Il s'apprêtait à la renvoyer de là d'où elle venait, et Siame en avait déjà suer pour arriver jusqu'ici. Il était parfaitement hors de question qu'elle reparte la queue entre les jambes.

    Écoute, je cherche quelque chose de bien particulier. Ton boss, ce n'est pas un secret qu'il fait aussi dans le trafic d'organes.

    Ah, ça y est, maintenant il la regardait. La drogue et l'alcool, première activité du bonhomme était une devanture on-ne-peut-moins plus appropriée que celle du trafic d'organes.

    — Qui t'a dit ça ?

    Allons, tout le monde en parle. Il suffit de savoir écouter.

    Et savoir lire dans les pensées, par la même occasion. Elle le sentit se tendre de l'autre côté du bureau.

    — Qu'est-ce qu'on dit d'autres ?

    Qu'il se laisse aller. Que la dernière fois, il a laissé partir un type qui l'avait menacé.

    Il se redressa sur son fauteuil, sorti une cave à cigares d'un tiroir et l'ouvrit. En offrit un à Siame, qu'elle accepta sans faire de manière.

    On parle de sa fille aussi et de sa belle chevelure blonde. Louisa, son nom ?

    Elle le sentit se tendre de l'autre côté du bureau. Tout à coup, il sembla se dégonfler de son orgueil et perdre ses airs provocateurs.

    — Tu sais où elle est ?

    De ce que j'ai entendu ? Il parait qu'elle a quitté le cocon familial par animosité envers son père et qu'elle s'est dégoté un job dans le quartier rouge de Justice. Que quand on la croise, on ne lui dit plus "bonjour" mais "combien ?".

    Il prit une profonde inspiration et se leva de son fauteuil.

    — Suis-moi.

    Sa voix avait soudainement pris une inflexion sinistre qui ne lui disait rien qui vaille. Mais tout pour ses ailes, pas vrai ? Alors, elle se leva.

    Et l'instant suivant, on la jetait dans une petite piaule sans fenêtre. Elle entendit la porte se refermer derrière elle. Un cliquetis. Pas celui d'une serrure fermée à double tour, non, celui du mécanisme d'une putain de porte blindée. "Le patron viendra te chercher" que le type lui avait dit, avant de la forcer à l'intérieur. Elle frappa du poing contre la porte pour manifester son mécontentement. C'est qu'elle imaginait aisément que lorsqu'il allait débarquer, et une fois qu'elle lui aurait dit ce qu'elle savait sur sa fille, il n'allait pas se contenter de lui baiser les deux joues et de répondre à ses questions. Non, elle le voyait plutôt lui latter la gueule pour évacuer sa frustration. Tout ça à cause de Louisa. Elle laissa son dos couler contre la porte et posa ses fesses par terre. Puis, frotta sa chemise à l'endroit où on l'avait attrapé. Son regard parcourut la pièce.
    On ne pouvait pas vraiment appeler ça une piaule. Il y avait un lit miteux, un petit bureau et des étagères, sans ça, Siame aurait confondu le lieu avec une boîte à chaussures. Ah, puis il y avait un type aussi, par terre, dans un pire état que le sien. Il était salement déformé, celui-là. Elle haussa les sourcils, se leva. Elle s'approcha pour venir s'agenouiller à côté du gars, plissa ses yeux et nota les curieux mécanismes qui le recouvraient de part en part. C'était bien la première fois qu'elle voyait ça. Et en 10 000 ans, elle en avait vu, des "choses". Quelle curieuse bête. Les mortels ne savaient définitivement plus quoi inventer. Qu'il était laid... Ça ne sembla pas l'émouvoir plus que ça – il était loin le temps où Siame noyait des bébés simplement car ils avaient une sale gueule, et celui-là, en était un gros, de bébé –, mais il fallait quand même le remarquer. Était-il mort ? Elle tendit l'oreille, écouta le souffle étouffé qui s'échappait de ses lèvres. Vivant, le gigot. Du bout des doigts, elle le secoua, mais ses yeux demeurèrent clos.

    Siame contempla ses options. Faire les quatre-cents pas ? Ça ne l’avancerait à rien. Brûler la piaule avec le cigare qu'on avait oublié de lui enlever ? Elle allait finir rôtie avant qu'on ne vienne la sortir de là, et ce type avec elle. Attendre qu'il se réveille ? Elle haussa les épaules, faute de mieux.

    Pour le moment, une clope s'imposait. Elle tira longuement sur le cigare, et grimaça. C'était dégueulasse. Mais ça permettait de relâcher les nerfs et si ça l'aider à mieux supporter la connerie humaine, alors...

    Quand il cligna finalement des yeux, de longues – longues – minutes après son arrivée, Siame, à son "chevet", le considéra d'un long regard teinté d'une délicate – bien qu’un peu moqueuse – commisération.

    Réveillé ? Elle aurait tout aussi bien pu ponctuer sa question d’un moqueusement douloureux “princesse”. Tirant une nouvelle latte, elle grimaça quand la fumée âcre lui râpa la gorge. Je vous en prie, dites-moi que vous avez déjà cogné ces cons à l'occasion. Et que, par pitié, vous avez une idée pour sortir de là.

    Elle lui tendit le cigare dans un geste flegme, supposant que lui aussi voudrait peut-être relâcher quoi qu'il ait à décompresser.

    Ne vous méprenez pas : loin de moi l'idée de vous commander, mais avant qu'ils ne débarquent à nouveau, c'est mieux.

    Puisqu'ils étaient tous les deux dans la même merde, elle fit fi des manières, bien qu'à une époque, elle aurait été en mesure d'exiger que n'importe quel petit mortel lui lèche les bottes, au nom de son statut céleste et de sa divine mission. Quelle drôle de chose que le destin, pas vrai ? L'Ange prenait étrangement bien la situation. Après tout, elle avait connu pire. Et lui d'ailleurs ? Qu'est-ce qu'il avait fait pour se retrouver dans cette foutue piaule ?


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    Citoyen de La République
    Citoyen de La République
    Abraham de Sforza
    Abraham de Sforza
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    qui suis-je ?:
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  • Ven 5 Avr - 21:05
    En proie à des songes fiévreux qui étaient davantage composées de cinglants éclats de couleur que d'images compréhensibles, Abraham évoluait dans un océan de sourde douleur et d'incompréhension. Voguant inconsciemment sur ces flots laiteux dont il ne parvenait pas à se dépêtrer, il oscillait depuis plus d'une heure déjà entre ce sommeil souffreteux et cet éveil auquel il cherchait à accéder avec le peu de force dont son enveloppe décharnée était encore pourvue.

    "Réveillé ?"

    La voix féminine brisa les vagues comme une roc établi au cœur d'un typhon. L'œil organique de Mortifère s'ouvrit et la fébrile lueur bleutée qui animait la lentille magique s'anima à son tour. Le souffle rauque du monstre de métal vint s'interrompre brusquement lorsqu'une violente quinte de toux s'imposa à lui et, pris de stupeur, il mit quelques instants à se remémorer les raisons de sa présence en lieu ainsi que l'origine de ce sévère mal de crâne qu'il se payait depuis qu'il s'était extirpé de ses songes. Un assortiment de griffes mécaniques faisant office de dextre racla le plancher dans un crissement désagréable et l'autre main de fer, quant à elle, se dressa pour venir apposer sa paume glaciale contre le front en sueur de son propriétaire.

    "Que..."

    Malgré son état honteux, sa compagne d'infortune ne sembla pas consentir à lui laisser le repos dont il avait fichtrement besoin et les questions fusèrent aussi immédiatement qu'il prit conscience de son environnement. Des cons à cogner... des types qui allaient revenir. De quoi causait donc cette maudite greluche ?

    Le colosse prit appui sur l'un de ses coudes et força de l'autre main contre le sol, s'appliquant ainsi à se redresser du mieux qu'il le pouvait, non sans pousser un grognement désapprobateur. Lorsqu'il se retrouva enfin assis, il sentit avec surprise un liquide tiède s'écouler de son nez endolori et comprit, après avoir cligné des paupières par deux fois, que de son nez s'écoulait la mixture aux notes bleutées qu'était son sang. L'une des serres servant d'index passa au dessus de sa bouche, parcourant les contusions réouvertes par la violence de ses agresseurs et, étrangement, le contact avec ses plaies lui remémora la scène.

    Un cigare offert pénétra sa vision périphérique et, dans un geste adopté par réflexe, Mortifère esquissa un bref mouvement de recul avant de porter son regard sur le visage de son interlocutrice.  

    Et quel putain de tableau, par Dangshuan et sa descendance.

    Il était habitué, en tant que gardien de la haute société, à fréquenter les jeunes filles de bonne famille à la toilette impeccable. Celle qu'il avait sous les yeux, d'une manière surnaturelle, était dotée... d'autre chose. Elle le captivait.

    Demeurant momentanément silencieux, le géant blessé accorda une œillade prolongée à cette étrangère qui, au sens très littéral de la chose, avait tout d'une vision angélique. Des traits sculptés à la perfection, tout en contraste avec les coupures taillées au hachoir de l'abomination qui la dévisageait avec tant d'insistance. Une chevelure si immaculée que les quelques monceaux de poussière qui la constellaient ne suffisaient pas à atténuer la splendeur de son esthétique issue d'un autre monde ainsi qu'une paire d'yeux certes splendides, mais surtout habités par des ombres si massives qu'elles paraissaient devenir tangibles. Impressionnante, intimidante et surtout, certainement pas à sa place.

    Réalisant qu'il avait dépassé depuis quelques secondes le temps d'inspection règlementaire, il cligna brusquement des yeux et se recentra sur l'essentiel, à savoir l'évidente urgence de leur situation. Une nausée, encore endormie par l'adrénaline qui tentait tant bien que mal de le maintenir en alerte, le prit aux tripes. Sans mot dire, il prit appui sur le lit d'une main et, dans un effort qu'il estima surhumain sur le moment, il parvint à se relever entièrement pour ensuite venir darder son regard affuté sur l'ensemble du mobilier à la recherche d'éléments utiles dans le cadre de leur sortie.

    Sortie, et non pas fuite; car il venait de se souvenir des raisons de sa présence en ce lieu.

    Impliquer une civile dans cette opération aurait été hors de question, en temps normal, mais la mission n'avait rien de "normal" par essence. Mortifère ayant déjà fait ses preuves à de nombreuses reprises, il avait eu le privilège et l'honneur d'avoir l'autorisation de mener une enquête par lui-même, sur le terrain, ce sans aucune forme de réelle surveillance. Un démantèlement de réseau, une capture de plusieurs individus supposée être à la hauteur de celle qu'il avait réalisé en compagnie du capitaine Dosian. Puisqu'on attendait autre chose de lui qu'un pur bain de sang, les choses avaient tourné au vinaigre lorsqu'il avait voulu jouer avec finesse mais, visiblement, la subtilité du renard qu'était Pancrace lui avait lourdement manqué, dans le cadre de cette mission ci. Un grand coup derrière la tête, un passage à tabac en règle et le voilà dépourvu de fioles de surpuissance ainsi que d'inhibiteurs émotionnels dont on l'équipait habituellement. Heureusement, les malfrats du dimanche n'avaient pas encore pensé à scier ses bras métalliques, estimant sans doute que le monstre n'allait pas se réveiller trop rapidement après de tels ravages. C'était bien mal connaître sa résilience, de toute évidence.

    Sans jeter un œil à l'inconnue, il lança difficilement de sa voix d'outre-tombe :

    "Ils viennent de s'en prendre à un dépositaire de l'autorité publique. J'aime autant vous dire qu'ils ne vont pas s'en tirer sans bleu..."

    Il avait l'air fin, à bomber le torse alors qu'il en avait justement plein la trogne, des ecchymoses...
    Nouveau haut-le-coeur, mais pourquoi ? Il manqua de défaillir en sentant son cœur s'emballer brusquement, mais parvint tout de même à articuler :

    "Mortifère. Vous êtes ?"

    Il aurait aimé lui donner son grade, mais celui ci était nébuleux même pour lui. Puisque ces gaillards se faisaient épingler pour trafic d'organes, il était probable que sa camarade de chambre ait été capturée, comme lui, pour connaître un sort peu enviable. Peu de chance qu'elle fasse partie du lot, elle n'avait pas la gueule de l'emploi et ne collait pas au profil, à moins qu'elle ait été embauchée spécifiquement pour l'interroger. Enchaîner la bête aurait été la moindre des précautions, dans ce cas là. C'était une nouvelle preuve de négligence de la part de ces tortionnaires, inutile de se demander comment le dossier avait pu se bâtir aussi vite.

    Il plaqua instinctivement une main glacée contre sa bouche pour retenir une remontée acide dont il ne comprenait pas l'origine. La sueur se remit à perler sur son front à grosses gouttes et, l'espace d'un instant, il crut manquer d'air.

    "'Fait chaud, non ?"

    Il l'avait pensé, ou dit à voix haute ? Le doute s'insinua en lui. Une main de métal se referma sur le dossier d'une chaise pour se constituer un appui fiable et l'autre paluche se tendit enfin vers le cigare, s'en emparant avec délicatesse malgré de légers tremblements pour la porter à la bouche zébrée de cicatrices du colosse. Malgré l'état désastreux de sa gorge et les multiples implants technomagiques dont était décoré ses poumons épuisés, il s'autorisait parfois ce genre de poisons, sans en faire part bien sûr au Sénateur à l'origine du projet. Il crapota un coup, recracha avec force un bon gros nuage de fumée puis, à cet instant, la réalité le frappa un grand coup. Sa tête se mit à tourner et, malgré de conséquents efforts déployés pour se maintenir debout, il chancela en faisant au passage bruyamment racler l'assise qui lui servait de canne de fortune.

    Les nausées, ça ne venait pas de nul part. On lui avait pas seulement chapardé ses inhibiteurs, on l'avait piqué avec lors de la bagarre. Pas si cons que ça, ces vendeurs d'organe.

    "Oh, merde..."

    L'adrénaline partiellement retombée s'était faite vaincre en combat singulier avec le poison insinué dans ses veines. Ca avait mis du temps à taper, mais ça venait tout juste de remonter au cerveau. Dans une chute absolument pitoyable, l'énorme statue qu'il était tomba à la renverse, se rattrapant tant bien que mal sur un mur rocheux que ses serres vinrent strier de longues fissures en émettant un son fort déplaisant.

    Retour à la case départ, allongé par terre.

    Ca allait être bigrement compliqué, de ne pas compromettre ses plans initiaux.
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    Siame
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  • Lun 8 Avr - 16:26
    Ce n’est que lorsqu’il s’éveilla que Siame prit réellement conscience de toute la singularité de la créature avec laquelle on l’avait enfermée. Il y avait quelque chose d’étonnant à voir tous les mécanismes de son corps s’éveiller. Durant un trop long instant, elle se retrouva face à l’analyse d’une lentille mécano-magique, et l’appréciation d’un œil duquel s’échappait encore – et peut-être malgré lui – l’ombre d’une conscience et d’un passé. Siame l’observa avec autant d’indiscrétion qu’il le faisait, se soumettant à son examen sans la moindre pudeur. Si elle cochait la plupart des clichés de la représentation féminine de l’Ange, lui était, dans tous les sens du terme, une marionnette. Un pantin de métal à qui on avait cherché à arracher toute trace d’humanité. Cette scène lui était, à sa façon, émouvante. Elle comprit qu’elle n’oublierait jamais sa première vision de lui. La complexité incroyable de cet homme-machine qui lui donnait presque le vertige, malgré son triste état. Le contraste lui était fascinant.

    Puis, sans prévenir, il se mit à tousser, à grogner, à saigner de tous les côtés, comme une bête, comme un point d’exclamation. À cet instant, chez lui, tout n’est que désordre ; les grésillements du fond de sa gorge se mêlent aux gémissements d’une toux capricieuse qu’il ne parvenait pas à faire taire. Son corps est le charivari d’un appareillage dangereux au débit pressé et coléreux, la cacophonie incessante du métal qui râpe la pierre et qui claque son oreille. Il fallait l’admettre, il était bien plus spectaculaire une fois réveillé. Si elle ne disposait pas d’un orgueil aussi démesuré (c’était bien la seule chose qui lui restait), elle se serait sûrement sentie minuscule, insignifiante, à côté. Mais l’Ange étant ce qu’elle était, elle se contenta d’un fin sourire : c’est-à-dire qu’elle avait aussi perçu le traître mouvement de recul, ce qui lui permit de supposer que, aussi machine qu’il était, il n’était pas parfaitement insensible. Elle se demanda si l’homme se sentait prisonnier dans cette carcasse de mécanique, comme elle s’était, un jour, sentie prisonnière de sa statue de marbre.

    Il s’exprima intelligiblement pour la première fois, et le rauque de sa voix vint lui gratter l’intérieur du crâne. Elle haussa un sourcil curieux lorsqu’il exprima sa position. Lui ? Dépositaire de l’autorité publique ? Sans savoir si elle devait s’alarmer ou se réjouir, elle se contenta de le regarder bomber le torse, dans une désinvolture aussi charmante que paradoxale. Un léger sourire amusé, doucement moqueur était venu tordre ses lèvres quand il lui apprit son “nom”.

    “Mortifère” ? Devrais-je m’inquiéter ? Son rictus disparu. Siame. Considérées les circonstances actuelles, je ne vous ferais pas l’insulte d’être enchantée. Vous travaillez pour la République ?

    Elle note la fierté qu’il semble se dégager de la révélation. Tout à coup, tout ça lui apparaît bien absurde, et elle se voit à travers lui. D’une manière, ils n’étaient pas si différents, tous deux créés pour servir, dessinés selon la volonté et à l’image de leur maître. Tous deux considérés comme des héros sacrifiables et remplaçables par les “grands” de ce monde.
    Qu’est-ce qu’un agent de l’ordre avait bien pu foutre pour finir dans cette piaule. Était-on venu spécialement le chercher, ou bien avait-il eu, lui aussi, la bonne idée (ou la tâche) de venir remuer les organisations illicites – mais fécondes – de bas-fonds républicains ? Siame, sans être une experte du réseau, imaginait sans mal que le “petit chef-d’œuvre d’horlogerie” qu’il représentait devait valoir son pesant d’or. L’ingéniosité des mortels et leur capacité à créer, moduler, façonner était aussi fascinante que l’avarice inhérente de leur race. Et presque aussi bouleversante que leur résilience incurable : la bête devant elle en était un exemple éloquent.  
    Elle l’observa avec attention, fronça les sourcils devant l’évidence : quelque chose ne tournait pas rond chez lui. La question ne sembla pas le percuter. Il s'empara du cigare avec la délicatesse toute contrôlée d’un corps visiblement discipliné, malgré le tressaillement inhabituel de ses doigts dangereusement griffus. D’une certaine manière, il lui donnait le sentiment d’un drôle de mélange entre Edward aux Mains d’Argent et une armoire à glace. La lumière artificielle fila à travers ses articulations et Siame y entrevu son reflet déformé. Il y avait quelque chose d’un peu absurde à regarder ce grand gaillard et son petit cigare entre les doigts : c’était un peu comme voir Israël Kamakawiwo gratter précieusement son tout petit ukelele.
    C’est à cet instant que tout dégringola. Elle sentit les articulations de ses genoux flancher, et le gaillard entier chavira, l’obligeant à se dégager précipitamment de sa position pour ne pas finir écrasée sous le poids : non seulement de l’homme, mais aussi des rouages d’acier.

    Et merde, siffla-t-elle en lui faisant écho, tandis que le fracas de sa chute coula un frisson de mauvais augure le long de sa nuque.

    Ses yeux se posèrent sur les fissures laissées par ses griffes dans la pierre, lui rappelant la présence de ses propres cicatrices dans sa chair. Elle chassa cette pensée en se hâtant sur la carcasse du compagnon que le sort lui avait imposé. Un frisson d’angoisse troubla son habituelle impassibilité.

    Hey, hey, hey, murmura-t-elle avec une préoccupation qui ne lui ressemblait pas.

    Ce n’était pas qu’elle s’inquiétait de son sort outre mesure, mais force de constater qu’à cet instant, sa survie y était intimement liée. Et dans cet état, boitillant et plaintif—pire encore, sonné par un mal dont elle ignore encore la source, il ne lui était d’aucune utilité. Elle attrapa son visage entre ses mains, ouvrit la paupière de son œil libre avec la délicatesse du vétérinaire qui fout son bras dans le fondement d’une vache pour l’aider à accoucher, sans s’offusquer des cicatrices, de la chair brisée à vif ou de l’horreur de son apparence. Après avoir connu les affres de la guerre, elle n’était plus vraiment du genre à se perdre dans des mièvreries face aux blessures de la vie. Personne n’aimait être pris de pitié. Découvrant le seul blanc de ses yeux à travers les fentes de ses paupières mi-closes, un juron échappa ses lèvres. Sans ménagement, elle força l'entrée de ses lèvres tuméfiées par les coups et craquelées par une vie sans douceur, y enfonça le bout de ses doigts pour vérifier que rien ne se trouvait alors bloqué dans sa gorge.

    Ne m’obligez pas à vous faire du bouche à bouche, grogna-t-elle comme une menace.

    L’avertissement ignoré, et sous le coup de la frustration, elle lui asséna quelques petites claques dans l’espoir de le ramener à la réalité.

    Allez mon grand, tu ne vas quand même pas me claquer entre les doigts. J’ai besoin que tu nous sortes de là.

    Elle percevait néanmoins sa respiration sifflante et saccadée, humait l'odeur du sang bleuâtre qui coulait de son nez. Ses doigts en cueillirent une goutte, qu’elle frictionna entre son pouce et son index. C’était bien la première fois qu’elle voyait un sang de cette couleur-là. Et comme il restait parfaitement immobile, elle attrapa le col de ses vêtements pour le secouer, faute de mieux.

    Réveille-toi espèce de tas de ferraille ! Dis-moi ce que je dois faire, bon sang !

    Il ne bougea pas d'un pouce. Puis, de la bave apparue dans le pli de ses commissures.

    Oh merde… Ne me vomis pas dessus, c’est clair ?

    Réalisant qu’il avait été drogué, Siame se faufilant entre lui et le mur, elle poussa à l’aide de ses jambes pour le faire rouler sur le côté pour éviter qu’il ne s’étouffe, si ça venait à arriver. L’entreprise lui demanda plus d’efforts que ce qu’elle n’eut cru, mais à force de volonté, elle parvint à le faire bouger.
    Elle inspira profondément, balaya la sueur sur son front avant de revenir à son patient. Sur quel putain de bouton était-elle supposée appuyer pour le redémarrer ? L’artisan de maléfices qui l’avait façonné avait bien dû prévoir un truc du genre ? Comme il ne bougeait toujours pas malgré ses plaintes, elle partit à la recherche d’une fiole, ou d'un quelque chose dans les poches de ses vêtements. Évidemment, ces dernières avaient été vidées. Elle sentit le froid de sa peau glaciale et moite, perçut le tressaillement de ses muscles inquiets, de tout son corps qui se mettait alors à grelotter. Tout en se saisissant d’une main de la mince couverture sur le lit, elle posa ses doigts sur sa gorge pour discerner l’état de son pouls. Sa mâchoire ne cessait de se contracter, les frémissements fiévreux de ses lèvres et les pulsations saccadées de sa nuque ne lui disaient rien qui vaille. Enroulant le trop léger, trop petit linge autour de lui, elle vint s’allonger tout près dans l’espoir de le réchauffer le temps que les effets de la drogue se dissipent. Le tout un peu rageusement – et faute de mieux, car aussi divine soit-elle, Siame n’était pas une licorne, elle ne disposait d’aucun sang magique, d’aucune larme lénifiante –, agacée d’avoir à démontrer autant d’égard pour un mortel. Il ne lui faisait pas peur, pas pour l'horreur de son apparence, ni même pour la dangerosité de son outillage, il l'inquiétait comme un homme l'inquiétait. Pour rien au monde elle n’aurait accepté d’accorder à nouveau sa confiance à l’un d’eux—mais pour l’heure, celui-ci aurait, de toute manière, été dans l’incapacité de faire du mal à une mouche. Ce spectacle de vulnérabilité la gênait tout autant qu’il la renvoyait à de lointains, mais récalcitrants souvenirs. Elle lui aurait bien volontiers mis un coup de pied au cul plutôt que de jouer les Mère Thérésa, mais doutait de l’efficacité du procédé à cette occasion. L’Ange mit de côté l’hostilité qu’elle leur témoignait, oublia ses ailes et la menace du lieu dans lequel ils étaient alors enfermés. Elle apaisa son esprit confus, chassa au mieux la crispation de son corps, se concentra sur la chaleur évanescente de son compagnon d’infortune et le laissa baigner dans l’étuve réconfortante – Sainte et céleste – qu’était la sienne.

    Je vais nous gagner un peu de temps, annonça-t-elle, comme s’il l’écoutait. J’espère que tu réalises la chance que tu as et l’infini bonté dont je fais preuve… Maintenant, montre toi utile et évite de mourir. Tout ça sonnait comme des remontrances.

    Elle ferma les paupières à son tour, et laissa son esprit vagabonder hors de son enveloppe terrestre. La nuit s’annonçait affreusement longue.

    ×××

    — (…) et on a foutu les deux dans la piaule.

    — Hum…

    Le patron, vêtu d’un costume impeccable, les cheveux grisonnants et des yeux de serpent, avait retrouvé possession de son fauteuil de cuir dans le bureau, préalablement chauffé par le cul arrogant du larbin qui avait accueilli Siame plus tôt. Il fronçait ses épais sourcils, les yeux rivés sur sa cave à cigares, réalisant qu’il en manquait deux de plus, quand un vase d’une valeur inestimable lui vola dans la gueule. Sonné, le front désormais en sang, mais dans une impassibilité terriblement inquiétante, il fusilla des yeux le type en face de lui, qui bredouillait déjà, à reculons.

    — C’pas moi, patron, je vous jure que c’pas moi… Le vase, il a volé tout seul…


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  • Jeu 11 Avr - 23:01
    La voix de la figure angélique sembla, lorsqu'elle parvint aux esgourdes du principal concerné, étouffée par les substances qui imposaient l'inconscience au colosse. Offrant une vision bien pitoyable de ce qui était censé être le fleuron de la technomagie républicaine, Mortifère ne parvenait même pas à articuler une réponse convenable et se contentait d'éructer, la bave aux lèvres, ce dans un vain espoir de signifier qu'il n'allait pas si mal que ça malgré l'évidente bêtise d'une telle entreprise.

    Dépossédé de l'entièreté de ses facultés motrices, il ne put qu'être témoin des multiples expériences que tenta la demoiselle pour le ranimer. Elle le bouscula, lui fourra les doigts au fond de la bouche, se permit même de le frapper à plusieurs reprises lorsque sa patience s'affina mais rien à faire, le soldat plus blême encore qu'à son habitude ne répondait que par des gargouillis ridicules. Les sensations était quant à elle amoindries par les inhibiteurs dont les vertus anesthésiantes n'étaient plus à démontrer et, puisque Mortifère n'arrivait tout bonnement plus à garder les yeux ouverts, il peinait à comprendre précisément ce que fabriquait sa sauveuse, tout en se doutant d'instinct qu'elle tentait de lui venir en aide d'une manière ou d'une autre.

    Ne pas se savoir seul face à cette crise avait au moins le mérite d'être vaguement rassurant, en dépit de l'évidente inefficacité des manœuvres de sa compagne d'infortune. La froideur impérieuse qui s'emparait de lui avait lourdement gagné du terrain depuis le commencement de sa maudite crise mais il découvrait, sans toutefois assimiler exactement ce que cela impliquait, que son alliée du moment avait réussi d'une manière ou d'une autre à appliquer sur une part de son corps monstrueux un semblant de chaleur réconfortante. Tâchant de se concentrer sur celle-ci, le militaire parvint après de longues minutes d'errance à retrouver une once de conscience et, dans un élan de volonté, il usa d'une tactique bien peu orthodoxe pour tenter de réveiller son organisme assoupi.

    Avec toute la délicatesse dont il pouvait encore se doter malgré les ravages opérés sur son corps, Mortifère plaqua l'une de ses pattes griffues contre l'épaule de la dénommée Siame, ce pour ensuite la pousser avec un certain ménagement sans se douter un seul instant qu'elle vivait actuellement une expérience extracorporelle. Libéré de la douce étreinte de sa camarade, il plaqua instinctivement une dextre d'acier contre son thorax et laissa la magie affluer dans ses prothèses. Un grésillement né de sa maîtrise des arcanes se fit entendre et, dans une violente impulsion, le soldat se foudroya littéralement pour suralimenter son système nerveux altéré.

    Il eut un spasme brutal et bondit sur place comme une carpe sortie de l'eau, avant de retomber lourdement sur son flanc, à l'opposée de la demoiselle allongée à ses côtés. Malgré les contre-indications pourtant très claires de la figure angélique, Abraham poussa un grognement immonde et vint ensuite dégobiller allègrement sur le plancher, maculant ainsi le sol d'un mélange alchimique aux odeurs indescriptibles. Cette première expulsion le libéra partiellement de sa torpeur et la douleur de l'électrochoc s'insinua en lui à une vitesse fulgurante. C'était une bonne chose.

    Il ne réprima pas le hoquet rocailleux qui suivit et vint machinalement réitérer l'expérience avec la même intensité. Sans pouvoir tout à fait conceptualiser la situation dont il avait entièrement perdu le fil, il ressentait l'urgence du moment plus qu'il ne la réalisait. Ses tripes furent encore agitées par la sauvagerie de sa magie mais cette fois-ci, l'anesthésie n'eut presque aucun effet estompant sur la souffrance essuyée lors du coup subi. Mortifère laissa un cri lui échapper par réflexe lorsque les muscles de sa gorge vinrent se tendre naturellement et offrit à la pauvrette qui l'accompagnait la vue d'un second service de vomi, tout aussi ravissant que le premier bien entendu.

    "Gh... M... Merde."

    Non sans effort, il réussit à se repositionner sur ses genoux et plaqua ses paumes métalliques contre le sol. Même alimentées par sa télékinésie, les prothèses tremblaient, refusant d'obéir à la psyché de leur porteur dont l'esprit profondément empoisonné était devenu inapte à la pleine maitrise de leurs fonctionnalités. Des clapets s'ouvraient, des rouages s'actionnaient au hasard et les articulations des doigts mécanisés se tordaient dans toutes les directions, la drogue les ayant rendus incapables désormais de conserver une forme convenable.

    "Ca va pas... Appeler... renforts."

    Ce fut à cet instant précis qu'un malfrat faisant office de garde entra en scène, après avoir été alerté évidemment par le véritable vacarme dont s'était rendu responsable le Cerbère. La porte blindée s'ouvrit, loquet par loquet, puis la silhouette d'un hybride bedonnant possédant une trogne de sanglier fit son apparition dans l'entrebâillement.

    "Que... Il s'est réveillé, le machin ?"

    Il obtint pour seule réponse un grognement sauvage aux échos éthérés et, dans un réflexe salvateur, Mortifère orienta l'une de ses paumes en direction du nouveau venu, l'accueillant avant qu'il n'ait l'occasion de s'enfuir par un rayon foudroyant qui le frappa en plein torse. Propulsé contre la paroi adjacente, le sanglier assommé net s'écrasa contre la roche et retomba de tout son poids par terre, laissant ainsi une issue aux deux captifs. Mortifère voulut s'appuyer sur la chaise écroulée non loin de lui pour se relever mais le partenaire du premier arrivé ne tarda pas à se manifester et, dans un impact cinglant, il frappa le soldat d'un pointu en plein menton, ce qui fit retomber sa victime en arrière dans un tintement sonore.

    D'autres coups de pieds suivirent et Mortifère, trop affaibli pour se défendre correctement, en reçut inévitablement plein la poire.
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  • Lun 15 Avr - 23:35
    — Qu'est-ce que c'était que ce bruit ?

    — Je crois que ça venait de...

    Siame disparue avant de pouvoir percevoir la fin de la phrase. Elle savait parfaitement d'où ce bruit venait. Lorsqu'elle retrouva possession de son corps, celui-ci avait roulé mollement sur le côté, face contre terre avec l'émoi d'une poupée désarticulée. L'avait-on déplacée ? Il y avait une sorte de silence autour d'elle, un moment suspendu durant lequel le temps semblait s'être arrêté. Dans un battement de cils, elle prit conscience de ce qu'il se passait. De la porte blindée désormais ouverte et surtout libre. Une issue. Il lui suffisait de se relever, de prendre ses jambes à son cou, emprunter le couloir par la droite, trouver le grand salon du cabaret par lequel elle était passée pour entrer – on ne la remarquerait même pas – et disparaître. Un fracas pas possible la tira de ses rêveries... Du coin de l’œil, elle aperçut le dénommé Mortifière s'écraser de toute sa hauteur, assailli par l'un de leur geôlier bien décidé à finir le travail. Son regard se détourna de la scène pour retrouver l'issue qui l'appelait...

    Puis, à nouveau : Mortifère. Elle perçut le picotement des éraflures que ses mains tranchantes avaient laissé sur son épaule, malgré toute la retenue dont il avait fait preuve. C'est lui qui l'avait déplacée.

    L'issue... Se lever, partir...
    Le bruit infâme des phalanges qui s'enfoncent dans la chair et l'odeur du sang, puis d'autre chose qu'elle ne distinguait pas vraiment...
    L'issue... L'issue.
    C'est lui qui l'avait ouverte...

    Quel enfer, finit-elle par grogner rageusement, pour ou contre elle-même, tout en luttant contre sa propre volonté. Elle capitulait.

    À ce rythme-là, son petit protégé de la soirée n'aurait qu'à ramper jusque chez sa mère. Non, ce n'était vraiment pas beau à voir, cette histoire : le gus s'acharnait sur lui. L'Ange se releva, non sans baver une bordée de jurons – aussi bien aux Titans qu'à son compagnon d'infortune –, amorça quelques pas et attrapa le dossier de la chaise au sol. La seconde suivante, l'un des quatre pieds vint s'écraser brutalement dans le crâne de l'assaillant une première fois. Une seconde, pour être sûre. Une troisième pour la gloire. Il y eut un râle plaintif, puis l'abruti s'écrasa sur sa malheureuse victime, l'arcade fissurée et la vue brouillée de sang.

    Elle reposa sagement la chaise – un pied branlant – sur le côté, chassa une mèche de cheveux qui lui barrait la vue et chercha le regard de son camarade. Le tout sans se départir de son dédain naturel, propre à son sang, faisant preuve d'une curieuse contenance. Il n'y avait aucun doute : le sang ne l'émouvait pas plus que ça, le faire couler non plus.

    Il serait peut-être... Sa phrase fut coupée par un grognement guttural dans son dos.

    Un frisson désagréable lui coula dans l'échine tandis qu'un souffle chaud, poisseux, très bestial, s'égara dans sa nuque. Elle sentit son corps entier se tendre et des bras trop épais se refermer sur elle. Le mastodonte – mi-homme, tout-ce-qu'il-ne-fallait-pas du sanglier – avait repris ses esprits. La chose irradiait quelque chose de monstrueux, dont les misères de la vie semblaient avoir ravalé les proportions harmonieuses du corps humain—il y avait là une bête malpropre et négligée, sans cou, au corps trapu et aux jambes lourdes, nerveuses. Un long filet de bave roula sur l'épaule de l'Ange, comme un aveu répugnant de la créature dégénérée qu'il était. L'envie de crever lui effleura l'esprit.

    Lâche-moi gros porc, siffla-t-elle entre ses dents avant qu'il ne se mette à la secouer comme un prunier.

    Elle posa un regard sec sur le gorille à terre en train de se tartiner de son propre dégueulis. Dépositaire de l’autorité publique, qu'il disait... Sa mâchoire se serra douloureusement quand la prise lourde du sanglier se raffermit autour d'elle. Il allait la briser. Il voulait la briser. Que sa cage thoracique dans laquelle bat un cœur trop précieux se fracasse entre ses bras dans un craquement sinistre. Si seulement elle arrêtait de gesticuler dans tous les sens. Elle était mince, fluette presque, ce n'était qu'une question de seconde avant que son corps trop pâle ne cède et que les battements meurent. Elle allait prendre pour l'autre. Elle allait prendre pour le sale coup qu'il avait dû encaisser.

    Siame grogna, redécouvrant une douleur qu'elle ne soupçonnait plus après tant d'années. Il y avait quelque chose d'aveuglant, comme si ses résistances sautaient une à une. Elle crut s'évanouir. C'était hors de question. Privée de toute prise, elle fit ce qu'il lui restait à faire : s'époumona dans un hurlement—de rage plus que de douleur. La créature plaqua aussitôt une main sur sa bouche pour la faire taire. Il étouffait ses cris dans ses paumes calleuses, énormes et qui s'imposaient avec la dernière des brutalités, sans même réaliser qu'il lui muselait tout le bas du visage. L'Ange eut un battement de cils pénible, tandis que son regard s’ombrageait.

    Et l'autre qui ne bougeait toujours pas... Elle l'a cherché des yeux, à ce moment.

    Lève-toi Mortifère, putain de bordel de merde ! L'ordre avait claqué dans l'air, étourdissant et sans pour autant qu'aucun son ne se réverbère contre les murs de la petite pièce. Non, le seul qui l'avait peut-être entendu fut celui pour qui les mots avaient été destinés.

    Dans le couloir, des claquements de talons annonçaient l'émeute à venir. On allait les abattre comme des chiens enragés. Elle et lui, sans distinction. Parce qu'ici, dans les bas-fonds de la cité, enfermés dans une piaule à la con, Mortifère et Siame n'étaient pas plus que ça. Ils pouvaient se targuer de tous les beaux titres, bomber le torse fièrement à l'idée de représenter leur patron, leur maître, ils n'en restaient pas moins cruellement insignifiants dans ce putain de monde. Personne ne viendrait les sauver. On les remplacerait : avec un autre projet—avec un autre enfant.


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  • Jeu 18 Avr - 15:42
    Un sifflement strident faisait vibrer les tympans salement éprouvés du militaire. Sujet à cet acouphène insupportable qui ne faisait que renforcer sa démentielle nausée, il n'entendait qu'à peine les bruits de la lutte sauvage que menait Siame pour survivre. A peine conscient, il ouvrit difficilement la paupière que recouvrait un voile de sang violacé et reprit contact avec sa lentille pour découvrir, à son grand déplaisir, que des fissures fragmentaient le champ offert par son iris artificiel. Sa vision embrumée lui offrit un tableau qui fit grimper d'un bond son taux d'adrénaline et lorsque la voix de la demoiselle avec laquelle il avait été enfermé s'éleva dans son esprit, il sut qu'il ne pouvait se résoudre à se laisser aller au sommeil. Au prix d'un nouvel effort déraisonnable, Mortifère parvint tant bien que mal à reprendre le contrôle de son corps épuisé et sans même pousser un grognement, il s'électrocuta une nouvelle fois.

    Ses vaisseaux sanguins s'activèrent et son sang parut entrer en ébullition mais la maladroite tentative eut toutefois l'effet escompté. La douleur le poussa à agir et, sans plus attendre, le militaire retourna l'un de ses coudes rotatifs pour prendre appui sur le sol, ce afin de s'assoir pour au moins écourter la distance qui le séparait des deux personnes qui luttaient avec ferveur. Sa main droite se déforma pour prendre l'apparence d'une lame affutée et vint accrocher le talon du malfrat, découpant chair et tendon tout en lui arrachant un hurlement de douleur. Incapable de conserver sa posture, il manqua de chuter et Mortifère profita aussitôt de l'opportunité pour conclure l'affrontement d'une façon certes peu glorieuse, mais en tout cas bigrement efficace.

    Il saisit le talon blessé de sa proie et tira dessus en abusant de sa force surhumaine, faisant chavirer l'adversaire tout en s'octroyant une prise pour se redresser, juste assez pour pouvoir flanquer la foreuse qui lui servait de dextre en plein dans le flanc de son ennemi. Les tripailles explosées se répandirent à terre dans un nuage pourpre et le colosse abattu poussa un râle guttural puis vint enfin relâcher brusquement sa proie. Avec une sollicitude qui lui était relativement inhabituelle, Mortifère eut la présence d'esprit de placer son bras avec une adresse certaine sous l'aisselle de Siame, lui évitant ainsi une énième chute douloureuse.

    Tenant difficilement debout, le géant mécanisé à moitié endormi par les effluves de substances psychoactives tenait le coup, difficilement mais avec férocité. Les trois électrochocs qu'il s'était sciemment administré avaient suffi à maigrement contré les effets des drogues et s'il peinait à ne pas dissocier avec la pleine réalité du moment, il entendit tout de même les sons de la foule de fripons qui s'empressaient d'accourir sur les lieux de la bataille.

    "Reprend ton souffle, c'est pas fini."

    Plus de manières princières et de discours grandiloquents. Il ne restait du militaire que l'homme apeuré à l'idée de finir ses jours à l'abri des regards de la populace. Plus que la mort, il avait peur de ce qu'impliquerait pour ses mentors une conclusion aussi pitoyable que celle-ci. S'armant d'un pied de chaise, le géant prit en premier le risque de passer la porte blindée que les assaillants avaient laissée entrouverte et s'engouffra dans le couloir pour apercevoir, non sans stupeur et effroi, un attroupement plutôt conséquent de voyous qui fusaient droit sur eux. Tournant la tête vers Siame, il lança sans conviction :

    "Tu connais la sortie ?"

    Et ce faisant, il projeta son arme de fortune en direction de la foule avec une force telle que le projectile vint heurter le front de l'un des poursuivants, l'assommant sur le coup et perturbant ainsi la formation de ceux qui avaient eu la mauvaise idée de s'en prendre au Premier Né dans un lieu aussi exigu que celui-ci. Mortifère tendit une main prosthétique vers les agresseurs qui tâchaient de l'intercepter mais les bobines technomagiques s'actionnèrent avant qu'ils en aient l'occasion et, dans un bourdonnement monstrueux, une salve d'éclairs vint s'accrocher à eux, brûlant et paralysant une bonne part des crapules.

    L'utilisation abusive de sa magie déstabilisa Mortifère qui se sentit faiblir. Prenant instinctivement un appui sur le mur ajdacent, il haleta brièvement puis fit signe à sa compagne d'infortune de le rejoindre. Il retint à grande peine un haut-le-coeur et souffla :

    " 'Faut qu'on s'barre. Active."
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  • Dim 21 Avr - 18:02
    Ce sommeil artificiel, elle le connaît. Il réveille chez elle de lointains souvenirs, fait émerger brutalement des sensations qu'elle pensait avoir oubliées. Quand l'air reprend enfin possession de ses poumons, l'Ange se confond dans une toux épaisse. Son corps fourmilla, menaçant de tomber lourdement, pour être retenu in extremis par le bras mécanique – et bienvenu – de Mortifère.

    Merci, souffla-t-elle, la gorge brûlante.

    Elle s'obligea à respirer profondément et à prendre de lentes inspirations difficiles. Les éclats de voix dans les couloirs ne tardèrent pas à la ramener à la réalité, la forçant à reprendre ses appuis. Elle se sermonna intérieurement. C'était dans ses gênes : "relève-toi et débarrasse-moi le plancher de cette vulnérabilité insupportable". L'Ange n'avait jamais été douée pour ménager qui que ce soit, pas même sa propre personne—elle avait la tête dure, refusait de se laisser briser.

    Je crois être capable de... Sa phrase fut coupée par le grognement douloureux, suivi de ceux terrorisés par la foudre et du fracas des corps qui tombent lourdement, tétanisés. Il y a soudainement une lourdeur palpable dans l'air. Le coup s'était apparenté à une charge de rhinocéros, en plus incongru, un peu plus magique. Efficace, jugea-t-elle, sans sourire, avant de voir son compagnon vaciller de demi-seconde plus tard.

    Il s'épuisait. Elle le rejoignit et ce fut à son tour de passer le bras mécanique – affreusement lourd – de son compagnon de cellule autour de sa nuque.

    Reste avec moi, veux-tu. Sa risette narquoise – qui ne suffit pas à chasser le drame qui ternit ses pupilles – se transforme en vilaine grimace au haut-le-cœur du gaillard.

    Siame ne fait aucun commentaire cette fois. Il était en train de la sortir de ce merdier, qu'il vomisse autant que ça lui plaise. Elle jeta un regard par dessus le groupe qui peinait à se remettre du coup infligé par la machine et ses éclairs dans les bras, les réflexes considérablement amoindris par son état. Pour le reste, le chemin qu'elle avait emprunté plus tôt est désormais bouché, et l'équation, elle, est rapide : elle pivota, soutenant toujours Mortifère du mieux qu'elle le pouvait, dans l'autre direction.

    On bouge, trancha-t-elle le menant péniblement jusqu'au fond du couloir.

    Ils empruntèrent un escalier sombre, dévalèrent les marches une à une, l'Ange la première tandis qu'elle continuait à guider sa marionnette, jusqu'à tomber sur une porte. "Faites qu'elle soit ouverte", pria-t-elle intérieurement avant de pousser sur la poignée et bingo !—la porte s'ouvrit à la volée sur l'extérieur, à l'arrière du bâtiment, dans une petite ruelle sombre. Les deux s’engouffrèrent dans la nuit noire enfin sortie de cette putain de... Un éclat fauve passa devant ses yeux. Une petite tête blonde, la bouche ravissante qui s'arrondit d'un joli "o" quand elle tombe face à face avec les deux fugitifs. Siame la reconnaît immédiatement.

    Louisa.
    La gamine farouche du patron.

    Derrière eux, la porte s'ouvre dans un fracas, et on hurle des menaces à leur encontre. On va les descendre comme des chiens, dans la rue, tant pis pour leur gueule. Mû par des instincts qu'elle ne connaît que trop bien, Siame n'hésite pas quand elle s'empare fermement du bras de la blonde. Elle a 18 ans, tout au plus, une vie entière à vivre et elle les dévisage bouche bée, sans comprendre ce qu'il lui arrive. "Aïe, tu me fais mal", murmure-t-elle, penaude. L'Ange l'ignore. Une clé de bras plus tard, ses doigts s'enfilent fermement dans la main griffue de Mortifère – comme si ça avait été la sienne, le tout sans même lui jeter un regard – et elle la pose sur la gorge de la pauvre fille.

    Tout se passe vite. Très vite.

    Un pas de plus et je l'égorge comme une truie. La menace claque dans la nuit, une sorte de morgue princière dans la voix, et le temps s'arrête.

    De l'autre côté, on ne bouge plus d'un pouce. Le moment paraît un peu incongru, tout le monde se dévisage dans le blanc des yeux et les secondes ne semblent plus s'arrêter. Même les gros durs s'arrêtent de respirer quand on s'en prend à la prunelle de leurs yeux. La pauvrette, elle, relève un regard sanglotant, affreusement innocent, vers Siame – qui l'ignore prestement – puis vers Mortifère. Il lui fait peur, mais un peu moins que le regard tranchant, impitoyable et déserté de tout sentiment de la femme. Ses yeux de biche, incrédules, cherchent les siens derrière l’horreur de son apparence – parce que les hommes sont un peu plus faciles à piéger quand on les regarde ainsi – et elle bredouille quelque chose de l'ordre du "s'il vous plaît, je vous en supplie" et des grosses larmes chaudes se mettent à rouler sur ses jolies joues congestionnées par la peur. Dans sa poitrine, son cœur bat la chamade—elle ne veut pas mourir, pas pour son père.

    — S'il vous plaît, je n'ai rien fait, les affaires de mon père ne me concernent pas...

    Plus personne n'ose bouger. Les bouches s'ouvrent, et rien ne sort, parce qu'on ne sait pas trop quoi dire. Le con – son père – approuve, tandis qu'il comprend que sa gamine va prendre pour lui. Il se ratatine sur lui-même comme une pauvre chiure de mouche. Les innocents, c'est toujours ceux qui subissent pour les conneries des autres, pour leur avarice et pour le pouvoir après lequel ils courent comme des glands. Derrière lui, le type avec qui Siame s'est entretenu dans le bureau du père apparaît. Il déboule à son tour, et ses yeux s'écarquillent, menacent de sortir de son crâne, quand ils se posent sur la blondinette.

    — Louisa ! Il s'étrangle sur son nom. Lui non plus ne réfléchit pas quand il s'élance vers eux—parce que c'est la première fois qu'il la revoit depuis 6 mois, qu'il l'a cherché partout, et qu'il en est fou amoureux. Lâche la sale pute ! qu'il crie, comme un aveu, comme une défaite.

    Tout se passe vite. Trop vite.


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  • Lun 22 Avr - 16:59
    Le chaos, la pression exacerbée sur sa poitrine, les coulées de sueur qui ne devraient pas lui accaparer l'esprit et qui prenaient pourtant l'ascendant dans son cheminement de pensées confuses. Incapable de réfléchir convenablement, le soldat géant se laissait guider par l'Ange et découvrait parfois en abaissant les yeux que sa salive avait du mal à rester convenablement logée à l'intérieur de sa bouche. Il tenait bon, s'accrochant aux murs lorsqu'il avait l'impression de chuter en avant et offrant à la demoiselle suffisamment de crédit pour lui permettre de lui porter assistance dans les virages. Il avait rarement agi de concert avec autrui et n'était pas habitué à se reposer sur ses compagnons mais dans un tel cauchemar, il n'avait qu'elle.

    Conçu pour abattre les titanides et les engeances ténébreuses qui voulaient annihiler son foyer, le Premier Né de Palladium luttait avec une force toute relative face à des obstacles qui le ramenaient sur terre avec fracas. Comment avait-il pu tomber si bas, par quel sinistre coup du sort pouvait il se retrouver dans un état si piteux ? Il y avait dans sa condition une sensation d'injustice couplée à une honte si poignantes qu'elles l'embaumaient, noyant son courage dans un océan de discorde intérieure. Mieux valait crever, à ce compte là.

    L'instinct, pourtant, refusait de voir l'homme céder au poids du déshonneur. Siame repoussa une porte et le violent acouphène qui grignotait les tympans de Mortifère fut partiellement chassé par le son du bois claquant contre la roche. Les paupières mi-closes du géant s'ouvrirent lorsqu'une bourrasque d'air frais enveloppa son visage brûlant et une nouvelle montée d'adrénaline attisa la flamme de l'espoir. Il ne pouvait décemment pas se laisser aller maintenant, pas après tous ses sacrifices. Bientôt, il rejoindrait les Ecuyers Noirs et devrait faire preuve, comme à son habitude, de la noblesse dont ses mentors étaient supposés l'avoir pourvu.

    "Ressaisis toi, Abe... Ressaisis toi... "

    Encore sous l'effet des drogues qui lui dévoraient la trogne, il avait pensé à voix haute pour la énième fois et c'était entre ses dents serrées qu'il avait articulé à grande peine ces quelques mots supposés lui accorder une miette de volonté supplémentaire. Boitant plus qu'il ne marchait, Mortifère continua à suivre du mieux qu'il le pouvait la cadence imposée par son alliée du moment et s'engouffra à sa suite dans les ténèbres des ruelles crasseuses de la Nation Bleue, les coulisses de son monde fait d'or et de lapis lazuli. Pas le moment de faire de la prose intérieure, foutu mal de crâne, il avait envie de dormir...

    Il perdit connaissance de son environnement l'espace d'un instant et lorsque la réalité se réimposa à lui quelques secondes plus tard, il eut la sensation d'être dissocié de sa réalité. Siame avait agrippé sauvagement une jeune femme et usait de son autre dextre pour se servir des prothèses du militaire comme d'une arme. Pour menacer qui, au juste ? Avec une telle lenteur qu'on eut dit qu'il évoluait dans la mélasse, le soldat tourna la tête en direction des rugissements qu'il découvrait à peine et comprit très vaguement la situation dans laquelle il était plongée. Une otage, voilà ce qu'il avait sous les griffes. Un ticket de sortie, une opportunité à saisir pour se tirer de ce mauvais pas. Se recentrer sur le moment, ne pas tomber dans les songes éveillés, voilà ce qu'il devait faire.

    Les yeux écarquillés par la surprise et l'incompréhension, Mortifère croisa le regard suppliant de cette victime qu'on venait littéralement de lui coller sur les bras. Le prétendant indigne se pointa à son tour et lorsqu'il fendit la foule de malfrats pour se jeter sur le duo de fuyards, les réflexes du colosse reprirent le dessus sur sa raison. A peine conscient de ce qu'il faisait, le militaire ignora les pleurs de la pauvre demoiselle et fit précisément ce que l'on attendait d'un monstre tel que lui.

    Un carnage.

    La main posée contre la gorge de Louisa pivota dans un angle impossible et vint saisir le cou de la malheureuse avec une force implacable pour ensuite venir la soulever en ne s'encombrant pas de l'inconfort que suscitait une telle position. La jeune fille lâcha un cri étouffé lorsqu'elle fut décollée de la terre et commença à s'agiter furieusement pour résister à la poigne du Cerbère, sans succès. L'amoureux transi, rendu fou de rage par le traitement réservé à sa dulcinée, fondit tête baissée sur une bête évidemment trop grosse pour lui et, dans un froissement ignoble, le bras mécanisé encore disponible fendit l'air, se bloquant à peine dans l'obstacle rencontré sur sa trajectoire.

    Lourdement, le corps tomba à ses pieds. Le crâne, tranché juste au dessus de l'arête nasale, se scinda en deux parties comme une pastèque et déversa son contenu gélatineux dans une flaque d'eau laissée entre des pavés inégaux. Bien que particulièrement bravaches et peu scrupuleux, les criminels décidèrent d'y réfléchir à deux fois avant de se lancer à la suite de cette première victime. Les griffes ensanglantées de Mortifère tournèrent sur elles-mêmes dans un vrombissement sonore et, avec une cruauté tout juste retrouvée, le représentant unique du succès de Palladium lança avec froideur :

    "Les fioles que vous m'avez volé, contre sa vie."

    Il y eut un silence, les plus pressés et belliqueux des combattants sautillaient sur place en attendant que leur chef de meute vienne leur donner le signal d'assaut. Le regard du soldat inflexible balaya l'assemblée et la lentille technomagique se posa enfin sur le faciès bouffi du dirigeant de cette troupe de parasites. Celui-ci, après une grande hésitation, répondit d'un ton véhément :

    "Lâche ma gamine, on avisera après."

    Mortifère n'excellait pas particulièrement dans l'art des négociations éthiques.

    L'équivalent de son auriculaire pivota à l'envers et son ongle crantée se déploya pour dévoiler ce qui s'apparentait aisément à un véritable ustensile de torture. L'aiguille perfora la joue de Louisa, lui arrachant ainsi un couinement affolé suivi d'une nouvelle tentative de lutte désespérée. Un petit trou, rien de plus, une indication de ce qu'il était capable de faire pour arriver à ses fins.

    "Mes fioles..."

    La colère gagna son opposant :

    "Laisse la partir et règle ça comme un homme, enculé !"

    Le visage enjôleur fut poinçonné une seconde fois, juste au dessus de la première plaie. L'image de la jeune fille dont il avait broyé la tronche lors de l'intervention menée aux côtés de Dosian lui revint en mémoire. Pas deux fois, par pitié.

    "Mes-fioles."

    La carapace du voyou en chef céda enfin et après avoir poussé un cri empli de désarroi, il ordonna à l'un de ses suivants :

    "FILEZ LUI SES PUTAINS DE FIOLES !"

    L'un des bandits, celui qui avait justement été chargé d'aller plus tard refourguer la marchandise non identifiée au plus offrant, s'extirpa du groupe avec la bandoulière ornée de divers produits alchimiques. Le patron opina du chef à contrecoeur et l'objet fut projeté vers Mortifère qui s'en saisit par télékinésie, l'inspectant pour ensuite venir la sangler par magie autour par dessus son épaule droite. Sa demande enfin satisfaite, il accorda un regard en coin à Siame et lui murmura, la bouche à moitié planquée dans son col :

    "On fait quoi maintenant, bordel ?"
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  • Mar 23 Avr - 19:44


    Il y avait quelque chose de poignant, à voir une telle démonstration de force et de destruction, de la sentir au bout de doigts qui ne sont même pas les siens. L’Ange perçoit les mécanismes du bras d’acier s’activer dans sa paume, animés d’une sorcellerie nouvelle, qu’elle n’avait jamais vraiment expérimentée. Elle hésita pendant une fraction de seconde à retirer sa main, le laisser faire, puis se retint devant l’hypocrisie d’un tel geste—quand bien même elle aurait certainement incapable d’imprimer sa propre volonté sur lui. C’est elle qui avait placé cette arme ici sur la gorge de l’innocente—et bien que ce soit Mortifère qui enfonçait impitoyablement ses griffes dans la chair tendre de sa jolie joue, elle n’en était pas moins responsable. Elle le découvrait sous un autre angle, sans pouvoir le regarder, les yeux toujours fixés sur ceux qui cherchaient à les faire tomber. Mais l’Ange avait bel et bien perçu le changement soudain dans son comportement, les effets de la drogue pourtant à peine dissipés.

    Dans un long frisson, elle songea qu’elle préférait définitivement l’avoir dans son camp. Réalise sa bêtise, tandis qu’elle lui avait accordé sa confiance les yeux fermés. Qu’importe, ce n’est pas sur sa gorge que reposent ses griffes. La fille, elle, cette pauvre victime, émet des marmonnements plaintifs, sa mâchoire verrouillée par l’homme d’acier, lui refusant tout cri. Du sang roule sur sa peau douce et des sanglots interdits lui ébranlent la poitrine tandis. Elle ne comprend pas comment le monde peut être aussi cruel.

    Tout à coup, Mortifère semble plus à sa place. Plus maître de lui-même : sa cruauté une fois toute affirmée—comme il semble tout à coup mieux accordé. Ce changement, elle en est témoin dans l’inflexion du corps du soldat, dans la dureté de sa voix et dans l’ombre épouvantée qui passent dans les regards qui leur font face. Siame prend un peu mieux conscience de l’identité de celui à ses côtés. De l’étendu du pouvoir qui repose entre ses mains d’acier. On l’a créé pour ça : pour arracher la vie du bout des doigts. L'Ange assiste à l’échange sans un seul mot. Tout ça, ce Monde, le bras mécanique de Mortifère entre les mains, l’immensité de ce qu’un être comme lui signifie, les jeux de pouvoirs… Elle réalise ô combien elle a manqué, durant ces 5 000 ans, enfermée dans sa prison de marbre. Elle réalise aussi ô combien elle y était en sécurité. Pendant une seconde, elle partage la terreur de la fille, perçoit ce cœur, si vivant, qui tambourine dans sa poitrine, avant de se reprendre.

    Quand Mortifère lui chuchote sa question, Siame relève les yeux vers lui, pour la première fois depuis qu’elle a découvert cette nouvelle facette. Les yeux de l’Ange sont un feu sombre, avisé. Ils sont doux et acérés à la fois, comme ceux d’une mère savent l’être. Comme ses mains, quand elles viennent se poser sur les griffes crantées du soldat, et qu’un à un, lentement, elle les défait, libère la joue de Louisa.

    Cette gamine ne mourra pas ce soir, murmure-t-elle à l’intention de Mortifère, tandis que l’espoir vient regonfler les poumons de la blonde. Elle continue, plus fort. Nous allons partir. Et personne ne cherchera à nous retenir, compris ?

    Eux avaient retrouvé leur Louisa. Lui avait retrouvé ses si précieuses fioles et un semblant de contenance. Et elle ? Siame soupire. Tant pis pour elle. Tant pis pour ses ailes. Ce n’était qu’une piste floue, qui ne valait pas la peine de prendre une vie innocente. La blonde, enfin libérée, trébuche, se précipite dans les bras de son père.

    Il y a un moment de flottement, un peu incongru, ou personne ne sait vraiment quoi dire ou quoi faire. L’Ange décide, fait un premier pas, attrape la manche de Mortifère pour l’emmener à sa suite. Une voix la coupe dans son élan.

    — Je sais où elles sont, chienne à Titans. Quand elle pivote le visage vers lui, pour le regarder dans le fond des yeux, il crache un énorme mollard par terre. Une provocation. La seconde d'après, il se détourne des deux fugitifs, sa fille entre les bras.

    À cet instant, Siame regrette. Un éclat furieux vrille dans ses prunelles et l’envie soudaine d’arracher elle-même la vie de sa gamine lui brûle la poitrine, comme une tumeur. Elle se voit foutre le feu à son établissement, à tous ces cons qui se trouvent dedans—rêve de le voir, lui, agoniser sous les cendres de l’empire qu’il s’est construit. Sa prise se raffermit insensiblement sur la manche de Mortifère et elle fait volte-face, l’entraîne dans la ruelle adjacente. L’instant suivant, elle la lâche et ses paumes s’écrasent brutalement contre le torse métallique du soldat. Il ne bouge pas d’un pouce, et sa colère s’attise de plus belle, alors, elle recommence. Puisqu’elle ne peut se venger sur le putain de gros lard, c’était lui qui prenait.

    Et toi t’es qui, putain ? Tu n'es pas un simple garde du corps, personne ne s’en prend directement aux gardes du corps. Personne ne les remarque. Elle le pousse encore. T’es bien plus que ça, pas vrai ? T’es une putain d’arme. C’est pour cette raison que tu t’es retrouvé dans cette piaule ? (Elle esquive ses propres raisons, à elle.) Ils ne vont plus nous lâcher maintenant que t’as perforé les jolies joues de leur petite princesse, tu le sais ça, hein ? Toi, tu t’en sortiras de toute façon. Mais moi ? Pour peu qu’ils se décident de se venger, les Tit… Qui sait seulement dans quel état je finirais ?

    Elle s'enflamme. Parce que la tension retombe, et qu'elle se sent impuissante, perdue dans un monde qu'elle ne comprend plus. Que la colère et l'indignation, c'est tout ce qui lui reste. Elle en veut alors à la terre entière, peu contente de s'être tout juste sortie de cette situation. Elle en veut à sa maîtresse de l’avoir abandonné ; à ce vampire d'avoir arraché ses ailes, qui de l'avoir enfermée ; à lui aussi, qui se dressait devant elle, fier et fort de la carcasse de métal qu’on lui avait donné et du pouvoir qu’elle lui offrait. Fier de ses titres, fier d’agir pour une cause qu’elle ne comprend pas ; elle se met en colère parce qu’elle réalise de quoi sont devenus capables les mortels depuis tout ce temps, elle constate qu’ils se prennent à jouer à des jeux auxquels ils ne devraient pas jouer, ce que ça signifie pour ses maîtres, pour elle…


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  • Mar 23 Avr - 20:39
    Tandis que Siame prenait les commandes de la situation, Mortifère profita de cet instant lors duquel les deux camps s'inspectaient avec précaution. Ses cheveux s'agitèrent doucement lorsqu'il usa de télékinésie pour venir décrocher du ceinturon une paire de fioles qui flottèrent jusqu'à son dos pour enfin s'insérer dans une paire d'orifices prévus à cet effet. Six clapets se refermèrent autour des contenants des potions de surpuissance, rendant ainsi au soldat la possibilité d'accéder aux parts les plus démentiellement dangereuse de son arsenal magique.

    Le retour de ces facultés extraordinaires dans les mains de leur digne porteur suscita chez lui un certain apaisement et même si la présence des tortionnaires de la pègre alimentaient encore chez lui un soupçon d'angoisse, c'était dés à présent la colère qui prenait le pas sur la peur générée par sa confusion momentanée. Verrouillant au mieux ses muscles pour éviter de trembler de manière trop ostensible, Mortifère œuvrait du mieux qu'il pouvait pour réguler son rythme cardiaque sans faire appel aux inhibiteurs usuellement employés à cette fin. La panique le guettait, après le tour de force qu'il n'avait dû qu'à son instinct de survie couplé à son adrénaline.

    Il fallait se tirer de ce bourbier, et vite.

    Fort heureusement, l'improbable duo ne fut pas poursuivi lors de sa retraite et même si, par égo, Abraham manqua de se retourner pour annoncer aux voyous qu'ils feraient bientôt l'objet d'une descente massive des officiers républicains et des Ecuyers Noirs; il n'en dit rien et se contenta de suivre machinalement celle qui ouvrait déjà la marche. Jetant par dessus son épaule un regard attentif au chef de meute ainsi qu'à sa progéniture blessée qui pleurait à chaude larme, il finit par s'éclipser et par disparaître dans la nuit aux côtés de la figure angélique.

    Croyant à tort qu'il allait enfin se trouver une occasion de souffler et de remercier convenablement celle qui avait participé à le tirer de ce mauvais pas, il fut surpris d'être cueilli non pas avec des félicitations mais par une violente poussée de la demoiselle. Bien que passablement indifférent à cette hostilité, il n'en comprenait pas tout à fait l'origine et ce fut donc avec une confusion certaine qu'il encaissa sans broncher les fébriles coups qu'elle lui servait à la chaîne. Complètement décontenancé par la manœuvre, Mortifère ne sut pas exactement s'il devait la repousse brusquement, la paralyser franchement ou alors la prendre dans ses bras pour l'apaiser d'une manière ou d'une autre.

    Lorsqu'il était sorti du cadre de ses interventions et des courbettes effectuées face aux plus hauts représentants de l'Etat, il ne savait pas y faire avec les gens, d'une manière générale. Son humanité, muselée et codifiée par ses maîtres, ne lui donnait que rarement l'occasion de s'exprimer en tant qu'individu plutôt qu'en simple arme et à force de manquer de pratique dans le domaine, il en oubliait presque les bases. Cette indécision commençait à l'agacer, attisant sa nervosité déjà bien renforcée par l'excès d'inhibiteurs empoisonnant son esprit torturé.

    "Je..."

    Répondre aux questions, faire preuve de transparence, était ce la solution ? Elle vint le pousser une énième fois et cette fois-ci, ce fut sa propre colère qui s'exprima. Repliant instinctivement les crans qui rendaient ses griffes encore plus léthales qu'elles l'étaient à l'origine, le militaire referma sur le frêle poignet de l'Ange ses serres, avec juste assez de douceur pour ne pas venir percer la peau immaculée de cette dernière. Jetant un regard furibond à son interlocutrice courroucée, il se laissa prendre par ses émotions au point d'en oublier les nombreux éléments dissimulés dans les provocations de son vis-à-vis. Après un soupir de frustration, Mortifère siffla avec une véhémence difficilement contenue :

    "Arrête. Comme je te l'ai dit, je suis affilié au gouvernement républicain, t'as pas besoin d'en apprendre davantage sur mon armement. J'avais pour mission de me rendre dans le repaire de ces enflures pour venir dénicher des preuves de leurs exactions et comme tu peux le constater, j'ai foiré le coup en beauté et je me suis fait capturer. Avec ce qu'ils viennent de me faire, j'ai tous les éléments requis pour organiser une virée familiale et donc anéantir le petit commerce auquel ils tiennent tant."

    Il relâcha la demoiselle en balançant sa main sur le côté sans une once de douceur, avant de plaquer son propre index encore tâché de sang contre le poitrail de l'Ange, tapotant celui-ci par deux fois tout en reprenant un ton au dessus :

    "J'comptais te remercier pour ton aide en t'incluant dans les démarches, sans t'emmerder avec les raisons probablement peu défendables de ta présence dans ce trou à rats mais si tu préfères que je t'ajoute à la liste des suspects plutôt que des victimes, que je te laisse te démerder seule face à la justice et que je t'envoie te faire foutre par la même occasion, t'as qu'à demander."

    Sa main métallique s'affaissa contre son flanc. Le soldat soutint le regard embrasé de la demoiselle avec toute la froideur dont il était pourvu puis, après de trop longues secondes de silence lourd de sens, il finit par laisser l'humain reprendre le contrôle du Cerbère et se ravisa, adoucissant légèrement ses traits meurtris avant de conclure :

    "Excuse moi, les nerfs ont parlé à ma place. Tu veux pas qu'on se colle à l'abri quelque part pour en discuter plus calmement ? J'suis à deux doigts de m'effondrer et j'ai un tournis monstrueux."

    A bien y regarder, il commençait effectivement à tanguer un peu.
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  • Jeu 25 Avr - 1:04
    Elle avait senti son sang – ou du moins le curieux mélange qui semblait le composer – bouillir dans ses veines, un peu plus à chaque fois qu’elle le poussait. Mais Siame, dans sa propre colère—celle d’avoir malgré tout perdu, fit fi des avertissements. En vérité elle se fichait de savoir pas mal ce qu’il était, qui il servait, qui même l’avait changé de la sorte. A moins que son créateur ne puisse lui donner des ailes mécaniques, tout ça la laissait de marbre. Avait-il souffert ? Probablement. L’expérience avait-elle été traumatique ? Certainement ; mais qui, de nos jours, n’avait pas subi la cruauté, les vices et les mauvais traitements des Hommes ? Les innocents mourraient entre les griffes acérées des soldats ; les putes se faisaient violer ; les nobliaux étaient utilisés dans des jeux d'échecs géants dont ils avaient la prétention de se croire capables de gagner. Recevoir les épanchements d’autrui lui était aussi pénible que d’endurer ses propres douleurs. Siame n’était définitivement pas l’oreille à qui se confier—elle avait toujours été bien plus douée dans le rôle de la sorcière insensible que dans celui de la jouvencelle bienveillante.

    L’Ange s’arrêta seulement une fois contrainte, une fois que son poignet fut emprisonné entre ses griffes—encore tachées du sang de la blonde. Un frisson glacial coula le long de son bras. Elle aurait volontiers tiré dessus pour s’en libérer, mais elle savait ce que ses doigts étaient capables de faire, alors, Siame resta immobile. Ses lèvres se musellent et le sifflement de ses mots lui hérisse doucement la nuque. Ses tempes se mettent à battre à tout rompre et par un miracle – car il fallait bien ça – l’Ange fait taire ses instincts de boulet de démolition et parvient à rester calme. Le souvenir encore frais des jolies joues de Louisa qui se percent au bout de “ses” doigts y est probablement pour quelque chose. Siame finit tout de même par siffler à son tour un “lâche-moi” venimeux entre ses dents.

    Il tapote contre son poitrail et en le faisant, il ignore les affreuses envies de ravage qu’il déchaîne chez elle. Siame sent son cœur s’affoler dans le creux de sa poitrine. Il lui donne le sentiment de manier le scalpel à chaque fois qu'il l'ouvre. Elle se redresse et la mince ligne de son sourire s’allonge insensiblement. D’un revers de main apathique, elle chasse le sang qu’il a laissé sous sa gorge, l’air de dire “bas les pattes, vieux toqué”. Son visage reflète l’éclat glacial de celui de Mortifère et le regarde au fond des yeux.

    Oh, mais si vous y tenez tant, je vous en prie, ne vous privez pas : à défaut de vous envoyer vous faire foutre, je vous fous ma main dans la gueule histoire de vous rappeler qui a été vous coller gracieusement ses doigts dans le fond de la gorge pour s’assurer que vous ne creviez pas comme une vilaine chiure de mouche—et vous pourrez me remercier à ce moment-là. Tout le plaisir est pour moi, vraiment ! Elle le dit un peu pompeusement, manque de s'affaisser dans une petite courbette ironique. Je ne pensais pas dire ça un jour, mais vous m’êtes tout de même plus appréciable occupé à vomir joyeusement vos tripes plutôt qu’à me faire la conversation.

    La provocation est un peu grossière, mais lui permet d’esquiver les questions plus importantes qu’il soulève. Il s’écoule un moment, durant lequel les deux se toisent en silence, avant qu’un curieux éclat ne reprenne possession des prunelles du soldat. Siame fronce les sourcils, un peu incrédule devant le changement de comportement soudain. Elle semble évaluer la véracité de ses mots, avant de finalement se laisser convaincre. Car malgré tout, dans leur joyeuse petite joute, il avait évoqué des éléments qui intéressaient l’Ange.

    Suis-moi.

    Cette fois-ci, elle s’abstient de le traîner par la manche. Elle s’enfonce dans les ruelles de Justice – quelle connerie ce nom – ouvre la marche jusqu’à ce qu’il parviennent devant la petite porte d’une maison d’accueil pour jeunes femmes, non loin.

    C’est là que je loge, explique-t-elle en posant une main sur la poignée. Normalement, les hommes ne sont pas autorisés, mais nous avons le droit aux animaux de compagnie, alors pourquoi pas toi ? Elle se confond dans une expression on-ne-peut-plus sérieuse.

    Siame poussa la porte et l’invita à la suivre dans les escaliers en bois qui mènent jusqu'à l’étage.

    Ne fais pas de bruit, s’il te plaît, murmure-t-elle du bout des lèvres, Berthe, la directrice, a le sommeil particulièrement léger. Évidemment, l’instant suivant, le plancher de l’escalier craque sous le poids du soldat, et Siame le fusille du regard.

    Ils parviennent finalement devant la porte de la petite chambre de bonne qu’elle loue pour trois fois rien. Trois fois rien : comme la piaule qui est à peine plus grande que celle dans laquelle ils s’étaient retrouvés enfermés un peu plus tôt, mais l’endroit est tout de même un peu plus charmant. Berthe décore les lieux de jolis draps fleuris qui sentent bon la lessive, et de rideaux en dentelle délicate, rien que ça. La vraie suite de toute mémé qui se respecte.

    Bienvenue. Elle craque une allumette et enflamme les bougies d’un chandelier sur le petit bureau contre le mur. Fais comme chez toi et n’oublie pas d’enlever tes chaussures, le ménage a été fait plus tôt dans la journée. Je reviens, pas de bêtises et évite de vomir partout, déclare-t-elle, avant de repartir, en refermant très doucement la porte derrière elle.

    Quand elle se pointe à nouveau, c’est avec un plateau de nourriture entre les mains – tout juste si elle ne s’annonce pas d’un “room service” en refermant la porte d’un très léger coup d’épaule. Elle dépose le petit plateau sur le bureau et découvre une miche de pain emballée dans un torchon. Très naturellement, découpe une tranche qu’elle se fourre entre les lèvres avant de proposer à Mortifère :

    T’as faim ? Il y a du fromage pour aller avec et un peu de lait. Sans plus de cérémonie – il y a quelque chose d’un peu cocasse à la voir faire, quelque chose de très ordinaire et à la fois très honnête (très humain finalement) – elle lui tend une généreuse tranche de pain et va s’installer sur le lit, pour lui laisser l’unique chaise. Ne casse pas celle-ci, s’il te plaît. Berthe me dégagerait illico presto de la chambre, et j’ai pas franchement l'envie de coucher dans la rue.

    C’était difficile de se l’imaginer ainsi, quand, un peu plus tôt, elle le menaçait de lui retourner les organes de l’intérieur et de lui arracher un “merci” du fond des entrailles. Difficile aussi de se l’imaginer lui, le fier soldat, dépositaire de la république, grand justicier, froid comme un glacier et tout hideux, aussi, le cul posé sur une petite chaise décorée d’un joli ruban rose poudré.

    Siame passe une jambe sous ses fesses, et dévore sa tranche de pain rassis comme si elle n’avait pas mangé depuis trois jours. Il faut croire que son estomac cri famine—et on réfléchit quand même beaucoup mieux une fois le ventre plein. Ses yeux se posent alors sur Mortifère.

    Alors ? Marmonne-t-elle, la bouche encore pleine, comment tu comptais t’y prendre pour, je cite : “anéantir le petit commerce auquel ils tiennent tant.” J’avais bien songé à foutre le feu au cabaret, mais, elle a un sourire coquin et ce sourire, c'est sa façon de faire la paix, je n'ai pas trop envie d’avoir de souci avec la justice.


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  • Jeu 25 Avr - 11:10
    Fort heureusement, lorsqu'il invita Siame à retrouver le calme, elle obtempéra malgré la confusion du moment. S'aidant de sa main pour se décoller du mur contre lequel il était prostré, il s'élança à la suite de la demoiselle et marcha silencieusement avec elle jusqu'à la destination qu'elle semblait avoir en tête malgré la lourdeur de ses paupières. Lorsqu'ils parvinrent ensemble jusqu'à la maison d'accueil, Mortifère haussa un sourcil mais ne fit aucun commentaire sur la nature de l'établissement et quand la demoiselle vint introduire en le traitant indirectement de clébard, il se contenta de pester sans véritable agressivité en s'autorisant même un début de sourire :

    "T'es conne."

    Elle repoussa la porte et la situation lui parut quelque peu surréaliste. Quand il avait proposé de se trouver un abri, il l'avait fait tout naturellement et n'avait pas envisagé de destination concrète, cherchant avant tout un moyen de se réchauffer sans plus de précision en matière de choix. Il était à mille lieux d'imaginer que Siame, en dépit de son hostilité pourtant très apparente, était prête à lui faire confiance au point de le ramener jusqu'à son antre. Il se garda bien de le dire oralement mais, de bien des façons, cela lui fit plaisir. Elle avait beau le traiter d'arme ou de chien de garde, elle ne le fuyait pas pour autant.

    Encore bien peu solide sur ses appuis, Mortifère pénétra dans la cage d'escalier à la suite de son hôte mais lorsqu'elle lui demanda de se montrer discret, il lui jeta un regard interloqué. Il était difficile de ne pas enfoncer légèrement de vieilles marches lorsqu'on pesait plus d'une centaine de kilogrammes de chair et d'acier, en vérité. N'ayant aucune technique particulière pour se rendre subitement plus léger, il fit craquer le vieux bois dés le premier pas et lorsque son accompagnatrice lui un regard noir; il haussa les épaules en fronçant les sourcils avant de murmurer :

    "J'y peux rien."

    Ils pénétrèrent ensemble dans l'enceinte de la demeure de la mystérieuse demoiselle et Mortifère balaya prestement l'endroit du regard, se faisant aussitôt la réflexion que la loge de Siame ne ressemblait à sa locataire en aucun cas. Sans qu'il ne puisse l'expliquer, il trouvait qu'il y avait entre la jeune femme et son logis un contraste des plus saisissants, comme si une telle normalité en matière de décoration ne lui convenait tout simplement pas. Etrangement, il l'aurait vue ailleurs. Son hôte s'éloigna, sûrement pour aller se décrasser après les mauvais traitements qu'ils avaient subi lors de leur captivité et la demoiselle ne put s'empêcher de lancer une nouvelle pique avant de faire volte-face. Mortifère souffla un peu et hocha la tête en bredouillant :

    "Je... passe pas ma vie à vomir, tu sais."

    Il se maudit d'avoir rétorqué quelque chose d'aussi faiblard et surtout, d'aussi éloigné de cette image de colosse inflexible sur laquelle il travaillait depuis des lustres. Trop tard pour corriger le tir, Siame passa par une porte et s'éclipsa brièvement, laissant à Mortifère le champ libre pour inspecter les lieux. Il consentit à retirer ses bottes et défit les lacets de celles-ci en s'aidant de télékinésie pour ensuite coincer le talon de la première chausse contre la pointe de la seconde, extrayant ainsi son pied sans avoir à s'abaisser. Il fit pareil de l'autre côté puis récupéra la paire entre ses griffes et vint les déposer non loin de l'entrée seulement pour voir réapparaître, quelques secondes plus tard, la demoiselle qui avait eu la gentillesse de lui ramener à manger.

    L'excès d'adrénaline finit enfin par disparaître de son corps éprouvé et lorsque Siame lui proposa de s'assoir, il manqua de se jeter sur la chaise qu'elle lui montrait  mais tâcha, par souci de discrétion et par respect pour l'hôte, de ne pas s'y effondrer comme un miséreux. Il accorda un long regard à la vieille tranche de pain qu'elle lui tendait et se fit la réflexion qu'au fil du temps, il s'était davantage habitué aux cuisiniers personnels ainsi qu'au service de chambre qu'à une alimentation aussi rudimentaire. N'ayant pas particulièrement envie de faire la fine bouche en de telles circonstances, il la remercia silencieusement par un hochement de tête et se saisit de ce qu'elle lui refilait avant de mordre dedans à son tour.

    Elle n'eut pas besoin de lui dire qu'il avait l'air un peu ridicule, assis sur cette chaise bien trop petite pour lui, à mâchonner son bout de pain sans oser en placer une. Il sentit instinctivement la gêne occasionnée par la situation et ne sut pas trop se placer à ce sujet. En vérité, il s'amusait un peu de son propre malaise et devait se retenir de ne pas sourire bêtement, contenance oblige. La torpeur s'emparait de lui à chaque bouchée mais quand Siame reprit la parole pour aborder les sujets plus sérieux, il tâcha de se tenir éveillé et marmonna :

    "Eh bien... même si on sait globalement qui fait quoi dans quel établissement, on ne peut pas tomber sur les malfrats locaux comme on l'entend. La République est une terre particulièrement procédurière et on a tendance à agir en faisant preuve d'un minimum de correction sur le plan des interventions musclées."

    Après une nouvelle bouchée, il prit soin d'avaler d'abord ce qu'il avait dans la bouche et continua :

    "Pas d'incendie prévu, même si j'en crève d'envie. Par contre, quand t'as rien à te reprocher et que des gens fouinent dans tes affaires, tu commences généralement par leur demander qui ils sont et ce qu'ils foutent chez toi. Tu peux les secouer un peu mais si tu les tabasses, que tu les drogues et que tu les enfermes dans une piaule minuscule en menaçant de les couper en morceaux ou de les faire tapiner de force au fond d'une cellule, t'as inévitablement tendance à t'attirer l'œil des officiers républicains. Les preuves, j'en ai plein la trogne."

    Se remémorer ainsi le traitement auquel ils avaient réchappé lui fit un effet bizarre, une sorte de rémanence de la peur qu'il avait occulté lors de l'affrontement. Il n'en fit rien et enchaîna posément :

    "En tant que dépositaire de l'autorité publique, ma parole a une valeur plus importante que celle d'un civil et même si je suis déjà sacrément balafré de base, il est évident que j'ai été lourdement malmené lors de ma visite. Ca suffira à nous permettre d'obtenir les mandats requis pour nous donner tout ce dont on a besoin pour mener fouilles, interrogatoires et perquisitions. Si on les fait pas tomber, on aura au moins rendu ce commerce là trop instable pour l'empêcher de prospérer. J'ai pas eu le temps d'évoquer mon grade avant qu'ils m'attaquent, je suis donc pas persuadé qu'ils s'attendent à une descente. Dans le meilleur des cas, les têtes pensantes finissent derrière les barreaux et dans le pire, on arrête une partie des hommes de main. Dans les deux situations, ils vont être au moins forcés de fermer l'endroit et de se tirer dans une autre ville."

    Après cette longue explication, il laissa le silence planer brièvement. L'envie de décapiter purement et simplement le père de Louisa lui faisait envie mais ce pauvre baron de la pègre n'était pas le genre de cible qu'on lui ordonnait d'assassiner, aucune chance que ses supérieurs n'en viennent à de telles extrémités. Après avoir englouti le reste de sa tranche de pain, il se souvint de ce qui avait été dit plus tôt et risqua :

    "Siame... j'ajouterai rien au dossier te concernant et je m'assurerai que tu sois inscrite sur les papelards comme une simple victime d'enlèvement, ce que je marque sur le rapport suffit amplement et même si un enquêteur se montre trop curieux, j'ai les moyens de lui faire lâcher l'affaire. Ca me travaille quand même, cependant, alors j'aimerais savoir : qu'est-ce que tu foutais là-bas ?"

    Un dernier point, enfin :

    "Ah et... merci, du coup. Je vais pas nier que tu m'as sauvé la vie."
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  • Ven 26 Avr - 20:27
    Siame n’avait jamais eu l’intention de normaliser son existence, pas à un seul moment. Cette petite piaule, les hortensias en fleurs au balcon, la pension pour pauvres jouvencelles perdues, tout ça, ce n’était pas elle. Mais c’était ce dont elle devait se contenter pour l’heure, avant d’enfin, peut-être, retrouver sa place légitime. Elle ne s’en plaint pas : elle préfère l’odeur des draps frais que celle du sang et de la merde. On pouvait tout à fait se gonfler de toute la morgue du monde, d’une arrogance tout à fait céleste et sourire insolemment quand on se faisait traiter de conne—un compliment, vraiment. À vrai dire, la véritable supériorité dont elle se targuait résidait dans le fait que lui, se trouvait ici-même. Ce n’était là qu’une façon de dire que malgré les griffes ; malgré l’autorité dont il s’auréolait ; malgré la possibilité qu’il puisse se décider à l’étrangler et à la laisser pour morte – quelle idée, franchement – dans ses jolis draps et ne jamais avoir à en subir les conséquences, l’Ange ne pouvait pas même concevoir l’idée qu’on puisse l’atteindre. Sa force véritable résidait dans son indécrottable volonté. Il était terrifiant, certes, – un peu moins quand il bredouillait, l’air penaud d’un gamin de six ans et demi : “ze fais pas que vomir tu sais” – fascinant de complexités – pas qu’à cause de la quintessence technique de son corps : elle avait aussi remarqué l’impassibilité dont il avait fait preuve devant la pauvre Louisa – il n’en restait pas moins un mortel. Autrement dit : il était (un peu) moins bien qu’elle.

    Elle sentit ses paupières s’alourdir, et pourtant, il lui fit grâce d’un nouvel effort pour répondre à ses questions et chasser l’incongruence de la situation. Un bon garçon, visiblement (l’avait-il été ? Honnête et la tête pleine de rêves, avant qu’on ne se décide à faire de lui la monstruosité qu’il était aujourd’hui ?). Un soldat, elle ne l’oubliait pas. Si Berthe savait ce que cette “petite folle” avait ramené dans sa pension, elle aurait déjà sans doute provoqué une petite apocalypse sur le Sekai tout entier. L’Ange se demanda si le monde était meilleur, maintenant que les mortels le régissaient.

    Quel enfer, marmonna-t-elle à son tour, à mon époque – il y a 10 000 ans de cela, quand la République, le Reike et toutes les frontières n’existaient pas encore – on ne s'embarrassait pas de toutes ces conneries. On ne prenait pas la peine de frapper à la porte pour prévenir qu’on venait vous casser la gueule.

    Elle mesurait à peine toutes les règles, les lois, les mœurs auxquelles elle devrait apprendre à se conformer (pour l’heure elle avait déjà dû accepter de s’adapter au planning horaire d’entrée et de sorties que Berthe lui avait collée sous le nez à son arrivée à sa pension, et Siame avait bien cru que le monde lui était tombé sur la tête). Tout ça, pour l’ancienne guerrière sainte, la prophétesse divine de sa maîtresse, c’était une expérience tout à fait singulière. Il lui semblait que si elle avait encore été en possession de ses ailes, tout aurait été très différent. Que sans, elle n’avait pas d’autres choix que d’adopter le rôle de l’humaine pour survivre dans ce monde de fous. L’Ange avait quitté sa prison de marbre, auréolée de son statut céleste et de sa mission divine, sans s’imaginer une seconde qu’on viendrait lui réciter toutes les lois à ne pas dépasser. Elle se répétait sans cesse que tout ça, c’était seulement passager. Le temps de trouver une piste, récupérer ses ailes : la seule chose qui pouvait tout changer. Alors, elle n’aurait plus besoin de se cacher. Pour l’heure, c’était s’adapter ou crever et tout à coup, l’idée même que tout puisse redevenir comme avant lui sembla mirobolante.  

    Tout de même, Mortifère lui signifia l’envie “crevante” de foutre le feu à ces sombres faces de cul, et elle se sentit un peu soulagée. Il restait finalement un peu d’espoir pour ce pays, songea-t-elle. Il continua le fonctionnement des procédures judiciaires en vigueur et elle l’écouta sans ciller. Il fallait l’admettre, tout ça, ça lui paraissait bien peu pour dégorger sa frustration, mais elle commençait à comprendre qu’elle ne pouvait pas réellement débarquer et arracher férocement tripes et boyaux parce qu’on avait eu le malheur de lui cracher à la gueule. Dommage.

    Si on m’avait dit un jour que je finirais par m’improviser gendarmette d’une nuit…

    Il ne pouvait pas – pour l’heure – réaliser l’ironie de la situation : elle qui faisait alors partie des ennemis publics numéro uno du Sekai tout entier, merci à ses créateurs. Elle termina d’engloutir sa tranche de pain.

    Pour être tout à fait honnête, leur sort m’est complètement égal. Ses mains farineuses claquèrent sur ses cuisses (par les Titans, si Berthe l’avait vu faire !) et elle se releva.

    L’Ange avala la distance qui les séparait, tandis qu’il la questionnait. Elle s’arrêta devant lui, croisa les bras sur sa poitrine et lorgna sur les fioles qu’il avait férocement exigées un peu plus tôt.

    C’est à cause de ça que tu t’es retrouvé dans un tel état plus tôt ? Sa main se posa sur son front, sans réelle affectation, et perçut le battement forcené de ses tempes. Tu vas t’en remettre ? Un grand gaillard comme toi ? Il n’y a aucun poison sur ses lèvres lorsqu’elle lui sourit, juste un tout léger soupçon de malice.

    Elle avait conscience qu’il ne s’en était pas encore tout à fait dans son état normal, mais il faisait preuve d’une endurance fabuleuse et elle n’était pas du genre à ménager qui que ce soit, pas même elle. Finalement, elle se découvrit l’envie de lui poser la question. De savoir ce qu’il lui était arrivé, pour finir dans un tel état. Ce n’était pas normal, ce n’était pas humain, pas plus qu’elle ne l’était. Lui avait seulement la gueule du monstre, quand elle, avait eu la chance d’être créée jolie à regarder. Mais tous deux étaient bel et bien la création d’un autre. Il battit et paupière, et le lui semblait alors être arrivée à l’apogée de tous ses efforts.

    Merci. J’apprécie. C’était un peu froid. Tu devrais te reposer, déclara-t-elle. Elle esquivait ses questions. Et ça, c’était grossier. Si grossier que même elle, finit par lever les yeux au ciel. J’étais simplement à la recherche d’une information. Une putain d’information, une piste, c’était tout ce que je demandais. C’est pour ça que je me suis pointé là-bas. Je ne pensais pas une seule seconde que je finirais dans cette piaule, mais il faut croire que j’ai un talent tout particulier pour irriter les mort… les gens.

    À une époque, elle aurait été en mesure d’exiger n’importe quoi de n’importe quel petit mortel, et personne n’aurait eu l’idée de la contrarier.

    Je cherchais quelque chose d'un peu particulier. Des ailes d’Ange.

    Il n’avait pas besoin de savoir qu’il s’agissait des siennes, pas vrai ? C’était un peu étrange, de dire ça, mais un peu moins étrange quand on se trouvait dans un monde fait de démons, gobelins, et qu’on pouvait cracher du feu comme soulever des montagnes, ou encore – ses yeux se posèrent sur le visage tuméfié de Mortifère, sur ses bras d’acier – finir comme lui et être encore en état de marche. Plus ou moins en tout cas… Il avait au moins l’avantage immense de ne pas avoir à trébucher sur sa queue pour prouver sa valeur aux yeux du monde—personne n’attendait d’un “homme” comme lui de laisser le moindre héritage génétique sur ces lieux. Non, Mortifère disparaîtrait de la surface la terre le jour où son “cœur” mécanique cesserait de fonctionner. Sans un souffle, puisque même ça, n’avait d’humain que le réflexe d’être.

    J’imagine que tu savais que le cabaret n’était qu’une façade au commerce d’organes qui s'opèrent dans les coulisses ? C’est une des filles du pensionnat qui m’a parlé des disparitions de plus en plus fréquentes dans le coin, en m’expliquant qu’il fallait que je fasse plus attention, quand je sortais le soir, avant d’ajouter que je ne craignais probablement pas grand-chose de toute manière. Qu’ils s’en prenaient surtout à ceux qui avaient le malheur d’être nés avec des appendices inhabituels. Il parait qu’il y a des malades qui raffolent des oreilles d’elfes. Et que les ailes d’Ange se vendent particulièrement bien chez les collectionneurs. Elle apprendrait, par la suite, que les siennes avaient fini chez un certain “de Hengebach”. Alors j’ai mené ma petite enquête personnelle, si on peut dire ça. Et la suite de l’histoire, tu la connais.

    Un mince sourire étira ses lèvres quand il la remercia et elle s’éloigna à nouveau pour se diriger vers le lit. D’une main un peu vive, elle arracha l’oreiller qui s’y trouvait et l’instant suivant, il s’écrasa contre la poitrine du soldat.

    Tu dors par terre. Tu dois avoir l’habitude, pas vrai ? C’était tout juste si elle n’avait pas eu l’insolence de ponctuer sa phrase d’un “woof woof”. L'Ange se posa à nouveau sur le lit, avant de le regarder dans le fond des yeux. Mortifère ? Il y a quelqu'un qui t'attend ? Autre que tes patrons je veux dire. Elle songea un instant à sa sœur, avant de chasser le souvenir aussitôt qu'il était apparu. Personne n'attend jamais vraiment les soldats. Une pause. C'est pour savoir à qui je dois faire parvenir des fleurs, au cas où.


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  • Ven 26 Avr - 22:56
    Les paupières mi-closes, Mortifère ne suivait qu'à peine les mouvements de son hôte et s'était visiblement découvert un intérêt certain pour le coin d'un meuble, puisqu'il laissait son regard mort s'y ancrer depuis une bonne trentaine de secondes. Ce fut la tiédeur des doigts de Siame, posés contre son front brûlant, qui le sortit à ses rêveries abstraites.

    Elle l'avait déjà touché un peu plus tôt, mais ces quelques contacts s'étaient limités à une assistance en plein champ de bataille ou même à de violentes marques d'hostilité de sa part. Cette fois-ci, c'était différent. Le cœur éprouvé du militaire perdit brièvement son rythme du moment mais, jouissant au moins de l'avantage d'un fonctionnement au ralenti, son être parvint à se stabiliser grâce à l'épuisement considérable qui amoindrissait ses réactions physiologiques. L'inconfort fut néanmoins bien réel et lui rappela, à son grand désarroi, un épisode où la proximité avec une splendide jeune femme s'était conclue en fiasco monumental.

    Ca tombait bien, parce qu'un derme aussi gris que le sien aurait rapidement laisser remarquer une prise de couleur subite. Levant doucement son œil vers Siame lorsqu'elle lui demanda s'il allait s'en tirer, il opina mollement du chef, confus qu'il était par cette preuve de sollicitude de son vis-à-vis. Elle consentit non sans hésitation à répondre à sa question concernant les raisons de sa présence dans l'antre des crapules et après avoir accusé la révélation, il répondit d'abord au sujet des fameuses fioles, tout en passant sa main métallique le long de la rangée de contenants :

    "Ces petites injections m'aident à pas péter un boulon quand les choses tournent au vinaigre. On appelle ça des inhibiteurs."

    Un nom sans équivoque pour une mixture dont il ne fallait pas abuser, évidemment. Il venait d'apprendre une bien rude leçon à ce sujet. En temps normal, Mortifère se serait sans doute montré plus secret en présence d'une parfaite inconnue, surtout au sujet des évidentes faiblesses de sa carapace métallique; mais l'accalmie du moment et les vaporeux songes qui se mêlaient à sa réalité lui déliaient la langue. Il détestait profondément ces moments d'errance passés à mi-chemin entre le sommeil et l'éveil toutefois dans sa condition, il ne pouvait que se laisser voguer, incapable qu'il était de résister à cette torpeur croissante. Soutenant difficilement le regard de la demoiselle, il ajouta ensuite :

    "Des Ailes d'Ange ? Pas un produit courant. J'ai pas souvenir d'avoir déjà entendu parler d'une telle saisie."

    Il n'était pas informé de tout, cependant. La paire, ça devait être la sienne, peut être celles d'une Ange qu'elle cherchait à maudire pour se venger, ou quelque chose de sentimental. Il n'en savait trop rien et ne se voyait pas demander car elle lui aurait dit d'office, si cela n'avait pas été privé. C'était déjà plutôt correct de sa part d'avoir accepté de lui répondre, ne serait-ce que partiellement. Il ramènerait le sujet sur le tapis, probablement demain ou une autre fois, à l'occasion. Là, c'était surtout l'heure de la sieste.

    Ce point écarté, Mortifère commença intérieurement à s'interroger sur la véritable nature de Siame. Entre les petites bavures, les montées de colère subites, l'aura de mystère qui l'entourait ainsi que ces quelques mots employés hasardeusement pour être vite corrigés, le militaire commençait à se poser des questions de plus en plus sérieuses. A choisir, il optait la concernant pour un Démon ou une Ange justement, ce qui aurait sans mal expliqué la beauté hypnotique dont elle était pourvue. Une vampire, ça se tenait également et c'était autrement plus inquiétant. On évitait généralement de partager la chaume d'une sangsue à taille humaine, mais mieux valait ça que de crever dans une ruelle après s'être fait droguer jusqu'à l'os. Essayant d'apporter du soutien à l'étrange entité qui lui faisait face, il glissa dans un marmonnement léger :

    "Si on en trouve lors de la descente, j'te ferai signe."

    Il n'en avait probablement pas les moyens et même si le Sénateur Fraternitas avait le bras long, il allait s'avérer difficile de lui expliquer qu'il était nécessaire d'aller chaparder une paire d'ailes dans les scellés pour la refiler à une supposée victime d'enlèvement, ce pour la simple raison qu'il "l'aimait bien" ou "qu'elle lui avait rendu un service". De toute évidence, il venait de faire une belle promesse en l'air et s'en voulait déjà, un petit peu.

    Ca arrive, c'est le sentiment qui compte, hein ?

    Un oreiller fut flanqué contre son torse et il l'accueillit avec une certaine surprise, s'y rattrapant avant que l'objet ne tombe de ses genoux avec une absence quasi-totale de réflexes. Caressant la surface duveteuse qu'il ne pouvait pas vraiment ressentir entre ses doigts griffus, il observa la silhouette de Siame qui s'éloignait de lui pour se diriger vers son pieu et ne s'offusqua pas lorsqu'elle lui "demanda" de dormir par terre. C'était déjà mieux que de se manger la pluie et de dormir face contre terre, dehors. Il avait vécu bien pire que ça aux tréfonds des charniers du Laboratoire et croyait se souvenir qu'il avait déjà sommeillé en compagnie d'une poignée de cadavres. Un plancher, relativement propre de surcroît, ce n'était rien qu'il ne pouvait surmonter.

    "Voilà, j'ai l'habitude. On va dire ça."

    Il maugréa sa réponse, déjà parce qu'il était un poil vexé et surtout parce qu'il était tellement exténué ainsi qu'abimé que même se redresser lui était éprouvant. S'adossant contre le mur le plus proche, il y glissa doucement pour se retrouver le cul par terre et plaça l'oreiller au niveau de sa nuque, avant de croiser ses doigts contre son ventre et de pencher la tête en arrière. Ce ne fut que lorsqu'il ferma ses paupières qu'il réalisa à quel point celles-ci brûlaient et combien les battements dans ses tempes lui étaient désagréables. Son œil s'entrouvrit lorsque Siame lui posa une intrigante question de dernière minute et il pouffa légèrement avant de rétorquer :

    "Au cas où quoi ? Tu me demandes parce que t'as l'intention de me poignarder dans mon sommeil ?"

    Une femme si mystérieuse en était peut être capable, en vérité. Tant pis, il tentait le coup. La proposition paraissait aimable mais conservait néanmoins un côté vexant. Crever pour si peu, lui ? Jamais.

    "Je mourrai pas, alors inutile d'y penser."

    En vérité, il n'y avait personne. Il manqua de lui redire "merci" mais deux fois d'affilée, ça faisait beaucoup.

    "Secoue moi si quelqu'un essaie de forcer la porte pour nous massacrer."

    Et ça, c'était l'équivalent d'un "dors bien."
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  • Jeu 9 Mai - 19:37
    Elle en apprit un peu plus sur ces "inhibiteurs" à double-tranchant, sur la manière dont il les utilisait habituellement. Siame ne poussa pas son interrogatoire à lui demander ce qu'il se passerait si elle en prenait et si c'était là une grosse bêtise, puisqu'elle le sentit alors à bout de force. L'appel du sommeil avait toujours été un peu curieux pour elle à observer, puisqu'elle ne l'avait jamais réellement ressenti. Dans sa bonne grâce, elle décida donc de lui laisser le repos qu'il avait mérité.

    Qui sait, avait-elle rétorqué dans une risette effrontée, en se laissant tomber sur le dos. Si tu ronfles, je t’étouffe avec ton oreiller. Et ça, c’était l’équivalent de son “bonne nuit” à elle. Était-elle en train de se faire un ami ? Non : impossible.

    Malgré tout, elle aimait bien qu’il ne s’offusque pas à ses petites plaisanteries - certes, un peu acerbes - ou qu’il ne prenne pas la mouche quand ils s'insultaient comme des gamins de dix ans. À bien y réfléchir, ce qu’elle appréciait davantage encore, c’était la certitude avec laquelle il disait : “Je ne mourrai pas.” Peu importe la raison pour laquelle il le faisait, la volonté derrière les mots suffisait à résonner en elle, et à chasser toutes les fois où elle s'était vu un jour mourir. Et ça lui suffisait.

    Le silence retombé dans la petite chambre de pension, Siame s’était prise à contempler la silhouette du garçon – c’est ce qu’il lui semblât être, maintenant qu’il sombrait doucement, plus paisible que l’état dans lequel elle l’avait trouvé – sûrement plus longuement qu’elle ne l’aurait dû, un sourire posé sur les lèvres. Elle redessinait ses contours modifiés avec le soin du peintre qui imprime sur la toile le paysage se trouvant devant lui ; notait la manière dont ses épaules se soulevaient régulièrement, au rythme de sa respiration ; se surprise à voir une certaine beauté à la mécanique de ce corps, d’éprouver une certaine tendresse devant le garçon enfermé dans son horrible cuirasse de fer… allons, on se fout de la gueule de qui ? Non. En vérité, elle était en train de songer qu'il y a des années de cela, elle aurait certainement éprouvé le besoin de le supprimer de la surface de la terre pour son seul crime (selon elle) d’avoir été fait hideux à regarder. Pour le punir d’avoir été ce qu’il était. Qu’il l’ait choisi ou pas : tant pis pour lui.
    Pourtant, contre toute attente, ce soir-là, elle se trouvait à apprécier sa monstruosité, comme si quelque chose en elle s’était alors déréglé—comme si toute cette aventure avait été destinée à éveiller chez elles de nouveaux questionnements. Il ne fallait pas croire qu’elle se trouvait l’envie de le sauver de son sort, quand bien même il venait de lui faire une belle (fausse) promesse, c’était chacun pour sa gueule, et Siame avait toujours été plus douée pour détruire qu’autre chose. Mais peut-être parvenait-elle à l’apprécier car justement, il n’était pas entièrement “humain” et qu’il n’attendait rien d’elle ? Est-ce que cela faisait d’elle une hypocrite ? Est-ce que sa maîtresse la regardait avec désapprobation ? Finalement, son regard se détache de la silhouette endormie. Ce n’était de toute manière pas lui qui lui donnerait la moindre réponse. Pendant un instant, elle oublia ses ailes ; ses ailes et tout le reste.

    Merci Mortifère. Elle l’avait murmuré, seulement une fois certaine qu’il dormait profondément, comme si elle était là en train d’avouer un péché. Qu’Aurya la pardonne.

    L’Ange se retourne, soupire contre les draps. Chaque jour, elle se sent un peu différente.
    Qu’allait-elle devenir ? Elle détestait l'admettre, mais il lui faisait réaliser sa terrible insignifiance dans ce Monde, tandis qu'elle se trouvait résolue à cacher tout ce qu'elle était. Et ça, d'une façon, ça l'anéantissait. Siame garderait le souvenir de cette soirée, où lui n'était encore que la moitié de ce qu'il devraient et elle la moitié de ce qu'elle avait un jour été. Elle qui avait refusé de mourir et lui qui promettait de ne pas le faire. Des projets en cours : en déconstruction et en reconstruction, sans la moindre idée de ce qu'allait être la suite des événements. Elle a le sentiment de trimballer un gros boulet froid derrière elle (et elle ne parlait pas de Mortifère). Non, ce boulet là se loge dans le creux de sa poitrine, depuis 5 000 ans.

    × × ×

    Des particules de poussière dansent devant ses yeux, suspendues à travers les rayons du soleil, lorsqu’elle bat des paupières. Les draps sont chauds, et Siame se prend à tendre la main à la recherche de la tiédeur de sa sœur. Ses doigts se referment sur son absence. L’odeur du beurre et de la pâte sucrée vient la tirer de sa torpeur. Qu’il était bon de… Merde. Elle cligne des yeux pour chasser l’engourdissement de sa nuit et échappe un borborygme à mi-chemin entre le gémissement et la frustration.

    Merde, merde, merde, souffle-t-elle en bondissant du lit.

    Berthe est réveillée. Et elle fait des petits sablés dans la cuisine, au rez-de-chaussée, enfourne ses petits gâteaux avec la délicatesse d’un boulet de démolition. Ah, elle a l’air maligne, l’Ange multimillénaire ;  l’Envoyée d’Aurya ; la Guerrière Sainte, à se réveiller en trombe, comme une jeune midinette prise la main dans le sac ; si elle veut bien affronter n’importe quel champ de bataille, elle refuse de défier le regard de Berthe quand celle-ci réalisera ce qu’elle a ramené dans sa très honorable et réputée pension pour jeunes filles. Elle se précipite auprès de son invité encore en train de baver sur son oreiller et le secoue avec une vigueur toute relative – mais sans bruit – par l’épaule. Oui, il ne supporte pas se faire toucher, mais Siame ignore encore ce qu’il se passe dans son esprit malade quand elle le fait et des démons qu’il lui faut alors combattre. On avait tous nos propres traumas, elle y comprit, et chacun avait sa manière de composer avec : elle rejetait leur existence comme Mortifère rejetait le moindre contact. Et surtout, elle ne voyait dans ses gestes aucun mal : il fallait s’imaginer qu’elle ne considérait les humains qu’à peine plus que des animaux (bien que celui-ci possédait des griffes sérieusement inquiétantes). Qu’il la maudisse s’il le fallait. Après tout, il lui avait bien demandé de le secouer si quelqu’un essayait de forcer la porte pour les massacrer—et la vieille était tout à fait disposée à briser des os avec son rouleau à pâtisserie pour peu qu’on ait eu la bonne idée de ne pas respecter son Sacro-Saint Règlement Intérieur.  

    Mortifère. Elle le siffle un peu sèchement, entre ses dents. Réveille-toi. Elle le secoue de plus belle. Réveille-toi, je te dis. Il faut qu’on parte maintenant. La vieille schnock va monter dans les chambres d’une minute à l’autre, elle déteste quand les filles dorment trop longtemps le matin, cette emmerdeuse.

    Elle perçoit le craquement du bois sous l’escalier, qui geint sous le poids de la ménagère et ses petits biscuits, de ses bourrelets ficelés dans son minuscule tablier à carreaux Vichy. Chaque pas est le prélude de la catastrophe à venir. Loin les Titans, loin les requins républicains, laissez place à Berthe et son gros cul.

    On ne tue pas Berthe, précise-t-elle dans un regard appuyé, les joues encore rosées du réveil et les cheveux encore ébouriffés par la nuit, tandis qu'elle fait mine de l'aider (le presser ?) à se relever, sans lui laisser le temps de s'émouvoir de son triste sort, et on évite de la perforer de part en part, juste au cas où.

    Elle se souvenait encore de la manière dont il s'était saisit cruellement de la pauvre gamine, sans ciller, ou du changement inattendu qu'elle avait perçu en lui, la veille, quand il avait attrapé son poignet. Aussi monstrueux était-il, autant de plaisir prenait-elle à mener les mortels à leur propre perte, il n'en restait pas moins des situations dans lesquelles il fallait se montrer civilisés, pas vrai ?


    CENDRES


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