D'un combat naît la Lumière

3 Septembre an 3

Un parchemin signé d’une main délicate s’était glissé dans la chambre écclésiastique de Seagan. A vrai dire, je l’avais faufilée ici, sachant qu’il devait être occupé à appliquer les récentes décisions concernant le Nouvel Ordre. Chaque membre de la main doit également vaquer à ses occupations : Morndrizel et Elisabeth ne tarderont pas à partir pour Sancta, Talos est discret et je n’ai pas cherché à communiquer avec lui et, quant à moi, je tente d’organiser des petits ateliers avec les plus jeunes afin de leur apprendre qui sont les déités et ce qu’elles ont accomplies. Je dois avouer qu’être à Célestia me libère de ma timidité, m’expose au regard de tous ces résidents et surtout, je sais que j’y suis en sécurité tout en y abordant mon amour des Divins. Ma main glisse l'enveloppe sous la porte avec une petite lanière, je me sens légèrement stressée. Sur cette petite lettre, il y est écrit :

Lettre à Seagan:

Je n’ai pas osé aller vers lui après le Conclave, sauf quand il a fait appel à mes services pour l'accompagner voir deux émissaires venus du Reike. Suite à cela, je suis restée un peu éloignée, profitant de ces instants pour méditer sur moi-même, me balader dans les Rocheuses, seule, afin d’en apprendre plus sur la faune et la flore environnantes. J’y ai d’ailleurs fait une rencontre plutôt intrigante il y a une dizaine de jours, mais depuis, personne en vue. Le monde est vaste et j’ai encore tant à explorer ! J'ai opté pour résider à Celestia grâce au haut prêtre et bien que cette lettre soit officielle, ce fut un réel effort de l'apporter dans ses quartiers. La timidité sans doute. Dorénavant, je trépigne d'impatience en espérant avoir une réponse favorable à ma demande. Je ne le remercierai jamais assez.

En rentrant dans ma chambre, je pense à ces semaines passées, à mon univers qui s'est agrandi et a toutes ses nouvelles têtes que je côtoie. Je me sens encore si faible comparé au reste de la main, une petite boute en train pleine d'énergie mais qui manque cruellement de manières, tout en ne sachant pas conserver ses émotions. Je reste pourtant là, avec eux, à espérer que ma place sera toujours ici afin de prôner la sainte parole. Les Divins nous bénissent, je suis certaine qu'ils nous voient et nous écoutent. En attendant, j'écris sur mon petit carnet de recherches contenant maints mots et secrets.

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Le jour est enfin arrivé, je me sens regonflée a bloc et je n'ai qu'une envie, pouvoir déployer une plus grande puissance grâce à un entraînement intensif. Je me questionne tout de même sur la façon dont Seagan va s'occuper de moi. Est-ce qu'il ne me fera pas de cadeau et me mettra directement à l'épreuve ? Si tel est le cas, je préfère me préparer mentalement. J'ai déjà pu voir quelques uns de ses pouvoirs à l'œuvre et avoir ce combat en tête a tête m'insuffle de l'adrénaline. D'un côté, il est possible que ce soit totalement différent d'un entraînement classique comme on peut le lire dans les livres. Je n'ai tellement plus pratiquer en dehors des sorts de guérisons que je me sens un tantinet rouillée.

Me tenant fièrement quelques mètres en contrebas des escaliers menant aux portes de Celestia, j'attends impatiemment. Le soleil venait à peine de se lever, les premières lueurs touchant les portes d'or et d'argent menant à la cité des Divins. J'admire le paysage comme au premier jour. Se sentir bien est un des éléments clés de la réussite !

Seagan était dans sa chambre ecclésiastique dans le Haut Temple de Célestia. Plus modeste en termes de confort que celle qu'il avait à Benedictus, elle n'en restait pas moins imposante. Les hauts murs supportaient en voute en plafond à 3 à 4 m de haut. Des Meurtrières laissaient passer le vent dans les hauteurs dans sa chambre. Certaines étaient déjà obstruée par des magnifiques vitraux représentant les divinités. Bientôt, il ferait reconstruire d'autres vitraux afin d'obtenir un peu plus de confort. Mais là, il était dans la rédaction des lois discutées et établies lors du Conclave. Il était important de pouvoir rédiger un Saint Livre, consultable par tous dans la Grande Bibliothèque, expliquant ce Nouvel Ordre, ses missions, son arborescence et le rôle jouant sur les différentes castes. Soudain une lettre vola jusqu'à ses pieds. Il l'a pris en main, celle-ci daté à présent de quelques jours. Il s'agissait là d'une lettre de Dame Luvïel. Celle-ci semblait vouloir quérir de son enseignement en vue de parfaire son entrainement. Seagan souriait. Il connaissait la bonne volonté de Luvïel et savait qu'elle grandirait vite au sein du Nouvel Ordre. De plus, il jugea que cela lui ferait du bien de se dégourdir un peu les jambes. Seagan enfila alors une toge plus ample et recouvra la capuche par-dessus sa tête.

Tenue de Seagan:

Sortant de sa chambre, les deux servantes de Luvïel étaient là. Segan regardait Elsa et lui adressa juste un mot.

— Où ?

— La forêt de pins votre Seigneurie. Là où vous l'avez rencontré.

Seagan fit un signe de tête à Elsa. Celle-ci s'inclina. L'instant d'après, le Haut Prêtre s'était téléporté.

__________

Seagan arriva par téléportation à l'endroit où il avait rencontré Luvïel. Celle-ci ne semblait pas être là. Seagan scrutait la magie environnante et il sentait légèrement celle de Luvïel au loin, elle venait dans sa direction. En attendant qu'elle soit là, il s'assit sur une roche et commençait à méditer. Lui aussi, souhaitait-il s'entrainer. Il avait passé de nombreuses heures dans les archives empruntées, les ouvrages sur les arcanes obscures. Peut-être était-il en train de revoir dans son esprit ce qu'il avait appris.  Car même s'il était jadis un être bon et guérisseur. Il savait que pour protéger son peuple, il fallait être plus fort. Ainsi, il s'imaginait à nouveau être face à Tensai. Il réfléchissait à tous les pouvoirs pouvant le nuire

Déployant mes ailes, je dévale les marches et le paysage montagneux, me demandant si je ne suis pas en retard pour mon premier entraînement auprès de mon mentor. En vérité, ce serait très impolie de ma part et mal avisée. Je déferle telle une tempête, ne prenant plus le temps de scruter le paysage afin d’arriver vers la cime de mon ancien chez moi : la forêt des pins argentés. L’endroit le plus approprié est, selon moi, cette petite clairière où nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Je pose un pied à terre avant de m’enfoncer dans la forêt, afin d’éviter que les plumes de mes ailes ne se coincent. M’approchant à pas feutrés, j’emprunte un petit chemin de terre jusqu’à apercevoir le haut-prêtre. Comme perdu dans ses pensées, je n’ose l’interrompre et avance face à lui. Le voir ainsi vêtu, avec cette capuche, lui rend un air sinistre. Les habitudes de voir un haut-prêtre lumineux contraste tout à fait avec le Seagan que j’ai face à moi. Étrange. Perturbant même. Néanmoins, je ne lui relève pas et déclare d’une voix douce :

— Maître Seagan, je m’incline légèrement avec une main posée sur le cœur. Je m’excuse de vous avoir fait attendre. Je suis fin prête pour cet entraînement.

Je relève la tête et me questionne tout de même sur la façon dont nous allons procéder. Il faut dire que je n’ai jamais réellement combattu et n’ai aucunement l’esprit vindicatif. Pourtant, je me dois de devenir une Luvïel plus performante, plus lucide sur les prochains évènements. Je souhaite ma rédemption et je comprends que les mots ne suffisent pas à changer la conscience des mortels. Qu’il va me falloir apprendre d’une main de fer et peut-être même d’en souffrir. Qui de mieux qu’un Lumina ayant les mêmes pouvoirs élémentaires, et doté d’une puissance hors norme peut faire l’affaire ? Peut-être qu’un jour, l’élève dépassera le maître. En attendant, je suis loin, très loin d’avoir son niveau. Je n’ai pas pour habitude de prendre des postures de combats mais, mon ton est sérieux. Je fronce légèrement les sourcils, laissant émaner un flux lumineux entre mes doigts et lui demande avec politesse :

— Vous souhaitez partir sur quel type d’entraînement ? Défensif ou offensif ? Je vous avoue ne jamais avoir eu ce genre de pratique. Il faudra me pardonner mes réflexes qui seront très certainement mauvais.

Il paraît si imperturbable, indéchiffrable et surtout, j’ai comme une étrange sensation. Quand je le vois, j’ai l’impression d’avoir un immense mur qui nous sépare. Qu'a t-il bien pu se passer hors de Célestia ? Peut-être n’est-ce qu’un ressenti. Les ressentis ne sont que des reflets de notre perception, il ne s’agit là que des émotions et non de faits tangibles. Je tente de rester la plus droite possible mais ma curiosité est bien trop grande. Je lui pose une simple question :

— Pardonnez-moi mais, est-ce que vous allez bien ?

Dame Luvïel était arrivée peu après le Haut Prêtre. Il faut dire, ce dernier s'est téléporté tandis qu'elle a dévalé la montagne à la hâte en évitant de croiser divers dangers. Seagan passa délicatement ses doigts dans un champ de fleur à tige haute de la forêt de Pin. Il se retourna et se mit face à Luvïel. Son regard était à la fois sombre et lumineux. L'entrainement était pour Seagan une nécessité. C'était à prendre au sérieux. Surtout dans les temps aussi dangereux qu'aujourd'hui où le Nouvel Ordre à peine naissant, devra faire face à de nombreux obstacles. Le Conclave venait de finir, bientôt, il recevrait son espion au Haut Temple, signifiant qu'incessamment, il devrait avancer ses pions pour reconquérir Shoumei. Il toisa Luvïel dans un silence, sans répondre à ses questions. Elle s'apprêtait à ouvrir à nouveau la bouche, mais Seagan commença à parler.

— L'attaque ou la défense. Deux notions, aujourd'hui tellement désuètes, entremêlées et confuses.

Seagan laissait un temps pour réfléchir au poids de ses mots. Il est vrai qu'actuellement, la confusion n'a jamais été aussi grande. Chaque faction pense défendre son pays en attaquant les terres des autres. Tout est devenu une question de perspective, de point de vue, là où avant seuls les monstres environnants étaient nos ennemis. Cela se voit avec le Reike en Shoumei, la République en Kaizoku.

— Un pouvoir ne possède pas cette notion, il reste un outil comme l'arme et le bouclier d'un soldat. C'est la façon de l'utiliser qui te permettra d'attaquer ou de te défendre. Je sens en toi, une grande énergie de lumière. Pourtant, tu caches cette force dans ton soin alors que tu pourrais faire bien mieux. (petit silence)  Tu te demandes comme je vais. Sache qu'avant toi, je n'ai eu qu'un seul élève et aujourd'hui les troupes de son royaume nous attaque. Ayshara. Une être pure, comme toi. J'ai cru pouvoir la guider au travers ces notions de bien ou de mal, mais Tensai la pervertie. Elle s'ignore. Un pouvoir n'est nul bon ou mauvais, il est juste faible ou puissant.

Seagan tend sa main et une épée de lumière jaillie dans celle-ci. L'épée brille d'une beauté étincelante. Elle est grande et ressemble presque à un espadon se tenant à deux mains. Pourtant, dans la main de Seagan, elle semble si légère, si malléable.

— La magie influe de l'énergie qui découle en chacun de nous et de notre propre volonté. Matérialise une arme en concentrant ta magie de lumière pour créer une forme pouvant bloquer mon épée.  

Seagan attendait que Luvïel s'arme. Dans son regard et sa posture, on pouvait se douter qu'elle ne s'attendait pas à un tel type d'entrainement. Se battre contre Seagan, magie de lumière contre magie de lumière. Il était rare de voir Seagan se battre. Souvent, il ne laissait pas le choix à ses ennemis. Son pouvoir de lumière étant si grand, il pouvait invoquer des créatures se battant pour lui. On raconte qu'au Reike, il s'était entrainé à améliorer ses pouvoirs physiques étant donné que sa magie était prisonnière. Peut-être avait-il envie de jauger ses propres pouvoirs également ?

Trahir. Si Ayshara a bien été la seule élève du haut-prêtre, celui-ci semble avoir un poids sur les épaules. Tensai doit être un homme bien vile pour avoir altéré l’esprit de la reine. Seagan la considère comme sa propre fille, la voir ainsi ne doit pas le laisser de marbre. Malheureusement, avec la tension qui s’ensuivit suite à l’arrivée des titans, afin de faire justice contre les impurs, une distance s’est installée entre les différentes nations. Je repense à ces reikois apportant un message de celle-ci. Tant de chemin pour si peu.

Le monarque considère que je dispose d’une énergie que je voile. Peut-être réussira-t-il à m’ouvrir les yeux et à me permettre d’exprimer d’une autre manière mes “talents”. Bien sûr, je me connais et je ressens ce flux de lumière. Il est vrai que mes pouvoirs ont été surtout utilisés pour soigner des animaux blessés ou malades. Je me suis sentie toujours un peu en retrait face aux autres, à toujours douter de mes compétences et préférant rester sur mes acquis. Ce même sentiment, que ce soit avant la guerre ou même lors du Conclave. Je ne compte pas le décevoir en tant qu’apprentie. J’écoute attentivement, les bras croisés et mon regard s’illumine à l’apparition de l’arme lumineuse.

— Par la grâce d’Aurya …

Nous commençons l’entraînement par la création d'une arme magique. Je dois me mettre en condition comme si je me retrouvais face à un ennemi et non un allié. J’ouvre ma main droite et concentre tout mon mana, afin de concevoir de quoi contrer son espadon. De la lumière jaillit et une épée longue apparaît dans ma paume. La tenant fermement, bien qu’elle ne soit pas conçue dans un alliage habituel, je me rends bien compte qu’elle n’a pas autant fière allure que l’espadon du maître. Je ne vais tout de même pas me laisser faire, quelle piètre créature des titans je serai face au mortel qui me fait face. Bien qu’il va me falloir redoubler de vigilance. Il a un côté effrayant qui me rend nerveuse. D’une voix solennelle, je déclare :

— Je reste une créature des titans. Rien ne pourra me détourner de ma Voie.

En position de sixte, je suis prête avec le buste droit et de profil, les épaules effacées afin d’offrir le moins de surface possible à mon adversaire. Mon arme de lumière est placée de manière à le menacer, tout en préservant une position permettant de me défendre. La pointe vers lui. Les jambes légèrement fléchies, je pense pouvoir faciliter mes déplacements et pouvoir feinter ou esquiver, si tant est que j’en ai la capacité. Ce sera bien là, l’unique posture qui me vient à l’esprit, comme lorsque je revois les souvenirs de guerre d’antan. N’ayant jamais vu le haut prêtre à l'œuvre, mes sens sont en alerte. Je fronce légèrement les sourcils, les ailes déployées et prêtes à me protéger, l’air sévère.

Une brise s'engouffre dans la clairière, balayant mes cheveux et caressant mes plumes. Le silence entre nous est pesant, une tension s'installe et mon cœur palpite bien trop fort à mon goût. Serait-ce de la peur ? Aujourd'hui, je vois Seagan différemment. Et cette différence de ton, d'attitude et d'énergie me fait froid dans le dos.

— Je vous attends, Seagan !

Seagan concentra son énergie dans ses pieds. Il était prêt et de la poussière commençait à s'élever du sol. Instantanément, il fut à portée de Luvïel. La super vitesse qu'il eut acquise lors de sa captivité au Reike rendait Seagan bien plus rapide qu'un simple mage. Luvïel se prépara à parer un coup de face. D'un pas de chat agile, léger, Seagan tourna derrière son amie. Dans une rotation, l'attaque se déclencha. Seagan lui enfonça l'épée dans le cœur. Une attaque par derrière, entre les deux ailes… Sur le coup, regardant sans rien faire l'épée lui sortant de la poitrine. Luvïel était morte.

Une illusion. Seagan se tenait toujours devant Luvïel droit, prêt à se servir de son arme. Luvïel se sentait perdue, elle venait de vivre sa propre mort par le Haut Prêtre. Même s'il s'agissait là d'une illusion, l'image de celle-ci fut terrible et restera sans doute dans ses mémoires.

— En corps à corps, un mage n'a aucune chance. Un simple guerrier reikois t'aurais transpercé malgré la différence de pouvoir vous séparant. L'entrainement reikois est très physique et la plupart des guerriers sont soit immensément puissants, rapide, agile, voir les trois. Et aujourd'hui, tu es puissante Luvïel, mais trop lente et je ne pourrais pas toujours te protéger. Cependant, te faire travailler des compétences physiques ne riment à rien. Cela ne demanderait aucune magie et beaucoup de condition physique dû à un entrainement rigoureux. Ta force est dans ta lumière, celle-ci doit te protéger, tu dois l'utiliser pour prendre un avantage stratégique. Et pour te déplacer, tu dois pouvoir te téléporter ! Travaille ta force magique. Tu as survécu des millénaires dans une des forêts de la plus dangereuse de Shoumei, du Sekai. Repense aux affrontements que tu as fait. Tu as réussi à survivre, à vivre. Alors vit, Luvïel. Prouve-toi à toi-même que ta place sur le Sekai est important.  

Aucune excuse. Juste des reproches, relevant les points faibles de Luvïel. Seagan avait bel et bien perdu de sa légendaire empathie. Une empathie qui était tantôt sa plus grande force, tantôt sa plus grande faiblesse.

— Maintenant que tu sais que je n'atteindrai pas à ta vie, mes illusions me sont inutiles. Tu vas devoir t'entrainer sur le tas. Je guérirai tes blessures si jamais tu péris. Tu peux en être sûr, car tu m'es trop précieuse. Prépare-toi. Anticipe. Esquive. Bloque. Ta vie est en danger.

Seagan leva son épée de lumière, la lâcha. Celle-ci flottait à présent puis se dupliqua. Encore et encore, créant une prison d'épées de lumière entourant la zone de combat. D'un geste du doigt, Seagan lança une épée en direction de Luvïel, puis une autre, d'une tout autre direction.

Agile. Sa rapidité est sans équivoque, j’ai à peine le temps de prendre une bouffée d’air que le voilà face à moi. Je tente de brandir mon épée, mais il est trop tard. A peine je soulève la garde d’une main qu’il se place derrière moi et me transperce. Je ressens une douleur si forte, je suffoque, je m’effondre. Mon cœur s’arrête et mon monde s’écroule. Soudain, reprenant mes esprits, je me rends compte que je suis tombée à genoux et le regard rempli de larmes. Je reprends une grande inspiration avec une douleur dans la poitrine, ou bien est-ce dans ma tête ? Je ne comprends pas. Tandis qu’il est devant moi, scandant mes faiblesses, une certaine rancœur me prend aux tripes. La lame de lumière a disparu au moment où ma mort est arrivée, ou du moins, le sentiment de mourir. Je repensais à mon entrevue avec Morndrizel, le deuxième jour de mon arrivée où nous évoquions justement ce sujet. Le royaume divin n’est plus et mon corps peut tout à fait disparaître sous les coups d’ennemis. Je n’aurai jamais pu imaginer un tel supplice, un déchirement foudroyant qui irradie dans mon thorax.

Cette impression disparaît et il est hors de question qu’il me voit verser une larme. Je passe ma main sur mon visage, le gant efface les traces et je reprends le contrôle de mes émotions. La lame de lumière réapparaît dans ma main droite, mon regard affronte celui du monarque avec colère. Pourquoi ? Mes émotions sont partagées dans ce combat qui ne fait que commencer. Cet écart entre nous est si grand. Ce n’était qu’une illusion, bien trop réelle à mon goût. Comme il me l’indique, il sera prêt à me soigner si je tombe en morceaux. Je dois reprendre ses mots “Ma vie est en danger”.

— Je donnerai tout.

Ni une, ni deux, nous voilà entourés par tout un arsenal d’épées délimitant la zone. Je n’aurai jamais envisagé utiliser mon pouvoir de telle sorte. Ce qui est bien d’avoir cet homme comme mentor, est sans nul doute le fait qu’il m’apprendra certaines techniques comme celles que je subis. Sans prévenir, voilà que l’une d’elle s’agite et siffle dans ma direction. Mon regard n’a presque pas le temps d’apercevoir la lame lumineuse approchée que mon corps réagit, avec un pas sur la droite, sûrement comme l'instinct de survie des mortels. Pas assez. La lame de lumière fend les airs et me taille le bras gauche, je n’arrive pas à penser à mon mana pour me déplacer par magie. J’ai à peine le temps de respirer qu’une deuxième épée déchire les airs.

— Non ! criais-je.

L’épée de lumière d’une main, je place ma main gauche face à moi au lieu de l'arme et ne parviens pas à situer mon corps dans l’espace. J’ai fermé les yeux et un autre type de douleur me parcourt. Lorsque je les ouvre, mon gant saigne et je remarque qu’il me manque une partie de l’annulaire. Je suis affolée, je n’ai jamais vu autant mon propre sang. Je serre les dents et tient la garde de la lame lumineuse. De toute manière, que j’acquiesce ou non, il semble être sans pitié et continue à me pousser jusqu’à mes retranchements.

— Je ne suis pas faible… Je ne suis pas faible !

Une goutte de sueur perle sur mon front, j’ai une envie de réussir si forte malgré tout. Seagan est là pour me faire pratiquer. Malheureusement pour moi, il me faut me concentrer avant de pouvoir réussir cette magie de téléportation. Mon oreille perçoit une lame venir de la droite, puis une autre et encore une autre. Ainsi de suie jusqu'à ce que je récapitule tout ce que je dois savoir pour réussir la manœuvre :

Anticiper.

Luvïel, ressent l’atmosphère et imprègne toi de leur trajectoire. Les lames fendent les airs en ligne droite. Ferme les yeux et écoute d’où elles proviennent. Comme pour moi-même, je parle dans mon esprit et espère comprendre le mécanisme.

Esquiver.

Un pas de côté ne suffira pas. Il me fallait être plus agile, plus rapide et pour cela, je peux très bien faire un saut sur le côté. Un bond devrait suffire.

Bloquer.

Une fois après avoir esquivée,  il se peut que l’ennemi ait matière à attaquer. Je dois me préparer à être assiégée et pouvoir stopper les coups de mon adversaire.

Je ne dois pas ouvrir les yeux ! Pourquoi ma peur est-elle si grande ? J’entends les épées qui virevoltent et qui s’acharnent sur ma peau de porcelaine, mes ailes ne me répondent plus. Je n’ose voir comment je suis, tout ce que je peux en dire, c’est que tous mes membres tremblent et que je sens du liquide s’écouler le long de mon corps. Je n’arrive plus à me concentrer, ma magie ne comprend pas ce que je lui demande. Comme si j’étais bloquée.

— Je… me sens … si chétive.

Seagan continuait à envoyer des salves d'épées de manière irrégulière. Certaines égratignaient, brulaient, coupaient le corps meurtri de Luvïel qui souffrait. C'était certain. Finement maitrisé, aucune blessure n'était mortel. Les coupures furent directement brulées avec le "Feu Divin" du haut prêtre, cautérisant la plaie dans une douleur intense.

Seagan s'approcha de l'ange tenant encore sur ses jambes, refusant de tomber sans pour autant trouver la solution.

— Tout n'est que perception. Le bien, le mal. La vie, la mort. La douleur, physique, mentale. Tout est guidé par la perception. Et tous peuvent agir différemment par rapport à ça. Mais la magie n'est pas perceptive. Elle est en chacun de nous. Elle entoure notre âme. Il est inutile d'invoquer une magie par sa pensée, sa volonté.

Seagan continua d'avancer, une épée déchira une aile de Luvïel en deux.

— Tu souffres, parce que c'est là ta perception de ta souffrance. Tu peux décider de mettre ça de côté ou de souffrir davantage. La magie est innée. C'est un sentiment de déjà vu, une intuition. Elle ne peut se contrôler par le cerveau. Elle ne peut se contrôler par les sentiments. À l'instar d'un nouveau-né qui ouvre ses poumons au premier contact de l'air, la magie est ainsi faite. Ne la bloque pas. Ne la retiens pas. Ne la réfléchis pas !

Une épée traversa la cuisse de Luvïel. Seagan la brûla instantanément. Une autre touchait son bras droit, Luvïel faillit lâcher son arme, Seagan attrapa son poignet et retenu sa tête pour qu'elle ne s'effondre pas. Il regarda l'ange dans ses yeux. Elle a pu constater que les épées allant sur Seagan étaient elles déviées par d'autres épées, comme des réflexes. Instinctives.

— Tu as vécu dans une ignorance trop longtemps. Protégée par les Titans, ta magie émané grâce à eux. Mais nos Titans sont à présent menacés, la magie ne doit venir que de toi désormais. Cesse de vouloir être protégée, c'est à ton tour de protéger !  Penses-tu à mourir ? Souhaites-tu survivre ? Ou veux-tu vivre ? Ta mission en ce monde est importante Luvïel. Cesse de penser. Cesse d'être dans le doute. Agis ! Maintenant, ou nous mourrons tous les deux !

Seagan relâcha sa protection et une épée lui entaille le flanc. Une autre se planta dans son dos. Il protégeait Luvïel de son corps, afin qu'elle cesse d'être faible. La seule solution de sortie est de se téléporter ensemble hors du dôme. Le sang coulait des lèvres de Seagan. La douleur, elle, était également très présente et malgré cela, Seagan souriait. Un sourire bienveillant, comme ci, cela n'était rien. Il n'avait pas confiance en Dame Luvïel. Il avait foi en elle, et ce, depuis le premier jour. C'était désormais à elle d'avoir également foi en ses capacités !

La douleur me frappe de plein fouet bien que les blessures soient purifiées. Un véritable calvaire qui me brise un peu plus à chaque instant. Le maître m’explique comment je dois libérer cette magie qui m’anime, qui existe, refoulée au plus profond de moi-même par des sentiments. Se sentir vivant, puis mourant, affligée par les épreuves et les maux tandis qu’une épée fend mon aile. Un cri déchire l’atmosphère, mon front est en sueur et se mélange avec mon sang. Je pleure de douleur. L’affliction que je subis, la plaie imperceptible au fond de mon être s’agrandit, le cocon de cristal dans lequel j’ai refoulé tous mes espoirs se craquèlent. Le monarque me rattrape pour ne pas faillir, j’observe la scène et comprends que tout est possible. Ma magie est mon être, elle est l’essence qui parcourt mes veines, mon souffle, mon coeur. Que serai-je sans elle ?

Les dernières paroles de Seagan me font l’effet d’un coup de poignard, bien plus virulent que les lésions causées par les lames et bien plus brûlantes que le feu divin. Les épées de lumière plongent dans le corps du monarque, mon poignet toujours prisonnier de sa main. Je suis étreinte par la souffrance et le sourire du maître, le sang se déverse de ses lèvres et je prends peur. Mon corps n’a qu’une seule envie, celle de se débattre et de prendre les lames à sa place. Je suis retenue dans cette position, me demandant comment je vais nous sortir de là. Dans mon esprit, je réfléchis à un endroit en dehors de cet enfer, je perçois une étrange énergie émaner de mon corps mais lorsqu’une épée s’abat sur lui une nouvelle fois, mon cœur s’arrête et mon esprit n’est plus très clair. Je pose mon front contre lui et n’arrête pas de crier :

— Je suis désolée, je suis désolée, je suis désolée…

Je me revois avec mes pères. Ils ont toujours veillé, peu importe où ils se trouvent, peu importe d’où ils me regardent, ma mission sur Sekaï ne doit pas se terminer ainsi. Je désire ardemment sauver ceux dans la détresse, je désire profondément protéger mon maître. Je laisse l’énergie qui m’envahit prendre possession de mon être tout entier, posant ma main gauche dans le dos lacéré du monarque, baigné de sang. D’autres épées filent comme le vent dans notre direction. Soudain, sans prendre le contrôle de mon être, la lumière baigne mon âme. J’ouvre grand les yeux, une lueur intense illumine les lieux et voilà que j’ai cette impression de n’être qu’une entité lumineuse traversant l’espace et le temps. L’effet dure quelques secondes avant de se dissiper.

Spoiler:

J’ouvre de nouveau les yeux et constate que nous nous sommes éloignés du dôme de lumière. Un sentiment d’exaltation me submerge et un sourire se dessine sur mon visage, jusqu’à ce que je détourne mon regard sur Seagan. Mon sourire se fige et mes émotions changent du tout au tout. Sans attendre,  j’approche mes mains contre lui et concentre ma magie pour soigner les blessures profondes. Mes forces sont faibles, mais je suis prête à y laisser encore des plumes. Une aura blanche parcourt mes mains et se diffuse, elle émet comme des faibles pulsations. D’un coup, je commence à ressentir de nouveau la douleur dans mon dos. Ce fut infernal. Me voilà abîmée mais forte. Rapiécée mais tenace. Les traces de brûlures sur la peau, une aile fendue en deux, le corps endolori et des yeux rougis, je fus détruite l’espace d’un instant. Tout en maintenant mes soins, je lui déclare d’une voix faible :

— On ne m’a jamais autant anéanti. Je comprends pourquoi les mortels ne désirent pas connaître de tels tourments. Je vais tout faire pour grandir et protéger les miens. Je peux entrevoir ce à quoi vous… tu t’es confronté.

Enfin, elle a réussi. La foi que Seagan avait en elle a porté ses fruits. Alors que la douleur de ses propres blessures s'amenuisèrent tandis que Luvïel le soignait, c'était le soulagement de la voir réussir qui fit sourire Seagan. Il savait de quoi elle était capable. Il l'avait ressenti la première fois que son regard s'était posé sur elle, dans cette même forêt. Une magie bien plus puissante sommeille en elle. Une magie pure. Celle d'un ange. Et aujourd'hui, il était persuadé que ce qu'elle avait montré n'était rien à son plein potentiel. Seagan se redressa. D'un geste, il enveloppa également sa magie de lumière autour de Luvïel. À cela, il ajoutait de la régénération pour ses ailes abimées. Après quelques secondes, elle était "physiquement" comme avant l'affrontement.

— Tu as réussi. Non pas à maitriser la téléportation, car pour cela, il te faudra t'entrainer davantage. Mais tu as réussi à comprendre comment la magie circule dans ton corps. J'aimerais essayer quelque chose d'autre avec toi.

Demande-t-il la permission d'essayer autre chose ? Non. Le Haut Prêtre connaissait l'urgence de la situation de Shoumei. L'heure n'était pas aux demandes ou à l'analyse. Et l'ont ne pouvait se contenter d'une simple téléportation. Il en fallait plus. S'entrainer davantage.

— Passons à un niveau supérieur.

Seagan s'approcha de Luvïel et posa son index sur son front. Il lit quelques souvenirs de Luvïel en surface. Il voit des moments de peine, de douleur, et décide d'aller dans cette direction. Ressentant la peur d'être seul qu'elle avait ressentie, il augmente cette émotion de peur pour rendre une illusion encore  plus crédible et puissante.

Illusion a écrit:Luvïel est plongée dans cette dite forêt. Le sentiment d'abandon est accentué, tout comme le sentiment de peur. Seagan est parti. Il avait une mission urgente à régler. Il l'avait abandonné en plein entrainement, alors qu'elle n'était pas prête. Soudain un fracas assourdissant. Elle retourna la tête, il s'agissait du Tensai Ryssen et une troupe de Barbare. Très vite, elle dut se téléporter pour se mettre hors de danger. Les troupes approchèrent rapidement d'une petite fille. Il s'agissait d'un réceptacle, celui du titan Aurya. Sans savoir pourquoi, elle pouvait ressentir l'aura du Titan. Mais dans cette forme, ce réceptacle, elle était bien plus chétive comme ci ses pouvoirs s'était évacué. Il fallait protéger l'enfant. Mais comment ? L'aura de Tensai Ryssen était puissante. Le moindre bruit provoquerait la mort imminente de l'ange.  

Seagan ressentait la peur de Luvïel. Seagan lança une attaque mentale envers son amie. Cette attaque donna le vertige, provoqua des nausées et augmenta le sentiment de panique.

Illusion a écrit:Aurya ne pouvait pas communiquer. Ses yeux étaient bandés, de sa voix aucun sons, comme si elle ne pouvait encore communiquer avec les êtres de notre monde. Elle se rapprochait de Tensai. Lui s'arrêta. Un de ses mages reconnu la magie du Titan. Il fallait faire quelque chose, autrement, Luvïel serait responsable de la mort d'un Titan sous sa forme la moins menaçante.

Mes cicatrices disparaissent, mes ailes fendues ne sont plus qu’un lointain souvenir et je sens un flux d’énergie parcourir tout mon être. Ce fut une épreuve bouleversante à tous les niveaux et je pense sincèrement que cet apprentissage va m’apporter bien plus que je ne l’espère. Pensant que nous pourrions avoir une pause après cet évènement, voilà qu’il souhaite améliorer l’exercice. Comment ça, un niveau supérieur ? Tandis qu’il s’approche, une angoisse me parcourt entièrement, mes aiguillettes tombent en arrière et mes ailes s'affaissent. J’ai peur. Son index touche mon front et voilà qu’en un battement de cils, le voilà disparu.

— Maître ?

Je me relève et balaye l’endroit du regard, l’odeur de verdure, le bruissement du vent dans les feuillages et le craquement du bois me rappellent ma première demeure. Où est-il ? Que s’est-il passé ? Je ne me sens pas très bien. Après avoir entendu un bruit sourd derrière moi, voilà que je distingue un homme avec des cornes, une musculature imposante et un visage dur. Celui-ci est entouré de quelques hommes, je ne comprends pas ce qu’il se passe. Je ne peux pas attendre Seagan, je dois partir. M’échappant à une certaine distance, je reste aux aguets et surveille l’avancée de ces étrangers. A la vue de ces hommes, j’ai l’impression d’être prise au piège. Pourquoi m’avoir laissé seule ? Je pose une main devant ma bouche pour cacher mon souffle. Mon cœur palpite et je n’ose pas parler, de peur que l’on me repère. Tout d’un coup, je perçois une magie que j’ai déjà connue… Aurya ? Je contemple une petite fille, seule dans ces bois, non loin du cornu et des barbares. Je ne peux pas bouger, de peur qu’ils me repèrent.

*Pense, Luvïel. Réfléchis ! Tu ne vas pas abandonner cette petite fille. Tu ne veux pas qu’il lui arrive malheur. Comment faire ?*

Soudain, je crois m’évanouir et mon estomac se retourne, les images tournent et je déglutis péniblement. Je tente de retrouver mes esprits et de surveiller la jeune Aurya, ou du moins celle qui en possède sa magie. Mes mains posées sur le sol, je pose ma tête contre le sol et attend que la sensation s’en aille. Tout n’est que perception. Je rabats mes ailes et me relève avec difficulté, n’ayant jamais été aussi malade. Est-ce ma peur qui me tourmente ? Non. Il y a autre chose.

La forêt me paraît plus sombre, les branches des arbres sont telles des mains noircies et crochues, prêtes à agripper n’importe qui. Le pas lourd des hommes est assourdissant, l’atmosphère est pesante et je sens mon cœur se serrer un peu plus à chaque instant. Je manque de suffoquer par une peur grandissante. Il m’a abandonné, laissé aux mains de l’ennemi.

*Tu ne peux compter que sur toi-même, Luvïel. Tu es et seras la seule capable de te sortir de cette situation. Grandis. Éveilles toi.*

Je prends une profonde inspiration et tente de reprendre le contrôle de mes émotions. Scrutant du regard la scène, je distingue un bandeau cachant le regard de la petite fille. Elle ne peut pas me voir et semble ne pas parler. Bon sang. Pourquoi faut-il qu’elle aille en plus dans la mauvaise direction ? J’aurai pu lui envoyer des petites boules lumineuses pour l’appater seulement, la titan est aveuglée. Fixant la jeune fille, je n’ai qu’une envie, celle de venir la protéger et l’inviter à rejoindre une autre trajectoire. Malheureusement pour moi, comme si ça ne suffisait pas, un des barbares s’arrête et regarde le sentier menant à Aurya. Les bois sont sombres, l’atmosphère est tendue et mon envie de voler à son secours de plus en plus forte. Néanmoins, je suis prise de doute et une immense peine me submerge. Et si je n'y parvenais pas ?

Je laisse alors ma magie m’envahir et me concentre sur Aurya, l’appelant par la pensée, cherchant à l’atteindre. Rien. Ses mouvements se dirigent toujours vers le mastodonte et ses sbires. Je grince des dents et fronce les sourcils, comment ne peux-tu pas écouter ta propre fille, Aurya ? Je persiste et continue à répéter incessamment la même phrase, les mêmes paroles :

*Retourne-toi et cours. Retourne-toi et cours. Retourne-toi…*

Je frappe le sol avec mon poing, est-ce que mon acharnement portera ses fruits ? J’hurle à l’intérieur, j’enrage et commence à perdre patience.

*Aurya, Aurya, pas par là !* criai-je intérieurement.

— Bouge de là … dis-je dans un murmure.

dans l'illusion a écrit:Aurya se retourne en direction de Luvïel. Son regard était empli de peur, de panique.

— Qui ?

Sa voix douce et fragile fut perçue par un de soldat Reikois qui montrait la direction de la jeune fille du doigt. Tensai, lui, détacha une épaisse hache de son fourreau et d'un geste vif, coupa le tronc de plusieurs arbres. Le fracas fut tonitruant. Les arbres tombèrent l'un après l'autre d'une facilité déconcertante. Un, deux, trois, bientôt une dizaine d'arbres furent au sol. La jeune fille était désormais en face à face avec l'armée. Tensai pris la parole.

— Capturez-là !

Et là, comme un ordre des plus perçants, les soldats coururent vers la petite qui se retourna pour fuir, mais elle ne connaissait pas la forêt, elle ne savait pas où se cacher. Plus tôt, elle avait entendu la bride d'une voix. Elle pria les titans de lui fournir leur aide.

Seagan lui, restait concentré. Son doigt sur le front de Luviël. Il augmenta méticuleusement la pression de sa magie mentale et communiqua avec sa protégée.

— Concentre ton flux de magie vers ta cible, prends confiance, tu ouvriras un canal de communication sûr. C'est comme lorsque tu te parles à toi-même dans ta tête, hormis que c'est dans la tête d'un autre. Calme-toi malgré la panique infligée. Garde tes esprits Luvïel. Tu en es capable.

Seagan maintenait davantage la pression. Il savait que son pouvoir obstruait ce dit canal. Il savait que c'était bien plus simple sans contrôle mental. Mais il savait aussi que si elle parvenait à trouver le flux de magie en étant perturbée, il lui serait bien plus aisé de le faire en d'autre circonstance. C'est comme apprendre à un enfant à nager en le jetant dans une rivière. Soit il y parvient, soit il se noie.

Outsider no more

Cette concentration m’épuise mentalement, cherchant au plus profond de mes ressources pour atteindre l’esprit de la petite fille et l’aider à s’enfuir. Seulement, c’était sans compter sa réaction à voix haute qui permit aux soldats de la repérer et de la pourchasser. Elle se met à cavaler sans savoir quel chemin prendre, complètement paniquée et la peur au ventre. D’un coup de battement d’aile, je me mets à la suivre en restant à une certaine distance entre Tensai et moi. Tandis que la voix de Seagan résonne dans mon esprit, aussi claire que de l’eau de roche, je tente de le croiser du regard mais ne l’aperçoit nulle part. Il m’explique brièvement comment tenter de réussir à communiquer, à laisser mes émotions de côté et prendre une certaine confiance pour trouver ce flux magique. Je dois faire comme lors de l’entraînement précédent, ressentir cette essence qui résonne en moi. J’ai une espèce d’angoisse croissante, mon cœur accélère et ma vision rétrécit. Je reste obnubilée par le réceptacle qui se démène pour survivre. Malgré cette pression, je garde mon calme et me focus sur un unique but : sauver une innocente.

“Je serai tes yeux. Continue ta trajectoire, je vais les distraire. Cours tout droit sans jamais t’arrêter. Sors de cette forêt.”

Je vois la gamine qui ne se retourne pas et continue toujours à s’arracher la peau des jambes et des bras à cause des ronces et des épines. Les buissons et les racines la ralentissent, il est de mon devoir de m’occuper une bonne fois pour toute de ce danger. Je n’ai pas peur. Je serai prête à y laisser ma vie, surtout pour permettre à un innocent de vivre. La parole ne suffira plus, je l’ai bien compris. Je dois agir, il est temps que j'arrête de rester en arrière sans pouvoir faire quoi que ce soit. Il est l’heure.

Danger.

J’affronterai les dangers sans me retourner, je serai prête à tendre les bras et à souffrir pour sauver les miens, prête à accepter que plus jamais je retournerai au royaume divin car ma place est ici. Je n’ai plus peur de mourir car il me faut affronter la vérité. Même si je vis depuis des années, des millénaires, il est certain que la mort m’attendra un jour ou l’autre. Toute chose a une fin. Alors c’est avec le sourire aux lèvres que je m’approche des soldats, pénétrant leur esprit et cherchant à les faire fuir de terreur. Après tout, les Hommes ressentent aussi l’anxiété et la terreur. D’une voix grave et solennelle, je leur intime à chacun d’eux que la mort les attend de pied ferme. Je serai là pour les cueillir sans sourciller.

Mort.

Les soldats reikois ne reculeront devant rien, ils ont été dressés comme des chiens, tuant et massacrant sous les ordres de cet odieux Drakyn. Tensai. J’entre dans une colère noire, souhaitant me libérer de mes chaînes et cherchant à affronter la vérité. Je ne cautionnerai plus ni l'échec ni la peur. Je tente de pénétrer dans l’esprit de ce roi enragé, de ce cornu au regard meurtrier, à qui je ferai la peau. Dans son esprit, j’ose croire qu’il m'entend et qu’il comprend que sa mort viendra.

“Plus jamais tu ne toucheras les miens. Plus jamais tu tueras ma famille. Je vais faire de ta mort un exemple et permettre au monde de se débarrasser d’un affligé ! Affronte-moi !”

Je rentre dans une forte rage et commence à me dresser entre la petite fille et ces hommes qui la suivent, armes en main. Maintenant qu’ils ont vu qui je suis, que j’ai pu les mettre en garde que leur mort est imminente, moi, fille des titans, je suis prête à me sacrifier pour permettre à cette jeune fille de disparaître au-delà des bois. Je communique une dernière fois avec elle, d’une voix sévère :

“Pars. Ne te retourne pas. Adieu, Aurya.”

dans l'illusion a écrit:L'expression de Aurya changea. Elle se figea sans se retourner comme lui a dit la voix. Elle ne comprenait alors non pas juste le message, mais l'intensité de celui-ci. Un ange allait risquer sa vie pour elle. Comme cherchant au fond d'elle une énergie gigantesque, Aurya s'effondra et lâcha une gigantesque vague d'énergie belle et destructrice. Cette énergie plongea tout le monde dans une douceur semblable à un bain chaud. Luvïel se réveilla, cassant en même temps l'illusion de Seagan.

Seagan tenait Luvïel dans ses bras. Elle était épuisée. Elle avait réussi. Elle avait pu faire don de son être, vaincre sa peur pour devenir plus forte.

— Tu es extraordinaire Luvïel. Je suis heureux que nos chemins se soient croisés.

L'instant d'après, Seagan se téléporta avec Luvïel dans le temple de Celestia. Elsa était là. Elle regardait Luvïel, son regard était inquiet.

— Que s'est-il passé, votre grandeur ?

Seagan déposa délicatement le corps fragile de Luvïel dans un lit bien chaud. Physiquement, elle était complètement guérie. Sa magie, elle, était désormais faible. Elle avait besoin de plusieurs jours de Repos (Seagan aussi d'ailleurs, mais il ne le montrera pas). Il regardait Luvïel dormir comme une enfant et se souvint de l'époque où il soignait son peuple. Une époque où il était souverain d'amour et de pardon. Puis la réalité lui revint. Celle de la trahison et le regard de Seagan redevint sévère.

— Vous avez une maitresse digne de la confiance des Divins. Prenez bien soin d'elle. Elle retrouvera ses forces dans quelques jours.

Il se retourna et se dirigea dans son temple privé. Sans se retourner, il dit à Elsa.

— N'oubliez jamais, l'amour est un sentiment très puissant... Trop. Parfois.  

Une phrase des plus énigmatique venant du Haut Prêtre du Nouvel Ordre, laissant Elsa de marbre, interrogative. Seagan, lui entra dans son temple et ne sortira que quelques jours plus tard.