DiscordDiscord  
  • AccueilAccueil  
  • CalendrierCalendrier  
  • FAQFAQ  
  • RechercherRechercher  
  • MembresMembres  
  • GroupesGroupes  
  • S'enregistrerS'enregistrer  
  • ConnexionConnexion  
  • bienvenue
    ×
    navigation rapide
    lore
    général
    systèmes
    jeu

    menu
    Top-sites
    Votez!
    top sitetop sitetop sitetop site

    Derniers messages

    Avatar du membre du mois
    Membre du mois
    Seraphin

    Prédéfinis

    PrédéfiniPrédéfiniPrédéfini
    [Siame] Chevauchant un cheval noir... InRH1Ti
    Gazette des cendres
    Printemps 2024
    Lire le journal
    #6
    RP coup de coeurCoeur

    RP coup de coeur

    Le Lever de Lune
    Derniers sujets
    Achat de pouvoirs de Léonora de HengebachAujourd'hui à 4:48L'Âme des Cendres
    Evolution magique de XeraAujourd'hui à 4:45L'Âme des Cendres
    Achat de Pouvoir OrifaAujourd'hui à 4:44L'Âme des Cendres
    Sublime, Peste incarnée [Terminé]Aujourd'hui à 4:42Sublime
    Demande de modification de fiche Aujourd'hui à 2:46Compte staff
    Demande de SC - RêveAujourd'hui à 2:40Compte staff
    Le chant du renouveau [Rachelle]Aujourd'hui à 2:13Rachelle Virsce
    Liens et Pré-liens VerndrickAujourd'hui à 1:42Verndrick Vindrœkir
    La Fenêtre de l'ÂmeHier à 23:27Savoir
    Ciel nuageuxHier à 22:51Hélénaïs de Casteille
    2 participants
    Aller en bas
    Citoyen du Reike
    Citoyen du Reike
    Tulkas
    Tulkas
    Messages : 104
    crédits : 2541

    Info personnage
    Race: Humain
    Vocation: Guerrier combattant
    Alignement: Loyal mauvais
    Rang: B
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t992-blood-in-the-sand-tulkas-termine#7451
  • Lun 22 Avr - 22:35
    - Combien sont-ils ?

    L’armure noire dissimulait péniblement un gambison de gueule et de sable persillé du sel de sa transpiration. Cela faisait maintenant des jours qu’ils les traquaient sans relâche, qu’ils retournaient chaque caillou en espérant les attraper et à chaque fois qu’il sentait une gorge sous ses doigts, elle lui échappait.

    - A en juger par les traces de pas et de roues dans la boue, au moins une centaine.

    Ses doigts passaient sur le contour de sa mâchoire, les poils drus de sa barbe négligée étaient rêches contre la pulpe de sa main qui glissait jusqu’à son menton, pour venir la lisser et en chasser les miettes d’un biscuit trop sec qui lui avait servi de ration de fortune. Puis, il réajustait le col de son gambison et resserrait machinalement la sangle d’une épaulière. Un soupir las s’échappant d’entre ses lèvres.

    - Qu’est-ce que j’aurais aimé avoir l’un des chiens d’Iratus, l’affaire serait déjà réglée.

    Maugréait-il en dépliant le parchemin qu’il tenait de sa main, la couchant sur l’encolure de sa monture qui s’ébroua en signe de protestation. Des jours qu’ils leurs chevauchaient après, des jours que défilaient sous leurs yeux ce paysage dévasté par la grande guerre. Où lui et ses frères d’armes s’étaient enfoncés dans les tréfonds de la terre pour empoigner les entrailles de Puantrus et lui arracher d’un coup sec.

    Jamais n’avait-il pensé revenir un jour ici, pas après avoir vu la première mort d’un de ses frères d’armes, dont il portait encore la canine en pendentif. A craindre de voir au loin ce mont-chauve repointer son affreuse tête, couronnée de cette église abominable qu’il voyait encore dans ses cauchemars.

    D’un geste vif du poignet, Tulkas enroula les brides de sa monture à son poing en se tournant vers la cinquantaine de cavaliers qui le suivaient. Non pas des Serres, mais tout de même des hommes d’armes expérimentés du Reike. Des patrouilleurs de la désolation. Certains avaient des ouvertures dans le casque pour permettre le passage de leurs cornes, d’autres semblaient être un peu trop massifs pour leurs chevaux. Le cavalier à l’armure noire et au gambison de gueule et de sable se réajusta sur son cheval après avoir à nouveau regardé la carte de papier qu’il enroulait d’une main.

    - Penses-tu qu’ils se dirigent vers les ruines ? Des cultistes de Puantrus ? Demandait Tulkas.
    - Non, monseigneur, nous aurions croisés plus de cadavres pestiférés sur la route si c’était le cas. Et nous sommes dans une région assez épargnée par les épidémies. Répondit le cavalier.
    - Pas des cultistes donc, des hérétiques ?
    - Oui, monseigneur. Qu'il répondait. Nous pensons qu’ils ont des otages avec eux, ou des prisonniers.
    - As-tu vérifié si la terre était encore meuble ?
    - Oui monseigneur. A priori, ils ne doivent plus être très loin.

    D’un geste doux, il tira sur la bride de son cheval pour lui indiquer de faire demi-tour, pour qu’il puisse plus librement observer ses hommes. Aux armures crasseuses et aux visages creusés par la fatigue, à force de cavaler pendant des lustres, ils semblaient être tout aussi fatigués qu’il ne l’était. Mais lui, en tant qu’officier, n’avait plus ce luxe de pouvoir exprimer sa fatigue. Il inspira un instant, roula des épaules et pressa des talons contre les étriers pour se relever et soulager la douleur qui tailladait ses cuisses et son fessier. Puis, il se reposait contre la selle dans un bruit sourd d’acier qui tinte.

    - Pieds à terre mais ne montez pas le campement. Lançait-il avec cet air sévère qui lui valait le mécontentement et le respect de ses hommes. Nous chevauchons ce soir ! Alors reposez-vous tant que vous le pouvez messieurs.

    Car s’il était aimé des Serres, la rigueur que lui avait imposé la Griffe et le Tovyr n’étaient pas au goût de tout un chacun, et pour être franc, le Luteni ne ressentait aucune camaraderie envers ses hommes. Et pourtant, ils restaient SES hommes, dont il avait la charge et qu’il se devait de manier comme une épée, ou plus précisément, comme une lance dans la situation actuelle. Pour la planter dans le cœur des hérétiques qui continuaient malgré tout à vénérer les titans. Certains diraient que tuer des fidèles ne fait que créer des martyrs, qui engendrent alors encore plus de fidèles. La souffrance inspire, après tout. Pour tous ceux qui allaient mourir aujourd’hui, combien seraient alors prêt à prendre leurs places ? La question le taraudait et éveillait son intérêt, lui qui aimait la philosophie.

    - Tenez, de l’eau.

    Tournant la tête vers l’aide de camp qui lui apportait l’outre, Tulkas la débouchait d’une main, avant d’en saisir le goulot entre les dents, de basculer la tête en arrière et de presser sur la panse de l’outre. Rafraichissant un instant ce feu qui brûlait dans sa gorge et en lui.

    - Merci.

    Dit-il tout en levant les yeux vers les astres. La lune était dans le ciel, belle comme cette impératrice qu’il avait rencontré sous les auspices d’un dragon-dieu. Pourtant, avait-il un jour été homme de foi ? Ces questions le taraudaient de plus en plus. Il avait été détruit, pour être reconstruit. Transformé d’un homme arrogant et imbu de sa personne, qui n’avais pour seule divinité que sa propre personne et pourtant, il était là, à ne plus savoir de quoi demain serait fait.

    C’était toujours comme ça, avant le combat. Il savait que certains de ses hommes se vidaient par les deux trous de peur, que d’autres trépignaient d’impatience, certains, eux, fêtaient déjà la victoire à venir. Tulkas lui se posait toujours les mêmes questions. Que faire ? Quel but ? Quel chemin trouver à sa vie ? Il avait foi, en ses frères, en Iratus, en Deydreus mais les premiers, comme le second et le dernier, n’étaient pas là.

    Entouré d’une foule d’homme sous ses ordres, Tulkas était bien seul sur ce mont chauve qu’était la charge du commandement.

    Le temps était quelque chose de malléable, en ces instants, il s’écoulait bien trop vite et sans qu’il ne s’en rende compte, l’heure d’agir était arrivée. Aussi, il se retrouvait à nouveau sur la selle de ce cheval. Tenant dans une main cette bride qui avait scié sa paume jusqu’au sang. Dans l’autre main, une lance. Se tournant vers les autres cavaliers, il se contenta de lever la pointe de sa lance vers l’avant.

    - En avant !

    Avait-il rugi, une flammèche dans son ventre s’embrasant pour se transformer en un brasier qui réchauffait son être. Plus loin, de pauvres hères qui n’avaient pour crime que de croire en autre chose que ce que l’état leurs imposait, pouvaient sentir le sol trembler sous des centaines de sabots qui labouraient la terre. La mort chevauchait désormais derrière eux, tenant dans ses mains une faux à la bannière noire et rouge-sang.
    Citoyen du monde
    Citoyen du monde
    Siame
    Siame
    Messages : 105
    crédits : 217

    Info personnage
    Race: Ange
    Vocation: Mage soutien
    Alignement: Neutre
    Rang: E
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t3503-terminee-siame-divine-violencehttps://www.rp-cendres.com/t3542-memoires-de-siamehttps://www.rp-cendres.com/t3626-recits-de-siame
  • Mar 23 Avr - 20:03


    Combien sont-ils ?

    La question résonne comme un écho, quelque part dans l'univers.

    On prenait le repas autour d’un feu crépitant quand la nouvelle d’une attaque imminente était parvenue. Siame, elle, ne pipe mot. Elle se contente d’observer, en silence. Ses jambes sont encore bourdonnantes du voyage. La réponse : elle ne prend pas la peine de l’écouter. Ça n'a pas d’importance. Elle aurait aimé pouvoir dire qu’ils faisaient exception à la règle, mais c’était faux. Un groupe comme le leur, dans des temps comme les leurs, c’était déambuler avec une cible sur le front au milieu d'un champ de bataille. Prier les Titans, œuvrer pour eux alors que le peuple pleurait encore ses morts, c’était du suicide pur et dur. La guerre ne s’était pas arrêtée une fois les entités titanides repoussées par l’armée reikoise. Non, elle persistait toujours—insinuée profondément dans les cœurs des Hommes, jamais plus pernicieuse que lorsqu’ils se trouvaient tout proche du Berceau, les murmures de la Chuchoteuse pour enivrer les sens des fidèles et attiser la haine de leurs opposants. Les rivalités se répandaient comme une fièvre vicieuse à travers les terres agitées du Sekai, tandis qu’on cherchait désespérément à se reconstruire. À se reconstruire, et à se venger. À faire dégonfler la colère ou à apaiser le vide laissé par l'absence d'un frère. Ou celle d'une sœur. Siame connaît le sentiment et les douloureuses réminiscences qu'il fait naître par cœur : parce qu’on l’a arraché de son unique maison, de la douceur des bras de sa jumelle—ne l’eut-on pas fait qu’elle en aurait été une femme un peu différente aujourd'hui. Elle a appris il y a bien longtemps qu’une famille, on en a jusqu’au jour où on en a plus, et que le changement s’opère du jour au lendemain, sans avertissement.

    Elle les regardait à la recherche d'une solution, d’un plan d’action pour sauver leur cause, mais des femmes et des hommes qui composaient ce groupe, seulement une poignée d’entre eux étaient des combattants. Qu’ils prennent les armes, ils crèveraient la bouche gueulante, leur dernier souffle adressé à une Lune à laquelle ils ne croyaient même pas. Et les Titans ne viendraient pas les sauver, ni les féliciter de les avoir si bien priés. L’Ange les avait rejoints une semaine auparavant, en direction de Mael, attirée par l’aiguillon du destin. Le seul endroit sur cette foutue carte où elle avait peut-être encore un espoir d’accomplir quelque chose. Ensemble, ils avaient traversé illégalement le fleuve qui séparait le Reike et les anciennes terres de Shoumei. Siame, au détour de ses propres réflexion, passa sa langue dans le creux de sa joue, puis, claqua ses deux paumes sur ses genoux – l’air bien décidé – avant de se relever.

    — Qu’est-ce que tu fais ?

    Je me sauve la vie.

    Elle jeta un regard à l’horizon, qui déjà, commençait à vrombir sous le galop des chevaux. La perspective de crever à peine sa liberté retrouvée ne l’enchantait guère.

    Vous devriez faire de même, déclara-t-elle dans une amabilité glacée avant de tourner les talons.

    On resta un peu interdit devant la morgue de l’Ange, mais personne ne chercha à la retenir. Personne ou presque. Une jeune femme, tout juste la vingtaine, se releva brusquement, la voix vibrante, criarde et amère d’injustice.

    — Tu ne peux pas partir comme ça ! Les Titans nous protégeront…

    Elle parle alors de reprendre le flambeau des anciens, de retrouver la fougue des serviteurs divins à l’heure de la première guerre, et Siame se retourne pour la considérer sans ciller, se demandant comment une si jeune créature pouvait se montrer si puissamment agaçante.

    — Tu n’as pas le droit de nous laisser maintenant, nous t’avons accueilli parmi nous, nous av…

    Et je vous en remercie.

    En face, la gamine sentit sa gorge se serrer, et elle se composa de l’expression offensée – mais douloureusement silencieuse – de celle qui vient de découvrir que l’eau mouille. L’Ange ne la méprisait pas. Pas véritablement. Au fond, elle pouvait la comprendre. Mais dans leur foi aveugle, elle savait les Hommes incapables de raisonner intelligemment et n’avait nullement l’intention de payer tribut pour leurs profondes désillusions. Ah, ces mortels. Elle le pense comme elle aurait pu penser : “Ah, cette bande de singes” ou “Ah, ces tâches de pisse”.  

    Mais je ne mourrais pas pour un voyage et un repas chaud.

    Siame la regarda un instant triturer ses mains douces, exemptes de toute cicatrice ; perçu le voile qui commençait à embrumer ses yeux parce qu’elle avait peur—parce qu’on lui avait promis de faire d’elle une femme honnête à grands coups de “je t’aime” lorsqu’elle atteindrait enfin Mael. De cette histoire, cette gamine en sortirait au mieux – grandie, au pire – morte.

    Et si vous n’êtes pas trop cons, vous ferez de même, répéta-t-elle une fois encore, avec un dernier regard pour le groupe.

    — Que les Titans te gardent, lui rétorque la gamine—et Siame aurait tellement voulu que ce soit vrai.

    Le temps où elle foulait encore le Sekai avec la détermination du petit soldat céleste, prête à risquer sa vie pour une cause plus grande, avait été révolu il y fort longtemps. Son empathie, tout comme ses ailes, avait été décharnée jusqu’à l’os.
    L’Ange s’éloigne, se saisit d’une bouteille d'eau-de-vie sur le passage et se dirige vers les enclos. C’est là où se trouvent les chevaux, oui, mais c’est aussi là où on garde les prisonniers. Ils ne sont pas nombreux. Qu'ont-ils fait ? Elle n’en a pas la moindre foutue idée, et surtout, elle s’en contrefout. Elle boit une grande lampée de gnôle directement au goulot—pas pour l'ivresse, seulement pour le courage. Son regard se pose sur les outils abandonnés du palefrenier, et elle attrape le brochoir se trouvant là. Quand elle défait d’un coup sec les chaînes des prisonniers, on distingue des premiers éclats de voix percer la nuit, comme les préludes d’une scène d’horreur. Bientôt, dans le campement, les cris de guerre se confondraient avec les hurlements de terreur. Les boyaux, tout comme les fidèles, s’enfuiraient dans tous les sens. Fuir, c’est la chose la plus idiote à faire, et c’est la première chose que font les prisonniers du campement lorsque la porte de la liberté s’ouvre et que leur poitrine se gonfle d’un espoir inespéré. Une réaction très humaine, finalement.

    Et humaine, c’est d’ailleurs ce qu’elle cherche à être, avec toute la fragilité que cela implique, lorsqu’elle jette son brochoir au ciel, et que l’éclat de sa petite gueule sourit à la lune. Il retombe lourdement et s’abat brutalement sur le visage étroit de l’Ange. Sur ce visage trop beau, trop propre, trop angélique pour être celui d’une prisonnière. L’outil s’écrase sur sa gueule avec le bruit sec que fait la chair en éclatant. Le sang pisse sur sa jolie peau pâle – se serait-on avisé à la peler qu’on n’aurait rien trouvé de bon, ni rien de charmant : juste des espoirs brisés, les cendres d’un feu qui avait cessé de brûler et cette volonté, désespérée, de rester en vie – dément le froid électrique de ses iris en silex. Une douleur pulsatile indistincte se répand en elle et Siame s’inquiète un instant pour son nez avant de chasser le sentiment aussi rapidement qu’il était apparu. Tout ce qui compte : c’est sa chair explosée. Que son cinéma soit crédible. Ses vêtements, eux, se déchireront bientôt, tandis qu’elle cherchera à "fuir", elle aussi. Elle se saisit d’un cordage, l’enroule autour de ses poignets, serre avec ses dents et étouffe un juron tandis que la douleur s’immisce sous son crâne, comme un rêve enfiévré.

    Elle n’ira pas loin, elle le sait parfaitement et ça n’a pas la moindre importance, puisqu’elle n’a pas réellement l’intention de s’échapper. L'Ange chancelle, ballottée et bousculée par tous ceux qui, “comme elle”, ont une quantité infinie de directions à prendre et aucun endroit où aller.


    CENDRES


    Citoyen du Reike
    Citoyen du Reike
    Tulkas
    Tulkas
    Messages : 104
    crédits : 2541

    Info personnage
    Race: Humain
    Vocation: Guerrier combattant
    Alignement: Loyal mauvais
    Rang: B
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t992-blood-in-the-sand-tulkas-termine#7451
  • Mar 23 Avr - 21:27
    - Ce ne sont que des civils.

    Depuis le promontoire d’un rocher, Tulkas observait la caravane qu’ils avaient traqués pendant si longtemps. Les mains jointes sur le pommeau de sa selle, contractant l’arçon entre ses cuisses alors qu’il observait silencieusement le camp monté en bord de route.

    - On est pris de remords avant l’heure gamin ?

    Les hommes de son unité se chamaillaient déjà, alors que rien n’était encore joué. Tandis que le palefroi du Luteni frappait la roche de son sabot, sentant la tension de son cavalier qui analysait la situation avec l’acuité d’un oiseau de proie. Une longue inspiration, puis un souffle condensé qui s’échappait de sa bouche. Il comprenait la remarque de la recrue, tout en saisissant la sagesse rugueuse du vétéran. L’un comme l’autre avait raison, le premier parlait en tant qu’humain, le second parlait en tant que soldat. Tulkas, lui, devait réfléchir comme un officier, il se devait d’être décisif dans ses actes et pour l’heure, il se sentait juge, juré et bourreau.

    Il sentait cette tension dans l’air, cet étrange moment avant que la foudre ne frappe, où l’air a ce goût étrange qui pique la langue. Où les poils se dressent sur la nuque en anticipation au moment où l’explosion percera les tympans et balayera l’esprit. Une boule de violence, qui pulsait entre ses paumes, que lui seul pouvait autoriser à déchainer sur ceux qui n’étaient pas prêts à la recevoir.

    La vie et la mort, entre ses mains. Pourquoi hésitait-il cette fois ? Des remords ? Une conscience ? Si ses frères d’armes pouvaient percevoir les innombrables questions qui fusaient dans l’esprit de leurs officier, tous auraient des réponses différentes. Pourquoi, alors qu’il avait tué, tué et tué tant de fois par le passé se retrouvait-il désormais à ne pas savoir quel chemin prendre ? Avait-il peur d’être hanté par une poignée de visages de plus ? Non. Ce n’était pas ça. Quelque chose d’autre alors, la fougue d’un barbare étouffée par les chaînes de la civilisation ? L’arrogance et la soif de gloire enfouie sous le devoir qui étouffait et criait à sa liberté ? Qui lui hurlait que cette tâche n’était pas digne d’un si grand homme que lui ? Ou simplement la réalisation que ceux qui craignaient son assaut n’étaient en fin de compte aussi perdus qu’il l’avait été, quand même les feuilles d’or de ses quartiers lui semblaient ternes ?

    Il était perdu, et il détestait ça. Avec tant d’intensité que les flammes de ses entrailles remontaient à sa poitrine, saisissait son cœur et inondait ses veines. Jusqu’à faire luire son regard dans le noir, levant sa lance. Tulkas décida de retrouver l’unique refuge qui restait réellement le sien ; celui de la haine et de la violence.

    - Tuez-les ! Tuez-les tous ! Ces fils et filles de chiennes qui vénèrent ceux qui veulent détruire tout ce que nous avons bâtis depuis que nous avons brisé nos chaînes ! Tuez-les ! Brûlez-les ! Réduisez en cendre tous ceux qui se dresseront contre nous ! Réduisez en esclavage ceux qui se rendent ! Donnons leurs le destin qu’ils souhaitent pour notre monde !

    La haine et la rage sont des maladies contagieuses, les mots du Luteni choquent d’abord, lui qui d’habitude est si calme et mesuré dans ses propos se transforma soudainement en un chapelain vengeur, exhortant ses hommes à s’abandonner complétement aux pulsions meurtrières qui gangrénaient le cœur de l’humanité. Qui dévorait l’âme et l’esprit pour ne laisser dans son sillage que des corps brisés et des familles en deuil.

    Et dans la nuit, la terre se mit à trembler.

    Sous les centaines de sabots qui retournent et salent la terre tant les palefrois sont poussés à l’effort, les étriers enfoncés cruellement dans leurs côtes. La bannière du dragon fièrement levée s’abaissait, la hampe callée sous son aisselle, Tulkas fut le premier à rentrer dans le champ de vision des vigies qui n’eurent qu’un instant pour réaliser ce qui fondait sur eux.

    Un homme, vêtu d’une armure noire, portant le tabard de gueule et de sang des bouchers du Reike. La gueule figée dans une grimace démoniaque tant elle était haineuse, des flammes surgissant d’entre ses lèvres et de ses narines tandis qu’il s’abandonnait pleinement à ce qui devait être fait.

    Les plus chanceux périrent de sa lance, embrochés comme de vulgaires marionnettes désarticulées qu’il balayait de sa forge prodigieuse qu’il alimentait de sa fureur. D’autres furent écrasés par ses sabots, certains trainés sur des dizaines de mètres par les cheveux tandis que d’autres se retrouvaient défigurés par un coup de sabre, à tenter de recoller leurs mâchoires ou de colmater la brèche dans leurs crânes ou leurs épaules. Ce qui avais été un assaut d’abord coordonné s’était soudainement mû en chasse, les fuyards tentant d’échapper à la violence du Reike en s’enfuyant dans les bois. Des familles qui se regroupaient et profitaient du martyr de leurs camarades pour tenter d’échapper une fois de plus à la rétribution des bouchers venus de l’ouest.

    Parmi eux, une jeune femme, dont les mains douces trahissaient une vie auparavant paisible. Dont la vie venait d’être sauvée plusieurs fois par différents intervenants. Certains s’interposant sur le chemin d’un cavalier, d’autres en la dirigeant vers une cache, les mains de son père qui la rassurent et lui intiment l’ordre de courir, de fuir.

    Le sacrifice d’un père, qui parvient à planter une fourche dans l’armure du cavalier dément qui vomissait des flammes, avant d’être noyé dans un torrent incandescent.

    Le massacre était total, et sa soif de sang assagie par la douleur qui saisissait son flanc, Tulkas se redressa sur son cheval. Offrant à tout ceux qui le regardaient la vision d’une Serre Pourpre dans son élément naturel, celui de la guerre et de la brutalité. Faisant un geste circulaire avec sa bannière, il intimait à ses cavaliers de s’éparpiller pour attraper un maximum de prisonniers et tuer ceux qui osaient encore faire preuve de résistance. Puis, levant la jambe pour descendre de son perchoir et reposer un instant son visage contre la selle qui puait, Tulkas pressa sa paume contre la plaie sanglante, canalisant son énergie pour imposer à sa chair de se refermer.

    Tournant les talons en éparpillant les cendres du Père d’un coup de botte, tenant sa lance. Le cavalier avançait, s’arrêtait devant les quelques tentes encore épargnées pour les incinérer de sa paume. Jusqu’à finalement arriver à un autre endroit, une partie un peu excentrée du camp, où se trouvaient des cages qui le ramenèrent un instant dans les entrailles de cette montagne chauve qui hantait ses cauchemars et qui saisit sa gorge. Une nausée intense le prit, couvrant sa bouche de sa main sanglante, il retint avec difficulté un haut le cœur avant de cracher par terre pour mieux prendre la mesure de la situation.

    Sans savoir que, plus loin, un groupe de cavaliers venait d’intercepter des gens « différents », parmi lesquels se trouvait une femme étrange au visage fraichement tranché. Femme qui fut ramenée avec ses congénères au centre du camps, où les attendaient Tulkas, qui regardait des cadavres brûler depuis le promontoire de son palefroi.

    - Que me ramenez vous là, soldats ? Des lions vêtus de laine, ou des agneaux vêtus comme des lions ?


    [Siame] Chevauchant un cheval noir... Signature-coeur
    - Ud rea, ud sura rea -
    Citoyen du monde
    Citoyen du monde
    Siame
    Siame
    Messages : 105
    crédits : 217

    Info personnage
    Race: Ange
    Vocation: Mage soutien
    Alignement: Neutre
    Rang: E
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t3503-terminee-siame-divine-violencehttps://www.rp-cendres.com/t3542-memoires-de-siamehttps://www.rp-cendres.com/t3626-recits-de-siame
  • Mer 24 Avr - 19:01
    Aurya avait fait naître la beauté par excellence sur ces terres maudites—elle était partout là où on voulait bien prendre la peine de regarder : dans la lumière du crépuscule, le murmure des rivières, l’amour d’une mère, ou les traits d’un ange. Elle était l’essence métaphysique de sa maîtresse, celle que Siame avait été, un jour, chargée de protéger.

    Mais la beauté, aussi merveilleuse fut-elle, ne l’avait jamais fait frémir. Non, jamais. Pas comme la pulsation chaude de la guerre qui se répand dans ses veines et qui gonfle sa poitrine d’un sentiment qu’elle ne connaît que trop bien : celui d’imprimer sa propre volonté, d’arracher et de conquérir. Elle perçoit la palpitation dans sa gorge, la crispation de ses muscles à l’annonce de l’orage sanglant qui s'apprête à se déverser sur le campement.
    Des Hommes, peu de choses l’étonnaient encore. Le monde s’était enragé à l’approche de la cavalerie et avait éclaté au premier cœur arraché sur la pique d’une lance. Il n’existait aucune hypothèse dans laquelle le regroupement de divinistes sortait vainqueur de cet échange. C’était un massacre, tout bonnement. Ça n'avait jamais été loyal, ni même juste. Tout n’était toujours qu’une question de pouvoir—comme cela avait été le cas lorsque les Titans avaient abattu leur colère sur les mortels, comme c’était le cas lorsqu’un guerrier répandait la mort d’un simple souffle brûlant. C’était la mort—rien d’autre que la vie qu’on arrachait. Pas pour se repaître de quelconque viande, pas pour se défendre de quelconque assaut (on l’avait dit : “ce ne sont que des civils”), non, seulement pour dégorger un sentiment bien plus pernicieux que la faim ou la survie. Et ce sentiment-là ne connaissait qu’une désinhibition : celle de se saouler au sang... Bientôt, le silence et l’odeur obscène de cette mort remplacèrent fatalement le crépitement rageur des flammes.

    On n’avait pas tardé à mettre la main sur les prisonniers – nul n’avait vraiment couru bien loin – et aucun d’entre eux n’avait eu la force de résister. Après tout, tant qu’ils avaient des chaînes à leur cou, qu’est-ce que cela changeait que ceux qui les tiraient vénèrent des géants tyranniques ou qu’ils s’agenouillent devant la lune et le soleil ? On les avait rassemblées tout près de ce qu’il restait du centre du campement—les avait fait s’aligner sans que personne ne sache ce que l’on comptait faire du lot. Et chacun d’entre eux s’était montré coopératif – Siame y comprit – malgré le dégoût qu’elle éprouvait à se réduire de la sorte. Jouer l’animal blessé ne lui avait jamais plu. C’était pénible, déshonorant, mais cruellement nécessaire quand il s’agissait de survivre. Elle serra les dents quand l’un de soldat fit pression sur ses épaules pour la pousser à terre. Ses genoux claquèrent dans un mélange de terre et de sang.

    Une espèce de silence s’installa – autant parmi les soldats que parmi les prisonniers – lorsque le Luteni s’approcha. Il les questionna aussitôt et L'Ange se fit la curieuse réflexion que son ton n’avait pas la dureté de l’acier, comme elle s’y attendait. Que le son de sa voix lui suggérait l’écoulement de la lave au sommet du volcan plus que le tranchant d’une épée affûtée. Et pour cause, sa gorge était encore brûlante de sa besogne accomplie. À côté d’elle, il y eut un geignement chevrotant, pathétique d’un homme dont tout le côté droit du corps avait été happé par les flammes. Il ne tenait plus debout, et s’écrasa la gueule la première dans la boue, roula contre les genoux de l’Ange—la peau bouillonnante de cloques monstrueuses qui éclataient sporadiquement. Chaque mouvement arrachait au type un cri muet, son visage se congestionnant sous la douleur. C’était grotesque et Siame l’observait avec une fascination mêlée de dégoût. L’instant suivant, il se mit à geindre de plus belle, secoué d’une souffrance incrédule. Quel enfer. Les cris lui étaient insupportables—moins que ceux d’un bambin qui vient de tomber, mais autant que ceux d’un animal qui agonise. À y regarder de plus près, on remarquait que ses yeux avaient fondu dans leurs nids. Une puanteur nauséabonde ombragea la scène. Ce malheureux n’avait pas eu la chance de mourir rapidement, lui qui, pourtant, n’avait rien fait de plus que de subir la volonté des autres. Elle était là, la véritable horreur. Le destin était quelque chose de monstrueux. Et tout aussi décharnée de sentiments qu’elle l’était pour les mortels ; aussi indifférente qu’elle pouvait l’être face à la douleur des Hommes, Siame n’était pas un monstre. La scène avait remué quelque chose en elle. Peut-être un semblant d’altruisme ? – On pouvait aisément croire qu’elle tentait de faire de la charité. – Ou bien seulement la volonté de faire cesser ces insupportables gémissements qui lui irritaient l’intérieur du crâne ?

    Achevez-le !

    Face à elle, les bouches des soldats s’ouvrirent sans qu’aucun son n’en sorte. Ils se dévisagèrent un instant, se tournant les uns vers les autres, avec le regard sollicitant, incrédule, du soldat un peu perdu—un peu con, qui cherche du soutien chez ses camarades masculins.

    Il souffre inutilement, ce n’est pas à lui que vous en voulez, insista-t-elle, rageusement, sans que personne ne bouge.

    — Boucle-la si tu ne veux pas finir comme lui – fini par réagir l’un d’eux, en la poussant du plat de sa lance, comme une pauvre lépreuse – on ne reçoit pas d’ordres de la part des esclaves.

    Le regard brouillé de sang de l’Ange se lève finalement vers le Luteni – qui observait la scène visiblement sans la moindre affectation, avec la nonchalance de l’officier victorieux – et, parce qu’à ses genoux, le pauvre malheureux continue de gémir par-dessus ses pensées—parce qu’elle n’est probablement qu’une femelle hystérique parmi tant d’autres, Siame enchaîne :

    C’est vous qui en êtes responsable : c’est à vous de finir le travail, l’accuse-t-elle sans le moindre détour. Elle le dévisage, c’est plus fort qu’elle. Au fond, il faut croire que même 5 000 ans enfermée ne change pas une âme.

    Alors ?

    Bon sang, faites-le, ou laissez-moi le faire.

    Ce n'est pas de l'insolence. Il y a chez elle une espèce de désinvolture propre à ceux qui ont l'habitude de commander. Chassez le naturel qu'il reviendra toujours au galop. Le type continue de geindre et dans le fond des yeux de l'Ange, une bile noire se met à luire. Elle lutte contre l'envie d'écraser sa nuque sous son genou et de le faire s'étouffer dans la boue—lui donnera-t-on l'autorisation, que c'est exactement ce qu'elle fera. Le pauvre homme ne chercherait même pas à s'en défaire. Il ne demandait que ça : d'être enfin libéré.

    Lions vêtus de laine, ou agneaux vêtus comme des lions ?

    Au-dessus d’eux, le ciel se met à pleuvoir.


    CENDRES


    Citoyen du Reike
    Citoyen du Reike
    Tulkas
    Tulkas
    Messages : 104
    crédits : 2541

    Info personnage
    Race: Humain
    Vocation: Guerrier combattant
    Alignement: Loyal mauvais
    Rang: B
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t992-blood-in-the-sand-tulkas-termine#7451
  • Mer 24 Avr - 20:14
    - Silence !

    La voix, pourtant d’origine douce et grave, de l’officier s’était soudain mue en un grondement volcanique. Même tempérée dans le sang de ceux qui avaient été désignés « ennemis du Reike », sa fureur était encore là, comme une bile brûlante qui rongeait sa gorge et rougeoyait à travers sa peau. Une concentration d’énergie magique qui l’étouffait presque, lui donnait envie de vomir. Dans un geste un peu vif, l’ancien gladiateur détourna le regard, plaquant sa paume contre sa bouche pour retenir ces flammes qui s’échappaient de sa gorge sans réellement qu’il ne comprenne pourquoi.

    Manifestation de haine ou de conflits intérieurs, ces flammes n’étaient pas encore pleinement siennes. Et aussi puissant fut-il, elles arrivaient à le ronger, à calciner sa gorge et noircir ses poumons d’une fumée douloureuse, que ses capacités de régénération peinaient à suivre. Une toux le prit, rauque et grasse.


    Silence !


    Hurlait une autre voix, grave et cruelle, qu’il ne connaissait que trop bien. Il sentait ces poids autours de ses poignets, qui rongeaient sa peau et sciaient sa chair à chaque geste trop ample, ce collier d’acier bien trop lourd qui le forçait à pencher la tête en avant et ce choc presque électrique qui remontait le long de son échine à chaque coup de fouet qui claquait dans l’air.

    La révolte était étouffée dans l’œuf par la cruauté, sa peau marquée du dragon et du signe de sa condition d’esclave. Il n’était qu’un enfant, qui n’avait eu pour unique crime que celui d’être né des mauvais parents.

    Qu’est-ce qui les séparait, eux, de ce qu’il avait été, lui ? Deux générations ne s’étaient pas écoulées depuis la chute du monde des Titans, peut-être vivaient-ils, eux aussi, avec les péchés du père ? Tulkas ne savait pas, il était presque immobile. A surplomber cette femme qui rugissait même en chaînes, qui demandait miséricorde. Indignée par la souffrance ou peut-être simplement fatiguée de l’entendre geindre ?

    Le feu ne se soucie guère des sentiments, il brûle et il dévore.

    Mais il n’était rien de tout ça, du moins, pas encore. Il était tel Sisyphe avec son rocher, presque au sommet, la question qui se posait désormais était de savoir si cette fois, la pierre allait tomber ou pour la première fois depuis des millénaires, enfin couronner cette montagne qu’il gravissait.

    Le cœur des hommes en est-il capable ? Peut-être, peut-être pas, quoi qu’il en soit, Tulkas devait faire un choix. Et pour une fois, il prit celui de l’humanité, étranglant une nouvelle fois le fou de guerre et de gloire qu’il avait enchaîné dans sa poitrine. Posant un genou dans la terre boueuse, touchant la joue de l’homme qui reposait contre les cuisses de la femme à la peau diaphane.

    - Je te vois.

    Souffle-il doucement, la main glissant sur la gorge de l’homme, la peau à une étrange texture, comme celle de la viande qui a été saisie par les flammes et qui cuisait lentement. Il ne lui aurait fallu qu’une pression un peu plus forte du pouce pour sentir la chair se désagréger entre ses doigts. La paume suit son chemin, passe dans la nuque du grand brûlé.

    - Je te donne ce qui m’a toujours été refusé par le passé, la paix.

    Et d’une pression intense, un dernier éclair de douleur avant la plénitude de la mort, il referme sa main sur sa nuque qu’il casse de ses cinq doigts. Une mort bien plus miséricordieuse qu’on aurait pu le croire, le corps se tends, se raidit tandis que les nerfs sont pris d’un dernier sursaut de vie qui a l’air douloureux sans l’être réellement. Puis, c’est délicat qu’il réajuste sa main à l’arrière de la tête du brûlé. L’autre glissant le long de ses côtes pour l’allonger sur le sol. D’une paume, il ferme les paupières du martyre. Et le ciel se mit à pleurer.

    - Vous portez le jais et le mauve de l’Empire, soldats. Dit-il en tournant son attention vers ses subalternes qui, connement, avaient laissé un homme souffrir inutilement, retrouvant son rôle d’officier. N’oubliez pas que la fureur du Soleil doit être tempéré par la douceur de la Lune.

    Des mots convaincants pour certains, des mots qui lui sonnaient creux, des mots nécessaires pour donner une échappatoire aux cauchemars qui viendraient prendre les plus jeunes et adoucir les suivants des vétérans. Aussi, il tourne doucement son visage vers celui de la blessée qui avais eu le courage de l’interpeller, alors qu’il était paré du masque démoniaque de la haine, quelques instants auparavant.

    - Une lionne, donc.

    Disait-il, émulant sans s’en rendre compte la plus ancienne tradition des Serres Pourpres. Qui était aussi leur meilleure qualité, celle d’être prêts à voir un joyau dans une fosse à purin et d’avoir le courage d’y plonger la main pour le saisir.

    - Aussi, tu parleras pour ceux qui portent les chaînes.

    Assis sur ses mollets en regardant la prisonnière. Puis, il tourna son attention vers un des hommes d’armes, tendant la main en se contentant de dire « A boire », pour qu’on lui apporte une outre d’eau, qu’il lui présentait. Un geste du désert.

    - Bois. Dit-il de cette voix qui avait retrouvé cette douceur qui jurait avec son apparence sanglante. On vous ramène à moi en chaînes, alors que mes hommes n’ont que de la corde.

    Dit-il, levant les mains pour défaire les canons d’avant-bras de son harnois et révéler sa peau brunie par le soleil, qui portait les stigmates des Ebed.

    - Je suis né Aman Ebed, Lionne. Disait-il en la regardant. Je connais le poids des chaînes, alors dis-moi, pourquoi les portiez-vous ? Qu’espéraient donc les enfants des Destructeurs en vous gardant dans des cages de fer ?


    [Siame] Chevauchant un cheval noir... Signature-coeur
    - Ud rea, ud sura rea -
    Citoyen du monde
    Citoyen du monde
    Siame
    Siame
    Messages : 105
    crédits : 217

    Info personnage
    Race: Ange
    Vocation: Mage soutien
    Alignement: Neutre
    Rang: E
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t3503-terminee-siame-divine-violencehttps://www.rp-cendres.com/t3542-memoires-de-siamehttps://www.rp-cendres.com/t3626-recits-de-siame
  • Ven 26 Avr - 2:20
    On ne fait jamais attention aux esclaves. L’Ange ne faisait pas exception à cette règle : c’est-à-dire qu’elle n’avait, de toute manière, que rarement considéré les mortels, peu importe leur situation. Mais lui—lui faisait attention. En réalité, Siame était un peu plus nerveuse qu’elle le laissait paraître. Elle n’avait jamais aimé être dans cette position, les mains prisent dans l’acier, l’âme derrière les barreaux. C’était au détour de douloureuses expériences qu’elle avait réalisé que sa liberté ne dépendait ni des chaînes, ni de ses ailes, mais tout ça n’y changeait rien. Les cages n’étaient confortables que pour les sots, pour ceux qui croyaient qu’elles leur apportaient un semblant de sécurité ; ou pour ceux qui n’avaient pas conscience de s’y trouver.

    Elle ne détourne pas les yeux lorsque les mains brûlantes – sa chair cuit encore d’une haine qui le hante – se saisissent de la nuque du pauvre homme. Tout deux savent comment cette histoire va terminer. Son cou se brise, crack!, sans la moindre résistance et le soldat le dépossède de la vie, comme on arrache une fleur au printemps. Enfin, enfin, les lamentations cessent. Siame referme les paupières, et ses lèvres échappent un souffle de soulagement, dans lequel on peut percevoir un “merci” silencieux. Quand il se redresse et qu’il a ces mots inspirés pour ses soldats, l’Ange ne peut réprimer une infime risette – qui disparaît aussitôt venue – pour l’ironie de la chose. Les mots, elle les connaît, sous d’autres formes, accordés à d’autres dieux. Mais elle reconnaît la sincérité toute maîtrisée—toute prétendue avec laquelle il les prononce. Le creux dans sa voix ne lui échappe pas : elle a le même lorsqu’elle s’adresse à ses fidèles. Son engagement est inconditionnel – elle n’en doute pas – mais il va au-delà d’une quelconque foi : de quelconques astres, ou quelconques Astres. Non, il va à sa chair et à son sang. Et ça, c’était quelque chose qu’elle pouvait respecter. Peu importe les titres dont elle s’auréolera très bientôt, Siame sait que croire aveuglément, c'est se fourvoyer. Se rendre tributaire d’une autorité divine, c’est aussi lâche que stupide—c’est se condamner à la mastrubation de sa propre âme et s’éloigner de toute réflexion intelligente. Il n’existe rien de plus puissamment courageux qu’un homme ou qu’une femme qui assume pleinement ses choix et ses décisions, que ceux qui en sont témoins l’approuvent ou non.

    Il finit par se redresser, la jauge et semble se décider à son sujet. L’Ange, elle, n’a pas encore choisi à quelle catégorie de mortels il appartenait. Néanmoins, elle perçoit l’aridité superbe – insolemment légitime, à cet instant – avec laquelle il se reprend. Elle croit noter le changement, certes insignifiant, mais bel et bien présent, lorsqu’il s’adresse à elle. Ce n’est pas le ton qu’il offre à ses soldats, mais ce n’est pas non plus la pitié qu’on a pour les esclaves. Il lui dit “bois” et cette fois, sa voix est l’écoulement du sable chaud sur les dunes du désert et c’est là la seule chose qu’elle a envie de boire : des mots qui ne mentent pas.

    Elle ne cesse de l’observer lorsqu’il lui révèle ses bras, et son regard caresse les cicatrices plissées autour de ses poignets – qu’il exhibe, pas comme un trophée, mais comme un aveu –, lis les marques creuses et lisses à l’endroit des muscles et des tendons qui n’ont jamais véritablement guéri. Du bout des yeux, elle retrace la ligne vigoureuse – presque inquiétante – de ses bras. Elle ne compte pas les secondes quand elle le fait – il paraît que c’est impoli, de regarder quelqu’un plus de huit secondes, mais les règles ne l’ont jamais empêchée de quoi que ce soit – constate la courbe froncée de ses sourcils, le lustre poli par le soleil de sa peau, la flamme vacillante dans sa poitrine, qui ne demande qu’à avoir quelque chose à brûler. Au fond de ses yeux tout n’est que grésillement du fer chaud contre la chair et claquement du fouet. Il y a quelque chose qui flamboie en lui, au-delà du brasier destructeur qu’elle l’a vu cracher. Elle aurait pu s’y confondre, se laisser happer, mais les chaînes entravent toujours ses poings, et ses genoux sont toujours enfoncés dans le sol lessivé par la mort et le sang. Alors, c’est avec méfiance qu’elle lui répond.

    Pourquoi ? Chaînes ou cordes : des liens restent des liens. Qu’importe qui les tire quand aucun de nous n’a envie de les porter ?

    Sa lumière est divine, mais sa bouche, elle, est vicieuse, avec ou sans chaînes.
    La vérité est ailleurs. À côté d’elle, on la connait : elle n’est ni esclave, ni innocente. Mais elle les a libérés quand l’annonce de l’assaut était parvenue, et elle a parlé pour l’un de leur, plaidé en sa faveur—a risquer de subir les foudres des soldats pour la paix de leur compagnon. Alors, aucun ne parle : il y avait là une espèce de solidarité qui s’imposait comme un remerciement, une motivation partagée à la rémission. Comprenez-le bien : elle n’en avait strictement rien à foutre d’eux, mais leur survie était sa survie par procuration.

    Pourtant, la pluie vient laver son visage et révéler un soupçon de vérité : elle n’est pas vraiment comme eux. Siame perçoit son sang – si sombre qu’il en est noir – s’écouler de son nez explosé ; sur sa bouche tuméfiée et ses lèvres qui ne semblent plus vouloir dégonfler ; baver sur son menton. Sous le sang, sa peau est blanche, ne connaît pas – ou à peine – la chaleur mordante du soleil du désert. C’est certain, elle vient d’Ailleurs.

    Ce qu’ils comptaient faire n’a plus d’importance : ils sont morts. La question est de savoir ce que vous comptez faire de nous ? Et le disant, elle soutient son regard, lève éloquemment ses mains jointes vers lui.

    La demande, bien que silencieuse, pue l’insolence. Parce que c’est non seulement là une façon de le provoquer devant ses hommes – quelle décision prendra-t-il ? La pute lui lance un regard de défi, elle sait très bien ce qu’elle fait – qu’une façon de lui renvoyer ses propres travers, ses propres souffrances à la gueule. Les chaînes claquent entre ses genoux, quand Siame demande :

    Qu’est-ce que nous coûtera notre liberté ? Qu’est-ce que la vôtre vous a coûté ? Je ne suis pas une Lionne, – à cet instant, l’Ange ignore tout des préceptes de son clan – je suis juste une femme – les mots lui arrachent la gueule : elle était tellement plus qu'une "femme" – qui essaie de survivre.

    Elle avait eu la bonne grâce de rougir en le faisant, parce qu’elle savait bien quand elle se comportait comme une conne.


    CENDRES


    Citoyen du Reike
    Citoyen du Reike
    Tulkas
    Tulkas
    Messages : 104
    crédits : 2541

    Info personnage
    Race: Humain
    Vocation: Guerrier combattant
    Alignement: Loyal mauvais
    Rang: B
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t992-blood-in-the-sand-tulkas-termine#7451
  • Ven 26 Avr - 13:27
    Qu’est-ce que lui avais coûté sa liberté ? Alors qu’il observait cette peau d’albâtre se salir de ce liquide noir qui suppurait presque de sa plaie, Tulkas pencha légèrement la tête sur le côté. La question avait fait mouche. Que lui avais coûté sa liberté, il tourne à peine l’épaule comme pour dégager la vue du charnier et d’un geste gracieux, présenter d’une main le coût de sa liberté.

    - Le voilà. Dit-il, sans regret ou tristesse. Le prix de ma liberté.

    Des crânes et des os, desquels pendait mollement la chair fondue qui s’écoulait presque comme un liquide en libérant cette odeur atroce de porc brûlé qu’avait l’homme. L’odeur âcre de cheveux et des poils carbonisés. Une masse de corps qui brûlait malgré les larmes des cieux. Certains pouvaient y voir la triste ironie du sort et l’impuissance des titans, qui tentaient d’éteindre les flammes qui léchaient goulument les dépouilles de leurs martyrs, d’autres ne voyaient qu’un amas de chair, un charnier à feu ouvert duquel on pouvait tirer un bras pour y planter les crocs.

    - Mais justement, tu portes des liens qui ne sont pas les nôtres.

    Dit il en se retournant vers elle, ses larges épaules dissimulant à sa vue le charnier qui continuait de brûler. Le couronnant involontairement de cette auréole de flammes noires et grasses. Il l’observait un instant, la dévisageait, elle avait quelque chose de mordant, de défiant et ce malgré les chaînes et la balafre qui traversait son visage. Sa peau si blanche que son sang semblait noir sur sa peau, ses vêtements déchirés et usés. Cependant, son regard ne s’attardait pas plus de cinq secondes sur elle, pour ensuite se concentrer sur Eux. Ceux qui n’avaient pas pris la parole, qui n’avaient pas défié, qui étaient silencieux et qui attendaient. Des bêtes qu’on mène à l’abattoir.

    - Des vezkang.

    Soufflait-il comme une bise chaleureuse sur le flanc d'une dune, avant de retourner son attention sur elle. Le mouvement de sa tête et de ses yeux était lent, volontairement, peut-être inquiétant. Le mot était difficilement connu en dehors des déserts, celui de ces bêtes de somme colossales au peaux écailleuses.

    - Les vois-tu comme je les vois, Lionne ? Il réaffirmait ce titre qu’il lui avait donné, nullement berné par la prétention de banalité de la catin à la langue de vipère. Certains d’entre eux sont forts, d’autres sont faibles, tous sont fatigués, mais aucun n’a ton regard. Sais-tu pourquoi ?

    Il s’approchait d’un pas vers elle, soufflait un instant en retrouvant l’assise de ses cuisses pour se mettre à sa hauteur. En d’autres circonstances, en d’autres temps, la vision des femmes à ses genoux pouvait être plaisante, mais ici elle avait un étrange goût. Non, ici, il voulait pouvoir sonder le regard, siège de l’âme selon certains, prendre la mesure de la situation. La bravade est un bouclier efficace quand la peur nous saisit les tripes et la gorge, une expression du courage des lâches peut-être.

    - Sais-tu comment on dompte un vezkang ? Demandait-il de façon rhétorique, non, elle ne savait pas. Sa peau trop blanche l’avait déjà trahie à cet égard. Enfants, ils font la taille d’un petit cheval. Disait-il en venant saisir la chaîne qui liait ses deux poignets sans pour autant la briser ou l’attirer, tout au plus lui faisait-il bouger les mains. C’est le moment parfait pour les soumettre au pajan.

    Sa voix n’était pas moqueuse, non, il éduquait, expliquait et racontait là simplement une histoire. Sa voix, aussi douce fut elle, devait avoir l’effet d’un coup de semonces. Il avait été esclave, et comme il s’apprêtait à le raconter, il l’était peut-être encore.

    - On les attache, encore jeunes, à des rochers. Ensuite, on utilise une trique montée de dents de faiseur et quand le vezkang refuse l’ordre, on le bat avec, entaillant la nuque.

    Puis, lâchant délicatement la chaîne il tournait son regard vers ceux qui s’étaient tus.

    - Regarde-les à nouveau, Lionne. Demandait-il. Que vois-tu ? Moi je vois la volonté brisée par la violence, l'esprit scarifié par la servitude. Je vais te dire ce que je vois. Dit-il avant de marquer un petit temps d’attente, redressant la tête. Moi.

    Pour ensuite retourner son regard vers elle, sur elle. Non pas avec dureté, presque de l’admiration en vérité. Par malheur, la Lionne était tombée sur l’un des rares officiers du Reike à avoir vraiment vécu la majeure partie de sa vie sous le joug de maîtres divers et variés. Alors qu’on aurait pu s’attendre à voir les flammes luire sous sa peau, illuminer son regard ou laisser naître des escarbilles dans son souffle, il n’en était rien. Toujours cette étrange douceur qui étouffait ses flammes et lui imposait de rester maître de lui-même.

    - Tu n’es pas Ebed. Lâchait il, a ces mots, certains des hommes se raidirent. Eux le sont, mais toi, non. Tu n’as pas encore été assez brisée pour épouser la boue de ton regard face à moi. Tu me fixes avec défi, sans peur, tu parles librement et avec ardeur. Aussi, je me demande encore pourquoi portes tu des chaînes ?

    Ou avait elle assez de volonté pour résister à tout ce que le monde pouvait lui envoyer ? Il ne savait pas, mais il finirait par savoir. Puis, il tourna la tête vers un de ses hommes et dont il capta le regard, « Donne leurs à boire, à tous. Puis envoie des éclaireurs trouver un endroit où camper. », avait-il dit en Shierak, cette langue gutturale et profonde que peu de gens parlaient en dehors du désert. Avant d’à nouveau retourner son attention sur la dame à la peau blanche.

    - J’étends ma protection aux brebis que tu protèges, Lionne. Disait-il. Le temps de faire la lumière sur qui tu es. Félicitations, grâce à toi, ils survivront au moins une nuit de plus. Une fois au campement, un guérisseur s'occupera de vos blessures.


    [Siame] Chevauchant un cheval noir... Signature-coeur
    - Ud rea, ud sura rea -
    Citoyen du monde
    Citoyen du monde
    Siame
    Siame
    Messages : 105
    crédits : 217

    Info personnage
    Race: Ange
    Vocation: Mage soutien
    Alignement: Neutre
    Rang: E
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t3503-terminee-siame-divine-violencehttps://www.rp-cendres.com/t3542-memoires-de-siamehttps://www.rp-cendres.com/t3626-recits-de-siame
  • Sam 27 Avr - 0:50
    Le monde n’avait toujours été ni plus ni moins qu’un bûcher. Que de Cendres pour témoigner du passage éphémère des Hommes. Tout ça, c’était plus que quelconque liberté : c’était la vie. Le désir de puissance, elle le connaissait mieux que personne, savait pertinemment la fièvre pernicieuse qu’il provoquait. Comme il était facile de s’y abandonner. Comme elle aurait tout donné pour la retrouver. La sentir flamber dans chaque cellule de son corps, l’imprimer sur chaque être, chaque créature qui osait s’opposer. Si ça te tenait qu’à elle, il n’existait pas un innocent sur cette terre qu’elle n’aurait pas fait brûler pour retrouver ses ailes. Elle éprouve une certaine réjouissance à ne distinguer ni tristesse, ni regret quand il le dit. Et pourtant, il lui semble percevoir la muselière qui enrobe ses mots, quelque part au fond de lui. Dans son regard, il y a quelque chose qui vient de s’éteindre. Siame regarde disparaître doucement cette braise qui ne demande qu’à être ravivée, et que lui repousse vers des frontières qu’elle ignore. Si seulement elle avait pu mettre la main dessus, y glisser son grain de sel et y souffler ses intentions… C’était bien là la seule ironie de cette scène. Les Titans n’y étaient pour rien, dans cette histoire—elle le savait mieux que quiconque. Tout ça, l’horreur, le feu, la mort, la déchéance des leurs, tout ça ne leur appartenait qu’à eux. L'Ange ne ressentait pas la moindre empathie pour ceux qui étaient tombés, furent-ils fidèles de ses maîtres, il n’en restait pas moins qu’une poussière dans l’univers.

    Les épaules du Luteni ombragent à nouveau le paysage décharné. Il prend son temps, et elle y voit une forme d’insolence, une espèce de flegme impérieuse qui lui donne envie d’y planter les crocs. Il se prend à lui expliquer les choses, à “l’éduquer” – lui, un mortel, lui expliquer les choses à elle ? De qui se moque-t-on ? –, et l’envie gonfle un peu plus dans le creux de sa poitrine. Elle aussi, musèle une partie d’elle—mais la sienne ne la brûle pas de l’intérieur comme c’est son cas à lui. Non, la sienne éclate, la galvanise dans tous les sens du terme, comme seule la volonté divine des Cieux est capable de le faire. Il n’est pas complètement dupe, et elle redouble d’efforts pour faire taire ses instincts lorsqu’il vient s’accroupir et placer son visage à sa hauteur. Elle sent son cœur battre à travers la plaie de son visage et le sourire goguenard qui manque de poindre sur ses lèvres. L’Ange n’a jamais pris la peine d’essayer de dompter des vezkangs, non : seulement des Hommes. Et pour elle, quelle différence ? Son regard à elle s’adoucit, remplacé par une tendresse presque mélancolique, que d’aucun aurait eu l’intelligence de trouver bien plus dangereuse encore. Elle a tout à coup envie de se rapprocher pour lui le susurrer, pernicieusement, dans le creux de l’oreille. Lui faire savoir qui elle est, ce qu'elle et par procuration, la responsabilité qu’elle détient à l’égard des malheurs de sa race. Mais le fer – il s’en empare et par Aurya que c’est dur de résister – autour de ses poignets vient la rappeler à l’ordre, bien qu’elle se les soit passés volontairement. Elle a un rôle à tenir si elle veut survivre dans ce monde d’Hommes.

    Tu ne comprends rien. En te nommant ainsi, tu te définis, tu les définis, et par la même occasion, tu en profites pour flatter avec toute la docilité du monde la queue de ceux qui t’ont un jour oppressé. – C’est ce qu’elle ne fera jamais. Jamais elle ne parlera à aucun mortel des chaînes qui ont un jour cinglé ses bras, véritablement, et du fer qui a entaillé sa peau, brisé ses ailes, ni de celui qui le tenait. Que son souvenir crève. – Tu leur fais le plaisir de les laisser marquer ton âme, de te nommer, de délimiter ta condition, ce que tu es et ce dont tu es capable, même une fois libéré. Libre, de toute manière, on ne l'est jamais véritablement. Parce qu’on tient toujours à quelque chose, à quelqu’un, ou simplement à la vie. – Le Nirvana dans, dans ce putain de monde là n’existait pas. – Ces hommes-là, à côté de moi, ils seraient faibles et brisés, avec ou sans chaînes. Ce ne sont pas les épreuves qui définissent une âme. Tout ça se passe bien avant. Eux sont nés faillibles, et ils crèveront ainsi—comme ce pauvre malheureux qui gisait présentement à ses genoux et à qui elle n’avait plus adressé le moindre regard. Sans jamais avoir été à la hauteur du don qu’il leur a été fait : celui de la vie. Sans jamais l’avoir mérité. Son regard à lui est étrangement doux face au sien, et face à son cœur plus dur encore, ce cœur qui ferait n’importe quoi pour sauver sa peau.

    Voilà tout ce qu’elle aimerait lui dire, quand il relâche ses chaînes et qu’il lui demande de les regarder, qu’il lui révèle se voir en eux. Tout ça ne relevait que de la très simple et pitoyable réalité : c’était lève-toi et marche, ou crève.

    Tout ce que je sais, c’est qu’on peut cravacher une LionneAngeéternellement sans jamais parvenir à la briser. Tout ce que je sais, c’est que vous vous rajoutez un boulet aux chaînes que vous portiez un jour. À toi, et à tous ceux de ton espèce.

    Il se trompait. Allégrement. Bien sûr que sa peau saignait, comme tout le monde, bien sûr qu’elle serrait les dents et qu’elle pleurait face à la douleur—mais la peur, elle, ne l’avait jamais paralysée. Elle refusait catégoriquement de laisser cette victoire aux mortels. Qu’ils lui prennent ses ailes, ses titres, sa maison, jamais ils ne lui prendraient sa volonté. Mais que pouvait-il en savoir ? Il n’était qu’un Homme.

    Elle ne répond pas, quand il lui demande pour quelle raison porte-t-elle ces chaînes. Le goût du mensonge est trop fade à côté de celui de la réalité : non seulement elle les a elle-même enfilés, mais en plus, il lui suffit d’y penser, pour faire vaciller les fers au bon vouloir de son unique volonté et de les voir tomber. Siame se contente de hausser les épaules. Qu’on l’envoie six pieds sous terre pour avoir tenté de vivre un peu plus longtemps. L'Ange l’écoute ordonner à ses hommes dans la langue du Shierak.

    Et c’est dans cette même langue qu’elle s’adressera à lui, bien plus tard, alors qu’on avait mené les esclaves près d’une carriole, le temps qu’un campement digne de ce nom ne soit trouvé. Le temps s’était écoulé, sans que l’Ange ne compte réellement les minutes ; bien qu’elle n’avait pour l’heure plus que ça à compter. Elle se trouvait assise dans une herbe qui avait eu la chance de ne pas être carbonisée, adossée contre la roue de la charrette, lorsque le Luteni passa tout près et que les yeux en silex de l’Ange croisèrent les siens.

    Toujours pas décidé à me les retirer ? Elle le dit sans le moindre accent. L’ombre d’une moue moqueuse se dessine sur ses lèvres quand elle lève à nouveau ses mains liées vers lui. Tu as peur de quoi exactement, Ebed ? Le vouvoiement disparaît, le Shierak ne s’encombre pas de politesses et elle insiste sur le dernier mot, comme lui a insisté à la nommer "Lionne".


    CENDRES


    Citoyen du Reike
    Citoyen du Reike
    Tulkas
    Tulkas
    Messages : 104
    crédits : 2541

    Info personnage
    Race: Humain
    Vocation: Guerrier combattant
    Alignement: Loyal mauvais
    Rang: B
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t992-blood-in-the-sand-tulkas-termine#7451
  • Sam 27 Avr - 2:00
    - C’est là le prix de ton silence, Hrakkina.

    Le Shierak est une langue rugueuse, qui se passe de toute prétention de politesse et de subtilité. Une langue sans détours, sans artifices, façonnée par un désert cruel desquels étaient surgis la foi cruelle d’un empire sans dieux. Hrakkina, « Lionne blanche » qu’il l’avait appelée, sans l’intonation moqueuse qu’elle avait employé pour l’appeler « Esclave ». Il la regardait un instant, assise dans l’herbe, la gueule barbouillée de ce sang noir coagulé qui collais à sa gueule comme la crasse collait aux miséreux.

    Un déguisement presque parfait de victime. Presque parfait, si seulement elle n’avait pas cette grâce froide qui l’empêchait de jouer pleinement le rôle de la catin réduite en esclavage. Ce défi dans son regard et cette volonté d’acier qui l’empêchait pleinement de s’adonner au rôle qu’elle s’était choisie.

    - Tu as cette bravoure qu’on ne retrouve que chez les fanatiques. Disait-il en retrouvant à nouveau le siège de ses propres mollets pour se baisser à sa hauteur. Je n’ai pas l’empathie de la dame ailée de Coeurébène, ni le flair du Loup de Cuivre… Il inspira un instant, penchant la tête en arrière pour soupirer vers les étoiles pour rabaisser son regard sur le sien. Je l’avoue, je ne comprends pas ton jeu, Hrakkina. A vouloir jouer la captive ou l’ebed, tu n’avais qu’à te parer de la peau de lhazareen…

    Le mouton, la brebis, un rôle terriblement dur à jouer pour ceux qui, comme lui, étaient rongés par l’arrogance.

    L’arrogance, qui le caractérisait tant et qu’elle semblait embrasser à pleine bouche, ce vilain défaut qui rongeais visiblement le cœur de tous les peuples du Sekaï et ce depuis, semble-il, le premier cri de la vie sur Terre. Maintenant que la bête avait été de nouveau proprement enchaînée, le Luteni avait pu réfléchir plus calmement à la situation et à ce qu’il supposait être la nature profonde de celle qu’il pensait être une fausse-captive.

    Lui trancher la gorge aurait été une solution expéditive, mais efficace. Une simple entaille, à la base de son cou pour la parer d’un collier carmin, saisir sa chevelure alors qu’elle se noyait dans son propre sang pour agrandir la tranchée saignante et ensuite la laisser là, sur les bas-côtés pour nourrir les charognards qui n’allaient pas tarder à remonter l’odeur du charnier.

    C’est ce qu’il aurait dû faire à l’ombre de son premier doute, c’est ce qu’il avait appris à faire dans l’arène de Taïsen, vingt ans durant. Trancher et tuer pour résoudre tout ses problèmes. Mais non, Tulkas ne voulait plus être cet homme, ce vezkang retenu par des liens de soie dans une prison de velours. Non, il était libre. Il était curieux, et quoi qu’on puisse dire sur la putain qui osait prendre le risque de se l’antagoniser, elle était intéressante. Et son orgueil lui interdisait de s’avouer aussi facilement vaincu, oui, lui trancher la gorge serait admettre une défaite de l’esprit. Chose qu’il n’était pas prêt à accepter.

    - Tu parles comme les dunes. Souligne-t-il d’un fin sourire.

    Et ce n’était pas une chose insignifiante, non. Le shierak est une langue difficile à maîtriser, tant les tonalités sont différentes du commun ou de l’elfique. C’est une langue avec une structure grammaticale propre, une langue tonique, les étrangers avaient cette fâcheuse tendance à accentuer la mauvaise syllabe, à mettre la tonalité au mauvais endroit dans leurs phrases. C’est pour ça qu’elle était autant utilisée par la culture martiale et profondément militaire des provinces Taïsenoise, le Shierak est un véritable shibboleth. Et elle, le parlait parfaitement, sans accents, sans hésitations. Alors que sa peau blanche semblait n’avoir jamais été polie par le sable chaud soufflé par l’harmattan ou le khamsin.

    - Tu me demandes ce que je crains, à te libérer, Hrakkina. Répétait-il. Voilà ce que je crains, tu n’as rien d’une prisonnière et aucun de ceux que tu protèges n’a osé parler contre toi. Tu parles notre langue comme une fille du désert et pourtant tu t’adresses à moi comme une étrangère. Tu te pare de peau de lhazareen pour ensuite te comporter comme Hrakkina. Tu n’es pas qui tu prétends être et je ne sais pas qui tu es. Aussi, tu continueras de porter ces chaînes jusqu’à ce que je le sache, ou que tu acceptes de payer le prix de ta liberté.

    Ponctuait-il se posant les paumes sur ses genoux et se redresser dans un tintement métallique. A regarder le camp qui se montait et la troupe qui s’organisait. Les tentes qui montaient et le matériel de cuisine qu’on acheminait jusqu’à des feux de camps pour préparer l’immonde gruaux qui servait de rations aux patrouilleurs de la dévastation. Un mélange de gras, de légumineuses et de viandes séchées si dures qu’on devait les broyer des heures durant entre les molaires pour éviter de se déchirer la trachée en les avalants.

    Plus loin, il pouvait observer les esclaves qui profitaient des soins des quelques guérisseurs qui accompagnaient presque constamment les patrouilles, des baumes et des bandages, des premiers soins plus que des véritables traitements pour leurs plaies, la malnutrition et le choc.

    « Mieux que rien », pensait il, la plaie à son flanc déjà refermée par sa propre volonté.

    - J’ai fait assez de martyrs aujourd’hui, Hrakkina. Dit-il avec une désinvolture qui faisait froid dans le dos, ne parlait-il pas de toutes les vies qu’il avait prise avec trop de légèreté ? Je ne te ferais vivre aucun outrage, ni supplices, un guérisseur viendra pour toi et t’apportera une ration. Tu dormiras avec tes protégés dans un chariot, à l’aube, nous parlerons.

    C’était une forme d’emprisonnement, ne nous voilons pas la face. Cependant, la peine était bien plus douce que ce à quoi on aurait pu s’attendre. La peine parle à la peine, après tout, et quelque chose résonnait en lui, sans qu’il soit réellement capable de mettre le doigt dessus dans l’immédiat. Elle avait, après tout, pris la parole pour eux, avait demandé la miséricorde. Chose que lui, avait dû faire de nombreuses fois par le passé. Oui, une faille exploitable.

    Il était fatigué, soudainement, une envie de dormir.


    [Siame] Chevauchant un cheval noir... Signature-coeur
    - Ud rea, ud sura rea -
    Citoyen du monde
    Citoyen du monde
    Siame
    Siame
    Messages : 105
    crédits : 217

    Info personnage
    Race: Ange
    Vocation: Mage soutien
    Alignement: Neutre
    Rang: E
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t3503-terminee-siame-divine-violencehttps://www.rp-cendres.com/t3542-memoires-de-siamehttps://www.rp-cendres.com/t3626-recits-de-siame
  • Dim 5 Mai - 22:47
    D’accord. Elle voulait bien l’admettre : ce mortel-là appartenait à une espèce rare. Il était bien loin du prosaïsme barbare qu’elle accordait à ceux de son peuple—et plus largement aux mortels. Elle aimait la manière dont il venait se mettre à sa hauteur pour lui parler, ou plutôt s’abaisser, sans qu’il n’y voit là la moindre diminution. Oui, sa race mise à part, il lui semblait un peu plus digne que les autres, d’un esprit doué d’intelligence et sans le besoin de s’encombrer de prétention.

    À jouer la captive ? Cela voudrait-il dire que je ne le suis pas ? Que je peux choisir de partir sans que personne ne me retienne ou ne m’abatte au premier pas que je ferais hors de ce campement ?

    Siame avait arqué un sourcil et ses doigts s’étaient enroulés subrepticement sur les chaînes. Un fracas métallique avait retenti lorsqu’elle avait tiré dessus—vivement, pour faire du bruit, mais sans réelle affectation. Autour d’eux, une demi-douzaine de paires d’yeux attentifs s’étaient braquées dans leur direction, prêtes à lui planter une flèche entre les deux yeux, au moindre signal. Si elle ne l’avait pas été (captive), parmi les divinistes, elle l’était définitivement maintenant. Mais c’était une bonne chose. Ici, cela signifiait qu’elle vivait un jour de plus.

    C’est bien ce que je pensais.

    Les épaules fines de l’Ange butèrent à nouveau, mollement, contre son assise improvisée. À vrai dire, elle aurait pu tout aussi bien les hausser. Ses mots portaient sans réelle animosité. Elle aussi avait été un jour à sa place, mais elle, n’avait jamais pris ni la peine, ni le soin de s’encombrer de prisonniers.

    Hrakkina ou lhazareen, ça n’a pas d’importance. La seule raison – la véritable raison – pour laquelle je suis encore en vie, c’est parce que toi et moi, nous sommes pareils. Tu ne t’es pas reconnu en eux – elle pointa du menton les autres prisonniers, recroquevillés en troupeau sur eux-mêmes, à attendre docilement le prochain coup de bâton que leur assénerait la vie. – Non, tu t’es vu en moi.

    Il y avait quelque chose de délicieusement satisfaisant à reprendre ses mots, à les prononcer comme lui le faisait—et elle aimait les noms qu’il lui donnait et le sourire – certes fin – qui s’était emparé de ses lèvres, perçant le masque d’imperméabilité splendide qu’il revêtait. Le Shierak était une langue bâtarde, difficile à l’oreille, encore plus dans la bouche, que l’Ange n’avait jamais particulièrement appréciée : un cercueil de dialectes des tribus du désert, forcément disgracieux, et Elle avait été créée pour mépriser chaque disgrâce de cette terre. Pourtant elle aimait l’entendre le parler, lui—les sonorités sauvages du langage lui allaient bien, s’accordaient à merveille à sa franche et brutale nonchalance, à la manière dont il l’avisait : elle, ses soldats, et le Monde entier. L’Ange reconnaissait qu’il y avait bien une beauté à voir les choses résonner entre elles.

    Que ta peau soit dorée par les caresses du soleil et la mienne aussi blanche que les nuages, elle saigne de la même manière lorsque le fouet la cingle. Qu’il s’adresse aux Astres quand elle s’adressait aux Cieux, tout deux savaient que leur véritable loyauté résidait Ailleurs. Tout au fond d’eux, ils contemplaient la même faim, les mêmes crimes—tous deux se voyaient arracher à l’autre son inéducable grandeur. Elle ne jubilait pas plus qu’à l’idée de lui faire creuser sa propre tombe.

    Ainsi, la vie, ce n’était rien de plus que des fringales qu’on se contentait d’étouffer, des boulimies de puissance, de pouvoir, de désirs ou d’argent. Chez lui, c’était épidermique. Elle le sait, elle le voit sur sa peau encore transpirante – sur son poil encore ébouriffé – de ce feu qu’il (l’)avait fait brûler. Comme lui, Siame laissa sa tête basculer en arrière, jusqu’à que son crâne bute contre le bois de la carriole.

    Toi et moi, nous avons une même Âme. Une pause. Le temps de laisser les mots raisonner. Et ça, tu sais que c’est la vérité. Ne mens pas. Je l’ai vu, plus tôt, cette fièvre furieuse qui te démange la chair, comme elle démange la mienne.

    Avait-elle seulement prononcé les mots ? Ou bien n’avaient-ils été qu’un murmure immiscé quelque part en lui ? L’Ange balaya les Cieux d’un regard vaporeux, avant de venir refermer sereinement les paupières.

    — (Langue commune) Je souhaite seulement retrouver ce qui me revient de droit.

    Elle disait peu, oui, mais elle disait vrai. Loin de révéler ce qu’il voulait, et pourtant ses mots ne mentent pas. Tout ça, c’était bien plus qu’une bête question de liberté. C’était question de trouver sa place légitime : sans avoir à se masquer ou à se tromper soi-même. Les chaînes ne signifiaient rien. Son désir de survivre—c’était ce qui lui avait fait passer ces fers aux poignets et s’éclater la gueule pour avoir l’air moins, pour cacher le don fait par sa Maîtresse titanide. Son désir de vivre : cette noblesse impudente – la perdre revenait à abdiquer, l’abandonner à un acte de pure trahison – profondément ancrée en elle était une épée de Damoclès suspendue au-dessus de chaque jour de sa vie. Une façon comme une autre de vérifier qu’elle était – même après tant d’années passées enfermée – encore entière. Après sa prison de marbre, ces chaînes, qu’est-ce que c’était ? Finalement, ce n’était plus que sa fureur qui lui donnait des ailes.

    En face, il la traitait de fanatique sans savoir que la foi aveugle lui avait irrémédiablement manqué. Qu’elle avait toujours voulu tout contrôler : tenir en laisse son propre destin. Mieux valait-il crever pour sa propre arrogance que pour celle d’une Mère qui l’avait abandonné, pas vrai ? Ou peut-être était-ce là toute la raison de la hargne qu’elle démontrait ? Plus de célestes d’entités pour la guider, plus de sœur pour lui offrir de sa douceur, plus de transes pour lui donner un sens.

    Il l’avait quitté et Siame n’avait pas rouvert les paupières pour le regarder partir. Mais elle ne le quitterait pas des yeux lorsqu’il reviendrait. Plus tard, on l’avait fait rejoindre les autres prisonniers, et une guérisseuse était venue pour leur administrer les soins promis. Elle l’avait arrêtée fermement, mais sans animosité, quand celle-ci avait approché ses mains de son visage. Encore, son menton avait pointé en direction des autres prisonniers, comme si elle ne savait pas les nommer autrement.

    Ils en ont plus besoin que moi.

    Charité ou volonté de garder le masque de sang qui brouillait sa Beauté ?

    Si je ne désinfecte pas au moins ta plaie, elle risque de s’infecter.

    Je survivrais. (Certitude.)

    Comme tu voudras.

    C’est quoi son nom ? Elle avait enchaîné avant que la reikoise ne se détourne d’elle.

    Qui ?

    Le Luteni.

    La femme avait jeté un regard en direction de son supérieur.

    Tulkas.

    Tulkas, répéta-t-elle, dans un souffle absorbé, appréciant chacune des syllabes et chacune des idées qui germaient alors dans son esprit.

    Aussitôt la vue dégagée, son regard balaya le campement, avec l’imperturbabilité de celui du crocodile qui effleure la rive. La puanteur atroce et écœurante du champ de bataille laissé sur leur passage imprégnait encore leurs narines, mais commençait tout juste à se dissiper aux alentours. Il faudrait s’éloigner encore pour que l’horreur des corps incinérés ne s’évapore en un souvenir. La pluie s’était arrêtée. Aux quatre coins du campement, les sentinelles prenaient une à une les tours de garde, tandis que le soleil disparaissait peu à peu derrière les montagnes. L’obscurité enfin tombée n’avait pas donné mine de gêner les soldats disposés autour du camp. Si elle comptait s’enfuir une fois les reikois endormis, le plan était largement compromis. Ses « caramades » avaient, eux, fini par se laisser aller aux songes, amorphes. Leur sommeil était comme on pouvait se l’imaginer : agité, fragmenté des catastrophes qu’ils venaient de vivre, animé de l’espoir d’un « peut-être » indolent.

    L’Ange avait à son tour fermé les paupières.
    Pas pour dormir, non.



    Il y avait sur le Sekai de ces choses irréelles, qu’on ne comprenait pas vraiment à moins d’être capable de les vivre soi-même.
    Comme un feu qui brûlait champs et marées sans pour autant consumer votre chair, ou un esprit qui s’échappait de son enveloppe pour venir se loger dans celui d’un Autre—visiter la tente d’un autre.

    Elle avait balayé du regard l’intérieur rudimentaire de la petite tente aménagée. La seule individuelle, la seule réservée au Luteni, pensa-t-il qu’il le méritait ou non. Son regard s’était posé sur lui, après l’avoir cherché sa silhouette parmi la réalité vaporeuse. Un vague sourire avait fleuri sur son visage alors délesté de tout sang, de toute balafre et de toute douleur. Un visage aussi émouvant qu’au premier jour de sa Création. Seule cette fièvre pernicieuse, arrogante - d’une noblesse plus Haute encore que de celle des Hommes –, seule cette avidité destructrice demeurait.

    Il y avait sur le Sekai de ces choses irréelles, qu’on ne comprenait pas vraiment à moins d’être capable de les vivre soi-même.
    Comme la caresse de lèvres éthérées qui viennent souffler sur le cœur d’un guerrier pour y attiser une étincelle endormie. “Ce Monde, Tulkas… Il n’attend qu’à brûler sous le feu de tes flammes.” C’est une promesse doucereuse, des petits mots qui se soupirent, se murmurent dans le creux d’une oreille—une invitation à se laisser consumer par un pouvoir jusque-là injustement étouffé.


    CENDRES


    Citoyen du Reike
    Citoyen du Reike
    Tulkas
    Tulkas
    Messages : 104
    crédits : 2541

    Info personnage
    Race: Humain
    Vocation: Guerrier combattant
    Alignement: Loyal mauvais
    Rang: B
    qui suis-je ?:
    https://www.rp-cendres.com/t992-blood-in-the-sand-tulkas-termine#7451
  • Hier à 16:28
    Il y a de ces choses qui ne s’expliquent pas.
    Des choses qui se content d’être, sans justifications.

    Comme l’odeur du sable chaud, porté par un vent austral doux qui remonte les dunes, emportant avec lui les effluves des villes lointaines et des dattiers gorgés d’eau et de sève sucrée. L’odeur de cannelle, de safran et de girofle portée par les caravanes marchandes. Le vrombissement lointain d’un faiseur de dunes qui nage dans la mer de sable ou les grondements gutturaux des vezkangs dont la silhouette embrasse le soleil.

    Il pouvait sentir le sable rouler sous ses doigts, s’imprimer contre sa paume et s’y accrocher. Comme une petite armée de tiques et d’insectes, le désert mordait sa chair et s’y accrochait. Qu’importe qu’il frotte ses mains l’une contre l’autre comme pour tenter d’enlever le sang coagulé qui les souillait ou qu’il ne fouette l’air de gestes brefs et secs de ses poignets. Une sensation qui lui semblait aussi lointaine que douloureuse, alors qu’il n’y’a que quelques mois encore, elle lui était douce et chaleureuse. Les genoux recroquevillés contre son torse, les mains liées l’une à l’autre, à regarder le désert vivre sous ses yeux.

    Il est dans une charrue, le soleil vigoureux d’antan n’est désormais plus qu’un lointain souvenir qu’il peut percevoir à travers les déchirures dévorées par les mites de la canopée de tissus qui les protègent, eux, des heures les plus chaudes du désert. Les genoux plaqués contre son torse l’étouffent et il a beau tenter, encore et encore, il ne parvient pas à se défaire de l’étreinte qui lui est imposée, l’acier rongeant ses poignets et les marquant à jamais de cette marque d’infamie. Qu’avait-il fait, lui, le jeune prodige, pour être retiré de la charge de son premier maître ? Pourquoi avoir été abandonné là, dans des mains inconnues, comme un meuble dont on se séparerait ? Il avait appris à lire et à écrire. Son corps avait été sculpté par le dískos, le stádion et le pálé, son corps avait été brisé et reconstruit au pugmakhía et sa lame affinée par les meilleurs hoplomaques. Une rose des sables, pas faite de gypse, mais de sang et d’efforts. Vendue comme un vulgaire bétail.

    Il avait cette fièvre furieuse… qui le rongeait de l’intérieur, dévorait ses os et suçait son sang pour le remplacer par un liquide brûlant qui le consumait de l’intérieur. Et cette sensation, que quelque chose grattait, là, contre son cœur. Quelque chose qui voulait sortir, s’exprimer, hurler et se révolter. Quelque chose qui grattait, comme un animal qui n’aspire qu’a retrouver sa liberté. Comme un esclave enchaîné, qui trouve soudainement la force de se débattre et combattre.

    Son poing s’écrase contre la pierre noircie par le sang, qu’importe la cohue et les cris de joie de ceux qui, trop faibles, viennent se sentir forts par procurations en observant les siens vivre et mourir par l’épée ou la lance. Le sang est gorgé de sable maintenant, la bête libérée dans l’arène dévorant et déchiquetant ceux qui avaient été trop faibles pour devenir janissaires. Des déchets, dont on se sépare comme des meubles et qu’on brûle pour allumer un feu de joie. Il a beau être paré de bronze et d’une couronne d’or, d’être aimé et adulé comme un dieu vivant, il reste une possession. Un animal tenu en laisse par un maître, qui s’il le traite bien, ne voit probablement en lui qu’un investissement et une possession. C’est dans les entrailles de cette arène qu’il se doit d’être toujours plus fort, toujours plus rapide, toujours plus intelligent, toujours plus puissant.

    Mais quand il marche là-bas, qu’il regarde les autres esclaves qui s’entrainent, discutent et se lavent, il n’a qu’un seul sentiment. Du dégoût. Oui, il n’est pas pareil, il ne s’est jamais réellement reconnu en eux… Non, simplement des moutons qui se prétendent des lions. Qui veulent s’élever envers et contre tout, qui cherchent les cieux, prêts à les mordre, pour devenir l’égal des dieux. Devenir son égal.

    C’est bien ce qu’il pensait, du dégout, de la haine et du mépris. Et toujours ce feu liquide qui brûle en lui, empoisonnant son cœur et son esprit.

    La violence explose, se libère et exulte, sous les cris d’une foule en adulation, le guerrier se déchaîne. Il tranche et il empale, il glisse et il frappe. Encore et encore, tuant autant pour lui que pour son maître qui l’observe de plus loin. Un homme, qui bien que maigre et sec, lui semble gras. Qu’il nourrit de gloire et d’or, de sang et de cadavres. Au fur et à mesure du temps, les vies qu’il fauche et qu’il prend deviennent de plus en plus immatérielles, certaines n’ont plus de bras, d’autres n’ont pas de bouches, certaines sont presque intangibles et d’autres encore ne sont que des ombres fumeuses qui tombent comme des corps mous et désarticulés à chaque coup.

    C’est sur une montagne de cadavres, qu’il s’arrête enfin pour respirer. Le corps fourbu et noir de sang coagulé, sa respiration est lourde, douloureuse et brûlante. Son cœur bat à rompre et fait rugir, comme un torrent, la lave qui l’anime et qui semble prête à se libérer, à déchirer sa chair et comme un fruit trop mur qui explose. Les armes sont lâchées, les mains se plaquent contre ses oreilles pour chasser ce bruit incessant qui vrille ses tympans, cette infinité de doigts osseux qui semble gratter à l’intérieur de sa tête et de sa poitrine.

    Toi et moi, nous avons une même Âme.

    Il a besoin de crier, de hurler. De couvrir ce brouhaha incessant qui effiloche son esprit à chaque instant.

    Dans un tourbillon de flammes et de folies, son esprit se perds et se disloque. Sa chair, devenue liquide, coule le long de ses os, ne laissant derrière elles que des flammes qui rugissent comme une tempête de flammes venue pour dévorer le monde et, dans ses cendres, tout rebâtir comme elle l’entends. Il essaie de s’accrocher à la moindre chose qu’il peut. Jusqu’à ce que le mur de feu soit fendu par des griffes de rubis. Qui viennent l’attraper et le sortir de la braise.

    Puis, il fait noir. Plus de bruit, rien de plus que le calme.

    Le calme, et cette femme aux cheveux blancs qu’il a vus quelque part, mais ne sait plus où. Dans cette obscurité infinie, il n’y’a que deux lumières. Elle… Et ce qu’il tient entre ses mains. Une flamme, brûlante mais qui lui semble si fragile, aux couleurs de rubis. Il la lève un peu à hauteur de son cœur, pour mieux l’observer et sentir sa chaleur réchauffer son visage. Les yeux sont clos, un instant. La paix enfin revenue.

    - Ce Monde, Tulkas… Il n’attend qu’à brûler sous le feu de tes flammes.

    La voix éthérée lui est douce, comme celle d’une amante qui, après l’amour, écoute les confessions de l’amant au creux de ses bras. Un murmure, aussi doux qu’insidieux, qui fait frémir quelque chose en lui, qui fait crépiter la flamme.

    - Ce feu… Consumera tout, la terre comme les cieux. Il déglutit, quelque chose de brûlant tentant de remonter dans sa gorge. Jusqu’à ébouillanter la mer… Il consumera tout, jusqu’à ma chair.

    Avant de prendre la flamme dans sa paume. De la tendre vers elle comme pour lui montrer ce feu qui désormais luit à travers ses veines et les pores de sa peau, qui illumine sa sclère et ravage sa voix.

    - Ce feu.

    Dit-il en fermant le poing, l’abysse prenant les teintes du rubis. Et dans les flammes grandissantes, il clame.

    - N’est qu’à moi.

    Il inspire grandement, aveuglé par la lueur du jour qui pointe à travers les interstices de sa tente. Le corps en sueur et tremblant, ses drapes roussis, ses mains couvertes de cloques douloureuses. L’eau de son corps perlant de son front et de sa poitrine. Des mots tentent de s’échapper d’entre ses lèvres mais il ne peut que grogner.

    Ça fait mal, ça fait tellement mal.

    Pourtant, il inspire. Plisse le visage dans une expression de douleur intense tandis qu’il focalise son énergie et sa magie dans ses chairs, qui se boursoufflent un instant avant que la peau morte ne tombe en lambeaux sur ses draps. Les mains restaurées, la douleur partie, il se lèves. Le corps tout entier lui est douloureux. Il réajuste ses braies et s’assure de la solidité de sa ceinture avant d’ouvrir le pan de sa tente pour observer le campement qui s’éveille à peine, les dernières vigies luttant avec peine contre le sommeil. L’odeur du charnier portée par le vent remonte jusqu’à ses narines.

    Ce monde, aussi horrible soit-il, est bien réel. Le cauchemar est fini. Aussi, il fait signe à l’une des vigies de s’approcher, à laquelle il dit, les cheveux sales et dégagés qui retombent de part en part de son visage.

    - Va chercher la dosh khaleen.

    Hélas pour lui, c'était probablement l'un des rares conscrits du Nord. Qui à en juger son air, n'avait pas saisi sa demande.

    - La prisonnière... Amène la moi.


    [Siame] Chevauchant un cheval noir... Signature-coeur
    - Ud rea, ud sura rea -
    Permission de ce forum:

    Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum